La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/10/2013 | CEDH | N°001-127406

CEDH | CEDH, AFFAIRE JANYR c. RÉPUBLIQUE TCHÈQUE, 2013, 001-127406


CINQUIÈME SECTION

AFFAIRE JANYR c. RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

(Requête no 42937/08)

ARRÊT

STRASBOURG

31 octobre 2013

DÉFINITIF

24/03/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Janyr c. République tchèque,

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :

Mark Villiger, président,
Angelika Nußberger,
Boštjan M. Zupančič,
Ann Power-For

de,
Ganna Yudkivska,
Helena Jäderblom,
Aleš Pejchal, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du co...

CINQUIÈME SECTION

AFFAIRE JANYR c. RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

(Requête no 42937/08)

ARRÊT

STRASBOURG

31 octobre 2013

DÉFINITIF

24/03/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Janyr c. République tchèque,

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :

Mark Villiger, président,
Angelika Nußberger,
Boštjan M. Zupančič,
Ann Power-Forde,
Ganna Yudkivska,
Helena Jäderblom,
Aleš Pejchal, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 8 octobre 2013,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 42937/08) dirigée contre la République tchèque et dont un ressortissant tchèque et autrichien, M. Philipp Janyr (« le requérant »), a saisi la Cour le 6 septembre 2008 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant a été représenté par Me K. Samková, avocate au barreau tchèque. Le gouvernement tchèque (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. V.A. Schorm.

3. Le requérant se plaignait en particulier de l’iniquité de la procédure pénale menée à son encontre, du non-respect du principe du contradictoire par la Cour constitutionnelle et de la méconnaissance des droits de la défense.

4. Le 27 septembre 2012, la requête a été communiquée au Gouvernement.

5. Par une lettre du 2 octobre 2012, le gouvernement autrichien a été invité, en vertu de l’article 36 § 1 de la Convention et 44 du règlement de la Cour, à intervenir dans la procédure. Par la lettre du 9 octobre 2012, le gouvernement autrichien a informé la Cour qu’il n’entendait pas se prévaloir de son droit d’intervention.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

6. Le requérant est né en 1973 et réside à Vienne (Autriche).

7. En tant que représentant statutaire et l’unique associé de P., société à responsabilité limitée ayant son siège social à Prague, le requérant fit l’objet d’une enquête relative à des infractions douanières liées à l’importation de la volaille par P. En septembre 1999, l’autorité douanière de Gibraltar adressa à son homologue tchèque, à la suite d’un échange antérieur et en réponse à son questionnaire concernant les relations entre les sociétés P. et N., une lettre précisant notamment que la société N. était inscrite à Gibraltar conformément au droit des sociétés mais qu’elle n’était pas autorisée à faire du commerce. Selon la lettre, le représentant de la société N. avait nié toute transaction avec la société P. En outre, il résultait de la rencontre de l’autorité douanière de Gibraltar avec un dénommé G. qu’il n’y avait pas eu de factures établies à Gibraltar; d’après les documents produits par G., il n’y avait pas eu de commerce entre les sociétés N. et P. En janvier 2000, la brigade douanière tchèque fit part de ses soupçons concernant le requérant au procureur municipal de Prague 2, qui transmit ensuite l’affaire à la police pour vérification.

8. Lors d’une conversation téléphonique du 13 juin 2000, l’enquêtrice de la police invita le requérant à se présenter devant elle pour s’expliquer, ce qu’il refusa en proposant de coopérer par le biais des autorités autrichiennes. Le requérant fut également invité à remettre à la police des documents comptables de P., ce qu’il promit de faire, sans finalement s’exécuter.

9. Le 27 juin 2000, l’enquêtrice demanda au procureur municipal de Prague 2 son accord avec la délivrance d’un mandat de perquisition des locaux de P., relevant que tous les documents comptables nécessaires ne lui avaient pas été volontairement remis et que les locaux de la société pouvaient receler des objets importants pour la procédure pénale, tels les livres comptables, originaux des factures, etc. Le même jour, l’enquêtrice délivra le mandat de perquisition, sur lequel une signature du procureur fut apposée en guise d’accord préalable de celui-ci.

10. Le 28 juin 2000, l’enquêtrice se rendit dans les locaux de la société P. afin de demander la remise des documents comptables. Elle fut informée qu’en l’absence du requérant qui était en Autriche, celui-ci était représenté par Š. Les documents requis n’ayant pas été remis à la police, notamment parce que le requérant les aurait emportés, Š. fut informé que les locaux allaient être perquisitionnés et se vit notifier le mandat. Le requérant fut informé de la tenue de la perquisition par téléphone et déclina la proposition de se faire envoyer le mandat par fax. Le procès-verbal indique entre autres qu’un interrogatoire préalable au sens de l’article 84 du code de procédure pénale n’avait pas eu lieu puisque le requérant demeurait en Autriche ; aucune plainte n’a été formée à cette occasion.

11. Le 9 mars 2001, le requérant fut officiellement inculpé d’abaissement d’impôt, charge ou paiement équivalent. Selon les résultats de l’enquête, le requérant avait commis l’infraction en cause lorsqu’il avait, à dix reprises, importé des biens accompagnés de factures fictives indiquant une valeur douanière inférieure à la valeur réelle.

12. En septembre 2001, le procureur accéda à la demande de l’enquêtrice d’adresser à son homologue de Gibraltar une demande d’entraide judiciaire, notamment en vue d’interroger R., le représentant de la société N. Il fut ensuite informé par le parquet de Gibraltar que, tant que le requérant n’aura pas été traduit devant le tribunal, la demande ne pouvait être accueillie car elle devait émaner d’un tribunal.

13. Le 18 octobre 2002, le requérant eut la possibilité d’étudier le dossier, sans que son avocat ne se présentât, et demanda à se voir accorder un délai supplémentaire pour proposer un éventuel complément d’enquête. Dans sa proposition, il se plaignit ensuite du caractère précipité de la perquisition, alléguant qu’il n’avait jamais été invité à s’expliquer ou à produire des documents. Dans une plainte suivante, le requérant se plaignit du manque de temps pour étudier le dossier et du rejet de sa demande de complément d’enquête, et exprima des doutes quant à l’identité du représentant de la société N. entendu par l’autorité douanière de Gibraltar en 1999. Le procureur constata en réponse que le requérant avait eu la possibilité de s’exprimer à tout moment depuis le début de la procédure pénale en 2000 et qu’il disposait toujours de cette possibilité, y compris devant le juge ; il ne releva par ailleurs aucune irrégularité dans la conduite de la police.

14. Le 8 janvier 2003, le requérant fut formellement accusé.

15. Par la suite, la présidente de la chambre du tribunal municipal de Prague s’enquit sur la possibilité d’entraide judiciaire avec les autorités de Gibraltar ; elle fut informée par le ministère de la Justice que la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale ne s’appliquait pas à Gibraltar et que les pays de Commonwealth refusaient habituellement de coopérer dans les affaires d’infractions fiscales. C’est pourquoi elle sollicita, et obtint, l’accord de l’autorité douanière de Gibraltar en vue de pouvoir utiliser dans la procédure pénale les informations fournies par cette autorité en 1999 ; par la lettre du 24 janvier 2003, ladite autorité lui communiqua également des informations sur la structure de la société N. (provenant des registres publics) et constata que, selon le résultats de sa propre enquête, la société N. n’avait pas l’autorisation d’exercer à Gibraltar, qu’elle commerçait en Espagne et qu’aucune facture n’avait été établie à son siège.

16. L’audience fixée au 17 février 2003 fut reportée en raison de l’impossibilité de notifier la convocation au requérant ; ensuite, celui-ci ne comparut pas, sans s’excuser, à l’audience du 3 mars 2003. La première audience en présence de l’intéressé et de ses avocats fut donc tenue le 25 mars 2003, lors de laquelle le requérant fut entendu ; les jours suivants, ni ce dernier ni ses avocats ne comparurent et l’audience fut à nouveau ajournée.

