Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 3 janvier 1990 et 12 mars 1990, présentés pour M. Pierre Y..., demeurant "Résidences Tinnerella" à Porticcio (Corse du Sud) ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 1er décembre 1989 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 septembre 1988 par lequel le maire de Grosseto-Prugna a accordé un permis de construire à M. X... sur le lot n° 22 du lotissement "Résidences Tinnerella" ;
2°) annule pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) décide qu'il sera sursis à son exécution ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Duléry, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Jousselin, avocat de M. Pierre Y...,
- les conclusions de M. Dutreil, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions à fin de non-lieu à statuer :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la construction que M. X... a été autorisé à édifier par l'arrêté attaqué du maire de Grosseto-Prugna en date du 30 septembre 1988, a été réalisée selon les plans annexés à ce permis et se trouve à ce jour entièrement achevée ; que si le maire a accordé à M. X... un permis de construire modificatif ramenant la construction précédemment autorisée à une hauteur de quatre mètres, l'intervention de cette décision qui n'a entraîné ni modification des plans ni modification de la construction elle-même, n'a pas rendu sans objet le pourvoi de M. Y... dirigé contre l'arrêté du 30 septembre 1988 ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant qu'aux termes de l'article R.490-7 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue du décret du 28 avril 1988 : "Le délai de recours contentieux à l'encontre d'un permis de construire court à l'égard des tiers à compter de la plus tardive des deux dates suivantes : a) le premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées, selon le cas, au premier ou au deuxième alinéa de l'article R.421-39 ; b) le premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage en mairie des pièces mentionnées au troisième alinéa de l'article R.421-39" ;
Considérant qu'en admettant même que l'affichage du permis de construire sur le terrain ait été effectué à partir du 7 novembre 1988, aucune preuve n'est rapportée de la date à compter de laquelle ce permis a été affiché en mairie ; que, par suite, la demande de M. Y... enregistrée au greffe du tribunal administratif le 30 janvier 1989 n'était pas tardive ;
Sur la léalité de l'arrêté du 30 septembre 1988 :
Considérant qu'il ressort du règlement du lotissement dénommé "Résidences Tinnerella", modifié notamment par un arrêté du maire de Grosseto-Prugna en date du 11 juin 1985 et des pièces qui y sont annexées et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté par M. X... que la construction autorisée sur le lot n° 22 dont il est propriétaire ne devait pas comporter d'étage et ne devait pas dépasser quatre mètres ; que le permis de construire attaqué autorise une construction comportant un étage sur rez-de-chaussée d'une hauteur de plus de six mètres ; qu'il méconnaît ainsi les dispositions réglementaires régissant le lotissement et se trouve, dès lors, entaché d'excès de pouvoir ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande ;
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Bastia en date du 1er décembre 1989 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du maire de Grosseto-Prugna en date du 30 septembre 1988 est annulé.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Y..., à M. X..., au maire de Grosseto-Prugna et au ministre de l'intérieur.