Vu le recours, enregistré le 6 janvier 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DU DEVELOPPEMENT RURAL ; le ministre demande que le Conseil d'Etat :
1° annule l'article 1er du jugement en date 23 octobre 1992 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé, à la demande de la confédération paysanne de l'Hérault, la décision du préfet de l'Hérault du 16 juillet 1990 refusant à cette dernière l'habilitation prévue par l'article 1er du décret du 28 février 1990 ;
2° rejette la demande présentée par la confédération paysanne de l'Hérault devant le tribunal administratif et dirigée contre cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, notamment son article 75-1 ;
Vu le décret n° 90-187 du 28 février 1990, notamment son article 1er ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lévis, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de la confédération paysanne de l'Hérault et de Me Ricard, avocat de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles de l'Hérault,
- les conclusions de M. Descoings, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 28 février 1990 : "Sont habilitées à siéger dans les départements au sein des commissions ou organismes mentionnés à l'annexe I du présent décret, selon les modalités fixées par les dispositions régissant ces commissions ou organismes, les organisations syndicales à vocation générale d'exploitants agricoles qui satisfont aux conditions suivantes : 1° Justifier d'un fonctionnement indépendant, régulier et effectif depuis cinq ans au moins ; 2° Avoir obtenu dans le département plus de 15 p. 100 des suffrages exprimés lors des élections à la chambre d'agriculture (collège des chefs d'exploitation et assimilés) ; lorsque deux organisations syndicales ont constitué une liste d'union ayant obtenu plus de 30 p. 100 des suffrages, elles sont réputées satisfaire l'une et l'autre à cette condition ( ...). La liste des organisations répondant à ces conditions est établie et tenue à jour par le préfet. La radiation d'une organisation ne peut être prononcée qu'après que celle-ci a été mise à même de présenter ses observations" ;
Considérant qu'à la suite des élections à la chambre d'agriculture qui se sont déroulées le 31 janvier 1989 dans le département de l'Hérault, le préfet de l'Hérault a, par un arrêté en date du 16 juillet 1990 pris en application du dernier alinéa de l'article 1er précité, établi la liste prévue audit alinéa ; que la confédération paysanne de l'Hérault (C.P.H.) a attaqué cet arrêté en tant qu'il lui a refusé l'habilitation prévue par les dispositions précitées ;
Sur l'intervention de la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles de l'Hérault :
Considérant que la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles de l'Hérault a intérêt au maintien de la décision attaquée ; que, par suite, son intervention est recevable ;
Sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la demande introductive d'instance :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le "comité syndical" chargé, en vertu des statuts de la confédération paysanne de l'Hérault dans leur rédaction résultant de la délibération de l'assemblée générale du 20 juillet 1989, d'administrer le syndicat, a donné, le 23 juillet 1990, mandat à M. X... pour présenter, au nom du syndicat, la demande introductive d'instance ; que, dès lors, la fin de non-recevoir tirée de ce que M. X... n'aurait pas eu qualité pour présenter, au nom du syndicat, la demande introductive d'instance, ne peut qu'être écartée ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant, en premier lieu, que le "Mouvement d'Intervention Viticole Occitan du département de l'Hérault-travailleurs Paysans" (MIVOC-TP), créé en 1982, et qui justifie, ainsi qu'il ressort des pièces du dossier, d'un fonctionnement indépendant, régulier et effectif depuis sa création, a décidé, par une délibération de son assemblée générale en date du 20 juillet 1989, de prendre l'appellation de "confédération paysanne de l'Hérault" ; qu'il en résulte que la confédération paysanne de l'Hérault, qui s'était ainsi substituée au "MIVOC-TP", devait être regardée, à la date de la décision attaquée, comme remplissant la condition d'ancienneté prévue par le 1° du 1er alinéa de l'article précité ;
Considérant, en second lieu, que lors des élections à la chambre d'agriculture du 31 janvier 1989, la liste "Solidarité Viticole et Agricole", soutenue par un syndicat à vocation générale, le MIVOC-TP, lequel agissait alors déjà sous le nom de "Confédération Paysanne", et par des syndicats spécialisés et des organismes non syndicaux, a obtenu 34,49 % des suffrages ; que, dans ces conditions, la confédération paysanne de l'Hérault, succédant au MIVOC-TP, devait être regardée, à la date de l'acte attaqué, et alors même que ce changement d'appellation a été postérieur aux élections, comme remplissant la condition relative aux suffrages obtenus, prévue par le 2° de l'article 1er précité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, qu'ainsi que l'a décidé le tribunal, le préfet ne pouvait légalement refuser à la confédération paysanne de l'Hérault l'habilitation prévue par l'article 1er du décret du 28 février 1990 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision susanalysée du préfet de l'Hérault en date du 16 juillet 1990 ;
Sur la demande présentée par la confédération paysanne de l'Hérault au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que la confédération paysanne de l'Hérault demande, sur le fondement de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 12 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à cette demande ;
Article 1er : L'intervention de la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles de l'Hérault est admise.
Article 2 : Le recours du MINISTRE DE L'AGRICULTURE est rejeté.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 la somme de 12 000 F à la confédération paysanne de l'Hérault.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation, à la confédération paysanne de l'Hérault et à la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles de l'Hérault.