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28/03/2017 | CEDH | N°001-172666

CEDH | CEDH, AFFAIRE Z.A. ET AUTRES c. RUSSIE, 2017, 001-172666


TROISIÈME SECTION

AFFAIRE Z.A. ET AUTRES c. RUSSIE

(Requêtes nos 61411/15 et 3 autres – voir liste jointe)

ARRÊT

STRASBOURG

28 mars 2017

CETTE AFFAIRE A ÉTÉ RENVOYÉE DEVANT LA GRANDE CHAMBRE, QUI A RENDU SON ARRÊT LE 21/11/2019

Cet arrêt peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Z.A. et autres c. Russie,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Helena Jäderblom, présidente,
Branko Lubarda,
Helen Keller,
Dmitry De

dov,
Pere Pastor Vilanova,
Alena Poláčková,
Georgios A. Serghides, juges,
et de Stephen Phillips, greffier de section,

Après en avoir dé...

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE Z.A. ET AUTRES c. RUSSIE

(Requêtes nos 61411/15 et 3 autres – voir liste jointe)

ARRÊT

STRASBOURG

28 mars 2017

CETTE AFFAIRE A ÉTÉ RENVOYÉE DEVANT LA GRANDE CHAMBRE, QUI A RENDU SON ARRÊT LE 21/11/2019

Cet arrêt peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Z.A. et autres c. Russie,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Helena Jäderblom, présidente,
Branko Lubarda,
Helen Keller,
Dmitry Dedov,
Pere Pastor Vilanova,
Alena Poláčková,
Georgios A. Serghides, juges,
et de Stephen Phillips, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 28 février et 28 mars 2018,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouvent quatre requêtes (nos 61411/15, 61420/15, 61427/15 et 3028/16) dirigées contre la Fédération de Russie et dont quatre personnes physiques (« les requérants ») ont saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »). La nationalité des requérants et d’autres informations telles que la date d’introduction de leurs requêtes sont indiquées dans l’exposé des faits ci-dessous. Le président de section a décidé de ne pas révéler l’identité des trois premiers requérants (article 47 § 4 du règlement de la Cour ; ci-dessous « le règlement »).

2. Les requérants ont été représentés par Me E. Davidyan et Me D. Trenina, avocates à Moscou. Le gouvernement russe (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. G. Matyushkin, représentant de la Fédération de Russie près la Cour européenne des droits de l’homme.

3. Les requérants estimaient en particulier avoir été détenus illégalement et dans des conditions inadéquates lors de leur séjour dans la zone de transit de l’aéroport de Sheremetyevo.

4. Entre le 16 décembre 2015 et le 15 janvier 2016, les requêtes ont été communiquées au Gouvernement. La requête no 3028/16 s’est vu attribuer un traitement prioritaire en vertu de l’article 41 du règlement. Le Gouvernement et les requérants ont présenté des observations sur la recevabilité et sur le fond. En outre, le Haut-Commissariat des Nations unies aux réfugiés (« le HCR »), autorisé par le président à intervenir en l’instance, a présenté dans le cadre de cette même requête des observations en qualité de tiers intervenant (articles 36 § 2 de la Convention et 44 § 3 du règlement).

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Les requérants se sont retrouvés dans la zone de transit de l’aéroport de Moscou-Sheremetyevo. Les détails dans chaque affaire sont exposés ci‑dessous.

A. Requête no 61411/15, introduite par M. Z.A. le 12 décembre 2015

6. Le requérant est un ressortissant irakien né en 1987.

7. Il quitta l’Irak pour gagner la Turquie en 2013 afin d’y trouver un emploi. Il déménagea par la suite en Chine dans le même but.

8. Le 24 juillet 2015, le requérant prit en Chine un vol pour la Turquie. Le voyage devait se dérouler en deux étapes : de Shanghai à Moscou puis de Moscou à Ankara. Le requérant se vit refuser l’entrée du territoire par les autorités turques pour des raisons qu’il ne précise pas dans sa requête. Il fut refoulé vers Moscou le 27 juillet 2015. À son arrivée à l’aéroport de Sheremetyevo, il ne fut pas autorisé à franchir le contrôle des passeports.

9. À partir du 27 juillet 2015, le requérant séjourna dans la zone de transit de l’aéroport de Sheremetyevo. Il décrit ainsi les conditions de son séjour dans cette zone. Il aurait dormi sur un matelas posé sur le sol de l’aire d’embarquement de l’aéroport, constamment éclairée, bondée et bruyante. Il se serait nourri de rations d’urgence fournies par la branche russe du HCR. La zone de transit n’aurait pas été dotée de douches.

10. Le 29 juillet 2015, le requérant demanda l’asile en Russie, alléguant que, en Irak, il risquerait d’être persécuté par des militants de État islamique en Irak et au Levant (« l’EIIL » ; aussi appelé « État islamique en Irak et dans le Cham ») parce qu’il aurait refusé de les rejoindre, ainsi que par les forces gouvernementales irakiennes parce qu’il pratiquerait l’islam sous sa forme sunnite.

11. Le 19 septembre 2015, le requérant reçut la visite de membres du département pour la région de Moscou du Service d’immigration fédéral (« le SIF de Moscou ») et il fut interrogé dans la zone de transit. Ce service ne lui délivra pas de certificat confirmant que sa demande d’asile méritait d’être examinée sur le fond (« le certificat d’examen »).

12. Le 10 novembre 2015, le SIF de Moscou rejeta la demande d’asile du requérant. Ce dernier saisit l’autorité supérieure en matière d’immigration, le Service d’immigration fédéral de Russie (« le SIF de Russie »), demandant à celui-ci d’annuler la décision du 10 novembre 2015, de lui délivrer un certificat d’examen et de le placer dans un centre de détention temporaire d’étrangers.

13. Par une décision du 29 décembre 2015, le SIF de Russie débouta le requérant, au motif que celui-ci n’avait fait l’objet d’aucune menace directe et personnelle et qu’il n’avait produit aucun « élément convaincant prouvant qu’il risquait d’être persécuté par des militants de l’EIIL ou par les autorités irakiennes pour une raison relevant de la définition du terme « réfugié », y compris sa religion ». La question du séjour du requérant à l’aéroport de Sheremetyevo n’y était pas évoquée.

14. La décision du 29 décembre 2015 fut signifiée à l’avocat du requérant le 23 janvier 2016.

15. Le 1er février 2016, le requérant attaqua les décisions des 10 novembre et 29 décembre 2015 devant le tribunal du district Basmannyy de Moscou. Il soutenait en particulier que, en ne l’interrogeant pas dans les meilleurs délais et en ne lui délivrant pas de certificat d’examen, les autorités de l’immigration n’avaient pas respecté les règles de procédure, et qu’il avait séjourné plus de six mois dans la zone de transit de l’aéroport de Sheremetyevo dans des conditions contraires aux garanties de l’article 3 de la Convention, sans accès à des douches et à d’autres installations.

16. Le 17 mars 2016, après avoir obtenu sa réinstallation par le HCR, le requérant partit au Danemark.

17. Le 12 mai 2016, le tribunal du district Basmannyy de Moscou confirma la décision du SIF de Russie. À cette même date, l’avocat du requérant introduisit un acte introductif d’appel sommaire («краткая апелляционная жалоба»), en instance de signification d’un jugement écrit motivé. Au 5 juillet 2016 (date de production par les requérants de leurs observations écrites devant la Cour), aucun jugement motivé de la sorte n’avait été rendu.

B. Requête no 61420/15, introduite par M. M.B. le 12 décembre 2015

18. Le requérant est né en 1988. Il est titulaire d’un passeport délivré par l’Autorité palestinienne.

19. Entre avril 2013 et août 2015, le requérant se trouvait à Irkoutsk (Russie). Il apparaît qu’il était initialement muni d’un visa d’entrée valable, mais qu’il n’a fait aucune démarche pour obtenir une autorisation de séjour en Russie une fois son visa expiré.

20. En août 2015, le requérant quitta la Russie pour gagner les Territoires palestiniens via l’Égypte. Pour des raisons inconnues, le 23 août 2015, il prit un vol au Caire pour revenir à Moscou. N’étant pas muni d’un visa valable, la police des frontières lui refusa l’entrée sur le territoire russe.

21. À partir du 23 août 2015, le requérant séjourna dans la zone de transit de l’aéroport de Sheremetyevo, dans les conditions qu’il décrit ci‑dessous. Il aurait dormi sur un matelas posé sur le sol de l’aire d’embarquement de l’aéroport, constamment éclairée, bondée et bruyante. Il se serait nourri de rations d’urgence fournies par la branche russe du HCR. La zone de transit n’aurait pas été dotée de douches.

22. Trois semaines après son arrivée à l’aéroport de Sheremetyevo, le requérant demanda l’asile. Au cours de la procédure consécutivement ouverte, il indiqua avoir quitté la Palestine en raison des hostilités qui se poursuivaient dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, ainsi que du chômage et des difficultés économiques là-bas.

