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02/07/1986 | FRANCE | N°50163

France | France, Conseil d'État, 7 / 8 ssr, 02 juillet 1986, 50163


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 avril 1983 et 28 juillet 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Claude Y..., demeurant ... à L'Hay-les-Roses 92240 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 31 janvier 1983 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, ainsi que les majorations de ces cotisations, auxquelles il a été assujetti, au titre des années 1971 et 1973, dans les rôles de la ville de

Paris,
2° lui accorde la décharge des impositions contestées et la ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 avril 1983 et 28 juillet 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Claude Y..., demeurant ... à L'Hay-les-Roses 92240 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 31 janvier 1983 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, ainsi que les majorations de ces cotisations, auxquelles il a été assujetti, au titre des années 1971 et 1973, dans les rôles de la ville de Paris,
2° lui accorde la décharge des impositions contestées et la majoration des droits précités,

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales du nouveau code des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'article 93-II de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme de Saint-Pulgent, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Nicolas, Masse-Dessen, Georges, avocat de M. Claude Y...,
- les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il est constant, qu'à la suite des modifications apportées aux statuts de la société SITEV, par délibération de son assemblée générale du 26 septembre 1961, les terrains à bâtir composant l'actif de cette société ont été divisés en deux catégories : les uns, dits "de première catégorie", restant la propriété entière de la société ; les autres, dits "de seconde catégorie" étant répartis en lots numérotés avec affectation de chaque lot à un groupe d'actions nominatives attribuées gratuitement aux actionnaires et donnant un droit de jouissance immédiate sur lesdits lots avec vocation à une attribution de la nue-propriété lors de la dissolution de cette société ; qu'il est également constant, que, pour la réalisation respective de leur programme immobilier, les sociétés civiles immobilières "Roseraie Jolimont" et "Monserby Jolimont" dont MM. Michel et Claude Y... pour la première société et MM. Claude et Eugène Y... pour la seconde, étaient porteurs de parts, ont acheté en 1970 pour la première opération et en 1973 pour la seconde à la société SITEV, dont MM. MIchel, Claude et Eugène Y... étaient actionnaires, les terrains nécessaires à l'assiette des constructions projetées et faisant partie des terrains "de première catégorie" précitée ; que, si le reste des terrains formant, selon les statuts modifiés de la société SITEV, le lot n° 13 pour l'opération "Roseraie Jolimont" et les lots numéros 8, 9 et 10 pour l'opération "Monserby Jolimont" et faisant partie des terrains "de seconde catégorie" est demeuré la propriété de cette dernière société, MM. Michel et Claude Y... ont cédé en 1971 leurs actions de ladite société au syndicat des copropriétaires avc le droit de jouissance sur les terrains qui était attaché à ces actions ; que MM. Claude et Eugène Y... ont, dans les mêmes conditions, cédé en 1973 leurs actions de la société SITEV au syndicat des copropriétaires du lotissement "Monserby Jolimont" ;

Considérant que l'administration, estimant que les opérations susmentionnées avaient un caractère fictif et avaient eu pour objet d'éluder partiellement l'imposition de la société SITEV sur la totalité des plus-values réalisées à l'occasion de la cession des terrains, a assujetti la société à l'impôt sur les sociétés à raison de l'intégralité du prix payé en fin de compte par les acquéreurs ; qu'en application de l'article 109 du code général des impôts, qui dispose que : "1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital", M. Claude Y..., actionnaire de la société anonyme "SITEV", a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, au titre des années 1971 et 1973 à raison de sa part dans les bénéfices réalisés et distribués par la société précitée, et dont il ne conteste pas qu'il a été bénéficiaire à l'occasion de la cession des terrains sur lesquels ont été réalisés les lotissements "Roseraie Jolimont" et "Monserby Jolimont" ; que ces droits supplémentaires ont été assortis de pénalités au taux de 200 % sur le fondement des articles 1731 et 1732 du code général des impôts ; que M. Claude Y... demande la décharge de ces droits et pénalités ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 1649 septies B du code général des impôts :
Considérant qu'aux termes des dispositions, alors en vigueur de l'article 1649 septies B du code général des impôts : "Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, ... est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures ... pour la même période" ;

Considérant que l'administration a pu, sans méconnaître ces dispositions, après avoir procédé à une vérification de la comptabilité de la société SITEV, au titre des années 1958 à 1961, procéder, en 1971, puis en 1974, à de nouvelles vérifications portant sur des périodes différentes ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les bénéfices réintégrés dans les résultats de la société au titre de l'année 1971 et regardés comme distribués ont été arrêtés après une vérification de comptabilité irrégulière ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts :
Considérant qu'aux termes du 2ème alinéa de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, repris à l'article L. 80-A du livre des procédures fiscales du nouveau code des impôts : "Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente" ;
Considérant que si l'administration a d'abord, par une notification de redressement du 20 novembre 1962, regardé la modification des statuts de la société anonyme SITEV, par la délibération précitée de l'assemblée générale du 26 septembre 1961, comme constitutive de la création d'une société civile immobilière de construction de nature à engendrer une plus-value de cession, puis a, le 2 avril 1963, abandonné ce chef de redressement et a enfin, à l'occasion de la vérification de la comptabilité de la société requérante, effectuée en 1974, estimé que cette modification statutaire, ainsi que les actes de cession passés en 1970, 1971 et 1973 pour la réalisation des lotissements "Roseraie Jolimont" et "Monserby Jolimont" avaient un caractère fictif, elle a seulement procédé ainsi à des appréciations différentes de la situation de la société au regard des textes fiscaux, sans donner aucune interprétation formelle de ces textes ; que M. Claude Y... n'est donc pas fondé à soutenir que les impositions litigieuses ont été établies en violation des dispositons précitées de l'article 1649 quinquies E ;
Sur la prescription :

