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02/12/1986 | CEDH | N°12146/86

CEDH | M. ; M. contre la SUISSE


La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 2 décembre 1986 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président E. BUSUTTIL G. JÖRUNDSSON G. TENEKIDES S. TRECHSEL B. KIERNAN A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS G. BATLINER Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL M. F. MARTINEZ M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ;
Vu l'article 25 (art. 25) de la Convention européenne des Droits de l'Homme et d

es Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 12 m...

La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 2 décembre 1986 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président E. BUSUTTIL G. JÖRUNDSSON G. TENEKIDES S. TRECHSEL B. KIERNAN A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS G. BATLINER Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL M. F. MARTINEZ M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ;
Vu l'article 25 (art. 25) de la Convention européenne des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 12 mai 1986 par L.M. et A.M. contre la Suisse et enregistrée le 13 mai 1986 sous le N° de dossier 12146/86.
Vu le rapport prévu à l'article 40 du Règlement intérieur de la Commission ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante :
EN FAIT
Les requérants L.M. et son épouse A.M. sont des ressortisants argentins, neés respectivement les 5 décembre 1939 et 20 avril 1949.
Pour la procédure devant la Commission, les requérants sont représentés par Maître Pascal Maurer, avocat à Genève.
Au moment de l'introduction de la requête ils étaient détenus à la prison de Champ-Dollon à Genève en vue de leur extradition à l'Argentine. Le premier requérant a été extradé à l'Argentine le 6 juin 1986. La requérante a été extradée à une date qui n'a pas été précisée.
Le requérant, qui affirme avoir travaillé pendant 15 ans dans un service de police parallèle argentin (Surintendance de la sûreté fédérale) et son épouse avaient déjà fait l'objet, le 6 avril 1981, d'une demande d'extradition de l'Argentine, pour deux affaires d'enlèvement, celle du banquier uruguayen C. K..... et celle du financier argentin F. C....... L'opposition formée par les requérants à leur extradition fut admise par le Tribunal fédéral suisse le 3 novembre 1982. Le Tribunal fédéral refusa l'extradition, considérant qu'il y avait des raisons sérieuses de craindre que le traitement qui pouvait être appliqué aux requérants dans leur pays, soit avant jugement, soit au cours de l'exécution de la peine, ne soit contraire aux normes relatives au respect des droits de l'homme. Il considéra que dans ces circonstances l'extradition serait contraire au droit des gens.
A la suite de cet arrêt les requérants informèrent la Commission qu'ils désiraient retirer la requête (No 9896/82) qu'ils avaient introduite auprès de la Commission européenne des Droits de l'Homme pour faire valoir que leur extradition à l'Argentine était contraire à l'article 3 (art. 3) de la Convention. La requête fut donc rayée du rôle le 3 novembre 1982.
Par ce même arrêt du 3 novembre 1982 le Tribunal fédéral ordonna que les infractions pour lesquelles l'extradition avait été requise soient poursuivies et jugées en Suisse et la chambre d'accusation du Tribunal fédéral décida par arrêt du 9 décembre 1982 que les infractions devaient être jugées à Zurich.
Le 29 novembre 1983, la première chambre pénale de "l'Obergericht" de Zurich reconnut les requérants coupables de tentative d'extorsion au détriment du banquier C. K....., et les condamna à une peine de quatre mois de réclusion ainsi qu'à dix ans d'expulsion assortie de sursis avec délai d'épreuve de cinq ans.
Par contre, l'instruction de l'affaire concernant l'enlèvement du financier argentin F. C..... ne put être conclue.
Le 24 juillet 1984, l'Argentine demanda une nouvelle fois l'extradition des requérants, en faisant valoir qu'ils n'avaient pas été jugés pour la deuxième infraction et que les circonstances politiques et institutionnelles ayant donné lieu en 1982 au refus d'extradition s'étaient modifiées.
Le 29 janvier 1986 l'Office fédéral de la Police décida d'accorder l'extradition des requérants. Les requérants interjetèrent un recours de droit administratif contre cette décision devant le Tribunal fédéral en alléguant qu'il existait un risque sérieux qu'ils soient soumis en Argentine à des traitements discriminatoires ou contraires aux principes essentiels du droit humanitaire.
Par arrêt du 20 mai 1986 le Tribunal fédéral rejeta leur opposition estimant que les risques dont faisaient état les requérants étaient sans fondement. Le Tribunal fédéral releva notamment que le pouvoir autoritaire en place dans l'Etat requis au moment où avait été rejetée la première demande d'extradition, avait été remplacé par un gouvernement démocratique issu d'élections générales tenues en octobre 1983, dominées par le principe du pluralisme des partis ; que l'état de siège proclamé le 6 novembre 1974 avait été levé sans délai et qu'un décret avait ordonné "le jugement des trois juntes militaires... pour les délits d'homicide, de privation illégale de liberté et d'application de tourments aux détenus". Il prit également note de ce que la République argentine ayant ratifié le 5 septembre 1984 la Convention interaméricaine des Droits de l'Homme et reconnu la juridiction de la Cour interaméricaine des Droits de l'Homme, il y avait lieu de "présumer de sa part le respect des garanties fondamentales contenues dans cette Convention". Le Tribunal fédéral remarqua enfin que les "difficultés pour éliminer toutes les séquelles du régime autoritaire précédent" faisaient l'objet "d'efforts sérieux" des autorités argentines - en règle générale couronnés de succès. En conséquence il n'existait pas de risque sérieux et objectif d'une grave violation des droits de l'homme ou d'un traitement discriminatoire prohibé et l'objection tirée de la protection élargie qu'accorde l'Ordre Public international selon les principes énoncés aux articles 3 (art. 3) de la Convention européenne d'extradition, 3 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et 2 de la loi suisse d'entraide internationale en matière pénale était mal fondée.
