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22/04/2014 | CEDH | N°001-142460

CEDH | CEDH, AFFAIRE GAVRILITA c. RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA, 2014, 001-142460


TROISIÈME SECTION

AFFAIRE GAVRILIŢĂ c. RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA

(Requête no 22741/06)

ARRÊT

STRASBOURG

22 avril 2014

DÉFINITIF

22/07/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Gavriliță c. République de Moldova,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Josep Casadevall, président,
Alvina Gyulumyan,
Dragoljub Popović,
Lui

s López Guerra,
Johannes Silvis,
Valeriu Griţco,
Iulia Antoanella Motoc, juges,
et de Santiago Quesada, greffier de section,

Après en avoir délibér...

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE GAVRILIŢĂ c. RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA

(Requête no 22741/06)

ARRÊT

STRASBOURG

22 avril 2014

DÉFINITIF

22/07/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Gavriliță c. République de Moldova,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Josep Casadevall, président,
Alvina Gyulumyan,
Dragoljub Popović,
Luis López Guerra,
Johannes Silvis,
Valeriu Griţco,
Iulia Antoanella Motoc, juges,
et de Santiago Quesada, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 1er avril 2014,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 22741/06) dirigée contre la République de Moldova et dont deux ressortissants de cet État, MM. Vasile et Victor Gavriliță (« les requérants »), ont saisi la Cour le 19 mai 2006 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Les requérants ont été représentés par M. T. Ciorap. Le gouvernement moldave (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. L. Apostol.

3. Les requérants se plaignent en particulier d’une violation des articles 3 et 5 de la Convention.

4. Le 17 janvier 2012, les griefs tirés des articles 3 et 5 de la Convention ont été communiqués au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Les requérants sont des frères, nés respectivement en 1978 et en 1984. Ils résident à Chișinău.

A. Allégations de mauvais traitements infligés au premier requérant

6. Le 22 octobre 2001, le tribunal de Râşcani émit un mandat d’arrêt au nom du premier requérant, soupçonné d’avoir commis un viol.

7. Le 8 avril 2003, vers 13 h 30, le premier requérant fut arrêté par deux agents de police. Selon les policiers, l’intéressé a résisté et a blessé l’un d’eux avec un couteau. Le policier blessé aurait fait usage de son arme et aurait tiré dans les jambes du premier requérant.

8. Selon le premier requérant, il fut conduit, après son arrestation, au siège du bataillon des forces spéciales du ministère des Affaires intérieures, où il aurait été soumis à des mauvais traitements. Il aurait notamment été suspendu à une barre de fer, pieds et mains liés, dans la position de l’« hirondelle ». Puis il aurait été relié à une source de courant électrique. Il aurait également été filmé par les agents de police pendant l’infliction de mauvais traitements.

9. Selon une lettre du directeur du Centre national de médecine d’urgence du 9 juin 2006, le premier requérant fut hospitalisé dans cet établissement le 8 avril 2003, à 19 h 10, avec le diagnostic suivant :

« plaie causée par arme à feu à la jambe gauche dans le tiers moyen sur la partie latérale ; corps étranger (balle) (...) ; plaie contuse dans la région pariétale gauche. »

Les médecins opérèrent l’intéressé et retirèrent la balle. Selon un certificat de visite médicale délivré le 31 mai 2006, ils recommandèrent, après l’intervention chirurgicale, le transfert du premier requérant à l’hôpital pénitentiaire. Il ressort du dossier que le transfert prévu n’a pas été effectué et que le premier requérant a été reconduit au siège du bataillon des forces spéciales.

10. Le 9 avril 2003, un procureur du parquet de Chișinău plaça le premier requérant en garde à vue. Dans le procès-verbal correspondant, il notait que le placement en garde à vue avait eu lieu au siège du parquet de Chișinău ce jour-là, à 14 heures.

11. Le même jour, la police interrogea le premier requérant.

12. À une date non précisée en avril 2003, le premier requérant fut transféré dans les locaux du commissariat général de police de Chişinău. À ses dires, il a régulièrement été conduit, pendant un mois, au siège du bataillon des forces spéciales où il aurait été maltraité et tenu enfermé dans une pièce dépourvue d’eau potable, de lit, de matelas, de toilettes et des autres commodités. Il aurait perdu connaissance à plusieurs reprises et on l’aurait arrosé d’eau pour lui faire reprendre ses esprits.

13. Il aurait également été contraint de se procurer par ses propres moyens les médicaments nécessaires pour soigner les blessures causées par les mauvais traitements allégués.

14. Le 22 septembre 2004, le premier requérant fut remis en liberté et, le 8 février 2006, il fut placé de nouveau en détention.