17. A la suite de l’audience tenue le 22 avril 2003, le tribunal municipal de Prague reconnut le requérant coupable d’abaissement des droits d’importation et le condamna à cinq ans de prison. Il se fonda dans sa décision sur les résultats du contrôle effectué par la brigade douanière tchèque, l’expertise comptable réalisée aux fins de la procédure, les informations fournies par l’autorité douanière de Gibraltar et par l’Interpol Gibraltar, l’analyse des contrats et d’autres pièces concernant les transactions commerciales, l’expertise graphologique ainsi que les dépositions des témoins. Le tribunal constata inter alia que la perquisition des bureaux de la société P. avait été régulière et que le verdict n’était en tout état de cause pas fondé sur les preuves obtenues lors de celle-ci. Le tribunal écarta ensuite comme infondées les objections du requérant relatives à l’expertise comptable, et considéra comme superflue sa demande de complément d’enquête. Il rejeta également la proposition du requérant d’entendre G. qui se trouvait à Gibraltar, au motif que son témoignage n’était pas utile compte tenu des autres preuves. Il souligna en outre les difficultés procédurales résultant de la coopération judiciaire avec Gibraltar, en particulier en matière fiscale et douanière, étant donné que la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale n’y était pas applicable et qu’il aurait été nécessaire d’emprunter la voie diplomatique avec la garantie de réciprocité. En tout état de cause, ce pays aurait mis au moins un an pour répondre et sa réponse aurait été négative. Le tribunal nota par ailleurs que, parmi les rapports soumis par les autorités de Gibraltar, il n’avait pris en compte qu’une partie du rapport du 24 janvier 2003 relative à l’enquête de l’autorité douanière (et non la citation des dépositions de témoins étrangers). Le tribunal rejeta en outre l’objection de la défense selon laquelle l’élément moral de l’infraction n’avait pas été suffisamment examiné à l’audience. Au contraire, les preuves disponibles (notamment les dépositions des témoins et du requérant) lui auraient permis de conclure qu’il s’agissait d’une infraction préméditée commise avec intention.

18. A la suite de l’audience du 13 janvier 2004, tenue en présence de l’un des deux avocats du requérant, la haute cour de Prague infirma ledit jugement, reconnut le requérant à nouveau coupable pour les mêmes faits mais avec une autre qualification juridique et le condamna à cinq ans de prison. Les conclusions du tribunal municipal furent essentiellement confirmées et la modification fut davantage formelle.

19. Le 26 mars 2004, le tribunal municipal refusa d’autoriser Š. à accéder au dossier bien que le requérant l’y eût autorisé par écrit. Selon le tribunal, seul le requérant et ses avocats pouvaient accéder au dossier.

20. Le 14 juillet 2004, la Cour suprême saisie du pourvoi en cassation du requérant annula l’arrêt de la haute cour, considérant que les droits de la défense avaient été violés dès lors que l’audience du 13 janvier 2004 avait été tenue en l’absence de l’un des deux avocats du requérant. L’affaire fut renvoyée devant la haute cour.

21. Par une lettre du 17 septembre 2004, un des trois avocats du requérant informa la haute cour que, en date du 15 juillet 2004, son client lui avait retiré le pouvoir de représentation ; un autre avocat mit fin à la représentation du requérant au 30 septembre 2004.

22. Ni le requérant, qui avait auparavant demandé l’annulation sans audience du jugement du 22 avril 2003, ni son dernier avocat Me Z. qui avait demandé l’ajournement, ne se présentèrent à l’audience d’appel du 12 octobre 2004. Celle-ci fut donc ajournée au 7 janvier 2005, et les dates (dont le 18 février 2005) furent fixées jusqu’au 29 avril 2005 au cas où l’audience n’aurait pas eu lieu un des jours donnés ; le requérant et son avocat en furent informés les 8 et 15 novembre 2004 respectivement.

23. Par une lettre datée du 20 décembre 2004, adressée au requérant ainsi qu’à la haute cour qui l’avait reçue le 5 janvier 2005, Me Z. les informa qu’il avait mis fin à la représentation du requérant et qu’il n’allait pas participer à l’audience du 7 janvier 2005. Par retour du courrier, le président de la chambre informa Me Z. qu’aux termes du code de procédure pénale, il était tenu de défendre le requérant jusqu’à ce que ce dernier désigne un nouvel avocat. Me Z. n’ayant cependant pas comparu à l’audience du 7 janvier 2005, le président de la chambre transmit l’affaire au barreau tchèque (qui avait plus tard conclu que Me Z. avait enfreint ses obligations professionnelles).

24. Lors de l’audience du 7 janvier 2005, le président de la chambre de la haute cour désigna au requérant l’avocate F., sans lui laisser au préalable un délai pour choisir lui-même un avocat ; il rappela néanmoins que le requérant avait la possibilité de désigner un autre avocat de son choix. Me F. reçut la décision le 17 janvier 2005, le requérant ne se la vit délivrer que le 7 février 2005. Pour cette raison, la haute cour reporta les audiences des 21 et 28 janvier 2005 et du 4 février 2005, puis informa Me F. des étapes antérieures de la procédure et accéda à sa demande de consulter le dossier. Le 10 février 2005, le requérant aurait en vain essayé de contacter Me F. par courrier électronique.

25. A l’issue de l’audience du 18 février 2005, la haute cour statua de nouveau en l’affaire, confirmant essentiellement son arrêt précédent. En l’absence de Me F., le requérant fut représenté par le remplaçant de celle-ci. La cour confirma la régularité de la perquisition ainsi que le fait que les preuves ainsi obtenues n’étaient pas essentielles en ce qu’elles ne faisaient que compléter et corroborer les conclusions du tribunal. Il résultait clairement du rapport des autorités de Gibraltar que les transactions n’avaient pas pu avoir lieu telles que le requérant les avait décrites. La cour confirma en outre le refus de procéder à l’audition de G. étant donné que le droit applicable ne permettait pas de solliciter de manière effective la coopération de Gibraltar. Concernant l’élément moral de l’infraction, elle estima qu’il ressortait suffisamment de la description du comportement du requérant, tout en ajoutant au dispositif de son arrêt la mention « dans l’intention d’obtenir un abaissement des droits d’importation ».

26. Par la suite, le comportement de Me F., qui n’avait pas contacté le requérant avant l’audience devant la haute cour, fit l’objet d’une procédure disciplinaire devant le barreau tchèque.

27. Le 26 octobre 2005, la Cour suprême rejeta le pourvoi en cassation du requérant (prétendument sans avoir communiqué au requérant les observations du parquet). Selon elle, le requérant n’avait pas été privé de la possibilité de se faire représenter par l’avocat de son choix devant la haute cour. Si le fait de ne pas avoir laissé à l’intéressé un délai pour choisir son avocat n’était pas entièrement conforme à la loi, la haute cour avait procédé à la désignation d’un avocat d’office seulement après que plusieurs avocats avaient cessé de représenter le requérant et suffisamment à l’avance par rapport à l’audience. En conséquence, le requérant avait eu une occasion suffisante de choisir son défenseur, droit dont il avait de surcroît été informé de façon répétée mais dont il n’avait pas fait usage. La Cour suprême estima en outre que l’élément moral de l’infraction avait été suffisamment décrit dans l’acte d’inculpation car il découlait de la description du comportement reproché.

28. Le 20 février 2006, le requérant introduisit un recours constitutionnel contre les décisions sur le bien-fondé de son accusation, soulevant sous l’angle des articles 5, 6 §§ 1-3, 7 et 13 essentiellement les mêmes griefs que devant la Cour, sauf pour la violation alléguée du principe du contradictoire par la Cour suprême et le refus par le tribunal municipal d’autoriser Š. à accéder au dossier. Quant à la perquisition des locaux de la société P., il se plaignit qu’elle n’était pas conforme à la loi car, d’une part, le mandat ne spécifiait pas les raisons pour lesquelles elle devait être effectuée avant l’ouverture des poursuites pénales en tant qu’acte ne pouvant être ni reporté ni répété et, d’autre part, que la police n’avait pas procédé à un interrogatoire préalable de sa personne ou des représentants de la société P. présents sur les lieux.

29. Le 23 février 2006, la Cour constitutionnelle informa le requérant que son affaire avait été attribuée au juge rapporteur Ja.M. et que si elle devait être examinée par une chambre, celle-ci serait composée de juges de la troisième chambre V.K., J.M. et Ja.M. Le remplacement en cas d’absence ou d’exclusion était régi par le plan de répartition du travail de la Cour constitutionnelle disponible en ligne.

30. Le 1er mars 2006, le requérant souleva une objection de partialité à l’égard des juges Ja.M. et J.M. Le 27 mars 2006, la Cour constitutionnelle décida que ces deux juges n’étaient pas récusés de l’affaire. Selon le Gouvernement, cette décision fut prise par les juges de la quatrième chambre, dont M.Ž., comme prévu par le plan de répartition du travail de la Cour constitutionnelle.

31. La Cour constitutionnelle transmit ensuite le recours constitutionnel du requérant pour commentaire aux tribunaux concernés et au parquet ; les observations ainsi obtenues ne furent pas communiquées au requérant.

Le 5 avril 2007, le parquet fit savoir qu’il renonçait à sa participation à la procédure devant la Cour constitutionnelle et demanda à ce que ses observations présentées à la Cour suprême soient considérées comme définitives.

Dans ses observations du 5 avril 2007, le tribunal municipal de Prague se borna à renvoyer à sa décision dans l’affaire, relevant que la haute cour et la Cour suprême avaient déjà répondu aux griefs de l’intéressé ; il nota également qu’il ne partageait pas l’avis de la Cour suprême concluant dans sa première décision à la violation des droits de la défense.

