Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 26 août 1983 et 14 décembre 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Louis Emmanuel X..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) réforme le jugement du 23 juin 1983 par lequel le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à lui verser une indemnité de 5 000 F qu'il estime insuffisante, en réparation du préjudice résultant pour le requérant du refus opposé à sa demande de concours de la force publique pour assurer l'expulsion des occupants de sa ferme de La Séguinière,
°2) condamne l'Etat à lui verser la somme de 245 573,65 F ainsi que les intérêts de cette somme,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la construction et de l'habitation,
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Medvedowsky, Auditeur,
- les observations de Me Bouthors, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Fornacciari, Commissaire du gouvernement ;
Sur le point de départ de la période indemnisable :
Considérant que M. X... a demandé le concours de la force publique le 9 octobre 1980 pour l'exécution de l'arrêt de la Cour d'appel d'Angers du 5 juin 1979 ordonnant l'expulsion de M. Y... de l'exploitation agricole lui appartenant ; que compte tenu du délai dont l'administration doit normalement disposer pour agir et des dispositions de l'article L.613-3 du code de la construction et de l'habitation aux termes desquelles "nonobstant toute décision d'expulsion passée en force de chose jugée, ... il doit être sursis à toute mesure d'expulsion non exécutée à la date du 1er décembre de chaque année jusqu'au 15 mars de l'année suivante ..." et alors que, contrairement à ce que soutient le requérant, ces dispositions s'appliquent à tous les locataires de locaux d'habitation, le point de départ de la période de responsabilité de l'Etat doit être fixé, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Nantes, au 16 mars 1981 ;
Sur le préjudice :
En ce qui concerne le préjudice résultant de la hausse du coût des travaux consécutive au retard apporté par l'administration à l'expulsion de M. Y... et les troubles de toute nature :
Considérant que dans les circonstances de l'affaire il sera fait une exacte appréciation des préjudices subis par M. X... en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 60 000 F y compris tous intérêts au jour de la présente décision ;
En ce qui concerne les autres chefs de préjudice :
Considérant que M. X... n'a subi aucun préjudice moral ; que le préjudice qui résulterait de la hausse du taux d'intérêts sur la somme empruntée pour la remise en état du bâtiment n'est pas la conséquence directe du retard apporté à l'expulsion de son ancien fermier ; que les pertes de loyers sur le bâtiment après rénovation n'ont pas un caractère certain ; que les frais d'expulsion sont la conséquence non du retard à l'octroi du concours de la force publique mais de la résistance de M. Y... ;
Article 1er : La somme que l'Etat a été condamné à payer à M. X... est portée de 5 000 F à 60 000 F y compris tous intérêts au jour de la présente décision.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre de l'intérieur.