15. Le 17 mai 2006, le premier requérant saisit le parquet. Il se plaignait de l’usage d’une arme à feu à son encontre lors de son arrestation en 2003 et de mauvais traitements infligés par les policiers.

16. Le 5 juillet 2006, le procureur en charge de l’affaire classa sans suite la plainte du premier requérant. Il notait que, lors de son arrestation, qui avait eu lieu le 8 avril 2003, vers 24 heures, l’intéressé avait résisté aux deux policiers qui lui avaient tendu une embuscade, qu’il avait blessé un des deux agents à la poitrine avec un couteau, qu’il avait tenté de prendre la fuite et que le policier blessé avait, après quelques coups de feu en guise d’avertissement, tiré dans sa direction, le blessant à la jambe. Le procureur indiquait également que, par la suite, le premier requérant avait été inculpé de rébellion et d’attentat contre la vie d’un agent. Le procureur concluait que l’usage de l’arme à feu avait été légitime et conforme aux dispositions légales.

17. À une date non spécifiée, le premier requérant contesta cette décision.

18. Par un non-lieu définitif du 1er août 2006, un juge d’instruction du tribunal de Râşcani confirma le classement sans suite effectué par le parquet. Il estima que le procureur avait vérifié d’une manière objective et approfondie les faits exposés par le premier requérant et que la plainte de ce dernier avait été rejetée à bon droit.

19. Par la suite, le premier requérant déposa auprès du parquet et devant les tribunaux plusieurs plaintes dénonçant les mauvais traitements qu’il aurait subis. Les autorités en question rejetèrent ces plaintes comme irrecevables en faisant principalement référence au classement sans suite du 5 juillet 2006.

20. Dans l’intervalle, le 13 juillet 2006, le tribunal de Buiucani avait, entre autres, acquitté le premier requérant des charges de viol pesant sur lui et classé la procédure pour autant qu’elle concernait l’attentat contre la vie d’un agent. Par un arrêt du 1er décembre 2008, la cour d’appel de Cahul infirma la décision de l’instance inférieure et jugea le premier requérant coupable, notamment, d’avoir commis un viol aggravé et d’avoir attenté à la vie d’un agent de police. Elle le condamna à douze ans d’emprisonnement. Sur recours du premier requérant, la Cour suprême de justice confirma le 24 juin 2009 l’arrêt de l’instance d’appel.

B. Contexte de l’affaire concernant le second requérant

21. Entre-temps, les 1er et 2 novembre 2005, les requérants et une autre personne avaient perpétré un vol par effraction dans une villa de la banlieue de Chişinău. Ils s’étaient emparés de 320 000 dollars américains (USD), de 20 000 euros (EUR) et de deux lingots d’or.

22. À une date non précisée, un avis de recherche fut émis au nom des requérants.

1. Allégations de mauvais traitements infligés lors de l’arrestation et de la détention du second requérant

23. À ses dires, le second requérant fut arrêté le 28 décembre 2005 en Ukraine par des agents de police moldaves, qui l’auraient embarqué de force dans le coffre d’une voiture et transporté en Moldova. Il aurait été maltraité lors de son arrestation et pendant le voyage, et aurait notamment reçu des coups lors du passage de la douane à la frontière moldo-ukrainienne. Puis, à proximité de Căuşeni (Moldova), on l’aurait attaché à une voiture et traîné par terre pour lui faire avouer où le premier requérant aurait caché l’argent volé (paragraphe 21 ci-dessus). Ensuite, les policiers lui auraient tiré dans les jambes avec des balles en caoutchouc et auraient éteint des cigarettes sur les plaies provoquées par les balles, puis ils lui auraient mis un pistolet dans la bouche, le menaçant de le tuer. Il aurait perdu connaissance à plusieurs reprises. Par la suite, il aurait été conduit dans un garage situé à Chişinău, où il aurait été déshabillé et battu avec des tubes en caoutchouc. Les policiers auraient en outre arrosé ses jambes d’essence et auraient menacé de mettre le feu.

24. Le même jour, le second requérant fut conduit au commissariat général de police de Chişinău où il affirme avoir également été soumis à des mauvais traitements. Il soutient en particulier qu’il a été électrocuté au moyen de fils électriques fixés sur ses oreilles et ses doigts, et qu’il a été attaché et suspendu à une barre de fer.

25. Il affirme en outre avoir été examiné à cinq reprises par des médecins qui n’auraient pas pu l’hospitaliser faute d’avoir obtenu l’aval des policiers. Le 3 ou le 4 janvier 2006, du sang aurait commencé à couler de ses oreilles, de son nez et de sa bouche, et il aurait été hospitalisé d’urgence. Peu de temps après, il aurait été emmené, contre l’avis des médecins, au commissariat.

26. Selon un extrait du registre des demandes d’aide médicale des personnes gardées à vue et des détenus des locaux de détention provisoire (izolator de detenție provizorie (IDP)) du commissariat général de police de Chişinău, un infirmier a examiné le second requérant à plusieurs reprises entre le 6 janvier et le 21 mars 2006. Il a noté, entre autres, que ce dernier souffrait des maladies suivantes : névralgie intercostale, céphalées, angine catarrhale, neurodystonie, tension artérielle élevée, pharyngite.

27. Le 24 mars 2006, les autorités compétentes transférèrent le second requérant dans l’établissement pénitentiaire no 13. Selon l’intéressé, son transfert a eu lieu après la disparition des traces de violences sur son corps.

28. Par une lettre du 28 août 2008 adressée au second requérant, le commissaire général de Chişinău confirma que ce dernier avait été détenu dans l’IDP du commissariat général de police de Chişinău du 28 décembre 2005 au 24 mars 2006. Il précisait que l’intéressé avait été sorti de sa cellule dix fois entre le 6 janvier et le 21 mars 2006.

2. La garde à vue et la détention provisoire du second requérant

29. Dans l’intervalle, l’officier de police en charge de l’affaire avait placé le second requérant en garde à vue. Il avait consigné dans son procès-verbal que le placement du second requérant en garde à vue avait eu lieu au siège du commissariat général de police de Chişinău le 5 janvier 2006, à 10 h 20.

30. Par un jugement avant dire droit du 6 janvier 2006, le tribunal de Râşcani avait accueilli la demande du procureur visant au placement du second requérant en détention provisoire pour une durée de dix jours. Le tribunal indiquait que la durée de la détention devait se calculer à compter du 5 janvier 2006, à 10 h 20.

3. La plainte du second requérant concernant les allégations de mauvais traitements

31. Le 23 mai 2006, le second requérant se plaignit, par le biais d’une lettre ouverte adressée à plusieurs autorités, dont le Parlement, d’avoir subi des mauvais traitements et d’avoir été détenu illégalement.

32. Sa plainte fut transmise au parquet de Chişinău qui fut chargé d’élucider les faits.

33. Selon une note de l’Hôpital Clinique Républicain du 31 mai 2006, le second requérant avait été admis dans cet établissement le 1er janvier 2006 pour une douleur abdominale. À la suite des examens, le médecin de garde avait conclu à l’absence de signe d’hémorragie interne et de lésion des organes internes. Il avait également exclu toute pathologie chirurgicale aigüe.

34. Le 21 juin 2006, un médecin légiste examina le second requérant. Dans le rapport correspondant, il notait que ce dernier présentait une cicatrice sur l’hémithorax droit de 2 cm sur 1,5 cm et des zones dépigmentées sur l’avant de la jambe droite. Il considérait que la cicatrice était probablement due à un corps incandescent, mais qu’il était impossible de déterminer la date et les circonstances de son origine. Il qualifiait cette blessure de lésion corporelle sans préjudice pour la santé.

35. Le 22 juin 2006, le procureur en charge de l’affaire adopta une ordonnance de classement sans suite à raison de l’absence de tout fait répréhensible dans les actes des agents de police. Il tirait sa conclusion des explications de l’un des policiers concernés qui avait nié toute infliction de mauvais traitements au second requérant et affirmé que les autorités ukrainiennes avaient conduit le second requérant jusqu’à la frontière moldo-ukrainienne, où l’intéressé aurait été pris en charge par les autorités moldaves. Le procureur notait également que le second requérant avait été placé en détention provisoire le 2 janvier 2006 et que, pendant sa détention dans l’IDP du commissariat général de police de Chişinău, il ne s’était plaint ni auprès du procureur compétent ni auprès du juge d’instruction d’agissements des policiers. Le procureur faisait enfin référence au rapport médicolégal du 21 juin 2006 selon lequel une seule cicatrice avait été constatée chez le second requérant, dont il n’aurait pas été possible de déterminer l’origine et la date d’apparition. Il soulignait que le médecin légiste n’avait relevé la présence d’aucune lésion provoquée par une arme à feu ou par brûlure.

36. À une date non spécifiée, le requérant contesta la décision du procureur.

37. Par un non-lieu définitif du 1er août 2006, un juge d’instruction du tribunal de Râşcani confirma le classement sans suite.

C. Condamnation pénale des requérants concernant le vol de novembre 2005

38. Par un jugement du 26 décembre 2006, le tribunal de Botanica jugea les requérants coupables d’avoir commis, les 1er et 2 novembre 2005, le vol par effraction précité. Il condamnait le premier requérant à dix-sept ans d’emprisonnement et le second requérant à dix ans et demi d’emprisonnement.

39. Le 2 juillet 2009, la cour d’appel de Chişinău accueillit partiellement les appels interjetés par les requérants et réduisit leurs peines, condamnant le premier requérant à une peine d’emprisonnement de sept ans et trois mois et le second requérant à une peine d’emprisonnement de sept ans et demi.