Dans ses observations du 11 avril 2007, la haute cour estima que le recours constitutionnel ne faisait que reprendre les griefs auxquels elle avait répondu dans sa décision du 18 février 2005, à laquelle elle se référa, et invita la Cour constitutionnelle à les rejeter comme infondés. Concernant le grief tiré de la violation des droits de la défense, la haute cour fit valoir qu’elle avait réagi à la « démarche obstructionniste » des avocats du requérant et de ce dernier, qui ne s’était jamais présenté devant elle, prétendument pour des raisons professionnelles. Ainsi, il n’avait pas fait usage de son droit et s’était lui-même limité dans l’exercice de son droit d’assister à l’audience et de se défendre en personne.

Dans ses observations relativement détaillées datant du 23 avril 2007, la Cour suprême se borna pour l’essentiel à résumer les griefs du requérant et à renvoyer à sa décision dans l’affaire, en ce que le requérant ne faisait selon elle que réitérer les griefs déjà invoqués devant les tribunaux inférieurs. Puis, elle nia avoir modifié les faits établis par ceux-ci, ce pour quoi elle n’était pas compétente, et invita la Cour constitutionnelle à rejeter le recours du requérant du moins en ce qui concernait sa propre décision.

32. Le 6 mars 2008, la troisième chambre de la Cour constitutionnelle composée de juges Ja.M. (rapporteur), V.K. et M.Ž. (remplaçant le juge J.M. absent pour des raisons de santé) rejeta le recours du requérant pour défaut manifeste de fondement. La décision mentionne que la Cour constitutionnelle avait sollicité les observations des parties intervenantes ainsi que le dossier de l’affaire ; elle répond ensuite de manière détaillée aux griefs présentés par le requérant.

Ayant d’abord examiné la régularité de la perquisition au regard du droit interne, la cour en confirma la légalité, étant donné que le code de procédure pénale n’exigeait pas à l’époque de consigner les raisons pour lesquelles un acte était considéré comme ne pouvant être ni reporté ni répété, et que l’audition préalable du requérant n’était pas possible car celui-ci demeurait en Autriche. Elle nota que les preuves ainsi obtenues pouvaient donc être utilisées au procès et qu’elles n’avaient de toute manière pas joué un rôle important.

Concernant l’élément moral de l’infraction, la Cour constitutionnelle confirma l’analyse de la Cour suprême considérant que la description dans l’acte d’inculpation était suffisante car, même si elle ne mentionnait pas expressément l’intention du requérant, celle-ci découlait clairement du libellé de l’acte d’inculpation ; l’ajout correspondant par la haute cour au dispositif de l’arrêt était également conforme aux règles de procédure.

Quant aux dires de G. rapportés par l’autorité douanière de Gibraltar, il ne s’agissait pas d’une déposition d’un témoin au sens du code de procédure pénale mais d’une information écrite sur ses commentaires, donc d’un ouï-dire. Les tribunaux avaient dûment pris en compte cette spécificité et leur verdict de culpabilité n’était nullement fondé sur cet élément, qui était même superflu au regard du nombre des autres preuves. De plus, la Convention européenne d’entraide judiciaire n’était pas applicable à Gibraltar.

La Cour constitutionnelle estima également que le requérant avait eu une occasion adéquate de présenter ses objections et de s’exprimer durant la procédure. S’il est vrai qu’il n’avait pas été invité à s’exprimer à la suite de la lecture de chaque document à l’audience, la présidente du tribunal municipal lui avait proposé de répéter l’examen des preuves, ce qu’il avait refusé en demandant seulement d’étudier le dossier et d’en faire des copies. De plus, les règles de procédure n’exigeaient pas que l’avis de l’accusé soit sollicité après la lecture de chaque document, ce qui alourdirait considérablement la procédure ; il était donc suffisant d’inviter le requérant à exprimer des commentaires au début de la lecture et de répéter cette invitation après la lecture de quelques documents, tout en lui laissant la possibilité de demander à tout instant de pouvoir faire des commentaires.

En ce qui concerne le respect des droits de la défense en appel, la Cour constitutionnelle confirma l’analyse de la Cour suprême, admettant que la démarche de la haute cour n’était pas tout-à-fait régulière mais considérant que l’atteinte aux droits de la défense n’était pas telle qu’elle justifierait l’annulation des décisions attaquées. Pour arriver à cette conclusion, la Cour constitutionnelle nota, sans faire explicitement référence aux observations de la haute cour, qu’il n’était pas possible de ne pas tenir compte du « comportement manifestement obstructionniste du requérant », qui ne s’était jamais présenté devant la haute cour, prétendument pour des raisons professionnelles. La Cour constitutionnelle fit enfin référence aux pièces du dossier, notamment aux procès-verbaux et à la motivation de la décision du 7 janvier 2005. Elle nota que les tribunaux inférieurs avaient eu beaucoup de difficultés, durant toute la procédure, à assurer la présence du requérant et de ses avocats aux audiences, ce pourquoi la haute cour avait désigné à l’intéressé Me F., tout en l’informant de son droit de choisir à tout moment un autre défenseur. Ainsi, la haute cour avait fait le maximum pour respecter les droits de la défense, compte tenu du comportement obstructionniste permanent du requérant qui donnait à penser qu’il n’allait probablement pas comparaître à l’audience ni choisir un nouvel avocat, afin d’obtenir un nouveau report.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

A. Code de procédure pénale (loi no 141/1961)

33. L’article 38 § 1 prévoit que, si l’inculpé n’est pas représenté alors qu’il doit l’être, il se voit accorder un délai pour choisir un défenseur. S’il ne le fait pas dans ce délai, il se verra immédiatement désigner un défenseur pour la période pendant laquelle il doit être représenté.

34. Selon l’article 82, la perquisition à domicile ou dans d’autres locaux et terrains peut être effectuée lorsqu’il existe des soupçons sérieux qu’un objet ou une personne importants pour la procédure pénale se trouvent à l’endroit concerné.

35. L’article 83 prévoit notamment qu’une perquisition à domicile ne peut être ordonnée que par le président de la chambre et, lors de la phase préparatoire de la procédure pénale, par le juge sur demande du procureur.

36. L’article 83a, dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2001, disposait notamment que la perquisition d’autres locaux ou d’un terrain pouvait être ordonnée par le président de la chambre et, lors de la phase préparatoire de la procédure pénale, par le procureur, l’enquêteur ou l’organe de police ; l’enquêteur et l’organe de police devaient toutefois obtenir l’accord préalable du procureur. En cas d’urgence et d’impossibilité d’obtenir le mandat judiciaire ou l’accord du procureur, l’enquêteur ou l’organe de police pouvaient exceptionnellement effectuer la perquisition sans le mandat ou sans l’accord. Cependant, ils étaient alors tenus d’informer immédiatement l’autorité compétente pour délivrer le mandat ou l’accord.

37. Selon l’article 83a tel qu’en vigueur jusqu’au 8 juillet 2010, la perquisition d’autres locaux et terrains pouvait être ordonnée par le président de la chambre et, lors de la phase préparatoire de la procédure pénale, par le procureur ou l’organe de police ; l’organe de police devait toutefois obtenir l’accord préalable du procureur. En cas d’urgence et d’impossibilité d’obtenir le mandat judiciaire ou l’accord du procureur, l’organe de police pouvait exceptionnellement effectuer la perquisition sans l’ordre ou sans l’accord. Cependant, il était alors tenu d’informer immédiatement l’autorité compétente pour délivrer le mandat ou l’accord.

38. A la suite de l’arrêt de la Cour constitutionnelle no Pl. ÚS 3/09, l’article 83a disposait, du 8 juillet 2010 au 31 décembre 2011, qu’une perquisition d’autres locaux ou terrains ne pouvait être ordonnée que par le président de la chambre. L’exception d’urgence était maintenue.

39. Enfin, aux termes de l’article 83a tel qu’en vigueur depuis le 1er janvier 2012, les dispositions de l’article 83 s’appliquent également à la perquisition d’autres locaux et terrains. L’exception d’urgence est maintenue, cependant, l’organe de police est tenu de solliciter sans délai une autorisation. Si cette autorisation n’est pas délivrée, les preuves obtenues dans le cadre de la perquisition sont frappées d’inadmissibilité.

40. Aux termes de l’article 84, la perquisition ne peut avoir lieu qu’après une audition préalable de la personne concernée et seulement si l’audition n’a pas mené à la remise volontaire des objets recherchés. L’audition préalable n’est pas exigée si elle ne peut pas être faite sur le champ alors que la perquisition ne saurait être reportée.

41. L’obligation d’indiquer dans le procès-verbal les circonstances sur la base desquelles un acte a été considéré comme ne pouvant être reporté ou répété a été introduite dans le code à compter du 1er janvier 2002 par la loi no 265/2001.

