Vu la requête sommaire enregistrée le 10 avril 1984, et le mémoire complémentaire, enregistré le 3 août 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société anonyme des ETABLISSEMENTS JEAN X... ET FILS, dont le siège social est ... le Vieux (74000), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 15 février 1984 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 novembre 1981 du ministre des transports annulant la décision du 18 novembre 1980 de l'inspecteur du travail de Lyon autorisant le licenciement pour motif économique de M. Gérard Y..., délégué du personnel de l'entreprise de son emploi de chauffeur ;
2°) annule pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. de Froment, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Lesourd, Baudin, avocat de la société anonyme des ETABLISSEMENTS JEAN X... ET FILS et de Me Jousselin, avocat de M. Gérard Y...,
- les conclusions de Mme de Saint-Pulgent, Commissaire du gouvernement ;
Sur le moyen tiré du caractère tardif du recours hiérarchique de M. Y... :
Considérant que la lettre adressée par les ETABLISSEMENTS X... le 2 décembre 1980 à M. Y... en réponse à sa demande d'indication des causes du licenciement ne saurait valoir par elle-même notification de la décision administrative d'autorisation ; qu'en particulier cette lettre ne mentionnait ni la nature du motif économique invoqué, ni la date, ni la forme de la décision administrative d'autorisation, et ne pouvait constituer la notification complète et régulière de cette décision ; qu'ainsi le recours hiérarchique formé le 4 août 1981 par M . Y... devant le ministre des transports n'était pas tardif ; que, dès lors, le moyen soulevé doit être écarté ;
Sur la légalité :
Considérant qu'en vertu de l'article L.420-22 du code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur, les délégués du personnel bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif d'ordre économique, il appartient à l'inspecteur du travail et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions nvisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de l'enquête menée par le directeur régional des transports que la vente du véhicule confié à M. Y... et la résiliation anticipée du contrat liant la société requérante à l'un de ses clients, la société Moiroud, n'étaient pas justifiées par la situation économique de ces établissements ; que si, à la même date que M. Y..., deux autres chauffeurs-livreurs avaient été licenciés pour cause économique, ces mêmes salariés ont été réembauchés par la société quelques mois plus tard, sans d'ailleurs que celle-ci ait demandé l'autorisation du directeur départemental du travail et de la main-d'oeuvre exigée par l'article R.321-2 du code du travail ; que si elle conteste, pour la première fois en appel, le fait que la proposition de reclassement faite à M. Y... se serait traduite pour celui-ci par une diminution mensuelle de salaire de 1 200 F, la société requérante n'apporte aucun élément à l'apppui de ses allégations ; qu'il ressort des déclarations non-contestées faites par Mme X..., président-directeur général de la société requérante au directeur régional des transports qu'elle était par principe opposée à l'intervention des représentants du personnel dans son entreprise ; que d'ailleurs il est constant que l'inspecteur des transports a dû intervenir à plusieurs reprises, après l'élection des représentants du personnel, pour que des relations normales soient établies entre ceux-ci, dont M. Y..., et la direction de la société ; qu'il suit de là que la mesure de licenciement décidée à l'encontre de M. Y... était en rapport avec le mandat de délégué du personnel qu'il exerçait ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société anonyme des ETABLISSEMENTS JEAN X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 3 novembre 1989, laquelle était suffisamment motivée ;
Article 1er : La requête de la société anonyme des ETABLISSEMENTS JEAN X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme des ETABLISSEMENTS JEAN X... et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer.