Vu la requête enregistrée le 8 décembre 1981 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la société anonyme "CLINIQUE X... LEMAN", dont le siège est ... à Thonon-les-Bains 74200 , représentée par le président de son directoire en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule l'article 3 du jugement du 19 août 1981 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions tendant à la réduction, en tant qu'elles concernent la location d'un local de radiologie, des cotisations supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 1972 au 31 mai 1976 par avis de mise en recouvrement du 4 février 1977, ainsi que des pénalités correspondantes ;
2° lui accorde la réduction de l'imposition contestée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. d' Harcourt, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Racine, Commissaire du gouvernement ;
Sur la requête de la société "Clinique du Léman" :
Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au cours de la période du 1er octobre 1972 au 31 mai 1976 : "1- Les affaires faites en France au sens des articles 258 et 259 sont passibles de la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elles relèvent d'une activité de nature industrielle ou commerciale, quels qu'en soient les buts ou les résultats" ;
Considérant que la location de locaux nus est une opération de nature civile qui, en principe, n'entre pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, tel qu'il est défini par la disposition précitée de l'article 256 du code général des impôts ; que, toutefois, en vertu de la même disposition, elle est passible de cette taxe si elle est le prolongement d'affaires commerciales ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE ANONYME CLINIQUE X... LEMAN qui, exploitait à Thonon-les-Bains Haute-Savoie pendant la période susmentionnée, une clinique chirurgicale, donnait en location à un médecin radiologue un local nu dans lequel celui-ci exerçait à titre personnel sa spécialité avec du matériel lui appartenant en propre ; que l'administration n'établit pas que l'activité du radiologue était le complément indispensable de celle de la société bailleresse dans le cadre d'un service intégré ; qu'ainsi la location dont il s'agit n'étant pas le prolongement de l'activité commerciale de la société, les sommes correspondant au montant du loyer perçu n'ont pas présenté le caractère de recettes provenant de l'exercice d'une activité commerciale imposable en tant que telles à la taxe sur la valeur ajoutée en vertu de l'article 256 précité du code général des impôts ; quil suit de là que la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande en décharge des droits correspondant ;
Sur le recours incident du ministre :
Considérant que les conclusions incidentes du ministre tendent à ce que soient remis à la charge de la société requérante l'intégralité des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 1972 au 31 mai 1976 correspondant à la différence entre le montant des droits dus à raison des sommes versées par les médecins exerçant dans la clinique à titre de participation aux frais, calculés sur la base du taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée, et le montant des mêmes droits acquittés spontanément par la SOCIETE ANONYME CLINIQUE X... LEMAN sur la base du taux intermédiaire ;
En ce qui concerne les conclusions relatives à la période du 1er janvier au 30 septembre 1972 :
Considérant que ces conclusions soulèvent un litige différent de celui qui fait l'objet de l'appel principal et sont, par suite, irrecevables ;
En ce qui concerne les conclusions relatives à la période du 1er octobre 1972 au 31 mai 1976 :
Considérant que si, en vertu de l'article 88 de l'annexe III au code général des impôts pris sur le fondement de l'article 280-2-5 du même code, le taux intermédiaire est applicable aux "soins donnés par les établissements hospitaliers" aucune disposition dudit article 280-2-5 ne permet de faire application du taux intermédiaire aux prestations de services, fussent-elles liées aux soins, qui sont rendus par les établissements hospitaliers aux médecins qui y exerçent leur activité ; qu'ainsi au regard de la loi, les sommes versées par les médecins à titre de participation aux frais de la clinique du Léman étaient passibles du taux normal ;
Considérant que, pour accorder la décharge des compléments d'imposition concernant la période susmentionnée, le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur une lettre du ministre de l'économie et des finances au président de la fédération française intersyndicale des établissements d'hospitalisation privée en date du 17 novembre 1975, que la société requérante avait invoqué sur le fondement de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts repris dans l'article L. 80-A du livre des procédures fiscales ; que l'interprétation donnée par cette lettre ne concerne que le cas où une même redevance forfaitaire couvre simultanément, outre les soins médicaux, des prestations indirectement liées aux soins ; qu'il résulte de l'instruction que les redevances versées à la clinique du Léman par les médecins qui y exerçaient leur activité couvraient exclusivement des frais à caractère administratif, qui n'étaient pas directement liés aux soins ; que, dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'interprétation ministérielle invoquée pour faire droit aux conclusions susanalysées ;
Considérant, d'autre part, que la société anonyme "Clinique du Léman" a invoqué sur le même fondement une réponse ministérielle à un parlementaire qui a été publiée au journal des débats de l'assemblée nationale le 17 décembre 1974 et aux termes de laquelle les participations aux frais de certaines cliniques privées versées par les médecins qui y exercent leur art doivent être soumises au taux intermédiaire si ces sommes rémunèrent des prestations de services directement liées aux soins ou au taux qui leur est propre s'il s'agit de prestations d'autre nature ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit les participations forfaitaires versées par les médecins de la clinique du Léman ne rémunéraient pas des prestations directement liées aux soins ; que, dès lors, la société ne peut utilement se prévaloir de la réponse ministérielle précitée ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a accordé à la société requérante la décharge des droits susmentionnés pour la période comprise entre le 1er octobre 1972 et le 31 mai 1976 ;
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement du 19 août 1981 du tribunal administratif de Grenoble sont annulés.
Article 2 : La SOCIETE ANONYME CLINIQUE X... LEMAN est déchargée des droits supplémentaire en matière de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquels elle a été assujettie à raison de la location d'un local de radiologie au titre de la période du 1er octobre 1972 au 31 mai 1976.
Article 3 : Sont remis à la charge de la SOCIETE ANONYME CLINIQUE X... LEMAN les droits en matière de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que les pénalités y afférentes qui lui ont été assignés à raison des participations reçues des médecins exerçant dans son établissement au titre de la période du 1er octobre 1972 au 31 mai 1976.
Article 4 : Le surplus des conclusions du recours incident du ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances chargé du budget est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ANONYME CLINIQUE X... LEMAN et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation chargé du budget.