23. Le 1er décembre 2015, le SIF de Moscou rejeta la demande d’asile du requérant pour défaut de fondement. Le requérant, par le biais de son avocat, forma un recours devant le SIF de Russie, soutenant qu’il n’avait aucune possibilité de revenir chez lui dans la bande de Gaza, que le SIF de Moscou n’avait pas examiné sa situation personnelle et qu’il serait exposé à des risques s’il venait à regagner la Palestine. Il ajouta que le SIF de Moscou ne lui avait pas délivré de certificat d’examen, au mépris de la loi sur les réfugiés (FZ-4528-1-19 février 1993).

24. Le 31 décembre 2015, le SIF de Russie rejeta le recours au motif que le requérant « n’avait produit aucun élément convaincant prouvant qu’il courrait plus de risque d’être victime du conflit israélo-palestinien que le reste de la population de l’Autonomie nationale palestinienne ». L’avocat du requérant fut avisé de cette décision le 15 janvier 2016.

25. Le 1er février 2016, le requérant attaqua la décision des autorités de l’immigration devant le tribunal du district Basmannyy de Moscou.

26. Le 13 février 2016, les autorités égyptiennes ouvrirent le point d’entrée vers Gaza à Rafah. Le requérant accepta de prendre un vol pour l’Égypte, quittant ainsi la zone de transit de l’aéroport de Sheremetyevo.

27. Le 12 mai 2016, le tribunal du district Basmannyy confirma la décision du SIF de Russie. À cette même date, l’avocat du requérant introduisit un acte introductif d’appel sommaire, en instance de signification d’un jugement écrit motivé. Au 5 juillet 2016, aucun jugement motivé de la sorte n’avait été rendu.

C. Requête no 61427/15, introduite par M. A.M. le 12 décembre 2015

28. Le requérant est un ressortissant somalien né en 1981.

29. En 2005, il partit de Somalie pour gagner le Yémen, où il obtint l’asile. En 2015, il décida de quitter le Yémen.

30. Le requérant devait prendre un vol pour rejoindre La Havane (Cuba), en trois étapes : de Sana’a à Istanbul, d’Istanbul à Moscou, puis de Moscou à La Havane. Le 13 mars 2015, il atterrit à Moscou pour la première fois, puis poursuivit son voyage vers La Havane.

31. Le 9 avril 2015, le requérant fut expulsé de Cuba vers la Russie. Au contrôle des passeports, la police des frontières russe lui refusa l’entrée sur le territoire.

32. À partir du 9 avril 2015, le requérant séjourna dans la zone de transit de l’aéroport de Sheremetyevo, dans les conditions qu’il décrit ci-dessous. Il aurait dormi sur un matelas posé sur le sol de l’aire d’embarquement de l’aéroport, constamment éclairée, bondée et bruyante. Il se serait nourri de rations d’urgence fournies par la branche russe du HCR. La zone de transit n’aurait pas été dotée de douches.

33. Le 10 avril 2015, le requérant demanda l’asile, soutenant qu’il avait fui la Somalie en 2005 parce qu’il y était menacé par des membres d’un groupe terroriste.

34. Le 1er juillet 2015, le SIF de Moscou interrogea le requérant, mais il ne lui délivra aucun certificat d’examen.

35. Le 1er octobre 2015, le SIF de Moscou rejeta la demande d’asile formée par le requérant.

36. Le 17 octobre 2015, le frère du requérant fut tué à Mogadiscio (Somalie).

37. Le 7 décembre 2015, le SIF de Russie rejeta un recours formé par le requérant contre la décision du 1er octobre 2015.

38. Le 22 décembre 2015, le SIF de Moscou refusa d’accorder au requérant l’asile temporaire. Le 10 février 2016, le SIF de Russie confirma cette décision.

39. Le 19 mai 2016, le tribunal du district Basmannyy de Moscou rejeta un recours formé par le requérant contre les décisions du SIF de Moscou et du SIF de Russie portant rejet de sa demande d’asile temporaire. Il jugea en particulier que le requérant n’avait pas établi que les terroristes qui l’auraient menacé en 2005 représentaient un quelconque danger plus de dix ans après et que, à supposer que de telles menaces persistassent, il « n’avait pas été privé de la possibilité de solliciter la protection de l’État dont il est ressortissant [– c’est-à-dire] de saisir les services répressifs de la République de Somalie [aux fins de sa protection] ». Le même jour, l’avocat du requérant fit appel. Le 20 septembre 2016, la Cour de Moscou rejeta l’appel. Le 6 février 2017, elle repoussa en dernière instance le grief tiré par le requérant du refus de lui accorder l’asile.

40. Après avoir été avisé du rejet définitif des demandes dont il avait saisi les autorités russes, le requérant décida qu’il n’avait plus aucune chance d’obtenir l’asile en Russie. Le 9 mars 2017, il regagna Mogadiscio (Somalie).

D. Requête no 3028/16, introduite par M. Yasien le 14 janvier 2016

41. Le requérant, Hasan Yasien, est un ressortissant syrien né en 1975 à Alep.

42. Le 4 juillet 2014, le requérant arriva à Moscou en provenance de Beyrouth (Liban), muni d’un visa d’affaires valable jusqu’au 25 août 2014.

43. Le 10 septembre 2014, il demanda l’asile temporaire au SIF de Moscou, affirmant avoir quitté la Syrie en raison de la guerre civile qui s’y poursuivait. Cette demande fut rejetée le 8 décembre 2014.

44. Le requérant apparaît être resté en Russie malgré ce refus.

45. Le 18 août 2015, à Moscou, le requérant prit un vol à destination d’Antalya (Turquie). La police des frontières russe saisit son passeport et le remit à l’équipage de l’avion. Les autorités turques lui refusèrent l’entrée sur le territoire et le refoulèrent vers Moscou le 20 août 2015. À l’arrivée du requérant, les autorités russes le renvoyèrent à Antalya. Les autorités turques le refoulèrent alors vers Moscou.

46. Le 8 septembre 2015, le requérant prit un vol pour Beyrouth, mais les autorités libanaises lui refusèrent l’entrée sur le territoire et le refoulèrent vers Moscou. La police des frontières russe ne l’autorisa pas à franchir le contrôle des passeports.

47. À partir du 9 septembre 2015, le requérant séjourna dans la zone de transit de l’aéroport de Sheremetyevo, dans les conditions qu’il décrit ci‑dessous. Il aurait dormi sur un matelas posé sur le sol de l’aire d’attente de l’aéroport, constamment éclairée, bondée et bruyante. La branche russe du HCR lui aurait fourni une fois par semaine des rations alimentaires, des vêtements et des lingettes sanitaires. Compte tenu de l’absence de réfrigérateur et de cuisine, ses rations auraient été extrêmement limitées. Pendant toute la durée de son séjour dans la zone de transit, le requérant n’aurait pas eu accès à des douches.

48. Le requérant demanda l’asile temporaire au SIF de Moscou. Le 21 décembre 2015, cette demande fut rejetée.

49. Le 4 février 2016, le SIF de Russie rejeta le recours formé par le requérant contre le refus d’asile temporaire prononcé le 21 décembre 2015. Il constata en particulier qu’il y avait des vols réguliers de Moscou à Damas, ville à partir de laquelle les ressortissants syriens pouvaient se rendre à d’autres endroits du pays et que « de nombreux Syriens souhait[ai]ent partir de leur pays non seulement parce qu’ils craign[ai]ent pour leur vie mais surtout en raison de la dégradation de la situation économique et humanitaire. »

50. Le 7 avril 2016, le requérant demanda de nouveau l’asile au service de la police des frontières. Il ne reçut aucune réponse.

51. Le 11 avril 2016, devant le tribunal du district Zamoskvoretskiy de Moscou, il attaqua le refus opposé à sa demande d’asile temporaire par le SIF de Moscou et par le SIF de Russie et dénonça ce qu’il estimait être une détention illégale dans des conditions épouvantables à l’intérieur de la zone de transit de l’aéroport de Sheremetyevo.

52. Le 11 mai 2016, le requérant, réinstallé par le HCR, gagna la Suède.

53. Le 21 juillet 2016, l’avocat du requérant communiqua de nouvelles pièces au tribunal du district Zamoskvoretskiy de Moscou à l’appui de ses griefs tirés des risques auxquels il serait exposé s’il venait à regagner la Syrie. L’issue de cette procédure n’est pas connue.

II. LE DROIT INTERNE PERTINENT

54. L’article 6 de la loi fédérale « relative à l’entrée et à la sortie du territoire de la Fédération de Russie » (FZ-114, 15 août 1996, telle que modifiée), dispose, dans ses parties pertinentes :

« Tout étranger ou apatride arrivant sur le territoire de la Fédération de Russie ou sortant de celui-ci est tenu de présenter des documents d’identité valables, acceptés par la Fédération de Russie, et un visa, sauf si la présente loi fédérale, un traité conclu par la Fédération de Russie ou un décret du président de la Fédération de Russie en dispose autrement ».

