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29/10/2013 | CEDH | N°001-127392

CEDH | CEDH, AFFAIRE FEODOROV c. RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA, 2013, 001-127392


TROISIÈME SECTION

AFFAIRE FEODOROV c. RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA

(Requête no 42434/06)

ARRÊT

STRASBOURG

29 octobre 2013

DÉFINITIF

29/01/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Feodorov c. République de Moldova,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Josep Casadevall, président,
Alvina Gyulumyan,
Ján Šikuta,
Luis López G

uerra,
Kristina Pardalos,
Johannes Silvis,
Valeriu Griţco, juges,
et de Santiago Quesada, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre...

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE FEODOROV c. RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA

(Requête no 42434/06)

ARRÊT

STRASBOURG

29 octobre 2013

DÉFINITIF

29/01/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Feodorov c. République de Moldova,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Josep Casadevall, président,
Alvina Gyulumyan,
Ján Šikuta,
Luis López Guerra,
Kristina Pardalos,
Johannes Silvis,
Valeriu Griţco, juges,
et de Santiago Quesada, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 1er octobre 2013,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 42434/06) dirigée contre la République de Moldova et dont un ressortissant de cet Etat, M. Sergiu Feodorov (« le requérant »), a saisi la Cour le 26 septembre 2006 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le 15 octobre 2008, le requérant est décédé. Le 30 mars 2009, Mme Elena Sturza, sa tante et légataire universelle, a exprimé le souhait de poursuivre la procédure. Elle a produit un testament authentique du 18 août 2006 par lequel le requérant lui avait légué tous ses biens.

3. Le requérant et sa tante, qui a été admise au bénéfice de l’assistance judiciaire, ont été représentés par Me R. Zadoinov, avocat à Chișinău. Le gouvernement moldave (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. L. Apostol, du ministère de la Justice.

4. Dans sa requête, le requérant se plaignait en particulier d’une violation des articles 3 et 13 de la Convention.

5. Le 18 octobre 2010, la requête a été communiquée au Gouvernement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

6. Le requérant est né en 1981 et résidait, à l’époque des faits, à Chișinău.

A. Mauvais traitements allégués

7. Le 26 janvier 2006, vers 23 heures, le requérant et son cousin furent arrêtés par la police à la suite d’une altercation dans la rue avec trois autres personnes et furent conduits de force à un des bureaux de police de l’arrondissement Buiucani de Chișinău.

8. Au bureau de police, les trois personnes impliquées dans la bagarre déclarèrent qu’elles avaient été agressées par le requérant et son cousin et que ce dernier leur avait dérobé de l’argent. Les policiers fouillèrent le requérant et son cousin et trouvèrent entre autres sur celui-ci une bombe lacrymogène et une somme correspondant à l’argent qui aurait été volé.

9. Le même jour, une procédure fut engagée à l’encontre du requérant pour troubles à l’ordre public, refus d’obtempérer lors de son arrestation, et outrages et violences envers des agents des forces de l’ordre. L’intéressé fut placé en garde à vue.

10. D’après le requérant, dans le bureau de police, des policiers l’ont frappé à coups de poing et de pied sur la tête et sur d’autres parties du corps. Selon la version du Gouvernement, le requérant a été blessé seulement lors de la bagarre avec les trois personnes.

11. Le 27 janvier 2006, le tribunal de Buiucani reconnut le requérant coupable des chefs d’inculpation (paragraphe 9 ci-dessus) et le condamna à une peine d’emprisonnement de cinq jours.

12. Après l’audience, le requérant fut conduit à l’hôpital pour un examen médical. L’établissement lui délivra le 7 février 2006 un certificat faisant état des constats suivants : fracture du nez sans déplacement des structures osseuses, plaie contuse dans la région du pavillon de l’oreille droite, état d’ivresse.

13. Le requérant purgea sa peine au commissariat de police de Buiucani et au commissariat général de police de Chișinău.

14. Selon ses dires, au commissariat de police de Buiucani, des fonctionnaires de police l’ont frappé à coups de poing et de pied sur la tête, le corps et les jambes.