D. Action civile en dédommagement contre l’État en raison des mauvais traitements subis

40. Entre-temps, le 20 septembre 2006, les requérants avaient engagé contre le ministère des Finances, le parquet général et le ministère des Affaires intérieures une action civile en réparation du préjudice causé par les mauvais traitements allégués. Ils invoquaient expressément, entre autres, l’article 3 de la Convention. Le second requérant se plaignait également d’avoir été détenu sans mandat légal avant son placement en garde à vue en bonne et due forme.

41. Par un jugement du 4 septembre 2009, le tribunal de Râşcani accueillit partiellement l’action. Dans ses parties pertinentes en l’espèce, ce jugement se lit comme suit :

« [Concernant le premier requérant]

(...) [Il est confirmé] que [le premier requérant] a été hospitalisé le 8 avril 2003, à 19 h 10, à l’hôpital des urgences avec le diagnostic « plaie primaire causée à la jambe gauche par une arme à feu ».

Après l’intervention des médecins, les agents de police avaient l’obligation d’hospitaliser [le premier requérant] à l’hôpital pénitentiaire, mais celui-ci n’y fut pas transféré.

Le plaignant dit qu’il a été conduit de l’hôpital des urgences au siège du bataillon des forces spéciales où il aurait été torturé, détenu dans une pièce en béton, sans eau ni nourriture, sans lumière, sans matelas, sans toilettes, sans lit, sans chaise, sans table ; (...)

Ces tortures lui auraient été infligées délibérément en guise de représailles parce qu’il aurait blessé un policier avec un couteau.

Afin de dissimuler les traces de torture, le 9 avril 2003, [les autorités compétentes ont] dressé un procès-verbal de garde à vue, consignant que le placement en garde à vue avait eu lieu ce jour-là, à 14 heures.

Dans son jugement du 13 juillet 2006, le tribunal de Buiucani a constaté que :

« Ayant été blessé par balle le 8 avril 2003 et ayant subi une intervention chirurgicale à la jambe, alors qu’il avait été recommandé de le transférer à l’hôpital pénitentiaire, [le premier requérant] a été interrogé le 9 avril 2003, soit le lendemain. Le tribunal considère les actions de l’organe de poursuites pénales comme illégales, car le dossier de l’affaire ne contient aucun avis médical susceptible de confirmer que l’intéressé [était] apte à participer aux mesures de poursuites pénales. »

Le parquet n’a pas ordonné d’expertise médicolégale afin de recueillir l’avis des experts sur l’état de santé [du premier requérant] au 9 avril 2003 (...)

L’interrogatoire [du premier requérant] le lendemain de l’intervention chirurgicale, les coups portés avec des armes automatiques à la jambe opérée et le fait de l’avoir traîné sur le béton constituent (...) une torture.

(La) torture et l’humiliation ont été enregistrées avec une caméra et la cassette vidéo est jointe au dossier.

(...)

[Le premier requérant] a porté plainte auprès du parquet (...) mais le [5 juillet 2006] sa plainte a été classée sans suite au motif que les faits allégués n’avaient pas été confirmés. Le parquet ne s’est même pas prononcé sur la demande [du premier requérant] d’être examiné par un médecin légiste.

En sus, le parquet n’a pas établi où se trouvait [le premier requérant] pendant les six heures qui ont suivi sa blessure par balle à la jambe.

(...)

Le tribunal accepte les déclarations du [premier requérant], car elles sont corroborées par des preuves directes et indirectes et concordent avec les circonstances de fait (...)

[Concernant le second requérant]

[Le second requérant] a porté plainte auprès du parquet (...), du ministère des Affaires intérieures (MAI), dénonçant la torture [qu’il aurait subie] et contestant la légalité de sa garde à vue et de sa détention (...)

Par une ordonnance du 22 juin 2006, le procureur V.P. du parquet de Chișinău, qui avait mené l’enquête pénale et rédigé le réquisitoire [dans le cadre de l’affaire pénale dirigée contre le second requérant] a classé sans suite la plainte. (...)

Selon [cette] ordonnance, [le second requérant] a été arrêté le 2 janvier 2007 en Ukraine et, sur le fondement d’un accord, il a été extradé vers la Moldova.

Aux termes du procès-verbal de garde à vue, [le second requérant] a été placé en garde à vue le 5 janvier 2006 et, le 6 janvier 2006, il a été placé en détention provisoire pour une durée de dix jours (...)

Le procureur et le MAI n’ont pas présenté l’accord du 2 janvier 2006 concernant l’extradition [du second requérant] par l’Ukraine vers la Moldova, et [le service des frontières], invoquant le secret d’État, a refusé de présenter des informations relatives à son extradition (...)

