Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 juin 1990 et 5 octobre 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Bernard Y..., demeurant ... ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 27 mars 1990 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 août 1989 par laquelle le maire de Nevers a prononcé son licenciement de ses fonctions de chargé de cours au conservatoire national de musique de cette ville ;
2°) d'annuler la décision du maire de Nevers en date du 18 août 1989 ;
3°) de condamner la commune de Nevers à lui verser la somme de 20 000 F au titre de l'article 1er du décret n° 88-907 du 2 septembre 1988 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Silicani, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de M. Bernard Y...,
- les conclusions de M. Daël, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 122-11 du code des communes : "Le maire est seul chargé de l'administration ; mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints, et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints, à des membres du conseil municipal" ; que l'article L. 122-29 de ce même code prévoit que "les arrêtés du maire ne sont exécutoires qu'après avoir été portés à la connaissance des intéressés, soit par voie de publication ou d'affiches, toutes les fois qu'ils contiennent des dispositions générales, et, dans les autres cas, par voie de notification individuelle" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du maire de Nevers, en date du 18 mars 1989, qui donnait délégation de fonctions à M. X... pour toutes les affaires concernant le personnel, l'organisation et l'information, n'a pas été affiché ; que si la commune de Nevers soutient que l'arrêté de délégation a été publié dans le Journal du Centre du 20 mars 1989, le bulletin d'information de la commune de Nevers du mois de mai 1989, ainsi que dans le journal interne de la mairie de Nevers "flash info" n° 11, ces documents ne mentionnent ni la date, ni le contenu exact de l'arrêté ; que la circonstance que la séance du 18 mars 1989 au cours de laquelle le conseil municipal a élu les adjoints et au cours de laquelle il a été informé sur les délégations que le maire leur donnait était publique, est sans influence sur les conditions de publication de l'arrêté attaqué ; que, dès lors, cet arrêté qui n'a pas fait l'objet d'une publication régulière, n'était pas opposable à la date du 18 août 1989 à laquelle le maire de la commune de Nevers a prononcé son licenciement de ses fonctions de chargé de cours au conservatoire national de musique de cette commune ; que cette décision, signée par M. X..., émane d'une autorité incompétente ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande dirigée contre la décision en date du 18 août 1989 par laquelle le maire de Nevers a prononcé son licenciement ;
Sur les conclusions de M. Y... tendant à l'application des dispositions de l'article 1er du décret du 2 septembre 1988 :
Considérant que le décret du 2 septembre 1988 ayant été abrogé par le décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991, les conclusions de M. Y... doivent être regardées comme demandant la condamnation de la commune de Nevers sur le fondement de l'article 75-I de cette loi ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner la commune de Nevers à verser à M. Y... la somme de 10 000 F au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 27 mars 1990 ensemble la décision du maire de Nevers en date du 18 août 1989 sont annulés.
Article 2 : La commune de Nevers versera à M. Y... la somme de 10 000 F au titre de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Bernard Y..., au maire de Nevers et au ministre de l'intérieur.