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20/10/2015 | CEDH | N°001-158024

CEDH | CEDH, AFFAIRE SIMEONOVI c. BULGARIE, 2015, 001-158024


QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE SIMEONOVI c. BULGARIE

(Requête no 21980/04)

ARRÊT

STRASBOURG

20 octobre 2015

CETTE AFFAIRE A ÉTÉ RENVOYÉE DEVANT LA GRANDE CHAMBRE, QUI A RENDU SON ARRÊT LE 12/05/2017

Cet arrêt peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Simeonovi c. Bulgarie,

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :

Guido Raimondi, président,
Päivi Hirvelä,
George Nicolaou,
Ledi Bianku,
Paul Mahoney,
Krzysztof W

ojtyczek,
Yonko Grozev, juges,
et de Françoise Elens-Passos, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 29 septembre ...

QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE SIMEONOVI c. BULGARIE

(Requête no 21980/04)

ARRÊT

STRASBOURG

20 octobre 2015

CETTE AFFAIRE A ÉTÉ RENVOYÉE DEVANT LA GRANDE CHAMBRE, QUI A RENDU SON ARRÊT LE 12/05/2017

Cet arrêt peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Simeonovi c. Bulgarie,

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :

Guido Raimondi, président,
Päivi Hirvelä,
George Nicolaou,
Ledi Bianku,
Paul Mahoney,
Krzysztof Wojtyczek,
Yonko Grozev, juges,
et de Françoise Elens-Passos, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 29 septembre 2015,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 21980/04) dirigée contre la République de Bulgarie et dont trois ressortissants bulgares, M. Lyuben Filipov Simeonov, Mme Nelly Nikolova Simeonova et M. Filip Lyubenov Simeonov, ont saisi la Cour le 8 juin 2004 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Les requérants ont été représentés par Mme S. Margaritova-Vuchkova. Le gouvernement bulgare (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme R. Nikolova, du ministère de la Justice.

3. Par une décision du 23 août 2011, la requête a été déclarée partiellement irrecevable, la Cour ayant rejeté tous les griefs formulés par le deuxième et le troisième requérant et une partie des griefs soulevés par le premier requérant M. Lyuben Filipov Simeonov (« le requérant »). Les griefs du requérant tirés de l’article 3, concernant l’absence de soins médicaux en milieu carcéral, ses conditions de détention et la rigueur excessive de son régime pénitentiaire, ainsi que le grief tiré de l’article 6 § 1 combiné avec l’article 6 § 3 c), concernant l’absence d’assistance d’un avocat pendant les premiers jours de sa détention, ont été communiqués au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond de l’affaire.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

4. Le requérant est né en 1975. Il purge actuellement une peine perpétuelle à la prison de Sofia.

A. Les poursuites pénales contre le requérant

5. Le 2 juillet 1999, deux personnes armées firent irruption dans un bureau de change à Burgas. Des coups de feu furent tirés et deux membres du personnel furent tués. Les malfaiteurs s’enfuirent avec une certaine somme d’argent.

6. Le même jour, le service de l’instruction à Burgas ouvrit des poursuites pénales contre X pour vol à main armée et homicide.

7. Le 3 octobre 1999, le requérant, M. Lyuben Simeonov, fut arrêté à Sofia par une équipe de l’unité spéciale du ministère de l’Intérieur. Il fut transféré à Burgas.

8. Le 4 octobre 1999, un enquêteur du service de l’instruction à Burgas plaça le requérant en détention pour vingt-quatre heures à compter de 20 heures. On le soupçonnait d’avoir commis, en complicité avec un dénommé A.S., le vol à main armée et les deux meurtres du 2 juillet 1999. Le lendemain, sa détention fut prolongée de trois jours supplémentaires par un procureur du parquet régional de Burgas.

9. Le requérant expose que malgré ses demandes expresses, il n’a pas été assisté d’un avocat pendant les trois premiers jours de sa détention. Pendant ce temps, les responsables de l’enquête l’auraient interrogé sur le cambriolage et les deux meurtres commis à Burgas le 2 juillet 1999.

10. Le 6 octobre 1999, l’enquêteur désigna un défenseur d’office au requérant. Le même jour, à 12 heures, et en la présence de son avocat commis d’office, l’intéressé fut formellement inculpé du vol à main armée perpétré dans le bureau de change de Burgas et du meurtre de deux personnes et placé en détention. Il refusa de répondre aux questions de l’enquêteur.

11. Le 12 octobre 1999, le requérant fut interrogé en la présence de deux avocats de son choix. Il garda le silence.

12. Le 21 octobre 1999, assisté par ses deux avocats, il passa aux aveux. Son complice présumé, A.S., avoua également les crimes qu’on lui reprochait.

13. Les responsables de l’enquête rassemblèrent par la suite plusieurs types de preuves – témoignages, preuves médicales, scientifiques, matérielles et documentaires.

14. Le 4 janvier 2000, le requérant et A.S., assistés de leurs défenseurs, prirent connaissance des documents contenus dans le dossier de l’enquête. Ils rétractèrent leurs aveux et leurs avocats demandèrent que leurs clients soient interrogés une nouvelle fois.

15. Le 16 février 2000, le procureur régional de Burgas renvoya le dossier à l’enquêteur pour un complément d’enquête. Il lui demanda en particulier de procéder à plusieurs mesures d’instruction et à une nouvelle inculpation formelle des deux suspects.

16. Le 7 mars 2000, le requérant fut inculpé d’une charge supplémentaire, à savoir l’acquisition illégale de l’arme à feu ayant servi lors du vol commis le 2 juillet 1999. Le même jour, les deux suspects furent interrogés en la présence de leurs avocats. Dans ses dépositions, le requérant lança la version selon laquelle le vol et les meurtres en question avaient été commis par un certain V., ressortissant iranien, aidé par une autre personne inconnue.

17. Le 17 mai 2000, le parquet régional dressa l’acte d’accusation et renvoya le requérant et son complice présumé en jugement devant le tribunal régional de Burgas.

18. Le tribunal régional examina l’affaire pénale entre le 25 juillet 2000 et le 14 juin 2001. Au cours du procès, le requérant, qui était assisté d’un avocat, soutint que lui-même et son complice présumé étaient bien à Burgas le 1er juillet 1999, qu’ils avaient bien eu l’intention de commettre un vol dans le bureau de change, mais qu’ils avaient reconsidéré leur décision et étaient rentrés à Sofia le même jour.

19. Le 14 juin 2001, le tribunal régional de Burgas prononça son jugement. Le requérant fut reconnu coupable du vol à main armée dans le bureau de change de Burgas, crime accompagné du meurtre de deux personnes et commis en réunion avec A.S., ainsi que de l’acquisition illicite d’un pistolet et des munitions pour celui-ci. Le tribunal régional lui imposa la peine la plus lourde prévue par le code pénal bulgare, à savoir la réclusion criminelle à perpétuité sans commutation. Conformément à l’article 127b, alinéa 1 de la loi sur l’exécution des peines, le tribunal régional ordonna que le requérant soit soumis au régime pénitentiaire dit « spécial ».

20. Sur la base des preuves rassemblées au cours de l’instruction préliminaire et en audience, le tribunal régional établit les faits comme suit. L’ex-compagne du requérant, D.K., avait commencé à travailler comme caissière dans le bureau de change en question en 1997 alors qu’elle était en couple avec l’intéressé. Elle y avait rencontré la première victime, un dénommé N.B., proche parent du propriétaire et employé dans le même établissement. En juin 1999, D.K. avait quitté le requérant et s’était installée en couple avec N.B. à Burgas. Le requérant avait alors décidé de tuer N.B. et de voler l’argent de la caisse du bureau de change. Il s’était procuré un pistolet « Makarov », un silencieux et des munitions. L’intéressé avait persuadé un de ses amis, A.S., de prendre part au vol. Le 1er juillet 1999, dans l’après-midi, le requérant et A.S. étaient arrivés en autocar à Burgas. Ils s’étaient ensuite rendus dans le bâtiment où se trouvait le bureau de change, étaient montés au dernier étage et y avaient passé la nuit. Le lendemain matin, un peu avant 9 heures, ils étaient descendus à l’étage où était situé le bureau de change et avaient vu que N.B. y était seul. A.S., qui portait le pistolet, avait fait irruption dans le local et avait tiré une fois à bout portant sur la tempe gauche de la victime. Le jeune homme était mort sur le coup. Les deux complices avaient ensuite mis l’argent qu’ils avaient trouvé sur place dans le sac qu’ils portaient avec eux. Entre-temps, le vigile armé du bureau de change, un dénommé P.I., s’était précipité vers le local où se trouvait la première victime. A.S. avait tiré deux fois dans sa direction et l’avait touché au visage. Le gardien avait été tué sur le coup. A.S. et le requérant étaient sortis du bâtiment. Ils avaient ensuite caché l’arme du crime sous un conteneur poubelle, s’étaient débarrassés des vêtements qu’ils portaient et avaient caché l’argent volé. Quelque temps plus tard, les deux hommes avaient chargé un dénommé E.E. de leur apporter l’argent, ce que ce dernier avait fait.

21. Le requérant interjeta appel de ce jugement. Il se plaignit que la condamnation n’était pas suffisamment motivée, que sa culpabilité n’était pas établie, que le tribunal de première instance avait pris une décision erronée, qu’il y avait eu plusieurs manquements aux règles procédurales et matérielles du droit interne et que le tribunal régional n’était pas impartial.

