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29/12/1984 | FRANCE | N°84-184

France | France, Conseil constitutionnel, 29 décembre 1984, 84-184


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 21 décembre 1984 :

: par lettre de MM Charles Pasqua, Michel Alloncle, Jean Amelin, Hubert d'Andigné, Marc Bécam, Henri Belcour, Paul Bénard, Amédée Bouquerel, Yvon Bourges, Raymond Bourgine, Jacques Braconnier, Raymond Brun, Michel Caldaguès, Pierre Carous, Auguste Cazalet, Jacques Habert, Jean Chamant, Jacques Chaumont, Michel Chauty, Jean Chérioux, François O Collet, Henri Collette, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jacques Delong, Charles Descours, Franz Duboscq, Marcel Fortier, Philippe François, Michel Giraud, Christian Masson,

Adrien Gouteyron, Bernard-Charles Hugo, Roger Husson, Paul Kauss,...

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 21 décembre 1984 :

: par lettre de MM Charles Pasqua, Michel Alloncle, Jean Amelin, Hubert d'Andigné, Marc Bécam, Henri Belcour, Paul Bénard, Amédée Bouquerel, Yvon Bourges, Raymond Bourgine, Jacques Braconnier, Raymond Brun, Michel Caldaguès, Pierre Carous, Auguste Cazalet, Jacques Habert, Jean Chamant, Jacques Chaumont, Michel Chauty, Jean Chérioux, François O Collet, Henri Collette, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jacques Delong, Charles Descours, Franz Duboscq, Marcel Fortier, Philippe François, Michel Giraud, Christian Masson, Adrien Gouteyron, Bernard-Charles Hugo, Roger Husson, Paul Kauss, Christian de La Malène, Jean-François Le Grand, Maurice Lombard, Paul Malassagne, Paul Masson, Michel Maurice-Bokanowski, Goeffroy de Montalembert, Arthur Moulin, Jean Natali, Lucien Neuwirth, Paul d'Ornano, Sosefo Makapé Papilio, Christian Poncelet, Henri Portier, Alain Pluchet, Claude Prouvoyeur, Josselin de Rohan, Roger Romani, Michel Rufin, Maurice Schumann, Louis Souvet, Dick Ukeiwé, Jacques Valade, Edmond Valcin, André-Georges Voisin ;

: par lettre de MM Charles Pasqua, Jacques Moutet, Mme Brigitte Gros, MM Raymond Soucaret, Henri Collard, Louis Brives, Charles-Edmond Lenglet, Max Lejeune, Georges Mouly, Abel Sempé, Victor Robini, Bernard Legrand, Pierre Jeambrun, Michel Durafour, Jacques Pelletier, Paul Robert, Guy Besse, Georges Berchet, Paul Girod, Jean-Pierre Cantegrit, Joseph Raybaud, Charles Beaupetit, Jean Mercier, Sosefo Makapé Papilio, Christian Poncelet, Henri Portier, Alain Pluchet, Claude Prouvoyeur, Josselin de Rohan, Roger Romani, Michel Rufin, Maurice Schumann, Louis Souvet, Dick Ukeiwé, Jacques Valade, Edmond Valcin, André-Georges Voisin, Christian Masson, Adrien Gouteyron, Bernard-Charles Hugo, Roger Husson, Paul Kauss, Christian de La Malène, Jean-François Le Grand, Maurice Lombard, Paul Malassagne, Paul Masson, Michel Maurice-Bokanowski, Geoffroy de Montalembert, Arthur Moulin, Jean Natali, Lucien Neuwirth, Paul d'Ornano. Jean Chamant, Jacques Chaumont, Michel Chauty, Jean Chérioux, François O Collet, Henri Collette, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jacques Delong, Charles Descours, Franz Duboscq, Marcel Fortier, Philippe François, Michel Giraud, Michel Alloncle, Jean Amelin, Hubert d'Andigné, Marc Bécam, Henri Belcour, Paul Bénard, Amédée Bouquerel, Yvon Bourges, Raymond Bourgine, Jacques Braconnier.

Raymond Brun, Michel Caldaguès, Pierre Carous, Auguste Cazalet, Jean Arthuis, Alphonse Arzel, Maurice Blin, André Bohl, Roger Boileau, Charles Bosson, Raymond Bouvier, Pierre Ceccaldi-Pavard, Adolphe Chauvin, Auguste Chupin, Jean Colin, André Fosset, Jean Francou, Jacques Genton, Daniel Hoeffel, Louis Jung, Pierre Lacour, Bernard Laurent, Jean Lecanuet, Bernard Lemarié, Jean Machet, Jean Madelain, Kléber Malécot, Louis Mercier, Daniel Millaud, Dominique Pado, Raymond Poirier, André Rabineau, Jean-Marie Rausch, Marcel Rudloff, Pierre Salvi, Pierre Schiélé, Paul Séramy, Pierre Sicard, Michel Souplet, Pierre Vallon, Albert Vecten, Louis Virapoullé, Frédéric Wirth, Jean-Marie Bouloux, Marcel Daunay, Alfred Gérin, Claude Huriet, Henri Le Breton, Yves Le Cozannet, Roger Lise, Jean François-Poncet, Etienne Dailly, Philippe de Bourgoing, Serge Mathieu, Michel Miroudot, Michel Crucis, Jean Boyer, Jean-Marie Girault, Jean-Pierre Tizon, Richard Pouillé, Guy de La Verpillière, Marc Castex, Marcel Lucotte, Jean Puech ;

: par lettre de MM Etienne Dailly, Paul Séramy, Adolphe Chauvin, Jean Arthuis, Alphonse Arzel, René Ballayer, Jean-Pierre Blanc, Maurice Blin, Roger Boileau, Charles Bosson, Raymond Bouvier, Pierre Brantus, Louis Caiveau, Jean Cauchon, Pierre Ceccaldi-Pavard, Auguste Chupin, Jean Cluzel, Jean Colin, André Diligent, Jean Faure, André Fosset, Jean Francou, Henri Goetschy, Rémi Herment, Daniel Hoeffel, Jean Huchon, Louis Jung, Pierre Lacour, Bernard Laurent, Jean Lecanuet, Edouard Le Jeune, Bernard Lemarié, Georges Lombard, Jean Machet, Jean Madelain, Guy Malé, Kléber Malécot, Louis Mercier, Daniel Millaud, Claude Mont, Jacques Mossion, Francis Palmero, Raymond Poirier, Roger Poudonson, André Rabineau, Jean-Marie Rausch, Marcel Rudloff, Pierre Salvi, Pierre Schiélé, Pierre Sicard, Michel Souplet, Pierre Vallon, Albert Vecten, Louis Viparoullé, Frédéric Wirth, Charles Zwickert, Paul Alduy, Jean-Marie Bouloux, Marcel Daunay, Alfred Gérin, Claude Huriet, Henri Le Breton, Yves Le Cozannet, Roger Lise, Georges Treille. René Monory, Charles Ferrant.

Pierre-Christian Taittinger, Jean-Pierre Tizon, Guy de La Verpillière, Pierre Croze, Jean-Paul Bataille, Michel Crucis, Louis Lazuech, Roland du Luart, Jacques Larché, Jacques Thyraud, Yves Goussebaire-Dupin, Hubert Martin, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Christian Bonnet, André Bettencourt, Jean-François Pintat, Marcel Lucotte, Philippe de Bourgoing, Richard Pouille, Michel Sordel, Jean Puech, Roland Ruet, Serges Mathieu, Jean Benard-Mousseaux, Pierre Louvot, Jean Delaneau, Michel d'Aillières, Charles Jolibois, Jacques Descours-Desacres, Michel Miroudot, Henri Elby, Jules Roujon, Jean-Pierre Fourcade, Guy Cabanel, Jean Boyer, Joseph Raybaud, Paul Girod, Jean François-Poncet, Georges Mouly, Michel Durafour, Mme Brigitte Gros, MM Pierre Jeambrun, Jacques Moutet, Charles Beaupetit, Georges Berchet, Charles-Edmond Lenglet, Victor Robini, Raymond Soucaret, sénateurs,

Le 22 décembre 1984, par MM Jacques Chirac, Claude Labbé, Bernard Pons, Marc Lauriol, Pierre Messmer, Gabriel Kaspereit, Mme Nicole de Hauteclocque, MM Roger Corrèze, Christian Bergelin, Jacques Toubon, Jean-Paul Charié, Bruno Bourg-Broc, Mme Hélène Missoffe, MM Jean-Louis Goasduff, Claude-Gérard Marcus, Maurice Couve de Murville, Alain Peyrefitte, Robert-André Vivien, Pierre-Charles Krieg, Pierre Bachelet, Robert Wagner, Jean de Préaumont, Michel Debré, Etienne Pinte, Daniel Goulet, Tutaha Salmon, Robert Galley, Roland Nungesser, Edouard Frédéric-Dupont, Jean Tiberi, Pierre Raynal, Régis Perbet, Michel Barnier, Jean-Paul de Rocca Serra, Emmanuel Aubert, Michel Cointat, René La Combe, Charles Paccou, Philippe Séguin, Didier Julia, Jean Foyer, Michel Noir, Jacques Chaban-Delmas, Camille Petit, Hyacinthe Santoni, Pierre Bas, Henri de Gastines, Georges Tranchant, Yves Lancien, Georges Gorse, Pierre-Bernard Cousté, Jean-Claude Gaudin, Pascal Clément, Jean Rigaud, Jean Brocard, Germain Gengenwin, Francisque Perrut, Mme Louise Moreau, MM Edmond Alphandéry, Philippe Mestre, Claude Birraux, Jean Bégault, Maurice Ligot, Jacques Fouchier, Jean-Marie Caro, Jean-Paul Fuchs, Jacques Barrot, Henri Baudouin, François d'Aubert, Charles Millon, Jean Briane, Francis Geng, Georges Mesmin, Jean-Marie Daillet, Gilbert Gantier, députés.

Le 28 décembre 1984, par MM Charles Pasqua, Michel Alloncle, Jean Amelin, Hubert d'Andigné, Marc Bécam, Henri Belcour, Paul Bernard, Amédée Bouquerel, Yvon Bourges, Raymond Bourgine, Jacques Braconnier, Raymond Brun, Michel Caldaguès, Pierre Carous, Auguste Cazalet, Jean Chamant, Jacques Chaumont, Michel Chauty, Jean Chérioux, François O Collet, Henri Collette, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jacques Delong, Charles Descours, Franz Duboscq, Marcel Fortier, Philippe François, Michel Giraud, Christian Masson, Adrien Gouteyron, Bernard-Charles Hugo, Roger Husson, Paul Kauss, Christian de La Malène, Jean-François Le Grand, Maurice Lombard, Paul Malassagne, Paul Masson, Michel Maurice-Bokanowski, Geoffroy de Montalembert, Arthur Moulin, Jean Natali, Lucien Neuwirth, Paul d'Ornano, Sosefo Makapé Papilio, Christian Poncelet, Henri Portier, Alain Pluchet, Claude Prouvoyeur, Josselin de Rohan, Roger Romani, Michel Rufin, Maurice Schumann, Louis Souvet, Dick Ukeiwé, Jacques Valade, Edmond Valcin, André-Georges Voisin, Jean Arthuis, Louis Caiveau, Pierre Ceccaldi-Pavard, Paul Alduy, Guy Malé, Jacques Mossion, Raymond Poirier, Pierre Salvi, Pierre Sicard, Louis Virapoullé, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi de finances pour 1985 ;

Le Conseil constitutionnel,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment les chapitres II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Sur le budget annexe des postes et télécommunications :

1. Considérant que les auteurs des saisines critiquent :

- la suppression de la rémunération des dépôts des comptes de chèques postaux ;

- la fixation des redevances perçues sur les usagers du téléphone ;

- la prise en charge par le budget annexe d'un certain nombre de dépenses ;

- l'existence d'un "concours entre fonctions principales" au sein du budget annexe ;

- le fonds de réserve sur résultat affecté au budget général ;

- la non-exonération de la taxe sur les salaires des personnels rémunérés sur le budget annexe ;

En ce qui concerne la suppression de la rémunération des dépôts des comptes de chèques postaux :

2. Considérant que cette mesure, qui s'analyse comme la suppression d'une contribution versée par le budget général au budget annexe pour tenir compte d'un service rendu, n'est contraire à aucune disposition de valeur constitutionnelle ;

En ce qui concerne la fixation du montant des redevances perçues sur les usagers du téléphone :

3. Considérant que les auteurs de certaines saisines font valoir que les redevances perçues sur les usagers du téléphone ont perdu leur caractère de rémunération pour service rendu et sont devenues des prélèvements de nature fiscale ; que leur taux, qui a été fixé par décret, aurait dû l'être par la loi en application de l'article 34 de la Constitution ; que, d'après les sénateurs auteurs de l'une des saisines, cette irrégularité affecte l'ensemble des inscriptions budgétaires relatives aux dépenses couvertes par ces recettes ;

4. Considérant que la loi de finances a été établie, en recettes, conformément aux dispositions actuellement en vigueur et qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la légalité des décrets fixant le taux des redevances critiquées ; qu'en tout état de cause, l'irrégularité de ces redevances serait sans influence sur la constitutionnalité de la dépense ; que, dès lors, les critiques sur ces différents points ne sont pas fondées ;

En ce qui concerne la prise en charge par le budget annexe d'un certain nombre de dépenses :

5. Considérant que les auteurs des saisines soutiennent qu'un certain nombre de dépenses relatives au développement de la filière électronique et aux programmes du Centre national d'études spatiales figurant au budget annexe sont étrangères aux dépenses d'exploitation et d'investissement du service des postes et télécommunications et que leur rattachement est contraire aux principes d'affectation des recettes aux dépenses et d'appréciation de la rentabilité du service, tels qu'ils découlent des articles 20, 21 et 22 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 20 "les opérations financières des services de l'État que la loi n'a pas dotés de la personnalité morale et dont l'activité tend essentiellement à produire des biens ou à rendre des services donnant lieu au paiement de prix peuvent faire l'objet de budgets annexes. Les créations ou suppressions de budgets annexes sont décidées par les lois de finances" ; qu'en vertu de l'article 21 "les budgets annexes comprennent, d'une part, les recettes et les dépenses d'exploitation, d'autre part, les dépenses d'investissement et les ressources spéciales affectées à ces dépenses" ; que, d'après l'article 22, "les services dotés d'un budget annexe peuvent gérer des fonds d'approvisionnement, d'amortissement, de réserve et de provision".

7. Considérant que, compte tenu de l'importance de l'incidence que le développement de la filière électronique est susceptible d'avoir sur l'avenir des télécommunications, le soutien apporté sous diverses formes par le budget annexe à ce développement n'est pas étranger à la mission de l'administration des postes et télécommunications ; que, de même, le recours aux technologies spatiales constitue pour les télécommunications un atout essentiel de leur développement et justifie, par suite, que soit prévue une participation financière du budget annexe à ces programmes civils d'investissement ; qu'ainsi, contrairement à ce que font valoir les auteurs des saisines, la contribution du budget annexe à ces actions n'est pas contraire aux dispositions des articles 20, 21 et 22 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ;

En ce qui concerne "le concours entre fonctions principales" au sein du budget annexe :

8. Considérant que, si le budget des postes et télécommunications est présenté et exécuté en deux branches, l'une pour la poste, l'autre pour les télécommunications, cette séparation n'a qu'une portée fonctionnelle et n'affecte pas l'unité du budget annexe qui recouvre l'ensemble des services de la poste et des télécommunications ; qu'aucune disposition de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ne fait obstacle à ce que soient opérés des transferts de crédits d'une branche à l'autre au sein du budget annexe ; que, dès lors, les sénateurs, auteurs de l'une des saisines ne sont pas fondés à soutenir que le versement d'une subvention par les télécommunications au profit de la poste n'est pas conforme à la Constitution ;

En ce qui concerne le fonds de réserve sur résultat affecté aux recettes du budget général :

9. Considérant que les auteurs de deux saisines présentées respectivement par des députés et des sénateurs soutiennent que le chapitre n° 69-56 du budget annexe des postes et télécommunications portant constitution d'un fonds de réserve sur résultat affecté aux recettes du budget général d'un montant évalué à 2,2 milliards de F constitue une "désaffectation" d'une fraction des ressources du budget annexe contraire au principe de l'affectation des recettes de ce budget à ses dépenses tel qu'il résulte des articles 18, 20 et 21 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ; qu'en outre il ne permet pas d'apprécier la rentabilité des services faisant l'objet du budget annexe ; qu'enfin il est contraire à l'article 34 de la Constitution dans la mesure où il confère un caractère partiellement fiscal à la taxe payée par les usagers du téléphone, qui n'est plus appropriée au service rendu aux usagers ;

10. Considérant qu'il résulte des articles 20 et 21, dont les termes ont été rappelés ci-dessus, que, par exception au principe de non-affectation des recettes aux dépenses énoncé à l'article 18 de l'ordonnance, les charges des services dotés d'un budget annexe doivent être normalement couvertes par les recettes affectées à cette fin ;

11. Considérant que cette règle, qui découle de la notion même de budget annexe, fait obstacle à ce qu'une part du produit des recettes d'un budget annexe soit affectée indifféremment à des dépenses du budget annexe et à des dépenses étrangères à ce dernier et alors même que les premières ne pourraient pas être entièrement couvertes par les recettes qui leur sont organiquement affectées ; que, dans ces conditions, ne serait pas conforme à la Constitution l'inscription au budget annexe des postes et télécommunications d'un crédit correspondant à un versement obligatoire au budget général déterminé dans son montant de façon définitive et inconditionnelle, indépendamment du résultat de l'exécution du budget annexe tel qu'il sera constaté en fin d'exercice ;

12. Considérant, en revanche, dans le cas où l'exécution du budget annexe ferait apparaître en fin d'exercice un solde créditeur à la section de fonctionnement, solde créditeur qui n'est en lui-même contraire à aucune disposition de l'ordonnance du 2 janvier 1959, et où, par conséquent, toutes les charges de fonctionnement du service des postes et télécommunications auraient été couvertes par les recettes qui leur sont affectées, que les articles susmentionnés de cette ordonnance ne s'opposent pas à ce que le montant de l'excédent d'exploitation non affecté par la loi de finances à la couverture des dépenses d'investissement du budget annexe soit versé au budget général ;

13. Considérant que le budget annexe des postes et télécommunications comporte un chapitre n° 69-56 intitulé : "Fonds de réserve sur résultat affecté aux recettes du budget général - CP :

En ce qui concerne la non-exonération de la taxe sur les salaires des personnels rémunérés sur le budget annexe ;

14. Considérant qu'exonérer de la taxe sur les salaires l'administration des postes et télécommunications aurait, en particulier au plan des activités commerciales de ses services, risqué d'introduire des distorsions dans la concurrence ; qu'ainsi, loin de porter atteinte, comme le soutiennent les députés auteurs de la saisine, au principe d'égalité devant les charges publiques, le maintien de l'assujettissement à cette taxe ne fait qu'assurer le respect du principe ;

Sur l'article 21 :

15. Considérant que l'article 21 soumet, à titre permanent, les institutions financières mentionnées au paragraphe I de l'article 4 de la loi du 28 juin 1982 portant loi de finances rectificative pour 1982 à une contribution annuelle sur certaines dépenses et charges comptabilisées au cours de l'année précédente et prévoit que cette contribution est exclue des charges déductibles pour la détermination du résultat imposable de l'exercice au titre duquel elle est due ;

16. Considérant que les députés auteurs d'une des saisines soutiennent que cette contribution, qui pèse sur les seules institutions financières alors que la matière imposable retenue est commune à toutes les entreprises, méconnaît le principe d'égalité ; qu'en outre, elle a, selon eux, pour conséquence, en méconnaissance de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et du principe d'égalité, de créer une double imposition sur une même matière imposable ; qu'en effet, les institutions financières sont déjà redevables, au même titre que toutes les entreprises, d'une taxe sur certains frais généraux ;

17. Considérant, en premier lieu, que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur édicte des dispositions fiscales différentes pour des activités professionnelles différentes ; qu'il résulte du paragraphe I de l'article 4 de la loi du 28 mars 1982, auquel renvoie l'article 21 de la présente loi, que les institutions financières soumises à la contribution prévue par ce dernier article sont les banques, les établissements financiers, les établissements de crédit à statut légal spécial, les établissements de crédit différé, les entreprises d'assurance, de capitalisation et de réassurance ainsi que les sociétés immobilières pour le financement du commerce et de l'industrie ; que ces diverses catégories d'établissements, bien que différentes les unes des autres, présentent toutes, en raison, notamment, de leur domaine d'activité ou de leur statut, des caractéristiques qui les différencient des autres entreprises industrielles, commerciales ou agricoles ; qu'en se fondant sur ces caractéristiques propres pour soumettre les institutions financières à une contribution particulière, le législateur n'a pas méconnu le principe d'égalité ;

18. Considérant, en second lieu, qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; qu'aucune règle ou principe de valeur constitutionnelle ne fait obstacle à ce que, dans l'exercice de la compétence qu'il tient de cette disposition, le législateur puisse, pour un impôt déterminé, retenir un élément d'assiette qui sert déjà de base à un autre impôt ;

19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les députés auteurs de la saisine ne sont pas fondés à soutenir que l'article 21 est contraire à la Constitution ;

Sur les articles 50 et 53 :

20. Considérant que les députés auteurs d'une saisine exposent que le versement institué par le décret du 30 décembre 1983 et effectué par la Caisse des dépôts au titre de la rémunération de la garantie accordée par l'État aux fonds collectés par les caisses d'épargne et de prévoyance ne constitue pas la rémunération d'un service rendu mais présente le caractère d'un prélèvement fiscal dont le produit ne saurait être assimilé à un fonds de concours pour dépenses d'intérêt public ; qu'à supposer que soit reconnu à ce versement un caractère non fiscal qui eût permis son assimilation à un fonds de concours, le produit de ce fonds aurait dû, en application de l'article 5 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, être prévu et évalué par la loi de finances ; qu'ils tirent, dans l'un et l'autre cas, la conclusion que les articles 50 et 53 de la loi de finances ainsi que les états A et C annexés, qui prennent en compte le produit de ces versements dans le financement de certaines dépenses relatives au logement, sont contraires à la Constitution.

