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04/10/2016 | CEDH | N°001-167521

CEDH | CEDH, AFFAIRE YAROSLAV BELOUSOV c. RUSSIE [Extraits], 2016, 001-167521


TROISIÈME SECTION

AFFAIRE YAROSLAV BELOUSOV c. RUSSIE

(Requêtes nos 2653/13 et 60980/14)

ARRÊT

(extraits)

STRASBOURG

4 octobre 2016

DÉFINITIF

06/03/2017

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Yaroslav Belousov c. Russie,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Luis López Guerra, président,
Helena Jäderblom,
Helen Keller,


Dmitry Dedov,
Branko Lubarda,
Georgios A. Serghides,
Pere Pastor Vilanova, juges,
et de Stephen Phillips, greffier de section,

Après en avoir ...

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE YAROSLAV BELOUSOV c. RUSSIE

(Requêtes nos 2653/13 et 60980/14)

ARRÊT

(extraits)

STRASBOURG

4 octobre 2016

DÉFINITIF

06/03/2017

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Yaroslav Belousov c. Russie,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Luis López Guerra, président,
Helena Jäderblom,
Helen Keller,
Dmitry Dedov,
Branko Lubarda,
Georgios A. Serghides,
Pere Pastor Vilanova, juges,
et de Stephen Phillips, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 6 septembre 2016,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouvent deux requêtes (nos 2653/13 et 60980/14) dirigées contre la Fédération de Russie et dont un ressortissant de cet État, M. Yaroslav Gennadiyevich Belousov (« le requérant »), a saisi la Cour respectivement le 20 décembre 2012 et le 2 septembre 2014 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant a été représenté par Me D.V. Agranovskiy, avocat à Elektrostal. Le gouvernement russe (« le Gouvernement ») a été représenté par M. G. Matyushkin, représentant de la Fédération de Russie auprès de la Cour européenne des droits de l’homme.

3. Le requérant se plaignait de son procès et de sa condamnation pour participation à des troubles de grande ampleur. Il avançait que son placement en détention provisoire n’avait pas été fondé sur des motifs pertinents et suffisants et soutenait que différents aspects de sa détention s’analysaient en un traitement inhumain et dégradant. Il assurait également ne pas avoir pu faire entendre équitablement sa cause pendant son procès pénal et se disait victime d’une violation de son droit à la liberté d’expression et de son droit à la liberté de réunion pacifique.

4. Les requêtes ont été communiquées au Gouvernement respectivement le 10 septembre 2013 et le 13 octobre 2014. Il a été décidé de traiter ces requêtes en priorité en vertu de l’article 41 du règlement de la Cour (« le règlement »).

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Le requérant est né en 1991 et vit à Moscou.

6. Le 6 mai 2012, il fut arrêté pendant la dispersion d’un rassemblement à caractère politique qui se tenait sur la place Bolotnaïa, à Moscou. Il fut déclaré coupable de désobéissance à des ordres légitimes de la police, ce qui constituait une infraction en vertu de l’article 19 § 3 du code des infractions administratives, puis inculpé de participation à des troubles de grande ampleur et de violences contre des policiers, deux infractions pénales réprimées par les articles 212 § 2 et 318 § 1 du code pénal. Il fut placé en détention, jugé pour ces chefs d’inculpation et condamné à une peine de deux ans et trois mois d’emprisonnement.

A. Le rassemblement public du 6 mai 2012

7. Le contexte relatif à la planification, au déroulement et à la dispersion du rassemblement de la place Bolotnaïa est décrit en détail dans l’arrêt Frumkin c. Russie (no 74568/12, §§ 7-65, CEDH 2016 (extraits)). Les observations des parties relatives aux circonstances directement pertinentes pour la présente affaire sont exposées ci-dessous.

8. Le 23 avril 2012, cinq personnes (M. I. Bakirov, M. S. Davidis, Mme Y. Lukyanova, Mme N. Mityushkina et M. S. Udaltsov) remirent au maire de Moscou une déclaration préalable de manifestation publique. Aux termes de cette déclaration, la manifestation avait pour objet de « protester contre les irrégularités et les fraudes ayant entaché les élections à la Douma d’État ainsi que l’élection du président de la Fédération de Russie, et de réclamer des élections régulières ainsi que le respect des droits de l’homme, de l’état de droit et des obligations internationales contractées par la Fédération de Russie ».

9. Le 3 mai 2012, le service régional de la sécurité de Moscou approuva le parcours de la manifestation, qui devait partir de la place Kaloujskaïa, descendre la rue Bolchaïa Iakimanka et la rue Bolchaïa Polianka et se terminer en un rassemblement sur la place Bolotnaïa. Le service nota que les organisateurs avaient fourni un projet détaillé pour les événements prévus. La marche devait commencer à 16 heures et le rassemblement avoir pris fin à 19 h 30. Il était prévu que cette manifestation réunirait 5 000 personnes.

10. Le 4 mai 2012, le premier directeur adjoint du service régional de la sécurité de Moscou rencontra lors d’une réunion de travail les organisateurs de la manifestation de la place Bolotnaïa pour s’entretenir des questions de sécurité. Les organisateurs et les autorités convinrent que le périmètre de l’événement et les dispositifs de sécurité seraient identiques à ceux de la manifestation publique qui avait été précédemment organisée par le même groupe de militants de l’opposition le 4 février 2012. À cette occasion, le rassemblement s’était déroulé dans le parc de la place Bolotnaïa et sur le quai Bolotnaïa.

11. Le 5 mai 2012, le parquet du district central (Tsentralni) de Moscou adressa à deux des organisateurs, M. Davidis et M. Udaltsov, un avertissement leur enjoignant de ne pas dépasser le nombre de participants déclaré et de ne pas installer de tentes de camping sur le lieu du rassemblement, les organisateurs ayant selon lui, pendant la réunion de travail, exprimé leur intention de le faire.

12. Le même jour, la direction du ministère de l’Intérieur pour la ville de Moscou publia sur son site Internet des renseignements officiels à propos de la manifestation prévue pour le 6 mai 2012, et notamment une carte. Celle-ci indiquait le parcours du défilé, les restrictions à la circulation ainsi qu’un plan d’accès à la place Bolotnaïa ; elle délimitait le périmètre alloué au rassemblement, qui englobait le parc de la place Bolotnaïa. Elle indiquait également qu’il fallait traverser le parc pour se rendre au rassemblement.

13. Le même jour, le chef de la police de la direction du ministère de l’Intérieur pour la ville de Moscou adopta un plan de maintien de l’ordre public à Moscou pour la journée du 6 mai 2012 (« le plan de sécurité »). Avant la manifestation qui était autorisée sur la place Bolotnaïa et en prévision des tentatives qui seraient éventuellement menées par d’autres groupes d’opposition pour organiser des rassemblements publics non autorisés, ce plan prévoyait des mesures de sécurité au centre de Moscou ainsi que la mise en place d’un commandement opérationnel chargé de les appliquer. Les unités de police ayant reçu la mission de faire respecter l’ordre pendant le défilé et le rassemblement comptaient 2 400 policiers antiémeute, dont 1 158 étaient positionnés sur la place Bolotnaïa. Ces policiers avaient notamment pour instruction de fouiller les manifestants afin de les empêcher d’introduire des tentes dans le périmètre du rassemblement. Ils devaient aussi interdire l’accès au pont Bolchoï Kamenny pour canaliser les manifestants vers le quai Bolotnaïa, où la réunion publique devait avoir lieu. Ils devaient également installer un cordon de sécurité autour du parc de la place Bolotnaïa, adjacent au quai.

14. Le 6 mai 2012 vers 13 h 30, les organisateurs furent autorisés à accéder au site du rassemblement afin de monter la scène et d’installer le matériel de sonorisation. La police fouilla les véhicules qui livraient le matériel et y trouva trois tentes, qu’elle saisit. Elle arrêta plusieurs personnes pour avoir apporté ces tentes.

15. Au début de la marche, les organisateurs signèrent un document par lequel ils s’engageaient à assurer l’ordre public pendant la manifestation et promirent à la police que le périmètre et les horaires accordés pour le rassemblement seraient respectés et qu’aucune tente ne serait montée sur la place Bolotnaïa.

16. Le cortège démarra à 16 h 30 de la place Kaloujskaïa. Il descendit la rue Iakimanka dans le calme et sans causer de perturbations. Les participants étaient plus nombreux que prévu, mais leur chiffre exact ne fait pas consensus. Les autorités annoncèrent 8 000 participants, alors que les organisateurs estimaient qu’ils étaient environ 25 000. Les médias rapportèrent des chiffres différents, dont certains dépassaient nettement les estimations susmentionnées.

17. Vers 17 heures, le cortège approcha de la place Bolotnaïa. Les chefs de file constatèrent que le périmètre du site du rassemblement et l’emplacement du cordon de police ne correspondaient pas à ce qu’ils avaient prévu. Contrairement à ce qui s’était passé lors de la manifestation du 4 février 2012, le parc de la place Bolotnaïa était exclu du périmètre alloué à la manifestation, lequel se limitait au quai Bolotnaïa.

