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28/11/2017 | CEDH | N°001-178903

CEDH | CEDH, AFFAIRE DORNEANU c. ROUMANIE, 2017, 001-178903


QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE DORNEANU c. ROUMANIE

(Requête no 55089/13)

ARRÊT

STRASBOURG

28 novembre 2017

DÉFINITIF

28/02/2018

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Dorneanu c. Roumanie,

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :

Ganna Yudkivska, présidente,
Vincent A. De Gaetano,
Faris Vehabović,
Iulia Motoc,
Carlo Ranzoni

,
Gabriele Kucsko-Stadlmayer,
Péter Paczolay, juges,
et de Marialena Tsirli, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil l...

QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE DORNEANU c. ROUMANIE

(Requête no 55089/13)

ARRÊT

STRASBOURG

28 novembre 2017

DÉFINITIF

28/02/2018

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Dorneanu c. Roumanie,

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :

Ganna Yudkivska, présidente,
Vincent A. De Gaetano,
Faris Vehabović,
Iulia Motoc,
Carlo Ranzoni,
Gabriele Kucsko-Stadlmayer,
Péter Paczolay, juges,
et de Marialena Tsirli, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 7 novembre 2017,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 55089/13) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet État, M. Florin Liviu Dorneanu, a saisi la Cour le 30 juillet 2013 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Devant la Cour, le requérant a été représenté par Me I. Popa, avocat à Bacău. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par son agente, Mme C. Brumar, du ministère des Affaires étrangères.

3. Le 29 janvier 2014, le greffe a été informé du décès du requérant, survenu le 24 décembre 2013. Me I. Popa a fait part à la Cour du souhait du fils du défunt, M. Mircea Dorneanu, de poursuivre l’instance.

4. Invoquant les articles 2 et 3 de la Convention, le requérant, atteint d’un cancer de la prostate en phase terminale, dénonçait dans sa requête les conditions de sa vie en prison et une absence de prise en charge médicale adéquate de sa maladie.

5. Le 15 avril 2015, les griefs tirés des articles 2 et 3 de la Convention ont été communiqués au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus, conformément à l’article 54 § 3 du règlement de la Cour.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

6. Le requérant est né en 1965. Lors de l’introduction de sa requête, il se trouvait en détention, en exécution d’une condamnation pour des infractions à caractère économique.

A. La détention du requérant et ses demandes d’interruption de peine pour des raisons de santé

7. En 2002, le parquet national de lutte contre la corruption ouvrit des poursuites à l’encontre du requérant, qui était accusé d’avoir participé à un vaste réseau criminel opérant dans le domaine économique, et impliquant plusieurs dizaines de personnes et une centaine de sociétés commerciales. Avec la complicité de fonctionnaires bancaires, des crédits frauduleux étaient accordés à ces sociétés, l’argent étant ensuite détourné au profit des accusés.

8. Par un arrêt définitif du 28 février 2013, la Haute Cour de cassation et de justice condamna le requérant du chef d’association de malfaiteurs à une peine de trois ans et quatre mois de prison.

9. Entre-temps, en novembre 2012, le requérant avait été diagnostiqué comme souffrant d’un cancer de la prostate. À cette date, la maladie se trouvait déjà à un stade avancé et le requérant présentait des métastases osseuses, des hématomes au niveau du cerveau et des hémorragies oculaires. Le 27 novembre 2012, le requérant avait été admis à l’institut d’oncologie de Bucarest, qu’il avait quitté le 11 janvier 2013. Du 14 au 18 janvier 2013, il avait été à nouveau hospitalisé. Il avait subi une intervention chirurgicale de la prostate et commencé une chimiothérapie. Il avait par la suite été hospitalisé plusieurs fois pour de courtes durées. Dès le mois de janvier, le diagnostic établi par le médecin oncologue avait attesté du caractère grave de l’état de l’intéressé. Ce pronostic était une issue fatale à court terme en raison de la dissémination osseuse de la maladie, contre laquelle les ressources thérapeutiques étaient insuffisantes. Le 26 février 2013, une commission médicale avait examiné le requérant et lui avait délivré un certificat attestant qu’il souffrait d’un handicap sévère.

10. Le 28 février 2013, le requérant fut hospitalisé au service d’oncologie de l’hôpital de Bacău. Son état s’était dégradé et il souffrait de douleurs osseuses. Le requérant continua la chimiothérapie et resta hospitalisé jusqu’au 4 mars 2013, date à laquelle il fut remis aux policiers venus l’emmener à la prison de Bacău pour qu’il commençât l’exécution de sa peine.

11. Le même jour, le requérant, par l’intermédiaire de son avocat, demanda au tribunal départemental de Bacău d’interrompre l’exécution de sa peine pour raisons de santé. Il indiqua que, dès lors que son traitement ne pouvait pas lui être administré en prison, sa vie était en danger.

12. Le 27 mars 2013, il fut transféré à l’hôpital de la prison de Rahova. Le 5 avril 2013, il retourna à la prison de Bacău. Le 15 avril 2013, il fut de nouveau admis à l’hôpital de la prison de Rahova, avant d’être transféré, le 28 mai 2013, à la prison de Bacău.

13. Le tribunal demanda à une commission de l’institut national de médecine légale un rapport concernant l’état du requérant. À la demande de la commission, le requérant subit plusieurs examens médicaux qui indiquèrent que son état nécessitait des séances de radiothérapie et la poursuite de la chimiothérapie. Il ressortait par ailleurs des documents médicaux mis à la disposition de la commission que le requérant avait bénéficié de séances de chimiothérapie le 12 avril 2013 à l’hôpital de Bacău et les 10 et 17 mai 2013 à l’institut d’oncologie de Bucarest.

14. Dans son rapport du 19 juin 2013, la commission concluait que la survie du requérant dépendait de la surveillance médicale dont celui-ci faisait l’objet et d’un traitement complexe qui ne pouvait lui être administré que dans des établissements spécialisés relevant du ministère de la Santé. Par conséquent, elle estimait que le tribunal devait décider soit d’interrompre l’exécution de la peine du requérant soit d’hospitaliser l’intéressé, sous surveillance, dans l’un des établissements susmentionnés.

15. Le 25 juin 2013, le tribunal accueillit la demande du requérant et ordonna l’interruption de l’exécution de la peine pour une période de trois mois. Il estima, eu égard à la gravité de la maladie du requérant, que l’hospitalisation sous surveillance réduisait considérablement les chances de survie et de guérison en raison du stress et de la souffrance psychique induits par la poursuite de l’exécution de la peine. Par ailleurs, il souligna que le requérant ne présentait pas de menace pour l’ordre public, que la peine, dont un tiers avait déjà été exécutée, était relativement faible et que l’intéressé avait fait preuve d’une bonne conduite tout au long du procès pénal. Le parquet interjeta appel.