21. Considérant, d'une part, que la loi de finances a été établie compte tenu du décret du 30 décembre 1983 actuellement en vigueur et qui donne au versement en cause la qualification de rémunération de la garantie accordée par l'État aux fonds collectés par les caisses d'épargne ;

22. Considérant, d'autre part, que l'article 5 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 n'est pas applicable aux fonds de concours ; que, par suite, le produit du versement attendu n'avait pas à être prévu et évalué en loi de finances ; qu'ainsi les moyens développés contre les articles 50 et 53 de la loi de finances ne sauraient être accueillis ;

Sur l'article 79 :

23. Considérant que l'article 79 a pour objet de porter de 1 p 1000 à 2 p 1000 du chiffre d'affaires la limite dans laquelle les entreprises assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés peuvent déduire de leur bénéfice imposable les dons faits à compter du 1er janvier 1985 à des fondations ou associations d'intérêt général à caractère culturel, agréées par le ministre de l'économie, des finances et du budget et le ministre de la culture ;

24. Considérant que les députés auteurs d'une des saisines soutiennent, en premier lieu, que cette déduction est contraire au principe d'égalité en ce qu'elle est plus étendue que celle admise pour les dons faits à des organismes de caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social et familial, alors qu'il n'existe entre les deux catégories d'institutions aucune différence quant à l'intérêt social qu'elles présentent et à leur situation financière qui soit susceptible de justifier une différence de traitement ; qu'ils soutiennent, en second lieu, que l'article 79, en confiant à l'autorité réglementaire le pouvoir - qui excède le simple pouvoir d'assurer l'application de la loi - de désigner les fondations et associations qui seront appelées à recevoir des dons ouvrant droit à une déduction fiscale élargie, méconnaît l'article 34 de la Constitution, qui réserve à la loi la fixation des règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ;

25. Considérant que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur édicte, par l'octroi d'avantages fiscaux, des mesures d'incitation à la création et au développement d'un secteur d'activité concourant à l'intérêt général, notamment, comme cela est prévu par l'article 79, des fondations et associations d'intérêt général à caractère culturel ;

26. Considérant que, si cet article subordonne l'avantage fiscal qu'il édicte à la condition que les dons des entreprises soient faits à des fondations ou associations agréées par le ministre de l'économie, des finances et du budget et le ministre de la culture, cette dernière disposition n'a pas pour effet de conférer à l'autorité ministérielle le pouvoir, qui n'appartient qu'à la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution, de déterminer le champ d'application de l'avantage fiscal dont il s'agit ; qu'elle doit être interprétée comme conférant seulement aux ministres qu'elle désigne le pouvoir de vérifier si la fondation ou l'association répond aux conditions prévues par l'article 79, c'est-à-dire si elle présente un intérêt général à caractère culturel ; qu'ainsi la disposition critiquée, qui a pour seul objet de charger les ministres intéressés de prendre les mesures individuelles nécessaires à l'application de la loi, ne méconnaît pas l'article 34 de la Constitution ;

Sur l'article 82-II :

27. Considérant que l'article 82-II accorde une réduction d'impôt, dans les cas qu'il définit, aux contribuables qui souscrivent à la constitution ou à l'augmentation du capital de sociétés civiles immobilières lorsque le produit de ces souscriptions est exclusivement destiné à la construction ou à l'acquisition d'immeubles neufs situés en France et affectés pendant neuf ans à la location de résidences principales ; qu'il prévoit qu'en cas de non-respect des engagements d'affectation des fonds ou de mise en location des immeubles la réduction d'impôt fait l'objet d'une reprise au titre de l'année de la rupture ;

28. Considérant que les députés auteurs d'une saisine soutiennent que ce texte soumet des contribuables à des sanctions fiscales en raison de comportements dont ils n'ont pas la maîtrise et est, dès lors, contraire à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen selon lequel la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires :

29. Considérant que l'article 82-II n'édicte aucune sanction de caractère pénal, ni même fiscal, lorsqu'il précise que l'exonération d'impôt dont le bénéfice était subordonné à une condition qui n'a pas été remplie fera l'objet d'une reprise ; qu'ainsi le moyen invoqué manque en fait ;

Sur l'article 86 :

30. Considérant que l'article 86 prévoit que, pour la détermination du résultat fiscal, ne sont pas déductibles les provisions constituées par une entreprise en vue de faire face au versement d'allocations en raison du départ à la retraite ou en préretraite de membres ou anciens membres de son personnel ou de ses mandataires sociaux et confère à cette disposition un caractère interprétatif ;

31. Considérant que les sénateurs auteurs de la cinquième saisine, se fondant sur l'article 47 de la Constitution et sur les articles 2 et 4 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, soutiennent qu'une loi de finances de l'année ne saurait compléter les ressources de l'État au titre d'un exercice antérieur et que, par voie de conséquence, la modification rétroactive par une loi de finances de l'année d'une disposition fiscale - au demeurant contraire à la "sécurité juridique qui fonde le droit des personnes dans une démocratie" - méconnaît cette règle ;

32. Considérant qu'aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ne s'oppose à ce qu'une disposition fiscale ait un caractère rétroactif ; que la circonstance qu'une telle disposition soit contenue dans une loi de finances ne saurait interdire une telle rétroactivité ; que les textes invoqués n'ont pas pour objet d'y faire obstacle ; que, dès lors, les moyens présentés pour critiquer l'article 86 ne sauraient être accueillis ;

Sur l'article 94 :

33. Considérant que les députés auteurs d'une saisine soutiennent que l'article 94 par l'imprécision des conditions dans lesquelles il ouvre le droit de procéder à des perquisitions et à des saisies est contraire au principe de la liberté individuelle dont l'article 66 de la Constitution confie la sauvegarde à l'autorité judiciaire et que, d'autre part, ce même article par l'insuffisance des garanties dont il entoure le déroulement des opérations, la conservation des documents saisis, leur restitution et leur utilisation éventuelle, permet qu'il soit procédé non à de simples constatations de fait mais à des "vérifications occultes" ne respectant pas les droits de la défense ;

34. Considérant que l'article 94 de la loi de finances pour 1985 ne méconnaît aucune des exigences constitutionnelles assurant la conciliation du principe de la liberté individuelle et des nécessités de la lutte contre la fraude fiscale telles qu'elles ont été explicitées par la décision du Conseil constitutionnel en date du 29 décembre 1983 ; qu'en effet, il détermine de façon satisfaisante le domaine ouvert aux investigations par une définition précise des infractions, il assure le contrôle effectif par le juge de la nécessité de procéder à chaque visite et lui donne les pouvoirs d'en suivre effectivement le cours, de régler les éventuels incidents et, le cas échéant, de mettre fin à la visite à tout moment ; qu'ainsi, le texte critiqué ne méconnaît en rien l'article 66 de la Constitution ;

35. Considérant, en ce qui concerne les droits de la défense, que l'article 94, par la procédure qu'il instaure, garantit la sincérité des constatations faites et l'identification certaine des pièces saisies lors des visites ; qu'il ne fait en rien obstacle à ce que le principe du contradictoire, qui n'est pas obligatoire pour de telles investigations, reçoive application, dès lors que l'administration fiscale ou le ministère public entendrait se prévaloir du résultat de ces investigations ; qu'enfin, aucun principe constitutionnel ne s'oppose à l'utilisation, dans un intérêt fiscal, de documents ou de constatations résultant d'une perquisition régulière dans le cas où aucune poursuite pénale ne serait engagée ; qu'il suit de ce qui précède que l'article 94 ne méconnaît en rien les droits de la défense et qu'il doit être déclaré conforme à la Constitution ;

Sur l'article 119 :

36. Considérant que le paragraphe I de l'article 119 de la loi de finances pour 1985 prévoit que le montant des crédits affectés à la rémunération des personnels enseignants des classes des établissements d'enseignement privé faisant l'objet d'un des contrats prévus par la loi du 31 décembre 1959 modifiée est déterminé chaque année par la loi de finances ; qu'il pose la règle que le montant de ces crédits est calculé en fonction des effectifs d'élèves accueillis respectivement dans ces classes et dans les établissements d'enseignement public, compte tenu des contraintes spécifiques auxquelles ces derniers sont soumis et prévoit qu'aucun nouveau contrat ne peut être conclu que dans la limite des crédits figurant dans la loi de finances ; que le paragraphe II du même article prévoit de même que la loi de finances détermine chaque année pour les classes sous contrat d'association le montant des dépenses pédagogiques et de la contribution aux dépenses de fonctionnement à la charge de l'État, fixe le mode de calcul de cette contribution et précise que les personnels non enseignants demeurent de droit privé ; qu'enfin le paragraphe III autorise l'État à créer exceptionnellement des établissements d'enseignement public dont il transfère la propriété à la collectivité territoriale compétente et précise que le montant des crédits affectés à ces créations est fixé chaque année par la loi de finances ;

37. Considérant que les sénateurs auteurs de la première saisine observent que, à l'exception de la première phrase du paragraphe III et de la dernière phrase du paragraphe I, l'article 119 est composé de dispositions qui, concernant l'aide de l'État à l'enseignement privé, déterminent ce que doit contenir la loi de finances ou établissent les critères en fonction desquels doit être calculé chaque année le montant des dotations budgétaires ; qu'ils soutiennent que ces dispositions ont été prises en méconnaissance de la Constitution, soit parce que, ayant le caractère de dispositions organiques, elles auraient dû être élaborées conformément à la procédure prévue à l'article 46 de la Constitution pour les lois organiques, soit parce que, pouvant être abrogées par une loi ultérieure, elles sont dépourvues d'effet juridique et ne sauraient, dès lors, trouver place dans une loi de finances ; que les auteurs de cette saisine soutiennent en outre que la dernière phrase du paragraphe I de l'article 119, en vertu de laquelle aucun nouveau contrat ne peut être conclu que dans la limite des crédits budgétaires, est également entachée d'inconstitutionnalité ; qu'ils font valoir, d'une part, qu'elle est inséparable des dispositions ci-dessus analysées, d'autre part, qu'elle est sans effet juridique et, à ce titre, contraire à l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ; qu'en effet, selon eux, le caractère évaluatif, provisionnel ou limitatif des crédits budgétaires dépend non de la qualification que leur donne la loi de finances, mais du fait que ces crédits correspondent ou non aux définitions données respectivement par les articles 9, 10 et 11 de l'ordonnance ; que les auteurs de la saisine font valoir, enfin, que la disposition contenue dans la première phrase du paragraphe III de l'article 119, qui est relative à la répartition des compétences en matière de constructions scolaires entre l'État et les collectivités territoriales, n'est pas au nombre de celles qui peuvent figurer dans une loi de finances ;

38. Considérant que les sénateurs auteurs de la troisième saisine soutiennent que l'article 119 de la loi de finances pour 1985 se borne à fixer ce que devront contenir à l'avenir les lois de finances annuelles en ce qui concerne les crédits destinés à la rémunération des personnels enseignants de l'enseignement privé ; qu'ils estiment que ces dispositions, qui ne pouvaient, selon eux, être prises que par voie de loi organique, méconnaissent tant l'article 47 de la Constitution relatif à l'élaboration des lois de finances que les articles 31 et 1er de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 qui déterminent quel doit être le contenu des lois de finances annuelles ;

39. Considérant que les députés auteurs de la quatrième saisine estiment que la disposition de la dernière phrase du paragraphe I, en vertu de laquelle aucun nouveau contrat entre l'État et un établissement d'enseignement privé ne peut être conclu que dans la limite des crédits budgétaires, n'est pas au nombre des dispositions pouvant trouver place dans une loi de finances, alors surtout qu'elle a pour objet, non de faire dépendre le montant des crédits affectés à la rémunération des personnels enseignants des établissements privés du nombre des contrats conclus mais de faire "obstacle à la conclusion de tout nouveau contrat par l'utilisation d'un mécanisme financier de non révision des crédits disponibles par une loi de finances rectificative" ; qu'ils soutiennent, en outre, que cette disposition, qui est de nature à créer une inadaptation entre les effectifs d'élèves et le nombre d'enseignants, est contraire à la liberté de l'enseignement ; qu'enfin, ils estiment que celles des dispositions de l'article 119 qui déterminent à l'avance les modalités de calcul des crédits relatifs à l'aide de l'État aux établissements d'enseignement privé ne peuvent lier pour l'avenir le législateur ; qu'elles sont, par suite, dépourvues de tout effet juridique et ne sauraient, dès lors, trouver place dans une loi de finances ;

40. Considérant qu'aux termes du cinquième alinéa de l'article 34 de la Constitution : "les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique" ; qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances : "les lois de finances déterminent la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'État, compte tenu d'un équilibre économique et financier qu'elles définissent. Les dispositions législatives destinées à organiser l'information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ou à imposer aux agents des services publics des responsabilités pécuniaires sont contenues dans les lois de finances" ; que l'article 31 de la même ordonnance dispose : "le projet de loi de finances de l'année comprend deux parties distinctes : Dans la seconde partie, le projet de loi de finances de l'année fixe pour le budget général le montant global des crédits applicables aux services votés et arrête les dépenses applicables aux autorisations nouvelles par titre et par ministère ; il autorise, en distinguant les services votés des opérations nouvelles, les opérations des budgets annexes et les opérations des comptes spéciaux du Trésor par catégorie de comptes spéciaux et éventuellement par titre ; il regroupe l'ensemble des autorisations de programme assorties de leur échéancier ; il énonce enfin les dispositions diverses prévues à l'article 1er de la présente ordonnance en distinguant celles de ces dispositions qui ont un caractère annuel de celles qui ont un caractère permanent" ;

En ce qui concerne les dispositions autres que celles de la dernière phrase du paragraphe Ier, des deux dernières phrases du paragraphe II et du paragraphe III :

41. Considérant que les dispositions des paragraphes Ier et II, respectivement en ce qui concerne la rémunération des personnels enseignants des classes faisant l'objet d'un des contrats prévus par la loi du 31 décembre 1959 modifiée et en ce qui concerne le montant des dépenses pédagogiques et de la contribution aux dépenses de fonctionnement dont l'État supporte la charge pour les classes sous contrat d'association, ont pour objet de prévoir que le montant des crédits affectés à ces charges est fixé chaque année par la loi de finances et, à l'exception des dépenses pédagogiques de déterminer les critères servant au calcul de ces crédits ; que ces dispositions sont la mise en oeuvre, dans le domaine particulier de l'aide de l'État aux établissements d'enseignement privé, des règles générales édictées par les articles 1er et 31 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, qu'elles ne sont pas au nombre de celles qui, en vertu de l'article 34 de la Constitution, auraient dû figurer dans une loi organique ;

42. Considérant que la circonstance qu'une loi de finances contienne, ainsi qu'il est d'ailleurs prévu à l'article 31 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, des dispositions présentant un caractère permanent et qui pourront éventuellement être modifiées ou abrogées par une loi de finances ultérieure n'est pas de nature à priver celles-ci de toute portée ; que, dès lors, les auteurs des saisines ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions dont il s'agit sont sans portée et ne peuvent, par suite, trouver place dans une loi de finances ;

43. Considérant enfin que, en raison de leur objet qui est relatif au contenu de la loi de finances et au mode de calcul de certaines dotations budgétaires, les dispositions critiquées ne sont pas étrangères à l'objet des lois de finances ;

En ce qui concerne la dernière phrase du paragraphe I de l'article 119 ;

44. Considérant que cette disposition, qui prévoit qu'aucun nouveau contrat ne peut être conclu entre l'État et un établissement d'enseignement privé que dans la limite des crédits affectés à la rémunération des personnels enseignants des classes sous contrat figurant annuellement dans la loi de finances, a pour objet de confirmer le caractère limitatif qu'il convient de reconnaître à ces crédits ;

45. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 11 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ; "tous les crédits qui n'entrent pas dans les catégories prévues aux articles 9 et 10 ci-dessus sont limitatifs" ; que les crédits mentionnés au paragraphe I de l'article 119 ne répondent ni à la définition des crédits évaluatifs figurant à l'article 9 de l'ordonnance ni à celle des crédits provisionnels figurant à l'article 10 ; qu'en particulier si, en vertu de l'article 9, les crédits évaluatifs s'appliquent aux dépenses imputables sur les chapitres dont l'énumération figure à un état spécial annexé à la loi de finances et si, en vertu de l'article 10, la liste des chapitres dont les dotations ont un caractère provisionnel est donnée chaque année par la loi de finances, les crédits en cause ne figurent dans la loi de finances pour 1985 si sur l'état spécial prévu à l'article 9 ni sur la liste à l'article 10 ; que, dès lors, contrairement à ce que soutiennent les sénateurs auteurs de l'une des saisines, cet article a fait une exacte application de l'ordonnance du 2 janvier 1959 en prévoyant que de nouveaux contrats ne pourraient être conclus que dans la limite des crédits ouverts ; que cette disposition, non dépourvue d'effet juridique et ayant une portée essentiellement budgétaire, pouvait trouver place dans une loi de finances ;

46. Considérant que la disposition dont il s'agit, si elle confirme le caractère de crédits limitatifs des dotations prévues au paragraphe I de l'article 119, ne fait pas obstacle, contrairement à ce que soutiennent les députés auteurs de l'une des saisines, à la modification en cours d'année du montant des crédits par une loi de finances rectificative en cas d'évolution des données qui servent de base au calcul des crédits ;

47. Considérant que les mêmes députés soutiennent enfin que la disposition finale du paragraphe I porte atteinte à la liberté de l'enseignement en ce qu'elle est de nature à créer une discordance entre les effectifs des classes des établissements d'enseignement privé et le nombre des enseignants ;

48. Considérant que le caractère limitatif qui s'attache aux crédits affectés à la rémunération des personnels enseignants des établissements d'enseignement privé, et qui résultait d'ailleurs déjà des lois de finances antérieures, s'attache également aux crédits relatifs à l'enseignement public ; que ce caractère limitatif, ainsi qu'il a été dit, ne fait pas obstacle à l'intervention d'une loi de finances rectificative pour modifier le montant des crédits en cause ; que, dans ces conditions, la disposition critiquée, qui tend à concilier l'aide apportée par l'État à l'enseignement privé avec les nécessités de l'équilibre économique et financier tel qu'il a été défini par la loi de finances, ne porte pas atteinte à la liberté de l'enseignement ;

En ce qui concerne les deux dernières phrases du paragraphe II :

49. Considérant que l'ensemble de ces deux phrases a pour objet principal de déterminer les conditions dans lesquelles la contribution forfaitaire de l'État aux dépenses de fonctionnement des classes sous contrat d'association des établissements d'enseignement privé du second degré est majorée d'un pourcentage permettant de couvrir les charges sociales et fiscales afférentes à la rémunération des personnels non enseignants, qui demeurent de droit privé ; qu'ainsi ces dispositions ne sont pas étrangères au domaine des lois de finances ;

En ce qui concerne le paragraphe III :

50. Considérant que la première phrase du paragraphe III de l'article 119 prévoit que l'État peut créer exceptionnellement des établissements d'enseignement public dont il transfère la propriété à la collectivité territoriale compétente ; que cette disposition, qui, au demeurant, ne porte pas atteinte à la liberté de l'enseignement, n'est pas au nombre de celles qui, en vertu de l'ordonnance du 2 janvier 1959, peuvent figurer dans une loi de finances que, dès lors, elle n'a pas été adoptée en conformité avec les dispositions de cette ordonnance ; que la seconde phrase du même paragraphe, prévoyant que le montant des crédits affectés à ces créations est déterminé chaque année par la loi de finances, est indissociable de la disposition contenue dans la première phrase et doit, par voie de conséquence, être également déclarée non conforme à la Constitution ;

Sur l'ensemble de la loi :

51. Considérant qu'en l'espèce il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen,

Décide :

Article premier : Sont déclarées non conformes à la Constitution les dispositions du paragraphe III de l'article 119 de la loi de finances pour 1985.

