Le Conseil constitutionnel a été saisi, d'une part, les 23 et 24 décembre 1988, par MM Charles Pasqua, Maurice Arreckx, Jean Dumont, Jean Clouet, Bernard Barbier, Pierre Croze, Marcel Lucotte, Serge Mathieu, Jean-Pierre Tizon, Roland Ruet, Philippe de Bourgoing, Roger Chinaud, Hubert Martin, Jean-François Pintat, Michel Crucis, Michel Miroudot, Michel d'Aillières, Roland du Luart, Roger Boileau, Raymond Bouvier, Louis de Catuelan, Auguste Chupin, Henri G tschy, Jean Huchon, Bernard Laurent, Louis Moinard, Bernard Pellarin, Raymond Poirier, Jean Pourchet, André Rabineau, Guy Robert, Michel Souplet, Pierre Vallon, Mme Hélène Missoffe, MM Jean Natali, Jean-François Legrand, Luc Dejoie, Gérard Larcher, Robert Calmejane, Paul Masson, Paul Malassagne, Maurice Lombard, Jean Simonin, Marc Lauriol, Raymond Bourgine, Franz Duboscq, Emmanuel Hamel, Jacques Bérard, Mme Nelly Rodi, MM Paul d'Ornano, Philippe François, Pierre Carous, Maurice Schumann, Christian Poncelet, Lucien Neuwirth, Hubert Haenel, Jean Chérioux, Jean Amelin, Roger Romani, Claude Prouvoyeur, Maurice Couve de Murville, Amédée Bouquerel, Adrien Gouteyron, Alain Gérard, Charles Descours, Pierre Dumas, Marcel Fortier, Philippe de Gaulle, Paul Graziani, Mme Nicole de Hauteclocque, MM Bernard-Charles Hugo, Roger Husson, Louis Souvet, Michel Alloncle, Hubert d'Andigné, Jean Barras, Henri Belcour, Yvon Bourges, Michel Rufin, Auguste Cazalet, Jacques Chaumont, Michel Chauty, Henri Collette, Jacques-Richard Delong, André Jarrot, Paul Kauss, Charles Ginesy, René-Georges Laurin, Christian Masson, Michel Maurice-Bokanowski, Geoffroy de Montalembert, Jacques Oudin, Alain Pluchet, Henri Portier, Josselin de Rohan, Jacques Bimbenet, Etienne Dailly, Christian de La Malène, René Trégouët, Georges Gruillot, André-Georges Voisin, Jean Chamant, Jean-Eric Bousch, Jacques Braconnier, Henri Collard, Jacques Moutet, Raymond Soucaret, François Lesein, Paul Girod, Charles-Edmond Lenglet, Pierre Laffitte, Alain Dufaut, Désiré Debavelaere, Sosefo-Makapé Papilio, sénateurs, et, d'autre part, le 24 décembre 1988, par MM Etienne Dailly, Charles Descours, René-Georges Laurin, Paul Malassagne, Charles Ginesy, Auguste Cazalet, Robert Calmejane, Philippe de Gaulle, Michel Alloncle, Pierre Dumas, Amédée Bouquerel, Mme Hélène Missoffe, MM Jean Chamant, Marcel Fortier, Hubert d'Andigné, Josselin de Rohan, Roger Romani, Marc Lauriol, Gérard Larcher, Jean-Eric Bousch, Jacques Chaumont, Jacques Delong, Christian Poncelet, Jean Chérioux, Christian de La Malène, Maurice Couve de Murville, Paul Kauss, Pierre Carous, Raymond Bourgine, Mme Nelly Rodi, MM René Trégouët, Georges Gruillot, Jacques Bérard, Paul Masson, André-Georges Voisin, Franz Duboscq, Jacques Braconnier, Henri Portier, Louis Souvet, Bernard-Charles Hugo, Maurice Schumann, Adrien Gouteyron, Paul Lombard, André Jarrot, Geoffroy de Montalembert, Jacques Oudin, Philippe François, Paul d'Ornano, Lucien Neuwirth, Jean-François Le Grand, Luc Dejoie, Emmanuel Hamel, Jacques Bimbenet, Henri Collard, Jacques Moutet, Raymond Soucaret, François Lesein, Paul Girod, Charles-Edmond Lenglet, Pierre Laffitte, Jean Amelin, Roger Husson, Yvon Bourges, Claude Prouvoyeur, Jean Barras, Michel Chauty, Jean-Jacques Robert, Alain Dufaut, Alain Pluchet, Henri Belcour, Jean Simonin, Sosefo-Makapé Papilio, Désiré Debavelaere, Jean Natali, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi portant diverses dispositions relatives aux collectivités territoriales.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les auteurs des saisines contestent la conformité à la Constitution de la loi portant diverses dispositions relatives aux collectivités territoriales en faisant porter l'essentiel de leurs griefs sur les conditions d'adoption par voie d'amendement des articles 16 et 17 ; que les auteurs de la seconde saisine critiquent également le contenu de l'article 3 et, subsidiairement, celui de l'article 16 ;
- SUR LES CONDITIONS D'ADOPTION PAR VOIE D'AMENDEMENT DES ARTICLES 16 ET 17 :
2. Considérant que les auteurs des saisines soutiennent que les articles 16 et 17 de la loi ont été adoptés selon une procédure non conforme à la Constitution ; qu'en effet, selon eux, les dispositions de chacun de ces articles, issues d'amendements parlementaires déposés lors de la première lecture à l'Assemblée nationale du "projet de loi relatif au délai de réorganisation des services extérieurs de l'État, à la composition paritaire du conseil d'administration du Centre national de la fonction publique territoriale et aux fonctionnaires territoriaux à temps non complet" ne présentent pas de lien avec les dispositions de ce projet ;
