Vu la requête introductive d'instance et le mémoire complémentaire enregistrés les 29 janvier 1987 et 20 mai 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE DU ... A SAINT-OUEN, représentée par son gérant en exercice, demeurant ... ; la société demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 13 novembre 1986 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en décharge de la cotisation à l'impôt sur les sociétés qui lui a été réclamée au titre des exercices clos les 31 décembre 1974 et 1975 dans les rôles de la commune de Maresche,
2°) lui accorde la décharge de ladite imposition ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Bachelier, Maître des requêtes,
- les observations de Me Ricard, avocat de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE DU ... A SAINT-OUEN,
- les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;
Sur le principe de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés :
Considérant qu'en vertu de l'article 206-2 du code général des impôts, les sociétés civiles sont passibles de l'impôt sur les sociétés si elles se livrent à des opérations visées à l'article 35 du même code ; qu'il résulte de ce dernier article qu'ont le caractère de bénéfices industriels et commerciaux "les bénéfices réalisés par les personnes ... qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles ..." ; que l'application de ces dispositions est subordonnée à la double condition que les opérations procèdent d'une intention spéculative et présentent un caractère habituel ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE DU ... A SAINT-OUEN a acquis en 1959 un immeuble situé à cette adresse qu'elle a divisé en 38 lots ; qu'entre 1964 et 1974 elle a revendu 15 des 38 lots ainsi créés ;
Considérant que la société a signé des promesses de vente à certains locataires dès leur entrée dans les lieux ; qu'elle n'a apporté aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles elle aurait procédé à l'acquisition de l'immeuble en cause dans le but de se constituer un patrimoine, ou qu'elle aurait cédé des lots pour satisfaire aux exigences de la gestion de son patrimoine ou pour financer la remise en état des logements dont elle restait propriétaire ; qu'ainsi la société doit être regardée comme ayant procédé à l'acquisition de l'immeuble dans une intention spéculative ; qu'en raison de la continuité et du nombre des transactions, et nonobstant leur étalement sur une longue période, les cessions consentiespar la société ont revêtu un caractère habituel ;
Considérant dès lors que la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE DU ... A SAINT-OUEN, bien que n'ayant acquis qu'un seul immeuble, se livrait à une activité commerciale de marchand de biens ; que, par suite, elle entrait dans les prévisions des dispositions susmentionnées du code général des impôts et était imposable à l'impôt sur les sociétés au titre des années 1974 et 1975 ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'avant même l'entrée en vigueur des dispositions de l'article L.13 du livre des procédures fiscales, il résultait de l'ensemble des dispositions du code général des impôts relatives aux opérations de vérification de comptabilité que celles-ci devaient se dérouler sur place, en principe, chez le contribuable ou au siège de l'entreprise vérifiée, soit dans le cas d'une société, au siège social ou, si celui-ci était distinct du siège effectif, à ce dernier ;
Considérant que si la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE DU ... A SAINT-OUEN qui, compte tenu de la nature de son activité, était astreinte à la tenue d'une comptabilité, soutient que la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, en matière d'impôt sur les sociétés, au titre des exercices clos les 31 décembre 1974 et 1975, aurait dû être effectuée à son siège social, elle ne conteste pas qu'elle n'y avait aucun représentant et que sa comptabilité était tenue, ainsi que celles des autres sociétés civiles immobilières dont son gérant M. X... assurait également la gérance, au domicile de celui-ci ; qu'ainsi, et en tout état de cause, le domicile de M. X... constituait le siège effectif de la société, ce qui autorisait l'administration à y procéder à la vérification de la comptabilité de cette dernière ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant que, pour contester le bien-fondé de l'imposition, la société civile immobilière requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, reprises à l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, dès lors qu'elle ne demande pas à bénéficier d'une interprétation donnée par l'administration d'un texte fiscal ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE DU ... A SAINT-OUEN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est pas entaché d'une violation de la chose jugée, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Article 1er : La requête susvisée de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE DU ... A SAINT-OUEN est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE DU ... A SAINT-OUEN et au ministre du budget.