Vu le recours du Ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget enregistré le 1er octobre 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° décide que M. X... soit rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu au titre des années 1972, 1973 et 1974 à raison des droits correspondants aux bases maintenues par l'administration en première instance soit 74 000 F pour 1972, 69 500 F pour 1973 et 100 700 F pour 1974 ;
2° réforme le jugement en date du 10 mai 1982 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à M. X... la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti, au titre des années 1972, 1973 et 1974, dans les rôles de la ville de Paris ;
3° mette la totalité des frais d'expertise à la charge du requérant ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code général des impôts ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Boulard, Maître des requêtes,
- les conclusions de Mme de Saint-Pulgent, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 180 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable pendant les années d'imposition : "Est taxé d'office à l'impôt sur le revenu tout contribuable dont les dépenses personnelles, ostensibles ou notoires, augmentées de ses revenus en nature, dépasse le total exonéré et qui n'a pas fait de déclaration ou dont le revenu déclaré, défalcation faite des charges énumérées à l'article 156, est inférieur au total des mêmes dépenses et revenus en nature. En ce qui concerne ce contribuable, la base d'imposition est, à défaut d'éléments certains permettant de lui attribuer un revenu supérieur, fixée à une somme égale au montant des dépenses et des revenus en nature diminué du montant des revenus affranchis de l'impôt par l'article 157, sans que le contribuable puisse faire échec à cette évaluation en faisant valoir qu'il aurait utilisé des capitaux ou réalisé des gains en capital ou qu'il recevrait, périodiquement ou non, des libéralités d'un tiers ou que certains de ces revenus devraient normalement faire l'objet d'une évaluation forfaitaire" ;
Considérant que M. X..., qui exerce la profession d'assureur-conseil, avait déclaré au titre des années 1972, 1973 et 1974 des bénéfices commerciaux s'élevant respectivement à 23 800 F, 33 500 F et 38 600 F ; que l'administration, par application des dispositions précitées de l'article 180 du code général des impôts, l'a taxé d'office au titre desdites années ; que, pour contester les impositions mises à sa charge dans ces conditions, M. X... a fait notamment valoir devant les premiers juges qu'il avait pu financer ses dépenses en utilisant, penant la période au cours de laquelle il en avait la disposition, les sommes qu'il encaissait pour le compte de compagnies d'assurances ; que, par un jugement avant dire droit du 6 avril 1981, le tribunal administratif a ordonné une expertise aux fins de rechercher "si et dans quelle mesure M. X... a financé ses dépenses de toute nature, et notamment d'investissement, des années 1972 à 1974 à l'aide des fonds de roulement des entreprises qui l'employaient" ; que par le jugement attaqué en date du 10 mai 1982, rendu après expertise, les premiers juges ont réduit les bases d'imposition de M. X... à 32 695 F en 1972, 27 022 F en 1973 et 32 280 F en 1974, ces sommes correspondant, selon eux, à l'écart entre les disponibilités de M. X... et les dépenses engagées par lui au cours de chacune de ces années ;
Considérant que la circonstance que le solde de la balance de trésorerie d'un contribuable taxé d'office en vertu de l'article 180 du code général des impôts ait, au cours de l'année d'imposition, été inférieur à la base sur laquelle il a été imposé en application de cet article n'est pas de nature à justifier la réduction de cette base d'imposition ; que, dès lors, c'est à tort que, pour accorder à M. X... la réduction des impositions contestées, le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce que sa base d'imposition devait être fixée, pour chacune des années en litige, à une somme égale à l'écart entre ses disponibilités et ses dépenses engagées ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant qu'il ressort clairement de l'acte par lequel M. X... a contracté l'emprunt dont les annuités de remboursement ont été incluses par le service dans ses dépenses personnelles, ostensibles ou notoires que cet emprunt était destiné au logement de l'intéressé ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que ces remboursements constituaient des dépenses professionnelles qui n'auraient pas dû être prises en compte pour l'application de l'article 180 précité ;
Considérant que le requérant ne justifie pas que l'unique véhicule dont il disposait ait été exclusivement affecté à un usage professionnel ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que le service ne pouvait comprendre dans ses dépenses personnelles un cinquième du prix d'acquisition de ce véhicule ;
Considérant que la circonstance que M. X... ait vécu maritalement avec une personne avec laquelle il aurait partagé certaines charges ne suffit pas à prouver que l'administration, qui a fourni une estimation détaillée des différents postes de dépenses de train de vie du contribuable, ait fait une évaluation exagérée de ces dépenses ;
Considérant que M. X... soutient que ses dépenses auraient été couvertes grâce à la réalisation d'économies placées sous la forme de bons de caisse ; qu'une telle argumentation est au nombre de celles que les dispositions précitées de l'article 180 interdisent au contribuable de faire valoir pour faire échec à l'évaluation de ses bases d'imposition en application de cet article ;
Mais considérant qu'il ressort des constatations opérées par l'expert que M. X... a disposé, en raison de l'écart permanent existant entre les dates auxquelles il encaisse les primes d'assurance et celles auxquelles il les verse aux compagnies, de ressources de trésorerie qu'il utilisait pour financer certaines des dépenses personnelles sur la base desquelles l'administration l'a taxé d'office ; que ces ressources se sont élevées à 24 200 F pour 1972, 1 200 F pour 1973 et 3 900 F pour 1974 ; qu'une telle justification n'est pas au nombre de celles que le contribuable ne peut faire valoir pour faire échec à l'évaluation de ses bases d'imposition en application des dispositions précitées de l'article 180 du code général des impôts ; que, par suite, le ministre n'est pas fondé à demander que les impositions contestées soient remises en totalité à la charge de M. X... ; que les réductions de bases imposables accordées par le tribunal administratif de Paris doivent être maintenues dans la limite des sommes susindiquées ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que le Conseil d'Etat ne dispose pas au dossier des éléments permettant de fixer la répartition des frais d'expertise ; qu'il y a lieu d'ordonner sur ce point un supplément d'instruction ;
Article 1er : Les bases d'imposition de M. X... à l'impôt sur le revenu seront réduites de 24 200 F en 1972, 1 200 F en 1973 et 3 900 F en 1974.
Article 2 : M. X... est déchargé de la différence entre le montant de l'imposition à laquelle il a été assujetti au titre des années 1972, 1973 et 1974 et celui résultant de l'article 1 ci-dessus.
Article 3 : Le jugement attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1 et 2 ci-dessus.
Article 4 : Il est ordonné avant dire droit sur les frais d'expertise un supplément d'instruction aux fins pour l'administration de fournir les éléments permettant de répartir les frais d'expertise.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget et à M. X....