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11/06/2013 | CEDH | N°001-120948

CEDH | CEDH, AFFAIRE MARIN VASILESCU c. ROUMANIE, 2013, 001-120948


TROISIÈME SECTION

AFFAIRE MARIN VASILESCU c. ROUMANIE

(Requête no 62353/09)

ARRÊT

STRASBOURG

11 juin 2013

DÉFINITIF

11/09/2013

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Marin Vasilescu c. Roumanie,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Josep Casadevall, président,
Alvina Gyulumyan,
Ján Šikuta,
Luis López Guerra,

Non

a Tsotsoria
Kristina Pardalos,
Johannes Silvis, juges,
et de Marialena Tsirli, greffière adjointe de section,

Après en avoir délibéré en chambre du con...

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE MARIN VASILESCU c. ROUMANIE

(Requête no 62353/09)

ARRÊT

STRASBOURG

11 juin 2013

DÉFINITIF

11/09/2013

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Marin Vasilescu c. Roumanie,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Josep Casadevall, président,
Alvina Gyulumyan,
Ján Šikuta,
Luis López Guerra,

Nona Tsotsoria
Kristina Pardalos,
Johannes Silvis, juges,
et de Marialena Tsirli, greffière adjointe de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 21 mai 2013,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 62353/09) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet État, M. Marin Vasilescu (« le requérant »), a saisi la Cour le 20 octobre 2009, en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant a été représenté par Me Ruxandra Raţă, avocate aux barreaux de Iaşi et de Bruxelles. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par ses agents, Mme Irina Cambrea, puis Mme Catrinel Brumar, du ministère des Affaires étrangères.

3. Le requérant allègue en particulier que les conditions de sa détention dans le dépôt de la police de Craiova, pendant cinquante-trois jours, en 2009, auraient été contraires à l’article 3 de la Convention.

4. Le 17 octobre 2011, la requête a été communiquée au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.

5. À la suite du déport de M. Corneliu Bîrsan, juge élu au titre de la Roumanie (article 28 du règlement), le président de la chambre a désigné Mme Kristina Pardalos pour siéger en qualité de juge ad hoc (articles 26 § 4 de la Convention et 29 § 1 du règlement).

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

6. Le requérant est né en 1970 et réside à Wommelgem, en Belgique.

7. Alors qu’il se trouvait en Belgique, par un arrêt du 14 juin 2007, la cour d’appel d’Anvers confirma la condamnation du requérant à une peine d’emprisonnement de cinq ans pour une infraction économique.

8. Après avoir exécuté une partie de sa peine en prison, le requérant fut placé en détention à domicile, en Belgique, sous surveillance électronique. En mars 2009, il s’enfuit et rentra en Roumanie.

9. Le 25 juillet 2009, le tribunal d’application des peines d’Anvers délivra un mandat d’arrêt européen contre le requérant.

10. En exécution de ce mandat d’arrêt européen, le 18 août 2009, le parquet près la cour d’appel de Craiova ordonna la mise en garde à vue du requérant pour 24 heures.

11. Le 19 août 2009, la cour d’appel ordonna son placement en détention.

12. Le 11 septembre 2009, la cour d’appel de Craiova ordonna l’exécution du mandat d’arrêt européen, malgré l’opposition du requérant qui considérait avoir déjà exécuté sa peine en Belgique. Cette décision fut confirmée par un arrêt du 30 septembre 2009 de la Haute Cour de Cassation et de Justice.

13. À partir de son arrestation le 19 août 2009 et jusqu’à sa remise aux autorités belges, le 9 octobre 2009, le requérant fut détenu à Craiova, dans les locaux de l’Inspection départementale de la police de Dolj (ci-après « dépôt de la police »).

14. Il indique avoir dû y supporter des mauvaises conditions de détention.

Il indique que la cellule était insalubre, sans eau courante, ni toilettes, et d’une superficie de 28 m². Huit lits y étaient installés. Le requérant devait partager la cellule avec sept autres détenus, dont au moins six étaient fumeurs, alors qu’il ne l’était pas. À part les lits, il n’y avait pas d’autres meubles dans la cellule, à savoir ni table, ni chaise.