55. L’article 14 de la loi de la Fédération de Russie sur la frontière d’État (FZ‑4730-1, 1er avril 1993, telle que modifiée), dispose, dans ses parties pertinentes :

« Les étrangers et les apatrides n’ayant pas le statut de personne résidente ou domiciliée en Fédération de Russie et ayant franchi la frontière d’État [en provenance] du territoire d’un État étranger [voient leur responsabilité engagée] conformément au droit russe si des éléments indiquent que leur action [est constitutive] d’une infraction administrative ou pénale.

Les personnes ayant violé la frontière d’État et n’ayant pas droit à l’asile politique contre (...) lesquelles il n’y a pas lieu d’ouvrir une procédure pénale ou administrative sont formellement refoulées à leur arrivée par la police des frontières vers les autorités du pays (...) à partir duquel elles avaient franchi la frontière d’État [russe]. Si leur renvoi auprès des autorités de l’État étranger n’est pas prévu par un traité entre celui‑ci et la Fédération de Russie, la police des frontières les expulse [vers des lieux] hors du territoire de la Fédération de Russie (...) désignés par elle. »

56. L’article 4 de la loi fédérale « relative aux réfugiés » (FZ-4528-1, 19 février 1993, telle que modifiée, « la loi relative aux réfugiés ») dispose, dans ses parties pertinentes :

« 1. Toute personne majeure ayant exprimé le souhait d’être reconnue comme réfugié doit en faire la demande par écrit, elle-même ou par le biais d’un représentant :

(...)

1 (2) auprès de la police des frontières ou du Service fédéral de sécurité (...) au point de franchissement de la frontière de la Fédération de Russie, au moment de celui-ci (...)

3. La demande formulée auprès de la police des frontières au point de franchissement de la frontière (...) est transmise par celle-ci aux (...) autorités de l’immigration (...) dans les trois jours à compter de sa date de présentation.

(...)

5 (2). Toute demande formulée par une personne au point de franchissement de la frontière (...) est examinée à titre préliminaire (...) par les autorités de l’immigration (...) dans les cinq jours à compter de sa date de réception.

(...)

6. Les autorités de l’immigration statuent sur la délivrance d’un certificat [pour confirmer l’examen d’une demande d’asile sur le fond (« le certificat »)] (...)

La délivrance d’un certificat permet de reconnaître (...) les droits de l’intéressé et de lui imposer des obligations (...)

7. Le certificat (...) est adressé à l’intéressé (...) par les autorités de l’immigration dans les 24 heures à compter de sa délivrance (...)

Le certificat est un acte [qui sert à identifier] un demandeur d’asile.

(...)

Le certificat permet également à l’intéressé (...) de recevoir un document autorisant son placement dans un centre d’accueil temporaire. »

57. L’article 6 de la loi relative aux réfugiés dispose, dans ses parties pertinentes :

« 1. Le destinataire d’un certificat (...) a le droit :

1 (1) de bénéficier des services d’un traducteur et d’un interprète, et de recevoir des informations sur la procédure d’octroi de l’asile :

(...)

1 3) de percevoir une allocation forfaitaire (...)

1 (4) de recevoir (...) des autorités de l’immigration un document autorisant son placement dans un centre d’accueil temporaire ;

(...)

1 (6) de recevoir de la nourriture et de disposer de services collectifs au centre d’accueil temporaire (...)

1 (7) de recevoir une assistance médicale et pharmacologique (...) »

III. DROIT INTERNATIONAL PERTINENT

A. La Convention des Nations unies de 1951 relative au statut des réfugiés

58. L’article 31 de la Convention de 1951 dispose :

« 1. Les États contractants n’appliqueront pas de sanctions pénales, du fait de leur entrée ou de leur séjour irréguliers, aux réfugiés qui, arrivant directement du territoire où leur vie ou leur liberté était menacée au sens prévu par l’article premier, entrent ou se trouvent sur leur territoire sans autorisation, sous la réserve qu’ils se présentent sans délai aux autorités et leur exposent des raisons reconnues valables de leur entrée ou présence irrégulières.

2. Les États contractants n’appliqueront aux déplacements de ces réfugiés d’autres restrictions que celles qui sont nécessaires; ces restrictions seront appliquées seulement en attendant que le statut des réfugiés dans le pays d’accueil ait été régularisé ou qu’ils aient réussi à se faire admettre dans un autre pays. En vue de cette dernière admission les États contractants accorderont à ces réfugiés un délai raisonnable ainsi que toutes facilités nécessaires. »

59. L’article 33 de la Convention de 1951 dispose :

« 1. Aucun des États contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.

2. Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu’il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l’objet d’une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays. »

B. Annexe 9 à la Convention relative à l’aviation civile internationale (« la Convention de Chicago »), quatorzième édition, octobre 2015

60. Le chapitre 5 de l’annexe 9 à la Convention de Chicago, intitulé « Personnes non admissibles et personnes expulsées » dispose, dans son intégralité :

« A. Généralités

5.1 Afin de perturber le moins possible l’exploitation ordonnée de l’aviation civile internationale, les États contractants coopéreront entre eux pour résoudre rapidement toute différence se posant dans la mise en œuvre des dispositions du présent chapitre.

5.2 Les États contractants faciliteront le transit des personnes refoulées d’un autre État conformément aux dispositions du présent chapitre, et apporteront la coopération nécessaire aux exploitants d’aéronefs et aux agents d’escorte qui procèdent à ce refoulement.

5.2.1 Durant la période pendant laquelle un passager non admissible ou une personne qui doit être expulsée est sous leur garde, les agents de l’État en cause protégeront la dignité de la personne en question et ne prendront aucune mesure susceptible d’y porter atteinte.

Note – Les personnes en question devraient être traitées conformément aux dispositions internationales pertinentes, y compris le Pacte international des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques.

B. Personnes non admissibles

5.3 Lorsqu’une personne est jugée non admissible conformément au § 3.44, les États contractants en aviseront sans délai l’exploitant d’aéronefs, en confirmant par écrit le plus tôt possible.

Note – La notification par écrit peut être faite sur papier ou sous forme électronique, par exemple par courrier électronique.

5.4 Les États contractants, par l’entremise de leurs pouvoirs publics, consulteront l’exploitant d’aéronefs sur le calendrier d’exécution du refoulement de la personne jugée non admissible, afin de donner à l’exploitant d’aéronefs un délai raisonnable pour procéder au refoulement de la personne sur ses propres services ou pour prendre d’autres dispositions à cet effet.

Note – La présente disposition ne doit en aucune manière être interprétée comme une autorisation de renvoyer quiconque demande asile dans le territoire d’un État contractant vers un pays dans lequel sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social particulier ou de ses opinions politiques.

5.5 Les États contractants veilleront à ce qu’un ordre de refoulement soit donné à l’exploitant d’aéronefs à l’égard d’une personne jugée non admissible. L’ordre de refoulement comprendra les renseignements suivants, s’ils sont connus : nom, âge, sexe et citoyenneté de la personne en question.

5.6 Les États contractants qui ordonnent le refoulement d’une personne non admissible ayant perdu ou détruit ses documents de voyage émettront une lettre explicative sous la forme indiquée à l’Appendice 9, section 1, afin d’informer les autorités de l’État (des États) du point de transit et/ou du début du voyage. Cette lettre, l’ordre de refoulement et tout autre renseignement pertinent seront remis à l’exploitant d’aéronefs ou, dans le cas des personnes escortées, à l’agent d’escorte, qui aura la responsabilité de les remettre aux pouvoirs publics de l’État de destination.

5.7 Les États contractants qui ordonnent le refoulement d’une personne non admissible dont les documents de voyage ont été saisis conformément au § 3.35.1 émettront une lettre explicative sous la forme indiquée à l’Appendice 9, section 2, afin d’informer les autorités de l’État (des États) du point de transit et/ou du début du voyage. Cette lettre ainsi qu’une photocopie des documents de voyage saisis et l’ordre de refoulement seront remis à l’exploitant d’aéronefs ou, dans le cas des personnes escortées, à l’agent d’escorte, qui aura la responsabilité de les remettre aux pouvoirs publics de l’État de destination.

5.8 Les États contractants qui ont des raisons de croire qu’une personne non admissible pourrait offrir une résistance à son refoulement en informeront l’exploitant d’aéronefs concerné dès que possible avant le départ prévu, afin qu’il puisse prendre des précautions pour assurer la sûreté du vol.

5.9 L’exploitant d’aéronefs sera tenu responsable du coût de la garde et des soins d’une personne non munie des documents requis à partir du moment où elle est jugée non admissible et confiée à l’exploitant d’aéronefs en vue de son refoulement.

5.9.1 L’État sera tenu responsable du coût de la garde et des soins de toutes les autres catégories de personnes non admissibles, y compris les personnes non admises en raison de problèmes de documentation dépassant les compétences de l’exploitant d’aéronefs, ou pour des raisons autres que l’absence de documents requis, à partir du moment où ces personnes sont jugées non admissibles et confiées à l’exploitant d’aéronefs en vue de leur refoulement.

5.10 Lorsqu’une personne jugée non admissible est confiée de nouveau à l’exploitant d’aéronefs en vue de son transport hors du territoire de l’État, l’exploitant d’aéronefs ne sera pas empêché de recouvrer de cette personne les frais de transport découlant de son refoulement.