B. Loi no 182/1993 sur la Cour constitutionnelle

42. Aux termes de l’article 16, c’est le Président de la Cour constitutionnelle qui décide chaque année de la répartition des affaires entre les chambres par le biais d’un plan de répartition du travail, conformément aux règles fixées par le plénum.

43. Selon l’article 18 § 1, un membre absent d’une chambre est temporairement remplacé par le juge désigné par le plan de répartition du travail.

Le plan de répartition du travail en vigueur au moment de l’introduction du recours constitutionnel par le requérant en 2006 ainsi qu’au moment de la décision sur ce recours en 2008 prévoyait qu’un membre absent de la troisième chambre devait être remplacé par un juge de la quatrième chambre dans l’ordre suivant : président de la chambre, membre doyen de la chambre, membre cadet de la chambre.

C. Jurisprudence de la Cour constitutionnelle

1. Arrêt du Plénum de la Cour constitutionnelle no Pl. ÚS 3/09 du 8 juin 2010, rendu public le 16 juin 2010 et publié dans le Journal officiel le 8 juillet 2010

44. Le plénum de la Cour constitutionnelle abrogea, au 8 juillet 2010, la partie de l’article 83a du code de procédure pénale prévoyant que la perquisition d’autres locaux et terrains pouvait être ordonnée, lors de la phase préparatoire de la procédure pénale, par le procureur ou l’organe de police. En effet, à l’issue d’une analyse détaillée de la jurisprudence de la Cour, la Cour constitutionnelle estima que la notion de vie privée ne permettait pas de distinguer en fonction de la nature de l’endroit faisant l’objet d’une perquisition ainsi que l’avait fait le législateur. En effet, la vie privée ne se réalisait pas uniquement au domicile mais également dans les « autres locaux et terrains ». En conséquence, les deux types de perquisition devaient être entourés des mêmes garanties contre les abus et, en particulier, soumis à une autorisation préalable d’un tribunal. Une telle autorisation était d’autant plus importante que le code de procédure pénale ne permettait pas un contrôle judiciaire a posteriori, et elle ne pouvait pas être remplacée par l’autorisation du procureur ou de l’organe de police qui n’offraient pas les garanties d’impartialité et d’indépendance.

45. Les parties pertinentes de l’arrêt se lisent comme suit :

« 31. En conséquence, de même que dans le cas d’une perquisition à domicile, la perquisition dans d’autres locaux y compris dans les bâtiments agricoles et sur les terrains constitue une ingérence dans la sphère individuelle privée dans sa dimension spatiale. Pour une telle ingérence, l’autorisation préalable d’un tribunal est nécessaire.

32. Ladite exigence se fait d’autant plus pressante que le code de procédure pénale ne permet pas un contrôle judiciaire a posteriori portant sur le mandat de perquisition d’autres locaux et terrains. Ainsi, ces actes qui constituent une ingérence manifeste dans le droit fondamental au respect de la vie privée échappent à tout contrôle juridictionnel immédiat. La Cour s’était exprimée sur ce point dans l’affaire Camenzind c. Suisse (...). Dans cette affaire, elle avait constaté une violation de l’article 13 combiné avec l’article 8 de la Convention alors même que le requérant avait à sa disposition un recours devant la chambre compétente du Tribunal fédéral suisse. Celui-ci rejeta cependant ce recours, en raison de la doctrine de l’« ingérence actuelle ». Dans cette situation, la Cour avait déclaré ce recours ineffectif. De façon analogue, il serait possible de considérer en République tchèque la possibilité d’introduire le recours constitutionnel directement contre le mandat de perquisition d’autres locaux, cependant la jurisprudence de la Cour constitutionnelle partage en partie la doctrine de l’« ingérence actuelle ». De plus, il est de jurisprudence constante de la Cour constitutionnelle que lorsqu’il s’agit d’une ingérence de l’autorité publique qui ne représente pas une violation irréparable des droits fondamentaux, il faut privilégier l’application du principe de subsidiarité. Cela signifie qu’un recours constitutionnel ne peut viser que la décision définitive adoptée sur le fond de l’affaire car celle-ci devrait répondre au grief concernant l’atteinte à la vie privée sous forme de perquisition (...). Eu égard à ce qui précède, le recours constitutionnel apparaît comme étant ineffectif. De plus, il n’est pas souhaitable que la Cour constitutionnelle se prononce en premier lieu sur la proportionnalité du mandat de perquisition et de sa mise en œuvre. Elle pourrait de la sorte limiter de façon prématurée et disproportionnée la compétence des tribunaux ordinaires de rassembler et d’apprécier les preuves et, en conséquence, prédéterminer le résultat de la procédure pénale. »

2. Avis du Plénum de la Cour constitutionnelle no Pl. ÚS st-31/10 du 14 décembre 2010

46. Dans cet avis concernant l’impact intertemporel de l’arrêt no Pl. ÚS 3/09, la Cour constitutionnelle considéra qu’il se manifestait ex nunc, c’est-à-dire seulement à compter de la date de la publication de l’arrêt dans le Journal officiel, et que les motifs décisifs de cet arrêt pouvaient être appliqués uniquement pro futuro et non à des situations antérieures dans lesquelles la perquisition d’autres locaux ou terrains avait été ordonnée par le procureur ou par un organe de police avec l’accord du procureur. Dans ces derniers cas, la seule absence de l’approbation par un juge n’entraînait pas une violation des droits et libertés fondamentales. En effet, l’annulation des dispositions légales contraires à la Constitution n’impliquait pas en soi la révision des actes juridiques individuels reposant sur l’application du texte non constitutionnel. Dès lors, si un mandat de perquisition fut émis et la perquisition effectuée avant le 8 juillet 2010, l’existence de l’arrêt no Pl. ÚS 3/09 ne changeait rien à la qualité de ce mandat.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION DANS LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR CONSTITUTIONNELLE

47. Le requérant se plaint de la méconnaissance du principe du contradictoire par la Cour constitutionnelle qui ne lui a pas communiqué pour commentaire les observations des autorités parties à la procédure devant elle. Il invoque à cet égard l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

48. Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

A. Sur la recevabilité

49. Le Gouvernement estime que le requérant n’a subi aucun préjudice important en ce que les autorités concernées se sont en substance contentées de renvoyer à la motivation de leurs décisions antérieures et que leurs commentaires ne contenaient aucun élément dont le requérant n’aurait pas eu connaissance (voir, mutatis mutandis, Holub c. République tchèque (déc.), no 24880/05, 14 décembre 2010).

50. Le requérant conteste cette thèse, relevant que la Cour constitutionnelle a repris dans sa décision certains passages des observations de la haute cour, à savoir ceux relatifs au comportement obstructionniste de ses avocats et de lui-même, et ce sans qu’il ait pu lui expliquer que Me Z. avait été à l’époque confronté à un conflit d’intérêts car il s’était vu assigner en justice par le frère du requérant.

51. La Cour estime qu’il y a lieu de distinguer la présente espèce de l’affaire Holub (précitée). La différence tient au fait que, en l’espèce, la haute cour notamment ne s’est pas bornée, dans ses observations présentées à la Cour constitutionnelle au sujet du recours introduit par le requérant, à renvoyer à ses décisions précédentes. Elle a en particulier ajouté que sa démarche avait été motivée par le comportement obstructionniste des avocats du requérant. Si la décision de la Cour constitutionnelle ne contient aucune référence directe et explicite à ces observations, on ne saurait exclure, au vu du texte de cette décision, que les observations de la haute cour ont pesé dans le raisonnement de la Cour constitutionnelle et que l’argument du comportement obstructionniste a joué un rôle crucial dans le rejet du grief du requérant tiré du droit d’être représenté par un avocat de son choix. De plus, il convient de prendre en compte que le requérant a en l’espèce indiqué, et ce dès l’introduction de la requête, comment il aurait cherché à contester l’argument d’obstructionnisme avancé par la haute cour.

52. Dans ces conditions, la Cour ne saurait conclure que le requérant n’a pas subi un « préjudice important » dans l’exercice de son droit de participer de manière adéquate à la procédure devant la Cour constitutionnelle. Le présent grief ne peut donc pas être déclaré irrecevable en vertu de l’article 35 § 3 b) de la Convention.

53. La Cour constate enfin que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B. Sur le fond

54. Le requérant insiste sur la violation de son droit à un procès équitable.

55. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Cour.

56. La Cour rappelle que la notion de procès équitable comprend le droit à un procès contradictoire qui implique le droit pour les parties de faire connaître les éléments qui sont nécessaires au succès de leurs prétentions, mais aussi de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée au juge en vue d’influencer sa décision, et de la discuter (voir, parmi beaucoup d’autres, Nideröst-Huber c. Suisse, arrêt du 18 février 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-I, § 24 ; Milatová et autres c. République tchèque, no 61811/00, § 59, CEDH 2005‑V).