Article 2 :

Les autres dispositions de la loi de finances pour 1985 sont déclarées conformes à la Constitution.

Article 3 :

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.


Synthèse
Numéro de décision : 84-184
Date de la décision : 29/12/1984
Loi de finances pour 1985
Sens de l'arrêt : Non conformité partielle
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Saisine

CINQUIEME SAISINE SENATEURS

Recours constitutionnel concernant l'article 86

Aux termes de l'article 47 de la Constitution de 1958, la loi de finances "fixe les ressources (et les charges) d'un exercice" ; elle doit être votée dans les conditions prévues par l'ordonnance 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

En vertu de l'article 2 de cette ordonnance l'ensemble des ressources de l'Etat doit être prévu et autorisé, pour chaque année civile, par la loi de finances de l'année, seules des lois de finances rectificatives pouvant, en cours d'année (c'est-à-dire avant le début de l'année suivante), modifier les dispositions de la loi de finances de l'année, laquelle doit être promulguée avant le début de l'exercice (art 47 (alinéa 4) de la Constitution).

Enfin l'article 4 de l'ordonnance précitée prévoit que l'autorisation de percevoir les impôts est annuelle et que le rendement des impôts dont le produit est affecté à l'Etat est évalué par les lois de finances.

Il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'une loi de finances de l'année ne peut compléter les ressources de l'Etat au titre d'un exercice (c'est-à-dire d'une année civile) précédant celui au titre duquel elle intervient.

Tel est pourtant bien l'objet et l'effet de l'article 6 de la loi de finances pour 1985 en tant qu'il prétend compléter, à titre interprétatif (c'est-à-dire pour le passé), l'article 39 du CGI relatif à l'assiette de l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux.

Ce principe est traditionnellement rappelé dans l'article 1er des lois de finances de l'année : celui de la loi de finances pour 1985 prévoit : "II : 1 Lorsqu'elles ne comportent pas de date d'application, les dispositions de la loi de finances qui concernent l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés s'appliquent, pour la première fois, pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 1984 et, en matière d'impôt sur les sociétés aux bénéfices des exercices clos à compter du 31 décembre 1984".

Le recouvrement des impositions établies au titre d'exercices antérieurs est poursuivi sur le seul fondement de la loi de finances qui a créé ces impôts ou les a maintenus au titre desdits exercices, et non sur le fondement de la loi de finances de l'année au cours de laquelle l'action en recouvrement est engagée : (ainsi l'absence de promulgation de la loi de finances pour 1985 ne ferait-elle pas obstacle à ce que soit poursuivi le recouvrement des impositions établies au titre des exercices antérieurs à 1984). C'est qu'en effet les encaissements seraient effectués au cours d'une même année : l'article 35 de l'ordonnance précitée fait obligation aux lois de règlement de distinguer les encaissements en fonction des années "auxquelles ils se rapportent".

En modifiant rétroactivement l'assiette des impôts établis (ou à établir dans le cadre de procédure de redressement) au titre d'années antérieures, le législateur créerait donc une ressource de l'Etat pour une année civile autre que l'année 1985 : les redressements dont le bien-fondé résulterait de cette disposition interprétative seraient bien classés dans la loi de règlement parmi les encaissements de recettes définitives se rapportant à une année antérieure.

Par suite, la disposition litigieuse est contraire à l'article 47 de la Constitution et à la loi organique précitée. Il paraît impossible de disjoindre la seule phrase relative au caractère interprétatif de la disposition dès lors que, comme le montre le débat législatif, l'intention principale des auteurs de l'article a été de contrer une jurisprudence du Conseil d'Etat et de faire obstacle à l'intervention d'autres arrêts accordant des dégrèvements au titre d'exercices passés.

La pratique des modifications rétroactives de l'assiette d'impositions établies ou à établir au titre de faits générateurs anciens est au surplus contraire à la sécurité juridique qui fonde le droit des personnes dans une démocratie : des successions ont pu être liquidées, des transferts d'entreprise effectués, de nombreux actes civils ou commerciaux effectués en considérant légitimement que les obligations fiscales avaient été remplies sur le fondement des textes applicables. L'établissement d'un impôt rétroactif est ainsi contraire à une liberté publique fondamentale, celle de pouvoir déterminer ses actes en fonction d'un état de droit.

C'est donc en considérant que la procédure utilisée par le Gouvernement pour faire adopter par le Parlement les dispositions objet de l'article 86 n'est pas conforme aux dispositions de l'article 47 de la Constitution et des articles 2 et 4 de la loi organique relative aux lois de finances, que les sénateurs soussignés vous demandent, monsieur le Président, messieurs les membres du Conseil constitutionnel, de déclarer que l'article 86 de la loi de finances pour 1985 n'est pas conforme à la Constitution.

IV : QUATRIEME SAISINE DEPUTES

RECOURS

Les députés à l'Assemblée nationale, soussignés, viennent par les présentes saisir le Conseil constitutionnel, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci du texte de la loi de finances pour 1985 par les moyens de droit ci-après exposés.

Sur la non-conformité à la Constitution des articles 14 et 50 de la loi de finances ainsi que des chapitres 76-01 (paragraphe 10), 69-54, 69-55, 69-56, 69-59 et 63-01 du budget annexe des PTT.

PREAMBULE

I : Bien qu'il soit traditionnellement organisé et contrôlé par la puissance publique, le service des postes et télécommunications a toujours bénéficié, dans l'organisation administrative et financière française, d'une place particulière qui le distingue des autres corps administratifs.

La conclusion qui précède s'appliquait, jusqu'à une époque récente, à la gestion financière de ce service. Bénéficiaire du système original du budget annexe, institué par les articles 18 et suivants de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, le service des postes et télécommunications disposait, conformément au principe d'affectation spéciale régissant ce type de budget, de la quasi-totalité de ses recettes propres provenant du prix payé par les usagers pour les services qu'ils reçoivent.

Cette situation apparaît aujourd hui largement compromise.

S'inspirant des lois de finances adoptées au cours des années précédentes, qui avaient inauguré, dans des proportions restreintes, le principe d'un transfert de recettes du budget annexe des PTT vers le budget général, affecté d'un déficit croissant, la loi de finances pour 1985 consacre une accélération de ce mouvement de transfert.

Près de seize milliards de francs, dont une large partie résulte de redevances perçues auprès des usagers des PTT, sont ainsi appelés à venir renflouer les caisses de l'Etat, dont le budget général est susceptible de connaître cette année un déficit substantiel avoisinant cent quarante milliards de francs (débats Assemblée nationale, 19 décembre 1984).

Réalisée par la loi de finances pour 1985, et notamment par les dispositions du budget annexe des PTT, cette opération, qui a pour corollaire essentiel l'augmentation de la taxe de base téléphonique ainsi que des tarifs des services des postes et télécommunications (cf décret n° 84-736 du 27 juillet 1984 (JO 29 juillet 1984), repose sur : : une suppression du versement par le Trésor des intérêts afférents aux avoirs des particuliers auprès des chèques postaux (rémunération des CCP). En vertu des dispositions du paragraphe 10 du chapitre 76-01 du budget annexe des PTT, cette mesure se traduit par une diminution de 5970000000 F des recettes de fonctionnement du budget annexe ;

: le versement par le budget annexe des PTT, de 2111180000 F au titre du développement de la filière électronique (chapitre 69-54) ;

: le versement, par ce même budget, de 1700000000 F au titre de contribution, aux apports en fonds propres de l'Etat aux entreprises de la filière électronique (chapitre 69-55) ;

: la constitution d'un fonds de réserve sur résultats, d'un montant de 2200000000 F affecté aux recettes du budget général (chapitre 69-56) ;

: une contribution aux programmes du Centre national d'études spatiales (CNES) d'un montant de 3263000000 F (chapitre 69-59 nouveau) ;

: et le maintien, pour les rémunérations payées sur le budget annexe des PTT, d'une taxe sur les salaires représentant l'essentiel des 1708103496 F prévus par le chapitre 63-01, alors que l'article 10 de la loi de finances pour 1985 dispose que cette même taxe est supprimée au titre des salaires payés par l'Etat sur le budget général.

Telles sont les mesures, traduites tant par les chapitres précités du budget annexe des PTT que par plusieurs dispositions de la loi de finances pour 1985, et notamment son article 34 qui fixe à 168967000000 F le budget annexe des PTT, dont les exposants sollicitent du Conseil constitutionnel qu'il les déclare non conformes à la Constitution.

DISCUSSION

Sur la non-conformité à la Constitution de la loi de finances pour 1985, et notamment des chapitres 76-01 (paragraphe 10), 69-54, 69-55, 69-56 et 69-59 du budget annexe des PTT.

II : Les députés requérants entendent tout d'abord invoquer l'inconstitutionnalité des opérations décidées par les chapitres 76-01 (paragraphe 10), 69-54, 69-55, 69-56 et 69-59 du budget annexe des PTT.

En exergue aux développements relatifs à ce moyen, il convient de souligner dès l'abord que si les dispositions dont la violation est invoquée ne sont pas seulement celles de la Constitution du 4 octobre 1958, le présent recours n'en demeure pas moins recevable.

Hormis l'article 34 de la Constitution, les dispositions dont les exposants sollicitent du Conseil constitutionnel la prise en considération pour déclarer non conformes à la Constitution les mesures critiquées sont en effet celles de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

Or il est désormais bien admis que les lois organiques, et notamment l'ordonnance du 2 janvier 1959, font partie du bloc de constitutionnalité auquel doit se soumettre le législateur (décision des 17, 18 et 19 juin 1959, 59-2 DC, rec 58 contrôle de constitutionnalité des règlements d'assemblée, décision 60-8 DC du 11 août 1960, rec 25 taxe radiophonique, décision 69-37 DC du 20 novembre 1969, rec 15 ; décision 73-51 DC du 27 décembre 1973, rec 25, taxation d'office ; décision 79-110 DC des 24 et 30 décembre 1979, rec 36, vote du budget).

Ces observations préliminaires étant formulées, il importe, pour mesurer toute la portée du moyen (V) de cerner préalablement les contours exacts de la notion de budget annexe (III) ainsi que de certaines conséquences juridiques qui lui sont attachées (IV).

III : Aux termes de l'article 20 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

"Les opérations financières des services de l'Etat, que la loi n'a pas dotés de la personnalité morale et dont l'activité tend essentiellement à produire des biens ou à rendre des services donnant lieu au paiement de prix peuvent faire l'objet de budgets annexes.

Les créations ou suppressions de budgets annexes sont décidées par les lois de finances".

Véritable charte institutive de la procédure comptable que constitue le budget annexe, l'article précité a pour corollaire quatre autres articles de l'ordonnance du 2 janvier 1959 : les articles 18, 19, 21 et 22.

L'article 18 de l'ordonnance, qui pose les principes d'unité et d'universalité de l'Etat, dispose "qu'il est fait recette du montant intégral des produits sans contradiction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé Budget général.

"Toutefois, certaines recettes peuvent être directement affectées à certaines dépenses. Ces affectations spéciales prennent la forme de budgets annexes, de comptes spéciaux du Trésor ou de procédures comptables particulières au sein du budget général ou d'un budget annexe.

"L'affectation à un compte spécial est de droit pour les opérations de prêts et d'avances. L'affectation par procédure particulière au sein du budget général ou d'un budget annexe est décidée par voie réglementaire dans les conditions prévues à l'article 19. Dans tous les autres cas l'affectation est exceptionnelle et ne peut résulter que d'une disposition de la loi de finances, d'initiative gouvernementale. Aucune affectation n'est possible si les dépenses résultent d'un droit permanent reconnu par la loi".

"L'article 19 du même texte énonce quant à lui que "les procédures particulières permettant d'assurer une affectation au sein du budget général ou d'un budget annexe sont la procédure de fonds de concours et la procédure de rétablissement de crédits.

"Les fonds versés par des personnes morales ou physiques pour concourir avec ceux de l'Etat à des dépenses d'intérêt public ainsi que les produits de legs et donations attribués à l'Etat ou à diverses administrations publiques sont directement portés en recettes au budget. Un crédit supplémentaire de même montant est ouvert par arrêté du ministre de l'économie et des finances au ministre intéressé. L'emploi des fonds doit être conforme à l'intention de la partie versante ou du donateur. Des décrets pris sur le rapport du ministre de l'économie et des finances peuvent assimiler le produit de certaines recettes de caractère non fiscal à des fonds de concours pour dépenses d'intérêt public.

"Peuvent donner lieu à rétablissement de crédits dans des conditions fixées par arrêté du ministre de l'économie et des finances : a) Les recettes provenant de la restitution au Trésor de sommes payées indûment ou à titre provisoire sur crédits budgétaires ;

b) Les recettes provenant de cessions ayant donné lieu à paiement sur crédits budgétaires.

"Le décret visé au deuxième alinéa du présent article pourra étendre la procédure des fonds de concours aux cas de rétablissement de crédits non prévus sous les lettres a et b ci-dessus et autorisés par la législation en vigueur".

Les articles 21 et 22 relatifs à la structure des budgets annexes ainsi qu'aux opérations financières qui y sont afférentes disposent enfin que "les budgets annexes comprennent d'une part les recettes et les dépenses d'exploitation, d'autre part les dépenses d'investissements et les ressources spéciales affectées à ces dépenses.

"Les opérations des budgets annexes s'exécutent comme les opérations de budget général. Les dépenses d'exploitation suivent les mêmes règles que les dépenses ordinaires, les dépenses d'investissement suivent les mêmes règles que les dépenses en capital.

"Toutefois, les crédits limitatifs se rapportant aux dépenses d'exploitation et les crédits se rapportant aux investissements peuvent être majorés, non seulement dans les conditions prévues aux articles 14 et 17 ci-dessus, mais également par arrêtés du ministre de l'économie et des finances, s'il est établi que l'équilibre financier du budget annexe tel qu'il est prévu par la dernière loi budgétaire n'est pas modifié et qu'il n'en résulte aucune charge supplémentaire pour les années suivantes".

"Les services dotés d'un budget annexe peuvent gérer des fonds d'approvisionnement, d'amortissement, de réserve et de provision. Les fonds d'approvisionnement sont initialement dotés sur les crédits d'investissement du budget général".

Au regard des dispositions qui viennent d'être rappelées, l'économie du système des budgets annexes, applicable aujourd hui à un ensemble hétérogène d'activités (PTT, Imprimerie nationale, Monnaies et médailles, prestations sociales agricoles, navigation aérienne, essences, ordre de la Libération, Légion d'honneur, Journaux officiels) apparaît relativement simple : il s'agit d'établir des budgets particuliers, individualisés par rapport au budget général, dont l'objet est de retracer, en vue d'une appréciation de leur rentabilité, les activités de certains services de l'Etat qui, disposant d'une certaine personnalité financière et administrative sans posséder une véritable autonomie juridique, ont pour vocation la production de biens ou de services donnant lieu au paiement de prix.

La conclusion qui précède mérite naturellement d'être nuancée pour ce qui concerne le BAPSA, l'ordre de la Libération et la Légion d'honneur, dont les caractéristiques ne répondent pas toujours en fait à la définition du budget annexe, telle que déterminée ci-dessus.

Fondé sur les principes qui inspirent la gestion commerciale, ce système, constitutif, comme les comptes spéciaux du Trésor, d'un aménagement à la règle fondamentale de l'unité du budget de l'Etat, implique donc que les budgets annexes en cause comportent des comptes qui s'équilibrent et ne soient pas financés par l'impôt.

Telle que définie ci-dessus, la notion de budget annexe génère de nombreuses conséquences juridiques, inhérentes à l'idée même de "gestion commerciale" qui sous-tend l'ensemble du système (cf Renaud de la Genière, le Budget, Ed FNSP 1976, p 268 et suivantes : Maurice Duverger, Finances Publiques, Ed PUF 1984, p 321 et suivantes : Loïc Phillip, Finances publiques, Ed Cujas 1984, p 166 et suivantes).

IV : Deux de ces conséquences méritent d'être plus particulièrement rappelées dans le cadre de la présente analyse.

IV-1 : Tout d'abord, il est certain que la mise en oeuvre de la méthode comptable que constitue le budget annexe exclut l'application du principe général, édicté par l'article 18, alinéa 1er, précité de l'ordonnance du 2 janvier 1959, de la non-affectation des recettes.

Cette exclusion résulte expressément de l'article 18, alinéa 2, précité de ladite ordonnance aux termes duquel "certaines recettes peuvent être directement affectées à certaines dépenses. Ces affectations spéciales prennent la forme de budgets annexes ()".

Elle découle également des différences qui séparent les modalités de fonctionnement du budget général des modalités de fonctionnement d'un budget annexe.

Dans le cadre du budget général, qui intéresse plusieurs personnes publiques et dont les recettes sont assises sur le mécanisme de l'impôt perçu auprès des personnes privées, l'existence d'une corrélation entre recettes et dépenses produirait assurément des effets fort néfastes : elle permettrait à certains services disposant de ressources propres ou affectées d'utiliser directement ces dernières pour accroître leurs dépenses sans reverser le surplus éventuel, inciterait les contribuables à s'acquitter de certains prélèvements obligatoires par rapport à d'autres et ferait dépendre la réalisation de dépenses de l'encaissement de certaines recettes.

