Vu 1°) sous le n° 81 461, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 22 août 1986 et 22 décembre 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'UNION LAITIERE NORMANDE, dont le siège est à Condé-sur-Vire (50890) ; cette union demande que le Conseil d'Etat annule le décret du 30 juin 1986 relatif aux appellations d'origine "beurre d'Isigny" et "crème d'Isigny" ;
Vu 2°) sous le n° 81 711 la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 2 septembre 1986 et 29 décembre 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COOPERATIVE AGRICOLE DES PRODUCTEURS DE LAIT DU CALVADOS dont le siège est ..., la SOCIETE COOPERATIVE D'ELLE-ET-VIRE dont le siège est à Condé-sur-Vire (50890), la LAITIERE COOPERATIVE DE LA VALLEE DE LA SIENNE, dont le siège est à Quettreville-sur-Sienne (50660) et la SOCIETE PREVAL dont le siège est ... ; elles demandent que le Conseil d'Etat annule le décret du 30 juin 1986 relatif aux appellations d'origine "beurre d'Isigny" et "crème d'Isigny" ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi du 6 mai 1919 modifiée par la loi n° 66-482 du 6 juillet 1966 ;
Vu le décret n° 69-335 du 11 avril 1969 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Damien, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Copper-Royer, avocat de l'UNION LAITIERE NORMANDE et autres et de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du syndicat professionnel de défense des producteurs de lait, transformateurs de beurre et de crème d'Isigny-sur-Mer - Baie de Veys,
- les conclusions de M. Legal, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la requête présentée pour l'UNION LAITIERE NORMANDE et celle de la COOPERATIVE AGRICOLE DES PRODUCTEURS DE LAIT DU CALVADOS, de la SOCIETE COOPERATIVE D'ELLE-ET-VIRE, de la LAITIERE COOPERATIVE DE LA VALLEE DE LA SIENNE et de la SOCIETE PREVAL sont dirigées contre un même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la légalité externe :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté qu'avant de prendre le décret attaqué, le gouvernement a régulièrement procédé à la consultation des groupements professionnels directement intéressés et à l'enquête publique prévues par le décret susvisé du 11 avril 1969 ; que cette procédure a été diligentée par le seul service compétent qui, du fait de modification de son rattachement à divers départements ministériels a agi successivement au titre de plusieurs ministères ; que la circonstance qu'avant d'engager la double procédure prévue par le décret précité, l'administration ait consulté le syndicat fédéral des coopératives laitières de Basse-Normandie, pour la mise au point du projet soumis aux consultation et enquête réglementaires, est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie ; qu'en procédant à cette consultation préalable, le gouvernement ne s'est pas dessaisi de ses compétences ;
Considérant que le délai d'un an qui s'est écoulé entre la fin de la procédure consultative et la signature du décret attaqué ne justifiait pas un renouvellement de consultation, dès lors que les circonstances de fait et de droit au regard desquelles ce décret a été pris ne se sont pas modifiées entre temps ;
Considérant que le gouvernement pouvait, sans procéder à de nouvelles consultations et à une nouvelle enquête, se ranger, ainsi que l'indiquent dans leurs observations le ministre de l'agriculture et le ministre de l'économie et des finances, à l'avis du Conseil d'Etat, en substituant les appellations "beurre d'Isigny" et "crème d'Isigny" à celle de "beurre d'Isigny-sur-Mer" et de "Crème d'Isigny-sur-Mer" qui figuraient sur le document soumis à consultation puis à enquête ;
Sur la légalité interne :
Considérant que la circonstance que les appellations "beurre ou crème d'Isigny" couvrent une aire de production située en dehors de la commune d' Isigny n'est pas de nature à violer les dispositions de l'article A de la loi du 6 mai 1919, qui ne restreint pas le bénéfice d'une appellation d'origine à une aire de production limitée à la localité dont elle porte l'appellation ; que l'aire de production précisée par le décret attaqué ne retient que des laits provenant d'une région homogène en ce qui concerne les caractéristiques géographiques, géologiques, hydrologiques, climatiques et dans laquelle les produits bénéficiant de l'appellation sont fabriqués selon des procédés traditionnels correspondant à des usages loyaux, locaux et constants, imposés par le décret attaqué et précisés par les deux arrêtés du 14 avril 1987 pris pour son application ; qu'en délimitant cette aire de production et en définissant les produits faisant l'objet des appellations, le gouvernement n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant, enfin, qu'aucune confusion ne peut exister entre les beurre et crème produits dans la zone définie par le décret attaqué et ceux produits sur le territoire de la commune d' Isigny-le-Buat qui se trouvent en dehors de cette zone et qui ne peuvent prendre l'appellation définie et protégée par les articles 1 et 2 du décret attaqué ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le décret du 30 juin 1986 est entaché d'excès de pouvoir ;
Article 1er : Les requêtes de l'UNION LAITIERE NORMANDE, de la COOPERATIVE AGRICOLE DES PRODUCTEURS DE LAIT DU CALVADOS, de la SOCIETE COOPERATIVE D'ELLE-ET-VIRE, de la LAITIERE COOPERATIVE DE LA VALLEE DE LA SIENNE et de la SOCIETE PREVAL sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'UNION LAITIERE NORMANDE, à la COOPERATIVE AGRICOLE DES PRODUCTEURS DE LAIT DU CALVADOS, à la SOCIETE COOPERATIVE D'ELLE-ET-VIRE, à la LAITIERE COOPERATIVE DE LA VALLEE DE LA SIENNE, à la SOCIETE PREVAL, au ministre de l'agriculture et de la forêt et au ministre délégué au budget.