22. L’avocat du requérant demanda la récusation de tous les juges de la cour d’appel de Burgas. Il avança l’argument que la médiatisation de cette affaire pénale avait créé un climat d’intolérance et d’hostilité vis-à-vis de son client. La défense demanda la convocation d’un témoin supplémentaire, un nouvel interrogatoire d’un des témoins déjà interrogés par le tribunal de première instance, ainsi que plusieurs expertises supplémentaires. Le 4 décembre 2001, le juge rapporteur chargé de l’affaire pénale rejeta les demandes relatives au rassemblement de nouvelles preuves pour défaut de pertinence. Il rejeta la demande de récusation des juges de la cour d’appel pour absence de tout indice de parti pris.

23. La cour d’appel examina l’affaire pénale entre février et juillet 2002. Elle interrogea un nouveau témoin et recueillit des conclusions supplémentaires des experts psychiatres sur l’état psychique des deux accusés.

24. Le 6 août 2002, la cour d’appel de Burgas confirma le jugement du tribunal de première instance en souscrivant pleinement aux conclusions factuelles et juridiques de celui-ci. Les preuves rassemblées au cours de l’instruction préliminaire, celles présentées devant le tribunal de première instance et celles rassemblées pour la première fois devant la juridiction d’appel démontraient que les deux accusés avaient planifié et effectué le vol dans le bureau de change et que les deux victimes avaient été tuées par A.S. Le requérant était cependant l’instigateur de ces crimes et il avait procuré l’arme que son complice avait utilisée. La cour d’appel s’appuya sur les dépositions des multiples témoins interrogés au cours de l’examen de l’affaire, sur les résultats des expertises balistiques, comptables, techniques, médicales et psychiatriques, ainsi que sur les preuves matérielles et documentaires recueillies.

25. La cour d’appel observa que les dépositions initiales des accusés, livrées au cours de l’instruction préliminaire, différaient considérablement de leurs dépositions devant le tribunal de première instance. Les premières dépositions corroboraient la conclusion relative à leur participation dans la commission des crimes en cause, tandis que les deuxièmes dépositions lançaient une version selon laquelle un ressortissant iranien avait commis les crimes. La cour d’appel accorda foi aux premières dépositions des accusés, qui avaient été données en la présence de leurs avocats, devant un enquêteur et après l’inculpation formelle des intéressés. Les inculpés avaient été avertis que leurs témoignages pourraient servir devant les tribunaux pour l’établissement des faits et leur examen médical préalable avait démontré l’absence de toute trace de violence physique, ce qui allait à l’encontre de l’affirmation de la défense selon laquelle la première déposition du requérant lui avait été extorquée.

26. La cour d’appel se pencha sur la version des faits exposée par le requérant selon laquelle le double meurtre et le vol auraient été commis par un dénommé V., ressortissant iranien, l’intéressé étant quant à lui pendant ce temps-là à son poste de travail à Sofia. Les vérifications dans la base de données du ministère de l’Intérieur avaient démontré qu’aucune personne d’origine iranienne portant le nom indiqué n’était entrée sur le territoire bulgare. Il était vrai que le requérant était à son poste de travail à Sofia le 2 juillet 1999. Cependant il travaillait comme vigile de nuit et le vol et les meurtres avaient été commis tôt le matin, ce qui lui avait laissé le temps nécessaire pour parcourir la distance entre Burgas et Sofia et se rendre ce soir-là à son lieu de travail. La cour d’appel estima peu convaincante la déposition du seul témoin qui corroborait la version des faits émise par le requérant.

27. La juridiction d’appel constata que le jugement du tribunal de première instance ne souffrait d’aucun des vices de procédure invoqués par la défense. Les conclusions factuelles et juridiques du tribunal régional ne reposaient pas exclusivement sur les aveux des accusés, mais sur l’ensemble des preuves concordantes rassemblées au cours de la procédure pénale. Le requérant avait participé activement à la procédure, ses avocats avaient formulé plusieurs demandes liées au déroulement du procès et au rassemblement des preuves. Le tribunal régional avait répondu à toutes ces demandes et avait pleinement motivé ses décisions procédurales. Il n’y avait aucun indice de parti pris de la part des juges ayant examiné l’affaire et la procédure avait été menée de façon à garantir les intérêts des parties.

28. La cour d’appel exclut des preuves la déposition d’un des témoins pour non-observation des règles de procédure, mais elle estima que ce témoignage n’était pas décisif pour les conclusions factuelles et juridiques en l’espèce. Le tribunal régional avait en effet retardé la délivrance des motifs de son jugement. Cependant, la défense a pu présenter des observations supplémentaires en appel après l’obtention d’une copie desdits motifs.

29. Le requérant se pourvut en cassation et réitéra ses arguments exposés devant la cour d’appel.

30. Par un arrêt du 17 décembre 2003, la Cour suprême de cassation rejeta le pourvoi du requérant. La haute juridiction estima qu’aucune des circonstances invoquées par la défense ne démontrait l’existence d’un parti pris de la part des juges ayant examiné l’affaire pénale. Le requérant avait eu la possibilité de se défendre de manière effective au cours de la procédure pénale : il avait présenté des preuves à décharge et avait contesté les preuves à charge. Une partie de ses demandes, visant au rassemblement de nouvelles preuves, avait été accueillie par les tribunaux inférieurs et leurs refus de rassembler d’autres preuves invoquées par la défense étaient bien motivés.

31. En faisant siens les autres motifs de la cour d’appel, la Cour suprême de cassation estima encore que les faits étaient bien établis, que la législation matérielle et procédurale avait été correctement appliquée et que les droits de l’accusé avaient été pleinement respectés.

B. Les conditions de détention du requérant

32. Le requérant fut incarcéré au centre de détention provisoire de Burgas entre le 5 octobre 1999 et le 27 janvier 2000 puis entre le début du mois de mars et le 14 avril 2000. Il séjourna à la prison de Burgas entre le 27 janvier 2000 et le début du mois de mars 2000 puis entre le 14 avril 2000 et le 25 février 2004. À cette dernière date, il fut transféré à la prison de Sofia, où il est toujours incarcéré.

1. Le centre de détention provisoire de Burgas

33. Le requérant expose qu’il était enfermé dans une cellule sans fenêtre, sans toilettes et sans eau courante. Le local était mal ventilé et mal éclairé. Il n’avait accès à aucune sortie en plein air. L’accès aux équipements sanitaires était limité et le temps imparti pour la toilette des détenus était insuffisant. Le requérant insiste sur l’hygiène déplorable dans cet établissement pénitentiaire. Plus tard, il fut placé dans une autre cellule avec deux autres détenus. Il expose que les détenus devaient dormir à tour de rôle parce qu’il n’y avait qu’un seul banc dans cette cellule.

34. D’après un rapport du directeur général des établissements pénitentiaires présenté par le Gouvernement, à cette époque-là, chaque cellule du centre de détention provisoire de Burgas avait pour seul meuble un banc. Les cellules n’avaient pas de fenêtre et la lumière du jour y pénétrait par les trous des plaques métalliques fixées aux portes. L’établissement en cause disposait d’une seule toilette et salle de bain commune et il n’y avait pas d’espace à ciel ouvert aménagé pour les détenus. Selon le même rapport, entre 2002 et 2009, ledit établissement fut entièrement rénové et aménagé de manière à assurer des conditions de détention respectant la dignité des détenus.

2. La prison de Burgas

35. Le requérant allègue que sa cellule à la prison de Burgas avait une superficie de 6 m2. Il disposait d’un lit et d’un casier métallique. Il n’y avait ni eau courante ni toilettes dans sa cellule. Il se servait d’un seau en plastique pour ses besoins naturels. Comme tous les détenus, il pouvait sortir de sa cellule trois fois par jour pendant trente minutes pour vider le seau et remplir sa bouteille d’eau. L’intéressé présente à l’appui de ces allégations une déclaration de son coaccusé A.S., qui fut détenu avec lui dans les mêmes conditions à la prison de Burgas. L’intéressé expose de surcroît qu’il fut obligé de porter un uniforme de condamné alors que la réglementation interne lui permettait de porter ses propres vêtements.

36. Le requérant expose qu’au début de son séjour à cette prison, il fut privé d’exercice en plein air. D’après la déclaration d’A.S. (paragraphe 35 ci-dessus), les détenus pouvaient sortir en plein air une fois tous les deux jours pendant une heure. Le requérant ne fut associé à aucune activité organisée dans l’enceinte de la prison de Burgas. Il demanda à plusieurs reprises à l’administration pénitentiaire à pouvoir être inclus dans les différents programmes de formation et d’activités professionnelles et à être transféré à la prison de Sofia pour être plus près de sa famille, mais ses demandes restèrent sans suite.

37. Selon un rapport du directeur de la prison de Burgas présenté par le Gouvernement, le requérant s’était difficilement adapté aux règlements pénitentiaires ; son comportement vis-à-vis des surveillants et de l’administration pénitentiaire avait été contestataire et irrespectueux. Cependant le requérant avait bénéficié de tous les droits accordés aux personnes privées de liberté. Il était logé et nourri conformément aux standards pénitentiaires. Il avait bénéficié de temps quotidien en plein air et il avait libre accès à la bibliothèque de la prison. Il avait consulté à plusieurs reprises un psychologue et il avait eu plusieurs rencontres avec le responsable des activités à la prison.