C'est la raison pour laquelle il est admis, depuis plusieurs décennies, que l'ensemble des recettes concourt au sein du budget général à l'exécution de l'ensemble des dépenses. Comme la règle du produit brut (cf Loïc Phillip, Finances publiques précité, p 165 et suivantes), la non-affectation des recettes apparaît à cet égard comme un facteur essentiel d'unité financière au sein de l'Etat.

Tout autre est la situation de fonctionnement d'un budget annexe. Dès lors qu'il s'applique à une activité présentant un caractère industriel et commercial, qu'il est assis sur un système de financement exclusif de l'impôt, et qu'il est par surcroît destiné à permettre une appréciation de la rentabilité du service concerné, un tel budget ne peut, en effet, souffrir l'absence de corrélation entre dépenses et recettes.

Comme pour les comptes spéciaux du Trésor, la règle doit au contraire être ici celle de l'affectation des recettes aux dépenses, étant naturellement entendu que la règle de la non-affectation s'applique à l'intérieur du budget annexe. Dans cette perspective, les notions de "recettes et dépenses d'exploitation" ainsi que de "dépenses d'investissement" et "ressources spéciales affectées à ces dépenses" visées par l'article 21, alinéa 1er, de l'ordonnance du 2 janvier 1959 doivent bien être regardées comme s'appliquant aux seuls services concernés, dans le cadre d'une affectation précise desdites recettes aux dépenses présentant un lien avec l'activité poursuivie.

IV-2 : En second lieu, il est constant que la mise en oeuvre de la méthode comptable que constitue le budget annexe doit pouvoir permettre une appréciation de la rentabilité et du fonctionnement du service concerné. Cette exigence, qui n'est réalisable qu'au prix d'une affectation des recettes aux dépenses, découle de l'économie du système, instituée par l'ordonnance du 2 janvier 1959 qui aménage la règle de l'unité budgétaire et déroge au principe d'universalité du budget de l'Etat pour certains services auxquels il paraît souhaitable d'appliquer les règles de la gestion commerciale.

Elle vaut pour tous les budgets annexes, et en particulier pour celui des postes et télécommunications.

Ainsi que le souligne M de la Genière (Le Budget, Ed FNSP 1976, p 93) "Il a été, en effet, jugé depuis très longtemps qu'il fallait rapprocher ses recettes propres (les taxes postales et téléphoniques, c'est-à-dire le prix payé par les usagers pour les services qu'ils reçoivent) des dépenses, de manière à apprécier les résultats de la gestion, bref à doter l'administration des postes d'une comptabilité industrielle et commerciale. Dans ce but, les recettes et les dépenses de ce ministère ne sont pas confondues avec les autres recettes et dépenses de l'Etat au sein du budget général ; elles sont regroupées dans un document particulier "annexé" au budget général, le budget annexe des postes et télécommunations." V : Au regard des principes qui viennent d'être rappelés, la non-conformité à la Constitution des dispositions critiquées apparaît certaine.

V-1 : Tout d'abord, ces dispositions méconnaissent le principe d'affectation spéciale des recettes du service concerné à ses dépenses posé par l'ordonnance du 2 janvier 1959 précitée.

Il suffit, pour se convaincre de ce qui précède, d'examiner la nature de l'affectation réalisée par chacun des chapitres budgétaires concernés : * Le chapitre 76-01 (paragraphe 10), qui traduit un retrait de 5970000000 F au profit du budget général à la suite de la suspension de la rémunération des avoirs des particuliers sur les CCP, opère un véritable prélèvement sur le budget annexe des PTT sans qu'aucun lien n'existe entre l'activité de ce service et l'affectation des sommes en causes : une fois réintégrés au sein du budget général, ces 5970000000 F serviront à financer les dépenses de l'Etat, autres que celles résultant du fonctionnement du service des postes et télécommunications.

Sans doute observera-t-on que les fonds dont il s'agit ne trouvent pas leur origine dans le prix payé par les usagers du service public mais dans un versement d'intérêts par le Trésor.

L'observation qui précède n'apparaît cependant pas décisive.

Même s'ils trouvent leur origine dans un versement du Trésor, ces intérêts constituent en effet une recette propre du service des PTT dès lors qu'ils constituent la contrepartie normale du service de collecte et de mise à disposition, auprès de l'Etat, de fonds déposés sur les comptes chèques postaux.

En réintégrant 5970000000 F au profit du budget général, à la suite de la cessation de la rémunération des avoirs présents sur les CCP, la loi de finances méconnaît le principe d'affectation spéciale qui s'attache aux recettes procurées par l'usage de ces avoirs.

* Une conclusion de même nature s'impose, s'agissant des chapitres 69-54 et 69-55 du budget annexe des PTT, relatifs au développement de la filière électronique ainsi qu'à la contribution aux apports en fonds propres de l'Etat aux entreprises de la filière électronique.

Ces mesures qui, il convient de le rappeler, correspondent à un soutien financier apporté aux actions de l'Etat en faveur de la filière électronique (action d'information, subventions à l'agence de l'informatique, à l'INRIA et au CESIA, contribution au budget civil de la recherche, etc) méconnaissent également le principe d'affectation des recettes applicables au budget annexe des PTT.

Même si les services des postes et télécommunications est intéressé à l'action en faveur du développement de la filière électronique, notamment en raison de l'essor de l'informatisation de ses services ainsi que de la réalisation de centraux électroniques, rien ne justifie, en effet, un tel transfert de fonds au profit du budget général, sans commune mesure avec le bénéfice susceptible de résulter, pour le service des postes et télécommunications, du développement de la filière électronique.

La conclusion qui précède s'impose d'ailleurs d'autant plus que les dépenses du budget annexe des PTT comportent déjà des postes importants consacrés aux actions entreprises en matière de télématique, informatique et électronique (cf notamment subventions versés aux organismes de recherche et de filière électronique - chapitre 67-05 nouveau : et autorisations de programme relatives à la téléinformatique, la télématique, la bureautique et le programme de recherche et développement en matière électronique : p 126 et suivantes du bleu budget annexe des PTT).

Sans doute pourrait-on objecter à l'analyse qui précède que la constitutionnalité des mesures critiquées ne saurait être remise en cause dès lors que les lois de finances adoptées par le Parlement au cours des années précédentes comportaient déjà le principe d'un versement du budget annexe des PTT en faveur du développement de la filière électronique.

L'observation serait cependant sans portée.

D'une part, en effet, il est constant que l'adoption, par le Parlement, d'un texte à caractère législatif n'équivaut nullement à une garantie de constitutionnalité dudit texte.

D'autre part, et peut-être surtout, la circonstance qu'un mécanisme budgétaire ou financier ait été admis dans son principe par le Parlement à l'occasion de l'adoption de plusieurs lois de finances ne suffit pas, à elle seule, à justifier le rejet d'un moyen tiré de la non-conformité à la Constitution d'un tel mécanisme (décisions n° 76-73 et 76-74 DC, rec ; 41 et 45, lois de finances : dans ces affaires, le Conseil constitutionnel a reconnu comme motif déterminant, pour écarter un moyen tiré de la non-conformité à l'article 32 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, du mode de présentation des dotations du fonds d'action conjoncturelle, dont le principe avait été admis par le Parlement à l'occasion de l'adoption de plusieurs lois de finances, le caractère futur et incertain des opérations à la réalisation desquelles étaient destinées les dotations de ce fonds).

* En ce qui concerne en troisième lieu le chapitre 69-56, qui porte constitution d'un fonds de réserve sur résultats affecté aux recettes du budget général d'un montant de 2200000000 F, le principe de l'affectation des recettes du budget des PTT aux dépenses de ce service est là encore gravement méconnu, alors même que le procédé avait déjà été utilisé par de précédentes lois de finances (cf contra p 13 du présent mémoire) : directement affectées aux recettes du budget général dans le but de financer, selon des modalités et objectifs ultérieurement définis par le Gouvernement, des dépenses de l'Etat, les sommes en cause échappent en effet entièrement à la disposition de l'administration des PTT pour être affectées à des actions dépourvues de lien avec l'activité poursuivie par le service des postes et télécommunications.

* Une conclusion identique s'impose enfin, et peut-être surtout, s'agissant du chapitre 69-59 qui prévoit une contribution du budget annexe des PTT aux programmes du Centre national d'études spatiales (CNES) d'un montant de 3263000000 F.

A supposer même substantiels les liens pouvant unir certaines activités du CNES au développement des satellites de communications, une telle contribution ne peut en effet être regardée comme constituant une dépense directement liée aux activités productives et de service, développées par les postes et télécommunications.

La conclusion qui précède s'impose d'ailleurs d'autant plus que certaines autorisations de programme du budget annexe des PTT ont été déterminées en considération de la poursuite d'opérations telles que le programme de satellites de télécommunications Télécom 1 (cf p 135 du bleu budget annexe des PTT).

Au terme de cette analyse, consacrée à l'examen de chacun des chapitres critiqués, une première conclusion s'impose.

En organisant une "ponction" de l'ordre de 16 milliards de francs sur les recettes du budget annexe des PTT, la loi de finances pour 1985 permet un financement, sur des fonds d'origine non fiscale provenant du prix payé par les usagers du service des postes et télécommunications, d'actions entreprises par l'Etat dans des domaines dépourvus de lien direct avec l'activité poursuivie par le service en cause.

Ce faisant, elle méconnaît gravement le principe d'affectation des recettes applicable aux budgets annexes, et viole les dispositions précitées des articles 18, 21 et 22 de l'ordonnance du 2 janvier 1959.

V-2 : En second lieu, les mesures critiquées, dont la liste a été donnée en pages 11 à 14 du présent mémoire, méconnaissent l'article 20 de l'ordonnance du 2 janvier 1959.

Ainsi qu'il a été précédemment indiqué, ces dispositions ont en effet été conçues par les auteurs de l'ordonnance du 2 janvier 1959 dans le souci, non seulement d'appliquer aux services publics en cause des méthodes comptables de gestion commerciale, mais également d'apprécier la rentabilité de ces services censés couvrir leurs dépenses au moyen de leurs propres recettes.

Or, il est évident qu'en raison du transfert de près de 16 milliards qu'elles permettent de réaliser à partir du budget annexe des PTT vers le budget général, les dispositions contestées faussent entièrement le mécanisme dudit budget annexe : celui-ci n'est plus que la traduction partielle de la rentabilité du service des postes et télécommunications, lequel se trouve privé de ressources qui auraient normalement dû lui permettre de réaliser des investissements supplémentaires de nature à améliorer sa compétitivité.

De plus, des fonds ayant pour origine le prix payé par les usagers en contrepartie du service rendu se trouvent affectés non point à l'amélioration dudit service, mais au financement d'actions relevant du budget général étrangères aux activités des postes et télécommunications.

Soucieux de préserver la cohérence voulue par les auteurs de l'ordonnance du 2 janvier 1959 en matière de budget annexe, le Conseil constitutionnel ne manquera pas de faire échec à la survenance de telles conséquences.

V-3 : Enfin, les mesures critiquées apparaissent contraires aux dispositions de l'article 34 de la Constitution aux termes duquel il appartient au législateur de fixer les règles concernant "l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes sortes".

Dès lors qu'elles ont pour objet de financer des actions étrangères au service rendu par les postes et télécommunications, les opérations de "transferts" que la loi de finances pour 1985 réalise du budget annexe des PTT vers le budget général ont en effet pour conséquence de retirer aux prix payés par les usagers du service public des PTT leur caractère de redevances pour leur conférer une nature fiscale.

Il s'ensuit qu'il appartenait au Parlement, et non au Gouvernement, d'en fixer l'assiette et le taux, conformément aux dispositions de l'article 34 précité de la Constitution.

A cet égard encore, la non-conformité à la Constitution des opérations contestées est certaine.

Sur la non-conformité à la Constitution de l'article 14 de la loi de finances pour 1985 et du chapitre 63-01 du budget annexe des PTT intégré à ladite loi

Aux termes de l'article 14 de la loi de finances pour 1985 : "Il est ajouté au 1 de l'article 231 du code général des impôts un alinéa ainsi conçu : "Les rémunérations payées par l'Etat sur le budget général sont exonérées de taxe sur les salaires, lorsque cette exonération n'entraîne pas de distorsion dans les conditions de la concurrence." Justifiées par un "souci de simplification", ces dispositions ne s'appliquent qu'au budget général et maintiennent un assujettissement à la taxe sur les salaires des rémunérations payées par l'Etat sur les budgets annexes. Le budget annexe des PTT comporte ainsi, pour 1985, un chapitre 63-01 dénommé "Impôts, taxes et versements assimilés" dont l'essentiel des 1708103496 F inscrits représente le montant de la taxe sur les salaires imputée sur les dépenses de fonctionnement du service des postes et télécommunications.

Une telle solution méconnaît gravement les principes à valeur constitutionnelle d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques dont le respect est assuré avec une constante vigilance par le Conseil constitutionnel (cf notamment décision n° 73-51 DC du 27 décembre 1973, rec 25, Taxation d'office ; décision n° 707 DC du 12 juillet 1979, Ponts à péage ; décision n° 143 DC du 30 juillet 1982, Blocage des prix).

En appliquant un régime juridique différent à certaines administrations de l'Etat, dont celle des postes et télécommunications, l'article 10 de la loi de finances pour 1985 réalise en effet entre les services de l'Etat une discrimination qu'aucune "différence de situation" au sens de la jurisprudence (décision n° 101 DC du 17 janvier 1979, Conseil de prud hommes) n'est susceptible de justifier.

Sans doute pourrait-on observer qu'il existe quelque singularité à évoquer le respect du principe d'égalité à l'égard des services de la personne morale unique que constitue l'Etat.

La solution doit cependant être acceptée au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui admet que des personnes morales telles que les établissements publics (décision n° 112 DC du 9 janvier 1980, Taxe professionnelle EDF), les sociétés (décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982, rec 18, Loi de nationalisation) ou encore les régions (décisions n° 82-137 DC et 82-138 DC, rec 38 et 41, Lois de décentralisation) puissent invoquer le non-respect, à leur égard, du principe d'égalité.

A cet égard encore, la déclaration de non-conformité à la Constitution de la loi de finances pour 1985 est une nécessité.

Sur la non-conformité à la Constitution de l'article 94 de la loi de finances.

L'article 94 de la loi de finances pour 1985 a pour objet de donner à l'administration fiscale la possibilité d'effectuer des perquisitions pour rechercher les infractions en matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires.

I : L'ARTICLE 94 DE LA LOI DE FINANCES POUR 1985 N'EST PAS CONFORME A LA CONSTITUTION

1 L'article 94 de la loi de finances pour 1985 reprend avec une rédaction différente : mais non totalement meilleure : l'article 89 de la loi de finances pour 1984 qui avait voulu donner une base légale aux perquisitions que l'administration effectuait jusqu'alors sous le couvert de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945 relative à la répression des infractions à la législation économique pratique dont l'illégalité avait été reconnue par le secrétaire d'Etat au budget, M Emmanuelli, lors de la discussion parlementaire.

Comme on le sait, le Conseil constitutionnel devait déclarer l'article 89 de la loi de finances pour 1984 non conforme à la Constitution car le droit ainsi reconnu à l'administration d'opérer des perquisitions et des saisies pour lutter contre la fraude fiscale n'était pas assorti de conditions précises pour assurer le respect des libertés et droits individuels (décision n° 83-164 DC du 29 décembre 1983 ; JCP 1984-II-20160 avec une note des professeurs Roland Drago et André Decocq).

L'article 72 du projet de loi de finances pour 1985 essaie de combler les lacunes qui avaient entraîné la censure du Conseil constitutionnel en 1983.

Mais une étude attentive du texte permet de conclure que l'article 72 du projet ne garantit pas les libertés individuelles et institue même, sous le couvert d'une mesure d'information et d'instruction pénale, une nouvelle mesure administrative, à savoir un droit de vérification des contribuables par l'administration.

A : L'article 72 du projet de loi de finances ne garantit pas les libertés individuelles.

2 Pour le montrer, il est nécessaire d'abord de rappeler les raisons pour lesquelles le Conseil constitutionnel avait estimé en 1983 que l'article 89 de la loi de finances pour 1984, qui avait un objet similaire, n'était pas conforme à la Constitution.

Après avoir décidé qu'il découle nécessairement de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, posant le principe d'une contribution commune indispensable devant être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés, "que l'exercice des libertés et droits individuels ne saurait en rien excuser la fraude fiscale ni en entraver la légitime répression", le Conseil constitutionnel devait faire les réserves suivantes : "Considérant cependant que, si les nécessités de l'action fiscale peuvent exiger que des agents du fisc soient autorisés à opérer des investigations dans des lieux privés, de telles investigations ne peuvent être conduites que dans le respect de l'article 66 de la Constitution qui confie à l'autorité judiciaire la sauvegarde de la liberté individuelle sous tous ses aspects, et notamment celui de l'inviolabilité du domicile, que l'intervention de l'autorité judiciaire doit être prévue pour conserver à celle-ci toute la responsabilité et tout le pouvoir de contrôle qui lui reviennent ;

"Considérant que, quelles que soient les garanties dont les dispositions de l'article 89 entourent les opérations qu'elles visent, ces dispositions ne précisent pas l'acceptation du terme "infraction" qui peut être entendu en plusieurs sens et ne limitent donc pas clairement le domaine ouvert aux investigations en question ; qu'elles n'assignent pas de façon explicite aux juges ayant le pouvoir d'autoriser les investigations des agents de l'administration la mission de vérifier de façon concrète le bien-fondé de la demande qui lui est soumise ; qu'elles passent sous silence les possibilités d'intervention et de contrôle de l'autorité judiciaire dans le déroulement des opérations autorisées ; qu'enfin elles n'interdisent pas une interprétation selon laquelle seules les visites effectuées dans des locaux servant exclusivement à l'habitation devraient être spécialement autorisées par le juge, de telle sorte que, a contrario, les visites opérées dans d'autres locaux pourraient donner lieu à des autorisations générales ;

Considérant qu'ainsi, pour faire pleinement droit de façon expresse tant aux exigences de la liberté individuelle et de l'inviolabilité du domicile qu'à celles de la lutte contre la fraude fiscale, les dispositions de l'article 89 auraient dû être assorties de prescriptions et de précisions interdisant toute interprétation ou toute pratique abusive et ne sauraient dès lors, en l'état, être déclarées conformes à la Constitution." En d'autres termes, un certain nombre de conditions sont indispensables :

1° Le juge judiciaire doit avoir la maîtrise entière de la perquisition ; il doit en avoir la responsabilité et le pouvoir de contrôle ; il doit vérifier le bien-fondé de la demande d'autorisation de l'administration qui doit être spéciale et non pas générale ; le juge judiciaire doit pouvoir intervenir dans le déroulement des opérations autorisées pour les contrôler ;

2° Il faut d'autre part qu'il existe une présomption d'infraction pour que la perquisition et la saisie puissent être autorisées.

En conséquence, il faut préciser l'acception du terme "infraction" pour limiter clairement le domaine des perquisitions et saisies.

Ainsi, comme l'écrivent les professeurs Drago et Decocq dans leur note sous la décision précitée du 29 décembre 1983, "au point de vue de la procédure pénale, selon le Conseil, le principe constitutionnel de l'inviolabilité du domicile et son rattachement à la liberté individuelle enserrent dans d'étroites limites le pouvoir pour le législateur de prévoir des perquisitions, limites que l'article 89 de la loi de finances (pour 1984) débordait largement." 3° Ces limites ne sont pas plus respectées par l'article 94 de la loi de finances pour 1985.

En premier lieu, ce texte ne limite pas de manière précise le droit de mettre en oeuvre la procédure qu'il institue. En effet, selon l'article 72 du projet, cette procédure doit commencer par une saisine de l'autorité judiciaire par l'administration fiscale. Mais le texte ne précise pas quelle est l'autorité administrative compétente pour saisir l'autorité judiciaire et lui demander l'autorisation nécessaire pour procéder à une perquisition et à une saisie. A s'en tenir au texte dans sa rédaction actuelle, n'importe quel inspecteur des impôts, n'importe quel directeur local des impôts pourrait, de sa propre initiative, saisir l'autorité judiciaire pour mettre en oeuvre une procédure grave et qui, en principe, devrait être exceptionnelle.

