Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 12 avril 1991, par MM Pierre Mazeaud, Jacques Chirac, Bernard Pons, Robert Pandraud, Franck Borotra, Henri Cuq, Alain Jonemann, Jean-Louis Goasduff, Lucien Guichon, Michel Terrot, Roland Vuillaume, Bernard Debré, Emmanuel Aubert, René Couveinhes, Etienne Pinte, Georges Gorse, Philippe Séguin, Edouard Balladur, Claude Barate, Nicolas Sarkozy, Michel Giraud, Jean Falala, Mme Françoise de Panafieu, MM Robert Poujade, Dominique Perben, Charles Paccou, Gabriel Kaspereit, Mme Martine Daugreilh, MM Eric Raoult, Richard Cazenave, Jean-Louis Masson, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM Michel Péricard, Antoine Rufenacht, Jean-Louis Debré, Gérard Léonard, Jacques Toubon, Jean-Michel Couve, Patrick Ollier, Jean Valleix, Claude Dhinnin, François Fillon, Patrick Devedjian, Alain Cousin, Jean Kiffer, Christian Estrosi, Jean-Pierre Delalande, Pierre-Rémy Houssin, Roland Nungesser, Jean-Yves Chamard, Jean Tiberi, Georges Tranchant, Jean-Paul de Rocca Serra, Jacques Masdeu-Arus, Jean-Claude Mignon, Olivier Dassault, Guy Drut, Olivier Guichard, Pierre Pasquini, Arthur Dehaine, Robert-André Vivien, Robert Galley, Arnaud Lepercq, François Grussenmeyer, Henri de Gastines, René Galy-Dejean, Serge Charles, Didier Julia, Charles Millon, Mme Louise Moreau, MM Raymond Marcellin, Jean-Marie Caro, Jean Brocard, Francisque Perrut, Henri Bayard, Jean-Luc Preel, Marc Reymann, François Léotard, Jean-François Mattei, Jean Bregault, Georges Mesmin, Maurice Ligot, Jean-Guy Branger, Jean Rigaud, Philippe de Villiers, Claude Gatignol, René Garrec, Françis Delattre, Arthur Paecht, Georges Colombier, Charles Fèvre, André Rossinot, Claude Gaillard, Jean-Pierre Philibert, Jean-François Deniau, Mme Yann Piat, MM Gilles de Robien, Willy Diméglio, Roland Blum, Hubert Falco, Gérard Longuet, Ladislas Poniatowski, Philippe Vasseur, Jean Desanlis, Charles Ehrmann, Jean-Yves Haby, Pierre-André Wiltzer, Bernard Bosson, Jean-Pierre Foucher, Francis Geng, Pierre Méhaignerie, Georges Chavanes, Michel Jacquemin, Edouard Landrain, Jean-Paul Virapoullé, Mme Monique Papon,M Jacques Barrot, députés, et le 15 avril 1991, d'une part,
par M Alain Poher, président du Sénat, et, d'autre part, par MM François Giacobbi, Charles Ornano, Charles Pasqua, Marcel Lucotte, Daniel Hoeffel, Ernest Cartigny, Etienne Dailly, Michel Alloncle, Michel Amelin, Hubert d'Andigné, Honoré Bailet, Henri Belcour, Jacques Bérard, Amédée Bouquerel, Yvon Bourges, Jean-Eric Bousch, Jacques Braconnier, Mme Paulette Brisepierre, MM Camille Cabana, Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Pierre Camoin, Gérard César, Jean Chamant, Michel Chauty, Jean Chérioux, Henri Collette, Maurice Couve de Murville, Charles de Cuttoli, Désiré Debavelaere, Luc Dejoie, Jacques Delong, Charles Descours, Michel Doublet, Alain Dufaut, Pierre Dumas, Marcel Fortier, Philippe François, Philippe de Gaulle, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginesy, Mme Marie-Fanny Gournay, MM Adrien Gouteyron, Georges Gruillot, Yves Guéna, Hubert Haenel, Emmanuel Hamel, Mme Nicole de Hauteclocque, MM Bernard Hugo, Roger Husson, André Jarrot, André Jourdain, Paul Kauss, Christian de La Malène, Lucien Lanier, Gérard Larcher, René-Georges Laurin, Marc Lauriol, Jean-François Le Grand, Maurice Lombard, Paul Masson, Michel Maurice-Bokanowski, Jacques de Menou, Mme Hélène Missoffe, MM Geoffroy de Montalembert, Paul Moreau, Arthur Moulin, Lucien Neuwirth, Paul d'Ornano, Jacques Oudin, Soséfo Makapé Papilio, Alain Pluchet, Christian Poncelet, Claude Prouvoyeur, Jean-Jacques Robert, Mme Nelly Rodi, MM Josselin de Rohan, Michel Rufin, Maurice Schumann, Jean Simonin, Jacques Sourdille, Martial Taugourdeau, Jacques Valade, Serge Vinçon, André-Georges Voisin, Philippe de Bourgoing, Christian Bonnet, André Bettencourt, Michel Miroudot, Henri de Raincourt, Serge Mathieu, Jacques Larché, Michel Poniatowski, Jean-Claude Gaudin, Guy Cabanel, Pierre-Christian Taittinger, Ambroise Dupont, Louis Boyer, Bernard Seillier, Jean Puech, Michel d'Aillières, Richard Pouille, Roger Chinaud, Jean-Pierre Tizon, Jean-Paul Chambriard, Jean Dumont, Roland du Luart, Henri Revol, Jean-Paul Bataille, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Hubert Martin, Pierre Croze, François Trucy, Jean Delaneau, Jean Boyer, Maurice Arreckx, Michel Crucis, Jean Clouet, René Travert, Albert Voilquin, André Pourny, Jean-Paul Emin, Yves Goussebaire-Dupin, Pierre Louvot, Roger Boileau, Paul Caron, Auguste Chupin, Marcel Daunay, André Daugnac, André Egu, Jean Faure, Bernard Guyomard, Rémi Herment, Jean Huchon, Jean Lecanuet, Edouard Le Jeune, François Mathieu, Jacques Moutet, Roger Poudonson, Guy Robert, Paul Séramy, Michel Souplet, Albert Vecten, Xavier de Villepin, Pierre Laffitte, Max Lejeune, Jacques Bimbenet, Georges Berchet, Paul Girod,Raymond Soucaret, Jean Roger, Bernard Legrand, François Abadie, François Lesein, Henri Collard, Yvon Collin, André Boyer, Charles-Edmond Lenglet, Louis Brives, Jean François-Poncet, Hubert Durand-Chastel, François Delga, Jacques Habert, Philippe Adnot, Jean Grandon, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse ;
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu la Constitution du 27 octobre 1946 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 modifiée portant loi organique relative aux lois de finances ;