3. La prison de Sofia

38. Suite à son transfert à la prison de Sofia, le requérant fut soumis au régime pénitentiaire dit « spécial », qui se caractérise par un isolement quasi total du reste de la population carcérale.

39. L’intéressé expose que pendant la période comprise entre février 2004 et l’été 2006, il fut enfermé dans une cellule mesurant 4 x 2 mètres qu’il partageait avec un autre prisonnier. Les deux lits occupaient l’essentiel de la surface au sol, ce qui ne laissait aux deux détenus qu’un espace libre de 2 m2. Il n’y avait pas d’eau courante dans la cellule et les prisonniers utilisaient un seau en guise de toilettes.

40. Le requérant expose qu’il passait la plupart de la journée assis sur son lit faute d’espace libre dans la cellule. Il prenait ses repas dans la cellule et il était autorisé à se promener dans la cour de la prison une fois par jour pendant une heure. Son accès à la bibliothèque de la prison se limitait aux quelques minutes nécessaires pour choisir et emprunter un livre et il était raccompagné immédiatement après jusqu’à sa cellule. Il pouvait aller à la chapelle de la prison deux fois par an, pendant les fêtes de Pâques et de Noël, mais en dehors des heures de messe afin de ne pas rencontrer les autres prisonniers.

41. L’intéressé expose encore que jusqu’en 2005, le quartier de haute sécurité de la prison était surpeuplé et que les détenus malades n’étaient pas séparés des autres prisonniers, ce qui favorisait la transmission de maladies infectieuses. Les conditions matérielles s’améliorèrent quelque peu après les travaux effectués dans cette aile de la prison en 2005 et 2006. En décembre 2008, il bénéficia d’un allègement de son régime pénitentiaire. Cependant, comme tous les prisonniers de sa catégorie, il continuait à être séparé du reste de la population carcérale et sa cellule restait fermée à clé pendant la journée. En 2004 et 2005, il avait occasionnellement travaillé dans sa cellule en pliant des enveloppes. Depuis 2010, il a la possibilité de se rendre dans une salle d’activité où il peut discuter avec d’autres prisonniers condamnés à la perpétuité et lire des livres.

42. Selon un rapport du directeur de la prison de Sofia daté du 11 octobre 2011, l’aile de haute sécurité de la prison de Sofia fut entièrement rénovée en 2005 et 2006. À la date du rapport en question, le requérant était incarcéré dans une cellule individuelle d’une superficie de 7,7 m2 disposant d’un lit, d’une table, d’un casier, d’une douche et de toilettes privatives. Sa cellule disposait de chauffage, d’accès à l’eau chaude et elle était bien éclairée.

43. À l’exception des contraintes liées à son régime pénitentiaire, le requérant bénéficie des activités offertes aux autres détenus : il a la possibilité de travailler, d’aller à la bibliothèque ou à la chapelle de la prison, de recevoir les visites de ses proches, d’écrire et de recevoir des lettres. Il peut par ailleurs bénéficier d’allègements de son régime pénitentiaire conformément à l’article 198 de la loi pénitentiaire, sous réserve d’un avis favorable de la commission spécialisée, et rejoindre à terme le reste de la population carcérale.

44. Par ailleurs, en 2010, le requérant demanda l’annulation d’un certain nombre des dispositions du règlement d’application de la loi pénitentiaire relatives aux modalités d’exécution de sa peine perpétuelle. Son recours fut rejeté de manière définitive par un arrêt du 14 septembre 2011 de la Cour administrative suprême, qui jugea que les dispositions attaquées du règlement d’application n’étaient pas contraires à la loi pénitentiaire et que l’adoption du règlement n’était pas entachée d’irrégularités susceptibles de justifier son annulation.

C. L’état de santé du requérant et les soins médicaux prodigués en prison

45. En juin 2001, alors qu’il était incarcéré à la prison de Burgas, le requérant se déclara en grève de la faim pour protester contre le refus des autorités de le transférer à la prison de Sofia. Au cours de ces événements, il était sous la surveillance de l’équipe médicale de la prison. En juillet 2001 son état de santé s’aggrava et, à l’initiative des autorités pénitentiaires, il fut transféré à l’hôpital pénitentiaire près la prison de Sofia. Après son rétablissement, il retourna à la prison de Burgas.

46. Le 26 octobre 2004, le requérant fut accueilli à l’hôpital de la prison de Sofia. Les examens médicaux pratiqués révélèrent qu’il souffrait de tuberculose. Il reçut un traitement médicamenteux à l’hôpital jusqu’au 15 novembre 2004. Par la suite, il demanda à l’administration de la prison de lui accorder plus de temps de plein air, ce qui lui aurait été refusé. L’intéressé expose qu’il n’a pas pu suivre un régime alimentaire adapté à son état de santé, aussi bien pendant qu’après le traitement suivi à l’hôpital pénitentiaire.

47. Selon le rapport du directeur de la prison de Sofia du 11 octobre 2011, à la suite de son séjour à l’hôpital pénitentiaire en 2004, le requérant fut régulièrement soumis à des examens médicaux et analyses biologiques de contrôle. Les résultats de ses derniers examens pratiqués en 2011 auraient démontré que sa maladie n’a pas récidivé.

48. En août 2010 et janvier 2011, le requérant fut hospitalisé à deux reprises pour des maux de tête et insomnies. Il fut examiné et des analyses biologiques furent pratiquées. Les médecins conclurent qu’il s’agissait de céphalées chroniques. Aucune complication sérieuse ne fut découverte. Le requérant reçut un traitement médicamenteux et les douleurs s’estompèrent après les séjours à l’hôpital.

49. Selon le même rapport, le requérait avait eu recours à plusieurs reprises aux services du dentiste de la prison et d’un autre dentiste choisi par ses parents.

50. Par ailleurs, selon les rapports susmentionnés des directeurs des prisons de Sofia et Burgas, il existe un système de prévention et de dépistage de la tuberculose en milieu carcéral, comprenant, entre autres, des examens prophylactiques, diverses analyses médicales en cas d’infection suspectée et l’hospitalisation des détenus en cas de maladie avérée. Certains groupes de détenus, tels que les toxicomanes, les séropositifs, les personnes ayant des antécédents de tuberculose et les diabétiques font l’objet d’une surveillance particulière de la part des médecins pénitentiaires.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

A. Les modalités d’exécution des peines perpétuelles et les recours indemnitaires en vertu de la loi sur la responsabilité de l’État et des communes pour dommage

51. Le droit et la jurisprudence internes pertinents concernant le régime d’exécution des peines perpétuelles et les actions en dommages et intérêts en vue de la réparation du préjudice causé par de mauvaises conditions de détention ont été résumés dans l’arrêt Harakchiev et Tolumov c. Bulgarie, nos 15018/11 et 61199/12, §§ 108-135 et §§ 136-146 respectivement, CEDH 2014 (extraits).

B. L’accès à un avocat au cours des premiers jours de la détention

52. En vertu de l’article 70, alinéa 4 de l’ancienne loi sur le ministère de l’Intérieur, abrogée en 2006, toute personne détenue par la police parce qu’elle est soupçonnée d’avoir commis une infraction pénale avait le droit d’être assistée d’un avocat dès le début de sa détention.

53. En vertu de l’article 73, alinéa 1 de l’ancien code de procédure pénale, le défenseur pouvait participer à la procédure pénale dès l’arrestation ou l’inculpation du suspect.

III. LES RAPPORTS DU COMITé EUROPÉEN POUR LA PRÉVENTION DE LA TORTURE ET DES PEINES OU TRAITEMENTS INHUMAINS OU DÉGRADANTS (CPT)

54. Le centre de détention provisoire de Burgas fut visité en 1999 par une délégation du CPT. La partie pertinente du rapport publié à l’issue de cette visite se lit comme suit (texte disponible uniquement en anglais) :

« 73. As they were generally the same as those observed in investigation detention facilities during the CPT’s 1995 visit, the report will not describe in detail the conditions observed in Burgas Regional detention facility (15 cells, forty detainees at the time of the delegation’s visit), Nessebur Investigation detention facility (5 cells, six detainees at the time of the visit) and Plovdiv Regional Investigation detention facility (32 cells, forty-eight detainees at the time of the visit). To mention only some of the most important failings, these establishments were overcrowded, poorly equipped and dirty, detainees’ access to toilet/shower facilities was problematic, there was insufficient food and drinking water and a total absence of outdoor exercise and out-of-cell activities. As such, the conditions remain of very serious concern to the CPT. »

55. La prison de Burgas fut visitée par une délégation du CPT en avril 2002. La partie pertinente du rapport publié de la délégation se lit comme suit :

« 93. At the time of the visit, Burgas Prison held eleven life-sentenced prisoners (including three whose sentences had not been confirmed). Similar to other parts of the establishment, the section for life-sentenced prisoners had benefited from recent refurbishment. Due to the removal of shutters from cell windows, ventilation and access to natural light had clearly improved. New cell equipment had been delivered and each cell (measuring 6 m²) was about to be fitted with a bed, table, chair, notice‑board and cupboard. (...)

95. (...) Life-sentenced prisoners’ access to the toilet facilities was restricted to three times a day. At other times, they had to use a bucket within their cells. The recommendations already made in paragraphs 82 and 87 concerning access to toilet facilities apply equally to life-sentenced prisoners.

