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15/05/1992 | FRANCE | N°111257

France | France, Conseil d'État, 6 ss, 15 mai 1992, 111257


Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 31 octobre 1989 et le 24 février 1990, présentés par le RASSEMBLEMENT DES OPPOSANTS A LA CHASSE (R.O.C.), ayant son siège à Saint-Quentin (02106), Boîte postale 261, représenté par son président en exercice régulièrement mandaté ; le RASSEMBLEMENT DES OPPOSANTS A LA CHASSE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 août 1989 par lequel le secrétaire d'Etat chargé de l'environnement a autorisé l'emploi

de pièges-cages dits "matoles" pour la capture de l'alouette des champs da...

Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 31 octobre 1989 et le 24 février 1990, présentés par le RASSEMBLEMENT DES OPPOSANTS A LA CHASSE (R.O.C.), ayant son siège à Saint-Quentin (02106), Boîte postale 261, représenté par son président en exercice régulièrement mandaté ; le RASSEMBLEMENT DES OPPOSANTS A LA CHASSE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 août 1989 par lequel le secrétaire d'Etat chargé de l'environnement a autorisé l'emploi de pièges-cages dits "matoles" pour la capture de l'alouette des champs dans les départements des Landes, du Lot-et-Garonne et du Tarn-et-Garonne et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 F à titre de dommages et intérêts pour frais de procédure ;
2°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution de cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention de Paris du 19 mars 1902 ;
Vu la directive communautaire n° 79-409 du 2 avril 1979 relative à la conservation des oiseaus sauvages ;
Vu la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 portant protection de la nature ;
Vu les dispositions des articles 373 et 376 du code rural ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Touraine-Reveyrand, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Waquet, Farge, Hazan, avocat de l' Union nationale des fédérations départementales de chasseurs,
- les conclusions de Mme de Saint-Pulgent, Commissaire du gouvernement ;

Sur l'intervention de l'union nationale des fédérations départementales de chasseurs :
Considérant que l'union nationale des fédérations départementales de chasseurs a intérêt au maintien de l'arrêté attaqué ; qu'ainsi son intervention est recevable ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant que la convention internationale du 19 mars 1902 a pour objet la protection des oiseaux utiles à l'agriculture, dont elle fixe la liste dans une annexe ; que cette liste ne comporte aucune des espèces d'oiseaux qui font l'objet de chasses traditionnelles et ne comporte notamment pas les alouettes dont la chasse est réglementée par l'arrêté attaqué ; qu'ainsi et, en tout état de cause, cette convention est inapplicable en l'espèce ;
Considérant que si le requérant soutient que l'arrêté attaqué aurait été pris en contradiction avec la directive de la communauté européenne, en date du 2 avril 1979, relative à la conservation des oiseaux sauvages, il résulte de l'arrêt de la cour de justice des communautés européennes en date du 27 avril 1988 que la réglementation française qui autorise la chasse de l'alouette au moyen de matoles constitue une dérogation à l'article 8 de la directive, régulièrement notifiée à la commission en application de l'article 9, paragraphe 4, et justifiée au regard desdispositions de l'article 9, paragraphe 1 c), de ladite directive ; qu'ainsi ce moyen ne saurait être accueilli ;
Considérant que les alouettes ne figurent pas sur la liste des espèces animales devant bénéficier d'une protection intégrale, dressée par l'arrêté du ministre de l'environnement en date du 17 avril 1981, pris pour l'application de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature ; que l'arrêté attaqué prescrit que tout gibier autre que l'alouette des champs, qui serait pris dans les matoles au moment de la chasse à l'alouette, devra être aussitôt relâché ; qu'ainsi l'arrêté attaqué ne méconnaît pas les dispositions de l'article 3 de la loi précitée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 373 du code rural, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué, "Dans le temps où la chasse est ouverte, le permis donne à celui qui l'a obtenu le droit de chasser de jour, soit à tir, soit à courre, à cor et à cri, soit au vol, suivant les distinctions établies par des arrêtés du ministre de l'agriculture, sur ses propres terrres et sur les terres d'autrui avec le consentement de celui à qui le droit de chasse appartient. Pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective, la chasse de certains oiseaux de passage en petites quantités, le ministre chargé de la chasse autorise, dans les conditions qu'il détermine, l'utilisation des modes et moyens de chasse consacrés par les usages traditionnels, dérogatoires à ceux autorisés par l'alinéa précédent" ; qu'il est constant que la capture de l'alouette des champs , oiseau de passage, au moyen de matoles, constitue dans les départements des Landes, du Lot-et-Garonne et du tarn-et-Garonne un mode de chasse consacré par les usages traditionnels ; que le ministre chargé de la chasse pouvait donc légalement, conformément aux dispositions de l'article 373, alinéa 2, déroger aux dispositions de l'article 373, alinéa 1er, précité et autoriser ce mode de capture ; que l'arrêté attaqué qui, d'une part, soumet ce mode de chasse à des spécifications techniques très précises et, d'autre part, impose de relâcher tout gibier autre que l'alouette des champs, n'a pas méconnu le caractère sélectif requis sur l'article 373, alinéa 2, du code rural ;
Considérant qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté attaqué : "Le nombre maximum d'oiseaux pouvant être capturés pendant la campagne ainsi, le cas échéant, que les spécifications techniques propres à un département sont fixées chaque année par le ministre chargé de la chasse" ; que ces dispositions sont de nature à permettre au ministre d'adapter la réglementation à l'évolution des différents éléments à prendre en considération dans chacun des départements et notamment de la population totale d'oiseaux dont la capture est autorisée ; qu'en se bornant ainsi à laisser au ministre compétence pour fixer dans chacun des départements concernés et pour chaque campagne de chasse, le nombre maximum d'oiseaux pouvant être capturés, l'arrêté attaqué n'a pas méconnu l'obligation de limiter la capture de l'alouette des champs à de petites quantités ;