57. En l’espèce, comme la Cour l’a déjà dit ci-dessus (voir paragraphe 51), les observations que la haute cour a présentées à la Cour constitutionnelle contenaient certains éléments additionnels par rapport à ses décisions précédentes. Il n’est en outre pas possible de conclure que ces observations étaient superfétatoires ou qu’elles n’avaient aucune incidence sur la décision de la juridiction constitutionnelle. Partant, la Cour estime que le respect du droit à un procès équitable, pris sous l’angle en particulier du respect du principe du contradictoire, exigeait que le requérant eût la possibilité de soumettre ses commentaires aux observations de la haute cour ou, pour le moins, qu’il en soit informé pour décider, le cas échéant, d’y répondre (voir, mutatis mutandis, 3A.CZ s.r.o. c. République tchèque, no 21835/06, § 39, 10 février 2011). Or, cette faculté ne lui a pas été donnée.

58. Il y a donc eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention sur ce point.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 3 DE LA CONVENTION

59. Le requérant allègue que la décision de la haute cour lui désignant un avocat d’office a enfreint son droit d’être représenté par un avocat de son choix et ne lui a pas laissé un temps suffisant pour préparer sa défense. Il invoque l’article 6 § 3 b) et c) de la Convention, libellé comme suit :

« 3. Tout accusé a droit notamment à :

b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;

c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent. »

60. Le Gouvernement conteste cette thèse.

A. Sur la recevabilité

61. La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B. Sur le fond

62. Le requérant relève que la décision du 7 janvier 2005 par laquelle il s’est vu désigner Me F. comme avocate d’office ne lui avait été notifiée que le 7 février 2005, à savoir peu de temps avant l’audience du 18 février 2005 à l’issue de laquelle sa condamnation a été confirmée. Il estime, d’une part, qu’après que Me Z. a mis fin à sa représentation, ce dont il ne l’avait pas informé, la haute cour aurait dû lui laisser un délai adéquat pour qu’il puisse choisir un défenseur, comme le prévoit l’article 38 § 1 du code de procédure pénale. Le requérant souligne, d’autre part, qu’aucune communication n’a eu lieu entre lui et Me F. avant ladite audience ; s’il a en vain essayé de contacter Me F. par courrier électronique, celle-ci n’a fait aucune démarche pour entrer en contact avec lui, ce à quoi un accès au dossier ne saurait se substituer. En conséquence, son droit à une assistance effective d’un défenseur aurait été enfreint.

63. Le Gouvernement estime d’abord qu’une simple limitation partielle des droits de la défense, même si elle constitue une violation des règles procédurales internes, ne saurait en soi emporter violation de l’article 6.

64. Il rappelle ensuite que la violation alléguée par le requérant s’est produite alors que la haute cour statuait une seconde fois dans l’affaire et que les circonstances n’avaient pas significativement changé depuis la première procédure devant cette cour. En outre, l’appel et tous les compléments avaient été présentés à la haute cour bien avant, à savoir même avant le report de l’audience prévue au 12 octobre 2004. Dès lors que le requérant a comparu devant le tribunal de première instance, la présence de son défenseur, ou de son remplaçant en l’occurrence (voir paragraphe 25 ci-dessus), était suffisante devant la juridiction d’appel (Sobolewski c. Pologne (no 2), no 19847/07, §§ 34-35, 9 juin 2009).

65. Le Gouvernement souligne également qu’après que la représentation du requérant par ses trois avocats avait pris fin, le requérant a disposé de plusieurs semaines au moins (au plus tard du 20 décembre 2004 jusqu’au 7 janvier, voire 18 février 2005) pour désigner un avocat de son choix. Cette possibilité découlait directement du droit tchèque mais le requérant n’en a pas tiré parti ; en revanche, en lui désignant un avocat d’office, la haute cour s’est pleinement acquittée de l’exigence de lui assurer la représentation nécessaire. Ensuite, entre les 7 et 18 février 2005, le requérant a eu suffisamment de temps pour prendre dûment contact avec Me F., qui avait entre-temps consulté le dossier, ou pour choisir un autre défenseur. De plus, bien que le requérant eût connu à l’avance les dates des audiences prévues par la haute cour (voir paragraphe 22 ci-dessus), il n’a jamais comparu.

66. La Cour rappelle que, lorsqu’elle examine les questions relevant de l’article 6 § 3 c) de la Convention, elle prend en compte la manière dont la défense a été traitée dans son ensemble, plutôt que la position isolée de l’accusé, en veillant en particulier au principe de l’égalité des armes tel que consacré par le droit à un procès équitable. Si l’article 6 § 3 c) interdit qu’une procédure pénale se déroule sans une représentation appropriée de la défense, il ne garantit pas pour autant à l’accusé le droit de décider lui-même de quelle manière sa défense sera assurée. La question de savoir si l’accusé se défendra lui-même ou s’il sera représenté par un avocat, soit librement choisi, soit, le cas échéant, désigné par le tribunal, relève de la législation ou du règlement de procédure du tribunal (Mayzit c. Russie, no 63378/00, § 65, 20 janvier 2005).

67. Malgré l’importance de relations de confiance entre avocat et client, on ne saurait prêter au droit de choisir son propre défenseur un caractère absolu. Il est forcément sujet à certaines limitations en matière d’assistance judiciaire gratuite et lorsque, comme en l’espèce, il appartient aux tribunaux de décider si les intérêts de la justice exigent de doter l’accusé d’un défenseur d’office. En désignant un tel avocat, les juridictions nationales doivent assurément se soucier des vœux de l’accusé ; le droit tchèque le leur prescrit du reste (article 38 § 1 du code de procédure pénale ; paragraphe 33 ci-dessus). Elles peuvent cependant passer outre s’il existe des motifs pertinents et suffisants de juger que les intérêts de la justice le commandent (Croissant c. Allemagne, 25 septembre 1992, § 29, série A no 237‑B ; Mayzit, précité, § 66).

68. Certes, la nomination d’un conseil n’assure pas à elle seule l’effectivité de l’assistance qu’il peut procurer à l’accusé. On ne saurait pour autant imputer à un État la responsabilité de toute défaillance d’un avocat commis d’office. La défense appartenant pour l’essentiel à l’accusé et à son avocat, l’article 6 § 3 c) n’oblige les autorités nationales compétentes à intervenir que si la carence de l’avocat d’office apparaît manifeste ou si on les en informe suffisamment de quelque autre manière (Czekalla c. Portugal, no 38830/97, § 60, CEDH 2002‑VIII ; Pavlenko c. Russie, no 42371/02, § 99, 1er avril 2010).

69. En l’espèce, les juridictions suprêmes tchèques ont reconnu que le fait de ne pas avoir laissé à l’intéressé un délai pour choisir son défenseur n’avait pas été entièrement conforme à la loi. Elles ont cependant relevé que la haute cour avait procédé à la désignation d’un avocat d’office en réaction à ce qu’elle avait considéré être un comportement obstructionniste du requérant et des avocats choisis par lui, après que ceux-ci avaient cessé de le représenter et que le requérant n’avait jamais comparu devant elle. Cette désignation a eu lieu suffisamment à l’avance par rapport à l’audience du 18 février 2005, ce qui avait laissé au requérant le temps pour choisir un autre défenseur, droit dont il n’avait pas fait usage.

70. La Cour observe que la haute cour de Prague a en effet connu des difficultés à obtenir la présence du requérant et de ses avocats, qui ont mis successivement fin à la représentation (voir paragraphes 21 et 23 ci-dessus). Après que le dernier avocat Z. s’est ainsi désisté de l’audience du 7 janvier 2005, le président de la chambre l’a informé de son obligation de défendre le requérant jusqu’à ce que celui-ci désigne un nouvel avocat. C’est seulement lorsque Me Z. n’a pas comparu, malgré cet avertissement, à l’audience du 7 janvier 2005 que le président de la chambre a désigné au requérant Me F., tout en ajournant l’audience. Il convient par ailleurs de souscrire à l’argument du Gouvernement selon lequel le requérant, qui s’était vu adresser la lettre de Me Z. l’informant de la fin de la représentation (voir paragraphe 23 ci-dessus), aurait pu y réagir en choisissant un nouvel avocat s’il le souhaitait. Ne l’ayant pas fait, ni avant ni après la décision de la haute cour de lui désigner un avocat d’office, cette décision apparaît justifiée par les intérêts d’une bonne administration de la justice.