16. Le requérant fut libéré le même jour. Les 4 et 19 juillet 2013, il effectua des séances de chimiothérapie à l’hôpital de Bacău et poursuivit le traitement les 1er et 16 août 2013 à l’institut d’oncologie de Bucarest.

17. Le 29 août 2013, la cour d’appel de Bacău examina l’appel du parquet. Par un arrêt définitif rendu le même jour, elle accueillit l’appel et rejeta la demande du requérant. Se fondant sur les articles 455 et 453 du code de procédure pénale (ci-après, le « CPP » - voir paragraphe 34 ci-après), la cour d’appel jugea que l’interruption de l’exécution de la peine n’était pas justifiée tant que le traitement pouvait se poursuivre, sous surveillance, dans un hôpital civil. Dans une opinion dissidente, l’un des juges de la formation de jugement estimait quant à lui que des motifs humanitaires militaient en faveur de l’interruption de la peine ; par conséquent, eu égard à l’état du requérant, il considérait que le maintien en détention de l’intéressé ne respectait pas le principe de proportionnalité et amenuisait les chances de survie de ce dernier.

18. Le 31 août 2013, le requérant fut écroué à la prison de Bacău pour exécuter sa peine. Le 24 septembre 2013, il fut transféré à la prison de Vaslui. Le 27 septembre 2013, il fut admis à l’hôpital de la prison de Rahova. Le 3 octobre 2013, il retourna à la prison de Vaslui.

19. Le 4 octobre 2013, le requérant fut admis à l’hôpital de la prison de Târgu Ocna, avec un diagnostic de « néoplasie de la prostate avec métastases osseuses et cérébrales ». Le même jour, constatant la dégradation de l’état général du requérant, une équipe pluridisciplinaire de l’hôpital de la prison de Târgu Ocna nomma un détenu pour assister le requérant de manière permanente dans sa vie quotidienne. Ce détenu aurait accompagné le requérant jusqu’à la date de son dernier transfert à l’hôpital de Bacău (paragraphe 28 ci-dessous).

20. Le 9 octobre 2013, le requérant fut à nouveau transféré à la prison de Bacău d’où il fut hospitalisé, le même jour, dans un état grave au service d’oncologie de l’hôpital de Bacău. Il était dans l’impossibilité de se déplacer, souffrait de douleurs osseuses très vives et avait quasiment perdu la vue et l’ouïe. Par ailleurs, il présentait également un syndrome dépressif. Son état, fortement dégradé, ne permettait plus la poursuite de la chimiothérapie, qui fut remplacée par des soins palliatifs.

21. Le requérant demeura au service d’oncologie de l’hôpital de Bacău jusqu’au 24 octobre 2013, date à laquelle il fut transféré à la prison de Iaşi. Le 28 octobre 2013, il fut hospitalisé à l’institut régional d’oncologie de Iaşi pour y bénéficier de cinq séances de radiothérapie palliative visant à diminuer ses douleurs osseuses. Il y demeura jusqu’au 1er novembre 2013. Il perdit complètement la vue et présentait toujours un syndrome dépressif.

22. Le 5 novembre 2013, il fut transféré à la prison de Vaslui. Le 6 novembre 2013, il fut admis à l’hôpital de la prison de Târgu Ocna où il resta jusqu’au 12 novembre 2013, date à laquelle il fut transféré à la prison de Bacău.

23. Le 22 novembre 2013, le juge délégué à la prison de Bacău octroya au requérant le bénéfice du régime de détention le plus favorable, lui permettant de se déplacer à l’intérieur de la prison et de participer à des activités extérieures sans surveillance.

24. Toujours le 22 novembre 2013, le requérant fut hospitalisé au service d’oncologie de l’hôpital de Bacău. Le médecin-chef du service indiqua que l’état du requérant pouvait se dégrader brusquement et que, par conséquent, celui-ci avait besoin de soins médicaux permanents. Du 25 au 27 novembre 2013, le requérant reçut des soins palliatifs dans le même hôpital avant d’être ensuite transféré à la prison de Bacău, puis à l’hôpital de la prison de Târgu Ocna.

25. En réponse à une demande du requérant qui sollicitait sa libération conditionnelle, la direction de la prison informa l’intéressé que sa demande serait examinée en 2015.

26. Le requérant écrivit au président de la République et au directeur de la prison de Târgu Ocna pour leur demander de l’aide concernant sa libération. Il exposa qu’il allait mourir et qu’il souhaitait être entouré des membres de sa famille. Il précisa qu’il était désormais immobilisé au lit, aveugle et sourd, et que, en prison, personne ne pouvait l’aider pour les gestes quotidiens. Il ajouta que les médecins étaient réticents à le soigner compte tenu du fait qu’il était maintenu sous surveillance et menotté.

27. La direction de l’administration nationale des prisons lui répondit que seul le tribunal pouvait ordonner sa libération.

28. Le 4 décembre 2013, le requérant fut transféré à la prison de Bacău, puis à l’hôpital de Bacău, où il demeura jusqu’au 7 décembre 2013. À cette date, il fut transféré à l’hôpital de la prison de Târgu Ocna. Le 19 décembre 2013, il retourna à la prison de Bacău et, le même jour, il fut admis dans le service d’oncologie de l’hôpital de Bacău. Il y décéda le 24 décembre 2013.

B. Les rapports médicaux fournis par les hôpitaux

29. Il ressort des fiches médicales versées au dossier qu’entre le 24 janvier 2013 et le 24 décembre 2013, date de son décès, le requérant fut admis dix-huit fois à l’hôpital de Bacău, dont plusieurs hospitalisations de plusieurs jours. Il y bénéficia d’environ quinze séances de chimiothérapie, généralement espacées de quatorze jours : avant le 24 octobre 2013 dans le cadre du traitement pour le cancer et, après cette date, à titre de soins palliatifs. Il y reçut également divers traitements pour les maladies provoquées par la progression des métastases de son cancer de la prostate.

30. Dans un rapport dressé à la demande de l’agente du Gouvernement, le médecin-chef du service d’oncologie de l’hôpital de Bacău soulignait certains dysfonctionnements dans l’administration du traitement. S’appuyant sur les fiches médicales afférentes aux hospitalisations du requérant dans cet hôpital, il indiquait que, le 14 mars 2013, le requérant avait commencé la chimiothérapie sans avoir effectué la radiothérapie recommandée par les médecins de son service. Il ajoutait que la séance de chimiothérapie programmée entre le 28 et le 30 mars 2013 n’avait pas eu lieu en raison de l’absence du requérant, qui se trouvait à l’institut d’oncologie de Bucarest pour des examens. Enfin, il relevait que, le 18 septembre 2013, le requérant avait été hospitalisé avec retard pour la poursuite de la chimiothérapie. Il précisait également que, quand le requérant était hospitalisé, il était gardé par deux policiers et menotté au lit en permanence, y compris après être devenu aveugle et sourd et souffrir de douleurs osseuses extrêmement fortes.