96. (...) Life-sentenced inmates referred to recent improvements to their regime, involving, at Burgas, access to the library and recreational activities (e.g. TV, video projections) (...). Further (...) the inmates concerned had been given some productive/creative work which they could carry out in their cells. Finally, they were now allowed to use the phone. These are all steps in the right direction.

However, life-sentenced prisoners complained about the lack of possibilities for associating among themselves and with other prisoners. The little time available for face-to-face interaction during daily outdoor exercise (...) and recreational/sports activities did not offer adequate scope for human contact. (...)

More generally, the CPT recommends that the Bulgarian authorities continue to develop the regime of life-sentenced prisoners at Burgas and Pleven prisons, as well as at other prisons throughout Bulgaria, by integrating them in the mainstream prison population, in accordance with the above-mentioned amendments to the Law on the Execution of Punishments. (...)

107. Both Burgas and Pleven prisons held a certain number of inmates suffering from tuberculosis. Tangible efforts were being made by the respective health care services to address the issue on the basis of the updated "Working programme for combating tuberculosis in the prison system", established by the Ministry of Justice in co-operation with the Ministry of Health.

At both establishments, it was standard practice for prisoners with active TB to be transferred to Lovech Prison Hospital for intensive treatment; following this, sustaining treatment was administered by the respective health care services. The CPT’s delegation was told at the two prisons that there was a sufficient supply of anti‑tuberculosis medication. However, it would appear that the taking of anti‑tuberculosis medication at both establishments was not monitored on an ongoing basis, as prescribed by the DOTS strategy for tuberculosis control. The CPT would like to receive the comments of the Bulgarian authorities on this matter.

More generally, the information received by the CPT’s delegation during the 2002 visit indicated that the prevalence of tuberculosis in the Bulgarian prison population had fallen noticeably since 1999. This is a positive development. The CPT encourages the Bulgarian authorities to ensure that vigilance is maintained in respect of tuberculosis control in all penal establishments, especially through adequate screening of the inmate population and the provision of appropriate material resources and training of health care staff. Tuberculosis control should be effected in a consistent manner across the prison system, and in accordance with standards applied in the outside community. »

56. La prison de Sofia fut visitée par une délégation du comité en septembre 2006, en décembre 2008 et en mars et avril 2014. Les trois rapports de visite ont été publiés.

57. La partie pertinente du rapport de visite de 2006 se lit comme suit :

« 101. There were 15 lifers at Sofia Prison at the time of the visit; two were being accommodated in the mainstream prison population, while the rest were held in a separate unit in the section used for disciplinary isolation. Lifers in the separate unit were accommodated in single cells measuring 7.5 m²; the cells had a small barred window, set too high in the wall to afford a view out. There was integral sanitation which reduced the limited space in the cell; however, the cells would provide adequate sleeping accommodation for one person provided these prisoners were offered a varied programme of out-of-cell activities during the daytime.

However, in contrast to the situation observed in Pleven and Sliven, life-sentenced prisoners in Sofia Prison lacked communal activities. They were locked up in their cells except for periods of outdoor exercise (1.5 hours like the rest of the inmates at Sofia Prison), which all but four lifers took together. (...) In-cell activities included watching TV and reading books from the library and a daily newspaper; further, nine lifers worked in their cells (making gift bags). (...)

(...) As regards those life-sentenced prisoners currently held in special units, the CPT recommends that the Bulgarian authorities continue to develop their regime of activities, in particular by providing more communal activities (including access to work and education) and revising the policy on long-distance learning and computer‑based courses. (...)

109. Medical examination on admission generally took place on the day of arrival or the following day, but there were a few isolated cases of delays of several days, undoubtedly a reflection of the meagre staff resources. Further, during the month spent in the reception unit, newly arrived prisoners underwent a number of examinations (including of suicidal risk).

As regards screening for transmissible diseases, it varied from one prison to another. (...) At Sofia Prison, screening for HIV was carried out by an NGO on a voluntary basis. As regards screening for tuberculosis, a mobile X-ray unit visited the prisons once a year and all prisoners were screened. (...) »

58. La partie pertinente du rapport de visite de 2008 se lit comme suit :

« 74. As noted in paragraph 68, at the time of the visit, there were 18 life-sentenced prisoners at Sofia Prison. Three of them had been integrated into the mainstream prisoner population, while the remainder were being held in a separate unit (Group 1).

75. Material conditions of detention in the lifer unit had remained basically unchanged since the 2006 visit. The installation of integral sanitation in the cells, with a shower head over the toilet and access to hot water all day, was a positive feature; however, as a result, prisoners had less occasions to leave their cells and interact with staff.

Some of the lifers had their own television sets and playstations in their cells. (...)

76. As regards activities, one notable change since the 2006 visit was the entry into operation of a social room (“club”) in the lifer unit. This good facility was decorated in pleasant light colours and furnished with bookcases, a chess table with two chairs, a larger table with five chairs, a cupboard with games including a backgammon board, a television set with DVD player and a sink. Lifers were divided into three subgroups on the basis of common interests (playing cards, chess, discussing legal matters, etc.) and each group was allowed to use the social room for one hour each weekday. At weekends, there were only the two officers present, which made it difficult to organise activities.

Lifers who were willing to work (12 of the 15 in the lifers unit) worked in their cells on the same kinds of piece work as was observed on the 2006 visit (e.g. putting strings on boutique bags).

Further, outdoor exercise for one and a half hours per day was offered to all lifers. The delegation noted that a shelter had been provided at one end of the exercise yard.

Despite the above-mentioned welcome introduction of a social room, which increased the amount of time spent out of the cells and in association with other prisoners, the daily regime in the lifer unit remained monotonous. The CPT recommends that the Bulgarian authorities strive to enhance the programme of activities provided to life-sentenced prisoners at Sofia Prison, if necessary, by increasing staffing.

77. Staff on the lifer unit indicated that two of the inmates were in their first 5 years of a life sentence and were therefore subject to particular security restrictions. The two lifers were escorted in handcuffs and were not allowed television. It was up to the Director to review the use of handcuffs, but there was no time limit on their use and no regular review period.

As already stated in the report on the 2006 visit, the CPT considers that there can be no justification for routinely handcuffing a prisoner within a secure environment, provided there is proper staff supervision. The Committee recommends that the Bulgarian authorities review the policy of handcuffing life-sentenced prisoners when outside their cells.

78. The CPT has in the past expressed its serious misgivings about the current legal provisions whereby lifers are systematically subjected to a strict and segregated regime for an initial period ordered by the sentencing court (i.e. 5 years). This approach runs counter to the generally accepted principle that offenders are sent to prison as a punishment, not to receive punishment.

The Committee does not question that it may be necessary for some prisoners to be subject, for a certain period of time, to a special security regime. However, the decision whether or not to impose such a measure should lie with the prison authorities, be based on an individual risk assessment and be applied only for the shortest period of time. A special security regime should be seen as a tool of prison management, and not be made part of the catalogue of criminal sanctions to be imposed by courts.

In many countries, lifers are not viewed as necessarily more dangerous than other prisoners; many of them have a long‑term interest in a stable and conflict free environment. Therefore, the approach to the lifer management should proceed from individual risk and needs assessment to allow decisions concerning security, including the degree of contact with others, to be made on a case-by-case basis.

Whereas lifers should not be systematically segregated from other prisoners, special provision should be made to assist lifers and other long‑term prisoners to deal with the prospect of many years in prison. In this respect, reference should be made to Rule 103.8 of the European Prison Rules which states that ‘particular attention shall be paid to providing appropriate sentence plans and regimes for life-sentenced prisoners’, taking into consideration the principles and norms laid down in the Council of Europe Recommendation on the ‘management by prison administrations of life-sentence and other long term prisoners’.

Pursuant to Bulgarian law, after the initial 5 years of their sentence, lifers are eligible for allocation within the mainstream prisoner population if they have behaved well and have had no disciplinary punishments. However, in practice, only a minority of lifers (3 out of 18 at Sofia Prison) had found their way into the mainstream, some after many years served in the lifer unit. The CPT invites the Bulgarian authorities to build on the success of the ‘experiment’ of integrating some life-sentenced prisoners into the mainstream prison population, which should be considered as an appropriate part of the management of this category of prisoner and reinforced by legislative measures.

More generally, the CPT recommends that the Bulgarian authorities review the legal provisions and practice concerning the treatment of life-sentenced prisoners, in the light of the above remarks. »

Le rapport de 2008 ne contenait aucune remarque particulière sur le suivi et le traitement des maladies contagieuses à la prison de Sofia, y compris concernant la tuberculose.

59. La partie pertinente du rapport de visite de 2014 se lit comme suit :

« 84. The review of the situation of life-sentenced prisoners in Bulgaria, carried out by the CPT’s delegation in the course of the 2014 visit, demonstrated that little – if anything at all – had been done to improve their condition in the light of the Committee’s long-standing recommendations. (...)

85. All the prisons visited had a high-security unit in which the vast majority of life-sentenced prisoners were accommodated, the remaining small minority having been allowed to integrate into the mainstream prison population. At the time of the visit, there were (...) 21 [life-sentenced prisoners] at Sofia Prison (15 in the high‑security unit – Group 1) (...). At the time of the visit, there were (...) nine [“real lifers”] at Sofia Prison (...).