15. Il devait passer l’intégralité de la journée confiné dans cette cellule, ayant le droit de sortir environ trente minutes une fois par semaine, c’est-à-dire six fois pendant toute la période de sa détention.

16. Le requérant dénonce, en outre, que la nourriture était servie dans des conditions impropres.

17. Ces conditions de détention auraient nui à sa santé, en accentuant notamment son hypertension artérielle.

18. D’après le Gouvernement, le requérant aurait passé 90 minutes par jour hors de sa cellule, dans la cour de promenade.

Le Gouvernement confirme les informations sur la taille des cellules, le nombre de lits installés et leur taux d’occupation et indique que les détenus étaient responsables du nettoyage de leurs cellules respectives.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES ET INTERNATIONAUX PERTINENTS

A. Le droit et la pratique internationaux concernant les conditions générales de détention

19. Le droit et la pratique internationaux pertinents en l’espèce ainsi que les conclusions du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) rendues à la suite de plusieurs visites effectuées dans des prisons de Roumanie, tout comme ses observations à caractère général, sont résumés dans l’arrêt Iacov Stanciu c. Roumanie (no 35972/05, §§ 113-129, 24 juillet 2012).

20. Dans son rapport publié le 24 novembre 2011 à la suite de la visite en septembre 2010 de plusieurs établissements pénitentiaires et dépôts de police de Roumanie, le CPT dresse un état des lieux détaillé de la situation rencontrée dans les différents dépôts de la police qu’il a visités, dont celui de Craiova, où le requérant a séjourné un an avant cette visite.

Dans ses constats, le CPT a relevé que les dépôts de police roumains, dont celui de Craiova, connaissaient des mauvaises conditions d’entretien et d’hygiène et un taux de surpeuplement élevé, ce qui impliquait que les détenus vivaient dans des espaces confinés et qu’ils subissaient un manque quasi total d’activités extérieures.

Les extraits pertinents de ce rapport se lisent ainsi :

« Les autorités roumaines ont informé la délégation qu’un certain nombre de dépôts en très mauvais état avaient été fermés depuis la visite du CPT de 2006. En septembre 2010, le pays comptait 52 dépôts totalisant une capacité de 2 237 places, calculée sur une base de 4 m² d’espace de vie par personne détenue et par cellule (et non plus 6 m3). En ce qui concerne les dépôts en service, les autorités ont indiqué que le programme de réfection débuté après la visite de 2006 avait été ralenti en raison de la situation économique difficile. (...)

Des constatations faites lors de la visite de 2010 il ressort que très peu de progrès ont été réalisés s’agissant de la mise en œuvre des recommandations formulées de longue date par le CPT en vue d’améliorer les conditions matérielles de détention dans les dépôts de la police.

Dans les quatre dépôts visités, le taux d’occupation de la quasi-totalité des cellules était trop élevé (par exemple, 4 lits dans les cellules de 9 à 10 m², 6 lits dans les cellules de 14 à 16 m², et 8 lits dans des cellules de 28 m² environ). (...)

Au dépôt de Craiova, des travaux de rénovation avaient commencé mais le budget disponible avait permis, à ce stade, de ne restaurer totalement qu’une seule cellule (et celle-ci n’était pas encore en service). Les détenus étaient en conséquence hébergés dans des cellules en mauvais état d’entretien, parfois malodorantes, et où l’accès à la lumière naturelle, l’éclairage artificiel et l’aération étaient limités. La moitié des cellules environ étaient équipées de sanitaires ; les détenus hébergés dans les autres cellules pouvaient se rendre aux toilettes communes à tout moment (de jour comme de nuit) sur demande − il s’agit là d’un développement positif depuis la visite de 2006. La salle de douches était accessible deux fois par semaine.

Les personnes détenues dans les dépôts de la police ne recevaient pas de produits pour l’hygiène corporelle.