15. Le 1er février 2006, le requérant fut remis en liberté.

16. Le 2 février 2006, le requérant consulta un médecin légiste ; selon le rapport dressé par ce dernier, l’intéressé avait déclaré avoir été battu dans la rue par un inconnu le 26 janvier 2006, à 23 heures. Dans son rapport, le médecin faisait mention d’une ecchymose ovale autour de l’œil gauche de couleur violet jaunâtre et mesurant 5,5 cm sur 5 cm, de deux excoriations situées dans la région temporale et sur le pavillon de l’oreille droite, recouvertes de croûtes brunes et mesurant respectivement 1,5 cm sur 0,6 cm et 2 cm sur 0,1 cm, ainsi que d’une ecchymose jaunâtre de 3 cm sur 4 cm sur la joue droite. Il notait que les lésions avaient été causées par un objet dur, contondant, ayant une surface réduite, probablement dans les circonstances décrites par le requérant, et que les lésions corporelles constatées étaient sans préjudice pour la santé de ce dernier.

17. Le 8 février 2006, le médecin légiste compléta son rapport médical en signalant la fracture du nez du requérant. Il qualifia les blessures de ce dernier de lésions légères nécessitant des soins médicaux sur une période allant de six à vingt et un jours.

B. Plaintes pénales contre les trois particuliers et les policiers

18. Le 9 février 2006, le requérant et son cousin portèrent plainte pour agression contre les trois personnes impliquées dans l’altercation. Le requérant joignit à sa plainte les attestations médicales qui lui avaient été délivrées les 2 et 7 février 2006 (paragraphes 12 et 16 ci-dessus). Son cousin quant à lui affirma entre autres avoir utilisé une bombe lacrymogène pour se défendre.

19. Dans leurs dépositions des 20 février, 25 février et 6 mars 2006, les trois personnes visées par la plainte déclarèrent que le cousin du requérant les avait agressées avec une bombe lacrymogène et qu’il avait ensuite volé de l’argent à l’une d’entre elles. Elles reconnurent avoir riposté en utilisant la force physique contre le requérant et son cousin qui, d’après elles, se trouvaient en état d’ivresse. Elles ajoutèrent que les deux hommes avaient résisté aux policiers intervenus pour mettre fin à l’altercation et qu’ils avaient proféré des injures contre elles-mêmes et contre les policiers au commissariat.

20. Par une lettre du 17 mars 2006, le commissaire de Buiucani informa le requérant que les trois personnes contre qui il avait porté plainte avaient agi en état de légitime défense et qu’elles n’encouraient aucune responsabilité.

21. Le 12 mai 2006, le requérant déposa une plainte auprès du procureur général, dénonçant, entre autres, des mauvais traitements qui lui auraient été infligés au commissariat de police de Buiucani.

22. Dans sa déposition faite le 30 mai 2006 auprès du parquet, il affirma que, le 26 janvier 2006, dans les locaux du bureau de police, des policiers lui avaient donné des coups sur le corps. Il déclara avoir été également maltraité le lendemain soir, au commissariat de police de Buiucani par des policiers, dans le but de lui faire avouer le vol qui aurait été commis par son cousin.

23. Le même jour, le parquet recueillit également la déposition du cousin du requérant, qui soutint que les policiers l’avaient frappé le 26 janvier 2006 sur le trajet menant au bureau de police ainsi qu’à l’intérieur du bureau pour obtenir des aveux. Le cousin ajouta que le requérant avait lui aussi été frappé par des policiers dans ce bureau de police.

24. A des dates non spécifiées, le parquet interrogea les trois personnes impliquées dans la bagarre. Celles-ci réitérèrent leurs précédentes dépositions (paragraphe 19 ci-dessus). Elles ajoutèrent qu’à aucun moment, ni sur le trajet menant au bureau de police ni à leur arrivée sur place, les policiers n’avaient maltraité le requérant et son cousin.

25. A des dates différentes, le procureur en charge de l’affaire interrogea les deux policiers ayant arrêté le requérant et son cousin, le policier ayant mené l’enquête sur l’accusation de vol, un inspecteur supérieur de la police criminelle du commissariat de police de Buiucani et deux policiers de garde du commissariat général de police de Chișinău. Tous démentirent l’infliction de mauvais traitements au requérant et à son cousin.

26. Le 7 juin 2006, le procureur émit une ordonnance de classement sans suite des plaintes du requérant au motif que les éléments constitutifs des infractions alléguées n’étaient pas réunis. Il conclut que les lésions corporelles du requérant mentionnées dans le rapport médicolégal du 2 février 2006 (paragraphe 16 ci-dessus) avaient été causées pendant la bagarre avant l’arrivée de la police et que les trois personnes impliquées dans l’altercation avaient agi en état de légitime défense.