71. La Cour relève en outre que le requérant n’est à aucun moment resté sans représentant devant les juridictions tchèques, qu’il a été au courant de la désignation de Me F. et de ses coordonnées (voir, a contrario, Seliwiak c. Pologne, no 3818/04, § 60, 21 juillet 2009) et qu’il n’a pas refusé ses services (voir a contrario, Sakhnovski c. Russie [GC], no 21272/03, § 91, 2 novembre 2010). A aucun moment il n’a informé la haute cour de son souhait d’être représenté par un autre avocat de son choix, et ni lui ni Me F. n’ont sollicité l’ajournement de l’audience en vue de mieux préparer leur défense (voir, mutatis mutandis, Tsonyo Tsonev c. Bulgarie (no 2), no 2376/03, § 35, 14 janvier 2010). Rien n’indique non plus que la haute cour ait eu avant l’audience connaissance du fait que le requérant n’avait pas eu de contact avec Me F. ou qu’elle ait eu d’autres motifs d’intervenir pour lui assurer la jouissance effective du droit qu’elle lui reconnaissait. Le requérant n’allègue par ailleurs aucune négligence commise par cette avocate (voir, mutatis mutandis, Vitan c. Roumanie, no 42084/02, § 63, 25 mars 2008 ; Mayzit, précité, § 69) et encore moins une négligence qui aurait pour effet de le priver d’une voie de recours (voir, a contrario, Czekalla c. Portugal, no 38830/97, §§ 65-66, CEDH 2002‑VIII).

72. En conséquence, la désignation de Me F. par la haute cour et sa défense du requérant ne sauraient passer pour incompatibles avec l’article 6 §§ 3 b) et c) de la Convention. Il n’y a donc pas eu violation de cette disposition.

III. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES DE L’ARTICLE 6 DE LA CONVENTION

A. Défaut d’équité de la procédure pénale

73. Sur le terrain de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention, le requérant se plaint de l’iniquité de la procédure pénale menée à son encontre.

74. Le Gouvernement relève que la condamnation du requérant reposait essentiellement sur les documents fournis par les autorités douanières, les dépositions des témoins, des pièces écrites, dont des documents saisis lors de la perquisition, et une expertise comptable. Après avoir en vain tenté d’obtenir une entraide judiciaire de la part des autorités de Gibraltar, le tribunal municipal ne s’est finalement appuyé que sur ses propres échanges de correspondance avec ces autorités et sur les informations que celles-ci l’avaient autorisé à utiliser. Se limitant aux propres constatations des autorités douanières de Gibraltar, sans se référer aux déclarations de G., le tribunal n’a donc pas prêté à ce dernier la qualité de témoin, et encore moins celle du témoin à charge. Il a également considéré que l’audition de G., à part d’être difficile à réaliser, était inutile au vu des informations dont il disposait et de l’incohérence de la défense du requérant. Le requérant a par ailleurs manqué de spécifier en quoi l’audition de G. était nécessaire à la recherche de la vérité. Les tribunaux ont en revanche suffisamment explicité le rejet des offres de preuves faites par le requérant et ils ont dûment réfuté ses objections. Enfin, le requérant a eu la possibilité de s’exprimer sur les affirmations de l’accusation, de même que sur les éléments provenant de la perquisition – qui n’ont pas été obtenus de manière illégale au regard du droit tchèque et qui n’ont pas constitué les seules preuves prises en compte par les tribunaux - sans subir un net désavantage.

75. Dénonçant l’iniquité de la procédure pénale, le requérant se plaint notamment du non-respect du principe de l’égalité des armes et du rejet de ses offres de preuves par les tribunaux, en particulier de leur refus d’entendre G. résidant à Gibraltar, qui était selon lui un important témoin à charge. Il conteste également l’appréciation en fait et en droit de son affaire par les tribunaux internes et estime que leurs décisions ne sont pas cohérentes ni compréhensibles en ce qu’elles ne permettent pas d’identifier les preuves décisives. Il n’aurait donc pas eu une occasion suffisante de réfuter les éléments à charge.

76. Selon le requérant, les tribunaux se sont fondés notamment sur des preuves obtenues en violation des principes de l’équité, à savoir les déclarations de G. et l’expertise comptable, et sur les pièces recueillies lors de la perquisition qui a été pourtant effectuée en violation des règles de droit interne. S’agissant de G., le requérant estime que les tribunaux n’ont pas déployé les efforts appropriés pour obtenir l’audition de ce témoin, en ce que le tribunal municipal, au lieu de s’adresser à l’autorité judiciaire compétente de Gibraltar, a demandé à l’autorité douanière de pouvoir utiliser les informations fournies par celle-ci en 1999. Il allègue que, par sa demande d’entendre G., il tendait à ce qui celui-ci confirme la réalité des transactions entre les sociétés P. et N., comme il l’avait fait dans une lettre de mars 1999.

77. La Cour rappelle que si la Convention garantit en son article 6 le droit à un procès équitable, elle ne réglemente pas pour autant l’admissibilité des preuves en tant que telle, matière qui relève au premier chef du droit interne. Le rôle de la Cour est d’examiner si la procédure pénale a revêtu, dans son ensemble, un caractère équitable et, pour ce faire, elle doit aussi rechercher si les droits de la défense ont été respectés. Il y a lieu de se demander en particulier si le requérant a eu la possibilité de contester l’authenticité des preuves et de s’opposer à leur utilisation (Gäfgen c. Allemagne [GC], no 22978/05, §§ 162-164, CEDH 2010).

78. L’article 6 § 3 d) consacre le principe selon lequel, avant qu’un accusé puisse être déclaré coupable, tous les éléments à charge doivent en principe être produits devant lui en audience publique, en vue d’un débat contradictoire. Ce principe ne va pas sans exceptions, mais on ne peut les accepter que sous réserve des droits de la défense ; en règle générale, ceux‑ci commandent de donner à l’accusé une possibilité adéquate et suffisante de contester les témoignages à charge et d’en interroger les auteurs, soit au moment de leur déposition, soit à un stade ultérieur (Al-Khawaja et Tahery c. Royaume-Uni [GC], nos 26766/05 et 22228/06, § 118, CEDH 2011).

79. La Cour relève que, en l’espèce, les juridictions tchèques ont déclaré le requérant coupable des faits qui lui étaient reprochés en se basant sur un ensemble d’éléments de preuve qu’ils ont estimés suffisants, recueillis au cours de l’instruction et discutés publiquement et contradictoirement lors des audiences publiques. Le requérant a bénéficié de l’assistance d’un voire plusieurs avocats tout au long de la procédure et il a été en mesure de présenter les arguments qu’il souhaitait faire valoir devant les juridictions de fond. Celles-ci ont apprécié la crédibilité des moyens de preuve présentés eu égard à l’ensemble des circonstances de l’affaire et ont dûment motivé leur décision à cet égard. Rien n’indique que le requérant ne se soit pas vu offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne le plaçaient pas dans une situation de net désavantage par rapport à l’accusation.

80. En ce qui concerne les preuves obtenues lors de la perquisition des locaux de la société P., la Cour rappelle qu’elle n’a pas à se prononcer, par principe, sur l’admissibilité de certaines sortes d’éléments de preuve, par exemple des éléments obtenus de manière illégale au regard du droit interne. Elle doit examiner si la procédure, y compris la manière dont les éléments de preuve ont été recueillis, a été équitable dans son ensemble, ce qui implique l’examen de l’« illégalité » en question et, dans le cas où se trouve en cause la violation d’un autre droit protégé par la Convention, de la nature de cette violation. Pour déterminer si la procédure dans son ensemble a été équitable, il faut aussi se demander si les droits de la défense ont été respectés. Il faut rechercher notamment si le requérant s’est vu offrir la possibilité de remettre en question l’authenticité de l’élément de preuve et de s’opposer à son utilisation. Il faut prendre également en compte la qualité de l’élément de preuve, y compris le point de savoir si les circonstances dans lesquelles il a été recueilli font douter de sa fiabilité ou de son exactitude (Bykov c. Russie [GC], no 4378/02, §§ 89-90, 10 mars 2009).

En l’espèce, la Cour ne peut que relever que le requérant a eu la possibilité de dénoncer la prétendue irrégularité de la perquisition, de même que tous les éléments qu’elle avait permis de recueillir, au cours de débats contradictoires devant les tribunaux inférieurs. Ceux-ci ont abordé ses objections, relatives au fait que la perquisition avait été effectuée avant l’ouverture des poursuites pénales et sans un interrogatoire préalable de sa personne, et ont conclu à la légalité de cette mesure. On ne saurait donc prétendre qu’il existe en l’occurrence une raison pour douter de la fiabilité des preuves obtenues lors de la perquisition. En effet, selon les juridictions internes, ces preuves pouvaient être utilisées au procès et, en tout état de cause, elles n’avaient pas joué un rôle important. Dans ces circonstances, la Cour estime que l’admission comme preuves des pièces ainsi obtenues ne se heurtait pas aux exigences d’équité posées par l’article 6 § 1.