Vu la loi n° 72-619 du 5 juillet 1972 modifiée portant création et organisation des régions ;
Vu la loi n° 75-536 du 15 mai 1975 portant réorganisation de la Corse ;
Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiée relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions ;
Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ;
Vu la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, modifiée notamment par la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 87-10 du 3 janvier 1987 relative à l'organisation régionale du tourisme ;
Vu la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement ;
Vu le mémoire complémentaire présenté par les députés auteurs de la première saisine, enregistré au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 15 avril 1991 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les saisines défèrent au Conseil constitutionnel la loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse ; que les auteurs de la première saisine contestent la régularité de la procédure suivie pour son adoption ; que les députés et les sénateurs, auteurs respectivement des première et troisième saisines critiquent, pour d'autres motifs, la constitutionnalité de plusieurs articles de la loi ;
- SUR LA PROCEDURE LEGISLATIVE :
2. Considérant que les auteurs de la première saisine soutiennent que la loi a été adoptée en méconnaissance des dispositions de l'article 44, alinéa 1, de la Constitution, relatives au droit d'amendement ; que, selon eux, l'exercice de ce droit permettait aux députés, lorsque l'Assemblée nationale a été appelée à statuer définitivement sur le texte en discussion, de déposer des amendements que le Sénat avait adoptés lors de son examen en première lecture ; que l'irrecevabilité opposée à de semblables amendements repose sur une fausse application des dispositions de l'article 45 de la Constitution ;
3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 45 "tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l'adoption d'un texte identique" ; que les deuxième et troisième alinéas du même article définissent la procédure législative applicable selon qu'il y a ou non création d'une commission mixte paritaire puis mise en discussion et adoption éventuelle du texte élaboré par elle ; que, dans cette dernière éventualité, aucun amendement n'est recevable sauf accord du Gouvernement ; qu'en vertu du quatrième alinéa de l'article 45, le Gouvernement peut, après une nouvelle lecture par chaque assemblée, demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement soit sur le texte élaboré par la commission mixte, soit sur le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat ;
4. Considérant que si le droit d'amendement, qui est le corollaire de l'initiative législative, peut s'exercer à chaque stade de la procédure, il est soumis à des limitations particulières quand est mis en discussion le texte élaboré par la commission mixte paritaire ou lorsque le Gouvernement invite l'Assemblée nationale, sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 45 de la Constitution, à statuer définitivement ; que, dans l'hypothèse où l'Assemblée est appelée à se prononcer sur le dernier texte voté par elle, ne peuvent être adoptés que les amendements votés par le Sénat lors de la dernière lecture par lui du texte en discussion ;
5. Considérant qu'à la suite de l'échec de la procédure de la commission mixte paritaire, le Sénat, appelé à débattre en nouvelle lecture du projet de loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse, a adopté la question préalable ; qu'il a ainsi renoncé à l'amender à ce stade de la procédure ; que le Gouvernement a alors demandé à l'Assemblée nationale de se prononcer définitivement ; que, dans ces circonstances, c'est par une exacte application des dispositions du quatrième alinéa de l'article 45 de la Constitution qu'ont été déclarés irrecevables, lors de la lecture définitive du texte par l'Assemblée nationale, les amendements qui se proposaient de reprendre ceux qui avaient été adoptés en première lecture par le Sénat ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure législative doit être écarté ;
- SUR LES AUTRES MOYENS D'INCONSTITUTIONNALITE INVOQUES :
7. Considérant que les auteurs de la première saisine comme ceux de la troisième saisine demandent au Conseil constitutionnel de déclarer non conformes à la Constitution les dispositions de l'article 1er de la loi en ce qu'elles comportent la reconnaissance du "peuple corse" ; que, selon les auteurs de la première saisine, l'inconstitutionnalité de l'article 1er entraîne, par voie de conséquence, celle de l'intégralité du texte de la loi dans la mesure où l'article 1er fonde la spécificité du statut de la collectivité territoriale de Corse ; que les première et troisième saisines critiquent les dispositions de la loi qui dotent la collectivité territoriale de Corse d'une "organisation particulière" ainsi que le texte de l'article 85 relatif à la refonte de la liste électorale de chaque commune de Corse ;
8. Considérant que les auteurs de la première saisine font valoir, en outre, que sont contraires à la Constitution les modalités retenues par les articles 10 à 14 de la loi en vue d'assurer la représentation au Sénat de la collectivité territoriale de Corse ; qu'il en va de même des dispositions qui définissent les attributions de cette collectivité car elles ont pour effet de priver les deux départements de Corse de compétences substantielles ;
9. Considérant que les auteurs de la troisième saisine contestent également les dispositions de l'article 7 en tant qu'elles édictent une incompatibilité spécifique aux élus de Corse ainsi que celles de l'article 53 en ce qu'elles prévoient l'insertion de l'enseignement de la langue et de la culture corses dans le temps scolaire des établissements situés dans la collectivité territoriale de Corse ;
En ce qui concerne l'article 1er :
10. Considérant que l'article 1er de la loi est ainsi rédigé : "La République française garantit à la communauté historique et culturelle vivante que constitue le peuple corse, composante du peuple français, les droits à la préservation de son identité culturelle et à la défense de ses intérêts économiques et sociaux spécifiques. Ces droits liés à l'insularité s'exercent dans le respect de l'unité nationale, dans le cadre de la Constitution, des lois de la République et du présent statut." ;
11. Considérant que cet article est critiqué en ce qu'il consacre juridiquement l'existence au sein du peuple français d'une composante "le peuple corse" ; qu'il est soutenu par les auteurs de la première saisine que cette reconnaissance n'est conforme ni au préambule de la Constitution de 1958 qui postule l'unicité du "peuple français", ni à son article 2 qui consacre l'indivisibilité de la République, ni à son article 3 qui désigne le peuple comme seul détenteur de la souveraineté nationale ; qu'au demeurant, l'article 53 de la Constitution se réfère aux "populations intéressées" d'un territoire et non pas au concept de peuple ; que les sénateurs auteurs de la troisième saisine font valoir qu'il résulte des dispositions de la Déclaration des droits de 1789, de plusieurs alinéas du préambule de la Constitution de 1946, de la loi constitutionnelle du 3 juin 1958, du préambule de la Constitution de 1958 comme de ses articles 2, 3 et 91, que l'expression "le peuple", lorsqu'elle s'applique au peuple français, doit être considérée comme une catégorie unitaire insusceptible de toute subdivision en vertu de la loi ;
12. Considérant qu'aux termes du premier alinéa du préambule de la Constitution de 1958 "le peuple français proclame solennellement son attachement aux droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946" ; que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen à laquelle il est ainsi fait référence émanait des représentants "du peuple français" ; que le préambule de la Constitution de 1946, réaffirmé par le préambule de la Constitution de 1958, énonce que "le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés" ; que la Constitution de 1958 distingue le peuple français des peuples d'outre-mer auxquels est reconnu le droit à la libre détermination ; que la référence faite au "peuple français" figure d'ailleurs depuis deux siècles dans de nombreux textes constitutionnels ; qu'ainsi le concept juridique de "peuple français" a valeur constitutionnelle ;
13. Considérant que la France est, ainsi que le proclame l'article 2 de la Constitution de 1958, une République indivisible, laïque, démocratique et sociale qui assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens quelle que soit leur origine ; que dès lors la mention faite par le législateur du "peuple corse, composante du peuple français" est contraire à la Constitution, laquelle ne connaît que le peuple français, composé de tous les citoyens français sans distinction d'origine, de race ou de religion ;
14. Considérant en conséquence que l'article 1er de la loi n'est pas conforme à la Constitution ; que toutefois il ne ressort pas du texte de cet article, tel qu'il a été rédigé et adopté, que ses dispositions soient inséparables de l'ensemble du texte de la loi soumise au Conseil constitutionnel ;
En ce qui concerne le moyen tiré de ce que la collectivité territoriale de Corse serait dotée d'une "organisation particulière" en méconnaissance des articles 72 et 74 de la Constitution :
15. Considérant que l'article 2 de la loi énonce dans son premier alinéa que la Corse constitue une collectivité territoriale de la République au sens de l'article 72 de la Constitution, qui s'administre librement dans les conditions fixées par la loi présentement soumise à l'examen du Conseil constitutionnel et par les dispositions non contraires des lois n° 72-619 du 5 juillet 1972 et n° 82-213 du 2 mars 1982 ; qu'aux termes du second alinéa de l'article 2 "les organes de la collectivité territoriale de Corse comprennent l'Assemblée de Corse et son président, le Conseil exécutif de Corse et son président assistés du conseil économique, social et culturel de Corse" ; qu'en vertu de l'article 7 les conseillers à l'Assemblée de Corse sont élus dans une circonscription unique suivant un scrutin de liste à un ou deux tours ; qu'il est spécifié à l'article 28 que le Conseil exécutif de Corse dirige l'action de la collectivité territoriale de Corse, dans les conditions et limites fixées par la loi ; que selon l'article 36 le président du Conseil exécutif peut, par arrêté délibéré au sein dudit Conseil, prendre toute mesure tendant à préciser les modalités d'application des délibérations de l'Assemblée ou fixant les règles d'organisation et de fonctionnement des services de la collectivité territoriale de Corse ; que d'après l'article 38, l'Assemblée de Corse peut mettre en cause la responsabilité du Conseil exécutif ;