Les dispositions concernant la nourriture variaient d’un établissement à un autre. À titre d’exemple, au dépôt no 3 de Bucarest, les personnes détenues ne recevaient qu’un seul repas par jour. La délégation a recueilli de nombreuses plaintes concernant non seulement la quantité insuffisante mais aussi la mauvaise qualité de la nourriture. De plus, il n’y avait pas de régime alimentaire adapté pour les détenus souffrant de diabète.

Le CPT a pris note des efforts qui ont été faits depuis la visite de 2006 au dépôt de la police de Craiova pour offrir davantage d’activités aux détenus. Ces derniers pouvaient passer trois à cinq heures par jour (au mieux) hors de leur cellule, dans l’une des quatre cours de promenades et dans une cellule (le "club") équipée d’un poste de télévision et de quelques jeux de société, livres et revues. (...) En revanche, dans les dépôts visités (...), la seule activité proposée hors des cellules consistait en une sortie d’une durée de 30 à 60 minutes par jour dans de petites cours austères et dénuées de tout équipement (lesquelles servaient parfois à entreposer les poubelles, comme au dépôt no 8 de Bucarest). Les détenus restaient donc 23 heures (ou plus) sur 24 enfermés dans leur cellule, dans un état d’oisiveté forcée.

En résumé, les conditions qui régnaient dans les dépôts de la police visités rendaient ces derniers impropres à l’hébergement de longue durée de personnes privées de liberté (ce qui continuait d’être le cas pour de nombreux prévenus et condamnés, voir le paragraphe 11). Aussi longtemps que des personnes seront détenues pendant des périodes prolongées dans des dépôts de la police, les autorités roumaines doivent intensifier leurs efforts afin de répondre aux besoins fondamentaux et préserver la dignité des personnes détenues.

Le CPT recommande, une fois encore, aux autorités roumaines de prendre les mesures nécessaires en vue de garantir que, dans les dépôts de la police :

. chaque personne détenue dispose d’un espace de vie d’au moins 4 m² dans les cellules collectives ;

. chaque personne détenue dispose d’un matelas et de couvertures propres ;

. l’accès à la lumière naturelle, l’éclairage artificiel et l’aération soient adéquats dans les cellules ; tout dispositif surnuméraire fixé aux fenêtres doit être enlevé ;

. les toilettes intégrées dans les cellules soient cloisonnées ;

. l’état d’entretien et de propreté des cellules et des installations sanitaires soit correct ;

. les personnes détenues disposent de produits d’hygiène personnelle de base ;

. une alimentation satisfaisante (du point de vue de la qualité et de la quantité) soit servie aux personnes détenues, conformément aux Règles pénitentiaires européennes ;

. toutes les personnes détenues pendant plus de 24 heures bénéficient d’au moins une heure d’exercice en plein air chaque jour.

Le CPT recommande en outre aux autorités roumaines de poursuivre leurs efforts afin de proposer une forme ou une autre d’activité, en plus de la promenade quotidienne, aux personnes détenues plus de quelques jours dans les dépôts de la police. »

B. Le droit et la pratique internes pertinents

21. Les dispositions pertinentes de la loi no 275/2006 sur les droits des personnes détenues ainsi que la jurisprudence interne à laquelle se réfère le Gouvernement sont décrites dans l’affaire Cucu c. Roumanie (no 22362/06, § 56, 13 novembre 2012).

22. La pratique interne pertinente est résumée dans les arrêts Cucolaş c. Roumanie (no 17044/03, §§ 42-44, 26 octobre 2010) et Porumb c. Roumanie (no 19832/04, §§ 41-43, 7 décembre 2010).

23. Le droit et la pratique internes pertinents au sujet du tabagisme passif en prison sont décrits dans l’arrêt Florea c. Roumanie (no 37186/03, §§ 29‑30, 14 septembre 2010).