L’affirmation du procureur selon laquelle [le second requérant] a été extradé le 2 janvier 2006 est réfutée par l’attestation médicale de l’hôpital clinique républicain du 1er janvier 2006 dans laquelle il est expressément indiqué que, [ce jour-là] à 19 heures, [le second requérant] a été conduit de l’IDP du commissariat général de police de Chișinău à l’hôpital (...). L’affirmation du procureur est également combattue par la lettre du commissaire général de la police de Chișinău du 28 août 2008, de laquelle il ressort que, le 28 décembre 2005, [le second requérant] se trouvait déjà dans ce commissariat (...)

Il existe beaucoup de preuves en faveur de la violation des droits [des requérants] et les défendeurs ne les ont pas combattues dans leurs mémoires. »

Le tribunal considérait que les intéressés avaient été soumis à des mauvais traitements, qu’ils n’avaient pas eu accès à un médecin légiste et que leurs demandes visant à l’examen de leurs plaintes pour mauvais traitements n’avaient pas été satisfaites. Le tribunal estimait qu’il y avait eu violation des articles 3, 6 et 13 de la Convention à l’égard des requérants. Il allouait pour dommage moral 500 lei moldaves (MDL) (environ 30 EUR) au premier requérant et 1 000 MDL (environ 60 EUR) au second requérant.

42. À des dates non spécifiées, les requérants interjetèrent appel. Le 23 septembre 2009, le parquet interjeta également appel.

43. Le 3 mars 2010, la cour d’appel de Chişinău accueillit l’appel du parquet. Elle classa la procédure, considérant que l’action relevait non pas de la compétence de l’instance civile, mais de celle du juge d’instruction.

44. Le 6 juillet 2010, les requérants se pourvurent en cassation.

45. Par une décision du 23 février 2011, la Cour suprême de justice accueillit le pourvoi, infirma l’arrêt de la cour d’appel du 3 mars 2010 et renvoya l’affaire devant cette instance. Elle notait que les questions soulevées par l’action des requérants étaient différentes de celles qui relevaient de la compétence du juge d’instruction et que les tribunaux nationaux, y compris elle-même, avaient déjà examiné des affaires semblables et appliqué les lois internes à la lumière des dispositions de la Convention.

46. Le 7 juin 2011, la cour d’appel de Chişinău rejeta les appels des requérants et du parquet et confirma le jugement du tribunal de Râşcani du 4 septembre 2009.

47. Le 26 juin 2011, les requérants formèrent un recours.

48. Par une décision définitive du 16 mai 2012, la Cour suprême de justice infirma les décisions des instances inférieures dans la partie relative au quantum du préjudice moral. Elle allouait à chacun des requérants 15 000 MDL (environ 900 EUR) à ce titre.

EN DROIT

49. Invoquant les articles 2, 3, 6 et 8 de la Convention, les requérants se plaignent de mauvais traitements infligés par les agents de police lors de l’arrestation et pendant leur détention, ainsi que de l’absence d’une enquête effective y relative. Étant maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause, la Cour estime qu’en l’espèce le grief des requérants appelle un examen sur le seul terrain de l’article 3 de la Convention, qui se lit comme suit :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

50. Sans invoquer de dispositions de la Convention, les requérants se plaignent également d’avoir été détenus sans mandat légal au début de leur privation de liberté, à savoir du 8 au 9 avril 2003 en ce qui concerne le premier requérant et du 28 décembre 2005 au 5 janvier 2006 en ce qui concerne le second requérant. La Cour considère que ce grief relève de l’article 5 § 1 de la Convention. Cette disposition, dans ses parties pertinentes en l’espèce, est ainsi libellée :

« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales (...) »

I. SUR LA RECEVABILITÉ

A. Sur le caractère prématuré du grief tiré de l’article 3 de la Convention

51. Dans ses observations du 10 mai 2012, le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes. Il fait remarquer que la procédure civile en réparation engagée par les requérants contre l’État n’était pas achevée à l’époque, car elle était encore pendante devant la Cour suprême de justice. Il soutient dès lors que ce grief est prématuré et qu’il doit être déclaré irrecevable.

52. La Cour rappelle qu’elle tolère que le dernier échelon des recours internes soit atteint peu après le dépôt de la requête mais avant qu’elle soit appelée à se prononcer sur la recevabilité de celle-ci (Ringeisen c. Autriche, 16 juillet 1971, § 91, série A no 13, Karoussiotis c. Portugal, no 23205/08, § 57, CEDH 2011, et Yelden et autres c. Turquie, no 16850/09, § 40, 3 mai 2012).