16. Considérant que pour les auteurs de la première saisine, en créant une collectivité territoriale de Corse administrée par des organes spécifiques et en instituant un régime électoral original, le législateur a méconnu les dispositions combinées des articles 72 et 74 de la Constitution ; que les sénateurs auteurs de la troisième saisine développent une argumentation analogue en soulignant notamment que l'organisation institutionnelle prévue par la loi confère à la Corse un statut qui n'a rien de commun avec celui des collectivités territoriales métropolitaines et qui s'apparente à une "organisation particulière" que l'article 74 de la Constitution réserve aux territoires d'outre-mer ;
17. Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution la loi fixe "les règles concernant le régime électoral des assemblées locales" et détermine "les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources" ; que l'article 72 de la Constitution énonce dans son premier alinéa que "les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les territoires d'outre-mer. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi." ; que le deuxième alinéa du même article prescrit que "ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi" ; qu'enfin, aux termes du troisième alinéa de l'article 72, "dans les départements et les territoires, le délégué du Gouvernement a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois" ;
18. Considérant que la consécration par les articles 74 et 76 de la Constitution du particularisme de la situation des territoires d'outre-mer, si elle a notamment pour effet de limiter à ces territoires la possibilité pour le législateur de déroger aux règles de répartition des compétences entre la loi et le règlement, ne fait pas obstacle à ce que le législateur, agissant sur le fondement des dispositions précitées des articles 34 et 72 de la Constitution, crée une nouvelle catégorie de collectivité territoriale, même ne comprenant qu'une unité, et la dote d'un statut spécifique ;
19. Considérant cependant que, dans l'exercice de sa compétence, le législateur doit se conformer aux règles et principes de valeur constitutionnelle et notamment au principe de libre administration des collectivités territoriales énoncé au deuxième alinéa de l'article 72 ; qu'il doit également assurer le respect des prérogatives de l'État comme l'exige le troisième alinéa du même article ;
20. Considérant que l'Assemblée de Corse, élue au suffrage universel direct, est investie du pouvoir de régler par ses délibérations les affaires de la collectivité territoriale de Corse ; que si la loi institue un Conseil exécutif doté de pouvoirs propres, ce conseil est élu par l'Assemblée de Corse en son sein et est responsable devant elle ; que le représentant de l'État dans la collectivité territoriale de Corse conserve la charge des intérêts nationaux, du respect des lois et du contrôle administratif ; qu'enfin, ni l'Assemblée de Corse ni le Conseil exécutif, ne se voient attribuer des compétences ressortissant au domaine de la loi ; qu'ainsi cette organisation spécifique à caractère administratif de la collectivité territoriale de Corse ne méconnaît pas l'article 72 de la Constitution ;
En ce qui concerne l'édiction par l'article 7 de la loi d'une incompatibilité spécifique aux élus de Corse :
21. Considérant que l'article 7 de la loi a notamment pour objet d'ajouter au code électoral un article L. 369 bis ; que cet article énonce dans son premier alinéa que "nul ne peut être conseiller à
l'Assemblée de Corse et conseiller général" ; qu'il définit, dans son second alinéa, les modalités d'application de l'incompatibilité ainsi édictée ;
22. Considérant que pour les auteurs de la troisième saisine une telle incompatibilité, qui est sans équivalent dans aucune autre collectivité territoriale de la République, est contraire au principe d'égalité des citoyens devant la loi électorale ; qu'en effet, des élus investis d'un mandat de même nature, comme les conseillers régionaux et les conseillers à l'Assemblée de Corse, se trouvent soumis à un régime discriminatoire quant à la possibilité d'exercer le mandat de conseiller général ;
23. Considérant que l'article L. 46-1 ajouté au code électoral par la loi n° 85-1406 du 30 décembre 1985 limite la possibilité pour une même personne de cumuler plus de deux des mandats électoraux ou fonctions électives qu'il énumère ; qu'au nombre des mandats pris en compte pour l'application de cette législation de portée générale figurent notamment le mandat de conseiller général et celui de conseiller régional ; que l'article 8 de la loi présentement soumise à l'examen du Conseil constitutionnel place sur le même plan au regard de la réglementation générale des cumuls le mandat de conseiller à l'Assemblée de Corse et celui de conseiller régional ; que dès lors qu'il entendait procéder à une semblable assimilation, le législateur ne pouvait, sans méconnaître le principe d'égalité, interdire aux conseillers à l'Assemblée de Corse de cumuler ce mandat avec celui de conseiller général alors qu'un tel cumul est autorisé sur l'ensemble du territoire de la République et qu'aucune justification tirée de la spécificité de la collectivité territoriale de Corse ne fonde une telle interdiction ;