31. Dans un rapport du 21 septembre 2015, l’institut régional d’oncologie de Iaşi indiquait que le requérant avait effectué, entre le 28 octobre et le 1er novembre 2013, cinq séances de radiothérapie, qu’il était venu aux rendez-vous médicaux selon le calendrier prévu et que, au cours de ces séances, il n’avait été ni menotté ni immobilisé.

32. Dans un rapport du 22 septembre 2015, l’institut d’oncologie de Bucarest précisait que le requérant avait été hospitalisé plusieurs fois dans cet établissement entre le 27 novembre 2012 et le 24 mai 2013, principalement afin de bénéficier d’une chimiothérapie. Le médecin-chef de cet institut indiquait dans le rapport que le requérant s’était rendu aux rendez-vous médicaux selon le calendrier prévu et que, pendant ses périodes d’hospitalisation, il n’avait pas été immobilisé, mais placé sous la surveillance d’agents de l’administration pénitentiaire.

C. Les conditions de détention du requérant

33. Selon les informations fournies par l’administration pénitentiaire, le requérant avait été détenu à la prison de Bacău dans une cellule de 33 m2, qu’il aurait partagée avec six autres détenus. À l’hôpital de la prison de Rahova, il aurait partagé une cellule de 38 m2 avec quatre codétenus. À la prison de Vaslui, où il demeura du 24 au 27 septembre, du 3 au 4 octobre et du 5 au 6 novembre 2013, il aurait cohabité dans une cellule de 14,75 m2 avec six autres détenus. À l’hôpital de la prison de Târgu Ocna, il aurait été détenu dans une cellule de 48 m2 avec 8 codétenus. À la prison de Iaşi, il aurait occupé, entre le 24 octobre et le 5 novembre 2013, une cellule de 15,92 m2 avec trois autres détenus.

II. LE DROIT INTERNE PERTINENT

A. Le CPP

34. Dans leurs parties pertinentes, les articles 453 et 455 du CPP se lisent comme suit :

Article 453

« 1. L’exécution de la peine d’emprisonnement ou de détention à vie peut être suspendue dans les cas suivants :

a) lorsqu’il est constaté, sur la base d’une expertise médicale, que le condamné souffre d’une maladie qui le place dans l’impossibilité d’exécuter la peine. Dans ce cas, l’exécution de la peine est suspendue jusqu’à ce que le condamné se trouve en situation de pouvoir exécuter la peine ;

(...)

2. La demande de suspension de l’exécution de la peine d’emprisonnement ou de détention à vie peut être formée par le procureur [ou] par le condamné (...). »

Article 455

« L’exécution de la peine d’emprisonnement ou de détention à vie peut être interrompue dans les cas et les conditions prévus par l’article 453 (...). »

B. La loi no 275 du 20 juillet 2006 relative à l’exécution des peines et des mesures privatives de liberté

35. Les dispositions internes pertinentes concernant le recours ouvert aux détenus pour défendre leurs droits, y compris le droit à un traitement médical, réglementé par la loi no 275, entrée en vigueur le 20 octobre 2006, relative à l’exécution des peines et des mesures privatives de liberté ordonnées par les autorités judiciaires au cours du procès pénal (« la loi no 275/2006 »), sont décrites dans l’affaire Iacov Stanciu c. Roumanie (no 35972/05, §§ 115 et 116, 24 juillet 2012). Ces dispositions permettent aux intéressés de s’adresser directement au juge d’application des peines délégué auprès de la prison (« le juge délégué ») pour dénoncer une absence de traitement médical adéquat et obtenir des autorités de la prison qu’elles mettent à leur disposition ledit traitement. La décision du juge délégué peut faire l’objet d’une contestation auprès du tribunal de première instance de l’arrondissement dans lequel se trouve la prison.

36. L’article 159 § 3 du règlement d’application de la loi no 275/2006 prévoit que :

« Les menottes métalliques ne peuvent pas être utilisées pour immobiliser les personnes privées de liberté qui se trouvent dans une unité sanitaire. Le modèle et le mode d’utilisation des moyens d’immobilisation utilisés dans les unités sanitaires sont établis par décision du directeur général de l’administration nationale des prisons. »

EN DROIT

I. QUESTION PRÉLIMINAIRE

37. La Cour note que le requérant est décédé le 24 décembre 2013 et que le fils du défunt, M. Mircea Dorneanu, a exprimé son souhait de poursuivre l’instance (paragraphe 3 ci-dessus).

38. Dans les cas où le requérant originaire décède après l’introduction de la requête, la Cour autorise normalement les proches de l’intéressé à poursuivre la procédure, à condition qu’ils aient un intérêt légitime à le faire (Malhous c. République tchèque (déc.) [GC], no 33071/96, CEDH 2000-XII, Larionovs et Tess c. Lettonie (déc.), nos 45520/04 et 19363/05, § 172, 25 novembre 2014, et Paposhvili c. Belgique [GC], no 41738/10, § 126, CEDH 2016). Eu égard à l’objet de la requête et à l’ensemble des éléments dont elle dispose, la Cour estime qu’en l’espèce le fils du requérant avait un intérêt légitime au maintien de la requête et, de ce fait, qualité pour agir au titre de l’article 34 de la Convention (voir, par exemple, Carrella c. Italie, no 33955/07, §§ 48-51, 9 septembre 2014, et Murray c. Pays-Bas [GC], no 10511/10, § 79, CEDH 2016).

39. Pour des raisons d’ordre pratique, le présent arrêt continuera de désigner feu M. Florin Liviu Dorneanu par l’expression « le requérant ».

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 2 DE LA CONVENTION

40. Le requérant alléguait que les autorités s’étaient rendues coupables de manquements dans l’administration des soins médicaux requis par son état de santé et que cela avait mis sa vie en danger. Il invoquait à cet égard l’article 2 de la Convention, ainsi libellé dans ses parties pertinentes en l’espèce :

Article 2

« Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. »

A. Arguments des parties

41. Le Gouvernement reproche au requérant de ne pas avoir introduit d’action sur la base de la loi no 275/2006 pour se plaindre de manquements des autorités à cet égard. Il ajoute que les membres de la famille du requérant auraient pu engager une action pénale ou civile dans le but d’établir une éventuelle responsabilité des autorités pénitentiaires dans l’aggravation de l’état de santé et dans le décès de l’intéressé.

42. En tout état de cause, le Gouvernement estime qu’il ne ressort pas du dossier médical du requérant que l’aggravation de l’état de santé de ce dernier durant sa détention était imputable aux autorités internes. Tout en reconnaissant quelques carences dans l’administration du traitement, il considère que celles-ci étaient minimes et qu’elles n’ont ni mis la vie du requérant en danger ni influé sur son espérance de vie.

43. Le Gouvernement conclut que les exigences établies par la Cour en matière de traitement des détenus malades ont été observées : selon lui, l’état de santé du requérant a fait l’objet d’un suivi et d’un traitement adéquats effectués par un personnel médical qualifié.

44. Le fils du requérant soutient que son père était si diminué physiquement qu’il lui avait été impossible de rédiger une plainte auprès du juge délégué en vertu de la loi no 275/2006. Il argue que son père avait fourni dans ses mémoires adressés aux autorités internes suffisamment d’éléments pour permettre à celles-ci de déclencher une enquête concernant les manquements dans l’administration du traitement.

B. Appréciation de la Cour

45. La Cour rappelle avoir déjà jugé, concernant des allégations relatives au défaut d’assistance médicale appropriée envers les détenus, qu’un recours fondé sur les dispositions de la loi no 275/2006 constituait un recours effectif au sens de l’article 35 § 1 de la Convention (voir, parmi de nombreux exemples, Szemkovics c. Roumanie (déc.), no 27117/08, §§ 25 et 26, 17 décembre 2013, et Matei c. Roumanie (déc.), no 26244/10, §§ 36 et 37, 20 mai 2014).

46. La Cour note que le requérant avait saisi les juridictions nationales d’une demande d’interruption de l’exécution de sa peine pour des raisons médicales et déposé plusieurs mémoires rédigés dans le même but (paragraphes 11, 24 et 26 ci-dessus). Cependant, ces démarches ne concernaient pas directement l’absence de traitement médical, mais l’incompatibilité entre l’état de santé du requérant et la détention (voir, mutatis mutandis, Matei, décision précitée, § 38, et Şopârlă c. Roumanie (déc.), no 76884/12, §§ 47 et 48, 2 février 2016).

47. Néanmoins, dans les circonstances de la présente espèce, la Cour estime qu’il n’est pas nécessaire de rechercher si les actions indiquées par le Gouvernement (paragraphe 41 ci-dessus) constituaient des recours effectifs et si, en se bornant à demander l’interruption de l’exécution de sa peine, le requérant a dûment épuisé les voies de recours internes par rapport à son grief tiré de l’article 2 de la Convention. En effet, à supposer même que tel fût le cas, il n’y a dans l’affaire du requérant aucune apparence de violation de cette disposition, pour les raisons suivantes.

48. La Cour rappelle que l’obligation de protéger la vie des personnes détenues implique de leur dispenser avec diligence les soins médicaux à même de prévenir une issue fatale (Taïs c. France, no 39922/03, § 98, 1er juin 2006, et Anguelova c. Bulgarie, no 38361/97, §§ 125-130, CEDH 2002-IV). L’obligation d’assurer des soins médicaux appropriés ne se limite pas à la prescription d’un traitement adéquat : il faut aussi que les autorités pénitentiaires s’assurent que celui-ci soit correctement administré et suivi (Jasińska c. Pologne, no 28326/05, § 78, 1er juin 2010).

49. La Cour note que le requérant a bénéficié d’un suivi médical principalement dans le service d’oncologie de l’hôpital de Bacau. Il y a été admis dix-huit fois, dont plusieurs hospitalisations de plusieurs jours, et a bénéficié d’environ quinze séances de chimiothérapie (paragraphe 29 ci‑dessus). Sur recommandation de ce service, le requérant a effectué des examens complémentaires et des séances supplémentaires de radiothérapie et de chimiothérapie dans les instituts d’oncologie de Bucarest et de Iași (paragraphes 31 et 32 ci-dessus).

50. La Cour constate qu’il ressort du rapport du médecin-chef du service d’oncologie de l’hôpital de Bacău (paragraphe 30 ci-dessus) qu’il y a eu, à trois reprises, des manquements dans l’administration du traitement prescrit.

51. La Cour constate toutefois qu’aucun des documents médicaux dont elle dispose n’établit que ces manquements, aussi regrettables fussent-ils, étaient de nature à compromettre l’effet du traitement et/ou la mise en œuvre de son protocole d’administration. Elle note que, pour le reste, les autres cures de chimiothérapie et de radiothérapie ont eu lieu aux dates prévues (paragraphes 31 et 32 ci-dessus).

52. La Cour attache également de l’importance au fait que le requérant n’a pas été emporté des suites d’une maladie qu’il aurait contractée en détention, mais en raison des métastases qui avaient été provoquées par son cancer et qui préexistaient à son incarcération (voir, mutatis mutandis, Gengoux c. Belgique, no 76512/11, § 56, 13 décembre 2016).

53. Eu égard au nombre d’hospitalisations et à la complexité du traitement dont le requérant a bénéficié, la Cour estime qu’il n’est établi ni que les autorités internes sont responsables du décès du requérant ni qu’elles ont failli à leur obligation positive de protéger sa santé de manière appropriée dans les circonstances.

54. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

55. Le requérant alléguait que son immobilisation dans son lit d’hôpital avait constitué un traitement inhumain et que son état de santé était incompatible avec la détention. Il invoquait à cet égard l’article 3 de la Convention, ainsi libellé :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

56. La Cour estime qu’il est opportun d’examiner séparément la compatibilité avec l’article 3 de la Convention de deux situations : l’immobilisation du requérant à l’hôpital et la compatibilité de son état de santé avec la détention.

A. L’immobilisation du requérant à l’hôpital

57. Le Gouvernement soutient que ce grief est irrecevable pour non‑épuisement des voies de recours internes. Il expose que le requérant n’a jamais saisi le juge délégué auprès de la prison de Bacău pour se plaindre d’une telle mesure contraire aux dispositions de la loi no 275/2006.

58. Le fils du requérant soutient que son père avait attiré l’attention des autorités sur ses conditions de séjour à l’hôpital de Bacău, où il aurait été immobilisé dans un lit et menotté.