53. En l’espèce, la Cour observe que les requérants ont engagé la procédure civile en réparation contre l’État après le dépôt de la requête devant la Cour. Toutefois, elle relève, d’une part, que la présente affaire a été communiquée au Gouvernement alors que la procédure civile précitée était pendante devant la Cour suprême de justice et, d’autre part, que cette dernière a rendu sa décision définitive peu de temps après la communication. Dans ces conditions particulières et compte tenu du fait que, à la date de l’adoption de cette décision, elle n’était pas encore appelée à se prononcer sur la recevabilité du grief tiré de l’article 3 de la Convention, la Cour ne saurait accueillir l’exception du Gouvernement (voir, mutatis mutandis, Ghimp et autres c. la République de Moldova, no 32520/09, § 36, 30 octobre 2012). Partant, elle la rejette.

B. Sur le grief tiré de l’article 5 § 1 de la Convention

54. Le Gouvernement argüe de la tardiveté du grief tiré de l’illégalité de la détention du premier requérant les 8 et 9 avril 2003. Il soutient que, même si celui-ci avait contesté la légalité de cette privation de liberté, la décision interne définitive aurait, en tout état de cause, été adoptée en 2003. Il indique également que le premier requérant n’a pas soulevé ce grief dans sa plainte pénale de 2006. Il estime donc que le délai de six mois doit courir à partir de 2003 et que, en conséquence, ce grief est tardif. Partant, il invite la Cour à le déclarer irrecevable.

55. S’agissant du grief tiré de l’illégalité de la détention du second requérant, le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes. D’une part, il indique que le second requérant n’a pas soulevé ce grief dans le cadre de la procédure relative à son placement en détention provisoire. D’autre part, il indique que, dans son action civile à l’encontre de l’État, le second requérant ne s’est pas expressément plaint d’une violation de l’article 5 de la Convention dans son chef. À supposer même que ce grief ait été soulevé en substance auprès des juridictions civiles, le Gouvernement considère que celui-ci était prématuré au même titre que le grief tiré de l’article 3 de la Convention (paragraphe 51 ci‑dessus).

56. Les requérants combattent les thèses du Gouvernement.

57. La Cour rappelle qu’il n’est pas nécessaire que le droit consacré par la Convention soit explicitement invoqué dans la procédure interne, pour autant que le grief soit soulevé « au moins en substance » (Castells c. Espagne, 23 avril 1992, § 32, série A no 236, Ahmet Sadık c. Grèce, 15 novembre 1996, § 33, Recueil des arrêts et décisions 1996‑V, et Fressoz et Roire c. France [GC], no 29183/95, § 38, CEDH 1999‑I, etc.). Il suffit que le requérant, en soulevant des moyens d’effet équivalent ou similaire fondés sur le droit interne, ait donné l’occasion aux juridictions nationales de remédier en premier lieu à la violation alléguée (Gäfgen c. Allemagne [GC], no 22978/05, §§ 142, 144 et 146, CEDH 2010, et Karapanagiotou et autres c. Grèce, no 1571/08, § 29, 28 octobre 2010).

58. En l’espèce, la Cour considère qu’il n’est pas nécessaire de prendre position sur l’exception de tardiveté soulevée par le Gouvernement dans le cas du premier requérant, le grief de celui-ci étant irrecevable pour d’autres motifs.

59. À cet égard, elle note qu’il ne ressort pas des éléments de l’affaire que le premier requérant ait contesté auprès des autorités compétentes la légalité de sa détention les 8 et 9 avril 2003. La lecture de l’action civile en réparation qu’il a engagée contre l’État ne fait pas apparaître non plus que l’intéressé ait soulevé un grief tiré, explicitement ou en substance, de l’illégalité de sa privation de liberté au début de sa garde à vue. La Cour constate donc que le premier requérant n’a pas fourni aux juridictions internes l’occasion de remédier à la violation alléguée. Il s’ensuit que son grief tiré de l’article 5 § 1 de la Convention doit être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

60. Quant au second requérant, la Cour observe que, dans le cadre de la procédure civile engagée contre l’État, il a dénoncé d’une manière non équivoque le fait d’avoir été placé officiellement en garde à vue à une date différente de celle correspondant à son arrestation de facto. Elle note par ailleurs que le tribunal de Râşcani a expressément indiqué, dans son jugement, que le second requérant avait soulevé un moyen tiré de l’illégalité de sa garde à vue et de sa détention (paragraphe 41 ci-dessus). Dans ces conditions, elle estime que le second requérant a offert aux juridictions internes la possibilité de remédier à la violation dont il se plaint devant la Cour. Eu égard au rejet de l’exception du Gouvernement soulevée sous l’angle de l’article 3 de la Convention (paragraphe 53 ci-dessus), elle considère que le grief du second requérant tiré de l’illégalité de sa privation de liberté n’était pas prématuré. Il convient dès lors d’écarter l’exception de non-épuisement des voies de recours internes concernant le grief du second requérant tiré de l’article 5 § 1 de la Convention.