24. Considérant qu'il y a lieu par suite pour le Conseil constitutionnel de déclarer contraire à la Constitution l'article L. 369 bis ajouté au code électoral par l'article 7 de la loi déférée ;
En ce qui concerne les conditions de représentation au Sénat de la collectivité territoriale de Corse :
25. Considérant que l'article 10 de la loi dispose que dans les deux départements de Corse sont substitués aux conseillers régionaux en qualité de membres du collège électoral sénatorial des conseillers à l'Assemblée de Corse désignés dans les conditions définies par les articles 11 à 14 ; qu'il est prévu à cet effet que l'Assemblée de Corse, une fois son effectif réparti proportionnellement à la population de chacun des deux départements de Corse, procède à la désignation de ceux de ses membres appelés à la représenter au sein du collège électoral du département le plus peuplé ; que les conseillers à l'Assemblée non désignés à ce titre font partie de plein droit du collège électoral du département le moins peuplé ;
26. Considérant que les auteurs de la première saisine formulent deux griefs à l'encontre de ces dispositions ; que, d'une part, il est soutenu que leur entrée en vigueur aurait dû être subordonnée à l'adoption préalable d'une loi organique modifiant les dispositions relatives au nombre de sénateurs et à l'assise territoriale de leurs sièges ; que, d'autre part, ces dispositions introduiraient une discrimination entre les sénateurs car ceux d'entre eux élus en Corse représenteraient non pas seulement une collectivité territoriale mais à la fois le département et la collectivité territoriale nouvellement créée ;
27. Considérant que le troisième alinéa de l'article 24 de la Constitution dispose que "le Sénat est élu au suffrage indirect. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République. Les Français établis hors de France sont représentés au Sénat" ; que, selon le premier alinéa de l'article 25 de la Constitution, la loi organique fixe le nombre des membres de chaque assemblée parlementaire ; que la création d'une nouvelle catégorie de collectivité territoriale relève d'une loi comme le prescrit le premier alinéa de l'article 72 de la Constitution ; que ressortit également à la compétence du législateur, en vertu de l'article 34 de la Constitution, la fixation des règles concernant le régime électoral des assemblées parlementaires ;
28. Considérant qu'il résulte de ces diverses dispositions que l'entrée en vigueur d'une loi instituant une nouvelle catégorie de collectivités territoriales n'est pas subordonnée à l'adoption préalable d'une loi organique ; que si l'article 24 de la Constitution impose que les différentes collectivités territoriales soient représentées au Sénat, il n'exige pas que chaque catégorie de collectivités dispose d'une représentation propre ; que l'article L.O. 274 du code électoral, dans sa rédaction issue de l'article 3 de la loi organique n° 86-957 du 13 août 1986, en disposant que "le nombre de sénateurs élus dans les départements est de 304" implique seulement que, sous réserve d'exceptions prévues par d'autres textes ayant valeur de loi organique, les sénateurs soient élus dans le cadre du département ; qu'il ne fait pas obstacle à ce que les dispositions législatives relatives au régime électoral du Sénat organisent la participation au collège électoral sénatorial de délégués de collectivités territoriales autres que le département ;
29. Considérant dans ces conditions, que les articles 10 à 14 de la loi, en prévoyant que dans les deux départements de Corse, des conseillers à l'Assemblée de Corse sont substitués aux conseillers régionaux au sein des collèges électoraux sénatoriaux, n'ont ni empiété sur la compétence réservée à la loi organique par la Constitution ni introduit de différence de traitement inconstitutionnelle entre les sénateurs élus dans les départements de Corse et les autres sénateurs ;
En ce qui concerne le moyen tiré de l'atteinte portée aux compétences des deux départements de Corse :
30. Considérant que les auteurs de la première saisine estiment que la loi déférée aboutit à enlever un nombre substantiel d'attributions aux deux départements de Corse, notamment en matière d'enseignement, de transport et d'habitat ; qu'ils en déduisent qu'il est porté atteinte aux exigences de la Constitution selon lesquelles toute collectivité territoriale doit exercer des compétences effectives ;
31. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution la loi "détermine les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources" ; que relèvent par suite du domaine de la loi la détermination des transferts de compétences entre l'État et les collectivités territoriales, de même que la répartition entre plusieurs catégories de collectivités territoriales de leurs attributions respectives ;
32. Considérant que, dans son premier alinéa, l'article 72 de la Constitution consacre l'existence des catégories de collectivités territoriales que sont les communes, les départements et les territoires d'outre-mer, tout en réservant à la loi la possibilité de créer de nouvelles catégories de collectivités territoriales ; que le deuxième alinéa du même article implique que pour s'administrer librement, toute collectivité territoriale doit disposer d'une assemblée délibérante élue dotée d'attributions effectives ;
