Vu le recours du MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE, enregistré le 21 février 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 24 novembre 1986 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de la société Ateliers Normands, la décision du MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE en date du 24 mai 1985 confirmant la décision de l'inspecteur du travail refusant d'autoriser le licenciement de M. X..., salarié protégé ;
2°) rejette la demande présentée par la société Ateliers Normands devant le tribunal administratif de Nantes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Aguila, Auditeur,
- les conclusions de M. Hubert, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 436-1 du code du travail, le licenciement d'un membre titulaire ou suppléant du comité d'entreprise "ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement" ; qu'en vertu de ces dispositions, les salariés légalement investis d'un mandat de membre du comité d'entreprise bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Considérant que pour confirmer, par la décision litigieuse en date du 24 mai 1985, la décision de l'inspecteur du travail de Nantes refusant d'autoriser la société Ateliers Normands à licencier pour motif économique M. X..., membre titulaire du coité d'entreprise, le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE s'est fondé, d'une part, sur ce que le maintien de M. X... dans l'entreprise était possible, d'autre part sur ce que la demande de licenciement présentait un lien avec le mandat détenu par l'intéressé ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'au cours de l'année 1984, M. X... s'est trouvé, dans l'exercice de ses fonctions représentatives, en conflit avec la direction de l'entreprise au sujet de la rémunération de certaines catégories de salariés, et qu'à la suite de ce conflit, l'entreprise n'a plus envoyé M. X... sur les chantiers extérieurs ; qu'eu égard aux circonstances de l'affaire, le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE a estimé à bon droit que la demande de licenciement de ce salarié, présentée le 21 décembre 1984 par la société Ateliers Normands, était en rapport avec l'exercice du mandat dont l'intéressé était investi ; que, par suite, le ministre était tenu de confirmer le refus d'autorisation de licencier M. X... quelle que soit la valeur de l'autre motif ; que, dès lors, c'est à tort que, pour annuler la décision ministérielle du 24 mai 1985, le tribunal administratif de Nantes, s'est fondé sur ce qu'aucun des deux motifs retenus par le ministre n'était de nature à justifier légalement le refus d'autorisation de licenciement ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé en première instance par la société Ateliers Normands ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE était tenu de rejeter le recours hiérarchique présenté par la société et de confirmer le refus d'autorisation de licenciement de M. X... ; que, par suite, le moyen tiré par ladite société d'une insuffisance de motivation de la décision du ministre est inopérant ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision ministérielle du 24 mai 1985 ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 24 novembre 1986 est annulé.
Article 2 : La demande présentée pour la société Ateliers Normands devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Ateliers Normands, à M. X... et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.