27. Le 16 juin 2006, le conseil du requérant contesta l’ordonnance susmentionnée.

28. Par un non-lieu du 6 juillet 2006, le juge d’instruction du tribunal de Buiucani rejeta ce recours au motif qu’il était mal fondé et il confirma le classement sans suite. Les passages pertinents de sa décision se lisent comme suit :

« (...) le [9] février 2006 [le requérant et son cousin] portèrent plainte contre [les trois personnes] au motif que celles-ci les avaient frappés le 26 janvier 2006, à 23 heures (...). Il ressort du rapport médicolégal du 2 février 2006 que [le requérant] a été battu dans la rue par des inconnus le 26 janvier 2006, à 23 heures, ce qui aurait provoqué des lésions corporelles légères (...). Ce n’est que dans leurs dépositions du 30 mai 2006 que [le requérant et son cousin] ont affirmé que (...) des agents de police leur avaient infligé des coups [dans l’enceinte du bureau de police]. Ayant été interrogés, [les policiers] ont déclaré que personne n’avait maltraité [le requérant et son cousin] à l’intérieur du bureau de police et que les blessures de ces derniers avaient été causées lors de la bagarre (...).

Il ressort du classement sans suite du procureur du 7 juin 2006 que l’infliction de mauvais traitements par les agents de police n’a pas été établie, que les lésions corporelles [constatées] (...) avaient été causées lors de l’altercation avec [les trois personnes] (...) et que ces dernières avaient agi en état de légitime défense (...).

Par ailleurs, il convient de considérer que les griefs tirés par [le requérant et son cousin] de l’infliction de mauvais traitements ont été introduits tardivement et à titre de moyen de défense dans le cadre de l’affaire pénale [concernant le vol] (...) »

29. Le 6 septembre 2006, en vue de réunir tous les documents pertinents pour introduire sa requête devant la Cour, le représentant du requérant demanda au procureur de lui fournir une copie des dépositions de l’intéressé et de son cousin sur leurs allégations de mauvais traitements.

Le 21 septembre 2006, le parquet lui envoya les documents demandés.

C. Issue de la procédure pénale engagée à l’encontre du cousin du requérant

30. Par une décision définitive de la Cour suprême de justice du 3 décembre 2008, le cousin du requérant fut condamné pour le vol commis le 26 janvier 2006 à une peine d’emprisonnement de quatre ans assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve de deux ans.

II. LE DROIT INTERNE PERTINENT

31. Le droit interne pertinent en l’espèce est résumé dans l’arrêt Parnov c. Moldova (no 35208/06, § 17, 13 juillet 2010 – cet arrêt n’est disponible qu’en anglais).

EN DROIT

32. Invoquant l’article 3 de la Convention, le requérant se plaignait, d’une part, de mauvais traitements infligés par les policiers au bureau de police et au commissariat de police de Buiucani et, d’autre part, de l’absence d’une enquête effective relative à ces allégations. Cet article est ainsi libellé :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

33. Le requérant se plaignait également de l’absence d’un recours interne effectif, au sens de l’article 13 de la Convention, susceptible de défendre ses droits énoncés à l’article 3 de la Convention. Aux termes de cette disposition :

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance (...) »

34. Par ailleurs, au titre de l’article 34 de la Convention, le requérant reprochait au parquet de ne pas avoir répondu en temps utile à sa demande de copie des dépositions figurant dans le dossier d’instruction et d’avoir ainsi entravé l’exercice de son droit de recours individuel devant la Cour. L’article 34 de la Convention, en ses passages pertinents en l’espèce, se lit comme suit :

« (...) Les Hautes Parties contractantes s’engagent à n’entraver par aucune mesure l’exercice efficace de ce droit. »

I. QUESTION LIMINAIRE

35. La Cour note que le requérant est décédé le 15 octobre 2008 et que sa tante et unique héritière, Mme Elena Sturza, a exprimé le souhait de poursuivre l’instance.

36. La Cour rappelle que, dans plusieurs affaires où un requérant était décédé pendant la procédure, elle a pris en compte la volonté de poursuivre l’instance exprimée par un héritier, par un proche parent et même, au regard des circonstances de l’espèce, par un ayant cause potentiel (légataire universel) qui cherchait à faire reconnaître ses droits successoraux dans une procédure pendante (voir, parmi d’autres, Deweer c. Belgique, 27 février 1980, §§ 37-38, série A no 35 ; Vocaturo c. Italie, 24 mai 1991, § 2, série A no 206‑C, et Malhous c. République tchèque (déc.) [GC], no 33071/96, CEDH 2000‑XII).