18. Se retrouvant face au cordon de police et dans l’impossibilité d’accéder au parc, les chefs de file du cortège, à savoir MM. S. Udaltsov, A. Navalnyy, B. Nemtsov et I. Yashin, s’arrêtèrent et demandèrent à la police d’ouvrir l’accès au parc. Les policiers formant le cordon n’engagèrent pas de discussion avec les chefs de file des manifestants et aucun gradé ne fut appelé à venir négocier avec ceux-ci. Après s’être efforcés pendant quinze minutes d’engager des pourparlers avec les policiers du cordon, à 17 h 16, les quatre chefs de file annoncèrent qu’ils allaient faire un « sit-in » et s’assirent par terre. Les personnes qui les suivaient s’arrêtèrent, mais certaines continuèrent d’avancer en direction de la scène.

19. Entre 17 h 20 et 17 h 45, deux députés de la Douma d’État s’efforcèrent de négocier l’élargissement du périmètre réservé à la manifestation et d’obtenir que l’on repoussât le cordon de police derrière le parc, c’est-à-dire là où les organisateurs pensaient le trouver. Dans le même temps, le médiateur de la Fédération de Russie tenta, à la demande de la police, de persuader les chefs de file du sit-in de remettre le cortège en marche et de le diriger vers le site du rassemblement, sur le quai Bolotnaïa, où la scène avait été dressée. Pendant ce laps de temps, pas un officier supérieur de police ni un responsable municipal ne vint sur le site du sit-in et il n’y eut pas de communication directe entre les autorités et les chefs de file du sit-in.

20. À 17 h 50, la foule se massa autour des manifestants assis par terre, ce qui entraîna des encombrements. Les chefs de file cessèrent alors leur protestation et se dirigèrent vers la scène, suivis par la foule.

21. À 17 h 55, les médias rapportèrent que les autorités de police considéraient le sit-in comme une incitation à provoquer des troubles de grande ampleur et qu’elles envisageaient de poursuivre les responsables.

22. Au même moment, il y eut une certaine agitation près du cordon de police, à l’endroit évacué par les participants au sit-in, et le cordon de police fut rompu en plusieurs points. Une foule d’une centaine de personnes s’éparpilla dans l’espace vide situé au-delà du cordon. En quelques secondes, la police reforma le cordon, qui fut renforcé par l’arrivée d’une unité antiémeute supplémentaire. Les personnes qui se retrouvèrent en dehors du cordon errèrent au hasard, ne sachant que faire. Plusieurs personnes furent appréhendées, d’autres furent repoussées à l’intérieur du cordon, et certaines s’attardèrent encore à l’extérieur ou se dirigèrent vers le parc. Le cordon de police commença à repousser la foule à l’intérieur du périmètre délimité et avança de plusieurs mètres, la comprimant à l’intérieur de cette zone.

23. À 18 heures, sur instruction de la police, Mme Mityushkina annonça depuis la scène que le rassemblement était terminé, mais apparemment la plupart des manifestants ainsi que les envoyés spéciaux des médias retransmettant l’événement n’entendirent pas son message. Cette annonce ne figure pas sur la bande de la séquence filmée en direct par les équipes de la télévision, qui a été versée au dossier par les parties.

24. Au même moment, à l’angle du pont Maly Kamenny, un cocktail Molotov fut lancé depuis la foule sur le cordon de police reformé. Il atterrit à l’extérieur du cordon et le pantalon d’un passant prit feu. La police éteignit promptement le feu.

25. À 18 h 15, à ce même angle du pont Maly Kamenny, la police antiémeute chargea les manifestants afin de disperser la foule. Courant en formations serrées, les policiers séparèrent les manifestants, en arrêtèrent quelques-uns, en affrontèrent d’autres puis formèrent de nouveaux cordons afin de scinder les manifestants en groupes isolés. Certains manifestants s’emparèrent de barrières métalliques et les alignèrent de manière à pouvoir résister à la police, lancèrent divers projectiles sur des policiers en criant et en scandant « honte » ainsi que d’autres slogans, et tentèrent de ramener vers eux les manifestants qui se faisaient appréhender par les policiers. Les policiers appliquèrent des techniques de combat et firent usage de leurs matraques.

26. À 18 h 20, M. Udaltsov monta sur la scène de l’autre côté de la place pour s’adresser aux participants au rassemblement. Il fut alors arrêté. M. Navalnyy tenta lui aussi de monter sur la scène, mais il fut également arrêté, de même que M. Nemtsov, cinq minutes plus tard.

27. Pendant ce temps, au niveau du pont Maly Kamenny, la police continuait de scinder la foule en groupes et d’en écarter certains du site de la manifestation. Elle demandait, via des haut-parleurs, aux manifestants de se diriger vers la station de métro. Les opérations de dispersion se poursuivirent pendant encore au moins une heure jusqu’à l’évacuation totale du site.

28. Le même jour, la commission d’enquête de la Fédération de Russie ouvrit une enquête pénale pour troubles de grande ampleur et violences contre la police (articles 212 § 2 et 318 § 1 du code pénal).

29. Le 28 mai 2012, une enquête pénale fut également lancée pour organisation de troubles de grande ampleur (article 212 § 1 du code pénal). La jonction de ces deux affaires pénales fut décidée le même jour.

30. Le 24 mai 2013, la première affaire pénale dirigée contre douze individus soupçonnés d’avoir pris part à des troubles de grande ampleur, dont le requérant, fut transférée au tribunal du district Zamoskvoretski de Moscou, qui fut appelé à statuer sur les accusations en matière pénale dirigées contre eux (la première affaire « Bolotnaïa »).

31. Le 21 février 2014, le tribunal du district Zamoskvoretski de Moscou rendit son jugement dans la première affaire Bolotnaïa. Il déclara huit individus, dont le requérant, coupables de participation à des troubles de grande ampleur et de violences contre les forces de police à l’occasion du rassemblement public du 6 mai 2012, et les condamna à des peines allant de deux ans et demi à quatre ans d’emprisonnement ; l’un d’eux bénéficia d’une libération conditionnelle. Le requérant fut condamné à deux ans et six mois d’emprisonnement. Trois autres accusés avaient précédemment été graciés en vertu de la loi d’amnistie et une disjonction d’instance fut décidée pour un quatrième accusé. Ce jugement fut confirmé par le tribunal de Moscou le 20 juin 2014. Celui-ci ramena la peine infligée au requérant à deux ans et trois mois d’emprisonnement.

32. Le 24 juillet 2014, le tribunal de Moscou jugea M. Udaltsov et M. Razvozzhayev coupables d’avoir organisé des troubles de grande ampleur le 6 mai 2012 et les condamna à quatre ans et demi d’emprisonnement. Le 18 mars 2015, la Cour Suprême de la Fédération de Russie confirma le jugement du 24 juillet 2014, en lui apportant des modifications.

33. Le 18 août 2014, le tribunal du district Zamoskvoretski de Moscou examina une autre affaire « Bolotnaïa » et déclara quatre personnes coupables d’avoir participé aux troubles de grande ampleur et commis des actes de violence contre des policiers pendant la manifestation du 6 mai 2012. Il les condamna à des peines allant de deux ans et demi à trois ans et demi d’emprisonnement ; l’une d’elles bénéficia d’une libération conditionnelle. Ce jugement fut confirmé par le tribunal de Moscou le 27 novembre 2014.

B. L’arrestation et la détention provisoire du requérant

34. Au moment de son arrestation, le requérant était étudiant à la faculté de sciences politiques de l’université d’État de Moscou et il vivait avec son épouse et leur enfant né en 2011. Le 6 mai 2012, il arriva sur la place Bolotnaïa pour participer à la manifestation mais il n’aurait pas selon lui pris part aux troubles ni aux affrontements avec la police, bien qu’il se trouvât dans la zone où ces heurts eurent lieu. À un moment pendant la dispersion de la manifestation, il ramassa sur le sol un petit objet sphérique jaune qu’il lança par-dessus la tête des manifestants dans la direction de la police. Il fut arrêté peu après. On ne sait pas s’il fut placé en détention ce jour-là.

35. Le 17 mai 2012, le requérant fut accusé d’avoir désobéi à un ordre légitime donné par un agent de police le 6 mai 2012. Il fut reconnu coupable de l’infraction visée par l’article 19 § 3 du code des infractions administratives et condamné à vingt-quatre heures de détention.

36. Jusqu’au 9 juin 2012, le requérant continua d’étudier à l’université et de vivre avec sa famille à son adresse habituelle. À cette date, il fut placé en détention car il était soupçonné d’avoir pris part aux troubles de grande ampleur du 6 mai 2012.

(...)

E. Les conditions dans le prétoire

74. Le 6 juin 2013, le procès s’ouvrit dans la salle d’audience no 338 du tribunal de Moscou. Celui-ci avait prêté ses locaux au tribunal du district Zamoskvoretski afin qu’il pût accueillir tous les participants au procès ainsi que le public et la presse. Dans cette salle d’audience, les dix accusés se tenaient dans un box vitré mesurant 3,2 m x 1,7 m x 2,3 m (hauteur). Le Gouvernement soutient que ce box vitré était un aménagement permanent du prétoire et qu’il se composait d’une structure en acier et de parois en verre pare-balles, d’une cloison intérieure, d’un plafond en grillage d’acier et d’une porte blindée ; des bancs étaient disposés à l’intérieur. Les parois du box comportaient des ouvertures permettant aux accusés et à leurs avocats d’échanger des documents ; des bouches d’aération se situaient au niveau du sol et un climatiseur se trouvait près du banc des accusés. Le box était équipé de microphones permettant aux accusés de se concerter avec leurs avocats et de participer plus facilement aux débats. Le Gouvernement précise que des agents d’escorte, positionnés de part et d’autre du box, surveillaient les accusés et déjouaient toute tentative de « contact avec l’extérieur », mais que, avec l’autorisation du tribunal, les accusés pouvaient communiquer avec leurs avocats.

75. Le requérant soutient que le box vitré était exigu, mal ventilé et presque complètement insonorisé, ce qui entravait selon lui la participation des accusés aux débats et leur communication avec leurs avocats. Il ajoute que les bancs étaient dépourvus de dossier et que faute d’espace, il était impossible aux accusés d’avoir des documents avec eux ; il dit aussi qu’il qu’il ne pouvait pas consulter son avocat ni les documents relatifs à l’affaire pendant l’audience. Il avance enfin qu’à cause de la distance qui séparait le box de l’écran ainsi que de sa vue défaillante, il n’a pas pu voir depuis le box la vidéo présentée pendant l’audience à titre de preuve.

76. En août 2013, le procès se poursuivit dans la salle d’audience no 635 du tribunal de Moscou. Celle-ci était équipée de deux box vitrés similaires à celui qui se trouvait dans la salle d’audience no 338, à ceci près qu’ils ne comportaient pas d’ouverture permettant de faire passer les documents. Chaque box mesurait 4 m x 1,2 m x 2,3 m (hauteur). À partir du 2 août 2013, sous l’effet d’une modification de la mesure de contrainte le concernant, l’un des accusés ne fut plus placé dans le box vitré. Les neuf autres étaient répartis entre les deux box.

77. De la mi-septembre 2013 à la fin de 2013, les audiences se poursuivirent dans les locaux du tribunal du district Nikulinskiy de Moscou (salle d’audience no 303) puis, en janvier et février 2014, dans ceux du tribunal du district Zamoskvoretski (salle d’audience no 410). Ces salles d’audience étaient dotées de cages métalliques dans lesquelles les neuf accusés (huit à compter du 19 décembre 2013), dont le requérant, étaient assis pendant les audiences. Selon les photographies fournies par le requérant, ces cages présentaient des dimensions similaires à celles des box vitrés décrits ci-dessus et renfermaient elles aussi des bancs pour tout mobilier.

F. Le procès du requérant

78. Le 6 juin 2013 s’ouvrit devant le tribunal du district Zamoskvoretski de Moscou une audience préparatoire dans le procès pénal intenté contre dix participants au rassemblement public de la place Bolotnaïa qui étaient accusés d’avoir pris part à des troubles de grande ampleur et à des violences contre des policiers. Le 18 juin 2013, ce même tribunal ouvrit l’audience sur le fond de l’affaire.

79. Le 13 novembre 2013, le policier F., qui se disait victime de voie de fait perpétrée par le requérant, fut entendu en qualité de témoin. Il déclara que le requérant avait lancé un objet jaune non identifié qui l’avait atteint à l’épaule en lui faisant mal. Le requérant demanda que les dépositions qu’avait faites F. pendant l’enquête, qui ne mentionnaient ni l’objet jaune ni le requérant, fussent lues à haute voix dans le prétoire. Le requérant observa que pendant l’enquête il n’avait pas été organisé de séance d’identification qui aurait permis à F. de reconnaître la personne qui l’avait agressé ; au contraire, le requérant et F. auraient été interrogés dans le cadre d’une confrontation à l’occasion de laquelle le requérant aurait été la seule personne présentée à F. comme étant susceptible d’avoir commis les faits. Le tribunal rejeta la demande du requérant tendant à la lecture à haute voix de la déposition de F.

80. Le 21 février 2014, le tribunal du district Zamoskvoretski de Moscou rendit son jugement. Il formula notamment les constats suivants :

« De 16 heures à 20 heures le 6 mai 2012 (...) sur la place Bolotnaïa (...) des personnes non identifiées (...) ont exhorté celles qui étaient présentes [sur le site] à sortir du périmètre convenu pour le rassemblement, à désobéir aux ordres légitimes de la police (...), à recourir à la violence (...) ce qui a entraîné des troubles de grande ampleur accompagnés d’usage de la violence contre des agents publics dans l’exercice de leurs fonctions [et] la destruction de biens.

Le même jour, à 17 heures au plus tard [les accusés] formèrent l’intention délictueuse de prendre part aux troubles de grande ampleur et de recourir à la violence (...)

Ainsi, mû par cette intention délictueuse, à une heure et en un lieu indéterminés, M. Belousov se procura un objet solide sphérique non identifié de couleur jaune dans l’intention de l’utiliser pour perpétrer des violences contre des agents publics (...)

(...) avec d’autres participants (...) M. Belousov ne cessait de scander des slogans hostiles au gouvernement.

De plus (...) les participants aux troubles de grande ampleur jetèrent des blocs de macadam, des pierres, des bâtons et d’autres objets sur les policiers (...) les touchant ainsi en diverses parties du corps, et [les accusés] (...) [qui] participaient aux troubles de grande ampleur (...) mirent à exécution leur intention délictueuse de recourir à la violence contre des agents publics (...) en déployant une force physique qui n’a pas mis en danger la vie ou la santé de ces [agents publics] (...)

M. Belousov usa de violence sans mettre en danger la vie ou la santé de [F.] (...)

De 17 heures à 20 h 10 le 6 mai 2012 (...) des participants non identifiés aux troubles de grande ampleur portèrent délibérément au moins trois coups de poing et de pied à la tête, au corps et aux membres de [F.], puis M. Belousov (...), visant délibérément [F.], lança un objet solide sphérique non identifié de couleur jaune qui frappa [F.] sur le côté supérieur droit du torse, ce qui lui fit mal.

À la suite des actes perpétrés par M. Belousov ainsi que par d’autres personnes non identifiées [F.] a souffert de douleurs physiques et de lésions revêtant la forme de contusions et d’écorchures au niveau des tissus mous de la région pariétale, de contusions sur (...) l’avant-bras gauche, d’écorchures sur le (...) tibia droit, lesquelles, considérées isolément ou cumulativement, constituaient toutes des lésions qui n’étaient pas de nature à mettre en danger la vie ou la santé, ni à entraîner de problèmes de santé à court terme ou d’incapacité de travail mineure de longue durée (...)

M. Belousov (...) a plaidé non coupable et déclaré (...) qu’il avait voulu voir pourquoi le rassemblement ne commençait pas [et] s’était rendu au pont Maly Kamenny (...) où [il] avait vu le cordon de policiers antiémeute (...) [et des agents publics] arrêter certains [participants] (...) [qu’il] avait cherché à partir et avait rejoint le centre de la place Bolotnaïa où il avait vu une fille trébucher sur un objet et manquer de tomber. Il a précisé que, sans regarder vraiment ce dont il s’agissait, il avait ramassé cet objet, qui était mou et visqueux (...) et qu’il l’avait jeté au loin sans viser qui que ce fût (...) Il a dit avoir pris par la main d’autres manifestants qui scandaient « Un pour tous et tous pour un ! », et « Unis, nous sommes invincibles ! » et qu’à ce moment-là, trois policiers avaient couru vers lui, l’avaient saisi et l’avaient conduit jusqu’au véhicule de police (...)

Dans sa déposition, le policier [F.] a déclaré (...) qu’après la reconstitution du cordon antiémeute (...) alors qu’il pénétrait dans la foule pour arrêter des délinquants (...) quelqu’un l’avait frappé trois fois à la tête (...) puis il avait senti un coup à l’épaule donné par un objet lourd. Il a dit avoir vu du coin de l’œil [M. Belousov] prendre de l’élan et jeter quelque chose (...) ressemblant à une boule de billard.

(...) M. Belousov a été filmé au moment où il lançait un objet jaune sur des policiers (...)

Le tribunal estime que l’argument avancé par les [accusés], selon lequel il n’y a pas eu de troubles de grande ampleur, est dénué de fondement parce que (...) en conséquence des actes prémédités d’un groupe d’individus qui a organisé (...) le blocage du cortège des manifestants qui se dirigeaient vers le lieu prévu pour le rassemblement et où avait été montée la scène, ce qui a engendré chez les manifestants un mécontentement à l’égard (...) de la police (...), les personnes qui se trouvaient en tête du cortège et qui pouvaient accéder librement au site du rassemblement ont changé de tactique et ont appelé à (...) un sit-in, espérant ainsi obtenir un déplacement du cordon antiémeute à leur avantage et faire repousser les limites du périmètre qui leur avait été alloué (...) Les manifestants forcèrent alors le passage à travers le cordon de police (...) l’ordre public fut perturbé (...) à cause de la foule qui était plus nombreuse que prévu, incontrôlable et galvanisée par des groupes organisés (...) créant ainsi les conditions pour faire naître chez les accusés l’intention de se joindre à ces actes, lors desquels des blocs de macadam et des bouteilles en plastique furent jetés sur des policiers, lesquels furent également victimes d’autres formes de violence. Conscients de ce qu’ils prenaient part à des troubles qui avaient éclaté de manière spontanée et souhaitant s’y joindre, les accusés se rallièrent au mouvement collectif (...)

(...) le tribunal tient compte de la nature et du degré d’implication [du requérant] dans les troubles de grande ampleur (...) et juge possible de prononcer contre lui une peine inférieure à la peine minimale prévue par l’article 212 § 2. »

81. Le requérant fut condamné à une peine de deux ans et six mois d’emprisonnement, calculée sur la base d’une peine de deux années d’emprisonnement prononcée au titre de l’article 212 du code pénal, en partie confondue avec une peine d’un an d’emprisonnement infligée au titre de l’article 318 du code pénal. La détention provisoire du requérant devait être décomptée de la peine restant à purger.

82. Le requérant fit appel. Il contesta la conclusion rendue par le tribunal de première instance selon laquelle des troubles de grande ampleur avaient eu lieu et allégua que les faits s’étaient limités à des heurts isolés entre les manifestants et la police causés par la décision, prise à la dernière minute par les autorités, de modifier le périmètre du site du rassemblement et exacerbés par les mesures excessives adoptées par celles-ci pour canaliser la foule. Il nia que l’objet qu’il avait lancé eût touché qui que ce fût ; il argua que l’interrogatoire mené dans le cadre d’une confrontation avec la victime, le policier F., s’analysait en un vice de procédure et il se plaignit que le tribunal avait refusé de faire lire à haute voix le procès-verbal de l’interrogatoire du policier qui avait été effectué pendant l’enquête. Il dénonça également les conditions dans lesquelles il avait été escorté jusqu’au prétoire ainsi que le calendrier des audiences, très chargé, et se plaignit d’avoir été placé dans un box vitré pendant le procès, ce qui avait selon lui entravé sa communication avec son avocat.

83. Le 20 juin 2014, le tribunal de Moscou confirma le jugement rendu en première instance, mais ramena la peine à deux ans et trois mois d’emprisonnement au total, à raison d’un an et neuf mois au titre de l’article 212 du code pénal et de neuf mois au titre de l’article 318 du code pénal, les deux peines étant en partie confondues.

84. Le 8 septembre 2014, le requérant fut libéré après avoir purgé sa peine d’emprisonnement.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS

85. Le code pénal de la Fédération de Russie contient les dispositions suivantes :

Article 212 – Troubles de grande ampleur

« 1. L’organisation de troubles de grande ampleur accompagnés de violence, d’émeute, d’incendie volontaire, de destruction de biens, d’utilisation d’armes à feu, d’explosifs ou d’engins explosifs, et de résistance armée aux agents publics est punie d’une peine de quatre à dix ans de privation de liberté.

2. La participation à des troubles de grande ampleur tels que définis au paragraphe 1 du présent article est punie d’une peine de trois à huit ans de privation de liberté.

3. L’incitation à commettre des troubles de grande ampleur tels que définis au paragraphe 1 du présent article ou à y participer et l’incitation à la violence contre les citoyens sont punies d’une peine de restriction de liberté d’une durée maximale de deux ans ou d’une peine de travail d’intérêt général d’une durée maximale de deux ans ou d’une peine de privation de liberté d’une durée maximale de deux ans. »

Article 318 – Recours à la violence contre un agent public

« 1. Le recours à la violence qui ne met en danger ni la vie ni la santé, ou la menace de recours à la violence contre un agent public ou ses proches dans le cadre de l’exercice par celui-ci de ses fonctions, est puni d’une amende pouvant atteindre 200 000 roubles russes (RUB) ou dix-huit fois le salaire mensuel de la personne condamnée, ou d’une peine de travail d’intérêt général d’une durée maximale de cinq ans ou d’une peine de privation de liberté d’une durée maximale de cinq ans (...) »

86. Pour un résumé des dispositions du droit interne régissant les conditions et la durée de la détention provisoire, voir les affaires Dolgova c. Russie (no 11886/05, §§ 26-31, 2 mars 2006) et Lind c. Russie (no 25664/05, §§ 47-52, 6 décembre 2007).

87. Pour un résumé de la réglementation applicable et des normes européennes relatives aux conditions de détention, voir Ananyev et autres c. Russie (nos 42525/07 et 60800/08, §§ 55 et suiv., 10 janvier 2012).

EN DROIT

(...)

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION À RAISON DE L’ENFERMEMENT DU REQUÉRANT DANS DES BOX VITRÉS ET DES CAGES MÉTALLIQUES PENDANT LE PROCÈS

112. Le requérant se plaint d’avoir été enfermé dans des box vitrés et des cages métalliques pendant son procès. Il y voit un traitement dégradant interdit par l’article 3 de la Convention.

(...)

B. Sur le fond

1. Thèses des parties

117. La description par les parties des conditions qui régnaient dans les prétoires est résumée aux paragraphes 74 à 77 ci-dessus.

118. Le requérant soutient que son enfermement dans des box vitrés s’analyse en un traitement dégradant. Il se plaint en particulier d’avoir été très à l’étroit dans les box des prétoires nos 338 et 635 du tribunal de Moscou et souligne les difficultés que ces installations ont entraînées pour sa participation à la procédure ainsi que pour la communication avec son avocat. Il avance qu’à de multiples occasions pendant le procès il s’est plaint au tribunal de l’inconfort et des difficultés qui résultaient de son placement dans ces installations sécurisées.

119. Le Gouvernement estime que les installations sécurisées en question n’ont pas engendré de traitement dégradant ni entraîné d’inconfort important. Il soutient en particulier que toutes les personnes qui se trouvaient sous un régime de détention provisoire étaient systématiquement placées dans des cages métalliques ou dans les box vitrés qui ont progressivement remplacé les cages métalliques dans les prétoires. Il considère que, contrairement aux cages métalliques, les box vitrés ne présentaient pas une apparence susceptible en elle-même de soulever des questions sous l’angle de l’article 3 de la Convention. Il ajoute qu’après la formulation des premières doléances relatives à l’exiguïté du box dans la salle d’audience no 338, le procès a été déplacé dans la salle d’audience no 635, où les accusés disposaient selon lui de davantage d’espace car ils étaient répartis dans deux box.

2. Appréciation de la Cour

a) Principes généraux

120. L’article 3 de la Convention, la Cour l’a dit à maintes reprises, consacre l’une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques. Il prohibe en termes absolus la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, quels que soient les circonstances et les agissements de la victime (voir, parmi beaucoup d’autres, Labita c. Italie [GC], no 26772/95, § 119, CEDH 2000‑IV).

121. Pour tomber sous le coup de l’article 3 de la Convention, un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité. L’appréciation de ce minimum est relative ; elle dépend de l’ensemble des données de la cause, notamment de la durée du traitement et de ses effets physiques ou mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l’âge et de l’état de santé de la victime (voir, par exemple, Jalloh c. Allemagne [GC], no 54810/00, § 67, CEDH 2006‑IX). La nature publique du traitement peut constituer un élément pertinent ou aggravant dans l’appréciation de son caractère « dégradant » au sens de l’article 3 de la Convention (voir, entre autres, Tyrer c. Royaume-Uni, 25 avril 1978, § 32, série A no 26, Erdoğan Yağız c. Turquie, no 27473/02, § 37, 6 mars 2007, et Kummer c. République tchèque, no 32133/11, § 64, 25 juillet 2013).

122. Dans le contexte des aménagements de sécurité dans les prétoires, la Cour a souligné qu’on ne saurait assurer l’ordre et la sécurité dans les salles d’audience en adoptant des mesures de contrainte qui, par leur gravité ou leur nature même, tomberaient sous le coup de l’article 3 de la Convention, car il ne saurait y avoir de justification à la torture ou aux traitements et aux peines inhumains ou dégradants (Svinarenko et Slyadnev c. Russie [GC], nos 32541/08 et 43441/08, § 127, CEDH 2014 (extraits). Elle a conclu en particulier que l’enfermement dans une cage métallique était contraire à l’article 3 de la Convention, eu égard à son caractère objectivement dégradant (ibidem, §§ 135-138).

b) Application de ces principes au cas d’espèce

123. En l’espèce, la Cour est appelée à rechercher si l’enfermement dans un box vitré est conforme à l’article 3 de la Convention ; à cet égard, elle doit principalement déterminer si le traitement en cause atteint le degré de gravité minimum requis pour tomber sous le coup de cette disposition.

124. La Cour estime que les box vitrés ne présentent pas un aspect aussi rebutant que les cages métalliques, lesquelles peuvent faire naître chez les intéressés qui y sont enfermés à la vue de tous des sentiments d’humiliation, d’impuissance, de peur, d’anxiété et d’infériorité, et sont de nature à nuire à l’image des accusés. Elle note également que des installations vitrées sont présentes dans les prétoires dans d’autres États membres (Svinarenko et Slyadnev, précité, § 76), bien que sous des formes variables (cabines en verre ou parois vitrées) et que, dans la majorité des États, elles ne sont utilisées que lors des audiences placées sous haute sécurité.

125. La Cour partage l’avis du Gouvernement selon lequel, de manière générale, contrairement au confinement dans des cages métalliques, le placement d’un accusé derrière des parois en verre ou dans des box vitrés ne comporte pas en lui-même un élément d’humiliation suffisant pour atteindre le niveau de gravité minimum requis. Ce niveau peut toutefois être atteint si les circonstances de l’enfermement, considérées dans leur ensemble, soumettent l’intéressé à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention (Kudła [c. Pologne [GC], no 30210/96], §§ 92-94[, CEDH 2000‑XI]). La Cour examinera donc attentivement l’ensemble des circonstances qui ont entouré l’enfermement du requérant dans des box vitrés afin de déterminer si les conditions qui y régnaient atteignaient globalement le niveau de gravité minimum requis pour que ce traitement puisse être qualifié de dégradant au sens de l’article 3 de la Convention.

126. Concernant la salle d’audience no 338, la Cour observe que dix accusés ont été enfermés dans un box vitré mesurant 5,4 mètres carrés, ce qui ne laissait pratiquement aucun espace libre entre eux. Ils ont dû assister au procès dans ces conditions à raison de plusieurs heures par jour, trois jours par semaine, sur une période d’environ deux mois. De plus, ce procès à fort retentissement était suivi de près par les médias nationaux et internationaux, de sorte que les requérants se sont trouvés exposés en permanence au regard de tous dans cet environnement exigu. Ces éléments sont suffisants pour permettre à la Cour de conclure que les conditions qui régnaient dans la salle d’audience no 338 du tribunal de Moscou s’assimilaient à un traitement dégradant contraire à l’article 3 de la Convention.

127. En ce qui concerne la détention ultérieure des intéressés dans la salle d’audience no 635, la Cour observe que la présence de deux box a permis au requérant de disposer d’un espace individuel d’au moins 1,2 mètre carré, ce qui lui a évité les désagréments et l’humiliation induits par une promiscuité extrême. La Cour n’a pas assez d’éléments en sa possession pour établir que l’aération, le chauffage ou la climatisation des box vitrés dans la salle d’audience no 635 étaient insuffisants. Par ailleurs, le requérant invoque les obstacles que son enfermement dans un box a entraînés pour sa participation à la procédure et sa communication avec son avocat ; la Cour estime que ces obstacles peuvent être perçus comme des éléments qui ont contribué à l’anxiété et à la détresse des accusés mais que, considérés isolément, ils ne sont pas suffisants pour atteindre le seuil requis pour relever de l’article 3 de la Convention. La Cour conclut donc que les conditions qui régnaient dans la salle d’audience no 635 du tribunal de Moscou n’ont pas atteint le niveau minimum de gravité requis pour être interdits par l’article 3 de la Convention.

128. À la lumière de ce qui précède, la Cour conclut qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention à raison des conditions de détention dans la salle d’audience no 338 du tribunal de Moscou, mais qu’il n’y a pas eu violation de cette disposition à raison des conditions de détention dans la salle d’audience no 635 de ce même tribunal.

(...)

V. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 DE LA CONVENTION

139. Le requérant soulève un certain nombre de griefs sur le terrain de l’article 6 de la Convention relativement à différents aspects de son procès. Il mentionne son enfermement dans des box vitrés pendant les audiences ainsi que le calendrier chargé de ces audiences et il se plaint de ne pas avoir eu assez de temps ni les facilités nécessaires pour la préparation de sa défense, ajoutant qu’il n’a pas pu se défendre effectivement, que ce soit en personne ou avec l’assistance d’un défenseur. Il allègue également que son droit d’interroger ou de faire interroger les témoins à charge a été indûment restreint. Le requérant invoque l’article 6 §§ 1 et 3 b), c) et d) de la Convention, qui se lit ainsi dans ses parties pertinentes :

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...)

(...)

3. Tout accusé a droit notamment à :

(...)

b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;

c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ;

d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; »

B. Sur le fond

1. Thèses des parties

143. Le requérant allègue que des garanties importantes d’équité de la procédure ont fait défaut dans son procès pénal. Il avance en particulier que son enfermement dans des box vitrés pendant les audiences a entravé sa participation au procès, en particulier parce que la paroi en verre l’empêchait de bien voir et de bien entendre et rendait impossible tout échange confidentiel avec son avocat ; il ajoute que du fait de la disposition intérieure des box, il y était malaisé de manipuler et de lire des documents. Le requérant assure en outre que le calendrier chargé des audiences et ses retours tardifs sur son lieu de détention ne lui laissaient pas suffisamment de temps pour préparer les audiences du lendemain. Le manque de sommeil, conjugué à la durée des transferts effectués dans des conditions difficiles depuis son lieu de détention, l’aurait épuisé physiquement et aurait amoindri sa capacité à participer à la procédure et à se défendre efficacement. Enfin, le tribunal n’aurait pas examiné l’objection qu’il avait soulevée quant à la recevabilité et à la fiabilité de la déposition livrée en qualité de témoin par le policier F., et n’aurait pas autorisé la lecture à haute voix pendant l’audience de cette déposition, recueillie pendant l’enquête.

144. Le Gouvernement conteste ces allégations. Il indique que les box vitrés n’ont en rien gêné la participation du requérant au procès parce qu’ils étaient équipés de haut-parleurs et de microphones. Il ne considère pas non plus que le calendrier des audiences fût excessivement chargé au vu de la complexité de l’affaire et de la nécessité de ménager un équilibre approprié entre la célérité de la procédure et une bonne administration de la justice. Il ajoute que les pauses demandées par le requérant pendant les débats afin de se préparer et de procéder aux consultations nécessaires lui ont en général été accordées. Il précise que le requérant a eu amplement l’occasion d’interroger M. F. après que celui-ci eut témoigné à l’audience. De plus, le témoignage du policier aurait été corroboré par trois autres témoins et par l’enregistrement vidéo. En outre, concernant le prétendu vice de procédure relatif à la déposition effectuée par F. pendant l’enquête, le tribunal n’aurait pas dans son jugement fait référence aux actes d’enquête mais se serait exclusivement appuyé sur le témoignage de F.

2. Appréciation de la Cour

145. La Cour note que le requérant a soulevé trois problèmes distincts sur le fondement de garanties spécifiques découlant de l’article 6 § 3 de la Convention ainsi que du droit général à un procès équitable protégé par l’article 6 § 1 de la Convention. Comme les exigences de l’article 6 § 3 de la Convention représentent des aspects particuliers du droit à un procès équitable garanti par l’article 6 § 1 de la Convention (voir, parmi beaucoup d’autres, Van Mechelen et autres c. Pays-Bas, 23 avril 1997, § 49, Recueil des arrêts et décisions 1997‑III), la Cour examinera chacun de ces griefs sous l’angle de ces deux dispositions combinées.

146. Le requérant affirme que l’aménagement du prétoire, avec les box vitrés où il a dû se tenir assis pendant toute la durée de son procès, non seulement constituait un traitement dégradant mais également entravait sa participation à l’audience ainsi que ses échanges avec son avocat. La Cour note qu’en l’espèce les box vitrés étaient un aménagement permanent des prétoires qui était destiné à accueillir les accusés dans le cadre des procédures pénales. Ces box étaient censés constituer une amélioration par rapport aux cages métalliques utilisées par ailleurs habituellement dans les tribunaux russes (Khodorkovskiy [c. Russie, no 5829/04], §§ 123 et suiv., [, 31 mai 2011] et Svinarenko et Slyadnev, précité, § 122). Il ressort des observations du Gouvernement que tous les accusés sont encore aujourd’hui systématiquement placés dans une cage métallique ou dans un box vitré lorsqu’ils sont soumis au régime de la détention provisoire.

147. La Cour a observé plus haut que, dans la salle d’audience no 338 du tribunal de Moscou, le requérant était enfermé très à l’étroit dans un box vitré avec les autres accusés, et elle a conclu à la violation de l’article 3 de la Convention pour ce motif (paragraphe 126 ci-dessus). La Cour estime difficile de concilier le traitement dégradant subi par l’accusé pendant la procédure judiciaire et la notion de procès équitable, compte tenu de l’importance de l’égalité des armes, de la présomption d’innocence et de la confiance que les tribunaux doivent inspirer au public, et avant tout aux accusés, dans une société démocratique (voir, mutatis mutandis, De Cubber c. Belgique, 26 octobre 1984, § 26, série A no 86, et Svinarenko et Slyadnev, précité, § 131). Il s’ensuit que, pendant les deux premiers mois du procès qui s’est tenu en l’espèce, les audiences ont été conduites en violation de l’article 6 de la Convention.

