Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 18 février 1985 et 17 juin 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Gérard X..., demeurant ... à La Celle Saint-Cloud 78170 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1 annule le jugement en date du 29 novembre 1984 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande en décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu et à la majoration exceptionnelle auxquelles il a été assujetti au titre des années 1975 à 1978 d'une part et au titre de l'année 1975 d'autre part dans les rôles de la commune de La Celle Saint-Cloud ;
°2 lui accorde la décharge des impositions contestées,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Querenet Y... de Breville, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Desaché, Gatineau, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Martin-Laprade, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'à l'occasion de la vérification de comptabilité de la société civile "Ecole supérieure privée de management", dont il n'est pas allégué qu'elle aurait en fait une activité commerciale, l'administration a constaté que M. X..., l'un des deux associés, avait perçu, au cours des années 1975, 1976, 1977 et 1978, diverses sommes qui avaient été portées au débit du compte courant ouvert à son nom dans les écritures de la société ; que l'administration, estimant pouvoir faire application des dispositions du a de l'article 111 du code général des impôts, a regardé ces sommes comme des avances à M. X... ayant le caractère de revenus distribués et les a, en conséquence, imposées à son nom à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : "Sont notamment considérés comme des revenus distribués : a sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes ..." ;
Considérant qu'il ressort des dispositions de l'article 108 du code général des impôts que les dispositions des articles 107 à 117, qui fixent les règles suivant lesquelles sont déterminés les revenus distribués par certaines sociétés, ne concernent que les personnes morales passibles de plein droit de l'impôt sur les sociétés et celles qui ont exercé l'option pour cet impôt prévue au 3 de l'article 206 ; qu'il ressort des dispositions de l'article 206 que les sociétés civiles n'exerçant pas en fait une activité commerciale ne sont ni au nombre des personnes morales passibles de plein droit de l'impôt sur les sociétés ni au nombre e celles qui peuvent, en vertu du 3 de l'article 206, opter pour ledit impôt ; que, par suite, les prêts et avances qu'une société civile a consentis à ses membres se trouvent hors du champ d'application des dispositions de l'article 111, lesquelles, dès lors, ne peuvent servir de base légale à l'imposition contestée ;
Considérant, il est vrai, que le ministre de l'économie, des finances et du budget fait valoir, pour défendre l'imposition, que la société civile "Ecole supérieure privée de management" avait opté en 1953, sous la signature de ses deux associés, pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, sur le fondement de la circulaire de la direction générale des impôts °n 2256 du 10 août 1949, qui autorise les sociétés civiles à opter pour l'impôt sur les sociétés, et que les associés avaient ainsi pris une décision de gestion qui leur est opposable ;
Considérant que, si les dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, reprises à l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, permettent au contribuable, sous certaines conditions, de faire prévaloir sur la loi fiscale l'interprétation de cette loi qui a été donnée par l'administration compétente, en revanche, aucune disposition législative ni aucun principe de droit ne permettent au juge de l'impôt de maintenir une imposition contestée, lorsque celle-ci est dépourvue de base légale, en se fondant sur ce que cette imposition trouve sa justification dans une instruction administrative, elle-même dépourvue de base légale ;
Considérant qu'aucune disposition législative n'autorise l'administration à permettre aux sociétés civiles d'opter pour leur assujettissement à l'impôt sur les sociétés ; que, par suite, la circonstance que les associés de la société civile "Ecole supérieure de management" auraient opté pour l'assujettissement de ladite société à l'impôt sur les sociétés, et ainsi accompli un acte de gestion, est sans effet devant le juge d'impôt ; qu'il suit de là que, le ministre défendeur à l'instance ne proposant pas d'autre base légale pour justifier l'imposition, M. X... est fondé à soutenir, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en décharge ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 29 novembre 1984 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de la demande de M. X....
Article 2 : M. X... est déchargé des suppléments d'impôt sur le revenu et de majoration exceptionnelle auxquels il a été assujetti, respectivement, au titre des années 1975, 1976, 1977 et 1978 et au titre de l'année 1975.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget.