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27/04/1987 | FRANCE | N°49616

France | France, Conseil d'État, 8 / 7 ssr, 27 avril 1987, 49616


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 mars 1983 et 11 juillet 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société à responsabilité limitée "LES MAISONS DE PAUL VAREILLES", dont le siège est ... à Grenoble 38100 , représentée par son gérant en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 15 décembre 1982 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande en réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujet

tie au titre des exercices clos les 30 septembre 1976 et 1977 dans les rôles de...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 mars 1983 et 11 juillet 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société à responsabilité limitée "LES MAISONS DE PAUL VAREILLES", dont le siège est ... à Grenoble 38100 , représentée par son gérant en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 15 décembre 1982 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande en réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 septembre 1976 et 1977 dans les rôles de la commune de Grenoble ;
2° lui accorde la réduction des impositions contestées,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu la loi n° 64-1360 du 31 décembre 1964 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Janicot, Maître des requêtes,
- les observations de Me Choucroy, avocat de la société "LES MAISONS DE PAUL VAREILLES",
- les conclusions de Mme de Saint-Pulgent, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE "LES MAISONS DE PAUL VAREILLES", dont l'objet social est la construction et la commercialisation de maisons individuelles, a été créée le 17 avril 1974 ; que M. Paul X..., gérant de cette société et qui possède avec son épouse 50 % des parts de son capital, a déposé sous son nom, le 30 décembre 1975, la marque "Les Maisons de Paul Vareilles" au greffe du tribunal de commerce de Grenoble et l'a fait enregistrer par l'Institut National de la propriété industrielle ; que, par contrat en date du 15 décembre 1975, agissant en sa double qualité de propriétaire de la marque et de gérant de la société, il a concédé à un tiers, pour un territoire géographiquement défini, le droit de construire et de commercialiser les maisons figurant sur le catalogue de la société ; qu'en contrepartie de ce droit, le concessionnaire s'est engagé à verser, par maison construite, une redevance de 4 000 F hors taxes versée à M. Paul X... en sa qualité de propriétaire de la marque et une redevance de 5 000 F hors taxes versée à la société "LES MAISONS DE PAUL VAREILLES" pour l'assistance commerciale, technique, administrative et publicitaire que cette société apportait au concessionnaire ;
Considérant que l'administration, estimant que le contrat de concession du 15 décembre 1975 ne lui était pas opposable, a rapporté aux bénéfices de la société requérante les redevances perçues par M. Paul X... en exécution de ce contrat, soit 15 000 F hors taxes en 1976 et 45 068 F hors taxes en 1977 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1649 quinquies B du code général des impôts : "Les actes... dégusant soit une réalisation soit un transfert de bénéfices... ne sont pas opposables à l'administration, laquelle supporte la charge de la preuve du caractère réel de ces actes devant le juge de l'impôt lorsque, pour restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse, elle s'est abstenue de prendre l'avis du comité consultatif dont la composition est indiquée à l'article 1653-C" ; que, lorsque l'administration use des pouvoirs qu'elle tient de ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle doit, pour pouvoir écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, établir que ces actes ont un caractère fictif ou, à défaut, qu'ils n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;

Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi n° 64-1360 du 31 décembre 1964 : "La propriété de la marque s'acquiert par le premier dépôt... Toutefois, le titulaire d'une marque notoirement connue...peut réclamer l'annulation du dépôt d'une marque susceptible de créer une confusion avec la sienne... Le seul usage à titre de marque de l'un des signes prévus à l'article 1er ne confère aucun droit à l'usager" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le premier dépôt de la marque "LES MAISONS DE PAUL VAREILLES" a été fait par M. Paul X... le 30 décembre 1975 ; que la SOCIETE "LES MAISONS DE PAUL VAREILLES" n'était pas titulaire de cette marque au sens des dispositions précitées ; que l'usage qu'elle en a fait n'a pu, en application de ces dispositions, lui créer aucun droit ; qu'ainsi l'administration, qui n'allègue pas que le contrat de concession du 15 décembre 1975 ait eu un caractère fictif, n'établit pas non plus qu'il ait eu pour seul objet, en prévoyant le dépôt de la marque par M. Paul X... et non par la SOCIETE "LES MAISONS DE PAUL VAREILLES", de faire échapper à l'impôt sur les sociétés la redevance versée par le concessionnaire pour l'utilisation de la marque ; que, dès lors, c'est à tort que, pour réintégrer le montant de cette redevance dans les bases imposables de la société requérante, l'administration s'est fondée sur les dispositions précitées de l'article 1649 quinquies B du code général des impôts ;
Considérant que si, pour justifier cette réintégration, l'administration soutient, à titre subsidiaire, que la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE "LES MAISONS DE PAUL VAREILLES" a renoncé au profit de son gérant, sans contrepartie, au droit propre qu'elle détenait antérieurement au 30 décembre 1975 sur la marque correspondant à sa raison sociale et a ainsi commis un acte anormal de gestion, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la société n'avait aucun droit sur cette marque ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête que la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE "LES MAISONS DE PAUL VAREILLES" est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande en réduction des impositions contestées ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 15 décembre 1982 est annulé.
Article 2 : Les cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et les pénalités correspondantes mises à la charge de la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE "LES MAISONS DE PAUL VAREILLES" au titre des années 1976 et 1977 sont respectivement réduites de 9 187 Fet de 25 342 F.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE "LES MAISONS DE PAUL VAREILLES" et au ministredélégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget.