On ne saurait objecter que la détermination de l'autorité administrative compétente est une mesure relevant du pouvoir réglementaire. En effet, on est ici en présence d'un pouvoir exorbitant de l'administration qui est de nature à porter atteinte aux libertés individuelles.

La détermination de cette autorité compétente entre donc dans les limites nécessaires pour éviter toute pratique abusive et toute atteinte excessive aux libertés individuelles. Un tel pouvoir ne saurait être laissé au sein de l'administration fiscale.

Il s'agit d'une mesure aussi grave que celle qui consiste, pour l'administration, lorsque la fraude fiscale lui semble établie, de demander l'autorisation de la commission des infractions fiscales pour déposer une plainte pour fraude fiscale.

Or l'article L 228 du Livre des procédures fiscales réserve au ministre chargé des finances le soin de saisir la commission des infractions fiscales. Le pouvoir de saisir l'autorité judiciaire pour demander l'autorisation de procéder à des perquisitions et saisies devrait donc être réservé également au ministre.

4° En deuxième lieu, l'article 94 de la loi de finances pour 1985 ne précise pas les infractions pour la recherche desquelles l'administration fiscale peut être autorisée à procéder à une perquisition et à une saisie.

En effet, le texte donne le droit à l'autorité judiciaire d'autoriser les perquisitions et saisies lorsqu'elle "estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents, ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures, ou en passant ou en faisant passer des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts".

Ce texte assez long ne définit pas, en réalité, de manière précise les infractions pour la recherche desquelles est institué un droit de perquisition et de saisie.

Tout d'abord on peut constater que le texte autorise de telles perquisitions et saisies dès lors qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée. Le texte n'exige pas que cette soustraction soit frauduleuse. L'article 72 du projet ne reprend donc pas l'exigence traditionnelle de la fraude en matière pénale.

En effet l'article 1741 du code général des impôts définit traditionnellement le délit de fraude fiscale en se référant à "quiconque s'est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement des impôts ".

Il résulte de cette définition que le délit de fraude fiscale, comporte au moins deux éléments : un élément matériel et un élément intentionnel. Pour que le délit de fraude fiscale prévu à l'article 1741 du code général des impôts soit constitué, il faut tout d'abord qu'il y ait soustraction à l'établissement ou au paiement total ou partiel des impôts visés au code général des impôts.

Mais il faut, en outre, que la soustraction à l'établissement ou au paiement de l'impôt soit intentionnelle, c'est-à-dire que l'auteur de l'infraction ait été animé par une volonté de fraude.

La nécessité de cet élément intentionnel a été rappelée par l'article 2-I de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977 codifié à l'article L 227 du Livre des procédures fiscales. Cette disposition prévoit qu'au cas de poursuites pénales tendant à l'application des article 1741 et 1743 du code général des impôts, il incombe aux parties poursuivantes, ministère public et administration, de rapporter la preuve du caractère intentionnel de la soustraction à l'établissement et au paiement des impôts visés par ces articles.

L'administration fiscale a rappelé, dans une instruction du 24 juillet 1978 (13 N-2-78), qu'en adoptant cet article, le législateur a voulu ainsi réaffirmer solennellement un des principes généraux du droit pénal selon lequel tout accusé est présumé innocent et qu'il incombe à l'accusation de fournir la preuve de l'existence des éléments constitutifs du délit, notamment de l'élément intentionnel.

C'est ainsi que, s'agissant du délit de fraude fiscale visé à l'article 1741 du code général des impôts, il appartient, dans tous les cas, au ministère public et à l'administration, partie civile, de démontrer par tous les modes de preuve susceptibles de former l'intime conviction du juge que l'infraction a été commise intentionnellement, c'est-à-dire dans le dessein de se soustraire à l'établissement ou au paiement de l'impôt.

Ainsi, le délit général de fraude fiscale implique une volonté de fraude fiscale. Or l'article 72 du projet de loi de finances pour 1985 supprime l'adverbe "frauduleusement" dans la définition de l'infraction autorisant le droit de perquisition et de saisie. Ainsi, le texte institue une procédure spéciale de perquisition et de saisie, procédure qui est par essence une procédure pénale, pour la recherche d'infractions qui ne sont pas en réalité des infractions pénales mais des infractions administratives ou simplement fiscales (c'est-à-dire simple soustraction à l'établissement ou au paiement des impôts).

Ce texte est donc, d'une part, contraire à la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 1983 puisqu'il ne définit pas de manière précise les infractions servant de fondement aux investigations demandées, d'autre part, aux principes généraux du droit pénal selon lequel le délit général de fraude fiscale implique une volonté de fraude fiscale, enfin à l'article 66 de la Constitution, car seule l'autorité judiciaire peut porter atteinte à l'inviolabilité du domicile pour la recherche d'infractions pénales alors que le texte litigieux étend le droit de perquisition et de saisie à la recherche d'infractions, non pas pénales, mais simplement administratives ou fiscales.

On verra d'ailleurs que d'autres dispositions du même texte vont dans le même cas et démontrent clairement que, sous le couvert de la recherche d'infractions apparemment pénales, en réalité le Gouvernement cherche à instituer un droit de vérification nouveau et privé des garanties traditionnelles prévues par le législateur.

5 Le même texte comporte une troisième imprécision.

En effet, si l'article 94 de la loi de finances pour 1985 définit : ou semble définir : la soustraction à l'établissement des impôts sur le revenu ou de la taxe sur la valeur ajoutée, le même article ne précise pas ce qu'il faut entendre par soustraction au paiement des mêmes impôts.

C'est ce que l'on peut constater en lisant le paragraphe I de l'article 94.

Pratiquement, tout ce paragraphe est consacré à l'énumération des modalités illicites de soustraction à l'établissement de l'impôt.

Tel est le cas des achats ou des ventes sans facture, qui permettront de diminuer la matière imposable (ventes sans facture) ou de la dissimuler et de préparer ainsi les ventes sans facture (achats sans facture).

L'omission d'écritures ou la passation d'écritures inexactes ou fictives auront pour conséquence une dissimulation ou une diminution de la matière imposable.

Tous ces exemples définissent ainsi les infractions tendant à se soustraire à l'établissement de l'impôt.

En revanche, l'article 72 du projet de loi ne précise pas ce qu'il faut entendre par soustraction au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée, de telle manière que l'infraction ainsi visée reste extrêmement générale. Ainsi, contrairement à ce qu'a décidé le Conseil constitutionnel dans sa décision 83-164 DC du 29 décembre 1983, le texte litigieux ne précise pas le contenu de l'infraction consistant à se soustraire au paiement de l'impôt, de telle sorte que le domaine des perquisitions et des saisies n'est pas clairement limité.

Au demeurant, la définition de l'une des tentatives de se soustraire à l'établissement de l'impôt encourt également la même critique d'imprécision ne permettant pas de circonscrire avec clarté le domaine des autorisations de perquisitions et de saisies.

Il s'agit de l'infraction consistant à se soustraire à l'établissement de l'impôt en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures, ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives "dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts".

Or la liste des documents comptables "dont la tenue est imposée par le code général des impôts" n'est donnée de manière claire et exhaustive par aucune disposition dudit code.

D'ailleurs, l'article 1743 du code général des impôts punit des peines prévues à l'article 1741 quiconque a sciemment omis de passer ou de faire passer des écritures ou a passé ou fait passer des écritures inexactes ou fictives "au livre-journal et au livre d'inventaire, prévus par les articles 8 et 9 du code de commerce, ou dans les documents qui en tiennent lieu".

Cette définition de l'infraction de passation d'écritures donnée par l'article 1743 du code général des impôts permet de délimiter plus clairement le champ d'application de l'infraction que ne le fait le projet de loi de finances pour 1985.

6 Comme on l'a déjà montré, selon la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 1983 précitée, pour que la perquisition et la saisie puissent être autorisées, il faut qu'il existe une présomption d'infraction. De même, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, il ne peut être donné mandat de rechercher, par la voie de perquisition, l'existence d'infractions encore mal déterminées, ou un délit hypothétique. Le droit de perquisition n'est accordé et ne peut être accordé que pour la découverte d'une infraction déterminée au préalable (cf Cass crim 13 février 1925, D 1925, 1, 148 ; Cass crim 22 janvier 1953, JCP 1953-II-7456, rapport Brouchat ; Cass crim 16 avril 1970, Bull crim n° 134).

Dans ces conditions, il ne suffit pas de définir clairement les infractions permettant le cas échéant une perquisition ou une saisie ; encore faut-il que le texte légal permette de limiter l'autorisation de perquisition à la recherche d'une infraction déterminée, sous peine de voir l'administration saisir l'autorité judiciaire de demandes d'autorisations de perquisitions motivées par la recherche de plusieurs infractions.

L'exigence de définition précise des infractions pour délimiter clairement le domaine des perquisitions et des saisies pourrait ainsi être tournée facilement par l'administration. En invoquant le besoin de rechercher l'existence de plusieurs infractions, l'administration pourrait étendre ainsi indéfiniment le champ d'application des autorisations de perquisitions.

Seule l'interdiction faite d'invoquer la recherche de plusieurs infractions permettrait d'assurer le respect de cette obligation de limitation claire du domaine des perquisitions. Or rien dans le texte actuel n'interdit à l'administration de saisir l'autorité judiciaire d'une demande d'autorisation de perquisition motivée par la recherche de plusieurs infractions.

La rédaction de l'article 94 permet une demande d'autorisation de perquisitions pour soustraction à l'établissement ou au paiement des impôts énumérés, ou même pour soustraction au seul établissement desdits impôts par l'un ou l'autre des procédés énumérés par le texte.

Ainsi, au lieu d'être une mesure spéciale de recherche d'une infraction individuelle bien précisée, l'article 94 de la loi risque de devenir une mesure générale de perquisition pour toutes les infractions qui y sont énumérées et définies de manière d'ailleurs imprécise.

Dans ces conditions, le texte ne répond pas au souci et à l'exigence d'individualisation de l'infraction exprimés par le Conseil constitutionnel en 1983. De même, rien dans le texte proposé ne limite le champ d'application des perquisitions par l'indication de l'année au cours de laquelle l'infraction alléguée aurait été commise. L'administration fiscale serait donc en droit de rechercher une infraction fiscale pour n'importe quelles années, alors que le caractère spécial de la mesure impose, toujours conformément au souhait du Conseil constitutionnel de définition claire, précise et limitative de l'infraction, une indication de l'année litigieuse.

En définitive, contrairement aux principes posés par la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 1983, les infractions autorisant les perquisitions ne sont pas clairement, spécialement et limitativement énumérées par le texte proposé.

7 Le droit de perquisition n'est pas non plus limité.

Le texte légal n'impartit aucune limite dans le temps à l'exercice de ce droit de perquisition.

L'absence de toute précision sur ce point dans le texte légal semble permettre des perquisitions, non pas de courte durée comme doit l'être une perquisition normale, mais de longue durée, de telle sorte qu'en réalité, sous le couvert d'une perquisition, les agents de l'administration effectuent une véritable vérification de la comptabilité du contribuable concerné.

Cette absence de précision va d'ailleurs dans le même sens que l'omission relevée du caractère frauduleux de l'infraction et laisse penser que l'administration est préoccupée de rechercher et faire sanctionner des infractions moins pénales que fiscales. On reviendra sur ce problème plus loin.

Quoi qu'il en soit, pour reprendre l'expression utilisée par le Conseil constitutionnel en 1983, les dispositions de l'article 94 de la loi de finances pour 1985 ne sont pas assorties de prescriptions et de précisions interdisant toute interprétation ou toute pratique abusive.

8 Les droits de la défense ne sont pas plus préservés par l'article 94.

Certes, le paragraphe III de l'article 94 de la loi prévoit-il que, durant la perquisition, non seulement les agents des impôts, mais également l'occupant des lieux ou son représentant et l'officier de police judiciaire peuvent seuls prendre connaissance des pièces et documents avant leur saisie.

Mais en réalité, cette prescription est insuffisante. En effet, le texte de l'article 72 du projet de loi semble autoriser les visites "en tous lieux, même privés, où les pièces et documents (se rapportant aux infractions recherchées) sont susceptibles d'être détenus".

Rien dans ce texte ne semble interdire une visite des lieux privés autres que ceux du contribuable soupçonné, à tort ou à raison, de fraude fiscale. L'autorité judiciaire pourrait donc autoriser la perquisition même au domicile d'un tiers. Or, dans cette hypothèse, le contribuable effectivement concerné par ce droit de perquisition ne sera pas le tiers dont le domicile sera visité. Et pourtant seul l'occupant des lieux, qui n'est pas le contribuable concerné, pourra prendre connaissance des pièces et documents avant leur saisie. De même, le contribuable concerné n'a pas le droit d'assister à la perquisition.

Il y a donc là une méconnaissance flagrante des droits de la défense. Cette limitation des droits de la défense au seul occupant des lieux se répercute d'ailleurs dans les paragraphes IV et V du même article 94 de la loi de finances pour 1985.

En effet le procès-verbal dressé par les agents de l'administration des impôts est signé uniquement par lesdits agents, par l'officier de police judiciaire et par l'occupant des lieux ou son représentant. Le contribuable concerné ou son représentant ne sont pas appelés à signer ce procès-verbal.

De même seul l'occupant des lieux ou son représentant est avisé qu'il peut assister à l'ouverture des scellés ; le contribuable effectivement concerné ne le sera pas une fois de plus.

Enfin une copie du procès-verbal et de l'inventaire n'est remise qu'à l'occupant des lieux ; le contribuable concerné est exclu de ce droit, comme d'ailleurs de la restitution des pièces et documents.

Il y a là autant de dispositions qui excluent le contribuable concerné du bénéfice des droits de la défense qui constituent pourtant un principe fondamental du droit pénal et de la procédure pénale, à valeur constitutionnelle (Conseil constitutionnel, décision 80-127-DC des 19 et 20 janvier 1981, rec 1981, 15).

9 Autre méconnaissance des droits de la défense : l'absence de mise à la disposition des conseils de contribuable concerné des pièces et documents saisis. En effet, dans la procédure pénale normale, les pièces saisies lors d'une perquisition peuvent être consultées par les parties et leurs conseils qui désireraient les voir avant l'interrogatoire de leur client.

Certes, en l'espèce, le droit de perquisition autorisé par l'article 94 de la loi de finances pour 1985 serait exercé avant toute ouverture d'une information et tout dépôt de plainte de la part de l'administration fiscale.

Mais ce droit de perquisition spécial va permettre à l'administration de rechercher et recueillir les preuves d'une infraction alléguée. Une fois ces preuves obtenues par l'administration qui pourra seule consulter les documents saisis, il est à craindre que le dépôt de plainte ne soit pas suivi d'une instruction mais entraîne la citation directe du contribuable devant le juge pénal. Alors que normalement, dans la procédure de droit commun, saisi d'une plainte pour fraude fiscale, le Procureur de la République a la possibilité de requérir l'ouverture d'une information.

C'est d'ailleurs très souvent la solution adoptée en raison de leur complexité, les affaires de fraude fiscale nécessitent l'ouverture d'une information judiciaire au cours de laquelle le juge d'instruction va avoir pour rôle essentiel de rechercher la réalité des charges retenues contre le contribuable. C'est dans le cadre de cette mission que le juge d'instruction procède, ou fait procéder par commission rogatoire, à tous les actes d'information qui lui paraissent utiles à la manifestation de la vérité : interrogations, confrontations, auditions de témoins, perquisitions, saisies, expertises.

Or dans cette procédure de droit commun, les documents saisis peuvent être consultés par les conseils des inculpés avant tout interrogatoire.

Ces droits de la défense sont ainsi sauvegardés au cours de la procédure de droit commun, avec droit de consultation des documents par l'inculpé et ses conseils, et interrogatoire permettant à l'inculpé de présenter son argumentation.

Avec la procédure dérogatoire instituée par l'article 94 de la loi de finances pour 1985, c'est l'administration fiscale qui va remplacer le juge d'instruction et qui va pouvoir procéder aux perquisitions sans que le contribuable concerné ne puisse consulter les documents saisis et présenter ses observations.

D'ailleurs, ce changement important se manifeste également dans la conservation des pièces et documents saisis. Certes, l'article 94 de la loi de finances pour 1985 ne se prononce pas explicitement sur ce point. Mais il semble résulter a contrario du deuxième alinéa du paragraphe V de l'article 94 de la loi de finances pour 1985 que c'est l'administration fiscale qui conservera les documents saisis.

En effet, l'alinéa 2 de l'article 94 prévoit que ces documents sont restitués à l'occupant des locaux dans les six mois de la visite ; toutefois, lorsque des poursuites pénales sont engagées, leur restitution est autorisée par l'autorité judiciaire compétente.

En d'autres termes, en l'absence de poursuites pénales, c'est l'administration qui, sans aucune autorisation, doit restituer les documents ; et en cas de poursuites pénales, l'administration aura besoin d'une autorisation.

Ainsi c'est bien l'administration qui, semble-t-il, est chargée de conserver les documents saisis.

C'est donc l'administration qui va exercer le droit de perquisition en l'absence, dans les cas indiqués, du contribuable concerné ; c'est l'administration qui va seule consulter les documents saisis ; c'est elle qui va les conserver et, plus tard, les restituer.

Grâce à ce droit exorbitant qui lui est ainsi reconnu par l'article 94 de la loi, l'administration va pouvoir rechercher à loisir et unilatéralement les preuves de l'infraction pénale.

Dans ces conditions, le dépôt de la plainte pour fraude fiscale sera probablement suivi d'une citation directe du contribuable devant le tribunal, alors qu'actuellement une telle citation n'est retenue que dans les affaires les plus simples.

L'article 94 de la loi de finances pour 1985 supprime ainsi l'intervention du juge dans la consultation des documents ainsi que le droit de consultation du contribuable.

Ainsi les pièces et documents saisis auront été consultés uniquement par l'administration en l'absence du contribuable et de ses conseils. Il y a là une atteinte grave aux droits de la défense qui ne permet pas de considérer que le projet soit conforme à la Constitution et notamment aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (cf décision du Conseil constitutionnel des 19 et 20 juin 1981 précitée).

En définitive, par son imprécision, sa généralité, le texte de l'article 94 de la loi de finances pour 1985 ne permet pas d'interdire toute interprétation abusive ou toute pratique abusive, de telle sorte qu'en réalité il porte atteinte aux libertés individuelles (inviolabilité du domicile, droits de la défense, et de manière plus générale libertés individuelles).

Mais ce n'est pas tout ! En effet le texte de la loi prévoit que l'ordonnance autorisant les perquisitions, saisies et visites n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation, au demeurant non suspensif.

Ce texte viole les droits de la défense et le principe fondamental du caractère contradictoire de toute instance judiciaire.

En effet, à défaut d'un tel texte, le contribuable intéressé aurait pu demander à l'autorité judiciaire de prononcer la rétractation de l'ordonnance litigieuse. Cette action en rétractation aurait permis d'engager un débat contradictoire entre l'administration fiscale et le contribuable concerné, débat contradictoire au cours duquel tous les éléments de fait et de droit auraient pu être développés devant le juge. Ce débat aurait également obligé l'administration fiscale, à qui incombe la charge de la preuve en tant que demandeur, d'établir la réalité et la consistance des présomptions exigées par le texte légal.

Le seul pourvoi en cassation va supprimer ce débat contradictoire puisque la Cour de cassation ne se prononce pas sur les éléments de fait. Il est également à craindre que ce pourvoi en cassation soit pratiquement vidé de tout son intérêt car, dans la mesure où le contribuable concerné n'a pas été appelé à défendre son point de vue juridique devant le juge ayant autorisé le droit de perquisition, la censure du juge de cassation sur la méconnaissance des moyens de droit avancés ou sur le défaut de réponses à conclusions n'aura pas lieu de s'appliquer et le contrôle de la Cour de cassation sera pour la plus grande part illusoire.

