Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 10 juillet 1984 et 12 novembre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE DES TRAVAUX INDUSTRIELS ET MARITIMES (S.T.I.M.), dont le siège est ..., agissant aux droits de la Société du port de pêche de Lorient (S.P.P.L.), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) réforme le jugement du 10 mai 1984 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé le titre de perception émis le 3 mars 1983 par le ministre de la mer en tant qu'il était supérieur à la somme de 809 677,64 F représentant le montant de la créance de l'Etat à l'encontre de la société requérante à la suite de la décision de rachat de la concession du port de pêche de Lorient qui a pris effet le 31 décembre 1972 ;
2°) condamne l'Etat à lui verser d'une part une somme de 700 244,07 F au titre de l'annuité 1981, augmentée des intérêts et des intérêts des intérêts ; d'autre part, une somme de 1 056 693 F montant du solde positif de la société au 31 décembre 1982 augmenté des intérêts et des intérêts des intérêts ; enfin les sommes correspondant au solde positif augmenté des annuités de rachat de l'année 1983 et des années à venir jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret du 8 août 1935 modifié, et notamment son article 1er ;
Vu la loi du 11 juillet 1975, et notamment son article 3 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Hirsch, Auditeur,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, avocat de la SOCIETE DES TRAVAUX INDUSTRIELS ET MARITIMES,
- les conclusions de Mme Laroque, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la liquidation de la concession accordée à la société du Port de pêche de Lorient, dont le rachat a été prononcé par décret du 21 décembre 1972 à compter du 1er janvier 1973, doit donner lieu à l'établissement d'un décompte unique reprenant l'ensemble des créances réciproques de la société concessionnaire et de l'Etat ; que les indemnités pour refus d'homologation des tarifs constituent un des éléments de cette liquidation et doivent, dès lors, figurer dans le décompte général ; que, par suite, si la SOCIETE DES TRAVAUX INDUSTRIELS ET MARITIMES (STIM) qui vient aux droits de la société du Port de pêche de Lorient, est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a établi deux décomptes successifs, l'un au 31 décembre 1972, l'autre au 1er juillet 1973, elle ne saurait en revanche utilement prétendre que les principes qui régissent la compensation, lesquels ne peuvent recevoir application dans l'espèce, faisaient obstacle à ce que lesdites indemnités pour homologation des tarifs fussent prises en compte pour l'établissement du solde du décompte général ; qu'en outre, l'inscription au décompte général établi au 31 décembre 1972, de sommes dont le montant n'a été définitivement fixé que le 31 octobre 1980 ne saurait, en l'espèce, priver la société concessionnaire des droits aux intérêts et aux intérêts des intérêts que lui ont reconnus les décisions n os 10712, 10740, 10742 et 10711 du Conseil d'Etat ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au décompte général de liquidation de la concession établi au 31 décembre 1972, doivent figurer au passif de la société du Port de pêche de Lorient les sommes de 406 114,43 F - montant du solde du fonds de renouvellement- et de 6 560 441,21 F - au titre du solde de la section II du fonds de travaux ; que, toutefois, le total de ces sommes doit être réduit de 2 500 000 F, montant du versement effectué par la société à la chambre de commerce et d'industrie du Morbihan, de sorte que le passif de la société concessionnaire s'établit à 4 466 555,64 F ; que, de son côté, l'Etat est débiteur de 324 544,47 F, au titre des avances à la section I du fonds de travaux, de 3 072 200,77 F, valeur de rachat du mobilier et des stocks, des indemnités pour refus d'homologation des tarifs, s'élevant en principal à 926 074,74 F pour la période comprise entre 1966 et 1969, 140 000 F pour le 1er trimestre de 1970, 395 502,04 F pour le 2ème trimestre de 1970, 661 742,68 F pour 1971 et 831 770,92 F pour 1972 et de l'indemnité de rachat des caisses de criée en plastique dont le montant a été fixé par le Conseil d'Etat à 187 593,68 F ; que la SOCIETE DES TRAVAUX INDUSTRIELS ET MARITIMES soutient qu'en application du jugement du 16 novembre 1977 du tribunal administratif de Rennes, confirmé sur ce point par le Conseil d'Etat, la somme susmentionnée de 324 544,47 F doit porter intérêts au taux contractuel du 1er juillet 1973 jusqu'au 21 juillet 1978, date du premier versement de l'Etat, les intérêts acquis à ce titre s'élevant à 196 867,70 F ; qu'elle prétend également que les intérêts au taux légal doivent, jusqu'au 15 juillet 1975, être calculés au taux de 5 % et, du 16 janvier au 21 juillet 1978 date du paiement, au taux de 14,5 % de sorte qu'au 31 décembre 1982 compte tenu des versements partiels effectués et du montant des annuités de rachat dues par l'Etat, elle se trouverait créditrice de la somme de 1 056 693 F qu'elle demande au Conseil d'Etat de condamner l'Etat à lui payer ;