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

24. Le requérant allègue que les conditions de détention dans le dépôt de la police de Craiova constituent des traitements inhumains ou dégradants, contraires à l’article 3 de la Convention, qui est ainsi libellé :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

A. Sur la recevabilité

25. Le Gouvernement excipe de l’irrecevabilité de ce grief pour non‑épuisement des voies de recours internes. Il affirme que le requérant n’a jamais saisi les autorités compétentes pour se plaindre des conditions de détention, sur la base des dispositions de la loi no 275/2006. Il renvoie également aux exemples de jurisprudence qu’il a présentés devant la Cour dans une autre affaire similaire.

26. Le requérant réplique que la voie indiquée par le Gouvernement ne constitue pas un recours effectif, dès lors qu’il n’a nullement expliqué de quelle manière elle aurait pu remédier aux conditions qu’il a dénoncées.

27. La Cour observe que, s’agissant des conditions matérielles de détention, le grief du requérant porte en particulier sur la surpopulation carcérale et les mauvaises conditions d’hygiène, y compris le tabagisme passif. Elle rappelle à ce propos avoir déjà jugé, dans des affaires récentes relatives à un grief similaire et dirigées contre la Roumanie, qu’au vu de la particularité de ce grief l’action indiquée par le Gouvernement ne constituait pas un recours effectif à épuiser par les requérants (voir Cucu, précité, § 73, et, mutatis mutandis, Iacov Stanciu, précité, §§ 197-198). Les arguments du Gouvernement ne sauraient mener en l’espèce la Cour à une conclusion différente. Partant, il convient de rejeter cette exception.

28. La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. La Cour relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B. Sur le fond

29. S’appuyant sur les constats du CPT au sujet des conditions au dépôt de la police de Craiova, faits dans son dernier rapport, le requérant estime que l’exiguïté de son espace vital, les mauvaises conditions d’hygiène, la mauvaise nourriture et le tabagisme passif, qu’il a dû supporter, enfreignent les exigences découlant de l’article 3.

30. En renvoyant aux faits pertinents, le Gouvernement considère que les conditions de détention subies par le requérant n’atteignent pas le seuil de gravité requis par l’article 3 de la Convention. Il souligne la durée courte de la détention de l’intéressé et indique que le requérant n’a pas été affecté par cette détention au-delà du désagrément qu’implique, par nature, toute détention.

31. La Cour rappelle que l’article 3 de la Convention impose à l’État de s’assurer que toute personne détenue le soit dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la dignité humaine, qui ne soumettent pas l’intéressé à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l’emprisonnement, la santé et le bien-être de la personne détenue sont assurés de manière adéquate (Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, §§ 92-94, CEDH 2000-XI). Lorsqu’on évalue les conditions de détention, il y a lieu de prendre en compte leurs effets cumulatifs (Dougoz c. Grèce, no 40907/98, § 46, CEDH 2001-II).

32. L’État est donc tenu, nonobstant les problèmes logistiques et financiers, d’organiser son système pénitentiaire de façon à assurer aux détenus le respect de leur dignité humaine (Choukhovoï c. Russie, no 63955/00, § 31, 27 mars 2008, et Benediktov c. Russie, no 106/02, § 37, 10 mai 2007). Cela peut impliquer l’obligation, à la charge de l’État, de prendre des mesures afin de protéger un détenu contre les effets nocifs du tabagisme passif lorsque, au vu des examens médicaux et des recommandations des médecins traitants, son état de santé l’exige (Elefteriadis c. Roumanie, no 38427/05, § 48, 25 janvier 2011, et Pavalache c. Roumanie, no 38746/03, § 88, 18 octobre 2011).

33. S’agissant en particulier de l’espace personnel accordé au requérant, la Cour observe que l’intéressé a subi les effets d’une situation de surpopulation carcérale. En effet, comme le confirme le Gouvernement, le requérant, qui partageait sa cellule avec sept autres personnes, disposait d’un espace individuel réduit, d’environ trois mètres carrés, ce qui est en-dessous de la norme recommandée par le CPT pour les cellules collectives (paragraphe 20 ci-dessus).