37. En l’espèce, la Cour constate que Mme Sturza, en tant que proche parente et légataire universelle du requérant, a un intérêt légitime à poursuivre la procédure et que le Gouvernement n’a d’ailleurs pas contesté ce point.

38. Partant, la Cour reconnaît à Mme Sturza la qualité pour se substituer au requérant dans la présente instance.

II. SUR LA RECEVABILITÉ

A. Sur les griefs soulevés par Mme Sturza

39. Dans ses observations du 8 avril 2011 présentées à la Cour, Mme Sturza soutient être elle-même également victime des violations alléguées initialement par le requérant.

40. Le Gouvernement excipe de l’absence de qualité de victime de l’intéressée ; il fait valoir que cette dernière n’a pas été personnellement touchée par les violations en question.

41. La Cour estime qu’il n’est pas nécessaire de s’exprimer sur l’exception soulevée par le Gouvernement car les griefs de Mme Sturza sont irrecevables pour d’autres motifs.

42. La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 35 § 1 de la Convention elle ne peut être saisie d’une affaire que « dans un délai de six mois à partir de la date de la décision interne définitive » ; elle doit donc déterminer à quelle date est intervenue pareille « décision interne définitive » pour pouvoir appliquer d’office la règle des six mois (Walker c. Royaume-Uni (déc.), no 34979/97, CEDH 2000‑I).

43. En l’espèce, la Cour constate que la décision interne définitive correspond au non-lieu prononcé par le juge d’instruction du tribunal de Buiucani le 6 juillet 2006 (paragraphe 28 ci-dessus). Les griefs de Mme Sturza introduits le 8 avril 2011 sont en conséquence tardifs et doivent être rejetés, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

B. Sur le grief tiré de l’article 34 de la Convention

44. Le requérant se plaignait d’une entrave à son droit de recours individuel devant la Cour car, d’après lui, le parquet n’avait pas répondu en temps utile à sa demande de copie des dépositions figurant dans le dossier d’instruction, à savoir sa déclaration et celle de son cousin sur les mauvais traitements qu’ils auraient subis.

45. La Cour rappelle que, pour que le mécanisme de recours individuel instauré à l’article 34 de la Convention soit efficace, il est de la plus haute importance que les requérants, déclarés ou potentiels, soient libres de communiquer avec la Cour, sans que les autorités les pressent en aucune manière de retirer ou modifier leurs griefs (voir, entre autres, Akdivar et autres c. Turquie, 16 septembre 1996, § 105, Recueil des arrêts et décisions 1996‑IV, et Aksoy c. Turquie, 18 décembre 1996, § 105, Recueil 1996‑VI). A cet égard, le terme « presse[r] » vise non seulement la coercition directe et les actes flagrants d’intimidation, mais aussi les actes ou contacts indirects et de mauvais aloi tendant à dissuader ou décourager les requérants de se prévaloir du recours qu’offre la Convention (Kurt c. Turquie, 25 mai 1998, § 160, Recueil 1998‑III).

46. Dans la présente affaire, la Cour constate que le représentant du requérant a demandé au parquet, le 6 septembre 2006, de lui fournir une copie des documents en question et que celui-ci les lui a envoyés par la poste le 21 septembre 2006 ; elle en conclut que la réaction du parquet a été prompte. Au demeurant, elle note que rien dans le dossier n’indique que les autorités internes aient eu une conduite destinée à pousser le requérant à retirer ou modifier sa requête ou à le gêner de toute autre manière dans l’exercice effectif de son droit de recours individuel, ou que leur comportement ait eu en réalité un tel effet.

47. En conséquence, l’Etat défendeur n’a pas manqué à ses obligations au titre de la dernière phrase de l’article 34 de la Convention.

C. Sur le restant de la requête

48. Constatant que les griefs tirés par le requérant des articles 3 et 13 de la Convention ne sont pas manifestement mal fondés au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’ils ne se heurtent à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour les déclare recevables.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

A. Thèses des parties

1. Sur les allégations de mauvais traitements

49. Dans sa requête initiale, le requérant soutenait qu’il avait été maltraité par les agents de police au cours de sa privation de liberté, entre le 26 janvier et le 1er février 2006, et que les blessures constatées lors des examens médicaux étaient imputables à ceux-ci. Son représentant estime que le Gouvernement n’a fourni aucune explication plausible susceptible de renverser la présomption selon laquelle les blessures avaient été occasionnées pendant cette période.