81. La question qui prête principalement à controverse entre les parties en l’espèce est celle de savoir si G. doit être considéré comme un « témoin », terme qui a un sens autonome dans le système de la Convention, voire comme un témoin à charge, c’est-à-dire celui dont la déposition était susceptible de fonder, d’une manière substantielle, la condamnation du requérant (voir, mutatis mutandis, Lucà c. Italie, no 33354/96, § 41, CEDH 2001‑II). A cet égard, la Cour admet que les déclarations de G. niant toute transaction avec la société P. figuraient dans la lettre adressée en septembre 1999 par l’autorité douanière de Gibraltar à son homologue tchèque (voir paragraphe 7 ci-dessus), laquelle était ensuite à la disposition du tribunal dans la procédure pénale (voir paragraphe 15 ci-dessus). Dans son jugement du 22 avril 2003, le tribunal municipal a cependant précisé qu’il n’avait pris en compte qu’une partie du rapport du 24 janvier 2003 relative à l’enquête de l’autorité douanière, qui ne faisait aucune référence directe aux déclarations de G. (voir paragraphe 17 ci-dessus) ; la Cour constitutionnelle a également constaté que le verdict des tribunaux n’était nullement fondé sur cet élément (voir paragraphe 32 ci-dessus). Il semble en effet que l’absence de transaction ou de facture établie au profit de la société P. résultait aussi des preuves autres que les dires de G., que le requérant n’a pas réussi à réfuter. On ne saurait donc affirmer que ces déclarations avaient été introduites dans la procédure par l’accusation (voir, a contrario, Garofolo c. Suisse (déc.), no 4380/09, 2 avril 2013). En revanche, le requérant fait valoir devant la Cour qu’il voulait faire entendre G. pour que celui-ci confirme sa thèse selon laquelle des transactions entre les sociétés P. et N. avaient eu lieu ; dans ces circonstances, il y aurait lieu de regarder G. comme un témoin à décharge.

82. A cet égard, la Cour rappelle que la Convention n’oblige pas les tribunaux à accéder à toutes les demandes de convocation des témoins à décharge (Bricmont c. Belgique, 7 juillet 1989, § 89, série A no 158). En l’occurrence, les tribunaux ont dûment répondu à la demande du requérant de citer G., se référant non seulement aux difficultés liées à sa convocation mais aussi au fait que les autres preuves la rendaient inutile. De plus, le requérant n’a pas démontré que l’audition de G. aurait pu apporter des éléments nouveaux et pertinents pour l’examen de son affaire.

83. La Cour estime donc que les juridictions internes avaient donné la possibilité au requérant d’exercer ses droits les plus fondamentaux et que les droits de la défense n’ont pas subi en l’espèce une limitation telle qu’elle emporterait la violation des garanties d’un procès équitable.

84. Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 (a) et 4 de la Convention.

B. Tribunal impartial et établi par la loi

85. Le requérant allègue que la Cour constitutionnelle a méconnu son droit à un tribunal impartial et établi par la loi, dans la mesure où la composition de la troisième chambre ayant connu de son recours constitutionnel ne correspondait pas à la composition initialement annoncée et qu’il n’avait donc pas pu mettre en doute l’impartialité de la juge M.Ž.

86. Le Gouvernement observe qu’au moment de l’adoption de la décision sur le recours constitutionnel du requérant, un membre de la troisième chambre – à laquelle l’affaire avait été assignée depuis son introduction en 2006 – était absent pour maladie. C’est pourquoi il a été remplacé, dans l’intérêt d’un bon déroulement de la procédure et conformément au plan de répartition du travail établi à l’avance et accessible au public (voir paragraphe 43 ci-dessus), par la juge M.Ž., membre de la quatrième chambre dont elle était la présidente à l’époque. Contrairement à l’affaire DMD GROUP, a.s., c. Slovaquie (no 19334/03, 5 octobre 2010), il n’y a donc eu en l’espèce aucune assignation arbitraire et la composition de la chambre avait une base légale solide.

87. Le Gouvernement admet que le requérant n’a pas été au préalable informé dudit remplacement. Les exigences de la Convention ont néanmoins été respectées car la composition de la chambre et ses modifications potentielles étaient régies par les règles fixes, transparentes et connues à l’avance. Puis, le requérant n’a à aucun moment exprimé des doutes sur l’impartialité des juges de la quatrième chambre, dont M.Ž., qui étaient appelés à remplacer les membres de la troisième chambre et qui avaient par ailleurs auparavant statué sur son objection de partialité (voir paragraphe 30 ci-dessus). Pour le Gouvernement, le requérant cherche donc à faire valoir des droits théoriques et illusoires, alors qu’il n’a aucune objection fondée à l’égard de la juge M.Ž. Ce n’est que dans ses observations devant la Cour que le requérant a fait valoir que le fils de M.Ž. entretiendrait des relations commerciales avec sa société ; selon le Gouvernement, en l’absence de précisions, cette objection demeure hypothétique et non fondée.

88. Le requérant conteste le fait que le remplacement était justifié par un bon déroulement de la procédure, vu que son recours constitutionnel a été tranché seulement deux ans après son introduction, et estime qu’il avait été intentionnellement décidé sans la participation du juge désigné. Dans la mesure où il a pris connaissance du remplacement du juge J.M. par la juge M.Ž. seulement au moment de la réception de la décision, le requérant souligne qu’il n’avait pas eu l’occasion de mettre en cause l’impartialité de M.Ž. Sinon, il aurait fait valoir que le fils de M.Ž. était actionnaire dans une société qui entretenait des relations commerciales avec la société P.

89. La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 6 § 1 un « tribunal » doit toujours être « établi par la loi ». Cette expression reflète le principe de l’état de droit, inhérent à tout le système de la Convention et de ses protocoles. L’expression « établi par la loi » concerne non seulement la base légale de l’existence même du tribunal, mais encore la composition du siège dans chaque affaire. La « loi » visée par cette disposition est donc non seulement la législation relative à l’établissement et à la compétence des organes judiciaires, mais également toute autre disposition du droit interne dont le non-respect rend irrégulière la participation d’un ou de plusieurs juges à l’examen de l’affaire. Il s’agit notamment des dispositions relatives aux mandats, aux incompatibilités et à la récusation des magistrats. Le non-respect par un tribunal de ces dispositions emporte en principe violation de l’article 6 § 1. La Cour a donc compétence pour se prononcer sur le respect des règles du droit interne sur ce point. Toutefois, vu que la question de savoir quels sont les magistrats devant siéger dans une affaire relève, pour l’essentiel, de l’organisation interne du pouvoir judiciaire et doit être réglée conformément aux normes du droit interne, et vu que c’est en premier lieu aux juridictions nationales elles-mêmes qu’il incombe d’interpréter la législation interne, la Cour ne doit mettre en cause leur appréciation que dans des cas de violation flagrante de cette législation (voir, mutatis mutandis, Lavents c. Lettonie, no 58442/00, § 114, 28 novembre 2002).

90. En l’espèce, la Cour note que les règles de droit interne, et plus particulièrement le plan de répartition du travail au sein de la Cour constitutionnelle qui est accessible au public via Internet, prévoyaient à l’époque des faits que, en cas d’absence, les juges de la troisième chambre étaient remplacés par les juges de la quatrième chambre (voir paragraphe 43 ci-dessus). Le changement dans la composition de la chambre compétente pour connaître du recours constitutionnel du requérant a eu lieu en application de cette règle générale, qui était claire, accessible et connue à l’avance et qui n’a pas été modifiée pour l’occasion. De l’avis de la Cour, la chambre de la Cour constitutionnelle ayant tranché le recours constitutionnel du requérant était donc composée conformément à la loi.

91. Puis, les parties s’accordent pour dire que le requérant n’a pas été à l’avance informé du remplacement du juge J.M., malade au moment de l’examen de l’affaire du requérant, par la juge M.Ž. Il n’est toutefois pas sans pertinence que cette juge avait participé à l’examen de l’objection de partialité soulevée par le requérant en 2006 (voir paragraphe 30 ci-dessus), sans que celui-ci ait exprimé un quelconque doute sur son impartialité. En tout état de cause, les appréhensions que le requérant fait à présent valoir devant la Cour quant à l’impartialité de la juge M.Ž. ne sauraient passer pour objectivement justifiées.

92. A la lumière des principes dégagés par sa jurisprudence, la Cour estime donc que rien dans le dossier ne permet de déceler une apparence de violation du droit du requérant à ce que sa cause soit examinée par un tribunal impartial et établi par la loi, garanti par l’article 6 de la Convention.

93. Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 (a) et 4 de la Convention.

C. Autres griefs soulevés sous l’angle de l’article 6 de la Convention

94. Concernant les griefs tirés par le requérant du fait que son représentant Š. s’est vu refuser l’accès au dossier, le 26 mars 2004, et que la Cour suprême qui ne lui a pas communiqué les observations présentées par le parquet, la Cour se doit de constater que le requérant a manqué de soulever ces griefs devant la Cour constitutionnelle.