148. Dans la salle d’audience no 635, toutefois, le problème de la promiscuité était résolu, mais les obstacles allégués à la participation des accusés au procès et à leur assistance juridique subsistaient (paragraphes 126-128 ci-dessus). La Cour recherchera donc si l’enfermement du requérant dans un box vitré pendant cette période a porté atteinte à l’équité de l’instance, alors même que celle-ci était conforme à l’article 3 de la Convention.

149. La Cour rappelle qu’une mesure d’enfermement dans le prétoire peut compromettre l’équité d’un procès, garantie par l’article 6 de la Convention, et qu’elle peut en particulier avoir une incidence sur l’exercice par l’accusé de ses droits d’être effectivement associé à la procédure et de bénéficier d’une assistance juridique pratique et effective (Svinarenko et Slyadnev, précité, § 134, et les arrêts qui y sont cités). Elle a déjà souligné que le droit, pour l’accusé, de communiquer avec son avocat hors de portée d’ouïe d’un tiers figurait parmi les exigences élémentaires du procès équitable dans une société démocratique, faute de quoi son assistance juridique perdrait beaucoup de son utilité (Sakhnovski c. Russie [GC], no 21272/03, § 97, 2 novembre 2010, avec d’autres références).

150. La Cour a conscience des problèmes de sécurité dont peut s’accompagner une audience dans un procès pénal, surtout dans une affaire sensible ou de grande ampleur. Elle a déjà insisté sur l’importance d’assurer l’ordre dans le prétoire aux fins de préserver la sérénité des débats, ce qui constitue une condition préalable à un procès équitable (Ramichvili et Kokhreidzé c. Géorgie, no 1704/06, § 131, 27 janvier 2009). Cependant, compte tenu du poids attaché aux droits de la défense, toute mesure restreignant la participation de l’accusé à la procédure ou limitant sa communication avec ses avocats ne devra être imposée que pour autant qu’elle est nécessaire, et devra être proportionnée aux risques propres à l’affaire (Van Mechelen et autres, précité, § 58, et Sakhnovski, précité, § 102).

151. En l’espèce, le requérant et ses coaccusés étaient séparés du reste du prétoire par une vitre, c’est-à-dire par une barrière physique qui les empêchait dans une certaine mesure de participer directement aux débats. De plus, cet aménagement rendait impossible tout échange confidentiel entre le requérant et son avocat, qui ne pouvaient se parler qu’au travers d’un microphone et à proximité immédiate des policiers qui montaient la garde. Il importe également de noter que le box n’était pas aménagé de manière à permettre au requérant de manipuler des documents ou de prendre des notes.

152. La Cour considère qu’il appartient aux tribunaux de chaque pays de choisir les aménagements de sécurité les plus appropriés à une affaire donnée, en tenant compte de la nécessité de préserver une bonne administration de la justice, l’apparence d’une procédure équitable ainsi que la présomption d’innocence ; les tribunaux doivent parallèlement garantir aux accusés le droit de participer effectivement à la procédure et de bénéficier d’une assistance juridique pratique et effective. En l’espèce, l’utilisation de cet aménagement sécuritaire n’était justifiée ni par un quelconque risque pour la sécurité ni par des problèmes d’ordre dans le prétoire mais relevait de la simple routine. Comme le montrent les observations des parties, le tribunal du fond n’avait pas le pouvoir d’ordonner que les accusés fussent placés en dehors du box, mais il pouvait décider que le procès se poursuivrait dans une autre salle d’audience comptant davantage de box. Le tribunal du fond n’a pas semblé reconnaître l’impact de ces aménagements sur les droits de la défense du requérant et il n’a pris aucune mesure pour compenser ces limitations. Telles sont les circonstances qui ont prévalu pendant toute la durée du procès en première instance, lequel s’est échelonné sur plus de huit mois, dont sept passés dans le prétoire no 635, ce qui a forcément nui à l’équité de la procédure dans son ensemble.

153. Il s’ensuit que, pendant l’audience de première instance, les droits pour le requérant de participer effectivement à la procédure et de bénéficier d’une assistance juridique pratique et effective ont subi des restrictions et que celles-ci n’étaient ni nécessaires ni proportionnées. La Cour conclut que la procédure pénale engagée à l’encontre du requérant a été conduite en violation de l’article 6 §§ 1 et 3 b) et c) de la Convention.

154. Eu égard à ce constat, la Cour juge qu’il n’y a pas lieu d’examiner les griefs restants formulés par le requérant sous l’angle de l’article 6 §§ 1 et 3 b) et d) de la Convention.

VI. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 10 ET 11 DE LA CONVENTION

155. Le requérant se dit victime d’une violation de son droit à la liberté d’expression et de son droit à la liberté de réunion pacifique. Il dénonce en particulier les mesures de sécurité, qu’il qualifie de perturbatrices, qui ont été mises en œuvre sur le site du rassemblement sur la place Bolotnaïa et assure que les poursuites pénales engagées contre lui puis la condamnation pénale qui lui a été infligée pour participation à des troubles de grande ampleur étaient illégales et arbitraires, poursuivaient des objectifs politiques et étaient disproportionnées. Il invoque les articles 10 et 11 de la Convention, ainsi libellés :

Article 10

« 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.

2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »

Article 11

« 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.

2. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’État. »

(...)

B. Sur le fond

1. Thèses des parties

a) Le Gouvernement

160. Le Gouvernement assure que les troubles ont éclaté sur la place Bolotnaïa lorsque certains des organisateurs et des participants ont refusé de suivre le plan qui avait été convenu, ont désobéi aux instructions de la police, qui leur demandait de se diriger vers le site prévu sur le quai Bolotnaïa, et se sont assis par terre, causant échauffourées et désordres. Il estime que l’intervention de la police était justifiée car le rassemblement avait cessé d’être « pacifique » au sens de l’article 11 de la Convention. Selon lui, en dispersant les manifestants, la police n’a pas fait un recours excessif à la force : elle se serait contentée d’utiliser des matraques et de cibler uniquement les agitateurs les plus agressifs et n’aurait utilisé ni gaz lacrymogène ni bombes fumigènes.

161. Le Gouvernement considère qu’il n’y a pas eu d’ingérence dans l’exercice par le requérant de son droit à la liberté de réunion pacifique et assure que les accusations pénales retenues contre l’intéressé étaient liées à des actes de violence qui n’avaient rien à voir avec l’exercice de la liberté d’expression ou de la liberté de réunion. Qui plus est, la procédure pénale engagée contre le requérant n’aurait été ouverte que plusieurs semaines après le rassemblement et n’aurait donc pas pu entraver de manière rétroactive sa participation à celui-ci.

162. En outre, tant la manière dont les autorités ont géré le rassemblement dans son ensemble que les mesures individuelles qui ont été prises à l’encontre du requérant auraient été conformes au droit interne et nécessaires « à la défense de l’ordre et à la prévention du crime » ainsi qu’« à la protection des droits et libertés d’autrui » et seraient demeurées strictement proportionnées. La condamnation du requérant aurait été justifiée au vu de la menace sérieuse de troubles de grande ampleur, et la peine qui lui a été infligée n’aurait pas été disproportionnée au regard du risque que le requérant représentait pour l’ordre public et pour le bien-être des personnes qui participaient pacifiquement au rassemblement.

163. Le Gouvernement conclut que, dans les circonstances particulières de l’espèce, compte tenu du contexte dans lequel se sont inscrits les troubles de grande ampleur, les mesures qui ont été prises contre le requérant étaient justifiées au regard de l’article 11 § 2 de la Convention.

b) Le requérant

164. Le requérant soutient que le 6 mai 2012 il est allé participer à un rassemblement pacifique qui avait été avalisé par les autorités moscovites. Il assure que, sur le plan officiel du rassemblement qui avait été publié, le parc de la place Bolotnaïa était inclus dans le périmètre alloué à la manifestation, et que les autorités n’avaient pas informé les participants de la modification du périmètre du site. Selon lui, la présence inattendue du cordon de police à proximité du pont Maly Kamenny a rétréci le passage vers le site de la manifestation, ce qui à ses yeux a semé la confusion et comprimé la foule dans cette zone. Pendant la procédure pénale, le requérant et ses coaccusés auraient demandé aux fonctionnaires comparaissant en qualité de témoins d’indiquer par qui et pour quelles raisons l’ordre avait été donné de modifier le périmètre du site du rassemblement, mais personne n’aurait pu répondre à ces questions. Il n’y aurait pas eu de troubles de grande ampleur sur la place Bolotnaïa et les manifestants n’auraient pas eu l’intention de forcer le cordon de police. Les épisodes de troubles à l’ordre public et de heurts entre les manifestants et la police auraient été des incidents isolés qui auraient été causés par le changement inopiné de plan et aggravés par un recours excessif à la force de la part de la police.