5.11 L’exploitant d’aéronefs refoulera la personne non admissible :

a) au point où elle a commencé son voyage ; ou

b) à tout autre endroit où elle peut être admise.

5.11.1 Pratique recommandée – Il est recommandé que les États contractants consultent, s’il y a lieu, l’exploitant d’aéronefs sur le point le plus pratique où la personne non admissible doit être refoulée.

5.12 Un État contractant acceptera pour vérification une personne refoulée d’un État où elle a été jugée non admissible, si cette personne a commencé son voyage à partir de son territoire. Un État contractant ne renverra pas cette personne dans le pays où elle a été précédemment jugée non admissible.

5.13 Les États contractants accepteront la lettre explicative et les autres documents émis conformément aux § 5.6 ou 5.7 comme documentation suffisante pour procéder à la vérification de la personne mentionnée dans la lettre.

5.14 Les États contractants n’imposeront pas d’amende aux exploitants d’aéronefs si des personnes à l’arrivée et en transit sont jugées non munies des documents requis, lorsque les exploitants d’aéronefs peuvent démontrer qu’ils ont pris des précautions suffisantes pour vérifier que ces personnes se sont conformées aux exigences en matière de documents aux fins de l’entrée dans l’État de destination.

Note – L’attention est appelée sur le texte applicable du Doc 9303 et des éléments indicatifs connexes, et du Doc 9957, Manuel de facilitation, dans lequel sont expliquées les irrégularités des documents de voyage ainsi que la vérification et l’authentification de ces derniers.

5.15 Pratique recommandée – Il est recommandé que, lorsque les exploitants d’aéronefs ont coopéré avec les pouvoirs publics à la satisfaction de ceux-ci, par exemple en vertu de mémorandums d’entente conclus entre les parties concernées, à des mesures destinées à empêcher le transport de personnes non admissibles, les États contractants réduisent les amendes et pénalités qui pourraient autrement être applicables lorsque de telles personnes sont transportées à destination de leur territoire.

5.16 Les États contractants n’empêcheront pas le départ de l’aéronef d’un exploitant d’aéronefs en attendant de déterminer l’admissibilité de l’un ou l’autre de ses passagers à l’arrivée.

Note – Une exception à cette disposition pourrait être faite dans le cas de vols peu fréquents ou si l’État contractant avait des raisons de croire qu’il pourrait y avoir un nombre exceptionnellement élevé de personnes non admissibles sur un vol particulier.

C. Personnes expulsées

5.17 Un État contractant qui expulse une personne de son territoire lui donnera un ordre d’expulsion. Les États contractants indiqueront à la personne expulsée le nom de l’État de destination.

5.18 Les États contractants qui expulsent des personnes de leurs territoires assumeront toutes les obligations, responsabilités et coûts connexes.

5.18.1 Pratique recommandée – Il est recommandé que les États contractants et les exploitants d’aéronefs s’échangent, lorsque c’est possible, des renseignements sur leurs points de contact compétents, disponibles 24 heures sur 24, à qui adresser les demandes de renseignements concernant les personnes expulsées.

5.19 Lorsqu’ils prennent des dispositions avec un exploitant d’aéronefs en vue d’une expulsion, les États contractants mettront à sa disposition les renseignements ci-dessous dès que possible, mais au plus tard 24 heures avant l’heure prévue de départ du vol :

a) une copie de l’ordre d’expulsion, si la législation de l’État contractant le prévoit ;

b) l’évaluation du risque par l’État et/ou tout autre renseignement pertinent qui aiderait l’exploitant d’aéronefs à évaluer le risque pour la sûreté du vol ;

c) les noms et nationalités de tous agents d’escorte.

Note – Afin d’assurer la coordination des normes de facilitation et de sûreté, il convient d’accorder une attention particulière aux dispositions applicables de l’Annexe 17, Chapitre 4.

5.19.1 L’exploitant d’aéronefs et/ou le pilote commandant de bord auront l’option de refuser de transporter une personne expulsée sur un vol particulier s’il y a des inquiétudes raisonnables concernant la sécurité et la sûreté du vol.

Note – Voir le Manuel de sûreté de l’aviation (Doc 8973 — Diffusion restreinte) de l’OACI, § 12.2.1.3 et 12.2.1.6.

5.19.2 Lorsqu’ils prennent des dispositions en vue d’une expulsion, les États contractants tiendront compte de la politique de l’exploitant d’aéronefs relative au nombre de personnes expulsées qui peuvent être transportées sur un vol donné.

Note – Les États contractants doivent consulter l’exploitant d’aéronefs au sujet du vol le plus approprié ou d’un autre mode de transport.

5.20 Lorsqu’ils prennent des dispositions en vue d’une expulsion vers un État de destination, les États contractants utiliseront dans la mesure du possible des vols directs sans escale.

5.21 Un État contractant qui présente une personne à expulser veillera à ce que tous les documents de voyage officiels exigés par tout État de transit et/ou de destination soient fournis à l’exploitant d’aéronefs.

5.22 Un État contractant admettra dans son territoire ses nationaux qui ont été expulsés d’un autre État.

5.23 Un État contractant accordera une attention spéciale à l’admission d’une personne, expulsée d’un autre État, qui détient une preuve de résidence valide et autorisée dans son territoire.

5.24 S’ils décident qu’une personne expulsée doit être escortée et que l’itinéraire comporte une escale dans un État intermédiaire, les États contractants veilleront à ce que le ou les agents d’escorte restent auprès de la personne déportée jusqu’à sa destination finale, à moins que les autorités et l’exploitant d’aéronefs intervenant au point de transit ne conviennent à l’avance de dispositions de rechange appropriées.

D. Obtention d’un document de voyage de remplacement

5.25 Lorsqu’un document de voyage de remplacement doit être obtenu pour faciliter le refoulement et l’acceptation d’une personne non admissible à sa destination, l’État qui ordonne le refoulement fournira toute l’assistance possible pour obtenir ce document.

Note – La norme 5.13 pourra être consultée utilement pour faciliter l’application de cette norme.

5.26 L’État contractant auquel il est demandé de fournir des documents de voyage pour faciliter le retour d’un de ses nationaux répondra dans un délai raisonnable, c’est-à-dire au plus tard 30 jours après avoir reçu la demande, soit en délivrant un document de voyage, soit en démontrant à la satisfaction de l’État requérant que l’intéressé n’est pas un de ses nationaux.

5.27 Un État contractant n’exigera pas comme condition préalable à la délivrance d’un document de voyage que l’intéressé en ait signé la demande.

5.28 Si un État contractant a déterminé qu’une personne pour laquelle un document de voyage a été demandé est l’un de ses nationaux, mais qu’il ne peut pas délivrer un passeport dans les 30 jours suivant la demande, il délivrera un document de voyage d’urgence qui certifie la nationalité de l’intéressé et qui est valide pour la réadmission dans cet État.

5.29 Un État contractant ne refusera pas de délivrer un document de voyage à un de ses nationaux ni ne contrecarrera autrement son retour en le rendant apatride. »

EN DROIT

I. SUR LA JONCTION DES REQUÊTES

61. Comme le lui permet l’article 42 § 1 du règlement, la Cour décide de joindre les requêtes, compte tenu de leur similarité factuelle et juridique.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 3 ET 5 DE LA CONVENTION

62. Les requérants estiment que leurs mauvaises conditions matérielles de séjour dans la zone de transit de l’aéroport de Sheremetyevo étaient incompatibles avec les garanties de l’article 3 de la Convention. Ils voient dans leur internement à l’intérieur de cette zone une privation de liberté irrégulière contraire à l’article 5 § 1 de la Convention. Ces dispositions prévoient, dans leurs parties pertinentes :

Article 3

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».

Article 5

« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :

(...)

f) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. »

A. Thèses des parties

1. Le Gouvernement

63. Le Gouvernement récuse les allégations des requérants. Il présente les mêmes observations pour chacune des quatre requêtes à l’examen, sans ajouter quoi que soit séparément sur les violations alléguées des articles 3 et 5 § 1 de la Convention. Ces observations peuvent se résumer comme suit.

64. Le Gouvernement soutient que la zone de transit de l’aéroport de Sheremetyevo se trouve hors du territoire de la Fédération de Russie. N’ayant pas franchi la frontière russe, les requérants ne seraient pas passés sous la juridiction de l’État défendeur. Il ne suffirait pas qu’ils aient demandé l’asile en Russie pour être regardés comme relevant de cette juridiction. De plus, ils seraient restés dans la zone de transit de l’aéroport de Sheremetyevo de leur propre fait, alors qu’ils auraient eu la possibilité de la quitter à tout moment. Par ailleurs, il serait du droit souverain de l’État de contrôler l’entrée des étrangers et les requérants auraient été empêchés de franchir le contrôle des passeports afin de prévenir une violation des règles de séjour des étrangers. De surcroît, des États tiers leur auraient refusé l’entrée sur leurs territoires respectifs pour des raisons inconnues.

