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28/11/1986 | FRANCE | N°41528;43589

France | France, Conseil d'État, 8 / 7 ssr, 28 novembre 1986, 41528 et 43589


Vu 1° la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 13 avril 1982 et 28 juillet 1982, sous le n° 41 528 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société à responsabilité limitée SUBREM ayant son siège ... à Neuilly-sur-Seine 92200 , représentée par son gérant en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° réforme le jugement du 18 février 1982 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles

elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 1971, 1972, 197...

Vu 1° la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 13 avril 1982 et 28 juillet 1982, sous le n° 41 528 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société à responsabilité limitée SUBREM ayant son siège ... à Neuilly-sur-Seine 92200 , représentée par son gérant en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° réforme le jugement du 18 février 1982 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 1971, 1972, 1973 et 1974 et de la contribution exceptionnelle au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1974 ;
2° lui accorde la décharge des impositions contestées,
Vu 2° le recours, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 1er juillet 1982 sous le n° 43 589 présenté par le ministre de l'économie, des finances et du budget et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° réforme le jugement du 18 février 1982 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à la société à responsabilité limitée SUBREM la décharge de la différence entre l'amende du double des droits à laquelle elle a été assujettie en matière d'impôt sur les sociétés au titre des années 1971, 1972, 1973 et 1974 et l'indemnité de retard à substituer à ladite amende ;
2° remette intégralement les pénalités contestées à la charge de la société à responsabilité limitée SUBREM ;
3° subsidiairement remette à la charge de ladite société les pénalités qui lui avaient été assignées en les limitant aux majorations prévues lorsque la bonne foi du redevable ne peut être admise,
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales du nouveau code des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Champagne, Maître des requêtes,
- les observations de Me Bouthors, avocat de la SOCIETE SUBREM,
- les conclusions de M. Chahid-Nouraï, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête n° 41 528 et le recours n° 43 589 sont dirigés contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par une seule décision ;
Sur les conclusions de la SOCIETE ANONYME SUBREM tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1971, 1972, 1973 et 1974 :
Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts : "I... En cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est ps suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur les exercices suivants jusqu'au cinquième exercice qui suit l'exercice déficitaire..." ; que la mise en oeuvre du droit au report déficitaire ouvert par ces dispositions est subordonnée à la condition que la personne de l'exploitant et l'objet de l'entreprise soient restés les mêmes ; que cette condition fait défaut lorsqu'une société a subi, dans sa composition et son activité, des transformations telles que, tout en ayant conservé sa personnalité juridique, elle n'est plus, en réalité, la même ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE ANONYME SUBREM, dont l'objet était la fabrication et la vente d'appareils ménagers à partir de brevets acquis ou exploités sous licence, a cessé cette activité à partir de 1969 et s'est consacrée à une nouvelle activité de "publicité-marketing", promotion des ventes et gestion ; que l'objet social a été modifié en 1970 ; que, par une décision de l'assemblée générale du 31 décembre 1970, le capital de la société a été porté de 20 000 F à 3 620 000 F ; que tout le personnel a été licencié et le siège social transféré au domicile du principal associé ; qu'il résulte de l'ensemble de ces circonstances, et principalement de celles touchant au changement de la nature de l'activité exercée, que la société ne peut être regardée comme étant demeurée la même à compter de 1969 ; que, dès lors, c'est par une exacte application des dispositions précitées de l'article 209 du code général des impôts que l'administration a procédé à la réintégration dans les résultats des exercices clos en 1971, 1972, 1973 et 1974 des déficits constatés avant la transformation de la société ;

Considérant que si la société requérante entend se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, reprises à l'article L.80-A du livre des procédures fiscales, des réponses ministérielles à des parlementaires en date des 11 mars 1932, 19 juillet 1955, 29 mai 1956, 24 janvier 1963 et 26 juin 1975, ainsi que de la note administrative du 14 décembre 1962 commentant les dispositions de la loi de finances rectificative pour 1962, il résulte de l'examen de ces documents qu'ils se rapportent à des situations différentes de celle dans laquelle se trouve la société requérante ; que, si celle-ci invoque la réponse faite par le ministre de l'économie et des finances à la question écrite de M. X..., député, il résulte des termes mêmes de cette réponse, publiée au journal officiel du 6 décembre 1972, que si le ministre a indiqué que l'administration s'abstiendrait "de remettre en cause la situation des sociétés qui ayant changé d'activité avant la date de publication de ladite réponse" auraient estimé que ce changement n'emportait pas cessation d'entreprise, il a précisé qu'il s'agissait du cas des sociétés ayant changé d'activité "sans autre modification importante" ; que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, outre son changement d'activité, la SOCIETE ANONYME SUBREM a subi d'autres modifications importantes et n'est, par suite, pas fondée à se prévaloir de cette réponse ministérielle ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE ANONYME SUBREM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des impositions litigieuses ;
Sur les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1732 du code général des impôts alors en vigueur : "Dans les cas de dissimulation définis à l'article 1649 quinquies B, il est dû une amende égale au double des droits, impôts et taxes réellement exigibles" ; qu'aux termes de l'article 1649 quinquies B du même code : "Les actes... déguisant soit une réalisation soit un transfert de bénéfices... ne sont pas opposables à l'administration, laquelle supporte la charge de la preuve du caractère réel de ces actes devant le juge de l'impôt lorsque, pour restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse, elle s'est abstenue de prendre l'avis du comité consultatif dont la composition est indiquée à l'article 1653-C" ; que, lorsque l'administration use des pouvoirs qu'elle tient de ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle doit, pour pouvoir écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, établir que ces actes ont un caractère fictif ou, à défaut, qu'ils n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en 1969, M. et Mme Y... détenaient 65 % du capital de la SOCIETE ANONYME SUBREM ; que M. Y... a cédé le 15 décembre 1969 à M. Z..., à l'épouse et à la soeur de ce dernier la créance d'un montant de 5 036 844 F dont il était titulaire sur la société ; qu'en février 1970, M. Z..., son épouse et sa soeur ont racheté les parts de la société qu'ils ne détenaient pas déjà ; qu'ils ont décidé, le 31 décembre 1970, d'augmenter le capital de la société de 20 000 à 3 620 000 F par incorporation d'une partie de ladite créance, puis, les 22 avril 1972 et 30 octobre 1974, de réduire ce capital d'abord à 2 715 000 F puis à 1 000 000 F ;