C'est dire qu'en réalité ce texte supprime tout débat contradictoire et anéantit purement et simplement les droits de la défense dont on a vu qu'ils constituent pourtant un principe fondamental du droit pénal et de la procédure pénale à valeur constitutionnelle (Cass civ 6 juillet 1978, JCP 1979 II, 19214 ; Cons d'Etat Ass 12 octobre 1979, JCP 1980, II 19288).

B : L'article 94 de la loi de finances institue en réalité un droit de vérification des contribuables par l'administration.

10 En effet un certain nombre de dispositions de l'article 94 de la loi de finances pour 1985 permettent de considérer que, sous couvert de recherche d'infractions pénales, en réalité est instauré un droit de vérification déguisé au profit de l'administration.

On a ainsi déjà noté que le paragraphe 1er dudit article définit l'infraction en omettant l'adverbe "frauduleusement" de telle sorte qu'il ne s'agit plus de rechercher si un contribuable s'est soustrait frauduleusement à l'impôt mais simplement s'il n'a pas respecté ses obligations fiscales. De même l'absence d'individualisation de l'infraction pouvant autoriser la perquisition va dans le sens d'un simple examen du comportement fiscal du contribuable et du respect ou non, par lui, de ses obligations.

La même remarque vaut pour l'absence d'indication de l'année concernée par le droit de perquisition.

Enfin, on a vu qu'à la différence de la procédure pénale normale dans laquelle les documents saisis sont conservés au greffe du tribunal et peuvent être consultés par les conseils des inculpés, le texte litigieux ne prévoit nullement le droit de consultation du contribuable ou de ses conseils. D'ailleurs les documents saisis semblent devoir être conservés par l'administration et non pas par l'autorité judiciaire.

Ainsi le droit de perquisition prévu par l'article 94 de ladite loi au profit de l'administration n'est pas limité à la recherche d'infractions pénales traditionnelles dans la procédure pénale de droit commun.

Les paragraphes V et VI de l'article 94 de la loi de finances pour 1985 achèvent de différencier le droit de perquisition qui est prévu du droit de perquisition de droit commun.

En effet le paragraphe VI prévoit que l'administration des impôts ne peut opposer au contribuable les informations recueillies qu'après restitution des pièces et documents saisis ou de leur reproduction et mise en oeuvre des procédures de contrôle visées à l'article L 47 (premier et deuxième alinéa) du Livre des procédures fiscales. Malgré sa tournure négative, c'est un véritable droit d'utilisation des informations recueillies qui est octroyé par le paragraphe VI à l'administration des impôts.

Certes ce droit d'utilisation est subordonné à certaines conditions. L'administration ne peut opposer au contribuable ces informations qu'après restitution des documents ou de leur reproduction et mise en oeuvre des procédures de contrôle visées à l'article L 47 (premier et deuxième alinéa) du Livre des procédures fiscales. Or ces procédures de contrôle sont les vérifications approfondies de situation fiscale d'ensemble et les vérifications de comptabilité.

Le premier alinéa de l'article L 47 du Livre des procédures fiscales (LPF) prévoit en effet qu'une vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification.

Le deuxième alinéa du même article ajoute que cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix.

En subordonnant le droit d'utiliser et d'opposer au contribuable les informations recueillies à la mise en oeuvre de ces procédures de contrôle (à savoir envoi d'un avis de vérification, soit de comptabilité, soit approfondie de situation fiscale d'ensemble, mentionnant les années vérifiées et la faculté pour le contribuable de se faire assister d'un conseil de son choix, le paragraphe VI de l'article 72 du projet de loi de finances pour 1985 montre bien que l'administration va pouvoir utiliser les informations recueillies pour établir les impositions et non pas pour faire sanctionner une fraude pénale.

La preuve en est que ce droit d'utilisation des informations recueillies n'est nullement subordonné à la condition de l'engagement de poursuites pénales. D'ailleurs le paragraphe V de l'article 72 prévoit bien les deux hypothèses d'engagement et de non-engagement de poursuites pénales.

En définitive, même en l'absence de poursuites pénales, l'administration va pouvoir utiliser les informations recueillies comme si elle avait procédé à une simple vérification administrative ; simplement elle devra, pour ce faire, envoyer l'avis prévu en cas de vérification. Voilà finalement la signification du paragraphe VI de l'article 94 de la loi de finances.

11 Une telle disposition est d'abord non conforme à la Constitution et aux principes fondamentaux en ce qu'elle confère un pouvoir exorbitant, traditionnellement réservé à l'autorité judiciaire, non pas en réalité pour la recherche et la poursuite d'infractions pénales, mais pour permettre à l'administration fiscale de vérifier et d'établir correctement les impositions.

L'article 94 de la loi accorde ainsi à l'administration un droit portant atteinte à l'inviolabilité du domicile, dans laquelle la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 1983 a vu un principe constitutionnel, non pas pour rechercher des infractions pénales et faire appliquer des dispositions répressives pénales sous le contrôle de l'autorité judiciaire à qui l'article 66 de la Constitution confie la sauvegarde de la liberté individuelle sous tous ses aspects, mais pour permettre à l'administration de mettre en oeuvre une procédure administrative tendant à la fixation de l'assiette et de l'étendue des impôts.

Ainsi les droits de perquisition et de saisie qui, par définition, constituent de graves atteintes à l'inviolabilité du domicile et à la liberté individuelle, vont pouvoir être utilisés par l'administration fiscale, non pas dans un but pénal, mais dans un but purement administratif.

Il y a là un détournement de procédure qui ne peut qu'encourir la censure du Conseil constitutionnel exactement comme pour le précédent de la fouille des véhicules qui a fait l'objet de la décision 76-75 DC du 12 janvier 1977 (rec 33).

On peut transposer au cas présent le raisonnement suivi par le Conseil constitutionnel dans cette décision du 12 janvier 1977.

La liberté individuelle est un principe fondamental reconnu par les lois de la République, c'est-à-dire un principe à valeur constitutionnelle.

La protection de la liberté individuelle est confiée à l'autorité judiciaire par l'article 66 de la Constitution. L'autorité judiciaire ne peut assurer cette protection de la liberté individuelle en cas de recherche d'infraction que si cette recherche est conduite sous son contrôle et sa responsabilité (exigence ajoutée par la décision n° 83-164 DC du 29 décembre 1983).

En conséquence, s'il y a confusion entre autorité administrative et autorité judiciaire, il y a violation du principe fondamental car, lorsque c'est la procédure administrative d'établissement des impôts qui est mise en oeuvre et non pas la procédure judiciaire de recherche des infractions pénales et d'application des dispositions répressives pénales, la liberté individuelle n'est plus placée sous la protection de l'autorité judiciaire (cf pour le commentaire de la décision du 12 janvier 1977 relative à la fouille des véhicules, Louis Favoreu et Loïc Philip, Les Grandes Décisions du Conseil constitutionnel, 3e édition, Sirey 1984, p 365).

On pourrait de même reprendre presque mot pour mot le dernier considérant de cette décision du 12 janvier 1977 : "En raison de l'étendue des pouvoirs dont la nature n'est par ailleurs, pas définie, conférés aux officiers de police judiciaire et à leurs agents" (il suffirait ici de remplacer officiers de police judiciaire par "agents de l'administration des impôts"), du caractère très général des cas dans lesquels ces pouvoirs pourraient s'exercer et de l'imprécision de la portée des contrôles auxquels ils seraient susceptibles de donner lieu, ce texte porte atteinte aux principes essentiels sur lesquels repose la protection de la liberté individuelle ; que, par suite, il n'est pas conforme à la Constitution".

En définitive, cette confusion entre l'autorité administrative et l'autorité judiciaire ainsi qu'entre les buts de la procédure pénale qui sont de rechercher les infractions pénales et de leur appliquer les sanctions pénales d'une part, et les buts de la procédure administrative qui sont d'établir l'assiette des impôts d'autre part, ne peut qu'entraîner la censure du Conseil constitutionnel.

12 Comme on l'a montré, ainsi le droit de perquisition institué par l'article 94 de la loi aboutit à créer de manière déguisée un droit de vérification occulte au profit de l'administration.

Mais ce nouveau droit de vérification s'exerce en dehors des garanties qui entourent normalement la vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble ou la vérification de comptabilité.

En effet, normalement, toute vérification doit être précédée de l'envoi obligatoire au contribuable concerné d'un avis l'informant de la prochaine vérification et de la possibilité qu'il a de se faire assister d'un conseil.

Il y a là une garantie importante qui date, au moins pour les vérifications de comptabilité, de l'article unique de la loi n° 55-349 du 2 avril 1955.

Cette garantie a été consacrée par le Conseil d'Etat qui a jugé : "qu'il résulte de ces dispositions que l'administration doit avertir en temps utile le contribuable pour que celui-ci soit en mesure de faire appel, s'il le souhaite, au conseil de son choix" (CE, 7 mai 1982, requête n° 18920, Revue de Jurisprudence fiscale, juillet 1982, n° 691, p 354 et 355).

L'article 4 de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977 a confirmé cette garantie et l'a étendue aux vérifications approfondies de situation fiscale d'ensemble.

Deuxième garantie : les vérifications de comptabilité doivent être effectuées sur place.

L'article 21 du décret n° 55-467 du 30 avril 1955 évoquait déjà "la vérification sur place des comptabilités industrielles et commerciales" ; cette notion a été reprise par l'article 32 de la loi n° 63-1316 du 27 décembre 1963 et confirmée par la jurisprudence du Conseil d'Etat qui a annulé les vérifications au cours desquelles la comptabilité avait été emportée par le vérificateur.

Troisième garantie : la vérification sur place des comptabilités ne peut s'étendre, à peine de nullité, sur une durée supérieure à trois mois pour les contribuables dont le chiffre d'affaires ou les recettes n'excèdent pas un plafond fixé par la loi.

Cette garantie a été instituée par les dispositions précitées du décret du 30 avril 1955 et de la loi du 27 décembre 1963.

Quatrième garantie : obligation pour l'administration d'effectuer la vérification de manière que puisse s'instaurer un débat oral et contradictoire avec le contribuable, sous peine de nullité de la procédure. Cette garantie a été explicitée par le Conseil d'Etat à partir des textes légaux (CE, section, 21 mai 1976, requête n° 94052, Revue de jurisprudence fiscale, juillet et août 1976, n° 344 ; CE, 27 juillet 1979, requêtes n° 9101 et 8683, Revue de jurisprudence fiscale, novembre 1979, n° 657).

Il y a là autant de garanties instituées directement ou indirectement par diverses lois, garanties très importantes dans lesquelles on doit voir les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et ayant dès lors valeur constitutionnelle.

Or la vérification de comptabilité que l'administration va pouvoir effectuer sous le couvert du droit de perquisition prévu par l'article 94 de la loi de finances pour 1985 est privée de toutes ces garanties.

L'avis de vérification sera envoyé, non pas avant la saisie des documents et leur dépouillement par l'administration, mais à la fin au moment où l'administration décidera d'opposer au contribuable les informations ainsi recueillies.

Les documents seront consultés par l'administration, non pas sur place chez le contribuable, mais dans les bureaux de l'administration.

En troisième lieu, l'administration pourra conserver les documents saisis pendant six mois, alors que, pour les petits contribuables, la vérification sur place doit être limitée à trois mois.

Enfin, les documents saisis seront dépouillés par l'administration de manière unilatérale en dehors de la présence du contribuable ou de son conseil, c'est-à-dire en violation de l'exigence de débat oral et contradictoire résultant des textes légaux et explicitée par la jurisprudence du Conseil d'Etat.

C'est dire que, sous couvert de garanties de l'autorité judiciaire, l'article 94 de la loi de finances pour 1985 viole en réalité la Constitution en instituant un droit de vérification administrative pour l'établissement de l'impôt en l'absence de toute garantie pour les droits de la défense.

Pour toutes ces raisons, l'article 94 de la loi de finances pour 1985 n'échappe pas à la critique.

Sur la non-conformité à la Constitution de l'article 21 de la loi de finances pour 1985.

L'article 21 de la loi institue à titre permanent, à la charge des institutions financières, une contribution annuelle sur certaines dépenses et charges comptabilisées au cours de l'année précédente et exclue des charges déductibles pour la détermination du résultat imposable de l'exercice au titre duquel elle est due.

Ce texte est contraire au principe d'égalité affirmé par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 (art 1er et 6), principe d'égalité valant également en matière fiscale puisque, d'après l'article 13 de la même Déclaration, la contribution commune doit être "également" répartie entre tous les citoyens, "en raison de leurs facultés".

L'article 2 de la Constitution de 1958 affirme également le principe d'égalité dont la valeur constitutionnelle en matière fiscale a été reconnue par le Conseil constitutionnel dans sa décision célèbre du 27 décembre 1973.

Or, en l'espèce, l'institution d'une contribution assise sur les dépenses et charges engagées par les seules institutions financières viole le principe d'égalité.

En effet la matière imposable ainsi choisie n'est pas spécifique aux seules institutions financières. Toutes les entreprises économiques ont des charges ; et les charges des institutions financières ne sont pas elles-mêmes spécifiques et différentes des charges engagées par les autres entreprises.

On est donc en présence d'une matière imposable générale commune à toutes les entreprises et non pas propres aux seules institutions financières.

Or, seules ces dernières sont assujetties à cette contribution qui viole ainsi le principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant la loi et notamment devant la loi d'impôt.

Au surplus, cette contribution des institutions financières les soumet à une double imposition sur la même matière imposable puisque, au même titre que toutes les entreprises redevables de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu dans les catégories des bénéfices industriels ou commerciaux, des bénéfices agricoles ou des bénéfices non commerciaux, les institutions financières sont également redevables d'une taxe sur certains frais généraux (art 235 ter T à 235 ter W du code général des impôts). Il en résulte que, sur certains frais généraux, les institutions financières vont supporter une double imposition : une taxe annuelle de 30 p 100 et la contribution spécifique instituée par l'article 15 de la loi de finances pour 1985.

On peut considérer qu'il y a là une double imposition contraire au principe selon lequel la contribution commune doit être assise sur les facultés contributives des citoyens (art 13 précité de la Déclaration des droits de 1789).

En tout état de cause, cette double imposition est contraire au principe d'égalité en ce qu'elle n'est instituée qu'à l'encontre des seules institutions financières.

Sur la non-conformité à la Constitution des dispositions de l'article 119 de la loi de finances pour 1985 relatives à l'enseignement.

I : L'article 119 de la loi de finances comporte trois séries de dispositions relatives, d'une part, aux principes et aux modalités de détermination du montant des crédits affectés à la rémunération des personnels enseignants des classes faisant l'objet d'un des contrats prévus aux articles 4 et 5 de la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959, d'autre part, aux critères de détermination des dotations devant être versées aux établissements d'enseignement privé du second degré, enfin à la possibilité de création exceptionnelle, par l'Etat, d'établissements d'enseignement public.

Cet article encourt deux séries de critiques au regard de la Constitution du 4 octobre 1958.

II : L'article précité apparaît tout d'abord contraire aux prescriptions des articles 1er et 31 de l'ordonnance n° 59-2 portant loi organique relative aux lois de finances.

L'article 119 de la loi de finances pour 1985 dispose en effet, en son paragraphe 1er , qu'"aucun nouveau contrat ne peut être conclu que dans la limite des crédits mentionnés au premier alinéa du présent article".

Or, le contenu de ces dispositions ne répond à aucun des critères posés par les articles 1er et 31 de l'ordonnance du 1er janvier 1959 pour déterminer le contenu de la loi de finances : Parce qu'elles ont pour objet essentiel de faire obstacle à la conclusion de nouveaux contrats dans les conditions prévues par la loi du 31 décembre 1959. Ces dispositions ne concernent ni la nature, le montant ou l'affectation des ressources et des charges de l'Etat, ni la formation et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques, ni les responsabilités pécuniaires des agents des services publics, ni l'assiette, le taux ou les modalités de recouvrement des impositions de toute nature, ni des créations ou transformations d'emploi d'agents publics, ni les engagements financiers de l'Etat en matière de planification, ni le montant global des crédits applicables aux services votés, ni les dépenses applicables aux autorisations nouvelles, ni les opérations des budgets annexes ou des comptes spéciaux du Trésor, ni les autorisations de programmes assorties de leur échéancier.

L'inconstitutionnalité de telles dispositions, qui ne trouvent nullement leur place au sein d'une loi de finances, est évidente (décision n° 62-19 L du 3 avril 1962, rec p 33).

Sans doute pourrait-on observer que si elles ne répondent pas exactement aux exigences des articles 1er et 31, alinéa 2, de l'ordonnance du 2 janvier 1959, les dispositions critiquées peuvent néanmoins trouver place au sein d'une loi de finances en application de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui déclare non contraires aux prescriptions de l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959 les mesures comportant une incidence financière ou fiscale (cf notamment décision n° 83-164 DC du 29 décembre 1983, considérant relatif à l'article 114 sur la publicité de l'impôt, AJDA 1984 p 97).

Une telle objection ne serait cependant pas déterminante.

Contrairement à ce qu'a prétendu le ministre de l'éducation nationale lors des débats parlementaires ayant précédé l'adoption de cet article, les dispositions de l'article 119 limitant la conclusion des nouveaux contrats dans la limite des crédits affectés à la rémunération des personnels enseignants des classes d'établissements d'enseignement privé sous contrat ne peuvent en effet être regardées comme comportant par elles-mêmes une incidence sur les concours financiers apportés par l'Etat à ces établissements. Ces dispositions ont en réalité pour objet, non point de faire dépendre le montant des crédits du nombre de contrats conclus, mais bien de faire directement obstacle à la conclusion de tout nouveau contrat par l'utilisation d'un mécanisme financier de non-révision des crédits disponibles par une loi de finances rectificative.

De telles dispositions ne sauraient trouver place au sein d'une loi de finances, surtout que l'article 1er de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 "définit limitativement la nature des dispositions que peut contenir une loi de finances" (décision n° 83-164 DC du 29 décembre 1983 précitée).

III : L'article 119 de la loi de finances pour 1985 encourt en second lieu la critique en ce qu'il fait obstacle à l'exercice normal du principe fondamental reconnu par les lois de la République que constitue la liberté de l'enseignement.

Dès lors qu'elles ont pour conséquence de faire échec à la conclusion de tout nouveau contrat qui ne serait pas contenu dans la limite des crédits déterminés par la loi de finances, les dispositions précitées de l'article 88 sont en effet de nature à créer, au sein des établissements d'enseignement privé sous contrat, une inadaptation entre les effectifs d'élèves et le nombre d'enseignants, et partant, à entraver l'application normale de la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959.

Or, il est constant que ce dernier texte de loi constitue une mise en oeuvre directe du principe de la liberté d'enseignement, lequel, rappelé à l'article 91 de la loi de finances du 31 mars 1931, constitue l'un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, réaffirmés par le préambule de la Constitution de 1946 et auxquels la Constitution de 1956 a conféré valeur constitutionnelle (décision n° 77-87 DC du 23 novembre 1977, rec p 42).

IV : L'article 119 de la loi de finances pour 1985 encourt enfin la critique en ce qu'il fixe les modalités de calcul du montant global de la contribution forfaitaire versée par l'Etat pour les classes concernées ainsi que le montant des crédits nécessaires à la compensation dans les conditions prévues par la loi du 7 janvier 1983.

Ces dispositions ont en effet pour objet de déterminer à l'avance des modalités de calculs applicables aux futures lois de finances.