65. Le Gouvernement ajoute que la Convention de Chicago relative à l’aviation civile internationale (« la Convention de Chicago ») et ses annexes étaient applicables aux situations respectives des requérants. En vertu du chapitre 5 de l’annexe 9 à cette Convention, les exploitants d’aéronefs seraient tenus de refouler toute personne non autorisée à entrer sur le territoire du pays de destination vers le lieu de commencement de son voyage ou vers tout autre lieu où elle serait autorisée à entrer.

66. Le Gouvernement conclut que, compte tenu de la Convention de Chicago et de la « volonté manifeste [des requérants] de rester dans la zone de transit et de ne pas la quitter pour gagner un autre État », il n’y a pas eu violation des articles 3 et 5 § 1 de la Convention.

67. En réplique aux observations du tiers intervenant (paragraphes 73‑82 ci-dessous), le Gouvernement soutient que, l’interprétation de la législation interne étant avant tout du ressort des autorités nationales, « l’interprétation de la législation russe livrée dans les observations du HCR doit être appréciée d’un œil critique ».

2. Les requérants

68. Les requérants repoussent la thèse du Gouvernement selon laquelle la zone de transit de l’aéroport de Sheremetyevo se trouve hors du territoire russe. Ils estiment que la zone de transit était sous l’empire du droit russe parce que des gardes-frontières russes exerçaient un contrôle sur les personnes cherchant à entrer sur le territoire russe et sur celles circulant en transit dans les zones prévues à cette fin.

69. Les requérants soutiennent que la non-délivrance à eux de certificats d’examen par les autorités russes – alors qu’elles en avaient l’obligation – ne les a pas fait sortir pour autant de la juridiction de la Russie.

70. Quant à la Convention de Chicago, les requérants soulignent qu’elle renferme une clause de non-refoulement et qu’elle impose aux agents publics de préserver la dignité des personnes en instance d’expulsion se trouvant sous leur garde.

71. En somme, les requérants concluent non seulement qu’ils ont été détenus dans la zone de transit de l’aéroport de Sheremetyevo, sous la juridiction de la Russie, mais aussi que cette détention n’avait aucune base en droit russe.

72. Les requérants maintiennent également leurs griefs tirés des conditions matérielles de leurs séjours respectifs dans la zone de transit, qui constituent à leurs yeux un affront à la dignité humaine. Ils auraient été détenus dans des conditions épouvantables sans endroit pour dormir ni accès à des installations sanitaires. Ils auraient été livrés à eux-mêmes sans la moindre assistance juridique ou sociale, et sans la moindre possibilité de faire examiner leurs conditions de détention par une autorité indépendante.

3. Tierce intervention dans le cadre de l’affaire no 3028/16

73. Dans ses observations, le HCR examine le cadre légal et la pratique internes en Russie applicables au traitement des demandeurs d’asile dans les zones de transit des aéroports de la Fédération de Russie et livre son interprétation des principes de droit international pertinents, que l’on peut résumer comme suit.

74. Le HCR constate que, en droit russe, seuls les demandeurs d’asile politique sont exempts de poursuites pénales. L’exemption ne s’appliquerait pas aux personnes demandant le statut de réfugié ou l’asile temporaire.

75. Le HCR ajoute que le droit russe ne renferme aucune règle précisant les motifs ou la durée des séjours dans les zones frontalières et les zones de transit ou offrant des garanties procédurales aux demandeurs d’asile aux frontières.

76. Les autorités de l’immigration russes ne doteraient pas de bureaux ou de personnel les zones de transit, qui relèveraient intégralement de la police des frontières du Service fédéral de sécurité (« la police des frontières »). La police des frontières ne déciderait pas du maintien des personnes dans la zone de transit : elle se contenterait seulement de ne pas leur permettre de franchir le contrôle des passeports.

77. Le HCR relève que la procédure d’asile comporte sept stades. Un certificat de demandeur d’asile (c’est-à-dire un certificat d’examen) devrait être délivré à l’issue d’une appréciation préliminaire, dans les cinq jours. La loi relative aux réfugiés prévoirait le droit de disposer d’un interprète et d’être informé de la procédure d’asile ainsi que des droits et obligations pour les demandeurs d’asile, le droit à des soins médicaux et à un travail, et le droit d’être logé dans l’un des centres d’accueil temporaires du SIF de Russie. Toutefois, les demandeurs d’asile dans les zones de transit seraient privés de ces droits parce qu’ils demeureraient dans le flou juridique même après s’être vu délivrer un certificat d’examen.

78. En pratique, le HCR et les organisations y affiliées auraient été saisis de plusieurs cas de refus non motivés de demandes d’asile par la police des frontières. Les nombreuses demandes d’informations formulées par le HCR n’auraient débouché sur aucune explication constructive. Le fait que les autorités de l’immigration n’ont aucun bureau dans les zones de transit et qu’aucune information pertinente n’y est disponible limiterait la capacité de chacun à demander le statut de réfugié par ses propres moyens. Lorsque le HCR intervient, les autorités de l’immigration rejetteraient les demandes au motif que celles-ci doivent être présentées par le biais de la police des frontières. Dernièrement, seul le personnel international du HCR aurait obtenu l’accès aux zones de transit sans autorisation préalable. Les démarches entreprises par le HCR en vue de formaliser la coopération avec lesdites autorités auraient été jusqu’à présent vaines.

79. Les personnes dans les zones de transit de l’aéroport ne pourraient effectivement exercer leur droit de recours contre un refus en première instance de leurs demandes tendant à l’octroi du statut de réfugié.

80. Le droit russe ne prévoirait aucune règle régissant les conditions de séjour dans les zones de transit des aéroports. Ces conditions ne se seraient pas non plus améliorées ces dernières années. Les demandeurs d’asile confinés dans les zones de transit n’auraient accès ni à l’air libre, ni à l’intimité, ni à l’alimentation, ni à une assistance sociale et médicale. Ils n’auraient d’autre choix que de séjourner dans la partie publique de la zone de transit en question sans le moindre accès à des installations sanitaires et de dormir à même le sol. Le HCR distribuerait des denrées alimentaires de base et de la literie, des vêtements et des produits d’hygiène chaque semaine. Le droit russe n’imposerait à aucune autorité publique de prendre en charge les besoins de première nécessité des demandeurs d’asile dans les zones de transit. La durée de l’épreuve que doit subir un demandeur d’asile en raison de ce manque dramatique d’équipement élémentaire risquerait de se prolonger parce que, en moyenne, la totalité d’une procédure d’asile, y compris les recours en justice, peut durer entre un et deux ans.

81. Étant donné que les personnes non munies d’un visa et d’un passeport valables ne peuvent franchir la frontière russe et qu’il n’existe aucune exception pour les demandeurs d’asile non munis de ces documents, les autorités publiques n’auraient juridiquement pas d’autre choix que de garder ces personnes dans la zone de transit. Le droit russe n’offrirait aux personnes confinées dans la zone de transit aucune possibilité de recours en justice pour contester leur situation.

82. S’appuyant sur ses principes directeurs relatifs à la détention, le HCR considère qu’il ne faut pas sanctionner les personnes entrant irrégulièrement sur le territoire ou cherchant à y entrer et que leur détention, y compris à la frontière et dans les zones de transit des aéroports, ne doit être qu’une mesure de dernier recours. Le HCR ajoute que la détention des demandeurs d’asile, lorsqu’elle est ordonnée, doit être justifiée au regard des principes de la nécessité, du caractère raisonnable et de la proportionnalité, et doit être entourée de plusieurs garanties procédurales importantes, qui font toutes défaut pour les personnes détenues dans les zones de transit des aéroports en Russie.

B. Appréciation de la Cour

1. Article 5 § 1 de la Convention

83. La Cour examinera tout d’abord les griefs formulés par les requérants sur le terrain de l’article 5 § 1 de la Convention.

a) Sur la recevabilité

84. Au vu de l’ensemble des éléments du dossier, la Cour estime que ces griefs ne sont pas manifestement mal fondés au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’ils appellent un examen au fond (Shamsa c. Pologne (déc.), nos 45355/99 et 45357/99, 5 décembre 2002). Elle ajoute qu’ils ne se heurtent à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il y a donc lieu de les déclarer recevable.

b) Sur le fond

i. Sur l’existence d’une privation de liberté

85. La Cour doit tout d’abord rechercher si le séjour des requérants dans la zone de transit s’analyse en une privation de liberté au sens de l’article 5 § 1 de la Convention. À cette fin, elle se référera aux principes généraux pertinents qui se dégagent de sa jurisprudence antérieure.