59. La Cour rappelle que, selon l’article 35 de la Convention, l’épuisement des recours ne vaut que pour ceux relatifs à la fois aux violations incriminées, disponibles et adéquats. Les recours doivent exister à un degré suffisant de certitude en pratique comme en théorie, sans quoi leur manquent l’effectivité et l’accessibilité voulues (Akdivar et autres c. Turquie, 16 septembre 1996, § 66, Recueil des arrêts et décisions 1996‑IV, et McFarlane c. Irlande [GC], no 31333/06, § 107, 10 septembre 2010). Elle rappelle en outre que le simple fait de nourrir des doutes quant aux perspectives de succès d’un recours donné qui n’est pas de toute évidence voué à l’échec ne constitue pas une raison valable pour justifier la non‑utilisation de recours internes (Akdivar et autres, précité, § 71, et Brusco c. Italie (déc.), no 69789/01, CEDH 2001-IX).

60. La Cour observe que, à l’époque des faits, l’usage des menottes pour immobiliser les détenus hospitalisés était formellement interdit par le règlement d’application de la loi no 275/2006 (paragraphe 36 ci-dessus ; voir également, a contrario, Tănase c. Roumanie, no 5269/02, § 84, 12 mai 2009, et Stoleriu c. Roumanie, no 5002/05, §§ 80 et 81, 16 juillet 2013).

61. Dans la présente affaire, la Cour note que ni le requérant, ni les membres de sa famille, lesquels avaient la possibilité d’agir en son nom en raison de son état de vulnérabilité physique et psychologique, ne se sont prévalus de la voie de recours prévue par la loi no 275/2006. Elle estime que la plainte déposée auprès du juge délégué à la prison aurait pu aboutir, le cas échéant, à la condamnation des autorités pénitentiaires pour la méconnaissance des dispositions légales concernant l’utilisation des menottes.

62. Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté pour non‑épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

B. La compatibilité de l’état de santé du requérant avec la détention

1. Sur la recevabilité

a) Les arguments des parties

63. Le Gouvernement estime que, à l’instar de l’affaire Ceku c. Allemagne ((déc.), no 41559/06, 13 mars 2007), le grief qui concerne le maintien du requérant en détention malgré la détérioration de son état de santé devrait être déclaré irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes dès lors que le requérant aurait omis d’introduire une nouvelle demande d’interruption de sa peine.

64. Le fils du requérant déclare qu’au vu de la dégradation rapide de l’état de santé de son père, le maintien en vie nécessitait des soins urgents et continus. Compte tenu de la durée d’examen d’une nouvelle demande d’interruption de la peine, qui aurait été à ses dires comparable à celle de la première demande, à laquelle une réponse n’aurait été apportée que plusieurs mois après son introduction, il estime qu’il aurait été illusoire de former une nouvelle requête visant à interrompre la peine.

b) Appréciation de la Cour

65. La Cour note que le requérant avait exercé le seul recours disponible en droit interne, à savoir une demande d’interruption de sa peine pour des raisons de santé (paragraphe 11 ci-dessus). Dans le cadre de ce recours, il avait bien soulevé l’incompatibilité qui existait, selon lui, entre sa maladie et les contraintes de la détention, donnant ainsi la possibilité aux juridictions internes de prévenir ou de redresser la violation alléguée de la Convention.

66. La Cour relève également que, dans le cas présent, la situation est différente de celle de l’affaire Ceku, invoquée par le Gouvernement (paragraphe 63 ci-dessus). Dans cette dernière affaire, le requérant avait omis de produire devant la Cour constitutionnelle allemande plusieurs documents qui avaient servi de base à la décision du tribunal régional rejetant sa demande d’interruption de l’exécution de sa peine. Or, en l’espèce, force est de constater que l’état de santé du requérant, déjà fortement dégradé, était parfaitement connu de la cour d’appel qui a examiné l’appel du parquet (paragraphe 17 ci-dessus).

67. Par ailleurs, eu égard au délai de traitement de la première demande, de début mars 2013 à fin août 2013 (paragraphes 11 et 17 ci-dessus), la Cour estime qu’il serait excessif d’exiger du requérant qu’il eût introduit une seconde demande alors que l’issue fatale à courte échéance de sa maladie était fort probable après l’arrêt de la chimiothérapie en octobre 2013 et son remplacement par des soins palliatifs (paragraphe 20 ci‑dessus). En effet, le requérant se trouvait, à n’en pas douter, dans une situation de très grande vulnérabilité et l’on ne pouvait lui demander de saisir à nouveau les autorités d’un problème qu’il avait déjà porté à leur connaissance. Il appartenait à ces autorités de veiller sur sa situation, ne serait-ce que pour des raisons humanitaires (voir, mutatis mutandis, Gülay Çetin c. Turquie, no 44084/10, § 113, 5 mars 2013, et les paragraphes 95 et 99 ci-dessous).

68. Compte tenu de ce qui précède, la Cour juge que le grief du requérant tiré de l’article 3 de la Convention concernant la compatibilité de son état de santé avec la détention avait été soulevé de manière adéquate devant les juridictions internes.

69. Partant, elle rejette l’exception du Gouvernement à l’égard de ce grief.

70. Par ailleurs, constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

2. Sur le fond

a) Arguments des parties

71. Le requérant estimait avoir subi un traitement contraire à l’article 3 de la Convention en raison de l’incompatibilité de son état de santé avec son incarcération. Il alléguait que sa détention, alors qu’il souffrait d’un cancer engageant son pronostic vital, diminuait ses chances de survie.

72. Le requérant considérait que la cour d’appel avait décidé son maintien en détention sans tenir compte des conditions concrètes de son incarcération. Il qualifiait ces conditions d’« inhumaines » et déclarait que ses hospitalisations répétées avaient impliqué un grand nombre de déplacements et des retards dans l’administration des soins. Il ajoutait que cette situation avait perduré, y compris pendant la phase terminale de la maladie, et qu’elle les avait placés, lui et sa famille, dans une situation d’impuissance et de profonde détresse.

73. Le Gouvernement estime que l’article 3 de la Convention n’a pas été violé. Il indique que, lors de son incarcération, le 4 mars 2013, le requérant souffrait déjà d’une maladie dont l’issue aurait été fatale à court terme en raison de l’extension des métastases au système osseux. Il soutient ensuite que ni l’institut de médecine légale ni les médecins n’avaient établi à la charge des autorités une obligation d’hospitalisation permanente dans un hôpital civil (paragraphe 14 ci-dessus).