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 1153 du code civil et de l'alinéa 2 de l'article 1er du décret du 8 août 1935, modifié par le décret du 5 août 1959 et par la loi du 5 juillet 1972, alors applicables, que le taux de l'intérêt légal fixé en matière civile à 4 % n'est porté à 5 % qu'à compter du jour où le créancier assigne le débiteur pour obtenir un titre exécutoire venant à l'appui d'une sommation de payer qu'il a précédemment faite et qui est restée infructueuse ; que, toutefois, les requêtes introduites par la société concessionnaire devant le tribunal administratif de Rennes ne sauraient être regardées comme constituant une assignation en justice au sens des dispositions susrappelées ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les intérêts au taux légal devaient être calculés jusqu'au 15 juillet 1975 au taux de 5 % ; qu'en revanche, en application de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1975 relative au taux d'intérêt légal, les intérêts afférents non seulement à l'indemnité de rachat des caisse de criée en plastique mais également aux indemnités pour refus d'homologation des tarifs doivent être calculés du 17 janvier au 21 juillet 1978 au taux de 14,5 % ;
Considérant que, calculés sur ces bases, les intérêts des indemnités pour refus d'homologation des tarifs s'élèvent, au 31 décembre 1972, à 165 826,26 F ; qu'ainsi, au décompte général, le passif de l'Etat s'établit à 5 873 484,26 F de sorte que ce décompte fait apparaître, à la charge de l'Etat, un solde débiteur de 1 406 928,86 F ;
Considérant qu'en outre, l'Etat est redevable envers la société concessionnaire d'une part des intérêts, pour la période comprise entre le 1er janvier 1973 et le 21 juillet 1978, s'élevant à 1 414 606,06 F pour les indemnités pour refus d'homologation de service et à 73 571,34 F pour l'indemnité de rachat des caisses de criée en plastique, d'autre part des intérêts afférents à la somme de 324 544,47 F dont le montant non contesté, calculé au taux d'intérêt de la Banque de France majoré de 1 % s'élève à 196 867,70 F, enfin des annuités de rachat, dont le montant a été fixé par le Conseil d'Etat à 700 244,07 F avec les intérêts qui doivent être calculés selon les modalités prévues par les décisions n os 10713, 10741 et 17210 du 31 octobre 1980, et du montant des frais d'expertise, soit 24 000 F ; que, compte tenu des versements partiels effectués tant par l'Etat que par la société concessionnaire, la requérante est fondée à soutenir qu'au 31 décembre 1982, elle n'était pas débitrice envers l'Etat de la somme de 814 457,42 F qui lui a été réclamée et à demander l'annulation du titre de perception émis à son encontre le 3 mars 1983 pour avoir paiement de ladite somme, ramenée à 809 677,64 F par le jugement attaqué ;
Considérant que le Conseil d'Etat ne dispose pas des éléments lui permettant de calculer si, et pour quelle somme, la SOCIETE DES TRAVAUX INDUSTRIELS ET MARITIMES était, à partir du 1er janvier 1983, créancière de l'Etat ; qu'il y a lieu, par suite, de la renvoyer devant l'administration pour qu'il soit procédé à la liquidation des sommes dont l'Etat est redevable envers elle ;
Sur les intérêts :
Considérant que la SOCIETE DES TRAVAUX INDUSTRIELS ET MARITIMES a droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme éventuellement due par l'Etat au titre des annuités de rachat à compter du 1er janvier de l'année suivant celle au titre de laquelle l'annuité est due ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 10 juillet 1984, 7 février 1986, 31 octobre 1986, 1er février 1989 et 27 mars 1990 ; qu'à la première de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; qu'entre la première et la deuxième demande, plus d'un an s'était écoulé ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces deux demandes ; qu'en revanche, moins d'un an s'étant écoulé entre la deuxième et la troisième demande, cette dernière ne peut être accueillie ; qu'enfin, à la date de la quatrième demande, plus d'un an s'était écoulé depuis la deuxième demande et qu'à la date de la cinquième demande plus d'un an s'était écoulé depuis la quatrième demande ; que, par suite, il y a lieu de faire droit aux quatrième et cinquième demandes ;
Sur les intérêts compensatoires :
Considérant qu'il n'est nullement établi que le retard apporté au règlement financier du rachat de la concession de la société du Port de pêche de Lorient soit imputable à un mauvais vouloir manifeste de l'Etat ; que la demande d'intérêts compensatoires présentée par la SOCIETE DES TRAVAUX INDUSTRIELS ET MARITIMES ne peut, dès lors, qu'être rejetée ;
Article 1er : Le titre de perception, émis le 3 mars 1983 par le ministre de la mer pour avoir paiement de la somme de 814 457,42 F, ramenée à 809 677,64 F par le jugement attaqué, est annulé.
Article 2 : La SOCIETE DES TRAVAUX INDUSTRIELS ET MARITIMES est renvoyée devant l'administration pour qu'il soit procédé à la liquidation des sommes dont l'ETat est redevable envers elle au titre des annuités de rachat échues.
Article 3 : Les sommes dues au titre des annuités de rachat porteront intérêts au taux légal à compter du 1er janvier de l'année suivant celle au titre de laquelle elles sont dues.
Article 4 : Les intérêts échus le 10 juillet 1984, le 7 février 1986, le 1er février 1989 et le 27 mars 1990 seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts.
Article 5 : Le jugement, en date du 10 mai 1984, du tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE DES TRAVAUX INDUSTRIELS ET MARITIMES et au ministre délégué auprès du ministre des transports et de la mer, chargé de la mer.