33. Considérant qu'en érigeant la Corse en collectivité territoriale à statut particulier et en la substituant à la région de Corse, sans pour autant mettre en cause l'existence des deux départements créés par la loi n° 75-356 du 15 mai 1975 sur le territoire de Corse, le législateur a entendu prendre en compte les caractères spécifiques de ce dernier ; qu'à cet effet, dans son titre III, intitulé "De l'identité culturelle de la Corse", ainsi que dans son titre IV, intitulé "Du développement économique de la Corse", la loi confère à la collectivité territoriale de Corse des compétences plus étendues que celles confiées en règle générale aux régions en vertu de l'article 59 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 et de la législation subséquente ; qu'en effet la nouvelle collectivité territoriale se voit dotée, en sus des compétences de la région de Corse, d'attributions qui lui sont transférées par l'État ;
34. Considérant ainsi que la définition par le législateur des compétences de la collectivité territoriale de Corse n'a pas pour conséquence d'affecter de façon substantielle les attributions des deux départements de Corse ; qu'il suit de là que la définition des compétences de la collectivité territoriale de Corse ne porte pas atteinte aux dispositions de l'article 72 de la Constitution ;
En ce qui concerne l'article 53, alinéa 2, relatif à l'insertion de la langue et de la culture corses dans le temps scolaire :
35. Considérant qu'en vertu de l'article 53, alinéa 2, de la loi, l'Assemblée de Corse adopte, sur proposition du Conseil exécutif, qui recueille l'avis du conseil économique, social et culturel de Corse, "un plan de développement de l'enseignement de la langue et de la culture corses, prévoyant notamment les modalités d'insertion de cet enseignement dans le temps scolaire" ; qu'il est précisé que "ces modalités font l'objet d'une convention conclue entre la collectivité territoriale de Corse et l'État" ;
36. Considérant que les auteurs de la troisième saisine soutiennent que faire figurer sans motif justifié par l'intérêt général l'enseignement d'une langue régionale, quelle qu'elle soit, dans le temps scolaire des établissements situés sur le territoire de la collectivité territoriale concernée et d'elle seule, est contraire au principe d'égalité ;
37. Considérant que l'article 53 prévoit l'insertion dans le temps scolaire de l'enseignement de la langue et de la culture corses ; que cet enseignement n'est pas contraire au principe d'égalité dès lors qu'il ne revêt pas un caractère obligatoire ; qu'il n'a pas davantage pour objet de soustraire les élèves scolarisés dans les établissements de la collectivité territoriale de Corse aux droits et obligations applicables à l'ensemble des usagers des établissements qui assurent le service public de l'enseignement ou sont associés à celui-ci ; que, par suite, le fait pour le législateur d'autoriser la collectivité territoriale de Corse à promouvoir l'enseignement de la langue et de la culture corses, ne saurait être regardé comme portant atteinte à aucun principe de valeur constitutionnelle ;
En ce qui concerne l'article 85 relatif à la refonte des listes électorales :
38. Considérant que l'article 85 de la loi comporte quatre alinéas ; que le premier alinéa énonce qu'il sera procédé dans chaque commune de Corse à la refonte complète de la liste électorale avant la première élection de l'Assemblée de Corse et prescrit que pour être inscrit sur cette liste les électeurs remplissant les conditions prévues aux articles L. 11 à L. 14 du code électoral devront présenter leur demande entre la date de publication de la présente loi et le 31 décembre 1991 ; que le deuxième alinéa de l'article 85 rend applicables à ces opérations celles des dispositions du code électoral régissant l'établissement et la révision des listes électorales ; qu'il précise, en outre, que la liste se substitue à la liste précédente le 1er mars 1992 ; que les troisième et quatrième alinéas de l'article 85 prévoient que les opérations de refonte sont contrôlées par une commission composée paritairement de membres du Conseil d'État et de magistrats de l'ordre judiciaire ;
39. Considérant que les auteurs des première et troisième saisines font valoir que la limitation de la refonte des listes électorales aux seules communes de Corse est contraire au principe d'égalité des citoyens devant la loi ; que les auteurs de la première saisine ajoutent que la mise en oeuvre des dispositions de l'article 85 peut conduire à priver momentanément un citoyen du droit de vote ;
Quant au moyen tiré de la violation du principe d'égalité :
40. Considérant que le principe constitutionnel d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit ;
41. Considérant que la législation électorale ne confère pas aux citoyens une totale liberté de choix de leur lieu d'inscription sur les listes électorales ; que, sous réserve des dispositions régissant la situation particulière des Français établis hors de France, des militaires et des mariniers, l'inscription sur les listes d'une commune est subordonnée, soit à une condition de domicile réel ou légal ou encore de résidence, soit à la circonstance que les intéressés figurent pour la cinquième fois sans interruption au rôle d'une des contributions directes communales ; que, conformément au principe constitutionnel de l'égalité du suffrage, l'article L. 10 du code électoral énonce que "nul ne peut être inscrit sur plusieurs listes électorales" ;