Considérant, enfin, que les dispositions des articles 5, 6, 7, 8, 11 et 12 de l'arrêté attaqué sont de nature à permettre un contrôle strict des conditions d'exercice du mode de capture autorisé ; qu'ainsi l'arrêté attaqué ne méconnaît pas les dispositions de l'article 373, alinéas 1er et 2 ; que si les requérants allèguent que l'administration ne serait pas en mesure d'exercer un contrôle sur les dispositions de l'arrêté attaqué, cette circonstance, à la supposer établie, est sans influence sur la légalité desdites dispositions ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le RASSEMBLEMENT DES OPPOSANTS A LA CHASSE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté ministériel du 17 août 1989 relatif à la capture des alouettes des champs au moyen de matoles dans les départements des Landes, du Lot-et-Garonne et du Tarn-et-Garonne ;
Sur les conclusions relatives aux frais irrépétibles :
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, le RASSEMBLEMENT DES OPPOSANTS A LA CHASSE n'est pas fondé à demander le remboursement des frais irrépétibles ;
Article 1er : L'intervention de l'union nationale des fédérations départementales de chasseurs est admise.
Article 2 : La requête du RASSEMBLEMENT DES OPPOSANTS A LA CHASSE est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au RASSEMBLEMENT DES OPPOSANTS A LA CHASSE, à l'union nationale des fédérations départementales de chasseurs et au ministre de l'environnement.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

AGRICULTURE - CHASSE - REGLEMENTATION.

COMMUNAUTES EUROPEENNES - APPLICATION PAR LE JUGE ADMINISTRATIF FRANCAIS DES REGLES DE DROIT COMMUNAUTAIRES - PRISE EN COMPTE DES DECISIONS DE LA COUR DE JUSTICE - INTERPRETATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE.


Références :

CEE Directive 409-79 du 02 avril 1979 Conseil conservation oiseaux sauvages
Code rural 373
Convention du 19 mars 1902 protection oiseuax utiles à l'agriculture
Loi 76-629 du 10 juillet 1976 art. 3


Publications
Proposition de citation: CE, 15 mai. 1992, n° 111257
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Touraine-Reveyrand
Rapporteur public ?: Mme de Saint-Pulgent

Origine de la décision
Formation : 6 ss
Date de la décision : 15/05/1992
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 111257
Numéro NOR : CETATEXT000007819950 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1992-05-15;111257 ?
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