86. Pour déterminer si un individu se trouve « privé de sa liberté » au sens de l’article 5 de la Convention, il faut partir de sa situation concrète et prendre en compte un ensemble de critères comme le type, la durée, les effets et les modalités d’exécution de la mesure considérée. Entre privation et restriction de liberté, il n’y a qu’une différence de degré ou d’intensité, non de nature ou d’essence (Nolan et K. c. Russie, no 2512/04, § 93, 12 février 2009). Le maintien d’étrangers dans la zone internationale d’un aéroport comporte une restriction à la liberté, mais qui ne saurait être assimilée en tous points à celle subie dans les centres de rétention. Un tel maintien n’est acceptable que s’il est assorti de garanties adéquates pour les personnes qui en font l’objet et s’il ne se prolonge pas excessivement. Dans le cas contraire, la simple restriction à la liberté se transforme en privation de liberté. Il faut tenir compte du fait qu’une telle mesure s’applique non pas à des auteurs d’infractions pénales mais à des étrangers qui, craignant souvent pour leur vie, fuient leur propre pays. Le seul fait qu’il était possible pour les requérants de quitter le territoire russe de leur plein gré ne permet pas d’exclure une atteinte à la liberté (Amuur c. France, 25 juin 1996, §§ 43 et 48, Recueil des arrêts et décisions 1996‑III, et Riad et Idiab c. Belgique, nos 29787/03 et 29810/03, § 68, 24 janvier 2008).

87. Sur les circonstances de la présente affaire, la Cour note que, selon le Gouvernement, la zone de transit de l’aéroport de Sheremetyevo se trouve hors du territoire de la Fédération de Russie. Elle estime que, à supposer même que, comme il le dit, les requérants se fussent trouvés hors du territoire russe, les confiner dans la zone internationale de l’aéroport de Sheremetyevo les avait fait passer sous l’empire du droit russe (voir, en comparaison, Amuur, précité, § 52). Rien dans l’argumentation du Gouvernement ne lui permet de conclure que la zone de transit bénéficiait du statut d’extraterritorialité (Shamsa c. Pologne, nos 45355/99 et 45357/99, § 45, 27 novembre 2003). Ne pouvant dès lors souscrire à la thèse du Gouvernement, la Cour la rejette.

88. La Cour constate que les requérants sont restés dans la zone de transit de l’aéroport de Sheremetyevo pendant très longtemps : MM. M.B., Z.A. et Yasien y ont passé respectivement cinq mois et vingt-deux jours, sept mois et vingt-et-un jours, et huit mois et deux jours, tandis que M. A.M. y est resté un an et onze mois.

89. À l’inverse des requérants dans l’affaire Mogoş c. Roumanie ((déc.), no 20420/02, 6 mai 2004), qui étaient libres d’entrer sur le territoire roumain à tout moment mais avaient préféré rester dans la zone de transit de l’aéroport, les requérants en l’espèce – à l’instar des requérants dans les affaires Amuur, Shamsa, et Riad et Idiab (toutes précités) – n’avaient pas pu entrer sur le territoire russe. De plus, à l’inverse des requérants dans l’affaire Mahdid et Addar c. Autriche ((déc.), no 74762/01, CEDH 2005‑XIII (extraits)) – qui, après le rejet de leurs demandes d’asile, avaient refusé de se rendre dans un autre pays pour lequel ils étaient munis d’un visa valable et avaient détruit leurs passeports afin de contraindre les autorités autrichiennes à les accepter –, les requérants en l’espèce, lorsqu’ils ont séjourné dans la zone de transit de l’aéroport de Sheremetyevo, se trouvaient dans la situation de personnes dont les demandes d’asile n’avaient pas encore été examinées (Amuur, précité, § 53) et ne pouvaient pas choisir de se rendre dans un pays autre que celui qu’ils avaient quitté. La Cour estime donc que les requérants n’avaient pas choisi de rester dans la zone de transit de l’aéroport de Sheremetyevo et ne peuvent donc passer pour avoir valablement consenti à être privés de liberté (voir, mutatis mutandis, Austin et autres c. Royaume-Uni [GC], nos 39692/09 et 2 autres, § 58, CEDH 2012).

90. Au vu de ce qui précède, la Cour conclut que l’internement des requérants dans la zone de transit de l’aéroport de Sheremetyevo s’analyse en une privation de liberté de facto (Amuur, §§ 48-49, Shamsa, §§ 45-47, et Riad et Idiab, § 68, tous précités).

ii. Sur la compatibilité de la privation de liberté avec l’article 5 § 1 de la Convention

91. La Cour doit à présent rechercher si la privation de liberté des requérants était compatible avec les garanties de l’article 5 § 1 de la Convention.

92. La Cour note d’emblée l’importance fondamentale des garanties figurant à l’article 5 pour assurer aux individus dans une démocratie le droit à ne pas être soumis à des détentions arbitraires par les autorités. Atteste de l’importance de la protection accordée à l’individu contre l’arbitraire le fait que l’article 5 § 1 dresse la liste exhaustive des circonstances dans lesquelles un individu peut être légalement privé de sa liberté, étant bien entendu que ces circonstances appellent une interprétation étroite puisqu’il s’agit d’exceptions à une garantie fondamentale de la liberté individuelle (voir, avec d’autres références, El-Masri c. ex-République yougoslave de Macédoine [GC], no 39630/09, § 230, CEDH 2012).

93. Constatant que les requérants n’avaient pas été autorisés à entrer en Russie, la Cour estime que leur détention dans la zone de transit de l’aéroport de Sheremetyevo relevait de l’article 5 § 1 f) de la Convention puisqu’elle visait à les empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire.

94. La Cour a déjà jugé normal pour l’État, en vertu de son « droit indéniable de contrôler (...) l’entrée et le séjour des étrangers sur leur territoire », d’avoir la faculté de placer en détention des candidats à l’immigration ayant sollicité – que ce soit par le biais d’une demande d’asile ou autrement – l’autorisation de pénétrer sur le territoire. Toutefois, la détention d’une personne constitue une atteinte majeure à la liberté individuelle et doit toujours être soumise à un contrôle rigoureux. Subsiste aussi toujours la question de savoir si la détention a été effectuée « selon les voies légales », au sens de l’article 5 § 1 (voir, avec d’autres références, Riad et Idiab, précité, § 70).

95. En matière de « régularité » d’une détention, y compris l’observation des « voies légales », la Convention renvoie pour l’essentiel à la législation nationale et consacre l’obligation d’en observer les normes de fond comme de procédure, mais elle exige de surcroît la conformité de toute privation de liberté au but de l’article 5 : protéger l’individu contre l’arbitraire (Amuur, précité, § 50). De plus, afin de ne pas être qualifiée d’arbitraire, la détention relevant de l’article 5 § 1 f) de la Convention doit être exécutée de bonne foi ; elle doit être étroitement rattachée au motif de détention avancé par le Gouvernement ; le lieu et les conditions de détention doivent être adéquats ; et la durée de détention ne doit pas excéder ce qu’exige raisonnablement le but poursuivi (voir, avec d’autres références, Abou Amer c. Roumanie, no 14521/03, § 37, 24 mai 2011).

96. Les requérants plaident que leur internement dans la zone de transit de l’aéroport de Sheremetyevo n’avait aucune base légale. Le HCR dit que le droit russe ne prévoyait aucune règle précisant les motifs ou la durée du séjour dans les zones frontalières ou les zones de transit ni aucune garantie procédurale pour les demandeurs d’asile à la frontière (paragraphe 75 ci‑dessus). En réponse, le Gouvernement se contente d’affirmer que le HCR n’est pas en mesure d’interpréter le droit russe ; il n’offre cependant aucune autre analyse du système juridique interne (paragraphe 67 ci-dessus).

97. Arguant d’un défaut de privation de liberté des requérants, le Gouvernement ne voit pas le besoin de se référer à une quelconque règle de droit interne régissant la privation de liberté alléguée par eux. Il cite néanmoins le chapitre 5 de l’annexe 9 à la Convention de Chicago (paragraphe 65 ci-dessus). La Cour constate que rien dans ce chapitre (paragraphe 62 ci-dessus) ni ailleurs dans le traité en question ne prévoit la moindre règle régissant la détention des passagers non munis des documents nécessaires, laissant implicitement le droit interne des États contractants réglementer cette question. Elle estime toutefois intéressant de noter que le paragraphe 5.2.1 de ce même chapitre souligne la nécessité de préserver la dignité des passagers non admissibles ou des personnes devant être expulsées et de les traiter conformément aux dispositions internationales pertinentes, tandis qu’une note au paragraphe 5.4 réaffirme le principe du non-refoulement. Elle considère donc que le chapitre 5 de l’annexe 9 à la Convention de Chicago ne peut servir de base légale à la détention d’une personne. Elle en conclut que le Gouvernement n’a cité aucune disposition légale qui aurait régi la privation de liberté des requérants.

98. La Cour a déjà établi que « détenir » un individu dans la zone de transit d’un aéroport pendant une durée indéterminée et imprévisible, sans que cette détention se fonde sur une disposition légale concrète ou sur une décision judiciaire valable et avec des possibilités limitées de contrôle judiciaire compte tenu des difficultés de contact permettant un accompagnement juridique concret, était en soi contraire au principe de la sécurité juridique, lequel est implicite dans la Convention et constitue l’un des éléments fondamentaux de l’État de droit (voir, avec d’autres références, Riad et Idiab, précité, § 78).

99. Faute pour le Gouvernement de s’être référé à une quelconque règle de droit russe permettant de motiver la privation de liberté des requérants, la Cour considère que l’internement de longue durée de ces derniers dans la zone de transit de l’aéroport de Sheremetyevo n’avait aucune base légale en droit interne, en violation des exigences de l’article 5 § 1 de la Convention.