74. Le Gouvernement affirme que le requérant avait été hospitalisé chaque fois que son état de santé l’exigeait. Par ailleurs, il indique que, en dehors des périodes d’hospitalisation, le requérant avait été détenu principalement dans les hôpitaux des prisons de Rahova et de Târgu Ocna, où il aurait reçu des soins appropriés.

b) Appréciation de la Cour

i. Principes généraux

75. La Cour rappelle que, pour tomber sous le coup de l’article 3 de la Convention, un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité. L’appréciation de ce minimum est relative : elle dépend de l’ensemble des données de la cause, notamment de la durée du traitement et de ses effets physiques ou mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l’âge et de l’état de santé d’un requérant (voir, entre autres, Price c. Royaume-Uni, no 33394/96, § 24, CEDH 2001‑VII, et Mouisel c. France, no 67263/01, § 37, CEDH 2002-IX).

76. S’agissant en particulier de personnes privées de liberté, l’article 3 de la Convention impose à l’État l’obligation positive de s’assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions compatibles avec le respect de la dignité humaine et que les modalités d’exécution de la mesure ne le soumettent pas à une détresse ou une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention. La souffrance due à une maladie qui survient naturellement, qu’elle soit physique ou mentale, peut en soi relever de l’article 3 de la Convention si elle se trouve ou risque de se trouver exacerbée par des conditions de détention dont les autorités peuvent être tenues pour responsables. La santé et le bien-être du prisonnier doivent être assurés de manière adéquate compte tenu des exigences pratiques de l’emprisonnement, notamment par l’administration des soins médicaux requis. Ainsi, la détention d’une personne malade dans des conditions matérielles et médicales inappropriées peut en principe constituer un traitement contraire à l’article 3 (Gülay Çetin, précité, § 101, avec les références qui y sont citées).

77. Pour déterminer si la détention d’une personne malade est conforme à l’article 3 de la Convention, la Cour prend en considération trois éléments (voir, par exemple, Sakkopoulos c. Grèce, no 61828/00, § 39, 15 janvier 2004, Gülay Çetin, précité, § 102, Bamouhammad c. Belgique, no 47687/13, §§ 120-123, 17 novembre 2015, et Rywin c. Pologne, nos 6091/06, 4047/07 et 4070/07, § 139, 18 février 2016, ainsi que les références qui y figurent).

78. Le premier élément est l’état de santé de l’intéressé et l’effet des modalités d’exécution de la détention sur son évolution. Les conditions de détention ne peuvent en aucun cas soumettre une personne privée de liberté à des sentiments de peur, d’angoisse et d’infériorité propres à l’humilier, à l’avilir et éventuellement à briser sa résistance physique et morale. Ainsi, la détention d’une personne malade dans des conditions matérielles et médicales inappropriées peut en principe constituer un traitement contraire à l’article 3 de la Convention.

79. Le deuxième élément à prendre en considération est le caractère adéquat ou non des soins et traitements médicaux dispensés en détention. Il n’est pas suffisant que le détenu soit examiné et qu’un diagnostic soit établi ; il est primordial qu’une thérapie correspondant au diagnostic soit établie et une surveillance médicale adéquate soit également mise en œuvre.

80. Le troisième et dernier élément est l’opportunité du maintien en détention de l’intéressé compte tenu de son état de santé. Certes, la Convention n’impose aucune « obligation générale » de libérer un détenu pour raisons de santé, même s’il souffre d’une maladie particulièrement difficile à soigner. Il n’en demeure pas moins que la Cour ne saurait exclure que, dans des conditions particulièrement graves, l’on puisse se trouver en présence de situations où une bonne administration de la justice pénale exige que des mesures de nature humanitaire soient prises.

ii. Application de ces principes en l’espèce

81. La Cour observe tout d’abord que le requérant n’a pas fourni de détails précis concernant les conditions matérielles de sa détention. Cependant, il qualifiait ces conditions d’« inhumaines » et reprochait aux autorités les transferts incessants entre divers lieux de détention, y compris pendant la phase terminale de sa maladie. Le Gouvernement soutient que, dans les hôpitaux civils et ceux de l’administration pénitentiaire, le requérant avait bénéficié de conditions de détention conformes aux exigences de l’article 3 de la Convention. Quant aux transferts, ils auraient été justifiés par des raisons médicales.

82. La Cour observe qu’il ressort des documents fournis par l’administration pénitentiaire que le requérant avait subi les effets d’une situation de surpopulation carcérale sévère dans la prison de Vaslui, où il aurait disposé d’un espace individuel inférieur à 3 m² (paragraphe 33 ci‑dessus).

83. À cet égard, la Cour rappelle que l’exigence de 3 m² de surface au sol par détenu en cellule collective est la norme minimale pertinente aux fins de l’appréciation des conditions de détention au regard de l’article 3 de la Convention. Un espace personnel inférieur à ce minimum est à ce point grave qu’il donne lieu à une forte présomption de violation de l’article 3 de la Convention (Muršić c. Croatie [GC], no 7334/13, §§ 110 et 124, CEDH 2016).

84. Cette présomption peut être réfutée si les réductions de l’espace personnel par rapport au minimum requis de 3 m² sont de courte durée, occasionnelles et mineures, si elles s’accompagnent d’une liberté de circulation suffisante et si les conditions de détention sont décentes et que le requérant n’est pas soumis à d’autres éléments considérés comme des circonstances aggravantes de mauvaises conditions de détention (Muršić, précité, § 138).

85. En l’espèce, vu que l’incarcération du requérant dans la prison de Vaslui s’est étalée sur huit jours au total (paragraphe 33 ci-dessus), la Cour est prête à considérer cette période comme étant courte, occasionnelle et mineure au sens de sa jurisprudence. Toutefois, elle souligne que l’absence d’espace personnel suffisant à la prison de Vaslui était exacerbée par la détention dans des cellules ordinaires, inadaptées à l’état de santé du requérant, alors que les capacités physiques de celui-ci déclinaient constamment, au point qu’il était devenu, vers la fin de sa détention, aveugle, sourd et souffrant de douleurs osseuses extrêmement fortes. Par ailleurs, la Cour rappelle que les mauvaises conditions de détention et la surpopulation carcérale dans la prison de Vaslui l’ont déjà amenée à conclure à une violation de l’article 3 de la Convention (voir, par exemple, Todireasa c. Roumanie (no 2), no 18616/13, §§ 56-63, 21 avril 2015).

86. La Cour parvient donc à la conclusion qu’en dépit de la courte durée de l’incarcération du requérant dans un espace personnel inférieur à 3 m², l’intéressé a été soumis à des circonstances aggravantes de mauvaises conditions de détention. Elle constate par ailleurs que le Gouvernement n’a pas avancé des arguments pertinents pour réfuter la forte présomption de violation de l’article 3 concernant la détention du requérant dans la prison de Vaslui.

