Vu le recours enregistrée le 7 novembre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 16 juillet 1991 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a réformé le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 4 juillet 1989 accordant à la SARL "Société des produits textiles de l'Agoût", la réduction de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1985, 1986 et 1987, dans les rôles de la commune de Castres ;
2°) de renvoyer l'affaire devant la cour administrative de Bordeaux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Le Menestrel, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 1 à 4 de la loi du 2 février 1968 codifiés sous les articles 1496 et suivants du code général des impôts que la valeur locative des locaux commerciaux, est déterminée à la date de référence de la précédente révision générale, laquelle a été fixée au 1er janvier 1970 par l'article 39 du décret n° 69-1076 du 28 novembre 1969 codifié à l'article 324 AK de l'annexe III au code général des impôts, pour être ensuite actualisée selon les modalités prévues par les articles 1 à 3 de la loi du 18 juillet 1974, codifiés aux articles 1516 et suivants du code général des impôts ; qu'il résulte tant de l'article 10 de la loi du 2 février 1968 que de l'article 2 de la loi du 18 juillet 1974, codifiés à l'article 1517 du code général des impôts que ces principes s'appliquent également aux locaux ayant fait l'objet de changements de consistance ou d'affectation ainsi qu'aux immeubles achevés postérieurement à la date de référence de la précédente révision générale, dont la valeur locative doit être fixée dans les conditions prévues aux 2° et 3° de l'article 1498 du code général des impôts ;
Considérant qu'en décidant que la valeur locative des locaux que la SARL "société des produits textiles de l'Agoût" possède dans un ensemble immobilier situé ... devait être déterminée d'après les baux existants au 1er janvier des années d'imposition, la cour administrative d'appel de Bordeaux a fait une inexacte application des dispositions ci-dessus analysées du code général des impôts ; qu'ainsi le ministre requérant est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision de la juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour accorder, par le jugement attaqué, à la "société des produits textiles de l'Agoût" une réduction de la taxe foncière à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1985 à 1987, le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur ce que l'administration aurait dû retenir, pour les locaux susmentionnés, la valeur locative ressortant de la location effectivement consentie par le propriétaire ; que le ministre est fondé à demander l'annulation, pour ce motif, dudit jugement ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par ladite société devant le tribunal administratif de Toulouse ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient la société, les locaux susmentionnés devaient, compte-tenu de la nature des travaux qui y avaient été effectués, être regardés comme ayant fait l'objet d'un changement de consistance ou d'affectation au sens des dispositions susmentionnées de l'article 1517 du code général des impôts ; que, par suite, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que ladite société n'est pas fondée à soutenir que ladite valeur locative ne pouvait être fixée par comparaison, dans les conditions prévues au 2° del'article 1498 du code général des impôts qui lui étaient applicables ;
Article 1er : L'arrêt en date du 16 juillet 1991 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : Le jugement du 4 juillet 1989 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 3 : La taxe foncière sur les propriétés bâties, assignée à la "société des produits textiles de l'Agoût" au titre des années 1985 à 1987 à raison de l'immeuble dont elle est propriétaire à Castres, est intégralement remise à sa charge.
Article 4 : La demande présentée par la "société des produits textiles de l'Agoût" devant le tribunal administratif de Toulouse estrejetée.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre du budget et à la "société des produits textiles de l'Agoût".