50. Le Gouvernement réplique que le requérant s’était plaint, dans un premier temps, d’avoir été maltraité uniquement par les trois personnes impliquées dans l’altercation du 26 janvier 2006. Il précise que le requérant avait déclaré au médecin légiste le 2 février 2006 avoir été frappé par un inconnu dans la rue et que, dans sa déposition du 9 février 2006, il avait indiqué avoir été battu par les trois personnes. Il souligne que ce n’est que le 30 mai 2006, soit quatre mois après les faits, que le requérant avait évoqué pour la première fois devant le procureur avoir été victime de violences policières. Il estime que, à supposer même que les mauvais traitements en question aient eu lieu, il incombait au requérant d’en informer aussitôt les autorités. Eu égard aux circonstances de l’affaire et au comportement du requérant, le Gouvernement considère qu’il n’a pas été établi, au-delà de tout doute raisonnable, que l’intéressé avait effectivement subi des mauvais traitements.

2. Sur les allégations d’absence d’enquête effective

51. Le conseil du requérant estime que l’enquête menée par les autorités moldaves n’était pas approfondie et que le procureur en charge de l’affaire n’a pas agi impartialement. De plus, il déplore que les policiers mis en cause n’aient pas été suspendus de leurs fonctions durant l’enquête et qu’aucune investigation n’ait été menée dans les bureaux où le requérant avait allégué avoir été maltraité.

52. Le Gouvernement soutient que l’enquête était rapide et effective et que le parquet a agi promptement en interrogeant, entre autres, les policiers concernés et les trois personnes impliquées dans l’altercation.

B. Appréciation de la Cour

1. Principes généraux

53. La Cour a déclaré à maintes reprises que l’article 3 de la Convention consacre l’une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques. Cet article ne prévoit pas d’exceptions, en quoi il contraste avec la majorité des clauses normatives de la Convention, et d’après l’article 15 § 2 de la Convention il ne souffre nulle dérogation, même en cas de danger public menaçant la vie de la nation (Selmouni c. France [GC], no 25803/94, § 95, CEDH 1999‑V, et Labita c. Italie [GC], no 26772/95, § 119, CEDH 2000‑IV). La Cour a confirmé que même dans les circonstances les plus difficiles, telle la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, la Convention prohibe en termes absolus la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, quels que soient les agissements de la victime (Chahal c. Royaume-Uni, 15 novembre 1996, § 79, Recueil 1996‑V, et Labita, précité, § 119).

54. La Cour rappelle également que, lorsqu’une personne se trouve en garde à vue et donc entièrement sous le contrôle de fonctionnaires de police, toute blessure qui lui est occasionnée pendant cette période donne lieu à de fortes présomptions de fait (Salman c. Turquie [GC], no 21986/93, § 100, CEDH 2000‑VII). Il appartient alors au Gouvernement de fournir une explication plausible sur l’origine des blessures constatées et de produire des preuves relatives à des éléments faisant peser un doute sur les allégations de la victime, notamment si ces dernières sont étayées par des pièces médicales (voir, parmi d’autres, Selmouni, précité, § 87 ; Soner Önder c. Turquie, no 39813/98, § 34, 12 juillet 2005, et Dönmüş et Kaplan c. Turquie, no 9908/03, § 44, 31 janvier 2008).

55. La Cour rappelle en outre que les allégations de mauvais traitements contraires à l’article 3 de la Convention doivent être étayées par des éléments de preuve appropriés (Martinez Sala et autres c. Espagne, no 8438/00, § 122, 2 novembre 2004). Pour l’établissement des faits allégués, elle se sert du critère de la preuve « au-delà de tout doute raisonnable », une telle preuve pouvant néanmoins résulter d’un faisceau d’indices, ou de présomptions non réfutées, suffisamment graves, précis et concordants (Irlande c. Royaume-Uni, 18 janvier 1978, § 161 in fine, série A no 25, et Labita, précité, §§ 121 et 152).

56. La Cour réaffirme que, à l’égard d’une personne privée de sa liberté, tout usage de la force physique qui n’est pas rendu strictement nécessaire par le propre comportement de ladite personne porte atteinte à la dignité humaine et constitue, en principe, une violation du droit garanti à l’article 3 de la Convention (Ribitsch c. Autriche, 4 décembre 1995, § 38, série A no 336). De plus, les nécessités de l’enquête et les indéniables difficultés de la lutte contre la criminalité ne sauraient conduire à limiter la protection due à l’intégrité physique de la personne (Tomasi c. France, 27 août 1992, § 115, série A no 241‑A).