100. Il y a donc eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention à l’égard de chacun des requérants.

2. Article 3 de la Convention

a) Sur la recevabilité

101. La Cour juge que ces griefs ne sont pas manifestement mal fondés au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’ils ne se heurtent à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il y a donc lieu de les déclarer recevable.

b) Sur le fond

102. La Cour rappelle tout d’abord que l’article 3 de la Convention consacre l’une des valeurs les plus fondamentales des sociétés démocratiques. Il prohibe en termes absolus la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, quels que soient les circonstances et le comportement de la victime. Un mauvais traitement doit atteindre un seuil minimum de gravité pour tomber sous le coup de l’article 3. L’appréciation de ce minimum est relative ; elle dépend de l’ensemble des données de la cause, notamment de la durée du traitement et de ses effets physiques ou mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l’âge et de l’état de santé de la victime (voir, avec d’autres références, Muršić c. Croatie [GC], no 7334/13, §§ 96-97, 20 octobre 2016).

103. Les requérants en l’espèce se sont tous les quatre retrouvés confinés à l’intérieur de la zone de transit de l’aéroport de Sheremetyevo. La Cour a déjà conclu que cette mesure s’analysait en une privation de liberté (paragraphe 90 ci-dessus). Elle rappelle que l’État doit s’assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités d’exécution de la mesure ne soumettent pas l’intéressé à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l’emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate (ibidem, § 99).

104. La Cour rappelle en outre qu’assortie de garanties adéquates pour les personnes qui en font l’objet, la privation de liberté imposée aux étrangers n’est acceptable que pour permettre aux États de combattre l’immigration clandestine tout en respectant leurs engagements internationaux, découlant notamment de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés et de la Convention européenne des droits de l’homme. Le souci légitime des États de déjouer les tentatives de plus en plus fréquentes de contourner les restrictions à l’immigration ne doit pas priver les demandeurs d’asile de la protection accordée par ces conventions. Lorsque la Cour est amenée à contrôler les modalités d’exécution de la mesure de détention à l’aune de la Convention, elle doit avoir égard à la situation particulière de ces personnes. Les États doivent notamment prendre en considération l’article 3 de la Convention (voir, avec d’autres références, M.S.S. c. Belgique et Grèce [GC], no 30696/09, §§ 216-18, CEDH 2011).

105. Les requérants disent que leurs conditions matérielles de séjour dans la zone de transit de l’aéroport de Sheremetyevo étaient épouvantables. Ils n’auraient pas disposé de lits pour dormir, ni de lieux pour assurer leur hygiène personnelle, ni de la moindre intimité (paragraphes 9, 21, 32 et 47 ci-dessus). Le HCR, quant à lui, confirme sur tous les points la description faite par les requérants de leurs conditions d’internement dans les zones de transit d’aéroports russes (paragraphe 80 ci-dessus).

106. Se référant au critère de preuve bien établi dans les affaires de conditions de détention (Ananyev et autres c. Russie, nos 42525/07 et 60800/08, §§ 121-23, 10 janvier 2012), la Cour considère que les requérants en l’espèce ont livré une description crédible et raisonnablement détaillée de leurs conditions de détention qu’ils estiment dégradantes, ce qui constitue un commencement de preuve d’un mauvais traitement (Muršić, précité, § 128) et renverse la charge de la preuve au détriment du gouvernement défendeur. Or ce dernier a choisi de ne faire aucune observation sur les griefs formulés par les requérants sur le terrain de l’article 3 de la Convention. Faute pour lui d’avoir produit le moindre élément de preuve contraire, la Cour juge établi que les requérants, lorsqu’ils ont été détenus dans la zone de transit de l’aéroport de Sheremetyevo, n’ont pas disposé de lits individuels ni eu accès à des douches ou à une cuisine.

107. La Cour n’a guère de doute qu’un lieu public tel que la zone de transit d’un aéroport, non doté d’équipements de première nécessité comme des lits, des douches ou des lieux pour cuisiner, est par définition mal équipé pour servir de lieu de séjour à long terme. Elle a déjà constaté des violations de l’article 3 de la Convention à raison de mauvaises conditions de détention (d’une durée de onze et quinze jours) dans la zone de transit de l’aéroport de Bruxelles (Riad et Idiab, précité, § 88). La principale distinction palpable entre cette affaire et la présente est que les requérants en l’espèce ont dû subir de mauvaises conditions de détention pendant non pas quelques jours mais plusieurs mois de suite (paragraphe 88 ci-dessus). MM. Z.A. et Yasien ont finalement pu quitter la zone de transit, grâce aux efforts du HCR (paragraphes 16 et 52 ci-dessus). M. M.B. a également pu quitter l’aéroport de Sheremetyevo (paragraphe 26 ci-dessus). M. A.M. est parti de la zone de transit après y avoir passé un an et onze mois (paragraphe 40 ci-dessus).

108. Comme dans l’affaire Riad et Idiab, la Cour juge inacceptable que quelqu’un puisse être détenu dans des conditions dépourvues de toute prise en charge de ses besoins essentiels (ibidem, § 106). Que le HCR ait subvenu à certains des besoins des requérants n’enlève rien à la situation totalement inacceptable que les intéressés ont manifestement dû endurer.

109. Rappelant que l’absence de volonté délibérée d’humilier ou de rabaisser les requérants ne saurait écarter un constat de violation de l’article 3 de la Convention (Peers c. Grèce, no 28524/95, § 74, CEDH 2001‑III), la Cour estime que les conditions que les requérants ont été obligés de subir pendant leur détention de longue durée leur ont causé un préjudice moral considérable, heurtant leur dignité et faisant naître chez eux un sentiment d’humiliation et d’avilissement.

110. Au vu de ce qui précède, la Cour considère que la détention des requérants pendant de longs mois, dans des conditions inacceptables, à l’intérieur de la zone de transit de l’aéroport de Sheremetyevo s’analyse en un traitement inhumain et dégradant, au sens de l’article 3 de la Convention (Riad et Idiab, précité, § 110).

111. Il y a donc eu violation de l’article 3 de la Convention à l’égard de chacun des requérants.

III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

112. L’article 41 de la Convention dispose :

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

113. L’auteur de la requête no 61411/15, M. Z.A., réclame 20 000 euros (EUR) pour dommage moral.

114. L’auteur de la requête no 61420/15, M. M.B., réclame 15 000 EUR pour dommage moral.

115. L’auteur de la requête no 61427/15, M. A.M., réclame 35 000 EUR pour dommage moral.

116. M. Yasien réclame 20 000 EUR pour dommage moral.

117. Le Gouvernement dit ceci au sujet des demandes de chacun des requérants : « si la Cour conclut qu’il y a eu violation de la Convention et qu’une somme doit être accordée aux requérants au titre de la satisfaction équitable, l’article 41 de la Convention devrait être appliqué conformément à la jurisprudence constante de la Cour ».

118. La Cour a constaté des violations des articles l’article 5 § 1 et 3 de la Convention à l’égard de chacun des requérants. Elle estime que les requérants ont dû subir un traumatisme pour lequel ces constats de violation ne peuvent à eux seuls offrir une satisfaction équitable. Elle juge équitable d’accorder les montants réclamés pour dommage moral à MM. Z.A., M.B. et Yasien – c’est-à-dire 20 000 EUR, 15 000 EUR et 20 000 EUR, respectivement. Quant à M. A.M., elle lui alloue 26 000 EUR pour dommage moral.

B. Frais et dépens

119. L’auteur de la requête no 61411/15 réclame 1 650 EUR pour ses frais et dépens occasionnés au niveau interne ainsi que 3 500 EUR pour ceux occasionnés devant la Cour.

120. L’auteur de la requête no 61420/15 réclame 1 250 EUR pour ses frais et dépens occasionnés au niveau interne ainsi que 3 500 EUR pour ceux occasionnés devant la Cour.

121. L’auteur de la requête no 61427/15 réclame 3 500 EUR pour ses frais et dépens occasionnés devant la Cour.

122. M. Yasien réclame 2 000 EUR pour ses frais et dépens occasionnés au niveau interne ainsi que 3 500 EUR pour ceux occasionnés devant la Cour.

123. Le Gouvernement considère que l’article 41 de la Convention devrait être appliqué conformément à la jurisprudence de la Cour.

124. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, au vu des éléments en sa possession des critères ci-dessus, la Cour juge raisonnable d’accorder à chaque requérant 3 500 EUR, tous chefs de dépens confondus.