3. Considérant que l'article 39 de la Constitution dispose dans son premier alinéa que "l'initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement" ; que, dans son deuxième alinéa, l'article 39 précise que "les projets de loi sont délibérés en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État" ; qu'en fonction de leur objet, les projets ou propositions de loi peuvent être soumis à d'autres consultations, dans les cas et selon les modalités définis aux articles 70 et 74 de la Constitution ; que le premier alinéa de l'article 44 énonce de son côté que "les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d'amendement" ; qu'en vertu du premier alinéa de l'article 45 "tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l'adoption d'un texte identique" ; que les deuxième et troisième alinéas du même article définissent la procédure législative applicable selon qu'il y a ou non création d'une commission mixte paritaire puis mise en discussion et adoption éventuelle du texte élaboré par elle ; que, dans cette dernière éventualité, aucun amendement n'est recevable sauf accord du Gouvernement ; qu'enfin, conformément au quatrième alinéa de l'article 45, en cas d'échec de la procédure de la commission mixte, le Gouvernement peut, après une nouvelle lecture par chaque assemblée, demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement soit sur le texte élaboré par la commission mixte, soit sur le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat ;
4. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le droit d'amendement, qui est le corollaire de l'initiative législative peut, sous réserve des limitations posées aux troisième et quatrième alinéas de l'article 45, s'exercer à chaque stade de la procédure législative ; que toutefois, les adjonctions ou modifications ainsi apportées au texte en cours de discussion ne sauraient, sans méconnaître les articles 39, alinéa 1, et 44, alinéa 1, de la Constitution, ni être sans lien avec ce dernier, ni dépasser par leur objet et leur portée, les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement qui relève d'une procédure spécifique ;
5. Considérant qu'a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, à la date du 23 novembre 1988, un projet de loi qui poursuivait un triple objet ; qu'il concernait d'une part, le délai de réorganisation des services extérieurs de l'État, d'autre part, la composition paritaire du conseil d'administration du Centre national de la fonction publique territoriale et enfin les fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non complet ; que d'ailleurs l'exposé des motifs du projet de loi, tout comme l'intitulé qui lui avait été donné par le Gouvernement, étaient en harmonie avec le contenu du texte ; que dans le cadre ainsi défini il était loisible tant au Gouvernement qu'au Parlement d'apporter au texte des amendements se rattachant aussi bien à l'organisation des services extérieurs de l'État qu'à la fonction publique territoriale ;
6. Considérant en revanche, que ne peuvent être regardés comme ayant un lien avec le texte en discussion les amendements qui sont à l'origine respectivement des articles 16 et 17 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ; qu'en effet, d'une part, les dispositions incluses dans l'article 16 de la loi concernent l'abrogation du régime spécifique de contrôle des crédits de fonctionnement du Conseil de Paris, résultant de l'article 23 de la loi n° 75-1331 du 31 décembre 1975 dans la rédaction qui lui a été donnée par l'article 3 de la loi n° 86-1308 du 29 décembre 1986 portant adaptation du régime administratif et financier de la ville de Paris ; qu'au demeurant, ces crédits concernent les frais exposés par les membres du Conseil de Paris et ne visent en aucun cas les agents de la fonction publique territoriale ; que d'autre part, l'article 17 de la loi a pour objet d'étendre aux communes comprenant de 2500 à 3500 habitants le régime électoral applicable aux communes de 3500 habitants et plus en vertu de la loi n° 82-974 du 19 novembre 1982 modifiant le code électoral et le code des communes et relative à l'élection des conseillers municipaux ;
7. Considérant, sans doute, que, lors de l'examen du texte en nouvelle lecture au cours de sa deuxième séance du 22 décembre 1988, l'Assemblée nationale, avant de procéder au vote sur l'ensemble du projet de loi, a substitué à son titre initial celui de "projet de loi portant diverses dispositions relatives aux collectivités territoriales" ;
8. Mais considérant que s'il est loisible à une assemblée parlementaire de modifier, à l'occasion du vote sur l'ensemble d'un projet ou d'une proposition de loi, l'intitulé qui lui a été donné initialement, une telle modification est par elle-même sans effet sur la régularité de la procédure d'adoption de ce texte ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les dispositions qui sont à l'origine des articles 16 et 17 de la loi sont dépourvues de lien avec le texte du projet de loi au sein duquel elles ont été introduites par voie d'amendement ; que, dans ces conditions, il y a lieu pour le Conseil constitutionnel de décider que les articles 16 et 17 de la loi déférée ont été adoptés selon une procédure irrégulière ;
- SUR L'ARTICLE 3 RELATIF AU CENTRE NATIONAL DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE :
10. Considérant que l'article 3 de la loi substitue aux deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 12 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 dans sa rédaction issue de l'article 12 de la loi n° 87-529 du 13 juillet 1987, des dispositions nouvelles relatives au Centre national de la fonction publique territoriale, établissement public national à caractère administratif, qui regroupe les communes, les départements, les régions et les établissements publics locaux ; qu'il est prévu en particulier que le Centre national est dirigé par un conseil d'administration paritairement composé d'élus représentant les communes, les départements et les régions et de représentants des organisations syndicales de fonctionnaires territoriaux ; que le conseil d'administration élit, en son sein, son président parmi les représentants des collectivités territoriales ; qu'il est précisé que le conseil d'administration prend ses décisions à la majorité et qu'en cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante ; que toutefois, les représentants des communes, des départements et des régions participent seuls au scrutin lorsque le conseil d'administration "délibère sur les questions mentionnées aux premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et septième alinéas de l'article 12 bis" ajouté à la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 par l'article 12 de la loi n° 87-529 du 13 juillet 1987 ; que sont visées de ce chef, les attributions du Centre national de la fonction publique territoriale qui concernent la gestion des personnels par opposition aux missions de formation des agents de la fonction publique territoriale définies à l'article 11 de la loi n° 84-594 du 12 juillet 1984 dans sa rédaction résultant de l'article 46 de la loi n° 87-529 du 13 juillet 1987 ;
11. Considérant que les auteurs de la seconde saisine font valoir que ces dispositions ne sont pas conformes au principe constitutionnel de la libre administration des collectivités territoriales sur deux points ; d'une part, en ce qu'elles font figurer dans le collège électoral qui procède à la désignation du président du conseil d'administration du Centre national de la fonction publique territoriale, les représentants des organisations syndicales siégeant au sein de ce conseil ; d'autre part, en ce que les mêmes représentants pourront participer, avec voix délibérative, au vote du budget de l'établissement et, avec voix consultative, aux délibérations du conseil d'administration qui touchent à la gestion des personnels de la fonction publique territoriale ;
12. Considérant que si, en vertu de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales "s'administrent librement par des conseils élus", chacune d'elles le fait "dans les conditions prévues par la loi" ; qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution "la loi détermine les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources" ;
13. Considérant que le principe de libre administration des collectivités territoriales ne fait pas, par lui-même, obstacle à ce que la loi crée un établissement public auquel sont confiées des missions d'intérêt commun à un groupe de collectivités locales en matière de formation ou de gestion des personnels appartenant à la fonction publique territoriale ou s'y destinant ; que toutefois, pour ce qui a trait aux tâches de recrutement et de gestion des personnels qui répondent à un intérêt commun, le pouvoir de décision au sein de l'organisme créé par la loi doit revenir, en dernière analyse, aux représentants des collectivités territoriales ;
14. Considérant que les dispositions de l'article 3 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ne sont pas contraires à ces exigences ; qu'en effet, il est prévu que le président du conseil d'administration du Centre national de la fonction publique territoriale est choisi parmi les représentants des communes, des départements et des régions ; qu'il est spécifié en outre, que les représentants de ces collectivités participent seuls au scrutin lorsque le conseil d'administration délibère sur les questions touchant au recrutement et à la gestion des personnels territoriaux et à la gestion de ses personnels ; qu'enfin, en toutes matières, s'il y a lieu à partage égal des voix, celle du président est prépondérante ; que le moyen tiré de la violation du principe de libre administration des collectivités territoriales doit, par suite, être écarté ;
- SUR LE MOYEN TIRE DE CE QUE L'ARTICLE 16 SERAIT CONTRAIRE AU STATUT PARTICULIER DE LA VILLE DE PARIS :
15. Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'article 16 de la loi a été adopté selon une procédure irrégulière ; que, dès lors, il n'y a pas lieu pour le Conseil constitutionnel d'examiner le moyen invoqué par les auteurs de la seconde saisine et qui est tiré de ce que cet article serait contraire "au statut particulier de la ville de Paris" ;
16. Considérant qu'en l'espèce, il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen ;
Décide :
Article premier :
Les articles 16 et 17 de la loi portant diverses dispositions relatives aux collectivités territoriales sont déclarés contraires à la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.