165. Le requérant se présente avec insistance comme un individu pacifique et respectueux des lois qui aurait conservé un comportement non violent pendant le rassemblement, alors même qu’il se trouvait dans la zone où eurent lieu des heurts et des échauffourées. Il reconnaît avoir ramassé un objet jaune sur le sol, qu’il décrit comme « mou et visqueux », mais il se serait contenté de le jeter à l’écart, sans viser qui que ce fût en particulier. Il n’aurait pas vu où l’objet avait atterri et ne serait pas convaincu par les éléments de preuve présentés lors de son procès aux fins de démontrer qu’il avait bien touché le policier ; l’objet n’aurait jamais été ni retrouvé ni identifié. Son procès pénal, sa condamnation et surtout la peine de prison, longue à ses yeux, qui lui a été infligée, auraient été illégaux et hors de proportion avec les actes selon lui anodins qu’il aurait commis. Le requérant explique la sévérité de la sanction par des motifs politiques, suggérant qu’une affaire pénale à fort retentissement pourrait servir à dissuader d’autres personnes qui seraient tentées de participer à des rassemblements publics.

2. Appréciation de la Cour

a) Portée des griefs du requérant

166. La Cour note que, dans les circonstances de l’espèce, l’article 10 de la Convention s’analyse en une lex generalis par rapport à l’article 11 de la Convention, qui lui est une lex specialis (Ezelin c. France, 26 avril 1991, § 35, série A no 202, et Kasparov et autres c. Russie, no 21613/07, §§ 82-83, 3 octobre 2013). La Cour examinera par conséquent ce grief sous l’angle de l’article 11 de la Convention.

167. Par ailleurs, malgré son rôle autonome et la spécificité de sa sphère d’application, l’article 11 doit en l’occurrence s’envisager aussi à la lumière de l’article 10 de la Convention. La protection des opinions personnelles, garantie par l’article 10, compte parmi les objectifs de la liberté de réunion pacifique telle que la consacre l’article 11 (Ezelin, précité, § 37).

b) Sur le point de savoir s’il y a eu ingérence dans l’exercice du droit à la liberté de réunion pacifique

168. La Cour rappelle que l’article 11 de la Convention ne protège que le droit à la liberté de « réunion pacifique », notion qui ne couvre pas les manifestations dont les organisateurs et participants ont des intentions violentes (Stankov et Organisation macédonienne unie Ilinden c. Bulgarie, nos 29221/95 et 29225/95, § 77, CEDH 2001‑IX). Les garanties de cette disposition s’appliquent donc à tous les rassemblements à l’exception de ceux où les organisateurs ou les participants sont animés de telles intentions, incitent à la violence ou renient d’une autre façon les fondements de la société démocratique (Sergueï Kouznetsov c. Russie, no 10877/04, § 45, 23 octobre 2008, Alekseyev c. Russie, nos 4916/07 et 2 autres, § 80, 21 octobre 2010, Fáber c. Hongrie, no 40721/08, § 37, 24 juillet 2012, Gün et autres c. Turquie, no 8029/07, § 49, 18 juin 2013, Taranenko [c. Russie, no 19554/05], § 66[,15 mai 2014], et Kudrevičius et autres c. Lituanie [GC], no 37553/05, § 92, CEDH 2015). Il y a donc lieu de déterminer si les faits de la cause tombent sous l’empire de l’article 11 de la Convention.

169. Le Gouvernement soutient que la sanction infligée au requérant pour participation à des troubles de grande ampleur et pour recours à la violence contre un policier se rapporte à des actes qui n’avaient rien à voir avec l’exercice du droit à la liberté d’expression ou du droit à la liberté de réunion. La Cour observe que parmi les actes qui ont été imputés au requérant figuraient notamment le fait d’entonner des slogans hostiles au gouvernement pendant que les forces de l’ordre dispersaient le rassemblement ainsi que le jet d’un objet sphérique jaune non identifié dans la direction du cordon de police, objet qui a touché le policier F. sans le blesser. La Cour a déjà eu à connaître d’un certain nombre d’affaires dans lesquelles des manifestants avaient pris part à des actes violents et où elle a constaté que les manifestations en question tombaient sous l’empire de l’article 11 de la Convention au motif que les organisateurs de ces rassemblements n’avaient pas exprimé d’intentions violentes et qu’il n’existait aucune raison de croire que ces rassemblements n’étaient pas destinés à être pacifiques. Dans ces affaires, la Cour a conclu que les requérants pouvaient prétendre à la protection de l’article 11 de la Convention et recherché si les mesures qui avaient été prises contre eux étaient justifiées au regard du second paragraphe de cette disposition. Dans l’une de ces affaires, elle a conclu à la violation de l’article 11 à raison du caractère disproportionné de la peine infligée au requérant, qui avait pris part à une manifestation et jeté des pierres sur les forces de sécurité (Gülcü c. Turquie, no 17526/10, §§ 91-97, 19 janvier 2016). Dans d’autres affaires, elle a constaté que la riposte des autorités aux violences avait été proportionnée et compatible avec l’article 11 de la Convention (Osmani et autres c. l’ex-République yougoslave de Macédoine (déc.), no 50841/99, CEDH 2001‑X, Protopapa c. Turquie, no 16084/90, §§ 104-112, 24 février 2009, et Primov et autres c. Russie, no 17391/06, §§ 156-163, 12 juin 2014).

170. En l’espèce, le Gouvernement soutient que les perturbations qui ont marqué le rassemblement qui était jusque-là pacifique ont été orchestrées par les organisateurs, qui voulaient provoquer une agitation politique. Le Gouvernement accuse les chefs de file du rassemblement d’avoir encouragé les manifestants à se munir de tentes afin de dresser un campement illégal et d’avoir forcé le cordon de police dans l’intention de faire déborder le cortège en dehors du périmètre officiellement autorisé pour le rassemblement. Seule la première de ces deux accusations est étayée par des preuves : la police a effectivement déjoué plusieurs tentatives visant à introduire des tentes sur la place Bolotnaïa. De plus, M. Udaltsov a appelé les manifestants à lancer « une action de protestation illimitée » sur le site du rassemblement annulé, bien que cette initiative ait pu être prise en réaction à l’évolution de la situation sur place. Quelle que soit l’interprétation que l’on retienne, la crainte des autorités de voir un campement illégal s’installer durablement dans le parc de la place Bolotnaïa n’était pas infondée.

171. Par ailleurs, s’agissant du cordon de police, rien dans le dossier ne confirme que les organisateurs souhaitaient que les manifestants en viennent à le forcer. Au contraire, la Cour a précédemment conclu que le sit-in avait été décidé en réaction à une modification inopinée du périmètre du site du rassemblement dont la police n’avait pas informé les organisateurs (Frumkin, précité, §§ 113-116). Les chefs de file du cortège ont attendu calmement pendant environ quarante-cinq minutes que la confusion au sujet de l’emplacement du cordon de police fût dissipée, en vain. Et surtout, quelles que fussent les intentions des organisateurs, ceux-ci n’ont pas appelé à la violence et n’ont nullement montré qu’ils y étaient préparés. Les contrôles de sécurité aux points d’entrée sur le site du rassemblement, qui étaient plutôt stricts, n’ont pas permis de déceler sur les manifestants la présence d’armes ou d’autre matériel répréhensible, hormis quelques tentes, qui étaient peut-être interdites mais intrinsèquement inoffensives. Quant à l’objet jaune et sphérique lancé par le requérant en l’espèce, il est resté non identifié mais apparaît, d’après les témoignages recueillis, inoffensif lui aussi (comparer avec l’affaire Primov et autres, précitée, §§ 158-159, dans laquelle les manifestants s’étaient munis de barres de fer, de bâtons en bois, de couteaux et d’armes à feu). Le fait que le requérant scandait des slogans politiques comme « Un pour tous et tous pour un ! » et « Unis, nous sommes invincibles ! » ne saurait passer pour un élément prouvant qu’il nourrissait des intentions violentes.

172. À la lumière de ce qui précède, la Cour considère que le rassemblement sur la place Bolotnaïa tombe sous l’empire de l’article 11 de la Convention et elle admet que le requérant peut prétendre à la protection conférée par cette disposition. Elle conclut également que les poursuites pénales intentées contre ce dernier et sa condamnation pénale pour participation à des troubles de grande ampleur s’analysent en une ingérence dans l’exercice par lui de son droit à la liberté de réunion.

c) Sur le point de savoir si cette ingérence était « prévue par la loi », poursuivait un but légitime et était « nécessaire dans une société démocratique »

173. Le requérant conteste que les événements qui ont eu lieu sur la place Bolotnaïa étaient constitutifs de troubles de grande ampleur au sens de l’article 212 du code pénal et que ses propres actes puissent s’assimiler à une participation à pareils troubles. Il soutient avec insistance que le rassemblement est dans l’ensemble demeuré pacifique mais que la police a fait un usage excessif de la force contre les manifestants, ce qui aurait entraîné quelques affrontements isolés ; en tout état de cause, les troubles n’ont pas selon lui atteint une échelle susceptible de les faire tomber sous le coup de cette disposition. Le Gouvernement, en revanche, assure que les affrontements étaient le fruit d’une initiative préméditée et organisée par les chefs de file du rassemblement, et que seule une intervention rapide et efficace de la police a permis de faire obstacle à une escalade de la violence et d’empêcher des conséquences extrêmes et dévastatrices.

