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14/10/1988 | FRANCE | N°58868

France | France, Conseil d'État, 9 / 7 ssr, 14 octobre 1988, 58868


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 30 avril 1984 et 29 août 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION "L'ETRIER LUXOVIEN", association déclarée dont le siège social est ..., représentée par son président en exercice et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 29 février 1984 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes qui tendaient, l'une, à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés pour la période du 1er ja

nvier 1976 au 31 décembre 1979, l'autre, à la décharge des cotisations suppl...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 30 avril 1984 et 29 août 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION "L'ETRIER LUXOVIEN", association déclarée dont le siège social est ..., représentée par son président en exercice et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 29 février 1984 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes qui tendaient, l'une, à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés pour la période du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1979, l'autre, à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1976, 1977, 1978 et 1979 ;
2° lui accorde la décharge des impositions contestées,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code général des impôts ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Dulong, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de l'ASSOCIATION "L'ETRIER LUXOVIEN",
- les conclusions de M. A.... Martin, Commissaire du gouvernement ;
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
Sur le principe de l'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1978 : "1. Les affaires faites en France ... sont passibles de la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elles relèvent d'une activité de nature industrielle ou commerciale, quels qu'en soient les buts et les résultats. 2. Cette taxe s'applique quels que soient, d'une part, le statut juridique des personnes qui interviennent dans la réalisation des opérations imposables ou leur situation au regard de tous autres impôts, d'autre part, la forme et la nature de leur intervention et le caractère, habituel ou occasionnel, de celle-ci" ; qu'aux termes du même article, dans sa rédaction applicable depuis le 1er janvier 1979 : "I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens meubles et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ..." ; qu'aux termes de l'article 256-A du code, dans la rédaction également applicable à compter de cette date : "Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent d'une manière indépendante, à titre habituel ou occasionnel, une ou plusieurs opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme et la nature de leur intervention ..." ; qu'aux termes, enfin, de l'article 261 du code, dans sa rédaction issue de l'article de la loi du 30 décembre 1975 portant loi de finances pour 1976 : "Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : ... 7-1°-a : Les services de caractère social, éducatif, culturel ou sportif rendus à leurs membres par les organismes légalement constitués agissant sans but lucratif et dont la gestion est désintéressée. Il en est de même des ventes consenties à leurs membres par ces organismes, dans la limite de 10 % de leurs recettes totales ..." ;

Considérant, en premier lieu, que les opérations consistant à prendre en pension des chevaux à titre onéreux et les opérations de vente du fumier produit par les chevaux d'un centre de sports équestres, à raison desquelles les impositions contestées par l'ASSOCIATION "L'ETRIER LUXOVIEN" ont été établies, relèvent d'une activité de nature commerciale et, par suite, sont passibles de la taxe sur la valeur ajoutée par application des dispositions de l'article 256 du code dans sa rédaction applicable à la période du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1978 ; qu'elles constituent respectivement des prestations de service effectuées à titre onéreux et des livraisons de biens meubles au sens du même article dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 1979 et, par suite, sont également passibles de ladite taxe au cours de la période du 1er janvier 1979 au 31 décembre 1979 ;
Considérant, en second lieu, que, pour soutenir qu'elle devait être exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée, en application des dispositions précitées du 1° a) du 7 de l'article 261 du code, l'ASSOCIATION "L'ETRIER LUXOVIEN" se prévaut de ce que les recettes qu'elle a tirées des opérations ci-dessus mentionnées étaient inférieures à 10 % des recettes totales qu'elle a perçues au cours de la période d'imposition ; qu'il résulte, toutefois, des dispositions invoquées que celles-ci ne sont applicables qu'aux ventes consenties à leurs membres par les associations concernées ;
Considérant que la prise en pension de chevaux par un centre équestre est une prestation de service et non une vente ; que, s'agissant des ventes de fumier, l'association ne justifie pas qu'elles ont été faites à ses membres ; que, par suite, quel qu'ait été le montant des recettes procurées par la prise en pension de chevaux et la vente de fumier, l'association n'est pas fondée à demander le bénéfice de l'exonération prévue par les dispositions susrappelées ;

Considérant, il est vrai, que l'ASSOCIATION "L'ETRIER LUXOVIEN" invoque, sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, reprises à l'article L.80-A du livre des procédures fiscales, la réponse du ministre des finances faite, le 11 mars 1972, à M. Z..., député, selon laquelle la taxe sur la valeur ajoutée due par les établissements équestres sur leurs recettes accessoires n'est pas mise en recouvrement, lorsque ces recettes n'excèdent pas 10 % du total des sommes encaissées annuellement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les recettes provenant de la prise en pension de chevaux et de la vente de fumier par l'ASSOCIATION "L'ETRIER LUXOVIEN" se sont élevées à 25 000 F en 1976, 29 800 F en 1977, 32 200 F en 1978 et 36 000 F en 1979 alors que les recettes globales se sont élevées respectivement à 198 000 F, 294 000 F, 281 400 F et 200 900 F ; que, par suite, la condition prévue par la réponse susmentionnée n'étant pas remplie, l'association n'est, en tout état de cause, pas fondée à réclamer le bénéfice de l'interprétation de la loi fiscale qui y serait contenue ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition et la charge de la preuve :
Considérant, d'une part, que, si l'ASSOCIATION "L'ETRIER LUXOVIEN" soutient que la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet du 23 septembre au 9 octobre 1980 aurait été opérée dans des conditions irrégulières, elle n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant au Conseil d'Etat d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant, d'autre part, que l'association ne conteste pas qu'elle n'a pas souscrit les déclarations de chiffre d'affaires auxquelles elle était tenue en vertu de l'article 287 du code général des impôts ; qu'elle s'est ainsi trouvée en état d'être imposée d'office ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré du défaut de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires est inopérant et que l'association ne peut obtenir la décharge ou la réduction des impositions auxquelles elle a été assujettie qu'en apportant la preuve de l'exagération de l'évaluation de ses bases d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1979 ;
Sur le montant des impositions :
Considérant que la requérante n'établit pas que l'administration, qui s'est appuyée, pour fixer les bases d'imposition, sur des données fournies par l'association elle-même, a retenu une évaluation excessive ;
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
Sur le principe de l'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 206 du code général des impôts : "1 ... sont passibles de l'impôt sur les sociétés ... quel que soit leur objet ... toutes ... personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif ..." ; qu'aux termes de l'article 207 du code, dans sa rédaction issue de l'article 7 de la loi déjà citée du 30 décembre 1975 : "1. Sont exonérés de l'impôt sur les sociétés : ... 5 bis. Les organismes sans but lucratif mentionnés à l'article 261-7-1° pour les opérations à raison desquelles ils sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée" ;