C. Intérêts moratoires

125. La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

1. Décide, à l’unanimité, de joindre les requêtes ;

2. Déclare, à l’unanimité, les requêtes recevables ;

3. Dit, par six voix contre une, qu’il y a eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention à l’égard de chacun des requérants ;

4. Dit, par six voix contre une, qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention à l’égard de chacun des requérants ;

5. Dit, par six voix contre une,

a) que l’État défendeur doit verser à chacun des requérants, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable au jour du règlement :

i. pour dommage moral :

15 000 EUR (quinze mille euros) à M. M.B., plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par lui sur cette somme ;

20 000 EUR (vingt mille euros) à MM. Z.A. et Yasien, respectivement, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par eux sur cette somme ;

26 000 EUR (vingt-six mille euros) à M. A.M., plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par lui sur cette somme ;

ii. pour frais et dépens :

3 500 EUR (trois mille cinq cents euros) à chaque requérant, respectivement, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par lui sur cette somme.

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

6. Rejette, à l’unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en anglais, puis communiqué par écrit le 28 mars 2017 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Stephen PhillipsHelena Jäderblom
GreffierPrésidente

Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée du juge Dedov.

H.J.
J.S.P.

OPINION DISSIDENTE DU JUGE DEDOV

[Traduction]

Je regrette de ne pas pouvoir me rallier à la majorité de mes collègues, qui ont conclu à la violation des articles 3 et 5 de la Convention en l’espèce.

Article 5

Il est évident que les requérants n’ont pas été privés de leur liberté car ils étaient libres de quitter la zone de transit et de prendre un vol pour n’importe quel autre pays, y compris leur pays d’origine. Leurs demandes d’asile et l’examen de celles-ci par les autorités ne peuvent permettre de conclure que le Gouvernement a détenu les requérants ou restreint leur liberté de mouvement.

La Cour n’a pas conclu que la détention des requérants s’analysait apparemment en une conséquence de facto d’une quelconque action d’agents de l’État (saisie de passeport ou restriction de l’espace de vie). Elle n’a pas non plus évoqué le fait que les requérants ne pouvaient quitter la zone de transit autrement qu’en prenant un vol parce qu’ils savaient qu’ils n’entreraient pas sur le territoire de l’État sans visa ou permis de séjour valable. Autrement, les contrôles aux frontières pourraient passer pour une mesure surannée non compatible avec le but légitime d’une nouvelle société mondialisée axée sur la notion de droits et libertés fondamentaux. Toujours est-il que les requérants ont délibérément choisi eux-mêmes de rester dans la zone de transit, sans raisons impérieuses.

Or, la Cour a examiné ces circonstances en suivant le raisonnement inverse. Dans le paragraphe essentiel de son arrêt (le paragraphe 89), elle a conclu que les requérants avaient été privés de leur liberté 1) parce qu’ils n’avaient pas la possibilité d’entrer sur le territoire russe ; 2) parce qu’ils n’avaient pas choisi de rester dans la zone de transit ; et 3) parce que leurs demandes d’asile n’avaient pas encore été examinées. À mes yeux, aucun de ces facteurs n’a le moindre rapport avec une privation de liberté. La seule remarque générale que je peux ajouter est que ces considérations sont le reflet d’une vision néolibérale de la vie en société, dans laquelle les libertés priment l’intérêt général et la responsabilité individuelle au point que l’État devient apparemment responsable dès que surgit n’importe quelle difficulté dans leur vie privée, fût-elle le fait des intéressés eux-mêmes.

Article 3

Pour ce qui est des allégations de traitement inhumain en l’espèce, l’issue dépend de la première question, c’est-à-dire celle de savoir si les requérants ont été privés de leur liberté et s’ils se trouvaient entre les mains des autorités. Il faut à mon sens y répondre par la négative, les circonstances factuelles nécessaires faisant défaut. Manifestement, les requérants se sont mis dans une situation difficile (et ce, délibérément), mais on ne peut pas dire que celle-ci fût dégradante pour la dignité humaine (voir, en comparaison, Ananyev et autres c. Russie, nos 42525/07 et 60800/08, 10 janvier 2012). Les requérants se plaignent que les autorités n’aient pas pris soin d’eux. Étrange allégation à mes yeux, mais la Cour accepte une nouvelle fois de délester de leur charge des étrangers irresponsables et de la faire peser sur les autorités de l’État. Cette vision néolibérale empêche la Cour de se poser la question suivante : les requérants ont-ils cherché à régler leurs problèmes eux-mêmes ? Voilà comment ce transfert arbitraire de responsabilité commence à devenir une interprétation institutionnalisée de la Convention en tant qu’instrument international.

Remarques plus générales

Pareille interprétation (s’inspirant d’une vision néolibérale) est déjà à l’origine de la crise idéologique et politique actuelle en Occident provoquée par les migrations massives (de nature surtout économique). L’approche fondée sur la vision susmentionnée permet d’exiger des États plus que ce qui est nécessaire. Elle tend à encourager chacun non pas à devenir indépendant et responsable, mais plutôt à développer des qualités humaines totalement opposées. Ainsi mériteraient notre tolérance ceux qui quittent leur pays d’origine pour un endroit meilleur, au lieu d’améliorer la vie chez eux, d’apporter leur propre contribution à la situation économique nationale ou à lutter pour la paix dans leur pays. Pourquoi vouloir chercher nous-mêmes à être toujours entreprenants, à nous investir dans le processus d’éducation, à faire preuve de responsabilité et d’initiative, à nous épanouir culturellement, mais sans exiger des autres de telles ambitions, ou au moins attendre d’eux qu’ils aient eu la motivation pour démontrer ces qualités ?

Toute personne en difficulté doit chercher à préserver sa propre dignité. En l’espèce, les requérants auraient pu y parvenir. Leur choix est particulièrement représentatif. Ce sont tous des hommes jeunes en bonne santé âgés de vingt-cinq à trente-cinq ans. Ils n’appartiennent à aucun groupe vulnérable. Néanmoins, même s’ils avaient appartenu à un tel groupe, la Cour aurait quand même pu adopter une position controversée. Elle aurait pu juger que malgré leur « vulnérabilité spécifique [qui est celle du] demandeur d’asile, du fait de son parcours migratoire et des expériences traumatiques qu’il peut avoir vécues en amont » (M.S.S. c. Belgique et Grèce, précité, § 232), les requérants « n’étaient pas plus vulnérables que d’autres demandeurs d’asile majeurs » (Mahamed Jama c. Malte, no 10290/13, § 100, 26 novembre 2015). Je ne vois aucune raison de considérer les requérants en l’espèce comme des personnes vulnérables.

Comme exemple de mesures visant à préserver la dignité humaine, je recommanderais de voir ce grand film intitulé « Le terminal », avec Tom Hanks, dont le personnage ne se plaint pas mais conserve sa dignité dans des circonstances difficiles grâce à ses qualités, son éducation et ses connaissances personnelles. Sa situation peut être qualifiée de détention et elle est même pire que celle ici examinée : il ne peut pas rentrer dans son pays d’origine parce que tous les vols ont été annulés pour des raisons de sécurité ; son passeport n’est pas reconnu comme valable en raison des incertitudes dans la situation politique du pays d’origine ; il est muni d’un visa valable mais arbitrairement invalidé par les autorités « les plus démocratiques » du monde ; et il ne voyageait pas vers un pays tiers pour y rechercher un emploi.

En l’espèce, sans disposer d’un titre valable pour entrer sur le territoire de l’État défendeur, les requérants estimaient néanmoins que le monde entier leur était ouvert et que leur arrivée à la frontière du pays faisait automatiquement peser sur l’État l’obligation de prendre soin d’eux et de créer pour leur détention une base légale entourée de toutes les garanties procédurales pertinentes. Une telle approche a pour conséquence automatique (et donc arbitraire) d’engager la responsabilité de l’État pour des faits échappant à son emprise (mauvaise situation générale ou personnelle dans le pays d’origine). Permettez-moi de démontrer jusqu’où la Cour peut aller (au regard des attributions élémentaires de l’État) dans un contexte aussi controversé. Ceci est un extrait de l’arrêt Riab et Idiab (Riad et Idiab c. Belgique, nos 29787/03 et 29810/03, 24 janvier 2008, précité) :

« 78. (...) La Cour estime que le fait de « détenir » un individu dans [la zone de transit d’un aéroport] durant une période d’une durée indéterminée et imprévisible sans que cette détention se fonde sur une disposition légale concrète ou sur une décision judiciaire valable et avec des possibilités de contrôle judiciaire limitées vu les difficultés de contact permettant un accompagnement juridique concret, est en soi contraire au principe de la sécurité juridique, lequel est implicite dans la Convention et qui constitue l’un des éléments fondamentaux de l’État de droit (...) »

Les néolibéraux devraient accepter que la liberté de circulation n’est pas absolue. Je pense que cette liberté est limitée non pas par les frontières mais seulement par les capacités et les aptitudes qui nous sont propres. Cette liberté ne devrait jamais être restreinte pour ceux qui épanouissent leur personnalité et se créent de nouvelles chances, et qui sont actifs. Il n’y a pas de frontière pour ceux que recherchent les sociétés professionnelles, les employeurs ou le public.

ANNEXE

No

|

Requête no

|

Intitulé de la requête

---|---|---

1.

|

61411/15

|

Z.A. c. Russie

2.

|

61420/15

|

M.B. c. Russie

3.

|

61427/15

|

A.M. c. Russie

4.

|

3028/16

|

Yasien c. Russie


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