42. Considérant que la situation des listes électorales des communes de Corse, telle qu'elle ressort des informations fournies lors des débats parlementaires, présente des particularités qui autorisent le législateur, dans le cadre de la réorganisation administrative de la Corse, à arrêter des modalités spécifiques de refonte des listes électorales, sans méconnaître le principe d'égalité devant la loi ;
Quant au moyen tiré de la privation du droit de suffrage :
43. Considérant que la refonte des listes électorales des communes des départements de Corse ne produira son plein effet qu'à compter du 1er mars 1992 ; qu'indépendamment de cette refonte il sera procédé dans les autres communes françaises à la révision annuelle des listes électorales ; que, dans le cadre de cette révision, il est loisible aux personnes qui ne satisfont pas dans les communes des départements de Corse aux conditions posées par les articles L. 11 à L. 14 du code électoral de solliciter leur inscription sur les listes d'une autre commune ; qu'il suit de là que si l'article 85 de la loi est susceptible d'affecter le lieu d'exercice du droit de vote il n'affecte pas cet exercice lui-même ;
44. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens dirigés contre l'article 85 de la loi ne peuvent être accueillis ;
- SUR L'ARTICLE 26 DE LA LOI RELATIF A LA CONSULTATION DE L'ASSEMBLEE DE CORSE, A LA DEVOLUTION A SON PROFIT D'UN POUVOIR DE PROPOSITION ET A LA CREATION D'UNE PROCEDURE D'INJONCTION :
45. Considérant que d'après le premier alinéa de l'article 26, "l'Assemblée de Corse est consultée sur les projets de loi ou de décret comportant des dispositions spécifiques à la Corse." ; qu'aux termes du deuxième alinéa "les parlementaires élus dans les départements de Corse en sont informés et reçoivent communication des projets du Gouvernement et des avis de l'Assemblée de Corse" ; que le troisième alinéa fixe le délai imparti à l'Assemblée pour rendre son avis en distinguant selon qu'il y a ou non urgence ;
46. Considérant que le quatrième alinéa de l'article 26 confère à l'Assemblée de Corse un pouvoir de proposition en matière législative et réglementaire dans les domaines touchant à l'organisation administrative de la Corse ou concernant son développement économique, social ou culturel ; qu'il est spécifié au cinquième alinéa que les propositions sont adressées au président du Conseil exécutif qui les transmet au Premier ministre ; que le sixième alinéa de l'article 26 dispose que "les parlementaires élus dans les départements de Corse en sont informés et reçoivent communication des propositions adressées au Premier ministre" ; que le septième alinéa de l'article 26 énonce que "lorsque le Premier ministre est saisi dans les conditions fixées au cinquième alinéa, il accuse réception dans les quinze jours et fixe le délai dans lequel il apportera une réponse au fond avant le début de la session ordinaire suivante de l'Assemblée" ;
47. Considérant que l'article 26 de la loi tend ainsi à prévoir la consultation de l'Assemblée de Corse sur certains textes, à lui attribuer un pouvoir de proposition au Premier ministre et à enjoindre à celui-ci d'y donner suite ; qu'il confère dans le cadre de ces procédures des prérogatives aux parlementaires élus dans les départements de Corse ;
En ce qui concerne la dévolution à l'Assemblée de Corse d'un pouvoir de consultation en matière législative :
48. Considérant que le fait de prévoir la consultation de l'Assemblée de Corse sur les projets de loi comportant des dispositions spécifiques à la Corse ne saurait avoir une quelconque incidence sur la régularité de la procédure législative laquelle relève de la Constitution et des lois organiques prises pour son application ; qu'ainsi la consultation prévue par l'alinéa 1er de l'article 26 de la loi ne saurait en rien limiter le droit d'initiative du Gouvernement en matière législative ;
En ce qui concerne la dévolution à l'Assemblée de Corse d'un pouvoir de proposition et l'injonction faite au Premier ministre d'y donner suite :
49. Considérant que les dispositions des quatrième et cinquième alinéas de l'article 26 de la loi, qui confèrent à l'Assemblée de Corse un pouvoir de proposition dans des domaines qui ne sont pas sans lien avec ses compétences, ne sont pas en elles-mêmes contraires à la Constitution ;
50. Considérant toutefois que la Constitution attribue au Gouvernement, d'une part, et au Parlement, d'autre part, des compétences qui leur sont propres ; que le législateur ne saurait, sans excéder la limite de ses pouvoirs, enjoindre au Premier ministre de donner une réponse dans un délai déterminé à une proposition de modification de la législation ou de la réglementation, émanant de l'organe délibérant d'une collectivité territoriale ;
51. Considérant en conséquence que le septième alinéa de l'article 26 de la loi, qui fait obligation au Premier ministre de se justifier sur la suite à donner à une proposition de modification de la législation ou de la réglementation émanant de l'Assemblée de Corse, doit être déclaré contraire à la Constitution ;