In the absence of any change in the legislation governing the criteria for changing the regime of a lifer (despite repeated recommendations from the CPT to this effect), the very small proportion of life-sentenced prisoners allowed to associate with other sentenced prisoners (nonlifers) is hardly surprising. The CPT calls upon the Bulgarian authorities to review the current legal provisions in order to ensure that the segregation of lifers is based on an individual risk assessment and is applied for no longer than strictly necessary.

86. (...) The lifers’ cells seen at Sofia and Vratsa were larger (measuring between 8 and 9 m²) and many of them were used for double occupancy.

The material conditions varied from one lifers’ cell to another in each prison, but they were generally characterised by a more or less advanced state of dilapidation and insalubrity (mould on the walls, water on the floor, etc.). Cells at Sofia Prison had very poor access to natural light but the artificial lighting was adequate. (...)

87. Life-sentenced prisoners could take a shower twice a week in the four prisons visited. Apart from Burgas Prison, all cells for lifers were equipped with (partially screened) sanitary annexes, comprising a toilet and a washbasin. (...) With the positive exception of Vratsa Prison, the in-cell sanitary annexes, as well as the communal showers, toilets and washing facilities, were generally as dilapidated and dirty as elsewhere in the prisons visited. Further, the situation with respect to personal hygiene items and cleaning products was the same as for the rest of the respective prison populations.

88. In the light of the observations in paragraphs 86 and 87, the CPT calls upon the Bulgarian authorities to take the following steps in respect of material conditions in the units for lifers in the prisons visited:

. take out of service any single cells in which the living space is less than 6 m², incell sanitary annexe excluded; (...)

. refurbish the lifers’ cells in all the prisons concerned, paying particular attention to access to natural light at Sofia Prison; in the course of the refurbishment works, all cells should be fitted with fully screened sanitary annexes (i.e. with a partition up to the ceiling); (...)

These recommendations apply mutatis mutandis to all the cells located in the highsecurity units of Belene, Burgas, Sofia and Vratsa prisons, including the disciplinary and segregation cells.

As regards the in-cell sanitary annexes, communal toilets, washing and shower facilities at Belene, Burgas and Sofia prisons, and the provision of basic hygiene products as well as materials for cleaning cells, reference is made to the recommendation in paragraph 74 above.

89. Turning to activities, two [lifers had work] at Sofia Prison (...)

As regards other activities, lifers at all the prisons visited could have TV and/or radio sets in their cells, as well as books, newspapers and (sometimes) DVD players and playstations. Lifesentenced inmates at Sofia Prison were entitled to an hour and a half of association in a common room per day, which was often not taken as the room was only equipped with a table and chairs and there was nothing to do there. (...)

90. Outdoor exercise was available for (...) an hour and a half per day at Sofia Prison (...). In addition, at Sofia and Vratsa prisons the lifers had access to a gym for one hour, five days a week.

91. The CPT remains of the view that the regime for life-sentenced prisoners in Bulgaria should be fundamentally reviewed, so as to include a structured programme of constructive and preferably out-of-cell activities; educators and psychologists should be proactive in working with lifesentenced prisoners to encourage them to take part in that programme and attempt to engage them safely with other prisoners for at least a part of each day.

Consequently, the Committee reiterates its recommendation that the Bulgarian authorities continue to develop the regime for life-sentenced prisoners, in particular by providing more communal activities (including access to work and education). (...)

93. Overall, the delegation noted in the prisons visited that the security measures with respect to life-sentenced prisoners were being applied on the basis of an individual risk assessment; further, they were regularly reviewed and the aim was to reduce gradually the level of restraints imposed on the inmates. The delegation was positively impressed by the practice observed at Vratsa Prison, where (by decision of the director) life-sentenced prisoners were no longer handcuffed while outside their cells, except when being escorted outside the secure detention areas of the prison; further, custodial officers working with the lifers did not carry truncheons. Also in (...) Sofia, most lifers were no longer handcuffed while moving within their units. (...)

100. Many times in the past, the Committee has stressed the importance of medical screening of newly-arrived prisoners, in particular in the interests of preventing the spread of transmissible diseases, suicide prevention, and ensuring the timely recording of any injuries.

In all the penitentiary establishments visited, newly-arrived prisoners were in principle seen by health-care staff within 24 hours from their arrival. That said, there were some exceptions: inmates who arrived on a Friday were usually not seen before the following Monday; further, delays of up to seven days were found at (...) Sofia prison.

The medical screening process was of a superficial character (if not a mere formality) in most of the establishments visited, and consisted of an interview and taking an inmate’s pulse and blood pressure. That said, the procedure at Belene and Vratsa prisons also included the screening for tuberculosis, whereas in the other prisons such a screening was only performed once a year and not on admission; as for Boychinovtsi Correctional Home, TB screening upon arrival was not performed systematically. Other tests (e.g. for HIV, hepatitis B/C) could be performed on a voluntary basis, but none of the establishments did that as a routine measure. (...)

The CPT reiterates its recommendation that steps be taken to ensure strict adherence to the rule that all prisoners must be seen by a health-care staff member immediately upon arrival, as specified in the law. The medical examination on admission should be comprehensive, including a physical examination. »

EN DROIT

I. SUR LES VIOLATIONS ALLÉGUÉES DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

60. Le requérant allègue qu’il n’a pas reçu les soins médicaux appropriés à son état alors qu’il était incarcéré, et se plaint également des conditions matérielles de détention et du régime pénitentiaire dans le centre de détention provisoire de Burgas et dans les prisons de Burgas et Sofia. Il invoque l’article 3 de la Convention, libellé comme suit :

Article 3

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

A. Sur la recevabilité

1. Positions des parties

61. Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes. Il fait observer que le requérant n’a pas introduit d’action en dommages et intérêts comme il pouvait le faire en vertu de l’article 1 de la loi sur la responsabilité de l’État et des communes pour dommage. Il s’agissait d’un recours bien établi dans la jurisprudence des tribunaux internes qui aurait permis au requérant d’obtenir une reconnaissance de la violation de son droit à ne pas être soumis à des traitements inhumains et dégradants et qui aurait débouché, le cas échéant, sur l’octroi d’une compensation pécuniaire.

62. Le requérant considère qu’une action en dommages et intérêts sous l’angle de l’article 1 de la loi sur la responsabilité de l’État et des communes pour dommage ne saurait être considérée comme une voie de recours effective dans son cas. Il allègue en particulier qu’il s’agissait d’un recours de nature purement indemnitaire qui ne pouvait pas amener à une amélioration de ses conditions matérielles de détention. Celles-ci sont restées inchangées entre 1999 et 2005, date à laquelle les autorités pénitentiaires ont mis en œuvre un programme de réhabilitation des locaux du quartier de haute sécurité de la prison de Sofia. Or même après cette date, les prisonniers purgeant une peine perpétuelle ont continué à être isolés du reste de la population carcérale et n’avaient pas suffisamment d’activités en dehors de leur cellule, ce que l’on ne peut considérer comme une situation compatible avec l’article 3 de la Convention.

63. L’intéressé ajoute que jusqu’en 2007, date à laquelle le législateur a introduit une taxe de saisine forfaitaire d’un montant de 10 BGN, la taxe judiciaire due pour une action en dommages et intérêts contre l’État était proportionnelle à la prétention formulée par le demandeur, ce qui s’analysait en un obstacle injuste à l’introduction d’une telle action en justice par les prisonniers. Par ailleurs, les montants alloués par les tribunaux internes à titre de dommages et intérêts dans des cas similaires à celui du requérant étaient modiques.

64. Une telle action était ineffective pour ce qui était du régime pénitentiaire contraignant du requérant, étant donné que celui-ci découlait des dispositions législatives en vigueur et que son application par l’administration pénitentiaire n’était pas considérée comme une action illégale par les tribunaux.

65. L’action en responsabilité de l’État ne pouvait pas non plus constituer une voie de recours effective pour les allégations d’absence de soins médicaux adéquats en prison, dans la mesure où il existait un risque permanent de nouvelle contamination en milieu carcéral. Par ailleurs, le requérant a été privé de régime alimentaire adapté et on lui avait refusé d’augmenter son temps quotidien en plein air.

2. Appréciation de la Cour

a) Sur l’absence alléguée de soins médicaux adéquats en milieu carcéral

66. Le requérant se plaint, en premier lieu, de l’absence de soins médicaux adéquats en milieu carcéral.

67. La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 3 de la Convention, l’État doit veiller à assurer de manière adéquate la santé et le bien-être des prisonniers, notamment par l’administration des soins médicaux appropriés (Mouisel c. France, no 67263/01, § 40, CEDH 2002‑IX ; Farbtuhs c. Lettonie, no 4672/02, § 51, 2 décembre 2004).

68. La Cour n’estime pas qu’il y ait lieu d’examiner l’exception de non‑épuisement des voies de recours internes du Gouvernement dans le cas d’espèce parce qu’elle considère qu’en tout état de cause, ce grief est irrecevable pour les raisons exposées ci-dessous.

69. La Cour observe que le requérant a été placé sous la surveillance des médecins pénitentiaires lors de sa grève de la faim en juin et juillet 2001 à la prison de Burgas. Au bout d’un certain temps, il a été hospitalisé à cause de la dégradation de son état de santé et il a été renvoyé à la prison de Burgas après son rétablissement définitif (paragraphe 45 ci‑dessus).