Sens de l'arrêt : Annulation totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ECONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REGLEMENTATION DES ACTIVITES ECONOMIQUES - ACTIVITES SOUMISES A REGLEMENTATION - REGLEMENTATION DES MARQUES - Ne constitue ni un abus de droit - ni un acte anormal de gestion le fait pour une société de ne pas percevoir une redevance pour l'usage par un tiers d'une marque - dont la société n'est elle-même que l'usager et non le propriétaire.

14-02-01-011, 19-01-03-03-02, 19-04-02-01-04-082 M. Paul Vareilles, gérant de la S.A.R.L. "Les maisons de Paul Vareilles", dont l'objet social est la construction et la commercialisation de maisons individuelles, a déposé sous son nom la marque "Les maisons de Paul Vareilles" au greffe du tribunal de commerce et l'a fait enregistrer par l'Institut national de la propriété industrielle. Par contrat, agissant en sa double qualité de propriétaire de la marque et de gérant de la société, il a concédé à un tiers le droit de construire et commercialiser les maisons figurant sur le catalogue de la société moyennant deux redevances, l'une versée à la société pour l'assistance commerciale, technique, administrative et publicitaire qu'elle apporte au concessionnaire, et une autre qui lui est versée en sa qualité de propriétaire de la marque. Aux termes de l'article 4 de la loi du 31 décembre 1964 "la propriété de la marque s'acquiert par le premier dépôt ... le seul usage à titre de marque de l'un des signes prévus à l'article 1er ne confère aucun droit à l'usager". Le premier dépôt de la marque "Les maisons de Paul Vareilles" ayant été fait par celui-ci, la S.A.R.L. n'en est pas titulaire et l'usage qu'elle en a fait n'a pas pu lui créer aucun droit. Dès lors le fait que la redevance soit versée au gérant n'avait pas pour but de faire échapper la société à l'impôt. L'administration, qui n'allègue pas que le contrat de concession ait eu un caractère fictif, n'établit donc pas que ce contrat, en prévoyant le dépôt de la marque par le gérant et non par la société, ait eu pour seul objet d'éluder l'impôt, et ait dont été constitutif d'un abus de droit, ni que la société, en renonçant à cette redevance au profit de son gérant, ait commis un acte anormal de gestion. Décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés nées de la réintégration par l'administration, dans les bénéfices de la S.A.R.L., de la redevance versée par le concessionnaire à M. Paul Vareilles.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - ABUS DE DROIT - NOTION - Absence - Fait de ne pas percevoir une redevance pour l'usage par un tiers d'une marque dont la société n'est elle-même que l'usager et non le propriétaire.

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - ACTE ANORMAL DE GESTION - Avantages consentis aux dirigeants ou associés - Absence de gestion anormale - Notion d'usage et de propriété d'une marque [loi du 31 décembre 1964] [1] - Ne constitue pas un acte anormal de gestion le fait de ne pas percevoir une redevance pour l'usage par un tiers d'une marque dont la société n'est elle-même que l'usager et non le propriétaire.


Références :

CGI 1649 quinquies B
Loi 64-1360 du 31 décembre 1964 art. 4

1. Sur ces questions, voir rubrique Commerce et Industrie, Activités soumises à une réglementation


Publications
Proposition de citation: CE, 27 avr. 1987, n° 49616
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. M. Bernard
Rapporteur ?: M. Janicot
Rapporteur public ?: Mme de Saint-Pulgent

Origine de la décision
Formation : 8 / 7 ssr
Date de la décision : 27/04/1987
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 49616
Numéro NOR : CETATEXT000007727002 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1987-04-27;49616 ?
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