57. La Cour rappelle de surcroît que, lorsqu’un individu soutient de manière défendable avoir subi, aux mains de la police ou d’autres services comparables de l’Etat, un traitement contraire à l’article 3 de la Convention, cette disposition, combinée avec le devoir général imposé à l’Etat par l’article 1 de la Convention de « [reconnaître] à toute personne relevant de [sa] juridiction les droits et libertés définis (...) [dans la] Convention », requiert, par implication, qu’il y ait une enquête officielle effective. Cette enquête doit pouvoir mener à l’identification et à la punition des responsables. S’il n’en allait pas ainsi, nonobstant son importance fondamentale, l’interdiction légale générale de la torture et des peines et traitements inhumains ou dégradants serait inefficace en pratique, et il serait possible dans certains cas à des agents de l’Etat de fouler aux pieds, en jouissant d’une quasi-impunité, les droits des personnes soumises à leur contrôle (Georgiy Bykov c. Russie, no 24271/03, § 60, 14 octobre 2010 ; Corsacov c. Moldova, no 18944/02, § 68, 4 avril 2006, et Assenov et autres c. Bulgarie, 28 octobre 1998, § 102, Recueil 1998‑VIII).

58. La Cour rappelle enfin que l’enquête rendue nécessaire par des allégations graves de mauvais traitements doit être à la fois rapide et approfondie, ce qui signifie que les autorités doivent toujours s’efforcer sérieusement de découvrir ce qui s’est passé et qu’elles ne doivent pas s’appuyer sur des conclusions hâtives ou mal fondées pour clore l’enquête ou fonder leurs décisions (Assenov et autres, précité, § 103, et Batı et autres c. Turquie, nos 33097/96 et 57834/00, § 136, CEDH 2004‑IV). Les autorités doivent prendre toutes les mesures raisonnables à leur disposition pour obtenir les preuves relatives aux faits en question, y compris, entre autres, les dépositions des témoins oculaires et les expertises criminalistiques (Tanrıkulu c. Turquie [GC], no 23763/94, § 104, CEDH 1999‑IV, et Gül c. Turquie, no 22676/93, § 89, 14 décembre 2000). Toute carence de l’enquête affaiblissant sa capacité à établir les causes des préjudices subis ou l’identité des responsables risque de faire conclure qu’elle ne répond pas à la norme d’effectivité requise (Boicenco c. Moldova, no 41088/05, § 123, 11 juillet 2006).

2. Application des principes susmentionnés à la présente espèce

59. La Cour observe que les parties ne sont pas d’accord quant à l’origine des blessures du requérant. D’après ce dernier, elles avaient été infligées par les trois personnes et les policiers, alors que le Gouvernement défend la thèse selon laquelle elles avaient été occasionnées exclusivement lors de l’altercation, avant l’arrivée de la police.

60. La Cour considère qu’il est établi qu’une altercation violente entre les différents protagonistes a bien eu lieu dans la rue et qu’une partie des blessures du requérant a été causée dans ce contexte. Elle note d’ailleurs que le requérant lui-même a porté plainte pour coups et blessures le 9 février 2006 contre les trois personnes en question (paragraphe 18 ci-dessus). Elle estime donc qu’il lui reste à déterminer si toutes les lésions du requérant ont été causées lors de l’altercation précitée.

61. La Cour observe que le requérant n’a pas été soumis à un examen médical avant d’être placé sous le contrôle de la police ; or, un tel examen aurait été approprié, particulièrement en raison de l’affrontement survenu entre les différents protagonistes. Elle rappelle qu’un examen médical peut non seulement déterminer si une personne est en mesure de faire l’objet d’un interrogatoire, mais également, en cas d’allégation de traitements contraires à l’article 3 de la Convention, « décharger » les autorités de la charge de la preuve en ce qui concerne l’origine des blessures constatées (Türkan c. Turquie, no 33086/04, § 42, 18 septembre 2008).