34. L’insuffisance d’espace de vie individuel semble avoir été aggravée en l’espèce notamment par la possibilité très limitée de passer du temps à l’extérieur de la cellule. Ainsi, l’intéressé était confiné la majeure partie de la journée, ne bénéficiant que d’un temps de promenade très réduit, à savoir, dans le meilleur des cas, 90 minutes par jour (Dimakos c. Roumanie, no 10675/03, § 46, 6 juillet 2010).

35. Outre le problème du surpeuplement carcéral, les allégations du requérant quant aux conditions d’hygiène, notamment le manque de propreté, sont plus que plausibles et reflètent des réalités décrites par le CPT dans son plus récent rapport établi à la suite de sa visite dans les dépôts de police roumains, dont précisément celui de Craiova.

36. Même si la Cour admet qu’en l’espèce rien n’indique qu’il y ait eu véritablement intention d’humilier ou de rabaisser le requérant pendant sa détention dans le dépôt de la police de Craiova, l’absence d’un tel but ne saurait exclure un constat de violation de l’article 3. Indépendamment de la durée relativement courte de cette détention, à savoir cinquante-trois jours, la Cour estime que les conditions de détention en cause n’ont pas manqué de soumettre le requérant à une épreuve d’une intensité qui excédait le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention (Pop Blaga c. Roumanie, no 37379/02, § 46, 27 novembre 2012, Tadevosyan c. Arménie, no 41698/04, § 55, 2 décembre 2008, et Kaja c. Grèce, no 32927/03, § 49, 27 juillet 2006).

37. Compte tenu de ce constat, la Cour n’estime pas nécessaire de se prononcer davantage sur la partie du grief relative à l’exposition au tabagisme passif (voir Flamînzeanu c. Roumanie, no 56664/08, § 99, 12 avril 2011).

Au vu de ce qui précède, il y a eu violation de l’article 3 de la Convention.

II. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLEGUÉES

38. Le requérant se plaint de son arrestation et des décisions des juridictions roumaines ayant consenti à l’exécution du mandat d’arrêt européen établi le 25 juillet 2009 par les autorités belges. Il invoque à cet égard les articles 5, 6 et 13 de la Convention.

39. Pour ce qui est de ces griefs, la Cour note que, compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, elle ne relève aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par les articles de la Convention.

Il s’ensuit que ces griefs sont manifestement mal fondés et doivent être rejetés en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

40. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

41. Le requérant réclame 3 530 euros (EUR) au titre du préjudice matériel ainsi que 15 000 EUR au titre du préjudice moral qu’il aurait subi.

42. Le Gouvernement estime que le requérant n’a pas subi de préjudice et qu’il n’y a pas de lien de causalité entre la violation alléguée et le dommage exposé.

43. La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 3 000 EUR au titre du préjudice moral.

B. Frais et dépens

44. Le requérant demande également 800 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour, au titre des honoraires de son avocate, Me Raţă, qui a présenté des observations en l’espèce.

Sans présenter de justificatif, le requérant demande en plus 600 EUR pour les frais engagés auprès des deux autres avocats qu’il a consultés avant Me Raţă.

45. Le Gouvernement expose que les frais encourus avec les deux premiers avocats du requérant n’ont pas été étayés et que, pour ce qui est de Me Raţă, le requérant n’a pas précisé le nombre d’heures de travail de cette dernière.

46. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000‑XI). En l’espèce et compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 800 EUR pour la procédure devant la Cour et l’accorde au requérant.

C. Intérêts moratoires

47. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l’article 3 de la Convention et irrecevable pour le surplus ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention ;

3. Dit

a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

i) 3 000 EUR (trois mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

ii) 800 EUR (huit cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 11 juin 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Marialena TsirliJosep Casadevall
Greffière adjointePrésident


Synthèse
Formation : Cour (troisiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-120948
Date de la décision : 11/06/2013
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 3 - Interdiction de la torture (Article 3 - Traitement dégradant;Traitement inhumain) (Volet matériel)

Parties
Demandeurs : MARIN VASILESCU
Défendeurs : ROUMANIE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : RATA R.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

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