Considérant, d'une part, que les opérations de prise en pension de chevaux et de vente de fumier, qui ont donné lieu aux impositions contestées, présentent en l'espèce un caractère lucratif, au sens du 1 de l'article 206 précité du code ; que, par suite, l'association requérante était passible de l'impôt sur les sociétés ;
Considérant, d'autre part, que ces mêmes opérations, pour lesquelles l'association requérante demande à être exonérée de l'impôt sur les sociétés en application des dispositions combinées des articles 207 et 261 du code général des impôts, ne peuvent être regardées comme des "services de caractère social, éducatif, culturel ou sportif" rendus aux membres de l'association, au sens du 7-1° de l'article 261 et exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée ; que, par voie de conséquence, les profits tirés de ces opérations ne peuvent être exonérés de l'impôt sur les sociétés ;
Considérant, il est vrai, que l'association se prévaut de la réponse du ministre des finances à la question écrite de M. X..., député, publiée au Journal Officiel, Débats de l'Assemblée Nationale, du 3 avril 1971 ; que, toutefois, il ressort des termes de cette réponse que celle-ci ne contient pas, en ce qui concerne les dispositions du 1 de l'article 206 du code, une interprétation de la loi fiscale qui soit différente de celle dont il vient d'être fait application ; que, par suite, l'ASSOCIATION "L'ETRIER LUXOVIEN" ne peut utilement s'en prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, repris à l'article L.80 A du livre des procédures fiscales ;
Sur le montant de l'imposition :

Considérant qu'il résulte de l'article 1649 septies E du code général des impôts, applicable en l'espèce, que si, en cas de vérification simultanée des taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées et de l'impôt sur les sociétés, l'administration doit imputer sur les rehaussements de bénéfices imposables consécutifs à la vérification des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle met en recouvrement, c'est à la condition que le contribuable en fasse la demande avant l'établissement des cotisations correspondant à ces redressements ; qu'il est constant que l'ASSOCIATION "L'ETRIER LUXOVIEN", bien qu'une proposition en ce sens lui ait été faite par la notification de redressements du 1er décembre 1980, n'a pas présenté cette demande avant le terme fixé par la loi ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à se prévaloir des dispositions qu'elle invoque ;
Considérant que l'association requérante, régulièrement taxé d'office pour défaut de déclaration, ne peut obtenir par la voie contentieuse la décharge ou la réduction de l'imposition qu'en apportant la preuve de l'exagération des bases retenues ; qu'elle n'apporte pas cette preuve en ce qui concerne l'évaluation des recettes ;
Considérant, en revanche, qu'il résulte de l'instruction que M. Y... cumulait, au centre équestre, les fonctions de maître de manège et de palefrenier et qu'il s'occupait, à ce dernier titre, aussi bien des chevaux du centre que de ceux qui y étaient mis en pension ; que, par suite, eu égard à la méthode suivie par l'administration pour déterminer les bénéfices de la requérante, l'association était en droit de comprendre parmi ses charges déductibles, contrairement à ce qu'a fait le vérificateur, la partie des salaires versés à M. Y... pour son activité de palefrenier des chevaux pris en pension ; que, toutefois, l'état du dossier ne permet pas au Conseil d'Etat de déterminer le montant des sommes qui doivent être déduites, de ce chef, des bénéfices imposables de l'association ; qu'il y a lieu d'ordonner un supplément d'instruction sur ce point ;
Article 1er : Les conclusions de la requête de l'association "L'ETRIER LUXOVIEN" qui tendent à la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1976 au 31 décembre 1979 sont rejetées.
Article 2 : Avant de statuer sur le surplus des conclusions de la requête de l'association "L'ETRIER LUXOVIEN", il sera procédé, parles soins du ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget, contradictoirement avec l'association "L'ETRIER LUXOVIEN", à un supplément d'instruction aux fins de déterminer, au vu des justifications produites par cette association, la fraction des salaires versés à M. Y..., palefrenier, au cours des années 1976,1977, 1978 et 1979 qui rémunère son activité auprès des chevaux pris en pension par l'association.
Article 3 : Il est accordé au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget un délai de quatre mois à dater de la notification de la présente décision pour faire parvenir au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les renseignements définis à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l' association "L'ETRIER LUXOVIEN" et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 9 / 7 ssr
Numéro d'arrêt : 58868
Date de la décision : 14/10/1988
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-06-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE


Références :

. CGI Livre des procédures fiscales L80-A
CGI 206, 207, 256, 256-A, 261 7 1° a, 287, 1649 quinquies E
Loi 75-1278 du 30 décembre 1975 art. 7 Finances pour 1976


Publications
Proposition de citation : CE, 14 oct. 1988, n° 58868
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Dulong
Rapporteur public ?: Ph. Martin

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1988:58868.19881014
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