62. La Cour relève que le requérant a subi un examen médical le 27 janvier 2006, soit le lendemain de son placement en garde à vue, et que, à la suite de cet examen, les médecins ont établi que l’intéressé avait une fracture du nez et une plaie à l’oreille droite, et qu’il était en état d’ivresse (paragraphe 12 ci-dessus). Elle note par ailleurs que, le lendemain de sa remise en liberté – six jours après le premier examen médical – le requérant est allé de son propre chef voir un médecin légiste et que ce dernier a constaté, outre les lésions précitées, des blessures supplémentaires, à savoir une ecchymose autour de l’œil gauche, une excoriation dans la région temporale et une ecchymose sur la joue droite (paragraphe 16 ci‑dessus). La Cour relève que le contenu de ces deux rapports est cohérent avec les dires du requérant qui soutenait avoir reçu, après son placement en garde à vue, des coups portés notamment à la tête.

63. Il appartient dès lors à la Cour de déterminer si le Gouvernement a présenté une explication plausible sur l’origine des blessures du requérant et s’il a produit des preuves faisant peser un doute sur les allégations de ce dernier.

64. En l’absence d’un procès-verbal de placement en garde à vue explicitant les conditions d’arrestation du requérant et d’un rapport médical effectué à ce moment-là, la Cour considère qu’il n’a pas été prouvé de manière convaincante que les blessures du requérant eussent résulté exclusivement de la bagarre avec les trois personnes. Elle prête une attention particulière au signalement de nouvelles blessures dans le second rapport médical, établi après la remise en liberté du requérant, qui n’avaient pas été mentionnées dans le rapport médical précédent correspondant à l’examen effectué le lendemain du placement en garde à vue de l’intéressé. Elle note que le Gouvernement n’a d’ailleurs nullement expliqué l’origine de ces nouvelles blessures.

65. Pour le Gouvernement, les allégations du requérant sont infondées car l’intéressé s’était initialement plaint d’avoir été frappé uniquement par les trois particuliers et n’avait dénoncé que quatre mois plus tard les mauvais traitements allégués. Aux yeux de la Cour, cet élément n’est pas à lui seul en mesure, eu égard notamment au contenu du second rapport médical produit par le requérant, d’écarter les allégations de ce dernier.

66. La Cour relève que le parquet ne semble pas avoir cherché à identifier les éventuels témoins de l’altercation survenue dans la rue, afin de vérifier l’étendue des blessures subies par le requérant à cette occasion. Elle souligne également l’absence de toute explication des autorités étatiques sur l’origine des blessures supplémentaires constatées lors du second examen médical du requérant (paragraphe 62 ci-dessus) ; il apparaît donc que les autorités ont entériné la version des faits des policiers sans mener d’investigations plus approfondies.

67. En conséquence, vu l’ensemble des éléments soumis à son appréciation, la Cour estime qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention sous son volet procédural.

68. Quant à la question de savoir si le requérant a été soumis à des traitements contraires à l’article 3 durant sa détention, la Cour en l’espèce note que, malgré les deux rapports médicaux susmentionnés, les éléments du dossier ne permettent pas d’avoir une certitude, au-delà de tout doute raisonnable, sur la cause des lésions du requérant. A cet égard, elle tient toutefois à souligner que cette impossibilité découle en grande partie de l’absence d’une enquête approfondie et effective par les autorités nationales sur la plainte présentée par le requérant pour mauvais traitements (Lopata c. Russie, no 72250/01, § 125, 13 juillet 2010, et San Argimiro Isasa c. Espagne, no 2507/07, § 65, 28 septembre 2010).

69. En conséquence, la Cour ne peut conclure à une violation substantielle de l’article 3 de la Convention s’agissant des mauvais traitements allégués par le requérant durant sa détention.

IV. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION

70. Le requérant se plaignait de l’absence, en droit moldave, de recours effectif relativement à des allégations de mauvais traitements.

71. Le Gouvernement conteste cette thèse et invite la Cour à conclure à la non-violation de l’article 13 de la Convention.

72. La Cour constate que ce grief est, par essence, le même que celui soumis sous l’angle de l’article 3 de la Convention concernant l’absence d’enquête effective. Eu égard à la conclusion relative à l’article 3 (paragraphe 67 ci-dessus), la Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’examiner s’il y a eu, en l’espèce, violation de l’article 13 de la Convention (voir, entre autres, Colibaba c. Moldova, no 29089/06, § 58, 23 octobre 2007).

V. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

73. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

74. Mme Elena Sturza réclame 20 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral que son neveu aurait subi.

75. Le Gouvernement fait valoir que Mme Sturza n’a pas été directement touchée par les violations alléguées et qu’elle n’a droit à aucun dédommagement. En tout état de cause, il estime que la somme réclamée est excessive.