70. En octobre 2004, soit huit mois après son transfert à la prison de Sofia, il est tombé malade de la tuberculose (paragraphe 46 ci-dessus). Il a été admis à l’hôpital pénitentiaire où il a bien reçu le traitement médical nécessaire puisque les résultats de ses examens de contrôle réguliers ont démontré que la maladie n’avait plus récidivé (paragraphe 47 ci-dessus). D’après les rapports de l’administration pénitentiaire, que le requérant ne conteste pas, il fait l’objet d’un suivi continu par les médecins pénitentiaires (ibidem).

71. En 2010 et 2011, il a été de nouveau hospitalisé pour maux de tête chroniques et insomnies. Les médecins n’ont constaté aucune complication sérieuse et son état de santé s’est amélioré après le séjour à l’hôpital pénitentiaire. Par ailleurs, le requérant a régulièrement recours aux services de deux dentistes – celui de la prison et celui choisi par ses proches (paragraphes 48-49 ci-dessus).

72. A la lumière de ces faits, la Cour n’estime pas que les autorités pénitentiaires bulgares aient manqué à leur obligation de fournir au requérant des soins médicaux appropriés. Certes, le requérant a contracté la tuberculose en prison. Toutefois, la Cour tient à rappeler que pareil fait ne saurait suffire à lui seul pour engager la responsabilité de l’État sous l’angle de l’article 3 de la Convention, si les autorités pénitentiaires ont pris toutes les mesures nécessaires pour assurer au détenu un traitement médical adéquat (voir parmi beaucoup d’autres Alver c. Estonie, no 64812/01, § 54, 8 novembre 2005 ; Pitalev c. Russie, no 34393/03, § 53, 30 juillet 2009 ; Gladkiy c. Russie, no 3242/03, § 88, 21 décembre 2010). Or il ressort des pièces du dossier que le requérant a été traité à l’hôpital pénitentiaire, qu’il fait l’objet d’un suivi continu et régulier de la part des médecins pénitentiaires et que, depuis 2004, sa maladie n’a plus récidivé. Il apparaît également que le traitement hospitalier et le suivi médical continu du requérant s’inscrivent dans le cadre d’une politique de prévention et de traitement de la tuberculose en milieu carcéral mise en place par les autorités pénitentiaires (voir paragraphes 50 et 57 ci-dessus). La Cour observe de surcroît que les rapports sur les visites du CPT à la prison de Sofia ne contiennent pas de critiques particulières quant au traitement médicamenteux ou au suivi médical des détenus atteints de tuberculose (voir paragraphes 57 et 59 ci-dessus).

73. Pour ces motifs, la Cour estime que le présent grief de l’intéressé est manifestement mal fondé et doit donc être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

b) Sur les conditions matérielles de détention et le régime pénitentiaire du requérant

74. Le requérant dénonce les conditions matérielles dans le centre de détention provisoire de Burgas et dans les prisons de Burgas et Sofia. Il se plaint du régime pénitentiaire sous lequel il purge sa peine perpétuelle.

75. Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes. Il observe que le requérant a omis d’introduire une action en dommages et intérêts en vertu de l’article 1 de la loi sur la responsabilité de l’État et des communes pour dommage.

76. La Cour rappelle que la règle énoncée à l’article 35 § 1 de la Convention impose aux requérants l’obligation d’utiliser en premier lieu les recours normalement disponibles et suffisants dans l’ordre juridique interne de leur pays pour leur permettre d’obtenir réparation des violations qu’ils allèguent. Lesdits recours doivent exister à un degré suffisant de certitude, en pratique comme en théorie, sans quoi leur manquent l’effectivité et l’accessibilité voulues (voir parmi beaucoup d’autres, Salman c. Turquie [GC], no 21986/93, § 81, CEDH 2000‑VII, et İlhan c. Turquie [GC], no 22277/93, § 58, CEDH 2000‑VII).

77. Il incombe au Gouvernement excipant du non-épuisement de convaincre la Cour que le recours qu’il reproche au requérant de ne pas avoir exercé était effectif et disponible tant en théorie qu’en pratique. Une fois cela démontré, c’est au requérant qu’il revient d’établir que le recours évoqué par le Gouvernement a bien été employé ou que, pour une raison quelconque, il n’était ni adéquat ni effectif compte tenu des faits de la cause ou encore que certaines circonstances particulières le dispensaient de l’obligation d’exercer ce recours (Akdivar et autres c. Turquie, 16 septembre 1996, § 68, Recueil des arrêts et décisions 1996‑IV).

78. Selon la jurisprudence constante de la Cour, les recours de nature purement indemnitaire, comme l’action en dommages et intérêts prévue à l’article 1 de la loi sur la responsabilité de l’État et des communes pour dommage, invoquée par le Gouvernement, constituent des voies internes effectives à exercer au préalable lorsque la personne concernée a été depuis lors libérée ou placée dans des conditions conformes aux normes de la Convention (Harakchiev et Toloumov, précité, §§ 222-225).

79. Se tournant vers les faits de l’espèce, la Cour observe que le requérant est toujours incarcéré à la prison de Sofia. Hormis quelques changements positifs dans ses conditions matérielles de détention, concernant notamment la superficie de sa cellule et les commodités sanitaires intégrées à celle-ci (voir paragraphe 42 ci-dessus), il continue d’être soumis à un régime pénitentiaire très restrictif, qui se caractérise par son isolement du reste de la population carcérale et par l’absence d’activités suffisantes (voir paragraphes 41 et 59 ci-dessus). Étant donné que les tribunaux internes considèrent que les modalités d’exécution des peines perpétuelles ne sont pas contraires à la législation interne, une éventuelle action en dommages et intérêts reposant sur l’article 1 de la loi sur la responsabilité de l’État et des communes et dénonçant lesdites modalités d’exécution de la peine serait dépourvue de toute chance raisonnable de succès (voir Harakchiev et Tolumov, précité, §§ 142, 143 et 226). Par ailleurs, le recours formé par le requérant lui-même à l’encontre des dispositions du règlement d’application de la loi pénitentiaire pertinentes pour la détermination des modalités d’exécution de sa peine perpétuelle a été rejeté par les juridictions administratives au motif que ces dispositions étaient conformes aux actes législatifs supérieurs (voir paragraphe 44 ci‑dessus). Il en ressort que le recours invoqué par le Gouvernement n’est pas susceptible de remédier à la violation alléguée de l’article 3.

80. Il convient donc de rejeter l’exception de non-épuisement soulevée par le Gouvernement.

81. La Cour constate, par ailleurs, que le présent grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B. Sur le fond

1. Positions des parties

a) Le requérant

82. Le requérant expose qu’il a passé de longues années, dans trois établissements pénitentiaires différents, dans de très mauvaises conditions matérielles de détention : selon ses dires, il était enfermé dans des cellules étroites et délabrées, sans commodités sanitaires intégrées, et en l’absence d’éclairage, de ventilation et d’hygiène adéquats.

83. Ces conditions matérielles, précise-t-il, se sont doublées d’un régime pénitentiaire qui le soumettait à un isolement continu du reste de la population carcérale et ne lui offrait pas suffisamment d’activités en dehors de sa cellule.

84. Le requérant est d’avis que les effets néfastes de ses conditions de détention et de son régime pénitentiaire ont dépassé le seuil de gravité nécessaire pour l’application de l’article 3 et qu’il a été de ce fait soumis à des traitements inhumains et dégradants.

b) Le Gouvernement

85. Le Gouvernement combat la thèse du requérant. Il fait observer qu’en incarcérant le requérant dans les trois établissements pénitentiaires en cause, les autorités n’ont eu aucunement l’intention de le soumettre à des traitements incompatibles avec l’article 3 de la Convention.

86. Le Gouvernement fait observer que l’intéressé est à présent incarcéré dans une cellule de superficie convenable, bien meublée et disposant de toutes les commodités sanitaires nécessaires. Il bénéficie d’un temps quotidien de plein air et d’autres activités parmi celles disponibles à la prison de Sofia : visite à la bibliothèque, présence à des services religieux, réception et envoi de correspondance.

87. Le Gouvernement considère que le seuil de gravité nécessaire pour l’application de l’article 3 n’a pas été atteint en l’occurrence. Partant, il invite la Cour à rejeter le grief du requérant tiré de cet article de la Convention.

2. Appréciation de la Cour

88. La Cour rappelle que selon sa jurisprudence, pour tomber sous le coup de l’article 3, un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité. L’appréciation de ce minimum est relative par essence ; elle dépend de l’ensemble des données de la cause, notamment de la durée du traitement et de ses effets physiques et mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l’âge et de l’état de santé de la victime (voir, parmi beaucoup d’autres, l’arrêt Irlande c. Royaume-Uni, 18 janvier 1978, § 162, série A no 25). La question principale qui se pose devant la Cour en la présente affaire est donc de savoir si les conditions matérielles de détention du requérant, combinées avec les modalités d’exécution de sa peine perpétuelle, ont dépassé le seuil de gravité requis pour l’application de l’article 3 de la Convention.

89. Le requérant est incarcéré depuis octobre 1999. Depuis cette date, il est passé par trois établissements pénitentiaires différents : le centre de détention provisoire de Burgas, la prison de Burgas et la prison de Sofia.