En ce qui concerne la situation des parlementaires élus dans les départements de Corse :
52. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 3 de la Constitution, "la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum" ; que l'article 24 de la Constitution dispose, dans son premier alinéa, que le Parlement comprend l'Assemblée nationale et le Sénat, prescrit dans son deuxième alinéa que les députés sont élus au suffrage direct et énonce, en son troisième alinéa, que le Sénat est élu au suffrage indirect ; que, conformément au premier alinéa de l'article 27 de la Constitution, "tout mandat impératif est nul" ; que selon le premier alinéa de l'article 34 "la loi est votée par le Parlement" ;
53. Considérant qu'il ressort de ces dispositions que les membres du Parlement ont la qualité de représentants du peuple ; qu'à ce titre ils sont appelés à voter la loi dans les conditions fixées par la Constitution et les dispositions ayant valeur de loi organique prises pour son application ; qu'en conséquence, il n'appartient pas au législateur de faire bénéficier certains parlementaires, en raison de leur élection dans une circonscription déterminée, de prérogatives particulières dans le cadre de la procédure d'élaboration de la loi ;
54. Considérant que ces exigences constitutionnelles sont méconnues par les dispositions des alinéas 2 et 6 de l'article 26 de la loi en ce qu'elles organisent au profit des parlementaires élus dans les départements de Corse une information particulière concernant les projets de loi soumis pour avis à l'Assemblée de Corse ainsi que les propositions de modification de la législation émanant de cette Assemblée ;
55. Considérant par suite qu'il y a lieu pour le Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution tant l'alinéa 2 que l'alinéa 6 de l'article 26 de la loi soumise à son examen ;
- SUR L'ARTICLE 78 DE LA LOI RELATIF AUX RESSOURCES DE LA COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE ET A LA COMPENSATION DES CHARGES FINANCIERES RESULTANT DES COMPETENCES QUI LUI SONT TRANSFEREES :
56. Considérant que l'article 78 de la loi détermine, dans son paragraphe I, les ressources de la collectivité territoriale de Corse et précise, dans un paragraphe II, la manière dont sont compensées les charges financières résultant pour cette collectivité territoriale des compétences qui lui sont transférées en application de la loi ; qu'il est spécifié que les charges sont compensées par "le transfert d'impôts d'État" et par l'attribution de ressources budgétaires ; qu'aux termes du paragraphe III "il est créé sur un chapitre unique du budget de l'État une dotation générale de décentralisation de la collectivité territoriale de Corse qui regroupe les ressources budgétaires mentionnées aux I et II du présent article ; elle comprend en outre la dotation prévue au V du présent article, ainsi que les crédits visés au deuxième alinéa de l'article 68" ; que, de ce dernier chef, sont visés les crédits de subvention versés par l'État à l'office du développement agricole et rural de la Corse et à l'office d'équipement hydraulique de la Corse ; que le paragraphe IV de l'article 78 a trait à la compensation des charges résultant pour la collectivité territoriale de l'exercice de ses compétences en matière de formation professionnelle ; que le paragraphe V institue une "dotation de continuité territoriale" au sein de la dotation générale de décentralisation de la collectivité territoriale de Corse ; que, selon le paragraphe VI, "un document, publié chaque année en annexe au projet de loi de finances, retrace l'évolution du montant des ressources spécifiques attribuées à la collectivité territoriale de Corse. Ce document précise en outre le montant prévu, au titre de la dotation mentionnée au III, pour la compensation de chacune des charges transférées à la collectivité territoriale de Corse" ;
57. Considérant qu'en vertu du cinquième alinéa de l'article 34 de la Constitution "les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique" ; que le premier alinéa de l'article 47 de la Constitution dispose que "le Parlement vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique" ;
58. Considérant que l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances réserve, dans son article 1er, alinéa 2, à un texte de loi de finances l'édiction des "dispositions législatives destinées à organiser l'information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques" ; que ces exigences sont méconnues par les dispositions précitées des paragraphes III et VI de l'article 78 de la loi déférée qui fixent des règles ayant pour objet d'organiser l'information du Parlement sur la gestion des finances publiques ;
59. Considérant dès lors que les paragraphes III et VI de l'article 78 de la loi, qui empiètent sur le domaine exclusif d'intervention des lois de finances, doivent être déclarés contraires à la Constitution ;
Décide :
Article premier :
Ne sont pas conformes à la Constitution les dispositions suivantes de la loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse :
l'article 1er ;
dans le texte de l'article 7, l'article L 369 bis ajouté au code électoral ;
dans le texte de l'article 26, les alinéas 2, 6 et 7 ;
dans le texte de l'article 78, les paragraphes III et VI.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.