Dans leur requête à la Commission les requérants avaient notamment fait valoir qu'ils avaient des raisons sérieuses de craindre que leur extradition ne les expose à des traitements prohibés par l'article 3 (art. 3) de la Convention européenne des Droits de l'Homme, voire à la mort. Ils affirmaient que les poursuites dont ils faisaient l'objet avaient un caractère politique et que la demande d'extradition était un prétexte pour pouvoir ensuite les poursuivre dans le cadre de procédures spéciales devant les tribunaux militaires.
Ils craignaient que les militaires pour le compte desquels les requérants avaient agi dans l'affaire C. K..... ne cherchent à les supprimer, pour le cas où ils rentreraient en Argentine, dans le but d'éviter qu'ils ne parlent et ne dévoilent des faits les concernant.
Ensuite, ces mêmes militaires - ou des factions rivales au sein de l'armée - pourraient les punir d'avoir parlé et d'avoir eu des contacts avec diverses organisations de protection des droits de l'homme.
Enfin, les requérants craignaient que la fausse image qui était présentée d'eux par la presse, notamment argentine, soit de nature à leur faire subir des traitements prohibés par l'article 3 (art. 3) de la Convention européenne des Droits de l'Homme.
GRIEFS
Les requérants se plaignent que leur extradition à l'Argentine constitue un traitement contraire à l'article 3 (art. 3) de la Convention européenne des Droits de l'Homme.
PROCEDURE
Se fondant sur l'article 36 du Règlement intérieur de la Commission européenne des Droits de l'Homme les requérants ont demandé à la Commission, avant même que le Tribunal fédéral ne se prononce sur leur opposition à l'extradition, d'obtenir du Gouvernement suisse qu'il surseoit à l'exécution d'une éventuelle extradition en attendant une décision de la Commission ou de la Cour européenne des Droits de l'Homme sur leur requête.
Le 16 mai 1986 la Commission a rejeté cette demande après avoir relevé :
1. que le Tribunal fédéral ne s'était pas encore prononcé sur l'opposition à l'extradition formulée par les requérants ;
2. que la République Argentine étant redevenue un Etat démocratique, les craintes des requérants d'y subir des traitements contraires à l'article 3 (art. 3) de la Convention, n'étaient, prima facie, pas fondées.
Par télex du 21 mai 1986 le conseil des requérants a informé la Commission que le 20 mai 1986 le Tribunal fédéral avait rejeté l'opposition formée par les requérants à leur extradition et qu'ils devaient être extradés incessamment. Il a renouvelé sa demande de faire application en l'espèce de l'article 36 (art. 36) de la Convention.
Le Président de la Commission a décidé de n'indiquer, en l'état, au Gouvernement suisse aucune mesure à prendre en application de l'article 36 (art. 36) de la Convention.
EN DROIT
1. Les requérants se plaignent que leur extradition à l'Argentine constitue un traitement contraire à l'article 3 (art. 3) de la Convention qui se lit comme suit : "Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants."
La Commission rappelle que la Convention européenne des Droits de l'Homme ne garantit aucun droit de séjour ou d'asile dans un Etat dont on n'est pas ressortissant et que le domaine de l'extradition ne compte pas, par lui-même, au nombre des matières régies par la Convention. En conséquence, une mesure d'extradition n'est pas, en elle-même, contraire à la Convention.
Toutefois une telle mesure pourrait, dans des circonstances exceptionnelles, soulever un problème sous l'angle de l'article 3 (art. 3) de la Convention, lorsqu'il existe des raisons sérieuses de croire qu'un individu serait exposé, dans le pays où il est extradé, à des traitements prohibés par cette disposition (N° 8581/79, déc. 6.3.80, D.R. 29 pp. 48, 62).
En l'espèce la Commission constate que tel n'est pas le cas des requérants. Elle relève que la République argentine, qui a ratifié la Convention interaméricaine des Droits de l'Homme et reconnu la juridiction de la Cour interaméricaine des Droits de l'Homme est redevenue une démocratie pluraliste et un Etat de droit.
Dans ces circonstances, la Commission estime qu'en prenant sa décision d'extrader les requérants à l'Argentine, la Suisse n'a pas enfreint ses obligations telles qu'elles résultent de la Convention européenne des Droits de l'Homme.
Il s'ensuit que les griefs des requérants sont manifestement mal fondés et doivent être rejetés conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
Par ces motifs, la Commission
DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire de Le Président de la Commission la Commission (H.C. KRÜGER) (C.A. NØRGAARD)


Type d'affaire : DECISION
Type de recours : Non-violation de P1-1

Analyses

(Art. 12) SE MARIER, (Art. 14) DISCRIMINATION, (Art. 34) VICTIME, (Art. 35-1) EPUISEMENT DES VOIES DE RECOURS INTERNES, (Art. 8-1) RESPECT DE LA VIE FAMILIALE


Parties
Demandeurs : M. ; M.
Défendeurs : la SUISSE

Références :

Origine de la décision
Formation : Cour (plénière)
Date de la décision : 02/12/1986
Date de l'import : 21/06/2012

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 12146/86
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1986-12-02;12146.86 ?

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