174. La Cour observe que le droit russe ne donne pas de définition du terme « troubles de grande ampleur » et elle admet que ce terme puisse être imprécis et se rapprocher des notions d’« émeute » ou d’« atteinte grave à l’ordre public », qu’elle a déjà examinées dans un contexte similaire (Kudrevičius et autres, précité, §§ 113-114). Notant qu’il serait irréaliste de demander au législateur de formuler des règles générales sans recourir à un certain degré d’abstraction, la Cour considère que l’exigence de légalité serait satisfaite si l’interprétation de ces termes par les juridictions nationales n’était ni arbitraire ni imprévisible et si leur utilisation entretenait un lien raisonnable avec les circonstances en question.

175. En l’espèce, la Cour est sensible aux arguments avancés par le requérant, qui assure que les incidents liés aux débordements et aux violences étaient localisés et qu’ils ont en outre été exacerbés par le comportement des autorités. Néanmoins, c’est en raison de leur échelle plutôt que de leur nature que ces événements auraient pu atteindre le seuil requis pour faire entrer en jeu l’article 212 du code pénal, mais l’applicabilité de cette disposition n’est pas totalement inconcevable. Même si la Cour devait être en désaccord avec les juridictions nationales concernant l’appréciation de la situation, elle n’en considère pas moins que celles-ci ont pris leur décision après avoir minutieusement apprécié tous les éléments de preuve pertinents et sans outrepasser les limites de leur pouvoir discrétionnaire. Les motifs mis en avant par le requérant peuvent ne pas suffire à justifier de considérer sa condamnation pénale en tant que telle comme « illégale ». La question de savoir s’il était justifié d’appliquer cette disposition au cas personnel du requérant sera examinée dans le contexte de l’appréciation de la proportionnalité (paragraphes 177 et suivants ci‑dessous).

176. Pour en venir à l’existence d’un but légitime, la Cour admet que les autorités poursuivaient les buts légitimes que sont la défense de l’ordre et la prévention du crime ainsi que la protection des droits et libertés d’autrui.

177. Sur le point de savoir si la condamnation pénale du requérant était « nécessaire dans une société démocratique », la Cour note que celui-ci a été déclaré coupable de deux infractions pénales, à savoir la participation à des troubles de grande ampleur (article 212 du code pénal) et le recours à la violence contre des policiers (article 318 du code pénal). Au titre de ces dispositions, il a été condamné à deux ans et trois mois d’emprisonnement pour avoir participé à un rassemblement public autorisé, scandé des slogans hostiles au gouvernement et lancé un petit objet sphérique non identifié qui a heurté un policier à l’épaule et lui a fait mal. Il y a lieu d’observer que, bien qu’elle soit déjà lourde, la peine imposée en vertu de l’article 318 pour recours à la violence contre un agent public, c’est-à-dire les neuf mois d’emprisonnement infligés au requérant pour avoir lancé l’objet jaune, était nettement plus clémente que la peine de vingt et un mois d’emprisonnement, en partie confondue avec la première, qui lui a été imposée pour participation à des troubles de grande ampleur.

178. Pour justifier pareille sévérité, le Gouvernement invoque principalement le risque sérieux d’émeute au sein de la population, et en particulier la menace qui pesait sur la stabilité politique et l’ordre public. Dans l’esprit du Gouvernement, la sévérité de la sanction s’explique donc par le contexte général dans lequel le requérant a agressé le policier, et non par le préjudice physique qu’il a effectivement provoqué. Quoi qu’il en soit, le préjudice physique causé au policier F. par l’objet jaune s’est limité à une douleur passagère. Au regard des autres actes imputés au requérant, il apparaît qu’être resté sur le site du rassemblement et avoir scandé des slogans hostiles au gouvernement a valu à celui-ci un an et demi d’emprisonnement supplémentaire, ce qui est considérable. Contrairement au jet de l’objet jaune, ces actes étaient pacifiques et constitutifs d’une protestation, c’est-à-dire d’une forme d’expression protégée par l’article 10 de la Convention (Taranenko, précité, § 70, et les arrêts qui y sont cités). Si les juridictions nationales avaient admis que le requérant avait commis ces actes dans le cadre de l’exercice de sa liberté d’expression et de sa liberté de réunion, elles auraient dû considérer qu’il s’agissait d’une circonstance atténuante. Or elles ont au contraire sanctionné le requérant en raison du message politique qu’il entendait exprimer par sa présence sur le site du rassemblement et par les slogans politiques non violents qu’il avait scandés.

179. La Cour admet qu’il se peut qu’un certain nombre d’individus présents dans la foule aient contribué au déclenchement des heurts entre les manifestants et la police. En l’espèce, elle juge déterminant que le requérant n’ait pas été repéré parmi les responsables de ces premières agressions ; il a lancé l’objet jaune au plus fort des affrontements, alors que la police avait déjà commencé à arrêter des manifestants. Les juridictions nationales ont également noté que la participation du requérant aux troubles de grande ampleur avait été insignifiante et lui ont pour ce motif infligé une sanction inférieure à la peine minimale de trois ans prévue par la législation, même si cette sanction reste extrêmement lourde.

180. Compte tenu du rôle mineur joué par le requérant dans le rassemblement et de sa participation marginale aux heurts, la Cour n’estime pas que le requérant ait personnellement eu un quelconque rapport avec les risques invoqués par le Gouvernement (émeutes, instabilité politique et menace pour l’ordre public). Pareils motifs ne pouvaient donc justifier la peine de deux ans et trois mois d’emprisonnement, peine qu’il a de plus purgée dans son intégralité. La Cour considère qu’aucun « besoin social impérieux » ne justifiait d’infliger au requérant une peine d’emprisonnement aussi longue.

181. En outre, il y a lieu de souligner que la condamnation pénale du requérant, et en particulier la sévérité de la peine qui lui a été imposée, ne pouvait que décourager celui-ci, de même que d’autres militants de l’opposition et la population dans son ensemble, de participer à des manifestations et, plus généralement, de prendre part ouvertement au débat politique. L’effet dissuasif de cette sanction a de plus été amplifié par les proportions considérables prises par son procès, dont les médias se sont fait largement l’écho.

182. La Cour conclut que, vu la sévérité de la sanction infligée au requérant, sa condamnation pénale était nettement disproportionnée aux buts légitimes invoqués, à savoir la défense de l’ordre et la prévention du crime ainsi que la protection des droits et libertés d’autrui, et qu’elle n’était donc pas nécessaire dans une société démocratique.

183. Partant, la Cour conclut qu’il y a eu violation de l’article 11 de la Convention.

(...)

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

(...)

6. Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention à raison de l’enfermement du requérant dans un box vitré dans la salle d’audience no 338 du tribunal de Moscou ;

7. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 3 de la Convention à raison de l’enfermement du requérant dans un box vitré dans la salle d’audience no 635 du tribunal de Moscou ;

(...)

9. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 §§ 1 et 3 b) et c) de la Convention ;

(...)

11. Dit qu’il y a eu violation de l’article 11 de la Convention ;

(...)

Fait en anglais, puis communiqué par écrit le 4 octobre 2016, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Stephen PhillipsLuis López Guerra
GreffierPrésident


Synthèse
Formation : Cour (troisiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-167521
Date de la décision : 04/10/2016
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Partiellement irrecevable;Non-violation de l'article 3 - Interdiction de la torture (Article 3 - Traitement dégradant) (Volet matériel);Non-violation de l'article 3 - Interdiction de la torture (Article 3 - Traitement dégradant) (Volet matériel);Violation de l'article 3 - Interdiction de la torture (Article 3 - Traitement dégradant) (Volet matériel);Violation de l'article 3 - Interdiction de la torture (Article 3 - Traitement dégradant) (Volet matériel);Non-violation de l'article 3 - Interdiction de la torture (Article 3 - Traitement dégradant) (Volet matériel);Violation de l'article 5 - Droit à la liberté et à la sûreté (Article 5-3 - Durée de la détention provisoire);Violation de l'article 6+6-3 - Droit à un procès équitable (Article 6 - Procédure pénale;Article 6-1 - Procès équitable) (Article 6-3 - Droits de la défense;Article 6 - Droit à un procès équitable);Violation de l'article 11 - Liberté de réunion et d'association (Article 11-1 - Liberté de réunion pacifique);Préjudice moral - réparation (Article 41 - Préjudice moral;Satisfaction équitable)

Parties
Demandeurs : YAROSLAV BELOUSOV
Défendeurs : RUSSIE [Extraits]

Composition du Tribunal
Avocat(s) : AGRANOVSKIY D.V.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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