Or, il est admis, d'une part, "que le législateur ne peut lui-même se lier ; qu'une loi peut toujours et sans condition fût-ce implicitement abroger ou modifier une loi antérieure ou y déroger" ; et que les dispositions d'une loi de finances applicable aux années ultérieures "sont dépourvues de tout effet juridique", d'autre part, que des dispositions, dépourvues de tout effet juridique ne sauraient trouver leur place dans une loi de finances (décision n° 83-164 DC du 29 décembre 1983 précitée).

A cet égard encore, les dispositions critiquées ne peuvent être regardées comme satisfaisant aux exigences des articles 1er et 31, alinéa 2, de l'ordonnance du 2 janvier 1959.

Sur la non-conformité des articles 50 et 53 de la loi de finances ainsi que des états A et C qui lui sont annexés.

Les conditions de financement de certaines dépenses relatives au logement par des recettes prélevées sur le fonds de réserve et de garantie des caisses d'épargne sont irrégulières au regard des dispositions de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

Cette irrégularité est de nature à affecter la constitutionnalité des articles 50 et 53 de la loi de finances pour 1985 ainsi que des états A et C annexés.

Il est indiqué à la page 524 de l'annexe "Services votés - Mesures nouvelles urbanisme, logement et transports" du projet de loi de finances pour 1985, dans le tableau présentant les dépenses bénéficiant au logement que les chapitres 65-41, 65-44 et 65-46 du budget de l'urbanisme, du logement et des transports, ainsi que le chapitre 44-91 du budget des charges communes étaient "abondés en gestion par voie de fonds de concours" à hauteur d'un montant global de 7400 millions de francs en 1984 et de 7000 millions de francs en 1985.

Les conditions dans lesquelles les dépenses correspondantes, auparavant inscrites au budget de l'Etat, sont financées par un prélèvement sur le fonds de réserve et de garantie des caisses d'épargne ont été exposées en 1983 par le Gouvernement dans le rapport économique et financier présenté en annexe au projet de loi de finances pour 1984 et par la commission des finances de l'Assemblée nationale (rapport Pierret n° 2365, tome I, pages 136 à 139).

Par ailleurs, le Gouvernement, lors de la première séance du 19 octobre 1984 (Journal officiel, débats Assemblée nationale, p 4983), a annoncé que, parmi les éléments "de substitution au prélèvement de 3 milliards de francs sur les collectivités locales", "une recette de 700 millions de francs provient de l'augmentation du fonds de concours versé à l'Etat par la Caisse des dépôts au bénéfice des crédits du logement".

Cette intention s'est traduite par le dépôt et l'adoption à l'article 53 de l'amendement gouvernemental n° 49 (seconde délibération) le 15 novembre 1984 (Journal officiel, débats Assemblée nationale, p 6174).

Cet amendement réduisait les crédits de l'article 53, état C, titre VI, urbanisme, logement, transports (chapitre 65-46), un amendement 56 corrigé diminuant le plafond des dépenses civiles en capital, prévu à l'article 34 en conséquence de cette réduction.

L'irrégularité d'une telle procédure, qui conduit à distraire de la loi de finances et donc à soustraire au contrôle parlementaire une somme de 7,7 milliards de francs, apparaît, quelle que soit l'hypothèse que l'on retient quant à la nature juridique de l'opération.

On peut d'abord s'interroger sur la nature réelle de la recette de 7,7 milliards de francs, ce qui n'était pas possible lors de l'examen de la loi de finances pour 1984, compte tenu de la date de publication des textes qui la prévoient.

Selon le décret n° 83-1189 du 30 décembre 1983, cette recette serait la rémunération de la garantie accordée par l'Etat aux fonds collectés par les caisses d'épargne.

Le décret n° 84-291 du 16 avril 1984 assimile cette recette à un fonds de concours en application de l'article 19 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, qui permet une telle assimilation dans le seul cas des "recettes de caractère non fiscal".

En fait, il y a lieu de considérer qu'il y a eu application irrégulière de l'article 19 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, la recette en cause n'ayant pas en réalité le caractère d'une recette de caractère non fiscal, mais le caractère d'une recette fiscale.

En effet, il n'existe guère de lien ni de proportionnalité entre le prétendu service rendu et le montant d'une rémunération qui n'est exigée que depuis 1984, alors même que le bénéfice de la garantie de l'Etat existe depuis des décennies (art 50 du code des Caisses d'épargne).

Les conditions précitées dans lesquelles le Gouvernement a annoncé une majoration de 700 millions de francs, soit 10 p 100, de cette ressource atteste d'ailleurs de l'absence de lien entre la rémunération et le service rendu. Cette majoration constitue un prélèvement effectué d'autorité sur le fonds de garantie, à titre de recette de substitution "gageant" partiellement la suppression du prélèvement de 3 milliards de francs prévu sur les collectivités locales. Le Gouvernement a indiqué à cet égard (Journal officiel, débats Assemblée nationale, p 4983) que les nouvelles dispositions applicables au fonds de garantie "permettent de dégager des disponibilités lorsque le niveau du fonds dépasse le taux" (de 2 p 100 des encours).

Ce prélèvement effectué d'autorité a donc un caractère fiscal. D'autre part, il est avéré que son produit est affecté à l'Etat, au sens de l'article 4 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959, puisqu'il sert à couvrir des dépenses incombant à l'Etat ainsi que l'attestent tant le document précité annexé au fascicule bleu de l'urbanisme, du logement et des transports que les conditions dans lesquelles le Gouvernement a réduit les dépenses du chapitre 65-46 de ce ministère à due concurrence de la recette nouvelle résultant de la majoration du prélèvement opéré sur le fonds de garantie.

1° Si le Conseil constitutionnel voulait bien admettre que les dispositions de l'article 19 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ont été irrégulièrement appliquées à un prélèvement qui ne constitue pas la rémunération d'un service rendu, mais une imposition, il y aurait lieu de considérer que les articles 50 et 53 de la loi de finances pour 1985 et les états annexés ne sont pas conformes aux articles 1er, 2, et 4 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, dans la mesure où ils ne comportent pas l'autorisation et l'évaluation de 7,7 milliards de francs de dépenses de l'Etat et du même montant de recettes fiscales, soit par défaut d'inscription dans le projet de loi initial, soit à la suite de l'adoption par l'Assemblée nationale des amendements n° 49 et 56 corrigés (seconde délibération).

2° Si, en revanche, le Conseil constitutionnel ne retenait pas l'argumentation ci-dessus et admettait le caractère non fiscal de la recette en cause, c'est-à-dire son caractère de rémunération pour service rendu, le défaut d'inscription de son montant à l'article 50 et à l'état A de la loi de finances apparaîtrait comme contraire à l'article 5 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, ainsi que l'a indiqué en séance publique M Gantier le 9 novembre 1984 (Journal officiel, débats Assemblée nationale, p 5784), qui dispose que les ressources de cette nature sont prévues et évaluées par la loi de finances de l'année.

Dans les deux hypothèses, les requérants demandent au Conseil constitutionnel de bien vouloir se prononcer sur le point de savoir si l'irrégularité n'est pas, compte tenu de son montant, de nature à affecter les grandes lignes de l'équilibre budgétaire, disposition essentielle de la loi de finances pour 1985.

Sur la non-conformité à la Constitution de l'article 79 de la loi de finances

Cet article accorde aux fondations et associations d'intérêt général et à caractère culturel agréées par décision interministérielle le bénéfice de la déduction élargie des dons faits par les entreprises, pratiquée en proportion du chiffre d'affaires.

Ce faisant, il démarque fortement le régime des dons faits aux seuls organismes à caractère culturel de celui des dons faits à l'ensemble des autres organismes bénéficiant des dons ouvrant droit à déduction, c'est-à-dire les organismes de caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social et familial.

Ainsi, si l'article 79 venait à être appliqué tel qu'il résulte des délibérations et des votes du Parlement, existerait entre des associations et fondations, une discrimination de traitement fiscal qui n'est justifié ni par une différence d'intérêt entre les divers objets sociaux des organismes dont il s'agit, ni par une différence de situation financière entre ces organismes justifiant une aide particulière au secteur culturel. Il est, de ce fait, contraire au principe constitutionnel d'égalité devant la loi.

En outre, l'article 79 confère au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les organismes susceptibles, après agrément, de recevoir des dons bénéficiant d'une déduction élargie. Cette disposition : comportant le recours à la technique de l'agrément cas par cas : aboutit à dessaisir complètement le pouvoir législatif bien au-delà de la compétence propre reconnue au pouvoir réglementaire pour assurer l'application de la loi. Dans ces conditions, les dispositions de l'article 34 de la Constitution aux termes duquel la loi fixe les règles concernant l'assiette des impositions n'ont pas été respectées.

Sur la non-conformité à la Constitution de l'article 82 de la loi de finances

Le paragraphe II de cet article crée une nouvelle réduction d'impôt sur le revenu afférente à la souscription de parts des sociétés immobilières d'investissement ou des sociétés civiles de placements immobiliers, compte tenu de la modification par l'article 11 du régime juridique de ces dernières sociétés.

Le bénéfice de cette réduction d'impôt est subordonné au respect de deux engagements souscrits par des personnes distinctes : : l'engagement pris par le contribuable de conserver les titres pendant une durée de neuf ans ;

: l'engagement pris par la société de louer les logements situés dans les immeubles (dont la souscription de titres finance la construction ou l'acquisition) mis à usage de résidence principale.

Le non-respect de l'un ou l'autre de ces engagements entraîne une reprise fiscale et l'application, le cas échéant, de sanctions fiscales.

Un tel raisonnement est pleinement valable en cas de non-respect par le contribuable des engagements qui lui incombent personnellement. En revanche, il ne paraît pas admissible qu'un contribuable puisse se voir sanctionner pour le non-respect des engagements souscrits par la société dont il détient les titres, alors qu'il ne dispose pas des moyens juridiques d'empêcher l'accomplissement, par les responsables légaux de celle-ci, des actes entraînant la rupture des engagements qu'elle a souscrits et que, de surcroît, il est obligé lui-même d'en conserver les titres sous peine de reprise.

Un tel système juridique, qui fait dépendre l'application aux contribuables de sanctions fiscales, de comportements dont ils n'ont pas la maîtrise, paraît contraire aux principes établis par l'article VIII de la déclaration des Droits de l'homme et du citoyen, selon lequel la loi édicte des peines strictement et évidemment nécessaires.

Le quatrième alinéa du paragraphe II de cet article paraît donc contraire à la Constitution en ce qu'il prévoit une sanction en cas de non-respect des engagements définis au troisième alinéa du même paragraphe.

III : TROISIEME SAISINE SENATEURS

Conformément à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, les sénateurs soussignés défèrent à l'examen du Conseil constitutionnel l'article 88 de la loi de finances pour 1985 intitulé "Dispositions relatives à l'enseignement" pour les raisons ci-après : L'article 47 de la Constitution dispose : "Le Parlement vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique".

L'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, modifiée par la loi organique n° 71-474 du 22 juin 1971, dispose en son article 31 : "Le projet de loi de finances de l'année comprend deux parties distinctes :

"Dans la seconde partie, le projet de loi de finances de l'année fixe pour le budget général le montant global des crédits applicables aux services votés et arrête les dépenses applicables aux autorisations nouvelles par titre et par ministère ; il autorise, en distinguant les services votés des opérations nouvelles, les opérations des budgets annexes et les opérations des comptes spéciaux du Trésor par catégorie de comptes spéciaux et éventuellement par titre ; il regroupe l'ensemble des autorisations de programme assorties de leur échéancier ; il énonce enfin les dispositions diverses prévues à l'article 1er de la présente ordonnance en distinguant celles de ces dispositions qui ont un caractère annuel de celles qui ont un caractère permanent".

Quant à l'article 1er de ladite loi organique, il dispose : "Les lois de finances déterminent la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'Etat, compte tenu d'un équilibre économique et financier qu'elles définissent.

Les dispositions législatives destinées à organiser l'information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ou à imposer aux agents des services publics des responsabilités pécuniaires sont contenues dans les lois de finances.

Les lois de finances peuvent également contenir toutes dispositions relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature.

Lorsque des dispositions d'ordre législatif ou réglementaire doivent entraîner des charges nouvelles, aucun projet de loi ne peut être définitivement voté, aucun décret ne peut être signé, tant que ces charges n'ont pas été prévues, évaluées et autorisées dans les conditions fixées par la présente ordonnance.

Les créations et transformations d'emplois ne peuvent résulter que de dispositions prévues par une loi de finances.

Toutefois, des transformations d'emplois peuvent être opérées par décrets pris en conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat.

Ces transformations d'emplois ainsi que les recrutements, les avancements et les modifications de rémunération ne peuvent être décidés s'ils sont de nature à provoquer un dépassement des crédits annuels préalablement ouverts.

Les plans approuvés par le Parlement, définissant des objectifs à long terme, ne peuvent donner lieu à des engagements de l'Etat que dans les limites déterminées par des autorisations de programmes votées dans les conditions fixées par la présente ordonnance. Les autorisations de programme peuvent être groupées dans les lois dites "lois de programme".

II : L'article 88 de la loi de finances pour 1985 est contraire aux dispositions susmentionnées de l'article 47 de la Constitution et des articles 31 et 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

III : En effet, le paragraphe I de l'article 88 indique que "le montant des crédits affectés à la rémunération des personnels enseignants des classes faisant l'objet d'un des contrats prévus aux articles 4 et 5 de la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 modifiée, au titre de leurs tâches d'enseignement, est déterminé chaque année par la loi de finances" et précise qu'"aucun nouveau contrat ne peut être conclu que dans la limite des crédits" ainsi déterminés.

Le paragraphe II de l'article 88 définit les critères selon lesquels les crédits en cause seront "déterminés annuellement dans la loi de finances".

Quant au paragraphe III de l'article 88, il autorise l'Etat, par dérogation à la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983, à "créer exceptionnellement des établissements d'enseignement public dont il transfère la propriété à la collectivité territoriale compétente en vertu de la loi du 22 juillet 1983" et ajoute que "le montant des crédits affectés à ces créations est déterminé chaque année par la loi de finances".

IV : L'article 88, on le voit, ne contient donc que des dispositions qui fixent ce que devront contenir à l'avenir les lois de finances annuelles au regard des crédits destinés à la rémunération des personnels enseignants de l'enseignement privé.

De telles dispositions ne peuvent donc pas figurer dans une loi de finances annuelle, en l'occurrence la loi de finances pour 1985, sans contrevenir aux dispositions constitutionnelles et législatives rappelées au I ci-dessus, notamment aux dispositions de la loi organique relative à la loi de finances, laquelle indique très précisément dans ses articles 31 et 1er quel doit être le contenu des lois de finances annuelles.

Si le Gouvernement entendait faire adopter par le Parlement les dispositions figurant à l'article 88 de la loi de finances pour 1985, il lui fallait déposer sur le bureau de l'une ou l'autre des deux assemblées du Parlement un projet de loi organique modifiant l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances. Il y a d'ailleurs lieu de noter que cette ordonnance a d'ores et déjà été modifiée par la loi organique n° 71-474 du 22 juin 1971.

C'est donc en considérant que la procédure utilisée par le Gouvernement pour faire adopter par le Parlement les dispositions objet de l'article 88 n'est pas conforme aux dispositions de l'article 47 de la Constitution et des articles 31 et 1er de la loi organique sur le vote des lois de finances et sans s'attacher à savoir si les dispositions de l'article 88 sont ou non conformes à la Constitution que les sénateurs soussignés vous demandent, monsieur le président, messieurs les membres du Conseil constitutionnel, de déclarer que l'article 88 du projet de loi de finances pour 1985 n'est pas conforme à la Constitution.

II : DEUXIEME SAISINE SENATEURS

Conformément à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, les sénateurs soussignés défèrent à l'examen du Conseil constitutionnel la loi de finances pour 1985 et cela pour motifs ci-après :

I : L'article 47 de la Constitution dispose que "le Parlement vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique".

Quant à l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, elle dispose dans son article 21 que "les budgets annexes comprennent, d'une part, les recettes et les dépenses d'exploitation, d'autre part, les dépenses d'investissement et les ressources spéciales affectées à ces dépenses".

L'article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe "l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature".

II : Or le budget annexe des PTT comporte :

1° Au chapitre 69-54, des autorisations de programme et des crédits de paiement concernant le "Développement de la filière électronique", savoir :

Article 10 : Actions d'informatisation : Autorisations de programme : 2030000000 F ;

Crédits de paiement : 1811800000 F.

Article 20 : Agence de l'informatique : Autorisations de programme : 233000000 F ;

Crédits de paiement : 199000000 F.

Article 30 : Institut national de recherche en informatique et en automatique : Autorisations de programme : 90000000 F ;

Crédits de paiement : 83460000 F.

Article 40 : Centre d'études des systèmes d'information des administrations : Autorisations de programme : 14000000 F ;

Crédits de paiement : 16920000 F.

soit pour le chapitre 69-54, au total :

Autorisations de programme : 2367000000 F ;

Crédits de paiement : 2111180000 F.

2° Au chapitre 69-55, des autorisations de programme et des crédits de paiement concernant la contribution aux apports en fonds propres de l'Etat aux entreprises de la filière électronique, savoir :

Article 10 : Contribution (budget civil de la recherche) : Autorisations de programme : 1150000000 F ;

Crédits de paiement : 1150000000 F.

Article 20 : Contribution (hors recherche) : Autorisations de programme : 550000000 F ;

Crédits de paiement : 550000000 F.

soit pour le chapitre 69-55, au total :

Autorisations de programme : 1700000000 F ;

Crédits de paiement : 1700000000 F.

3° Au chapitre 69-59, des autorisations de programme pour 3421000000 F et des crédits de paiement pour 3263000000 F concernant une contribution aux programmes du Centre national d'études spatiales (CNES).

4° Au chapitre 67-05, des subventions versées aux organismes de recherche et de filière électronique, savoir :

Article 40 : Agence de l'informatique : Crédits de paiement : 33440000 F ;

Article 50 : Institut national de recherche en informatique et en automatique : Crédits de paiement : 132999900 F ;

Article 60 : Centre d'études des systèmes d'information des administrations : Crédits de paiement : 17320000 F ;

soit pour le chapitre 67-05, au total :

Crédits de paiement : 183759900 F 5° Au chapitre 69-56, une participation aux recettes du budget général de l'Etat, savoir :

Article 20 : Fonds de réserve sur résultats affecté aux recettes du budget général : Crédits de paiement : 2200000000 F ;

Etant précisé :

a) Qu'en contrepartie le budget général comporte à l'état A (annexé à l'article 34 de la loi de finances), tableau B "Recettes non fiscales", ligne 121, un crédit "Versements du budget annexe des PTT" de 2800000000 F.

b) Que si, renseignements pris auprès du ministère des PTT, ce crédit se justifie à concurrence de 600000000 F par des intérêts de trésorerie versés par les télécommunications à l'Etat, il provient pour le solde, soit 2200000000 F, du crédit susmentionné de même montant inscrit au chapitre 69-56, article 20 du budget annexe des PTT (cf premier et second alinéa ci-dessus).

III : Aucune des dépenses récapitulées au point II ci-dessus ne pouvant être regardée ni comme "une dépense d'exploitation des PTT" ni comme "une dépense d'investissement des PTT", toutes les inscriptions budgétaires correspondantes contreviennent aux dispositions de l'article 21 de l'ordonnance 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

Pour ce premier motif, ces inscriptions budgétaires ne sont pas conformes à la Constitution. Il en est ainsi pour :

1° Les subventions de fonctionnement aux organismes de recherche et de filière électronique (chapitre 67-05) puisque cette somme est destinée à faire face aux dépenses de personnel de l'Agence de l'informatique, de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique et du Centre d'études des systèmes d'information des administrations, personnels qui ne relèvent pas de l'administration des PTT.