87. Quant à la prison de Iași, où le requérant aurait disposé d’un espace individuel compris entre 3 et 4 m² (paragraphe 33 ci-dessus), bien que cette superficie ne crée pas une forte présomption de violation de l’article 3 de la Convention, la Cour ne saurait ignorer que les cellules ordinaires de cette prison n’étaient pas adaptées au lourd handicap dont le requérant était porteur. De surcroît, les conditions précaires d’hygiène dans cette prison, déjà constatées par la Cour (voir, par exemple, Mazalu c. Roumanie, no 24009/03, §§ 52-54, 12 juin 2012, Olariu c. Roumanie, no 12845/08, § 31, 17 septembre 2013, et Axinte c. Roumanie, no 24044/12, § 49, 22 avril 2014), constituent en l’espèce un facteur aggravant compte tenu de l’état de santé du requérant.

Dès lors, la Cour considère que les conditions de détention dans la prison de Iași ont également soumis le requérant à une épreuve d’une intensité qui excédait le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention.

88. La Cour note ensuite que, du 4 mars au 25 juin 2013 et du 31 août au 24 décembre 2013, date du décès du requérant à l’hôpital de Bacău, l’intéressé avait fait l’objet de dix-sept transferts d’un établissement pénitentiaire à l’autre et de sept transferts à destination des établissements de santé de Bacău, de Iaşi et de Bucarest (paragraphes 12, 18, 21, 22, 24 et 28 ci-dessus).

89. La Cour relève que, si la majorité de ces transferts étaient justifiés par des raisons médicales, elle ne saurait ignorer que ces établissements étaient éloignés les uns des autres et distants pour certains de plusieurs centaines de kilomètres.

90. Eu égard à l’état de santé du requérant, de plus en plus dégradé, la Cour estime que les changements d’établissement répétés imposés à l’intéressé ont eu des conséquences néfastes sur son bien-être. Aux yeux de la Cour, ces transferts étaient de nature à créer et à exacerber chez lui des sentiments d’angoisse quant à son adaptation dans les différents lieux de détention, à la mise en œuvre du protocole médical du traitement et au maintien de contacts avec sa famille.

91. La Cour admet que, en l’espèce, rien n’indique qu’il y ait eu intention d’humilier ou de rabaisser le requérant. Toutefois, l’absence d’un tel but ne saurait exclure un constat de violation de l’article 3 de la Convention (voir, entre autres, V. c. Royaume-Uni [GC], no 24888/94, § 71, CEDH 1999‑IX, Peers c. Grèce, no 28524/95, §§ 68 et 74, CEDH 2001‑III, et Khlaifia et autres c. Italie [GC], no 16483/12, § 160, CEDH 2016).

92. À la lumière des circonstances particulières de l’espèce, la Cour, rappelant qu’elle a déjà jugé qu’il serait souhaitable d’épargner aux détenus malades des trajets très longs et pénibles (Viorel Burzo c. Roumanie, nos 75109/01 et 12639/02, § 102, 30 juin 2009, et Flamînzeanu c. Roumanie, no 56664/08, § 96, 12 avril 2011), estime que les nombreux transferts du requérant n’ont pas manqué de le soumettre à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention.

93. S’agissant de la qualité des soins et de l’assistance fournis, la Cour rappelle d’abord que nul ne conteste la gravité de l’état de santé du requérant ni le fait que cet état n’a cessé d’empirer au fil du temps. En effet, comme il a d’ailleurs été noté par le Gouvernement dans ses observations, le requérant souffrait déjà, lors de son incarcération, le 4 mars 2013, d’une maladie fatale à court terme en raison de l’extension de celle-ci au système osseux (paragraphes 9 et 73 ci-dessus). La Cour a déjà constaté que, à l’exception des défaillances signalées par le médecin-chef du service d’oncologie de l’hôpital de Bacău, le requérant avait été traité conformément aux prescriptions des médecins (paragraphe 53 ci-dessus). Cependant, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités internes aient à aucun moment envisagé la possibilité de regrouper ces soins dans un même lieu, ce qui aurait permis d’épargner au requérant un certain nombre de transferts ou, du moins, d’en limiter le nombre et les conséquences préjudiciables pour le bien-être du malade. Par ailleurs, la Cour a déjà exprimé l’avis selon lequel, pendant les derniers stades de la maladie, où plus aucun espoir de rémission n’est permis, le stress inhérent à la vie en milieu carcéral peut avoir des répercussions sur l’espérance de vie et sur l’état de santé du détenu (voir, mutatis mutandis, Gülay Çetin, précité, § 110).

94. La Cour observe ensuite qu’il est arrivé un moment où le requérant était très sérieusement affaibli et diminué, tant physiquement que psychiquement (paragraphes 19, 20, 21 et 24 ci-dessus), de sorte qu’il ne pouvait plus accomplir les actes élémentaires de sa vie quotidienne sans assistance et qu’un détenu a été nommé pour l’assister (paragraphe 19 ci‑dessus). Or la Cour rappelle qu’elle a déjà dit douter du caractère adéquat de solutions consistant à confier à des personnes non qualifiées la responsabilité de surveiller un individu gravement malade (Gülay Çetin, précité, § 112, avec les références qui y sont citées). En l’espèce, rien ne permet de vérifier que le détenu qui avait accepté d’assister le requérant était qualifié pour accompagner un malade en fin de vie ni que l’intéressé avait reçu un véritable soutien moral ou social. Par ailleurs, rien dans le dossier ne permet de supposer que le requérant avait bénéficié de conseils psychologiques adéquats lors de ses séjours à l’hôpital ou en prison, alors qu’il présentait un syndrome dépressif (paragraphes 20 et 21 ci-dessus).

95. La Cour constate donc que, au fur et à mesure que sa maladie progressait, le requérant ne pouvait plus y faire face en milieu carcéral. Il appartenait alors aux autorités nationales de prendre des mesures particulières sur le fondement de considérations humanitaires (Gülay Çetin, précité, § 113).

96. À ce dernier égard et plus particulièrement quant à l’opportunité de maintenir le requérant en détention, la Cour ne saurait substituer son point de vue à celui des juridictions internes. Cependant, force est de constater que la cour d’appel, qui a rejeté la demande d’interruption de l’exécution de la peine, n’a avancé aucun motif lié à l’éventuelle menace pour la protection sociale que la remise en liberté du requérant aurait pu présenter, eu égard à son état de santé (paragraphe 17 ci-dessus ; voir également, mutatis mutandis, Gülay Çetin, précité, § 122). Par ailleurs, la Cour note que le requérant avait été condamné pour la première fois à une peine de prison relativement faible, dont il avait exécuté un tiers (paragraphe 15 ci-dessus). Elle relève également que le requérant avait fait preuve de bonne conduite au cours du procès, qu’il avait bénéficié du régime de détention le plus favorable (paragraphes 15 et 23 ci-dessus) et que, en raison de son état de santé, le risque de récidive ne pouvait qu’être minime.