C. Perte de la qualité de victime

61. Dans ses dernières observations envoyées à la Cour, le Gouvernement argüe que, compte tenu de la décision définitive de la Cour suprême de justice du 16 mai 2012, les requérants ont perdu leur qualité de victime pour ce qui est des griefs tirés de l’article 3 de la Convention. Il indique à cet égard que les tribunaux nationaux ont reconnu les violations dans le chef des requérants et qu’ils leur ont alloué des dédommagements.

62. Les intéressés rétorquent que le montant des dédommagements accordés par les juridictions internes n’est pas suffisant et que, par conséquent, ils n’ont pas perdu leur qualité de victime.

63. La Cour rappelle qu’une décision ou une mesure favorable au requérant ne suffit en principe à lui retirer la qualité de « victime » que si les autorités nationales ont reconnu, explicitement ou en substance, puis réparé la violation de la Convention. Elle réaffirme que le fait de savoir si le requérant a obtenu pour le dommage qui lui a été causé une réparation – comparable à la satisfaction équitable prévue à l’article 41 de la Convention – revêt de l’importance. Il ressort de la jurisprudence constante de la Cour que, lorsque les autorités nationales ont constaté une violation et que leur décision constitue un redressement approprié et suffisant de cette violation, la partie concernée ne peut plus se prétendre victime au sens de l’article 34 de la Convention (Cocchiarella c. Italie [GC], no 64886/01, §§ 70-72, CEDH 2006‑V).

64. En l’espèce, la Cour considère que l’exception du Gouvernement est étroitement liée à la substance des griefs énoncés sur le terrain de l’article 3 de la Convention. Elle décide donc de la joindre au fond.

D. Conclusion

65. Constatant que les griefs tirés par les requérants de l’article 3 de la Convention et celui tiré par le second requérant de l’article 5 § 1 de la Convention ne sont pas manifestement mal fondés au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’ils ne se heurtent à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour les déclare donc recevables.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

66. Le premier requérant indique que, à la suite de sa blessure par balle à la jambe, il n’a été hospitalisé qu’au bout de six heures, que, après l’intervention chirurgicale, il n’a pas été transféré à l’hôpital pénitentiaire mais qu’il a été conduit dans les locaux de la police, et qu’il a été interrogé le lendemain de sa blessure.

Le second requérant soutient avoir été arrêté en Ukraine le 28 décembre 2005. Il fait remarquer qu’il a officiellement été placé en garde à vue le 5 janvier 2006, à 10 h 20. Il affirme qu’entre ces deux dates les policiers lui ont infligé des mauvais traitements.

Les requérants indiquent tous deux que les enquêtes menées par les autorités compétentes n’ont pas été effectives.

Ils font enfin remarquer que les tribunaux civils ont intégralement accepté leur version des faits et reconnu les violations alléguées. Toutefois, les intéressés contestent le montant des dédommagements accordés.

67. Le Gouvernement adopte la position exprimée par les tribunaux nationaux dans le cadre de la procédure civile terminée le 16 mai 2012. Il répète que les requérants ont perdu leur qualité de victime.

68. La Cour observe en l’espèce que les tribunaux nationaux ont considéré que les droits des requérants garantis par l’article 3 de la Convention ont été méconnus. Les juridictions internes ont notamment établi que les requérants avaient été soumis à des mauvais traitements par des policiers et que les enquêtes y relatives n’avaient pas été effectives.

69. La Cour rappelle que conformément à l’objet et au but sous-jacents à la Convention, tels qu’ils se dégagent de l’article 1 de celle-ci, chaque État contractant doit assurer dans son ordre juridique interne la jouissance des droits et libertés garantis. Il est fondamental pour le mécanisme de protection établi par la Convention que les systèmes nationaux eux-mêmes permettent de redresser les violations commises, la Cour exerçant son contrôle dans le respect du principe de subsidiarité (Z et autres c. Royaume‑Uni [GC], no 29392/95, § 103, CEDH 2001-V). Dans les circonstances particulières de la présente affaire et eu égard notamment aux constats établis par les tribunaux nationaux, la Cour estime qu’elle ne peut parvenir à une solution contraire (voir, mutatis mutandis, Ciorap c. Moldova (no 2), no 7481/06, § 22, 20 juillet 2010).

70. La Cour note par ailleurs que les parties ne contestent pas les conclusions auxquelles sont parvenues les juridictions internes. Elle accepte dès lors les constats de ces dernières selon lesquels, d’une part, les requérants ont subi des mauvais traitements infligés par les policiers et, d’autre part, les enquêtes menées par les autorités relatives à ces allégations ont été ineffectives.