Ces crédits figuraient d'ailleurs les années précédentes au budget général, et en particulier en 1984 au budget de la recherche pour ce qui concerne l'ADI et l'INRIA et au budget de l'industrie pour le CESIA 2° Les fonds affectés aux études et au développement de la filière électronique (chapitre 69-54) : ces fonds affectés à des entreprises de statut privé du secteur concurrentiel (AIOP, Bull, CGE, Rhône-Poulenc, Sytèmes, ESD, Logabax, SSII, SMT) figuraient avant 1984 aux budgets de l'industrie et de la recherche.

Il n'incombe pas au budget annexe des PTT, c'est-à-dire à l'utilisateur des services postaux et téléphoniques, de financer le développement du budget civil de recherche de ces entreprises. En outre, en 1985, l'INRIA et le CESIA qui continuent à relever du ministère de la recherche pour le premier et de celui de l'industrie pour le second vont, sans que les missions de ces organismes aient été modifiées, bénéficier de ces crédits, preuve, s'il en était besoin, du caractère arbitraire du rattachement de ces charges au budget annexe et de leur transfert du budget général (financé par l'impôt) au budget annexe (financé par des rémunérations pour services rendus).

3° La dotation en fonds propres par l'Etat des entreprises de la filière électronique (chapitre 69-55) : il s'agit là de faire financer par le budget annexe les dotations en capital consenties par l'Etat à ces entreprises alors qu'une telle action constitue une augmentation du capital desdites sociétés qui devrait être financée par l'Etat en tant que propriétaire de celles-ci, c'est-à-dire par le contribuable.

4° La contribution inscrite au chapitre 69-59 pour les programmes du Centre national d'études spatiales : il s'agit là du transfert sur le budget annexe de la totalité des crédits de financement du programme civil du CNES figurant précédemment au ministère de la recherche (chapitre 66-00) ; or, d'une part la totalité de ce programme civil n'est pas lié aux télécommunications, et, d'autre part, l'apport du budget annexe des PTT aux liaisons par satellite figure déjà à un autre chapitre du budget annexe (le chapitre 69-53 "Equipement des télécommunications" où l'on retrouve le programme Télécom I (voir le bleu du "Budget annexe des PTT", page 135). Enfin, il faut faire remarquer que les dépenses du chapitre 69-59 ne constituent nullement des opérations nouvelles dont le rattachement du budget annexe pourrait se justifier : les années précédentes, ces missions existaient aussi et le service rendu aux usagers était le même en matière de télécommunications. Et, là aussi, la totalité des dépenses du CNES, pas plus que précédemment celles de la filière électronique, n'a pas pour seule finalité l'amélioration du service rendu à l'usager des télécommunications : ainsi, par exemple, les fusées "Ariane" serviront de lanceur à des satellites autres que ceux de télécommunications.

5° Le fonds de réserve sur résultats affectés aux recettes du budget général (chapitre 69-56) : un tel prélèvement "ex-ante" au profit du budget général constitue une subvention à son projet et donc une "désaffectation" d'une fraction des ressources du budget annexe, à hauteur du montant de cette subvention : une telle "désaffectation" entraîne la transformation d'une partie de la rémunération pour services rendus qui alimente le budget annexe en prélèvement fiscal au profit du budget général.

De plus, un tel prélèvement "ex-ante" présuppose qu'en cours d'exercice, les recettes du budget annexe se révèlent trop abondantes par rapport aux dépenses. Outre que ce présupposé est totalement contradictoire avec le relèvement des tarifs téléphoniques intervenu en juillet 1984, il est contraire aux articles 18, alinéa 1er et 21, alinéa 3, de la loi organique relative aux lois de finances. Il résulte en effet de ces articles qu'en matière d'affectation, les dépenses sont premières et qu'une fois celles-ci déterminées, certaines recettes leur sont affectées dans la limite desdites dépenses ; dans l'hypothèse où les recettes s'avéreraient excéder, en cours d'exercice, les dépenses, le Gouvernement est habilité par l'article 21, alinéa 3, à majorer à due concurrence les dépenses, même celles financées sur des crédits limitatifs. Cette procédure prévue par la loi organique pour régler le problème de l'excédent de recettes d'un budget annexe est antinomique avec la technique du prélèvement "ex-ante". L'on ne peut, non plus, soutenir que cette technique ne peut plus être contestée car elle a déjà été utilisée dans les budgets 1982, 1983 et 1984 et n'a jamais été contestée les années précédentes : en effet, faute d'une telle contestation, le Conseil constitutionnel n'a pas été amené à se prononcer sur sa régularité. En outre, ce prélèvement au profit du budget général ne résulte pas d'une disposition permanente : la charte de gestion à moyen terme sur lequel il se fonde, n'a jamais été soumise au Parlement ; aucune disposition législative n'a jamais prévu, depuis son apparition, la moindre pérennisation de ce prélèvement. Ledit prélèvement est donc chaque année une mesure nouvelle, particulière à l'exercice en cause ; et c'est d'ailleurs cette circonstance qui explique la recevabilité des amendements parlementaires proposant la suppression de ce prélèvement et donc la perte d'une ressource pour le budget général.

6° Enfin, l'existence d'un chapitre 69-04 "Concours entre fonctions principales" apparu dans la loi de finances pour 1985 constitue également une subvention, au sein du budget annexe, de la branche "Télécommunications" à la branche "Poste" ; or, l'existence d'une telle subvention est contraire à la nature même des ressources de la branche "Télécommunications" (rémunérations pour services rendus) puisqu'elle aboutit à faire financer un service (la poste) par les usagers d'un autre service (les télécommunications) transformant là aussi la nature de la redevance téléphonique en prélèvement fiscal au profit de la poste.

Compte tenu de la nouveauté des chapitres ou des articles transférés au budget annexe en provenance du budget général, de leur montant considérable, de l'accroissement des chapitres précédemment transférés, de la forte augmentation des recettes provoquées dans le seul but de couvrir ces dépenses et de créer un excédent artificiel au profit du budget général, ainsi que du principe de l'annualité budgétaire, il n'est pas possible de considérer que l'on est en présence de dispositions qui figuraient déjà dans des lois antérieurement promulguées et qui, de ce fait, ne pourraient être censurées. S'il en était jugé autrement, il serait désormais permis de transférer des charges du budget général au budget annexe sous le seul prétexte que dans le passé un tel transfert a déjà été opéré. Il s'ensuivrait une atteinte extrêmement grave aux compétences fiscales du Parlement ainsi qu'une dénaturation définitive des notions d'impôt et de redevance.

IV : Il résulte des considérations précédentes que le budget des postes et télécommunications comporte des dépenses qui sont étrangères à ce budget. De ce fait, les recettes des postes et télécommunications prennent un caractère fiscal puisque, dans cette mesure, elles couvrent des charges qui ne correspondent pas au service rendu.

1° Les recettes des télécommunications sont en effet, en dépit de leur appellation, des rémunérations pour services rendus. Ce caractère qui leur est reconnu expressément par la jurisprudence administrative (tribunal des conflits, 24 juin 1968 : Ursot, rec p 798 ; Conseil d'Etat, 29 juin 1979 : Dame Bourgeois, Rec p 293), résulte du fait qu'elles sont demandées aux usagers de ce service public en vue d'en couvrir les charges et qu'elles trouvent leur contrepartie directe dans ses prestations (CC 11 août 1960, rec p 25 ; 10 mars 1966, rec p 26 ; 24 octobre 1969, rec p 32 ; 6 octobre 1976, rec p 59 ; 16 novembre 1977, rec p 65 ; 2 décembre 1980, rec p 73 ; CE 21 novembre 1958, syndicat national des transporteurs aériens, rec p 572 ; D 1959-J, p 475, concl Chardeau ; 16 novembre 1962. Syndicat intercommunal d'électricité de la Nièvre et autres, rec p 612). C'est d'ailleurs en raison de ce caractère que les redevances des télécommunications sont instituées par décret, conformément aux dispositions de l'article 5 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances et de l'article R 56 du code des postes et télécommunications.

2° Les conditions dans lesquelles sont intervenues les hausses de l'été 1984 prouvent qu'elles poursuivaient un autre but que la couverture des charges du service. Ceci résulte notamment du rapport présenté par le ministre des PTT au Premier ministre en vue de l'adoption du décret n° 84-736 du 27 juillet 1984. Le ministre n'invoquait aucune charge nouvelle et se contentait d'indiquer que : "Les mesures tarifaires contenues dans le présent projet de décret répondent à la volonté du Gouvernement d'accroître la contribution du service public des télécommunications à l'effort national de redressement économique et de maîtriser les équilibres budgétaires".

3° Cet état de chose a eu pour effet de conférer aux recettes de télécommunications un caractère fiscal. Il est donc contraire à l'article 34 de la Constitution suivant lequel la loi fixe les règles concernant "l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes sortes". En conséquence, il appartenait au Parlement de fixer lui-même l'assiette et le taux des redevances téléphoniques, ce qu'il n'a pas fait. Ainsi, le Parlement a abandonné au Gouvernement sa compétence en la matière. Cette manière de procéder est inconstitutionnelle ; il ne saurait y avoir, en dehors de l'article 38 de la Constitution, de délégation de compétence en matière d'impôt.

En tout état de cause, la seule mention du produit du montant des redevances téléphone dans l'état A comme recette de fonctionnement du budget annexe des PTT est insuffisante à instituer une disposition législative qui serait le fondement de la transformation de ces rémunérations pour services rendus en taxe fiscale (décision du Conseil constitutionnel n° 83-164 DC du 29 décembre 1983).

4° Bien plus, le Parlement est dans l'impossibilité de refuser toute augmentation de cette rémunération : tout amendement parlementaire proposant le retour au taux antérieur de la rémunération, outre qu'il empiétait sur une compétence que l'article 5 de la loi organique réserve au seul Gouvernement se traduirait par une perte de recettes pour le budget annexe (le décret du 27 juillet 1984 faisant déjà partie du droit existant), perte de recettes prohibée par l'article 40 de la Constitution ; tout gage à un tel amendement qui établirait une recette de compensation, outre qu'il consacrerait l'impossibilité pour le Parlement de refuser la création d'un surcroît de recettes pour le budget annexe, tomberait à son tour sous le coup de l'article 18, alinéa 3, de la loi organique qui réserve au Gouvernement l'initiative de la création d'une recette affectée.

En réalité (en dehors d'un recours au Conseil d'Etat contre le décret du 27 juillet 1984), il n'existait pour le Parlement qu'un seul moyen de s'opposer à la méconnaissance de ses pouvoirs : il consistait à refuser de voter les dépenses étrangères au budget annexe des postes et télécommunications, en vue de rendre aux recettes leur véritable nature de redevance. Tel avait été l'objet des deux amendements adoptés par le Sénat dans sa séance du 25 novembre 1984. Mais il se trouve que ces dépenses ont été maintenues dans la loi de finances pour 1985, sans que, pour autant, le Parlement ait fixé lui-même le taux et l'assiette des recettes.

V : Dès lors qu'elles sont couvertes par des recettes d'exploitation décidées par le pouvoir réglementaire, au lieu de l'être par l'impôt voté par le Parlement, toutes les inscriptions budgétaires récapitulées au point II ci-dessus contreviennent aussi aux dispositions de l'article 34 de la Constitution.

Pour ce second motif toutes ces inscriptions budgétaires ne sont pas conformes à la Constitution : C'est pour tous ces motifs que les sénateurs soussignés vous demandent, Monsieur le président, messieurs les membres du Conseil constitutionnel, de déclarer non conformes à la Constitution toutes les inscriptions budgétaires mentionnées ci-dessus et à cet effet de déclarer non conformes à la Constitution ;

1° Les articles 42 et 43 de la loi de finances concernant les budgets, notamment le budget annexe des PTT.

2° La ligne "Postes et télécommunications" de la rubrique "Budgets annexes" de l'état A annexé à l'article 34 de la loi de finances.

3° La ligne 121 du paragraphe B "recettes non fiscales" de l'état A annexé à l'article 34 de la loi de finances.

4° De ce fait, l'article 34 de la loi de finances et, ledit article en constituant l'article d'équilibre, la loi de finances elle-même.

Fait à Paris, le 20 décembre 1984.

I : PREMIERE SAISINE SENATEURS

Conformément à l'alinéa 2 de l'article 61 de la Constitution, les sénateurs soussignés défèrent à l'examen du Conseil constitutionnel la loi de finances pour les motifs ci-dessous.

L'article 88 de la loi de finances comporte trois paragraphes dont le contenu est, pour chacun d'entre eux, étranger au contenu des lois de finances tel qu'il est limitativement prévu par les articles 1er et 31 de la loi organique relative aux lois de finances.

Le paragraphe I indique que le montant des crédits affectés à la rémunération des personnels de l'enseignement privé doit être fixé en loi de finances en fonction de certains critères qu'il définit (effectifs des élèves, types de formation, contraintes spécifiques propres à l'enseignement public) et que ces crédits sont limitatifs.

Le paragraphe II indique que les lois de finances doivent déterminer tous les ans, selon certains critères fixés dans le dernier alinéa de ce paragraphe, le montant des dépenses pédagogiques et de la contribution aux dépenses de fonctionnement à la charge de l'Etat.

Le paragraphe III autorise l'Etat, par dérogation à la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983, à créer des établissements d'enseignement public dont il transfère la propriété à la collectivité locale compétente et indique que le montant des crédits affectés à ces créations est déterminé tous les ans par les lois de finances.

A l'exception de la première phrase du paragraphe III et de la dernière phrase du paragraphe I (qui n'a d'ailleurs pas de sens sans le reste de ce paragraphe) l'article 88 est donc composé de dispositions qui fixent ce que doit contenir la loi de finances annuelle (paragraphe I, première phrase, paragraphe II, premier alinéa, et dernière phrase du paragraphe III) ou établissent les critères en fonction desquels doit être calculé le montant de dotations devant figurer dans les prochaines lois de finances annuelles (paragraphe I, deuxième phrase, paragraphe II, dernier alinéa).

Or, de telles dispositions ne peuvent figurer en loi de finances : en effet, seul le constituant où, en vertu de l'article 47, alinéa 1er de la Constitution, s'agissant des lois de finances, le législateur organique peut édicter des règles liant le législateur tant au regard du contenu que du montant des dotations devant figurer en loi de finances. En particulier, la loi organique relative aux lois de finances indique quel doit être le contenu des lois de finances annuelles : seule une modification de cette loi organique peut donc prévoir quelles sont les dispositions devant figurer obligatoirement dans les lois de finances annuelles. Ce n'est pas le cas de l'article 88 puisque ce dernier n'a pas été voté dans les conditions prévues par l'article 46 de la Constitution, les dispositions précitées de l'article 88 de la loi de finances sont donc soit inconstitutionnelles pour violation de l'article 46 de la Constitution, soit sans effet juridique, conformément à votre décision n° 82-142 DC du 27 juillet 1982 relative à la loi sur la réforme de la planification : "Considérant que le législateur ne peut lui-même se lier ; qu'une loi peut toujours et sans conditions, fût-ce implicitement, abroger ou modifier une loi antérieure ou y déroger ; qu'ainsi les dispositions de l'article 4, dernier alinéa, de la loi présentement examinée sont dépourvues de tout effet juridique et ne peuvent limiter en rien le droit d'initiative du Gouvernement et des membres du Parlement ; qu'elles ne sauraient pas davantage empêcher le vote dans l'avenir de lois contraires auxdites dispositions ;" Mais il résulte de votre décision n° 83-164 DC du 29 décembre 1983, qu'une disposition sans effet juridique ne peut trouver sa place dans une loi de finances en raison du fait que le contenu de ces dernières est limitativement (et exclusivement) prévu par la loi organique relative aux lois de finances : "Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la création des chapitres 31-60 et 31-62 ne saurait avoir aucune portée juridique ou financière sans l'intervention d'une nouvelle loi de finances ; que, si le caractère inopérant d'une disposition d'une loi ordinaire empêche qu'elle puisse être déclarée contraire à la Constitution, l'article 1er de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 définit limitativement la nature des dispositions que peut contenir une loi de finances et qu'ainsi une indication de nomenclature budgétaire se bornant à énoncer une intention d'action future ne saurait trouver place dans une loi de finances : que, dès lors, il y a lieu de déclarer que la création, à l'annexe "services votés et mesures nouvelles" de l'éducation nationale, des chapitres 31-60 et 31-62 n'est pas conforme à la Constitution ;" De sorte que, même si l'on admet que les dispositions en cause de l'article 88 de la loi de finances ne sont pas inconstitutionnelles pour avoir été prises sans respecter la procédure prévue par l'article 46 de la Constitution, elles le seraient néanmoins pour violation de l'article 1er, et accessoirement 31 de la loi organique relative aux lois de finances en raison de leur caractère sans effet juridique.

C'est d'ailleurs pour ces mêmes raisons que le ministre de l'agriculture s'est prononcé, lors de la deuxième séance du 22 novembre 1984 à l'Assemblée nationale, contre un amendement spécifiant que la progression des crédits affectés aux établissements privés ne pourrait être supérieure à celle des dotations de l'enseignement public, en déclarant qu'il était "obligé de faire observer à l'Assemblée qu'un tel amendement n'a aucune signification législative ou juridique. Il n'y a, en ces matières, que la loi de finances qui puisse engager L'arbitrage est annuel, et nous ne pouvons pas accepter un amendement contraire à notre droit budgétaire".

(Deuxième séance du 22 novembre 1984, JO Débats Assemblée nationale, pages 6290 et 6291).

Quant aux dispositions restantes de l'article 88, à savoir la dernière phrase du paragraphe I et la première phrase du paragraphe III, elles sont également inconstitutionnelles : : s'agissant de la dernière phrase du paragraphe I, elle est d'abord inséparable du reste de ce paragraphe et n'a pas de sens sans celui-ci. De plus, le caractère évaluatif, provisionnel ou limitatif de crédits budgétaires dépend du fait que les crédits correspondent ou non aux définitions posées respectivement par les articles 9, 10 et 11 de la loi organique relative aux lois de finances : une loi "ordinaire" n'est pas susceptible de qualifier la nature des crédits en cause ; là encore la dernière phrase du paragraphe I est une disposition sans effet juridique et à ce titre, contraire à l'article 1er de la loi organique relative aux lois de finances.

: quant à la première phrase du paragraphe III de l'article 88 de la loi de finances, elle institue une dérogation à la répartition des compétences fixées entre l'Etat et les collectivités territoriales par la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983. Or, contrairement à la décision de monsieur le ministre de l'éducation nationale (Sénat, séance du 23 novembre 1984, il ne suffit pas qu'une disposition ait une incidence financière sur les charges du budget de l'Etat pour qu'elle relève du domaine des lois de finances ; en effet, dans ce cas, une grande partie de la législation entrerait dans le domaine des lois de finances. Or, ce n'est pas cette conception qu'a retenue l'article 1er de la loi organique relative aux lois de finances, en vertu de cet article puisque, outre les dispositions figurant obligatoirement en loi de finances, les seules dispositions pouvant figurer facultativement dans celles-ci sont celles "relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature" (sur les différentes matières pouvant figurer en loi de finances, voir le rapport d'information déposé au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale par le président de celle-ci, M Christian Goux (document AN, VIIe législature, n° 1922, annexe n° III, p 143 à 145).

La répartition des compétences en matière de constructions scolaires entre l'Etat et les collectivités locales ne rentrant pas dans cette catégorie de mesures, la première phrase du paragraphe III de l'article 88 est également une disposition étrangère au contenu des lois de finances.

Pour ces motifs, l'ensemble de l'article 88 de la loi de finances doit être déclaré non conforme à la Constitution, car portant sur des dispositions étrangères au domaine des lois de finances.


Références :

DC du 29 décembre 1984 sur le site internet du Conseil constitutionnel

Texte attaqué : Loi de finances pour 1985 (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°84-184 DC du 29 décembre 1984
Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:1984:84.184.DC
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