90. La Cour relève que les parties s’accordent sur le caractère inadéquat des conditions matérielles qui régnaient au centre de détention provisoire de Burgas entre octobre 1999 et avril 2000, période durant laquelle le requérant y était incarcéré (paragraphes 33-34 ci-dessus). Le rapport de visite du CPT de 1999 corrobore ce constat (paragraphe 54 ci-dessus).

91. Le requérant a été ensuite transféré à la prison de Burgas, où il est resté entre 2000 et 2004 (voir paragraphe 32 ci-dessus). Dans son rapport de visite de 2002, la délégation du CPT a indiqué que le quartier destiné aux prisonniers condamnés à la perpétuité à la prison de Burgas, où le requérant a séjourné, avait été récemment réaménagé, que les cellules individuelles avaient une superficie de 6 m2 et étaient pourvues d’une ventilation et d’un éclairage adéquats. Le problème principal constaté par la délégation du CPT était l’accès restreint aux équipements sanitaires communs et l’utilisation de seaux hygiéniques par les prisonniers (paragraphe 55 ci-dessus).

92. Le 25 février 2004, le requérant a été transféré à la prison de Sofia, où il continue de purger sa peine. Selon les rapports des visites de 2006, 2008 et 2014 du CPT dans cet établissement pénitentiaire, toutes les cellules dans le quartier de haute sécurité de la prison de Sofia avaient des équipements sanitaires intégrés (paragraphes 57-59 ci-dessus). Selon les informations présentées par le Gouvernement, cette partie de la prison a été rénovée en 2005 et 2006 et le requérant y est installé dans une cellule individuelle de superficie convenable (paragraphe 42 ci-dessus). Cependant, le rapport de visite du CPT de 2014 fait de nouveau état d’un délabrement général du quartier de la prison de Sofia destiné aux condamnés à perpétuité, de l’absence de lumière naturelle et de l’hygiène insuffisante des locaux (voir paragraphe 59 ci-dessus).

93. La Cour constate que tout au long de ces années, les modalités d’exécution de la peine perpétuelle du requérant, déterminées par le régime pénitentiaire appliqué à celui-ci, sont restées très contraignantes. Le requérant a été initialement placé sous le régime pénitentiaire dit « spécial » : il passait vingt-trois heures par jour enfermé dans sa cellule, la plupart du temps sur son lit ; son accès à la bibliothèque de la prison se limitait aux quelques minutes nécessaires pour choisir et emprunter un livre ; il pouvait aller à la chapelle de la prison deux fois par an, avec interdiction de rencontrer les autres prisonniers (voir paragraphes 38 et 40 ci-dessus). En 2008, il a bénéficié d’un allègement de son régime pénitentiaire (paragraphe 41 ci-dessus). Toutefois sa cellule continue à être fermée à clé pendant la journée et il continue à être isolé du reste de la population carcérale (ibidem). Les rapports successifs du CPT font apparaître que les prisonniers du quartier de haute sécurité de la prison de Sofia ont très peu d’activités en dehors de leurs cellules et sont isolés du reste des prisonniers (paragraphes 57-59 ci-dessus).

94. Au vu des éléments susmentionnés, et à l’instar de son constat dans le récent arrêt Harakchiev et Toloumov, précité, §§ 203-214, la Cour estime que les mauvaises conditions de détention du requérant, prises ensemble avec le régime restrictif d’exécution de sa peine perpétuelle et avec la longueur de la période d’incarcération concernée, ont soumis le requérant à une épreuve allant au-delà des souffrances inhérentes à l’exécution d’une peine privative de liberté. La Cour estime donc que le seuil de gravité nécessaire à l’application de l’article 3 de la Convention a été dépassé en l’occurrence. Le requérant a été mis dans une situation continue de méconnaissance de son droit à ne pas être soumis à des traitements inhumains et dégradants.

95. Il y a donc eu violation de l’article 3 de la Convention.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION

96. Dans ses observations du 12 avril 2012, le requérant s’est plaint de ne pas disposer de voies de recours internes susceptibles de remédier aux violations alléguées de l’article 3. Il invoquait l’article 13 de la Convention, libellé ainsi :

Article 13

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

97. La Cour observe que le requérant a formulé deux griefs distincts sous l’angle de l’article 3 de la Convention : le premier concernant l’absence de soins médicaux adéquats ; le deuxième, les conditions matérielles de détention et le régime pénitentiaire.

98. Pour ce qui est du grief relatif à l’absence allégée de soins médicaux adéquats en milieu carcéral, il échet d’observer que la Cour l’a déclaré irrecevable pour défaut manifeste de fondement (voir paragraphes 66-73 ci‑dessus). Il s’ensuit que le requérant ne dispose pas à cet égard d’un « grief défendable », condition nécessaire pour pouvoir se plaindre d’une éventuelle violation de l’article 13. Cette partie de sa requête est donc manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

99. En ce qui concerne l’autre grief tiré des dispositions combinés des articles 13 et 3, à savoir l’absence de voies de recours internes pour remédier aux conditions de détention, la Cour observe qu’en 2010, le requérant a attaqué devant les juridictions administratives bulgares les dispositions du règlement d’application de la loi carcérale qui régissaient certains aspects de son régime contraignant de détention. Ce recours a été définitivement rejeté par la Cour administrative suprême le 14 septembre 2011 (voir paragraphe 44 ci-dessus). Compte tenu des circonstances de l’espèce, la Cour estime que cette dernière date doit être retenue comme point de départ du délai de six mois pour l’introduction du grief tiré de l’article 13 au sujet des mauvaises conditions de détention. Or, le requérant n’a introduit ce grief que le 12 avril 2012, soit sept ans et dix mois après l’introduction de ces griefs sous l’angle de l’article 3 pris isolément, et sept mois après la décision interne définitive pertinente. Il s’ensuit que ce grief est tardif et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 3 c) COMBINÉ AVEC L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

100. Le requérant allègue qu’il n’a pas été assisté d’un avocat au cours des premiers jours de sa détention. Dans ses observations du 12 avril 2012, il s’est également plaint que les entretiens ultérieurs avec ses avocats dans les locaux de détention provisoire ont eu lieu en la présence de l’enquêteur. Il invoque l’article 6 §§ 1 et 3 c), libellé comme suit :

Article 6

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...)

3. Tout accusé a droit notamment à :

c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent. (...)»

A. Sur la recevabilité

101. Le requérant se plaint d’abord qu’il n’a pas été assisté d’un avocat au cours des premiers jours de sa détention. La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

102. En ce qui concerne le deuxième grief du requérant, à savoir qu’il n’a pas pu avoir des entretiens confidentiels avec ses avocats lors de sa détention, la Cour observe que ce grief a été formulé pour la première fois dans les observations du requérant du 12 avril 2012, soit plus de douze ans après les événements en cause (voir paragraphes 10-16 ci-dessus) et huit ans et quatre mois après la fin des poursuites pénales à l’encontre du requérant (voir paragraphe 30 ci-dessus). Il s’ensuit que ce grief est tardif et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

B. Sur le fond

1. Position des parties

103. Le requérant expose qu’il a été arrêté le 3 octobre 1999 à Sofia et qu’il a été transféré le lendemain à Burgas. Pendant les trois premiers jours de sa détention, il aurait été interrogé par les policiers en l’absence d’un avocat, et ce malgré ses demandes expresses de bénéficier de l’assistance d’un défenseur. Le 6 octobre 1999, il aurait eu un bref entretien avec un avocat commis d’office juste avant d’être inculpé du braquage d’un bureau de change accompagné du meurtre de deux personnes.

104. Le requérant rappelle que l’accès à un avocat est une des garanties essentielles d’un procès pénal équitable. Dans son cas, même si les interrogatoires initiaux menés par les policiers ne faisaient pas partie, d’un point de vue légal, de l’instruction préliminaire menée à son encontre, il soutient que l’impossibilité de rencontrer un avocat au cours de cette période initiale de sa détention a porté atteinte à son droit à la défense et à l’équité de son procès.

105. Le Gouvernement s’oppose à la thèse du requérant. Il fait remarquer que le requérant a été inculpé et interrogé pour la première fois le 6 octobre 1999 en la présence d’un avocat commis d’office. Aucune mesure d’instruction n’avait été effectuée pendant les trois jours précédents. Par ailleurs, étant donné que la législation interne garantissait l’accès à un avocat dès le moment de la détention, le requérant aurait pu demander à contacter un avocat de son choix bien avant le 6 octobre 1999, ce qu’il n’a pas jugé nécessaire de faire.

106. De surcroît, pendant ses deux premiers interrogatoires, en date des 6 et 12 octobre 1999, l’intéressé a gardé le silence. Il n’est passé aux aveux que le 21 octobre 1999, alors qu’il était déjà assisté d’avocats de son choix. Dans ces circonstances, le Gouvernement soutient que le fait que le requérant n’ait pas été assisté par un avocat pendant les premiers jours de sa détention n’a pas porté atteinte à son droit à une défense effective dans le cadre de la procédure pénale menée à son encontre. L’équité de la procédure pénale aurait donc été respectée.

2. Appréciation de la Cour

107. La Cour rappelle que les garanties de l’article 6, dans son volet pénal, et notamment celles énoncées à son paragraphe 3, peuvent entrer en jeu avant même la saisine du juge du fond, si et dans la mesure où leur inobservation initiale risque de compromettre gravement l’équité du procès (Imbrioscia c. Suisse, 24 novembre 1993, § 36, série A no 275).