76. La Cour souligne d’abord qu’elle a reconnu que Mme Sturza avait qualité pour poursuivre la procédure après le décès de son neveu survenu le 15 octobre 2008 (paragraphe 38 ci-dessus). Elle rappelle qu’en pareilles circonstances une personne habilitée à reprendre l’instance après le décès du requérant peut également se substituer à ce dernier en ce qui concerne les prétentions au titre de l’article 41 de la Convention (Malhous c. République tchèque [GC], no 33071/96, § 67, 12 juillet 2001). En l’espèce, la Cour estime que le requérant a dû éprouver une certaine détresse et subir un traumatisme psychologique liés aux défaillances des autorités compétentes. Statuant en équité, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer à Mme Sturza 5 000 EUR pour le dommage moral.

B. Frais et dépens

77. Mme Sturza demande également 6 375 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes et pour ceux engagés devant la Cour. Selon elle, cette somme correspond à la rémunération de l’avocat pour quatre-vingt-cinq heures de travail à raison de 75 EUR de l’heure.

78. Le Gouvernement estime que ce montant est excessif.

79. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 1 500 EUR tous frais confondus. Après déduction de la somme de 850 EUR versée par le Conseil de l’Europe au titre de l’assistance judiciaire, la Cour lui accorde la somme de 650 EUR.

C. Intérêts moratoires

80. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

1. Déclare, à la majorité, la requête recevable quant aux griefs tirés par le requérant des mauvais traitements subis au cours de sa privation de liberté et de l’absence d’une enquête effective y relative (articles 3 et 13 de la Convention) et irrecevable pour ce qui est des griefs soulevés par Mme Elena Sturza ;

2. Dit, à l’unanimité, que l’Etat défendeur n’a pas manqué aux obligations lui incombant au titre de l’article 34 de la Convention ;

3. Dit, par six voix contre une, qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention sous son volet procédural ;

4. Dit, par quatre voix contre trois, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 3 de la Convention sous son volet substantiel ;

5. Dit, à l’unanimité, qu’il n’y a pas lieu d’examiner le grief tiré de l’article 13 de la Convention ;

6. Dit, par six voix contre une,

a) que l’Etat défendeur doit verser à Mme Elena Sturza, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’Etat défendeur au taux applicable à la date du règlement :

i. 5 000 EUR (cinq mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral,

ii. 650 EUR (six cent cinquante euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

7. Rejette, à l’unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 29 octobre 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Santiago QuesadaJosep Casadevall
GreffierPrésident

Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée de la juge Gyulumyan.

J.C.M.
S.Q.

OPINION DISSIDENTE DE LA JUGE GYULUMYAN

Je regrette de ne pas pouvoir partager le raisonnement de la majorité dans cette affaire. En effet, le raisonnement qui est exposé aux paragraphes 65 et 66 de l’arrêt est en substance le suivant : nulle part les autorités internes et le Gouvernement n’ont expliqué l’origine des nouvelles blessures légères qui n’avaient pas été constatées lors du premier examen médical, effectué le lendemain du placement du requérant en détention.

Compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, les défauts évoqués ci-dessus n’ont eu aucune incidence sur l’effectivité de l’enquête. Le requérant a lui-même désorienté le parquet car il s’était initialement plaint de n’avoir été frappé que par les trois individus pendant l’altercation dans la rue. Dans ses multiples déclarations, y compris celles faites lors des deux examens médicaux, il a systématiquement dit avoir été blessé au cours de la bagarre dans la rue. La chambre n’a pas attaché suffisamment d’importance au fait avéré que l’intéressé n’avait dénoncé que quatre mois plus tard les mauvais traitements dont il se disait victime et deux mois après avoir été informé par le commissaire que les trois individus contre qui il avait porté plainte avaient agi en état de légitime défense (voir par. 20-21). Il est à noter que, dans ses dernières observations, le représentant du requérant affirmait que ce dernier avait reçu à la tête et au corps des coups multiples portés par les policiers lors de l’arrestation et de la détention de cinq jours, alors que le rapport médical établi le lendemain de la libération du requérant ne faisait état que de quelques bleus à la tête. Ces éléments font eux aussi douter de la crédibilité des allégations du requérant. Dans l’ensemble, la réponse des autorités aux allégations du requérant, lesquelles étaient tardives et manquaient par ailleurs de crédibilité, ne peut passer pour inadéquate dans les circonstances de l’espèce.


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