Considérant que, pour demander, à titre principal, le rétablissement de l'amende prévue à l'article 1732 du code général des impôts et dont le tribunal administratif a accordé la décharge, l'administration fait valoir que l'acquisition par les membres de la famille Z... de la totalité du capital de la société et de la créance détenue sur celle-ci par M. Y..., alors que cette créance était irrecouvrable et que l'activité sociale était complètement modifiée, a eu pour objet, d'une part, de dissimuler une cession d'entreprise et de rendre possible le report des déficits antérieurement constatés dans les résultats de la société, et, d'autre part, de permettre, par l'effet de l'augmentation et des diminutions de capital ci-dessus mentionnées, lesquelles auraient eu un caractère fictif, la distribution aux associés en franchise d'impôt des profits réalisés par la société et non soumis à l'impôt sur les sociétés en raison du report des déficits antérieurs ;
Considérant toutefois que le ministre n'établit ni que la créance acquise par les membres de la famille Z... était irrecouvrable, ni que l'augmentation et des diminutions de capital respectivement réalisées en 1970, 1972 et 1974 aient eu un caractère fictif, ni que les opérations ci-dessus décrites, qui ont pu avoir pour but de permettre à la famille Z... de prendre le contrôle de la société, aient eu pour seul objet d'éluder les charges fiscales de la société ; qu'ainsi les conclusions principales du ministre doivent être rejetées ;
Considérant que le ministre n'établit pas que la bonne foi de la société ne peut être admise ; que, dès lors, il n'est pas fondé à demander, à titre subsidiaire, que les pénalités qui lui avaient été assignées soient maintenues dans la limite des pénalités prévues lorsque la bonne foi du contribuable ne peut être admise ;
Article 1er : La requête de la SOCIETE ANONYME SUBREM et le recours du ministre de l'économie, des finances et du budget sont rejetés.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ANONYME SUBREM et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 8 / 7 ssr
Numéro d'arrêt : 41528;43589
Date de la décision : 28/11/1986
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-01-04-10 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - B.I.C. - DETERMINATION DU BENEFICE NET - REPORT DEFICITAIRE -Condition d'identité d'entreprrise [régime antérieur à l'entrée en vigueur de l'article 9 de la loi n° 85-1403 du 30 décembre 1985] - Absence - Changement dans la nature de l'activité exercée et l'organisation générale de l'entreprise.

19-04-02-01-04-10 La mise en oeuvre du droit au report déficitaire ouvert par l'article 209 du C.G.I. est subordonnée à la condition que la personne de l'exploitant et l'objet de l'entreprise soient restés les mêmes. Cette condition fait défaut lorsqu'une société a subi, dans sa composition et son activité, des transformations telles que, tout en ayant conservé sa personnalité juridique, elle n'est plus, en réalité, la même. La société requérante, dont l'objet était la fabrication et la vente d'appareils ménagers à partir de brevets acquis ou exploités sous licence, a cessé cette activité à partir de 1969 et s'est consacrée à une nouvelle activité de "publicité-marketing", promotion des ventes et gestion. L'objet social a été modifié en 1970 et, par une décision de l'assemblée générale du 31 décembre 1970, le capital de la société a été porté de 20.000 F à 3.620.000 F. Tout le personnel a été licencié et le siège social transféré au domicile du principal associé. Il résulte de l'ensemble de ces circonstances, et principalement de celles touchant au changement de la nature de l'activité exercée, que la société ne peut être regardée comme étant demeurée la même à compter de 1969. En conséquence, réintégration dans les résultats des exercices non prescrits des déficits constatés avant la transformation de la société.


Références :

CGI 209 I, 1649 quinquiès E, 1732, 1649 quinquiès B
CGI livre des procédures fiscales L80-A
Note du 14 décembre 1962 direction générale des impôts


Publications
Proposition de citation : CE, 28 nov. 1986, n° 41528;43589
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. M. Bernard
Rapporteur ?: Mme Champagne
Rapporteur public ?: M. Chahid-Nouraï

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1986:41528.19861128
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