71. La Cour doit à présent se pencher sur la question de savoir si le montant des dédommagements alloués aux requérants était approprié. Elle remarque que la Cour suprême de justice a accordé aux requérants l’équivalent de 900 EUR pour dommage moral et que ce montant est considérablement inférieur aux sommes allouées par la Cour dans des affaires semblables contre la République de Moldova (voir, pour des exemples récents, Gorea c. la République de Moldova, no 6343/11, § 48, 23 juillet 2013, et Gasanov c. la République de Moldova, no 39441/09, § 60, 18 décembre 2012).

72. À la lumière de ce qui précède, la Cour considère que les requérants n’ont pas perdu leur qualité de victime. Elle rejette dès lors l’exception du Gouvernement.

73. La Cour estime également qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention dans le chef des deux requérants.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 1 DE LA CONVENTION

74. Le second requérant soutient avoir été détenu sans base légale du 28 décembre 2005 au 5 janvier 2006.

75. Le Gouvernement ne s’est pas exprimé sur le bien-fondé de ce grief.

76. En l’espèce, la Cour note que les tribunaux nationaux ont constaté que le second requérant avait été arrêté sans doute quelques jours avant la date officielle de son placement en garde à vue, le 5 janvier 2006. Ces juridictions internes n’ont toutefois pas reconnu explicitement ou en substance qu’il y a eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention dans le chef du second requérant.

77. La Cour rappelle que les termes « régulièrement » et « selon les voies légales » qui figurent à l’article 5 § 1 de la Convention renvoient pour l’essentiel à la législation nationale et consacrent l’obligation d’en observer les normes de fond comme de procédure, mais qu’ils exigent de surcroît la conformité de toute privation de liberté au but de l’article 5 : protéger les individus contre les privations arbitraires de liberté. La détention non reconnue d’un individu constitue une négation totale des garanties fondamentales consacrées par l’article 5 de la Convention et une violation extrêmement grave de cette disposition (Kurt c. Turquie, 25 mai 1998, § 125, Recueil 1998‑III, et Anguelova c. Bulgarie, no 38361/97, § 154, CEDH 2002‑IV). Compte tenu des constats des juridictions internes, que la Cour ne saurait remettre en cause au vu des éléments de l’affaire, elle estime qu’il y a eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention dans le chef du second requérant en ce qui concerne sa détention avant le 5 janvier 2006.

IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

78. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

79. Le premier requérant réclame 35 000 EUR pour préjudice moral et le second 30 000 EUR.

80. Le Gouvernement considère que les sommes réclamées sont excessives.

81. La Cour estime que les requérants ont dû éprouver une certaine détresse et subir un traumatisme psychologique liés aux défaillances des autorités compétentes. Statuant en équité, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer 9 000 EUR au premier requérant et 10 000 EUR au second requérant pour dommage moral.

B. Frais et dépens

82. Les requérants demandent également 1 000 EUR chacun pour les frais et dépens engagés devant la Cour. Ils fournissent un justificatif qui confirme le paiement de la somme de 2 268 MDL (environ 140 EUR) pour la traduction des observations du roumain vers l’anglais.

83. Le Gouvernement considère que les prétentions des requérants sont dépourvues de fondement. Il indique que, excepté pour la somme de 2 268 MDL, les intéressés n’ont pas fourni de preuves pour étayer leurs prétentions.

84. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce et compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour accorde conjointement aux requérants la somme de 140 EUR pour la procédure devant la Cour.

C. Intérêts moratoires

85. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Joint au fond l’exception préliminaire du Gouvernement relative à la perte par les requérants de la qualité de victime pour ce qui concerne les griefs tirés de l’article 3 de la Convention et la rejette ;

2. Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés par les deux requérants de l’article 3 de la Convention et par le second requérant de l’article 5 § 1 de la Convention, et irrecevable pour le surplus ;

3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention ;

4. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention en ce qui concerne le second requérant ;

5. Dit

a) que l’État défendeur doit verser, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement :

i. 9 000 EUR (neuf mille euros) au premier requérant, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

ii. 10 000 EUR (dix mille euros) au second requérant, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

iii. 140 EUR (cent quarante euros) conjointement aux requérants, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par les requérants, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

6. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 22 avril 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Santiago QuesadaJosep Casadevall
GreffierPrésident


Synthèse
Formation : Cour (troisiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-142460
Date de la décision : 22/04/2014
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 3 - Interdiction de la torture (Article 3 - Traitement dégradant;Traitement inhumain) (Volet matériel);Violation de l'article 5 - Droit à la liberté et à la sûreté (Article 5-1 - Arrestation ou détention régulière)

Parties
Demandeurs : GAVRILITA
Défendeurs : RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA

Composition du Tribunal
Avocat(s) : CIORAP T.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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