97. La Cour rappelle également que le tableau clinique d’un détenu fait désormais partie des éléments à prendre en compte dans les modalités d’exécution d’une peine privative de liberté, notamment en ce qui concerne le maintien en détention des personnes atteintes d’une pathologie engageant leur pronostic vital ou dont l’état est durablement incompatible avec la vie carcérale (Gülay Çetin, précité, § 102, et la jurisprudence y citée). Or, en l’espèce, d’après le dossier, les autorités appelées à intervenir n’ont pas tenu véritablement compte des réalités imposées par le cas personnel du requérant et n’ont pas examiné l’aptitude concrète de l’intéressé à demeurer incarcéré dans les conditions de détention en cause. Bien que, dans son arrêt du 29 août 2013, la cour d’appel ait constaté que le traitement prescrit pouvait être administré au requérant en détention (paragraphe 17 ci-dessus), elle ne s’est pas penchée sur les conditions et les modalités concrètes de l’administration de ce traitement lourd dans la situation propre à l’intéressé. En effet, elle n’a pas examiné les conditions matérielles dans lesquelles le requérant était détenu et n’a pas vérifié si, compte tenu de son état de santé, celles-ci étaient satisfaisantes eu égard aux besoins spécifiques de celui-ci. De même, elle n’a pas non plus pris en compte les conditions des transferts vers les différents prisons et hôpitaux, les distances à parcourir entre ces établissements ou le nombre d’hôpitaux fréquentés par le requérant pour recevoir son traitement, ni l’impact de ces éléments combinés sur l’état déjà très vulnérable de ce dernier. Or, lorsque les circonstances sont exceptionnelles, comme l’étaient celles de la présente espèce, ces éléments auraient dû, ne serait-ce que pour des raisons humanitaires, être examinés par la cour d’appel pour apprécier la compatibilité de l’état de santé du requérant avec les conditions de sa détention. Aucun argument n’a été avancé selon lequel les autorités nationales étaient dans l’impossibilité de faire face à ces circonstances exceptionnelles en tenant dûment compte des considérations humanitaires impérieuses en jeu en l’espèce. En revanche, la Cour estime que les décisions des autorités nationales montrent que les procédures en cause ont été appliquées en privilégiant les formalités plutôt que les considérations humanitaires et qu’elles ont ainsi empêché le requérant, alors mourant, de vivre ses derniers jours dans la dignité (voir, mutatis mutandis, Gülay Çetin, précité, §§ 120-124).

98. En outre, la Cour a déjà constaté que la durée de la procédure engagée par le requérant afin d’obtenir l’interruption de l’exécution de sa peine pour des raisons de santé avait été trop longue compte tenu de la maladie en phase terminale dont l’intéressé souffrait (paragraphe 67 ci-dessus). De même, elle note que les réponses données par les autorités pénitentiaires, à qui le requérant avait demandé de l’aide pour obtenir sa libération, se caractérisaient par leur peu de considération pour la situation de l’intéressé (paragraphes 25 et 27 ci‑dessus).

99. La Cour rappelle enfin que le niveau d’exigence croissant en matière de protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales implique une plus grande fermeté dans l’appréciation des atteintes aux valeurs fondamentales des sociétés démocratiques (voir, mutatis mutandis, Selmouni c. France [GC], no 25803/94, § 101, CEDH 1999‑V). En l’espèce, le requérant était incarcéré alors qu’il était en fin de vie et qu’il subissait les effets d’un traitement médical lourd dans des conditions carcérales difficiles. Selon la Cour, dans un tel contexte, le manque de diligence des autorités rend la personne encore plus vulnérable et la place dans l’impossibilité de conserver sa dignité face à l’issue vers laquelle sa maladie progressait fatalement et inévitablement (voir, mutatis mutandis, Gülay Çetin, précité, § 122).

100. Après s’être livrée à une appréciation globale des faits pertinents sur la base des preuves produites devant elle, la Cour conclut que les autorités nationales n’ont pas assuré au requérant un traitement compatible avec les dispositions de l’article 3 de la Convention et qu’elles ont infligé à l’intéressé, malade terminal, un traitement inhumain en raison de sa détention dans les conditions examinées ci-dessus.

Partant, il y a eu violation de l’article 3 de la Convention à cet égard.

IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

101. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

102. Le fils du requérant réclame 3 000 euros (EUR) au titre du préjudice matériel qu’il estime avoir subi. Cette somme correspond, selon lui, à la perte du soutien financier que son père lui aurait assuré s’il était resté en vie et aux frais d’obsèques. Il sollicite en outre 500 000 EUR pour préjudice moral en raison des souffrances qui auraient été causées à son père pendant sa détention.

103. Le Gouvernement considère que la demande formulée au titre du préjudice matériel n’est pas étayée. En tout état de cause, il estime que le lien de causalité entre les violations alléguées de la Convention et le préjudice matériel allégué n’a pas été prouvé. Quant à la somme réclamée pour préjudice moral, il en juge le montant excessif.

104. En ce qui concerne le dommage matériel, la Cour estime qu’il n’y a pas de relation de cause à effet suffisante entre le décès du requérant et la violation constatée. Partant, elle rejette la prétention du fils du requérant à cet égard.

105. En revanche, la Cour considère que le requérant a subi un préjudice moral certain du fait d’avoir été soumis à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention durant sa détention. Par conséquent, statuant en équité, elle décide qu’il y a lieu d’octroyer à ce titre 9 000 EUR au fils du requérant, M. Mircea Dorneanu.

B. Frais et dépens

106. Le fils du requérant n’ayant demandé aucune somme à ce titre, la Cour n’est pas appelée à statuer sur ce point.

C. Intérêts moratoires

107. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Dit que Mircea Dorneanu, fils du requérant, a la qualité pour maintenir la requête devant la Cour ;

2. Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l’article 3 de la Convention concernant la compatibilité de l’état de santé du requérant avec sa détention, et irrecevable pour le surplus ;

3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention ;

4. Dit

a) que l’État défendeur doit verser à M. Mircea Dorneanu, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 9 000 EUR (neuf mille euros) pour dommage moral, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 28 novembre 2017, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Marialena TsirliGanna Yudkivska
GreffièrePrésidente


Synthèse
Formation : Cour (quatriÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-178903
Date de la décision : 28/11/2017
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 3 - Interdiction de la torture (Article 3 - Traitement inhumain) (Volet matériel)

Parties
Demandeurs : DORNEANU
Défendeurs : ROUMANIE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : POPA I.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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