Il s’ensuit que ces griefs doivent être rejetés pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

95. Le requérant se plaint en outre de ne pas avoir été invité par le tribunal municipal à exprimer ses commentaires à la suite de la lecture à l’audience de chaque document du dossier. Il dénonce également le non-respect du principe de la présomption d’innocence et du droit d’être informé des chefs d’accusation, au motif que l’acte d’inculpation du 9 mars 2001 ne contenait pas d’information sur l’élément moral de l’infraction. Par ailleurs, cette mention ayant été ajoutée par la haute cour au dispositif de son arrêt, le il aurait été privé du droit de voir son affaire réexaminée en appel.

La Cour a examiné ces griefs. Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, elle n’a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles. Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 (a) et 4 de la Convention.

IV. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

96. Concernant la perquisition dans les locaux de la société P., le requérant se plaint devant la Cour, d’une part, que cette perquisition a été effectuée sans que les conditions du droit interne aient été remplies. Il n’était notamment pas clair pourquoi elle ne pouvait pas être reportée ou répétée après l’ouverture des poursuites pénales, et il n’a pas été entendu au préalable. Même à supposer que ce grief, formulé par le requérant sur le terrain de l’article 6 de la Convention, tombe dans le champ d’application de l’article 8, la Cour relève que les juridictions nationales, dont la Cour constitutionnelle (voir paragraphe 32 ci-dessus), ont dûment répondu auxdites objections du requérant en concluant que le droit interne a été respecté. Dans ces conditions, la Cour ne saurait aboutir à une conclusion différente. Elle rappelle les limites de son pouvoir de contrôler l’observation du droit interne: il incombe au premier chef aux autorités nationales, et notamment aux cours et tribunaux, d’interpréter et d’appliquer ce dernier (Chappell c. Royaume-Uni, 30 mars 1989, § 54, série A no 152‑A).

97. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 (a) et 4 de la Convention.

98. D’autre part, le requérant allègue, toujours sur le terrain de l’article 6, que la perquisition a eu lieu sans un accord préalable du procureur ou des représentants de la société P., voire du tribunal. A cet égard, il souligne que la perquisition a été en l’espèce ordonnée en vertu de l’article 83a tel que critiqué et abrogé par l’arrêt de la Cour constitutionnelle no Pl. ÚS 3/09.

99. Le Gouvernement objecte que le requérant n’a jamais dénoncé une atteinte à sa vie privée ou à son domicile au sens de l’article 8, que cela soit devant les tribunaux nationaux ou devant la Cour, se bornant à contester, sur le terrain de l’article 6 de la Convention, l’admissibilité des preuves obtenues lors de la perquisition. Par conséquent, il n’a pas épuisé les voies de recours internes à l’égard de la perquisition même.

100. Le requérant s’y oppose, alléguant qu’il ne pouvait pas contester le mandat de perquisition car celui-ci visait la société P. et qu’il a constamment affirmé durant la procédure pénale que la perquisition n’avait pas satisfait aux exigences du code de procédure pénale et qu’elle avait donc été illégale.

101. La Cour se doit de relever que le requérant n’a en effet jamais invoqué, même en substance, les droits que lui garantit l’article 8 de la Convention. Il est toutefois vrai qu’il se plaint à présent devant la Cour que la perquisition a eu lieu sans l’accord d’un procureur (ce qui semble faux, voir le paragraphe 9 ci-dessus), voire d’un tribunal. A cet égard, la Cour admet que la protection des individus contre des atteintes arbitraires de la puissance publique aux droits garantis par l’article 8 réclame un encadrement légal et une limitation des plus stricts de tels pouvoirs et qu’elle doit redoubler de vigilance lorsque le droit interne permet la réalisation d’une perquisition par les autorités de poursuites sans mandat judiciaire (voir Camenzind c. Suisse, 16 décembre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997‑VIII, § 45 ; Varga c. Roumanie, no 73957/01, § 70, 1er avril 2008).

102. La Cour estime néanmoins que rien n’empêchait le requérant de soulever ces questions, en son nom ou au nom de la société P., devant la Cour constitutionnelle qui est la seule compétente en droit tchèque pour apprécier la conformité d’une loi à la Constitution et aux traités internationaux liant la République tchèque (voir, a contrario, Jurjevs c. Lettonie (déc.), no 70923/01, 21 octobre 2004) ; il pouvait en outre accompagner son recours d’une demande tendant à l’annulation de la disposition contestée. Force est de constater en effet que la partie litigieuse de l’article 83a du code de procédure pénale a été abrogée plus tard, à la suite d’un recours constitutionnel individuel qui a donné lieu à la saisine du plénum de la Cour constitutionnelle et à l’adoption de l’arrêt no Pl. ÚS 3/09. La Cour se doit d’observer que s’il avait soulevé la question de l’autorisation judiciaire au travers d’un recours constitutionnel, le requérant aurait pu donner lui-même l’impulsion à ce changement législatif (voir, mutatis mutandis, Slunský c. République tchèque (déc.), no 31225/06, 5 avril 2011).

103. Le requérant a donc omis d’épuiser un recours ouvert en droit tchèque, dont l’inefficacité n’a pas été démontrée. Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

V. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

104. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

105. Le requérant réclame 10 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il aurait subi du fait qu’en conséquence des différentes violations graves de la Convention, il s’est vu infliger une peine de prison.

106. Le Gouvernement estime que la somme réclamée est excessive et s’en remet à la sagesse de la Cour.

107. La Cour note que la base à retenir pour l’octroi d’une satisfaction équitable réside en l’espèce uniquement dans le fait que le requérant n’a pas pu s’exprimer sur des observations soumises à la Cour constitutionnelle par les autres parties à la procédure devant elle. Elle estime que le préjudice moral éventuellement subi par le requérant est suffisamment réparé par le constat de violation de la Convention auquel elle parvient (voir, mutatis mutandis, 3A.CZ s.r.o., précité, § 69).

B. Frais et dépens

108. Une note d’honoraires non signée à l’appui, le requérant demande 25 841,67 EUR au titre de l’assistance juridique dont il aurait bénéficié de la part d’une avocate autrichienne pour la rédaction de la requête. Il demande également la somme de 8 604 EUR incluant la TVA au titre des frais de l’avocate l’ayant représenté devant la Cour après la communication de la requête. Il soutient cette demande par une facture détaillant le coût des différents actes en euros mais indiquant l’addition totale et le coût de la TVA en couronnes tchèques (CZK), soit 8 604 CZK (environ 332 EUR).

109. Le Gouvernement observe que le requérant n’a pas été formellement représenté lors de l’introduction de sa requête devant la Cour. Il note en outre que la note d’honoraires de l’avocate autrichienne ne porte ni signature ni tampon et qu’elle est accompagnée d’un simple table récapitulatif général qui ne saurait suffire au regard des exigences de l’article 60 § 2 du règlement de la Cour. Quant à au caractère raisonnable des frais engagés par le requérant après la communication de la requête, le Gouvernement demande à la Cour de prendre en compte la duplicité du travail due à la décision du requérant d’engager une seconde avocate qui a dû se familiariser à nouveau avec le dossier.

110. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. La Cour rappelle également que selon l’instruction pratique relative aux demandes de satisfaction équitable, les notes d’honoraires et les factures doivent être détaillées et suffisamment précises pour lui permettre de déterminer dans quelle mesure les conditions de fond se trouvent remplies.

111. En l’espèce, la Cour note que le requérant n’a été représenté devant elle que depuis la communication de la requête au Gouvernement; en tout état de cause, la note d’honoraires établie par l’avocate autrichienne ne satisfait pas aux exigences de forme découlant de l’article 60 § 2 du règlement de la Cour (voir, mutatis mutandis, Janyr et autres c. République tchèque, nos 12579/06, 19007/10 et 34812/10, § 67, 13 octobre 2011). Pour ce qui est des honoraires de la seconde avocate qui a représenté le requérant après la communication de la requête, la Cour observe qu’il ne ressort pas clairement de la facture soumise quel montant et en quelle monnaie aurait dû être payé par le requérant. Dans ces circonstances, et eu égard au fait que la requête a été en grande partie déclarée irrecevable, la Cour n’estime pas approprié d’allouer au requérant le remboursement desdits frais et dépens.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés de l’impossibilité pour le requérant de réagir aux observations soumises à la Cour constitutionnelle par les autres parties à la procédure et de la méconnaissance de ses droits de défense garantis par l’article 6 § 3 b) et c), et irrecevable pour le surplus ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention dans la procédure devant la Cour constitutionnelle ;

3. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 3 b) et c) de la Convention ;

4. Dit que le constat d’une violation fournit en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral subi par le requérant ;

5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 31 octobre 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Claudia WesterdiekMark Villiger
GreffièrePrésident


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award