108. La Cour a eu l’occasion d’affirmer à plusieurs reprises que le droit de tout accusé à être effectivement défendu par un avocat, au besoin commis d’office, garanti par l’article 6 § 3 c), figure parmi les éléments fondamentaux du procès équitable (Poitrimol c. France, 23 novembre 1993, § 34, série A no 277‑A, et Demeboukov c. Bulgarie, no 68020/01, § 50, 28 février 2008). Cela étant, l’article 6 § 3 c) laisse aux États contractants le choix des moyens propres à permettre à leur système judiciaire de le garantir, la tâche de la Cour consistant à rechercher si la voie qu’ils ont empruntée cadre avec les exigences d’un procès équitable (Imbrioscia, précité, § 38).

109. Pour que le droit à un procès équitable consacré par l’article 6 § 1 demeure suffisamment « concret et effectif », il faut, en règle générale, que l’accès à un avocat soit consenti dès le premier interrogatoire d’un suspect par la police, sauf à démontrer, à la lumière des circonstances particulières de l’espèce, qu’il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit. Même lorsque des raisons impérieuses peuvent exceptionnellement justifier le refus de l’accès à un avocat, pareille restriction – quelle que soit sa justification – ne doit pas indûment préjudicier aux droits découlant pour l’accusé de l’article 6. Il est en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense lorsque des déclarations incriminantes faites lors d’un interrogatoire de police subi sans assistance possible d’un avocat sont utilisées pour fonder une condamnation (Salduz c. Turquie [GC], no 36391/02, § 55, CEDH 2008).

110. Par ailleurs, la Cour a conclu que l’interdiction systématique faite aux suspects d’avoir accès à un avocat pendant leur garde à vue, qui découlait d’une disposition de la législation interne, s’analysait en un manquement aux exigences de l’article 6 de la Convention, nonobstant le fait que la personne concernée ait gardé le silence au cours de ses interrogatoires (Dayanan c. Turquie, no 7377/03, § 33, 13 octobre 2009).

111. La Cour observe d’emblée qu’il y a lieu de distinguer la présente affaire de l’affaire Dayanan, précitée, dans la mesure où, à la différence de la législation turque à l’époque des faits, la législation bulgare pertinente ne posait aucune restriction au droit des détenus à être assistés d’avocats de leur choix et ce dès le moment de leur arrestation. En effet, l’article 70, alinéa 4 de l’ancienne loi sur le ministère de l’Intérieur garantissait au requérant l’accès à un avocat dès son arrestation par la police le 3 octobre 1999, et l’article 73, alinéa 1 de l’ancien code de procédure pénale étendait cette même garantie à la détention de l’intéressé ordonnée à partir du 4 octobre 1999 par les organes de l’instruction préliminaire (paragraphes 52 et 53 ci-dessus). Ces règles ne pouvaient être sujettes à aucune dérogation.

112. Les parties s’accordent à constater que le requérant n’a toutefois pas bénéficié en pratique de cette garantie légale. Le Gouvernement soutient que le requérant n’a pas demandé à consulter un avocat pendant cette période (paragraphe 105 ci-dessus). L’intéressé affirme le contraire (paragraphe 103 ci-dessus). La Cour n’est pas en position de déterminer si le fait que le requérant n’ait pas consulté un avocat avant le 6 octobre 1999 était dû à sa propre passivité ou, comme semble l’affirmer ce dernier, à la mauvaise foi des autorités. Quoi qu’il en soit, la Cour estime qu’il y a lieu de rechercher, à la lumière de sa jurisprudence constante, en particulier les principes énoncés dans son arrêt Salduz, précité, si le fait dénoncé par le requérant a porté une atteinte irrémédiable à l’équité de la procédure pénale dans son ensemble.

113. La Cour observe en premier lieu qu’aucun document du dossier n’indique que le requérant a été interrogé pendant les trois premiers jours de sa détention en l’absence d’un avocat (voir, a contrario, Salduz, précité, § 14, et Adamkiewicz c. Pologne, no 54729/00, § 87, 2 mars 2010). En effet, tous ses interrogatoires par les organes chargés de mener l’enquête pénale à son encontre ont eu lieu après son inculpation formelle du 6 octobre 1999 et en la présence d’un avocat (paragraphes 10-12 et 16 ci-dessus). Aucune autre mesure d’instruction impliquant le requérant n’a été effectuée pendant les trois jours où il n’était pas assisté d’un défenseur (voir, a contrario, Mehmet Şerif Öner c. Turquie, no 50356/08, § 21, 13 septembre 2011).

114. Au cours de ses premiers interrogatoires conduits par l’enquêteur les 6 et 12 octobre 1999 en la présence de ses avocats, l’intéressé a gardé le silence. Il n’est passé aux aveux que le 21 octobre 1999, date à laquelle il était assisté d’un avocat de son choix lors de son interrogatoire (paragraphe 12 ci-dessus). Il est vrai que le requérant s’est par la suite rétracté de ses dépositions initiales pour soutenir une version selon laquelle les crimes qu’on lui reprochait avaient été commis par un étranger (paragraphes 14, 16 et 25 ci-dessus). Nonobstant ce fait, la Cour estime que le requérant ne saurait prétendre ne pas savoir, au moment où il a avoué sa participation dans le braquage en cause, que cette déposition initiale pourrait être utilisée en tant que preuve dans le cadre des poursuites pénales.

115. De fait, les aveux du requérant ont été retenus comme preuve pertinente dans le cadre de son procès. Force est de constater cependant que sa condamnation ne reposait pas uniquement sur ces aveux. Les tribunaux internes ont pris en compte plusieurs autres preuves qui corroboraient la version selon laquelle c’était bien lui qui avait organisé le braquage en cause et qui avait incité son complice A.S. à tirer sur les deux victimes. Au cours de son procès, il était assisté par des avocats de son choix. Il a pu présenter sa version des faits, avancer les arguments qui militaient pour son acquittement et obtenir le rassemblement de preuves à décharge. Les juridictions internes ont amplement motivé leurs jugements (paragraphes 18-31 ci-dessus).

116. La Cour constate dès lors que le fait que l’intéressé n’a pas été assisté d’un avocat au cours des trois premiers jours de sa détention n’a pas porté atteinte à son droit de se défendre de manière effective dans le cadre des poursuites pénales. Son droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination a été respecté et l’équité de la procédure pénale a bel et bien été assurée. Il n’y a donc pas eu violation de l’article 6 § 3 c) combiné avec l’article 6 § 1 de la Convention.

IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

117. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. ».

A. Dommage

118. Le requérant réclame 28 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il dit avoir subi.

119. Le Gouvernement considère que cette prétention est exorbitante.

120. La Cour estime que le requérant a subi un certain dommage moral du fait des mauvaises conditions auxquelles il s’est trouvé exposé dans les établissements pénitentiaires où il a été incarcéré et du régime pénitentiaire contraignant auquel il a été soumis. Afin de déterminer le montant du dédommagement à allouer en la présent espèce, la Cour estime qu’il y lieu de prendre en compte la longue durée de la détention du requérant, l’ensemble des conditions matérielles inadéquates dans les trois établissements pénitentiaires où il a été incarcéré le long de ces années et l’application continue d’un régime pénitentiaire dépourvu de suffisamment d’opportunités de contacts humains et d’activités en dehors de la cellule. Au vu des circonstances susmentionnées, et compte tenu des montants alloués au titre du préjudice moral dans d’autres affaires similaires contre la Bulgarie (voir notamment Harakchiev et Toloumov, précité, § 286), la Cour considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant la somme de 8 000 EUR à ce titre.

B. Frais et dépens

121. Le requérant demande également 1 910 EUR et 1 329 levs (BGN) pour les frais et dépens engagés devant la Cour. Il demande que la somme de 1 910 EUR soit versée directement sur le compte bancaire de son représentant, Mme S. Margaritova-Vuchkova.

122. Le Gouvernement estime que cette prétention est exorbitante et non étayée.

123. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour estime que les sommes demandées au titre des frais et dépens sont raisonnables et justifiées, et les accorde au requérant. Elle accueille également la demande tendant à ce que la somme de 1 910 EUR soit versée directement sur le compte de sa représentante, la somme de 679,50 EUR (correspondant à 1 329 BGN) étant quant à elle à verser sur le compte bancaire du requérant.

C. Intérêts moratoires

124. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l’article 3 au sujet des conditions matérielles de détention et du régime pénitentiaire du requérant, et quant au grief tiré de l’article 6 § 3 c) combiné avec l’article 6 § 1 concernant l’absence d’accès à un avocat pendant les premiers jours de détention, et irrecevable pour le surplus ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention ;

3. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 3 c) combiné avec l’article 6 § 1 de la Convention ;

4. Dit

a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir en levs bulgares, au taux applicable à la date du règlement :

i) 8 000 EUR (huit mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

ii) 2 589,50 EUR (deux mille cinq cent quatre-vingt-neuf euros et cinquante centimes), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, pour frais et dépens, dont 679,50 EUR (six cent soixante-dix-neuf euros et cinquante centimes) à verser directement sur le compte du requérant et 1 910 EUR (mille neuf cent dix euros) à verser sur le compte de sa représentante juridique ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 20 octobre 2015, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Françoise Elens-PassosGuido Raimondi
GreffièrePrésident


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