Considérant qu'aux termes de l'article 1966 du code général des impôts, alors en vigueur : "Les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette de l'impôt ... peuvent être réparées jusqu'à l'expiration de la quatrième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due" ;
Considérant qu'il appartenait à l'administration, en vertu de ces dispositions, de rechercher, respectivement jusqu'au 31 décembre 1975 et jusqu'au 31 décembre 1977, si les cessions d'actions de la société SITEV opérées en 1971 et 1973 par MM. Claude, Eugène et Michel Y... avaient dégagé une plus-value taxable au nom de cette société ; qu'elle pouvait, à cette occasion, examiner les conditions dans lesquelles ces actions avaient été créées à l'occasion de la modification des statuts faite en 1961 et, le cas échéant, établir que cette modification avait un caractère fictif et ne lui était pas opposable en vertu des dispositions de l'article 1649 quinquies B du code alors en vigueur ; que l'administration ayant estimé que la société avait réalisé des plus-values à l'occasion de ces cessions, les a réintégrées dans les bases d'imposition de la société requérante ; que les redressements correspondants ont été notifiés à la société le 21 novembre 1974 ; qu'à cette date la prescription n'était pas acquise ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que ces bénéfices réintégrés dans les résultats de la société au titre de l'année 1971 et regardés comme distribués ont été arrêtés après une vérification de comptabilité irrégulière ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 1649 quinquies B du code général des impôts, alors en vigueur : "Les actes dissimulant la portée véritable d'un contrat ou d'une convention sous l'apparence de stipulations ... permettant d'éviter soit en totalité, soit en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires afférentes aux opérations effectuées en exécution de ce contrat ou de cette convention ne sont pas opposables à l'administration, laquelle supporte la charge de la preuve du caractère réel de ces actes devant le juge de l'impôt lorsque, pour restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse, elle s'est abstenue de prendre l'avis du comité consultatif dont la composition est indiquée à l'article 1653 C ou lorsqu'elle a établi une taxation non conforme à l'avis de ce comité" ; que, lorsque l'administration use des pouvoirs qu'elle tient de ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle doit, pour pouvoir écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, établir que ces actes ont un caractère fictif ou, à défaut, qu'ils n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'ensemble des terrains constituant les lots précités était indispensable à la réalisation de l'opération de construction faite par les sociétés civiles immobilières "Roseraie Jolimont" et "Mauserby Jolimont" ; que les terrains que la SITEV a conservés après avoir vendu aux sociétés civiles immobilières les terrains d'assiette des constructions ne pouvaient plus faire l'objet d'une transaction commerciale distincte, alors surtout que les sociétés civiles immobilières, tant à l'égard du public que dans leurs rapports avec les administrations, organismes financiers ou intermédiaires concernés, avaient fait état, notamment en ce qui concerne les prix de revient et de vente de l'ensemble des terrains composant "le lot n° 13" pour l'opération "Roseraie-Jolimont" et les lots n° 8,9 et 10 pour l'opération "Monserby-Jolimont" ; que, dans le cadre d'une opération d'accession à la propriété, aucune nécessité propre au régime de la copropriété ne justifiait que les copropriétaires n'eussent pas les mêmes droits sur les terrains y attenant ; que, dès lors, aussi bien la délibération ci-dessus analysée de l'assemblée générale de la société SITEV du 26 septembre 1961, que le fait d'avoir réservé un sort différent aux terrains d'assiette des bâtiments et aux autres terrains, les premiers étant seuls cédés par la SITEV à la société civile immobilière, alors que les seconds demeuraient la propriété de la SITEV et que les actions de celle-ci correspondant à ces terrains étaient vendus au syndicat des copropriétaires, n'avaient pas d'autre objectif que celui d'éluder une partie de l'impôt, notamment en réduisant le montant du prix de vente des appartements et, partant, celui des bénéfices réalisés par la société SITEV à l'occasion de la cession des terrains ; qu'en l'état de ces constatations, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe, dès lors qu'elle n'a pas saisi la commission prévue à l'article 1653 C du code général des impôts, de ce que les opérations susmentionnées avaient un caractère fictif et avaient pour objet d'éluder partiellement l'imposition de la société SITEV sur la
totalité des plus-values réalisées à l'occasion de la cession des terrains ; que c'est, par suite, à bon droit, que la société SITEV a été assujettie à l'impôt sur les sociétés, à raison de l'intégralité du prix payé en fin de compte par les acquéreurs ; que le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que la plus-value de cession des actions devait être imputée aux sociétés civiles immobilières précitées, dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 35 A du code général des impôts alors applicables ; qu'il suit de là que M. Claude Y... était redevable de l'impôt sur le revenu à raison de sa part dans les bénéfices réalisés par la société SITEV et qui lui ont été distribués ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'aux termes de l'article 1732 du code général des impôts : "dans les cas de dissimulation définis à l'article 1649 quinquies B, il est dû une amende égale au double des droits, impôts ou taxes réellement exigibles" ; qu'en application de ces dispositions, l'administration était en droit d'appliquer à M. Claude Y... une amende égale à 200 % des droits éludés dès lors que l'intéressé a participé à la dissimulation ci-dessus établie ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Claude Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé , le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Article 1er : La requête de M. Claude Y... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X... COLNEet au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des financeset de la privatisation, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 7 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 50163
Date de la décision : 02/07/1986
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU


Publications
Proposition de citation : CE, 02 jui. 1986, n° 50163
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme de Saint-Pulgent
Rapporteur public ?: Fouquet

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1986:50163.19860702
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