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22/05/1984 | CEDH | N°9626/81;9736/82

CEDH | AFFAIRE DUINHOF ET DUIJF c. PAYS-BAS


COUR (CHAMBRE)
AFFAIRE DUINHOF ET DUIJF c. PAYS-BAS
(Requête no 9626/81; 9736/82)
ARRÊT
STRASBOURG
22 mai 1984
En l’affaire Duinhof et Duijf,
La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à l’article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention") et aux clauses pertinentes de son règlement*, en une chambre composée des juges dont le nom suit:
MM. R. Ryssdal, président,
G. Wiarda,
J. Cremona,
Mme  D. Bindschedler-Robert

,
MM.  F. Gölcüklü,
L.-E. Pettiti,
B. Walsh,
ainsi que de MM. M.-A. Eissen, greffier, e...

COUR (CHAMBRE)
AFFAIRE DUINHOF ET DUIJF c. PAYS-BAS
(Requête no 9626/81; 9736/82)
ARRÊT
STRASBOURG
22 mai 1984
En l’affaire Duinhof et Duijf,
La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à l’article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention") et aux clauses pertinentes de son règlement*, en une chambre composée des juges dont le nom suit:
MM. R. Ryssdal, président,
G. Wiarda,
J. Cremona,
Mme  D. Bindschedler-Robert,
MM.  F. Gölcüklü,
L.-E. Pettiti,
B. Walsh,
ainsi que de MM. M.-A. Eissen, greffier, et H. Petzold, greffier adjoint,
Après avoir délibéré en chambre du conseil le 24 novembre 1983, puis le 4 mai 1984,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date:
PROCEDURE
1.   L’affaire a été déférée à la Cour par la Commission européenne des Droits de l’Homme ("la Commission") le 13 octobre 1983 et le lendemain par le gouvernement du Royaume des Pays-Bas ("le Gouvernement"), dans le délai de trois mois ouvert par les articles 32 § 1 et 47 (art. 32-1, art. 47) de la Convention. A son origine se trouvent deux requêtes (no 9626/81 et 9736/82) dirigées contre cet État et dont MM. Bernard Joost Duinhof et Robert Duijf, ressortissants néerlandais, avaient saisi la Commission en 1981 et 1982 en vertu de l’article 25 (art. 25).
2.   Demande de la Commission et requête du Gouvernement renvoient aux articles 44 et 48 (art. 44, art. 48) ainsi qu’à la déclaration de reconnaissance de la juridiction obligatoire de la Cour par le Royaume des Pays-Bas (article 46) (art. 46). Elles visent à obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent ou non un manquement de l’État défendeur aux obligations qui lui incombent aux termes de l’article 5 § 3 (art. 5-3).
3.   En réponse à l’invitation prescrite à l’article 33 § 3 d) du règlement, les requérants ont exprimé le désir de participer à l’instance pendante devant la Cour et ont désigné leur conseil (article 30).
4.   Le vice-président de la Cour, exerçant les fonctions de président, a estimé le 14 octobre 1983 que dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice il y avait lieu de confier la présente affaire à la chambre unique constituée le 24 mars 1983 pour en examiner deux autres: de Jong, Baljet et van den Brink; van der Sluijs, Zuiderveld et Klappe (article 21 § 6 du règlement). Elle comprenait de plein droit M. G. Wiarda, juge élu de nationalité néerlandaise (article 43 de la Convention) (art. 43), et M. R. Ryssdal, vice-président de la Cour (article 21 § 3 b) du règlement), les cinq membres désignés par tirage au sort (articles 43 in fine de la Convention et 21 § 4 du règlement) (art. 43) étant Mme D. Bindschedler-Robert, M. F. Gölcüklü, M. L.-E. Pettiti, M. B. Walsh et M. R. Bernhardt. M. J. Cremona, juge suppléant, a remplacé ultérieurement M. Bernhardt, empêché (articles 22 § 1 et 24 § 1 du règlement).
5.   Ayant assumé la présidence de la Chambre (article 21 § 5 du règlement), M. Ryssdal a consulté par l’intermédiaire du greffier l’agent du Gouvernement, le délégué de la Commission et l’avocat des requérants au sujet de la procédure à suivre. Eu égard notamment à leurs déclarations concordantes, il a décidé le 14 novembre qu’il n’y avait pas lieu de prévoir le dépôt de mémoires (article 37 § 1). Par la même ordonnance, il a fixé au 22 novembre la date d’ouverture des débats (article 38).
6.   Le 17 novembre, il a autorisé le conseil des requérants à utiliser le néerlandais dans la procédure écrite et en plaidoirie (article 27 § 3).
7.   Les audiences se sont déroulées en public le 22 novembre, au Palais des Droits de l’Homme à Strasbourg. La chambre avait tenu la veille une réunion préparatoire.
Ont comparu:
- pour le Gouvernement
Mme F.Y. van der Wal, jurisconsulte adjoint
au ministère des Affaires étrangères,  agent,
M. E.A. Droogleever Fortuijn, Landsadvocaat,  conseil,
M. W. Breukelaar, fonctionnaire
au ministère de la Justice,
M. J.A. Wiarda, fonctionnaire
au ministère de la Défense,  conseillers;
- pour la Commission
M. J. Frowein,  délégué;
- pour les requérants
Me E. Hummels, avocat,  conseil.
La Cour a entendu en leurs plaidoiries et déclarations, ainsi qu’en leurs réponses à ses questions, M. Droogleever Fortuijn pour le Gouvernement, M. Frowein pour la Commission et Me Hummels pour les requérants.
8.   Le 24 novembre, la Commission a produit deux documents que le président de la Chambre avait chargé le greffier de se procurer auprès d’elle.
Les 12 et 20 décembre respectivement, le greffe a reçu des requérants et de l’agent du Gouvernement les réponses à certaines des questions posées et les pièces demandées lors des audiences.
9.   Le 21 décembre, le président de la Chambre a octroyé à chaque requérant l’assistance judiciaire avec effet au 22 novembre, après avoir recueilli sur ce point les observations écrites de l’agent du Gouvernement et du délégué de la Commission (article 4 de l’addendum au règlement).
FAITS
10.  Nés respectivement en 1962 et 1958, MM. Duinhof et Duijf résident aux Pays-Bas. En 1981 et 1982, après leur incorporation forcée dans l’armée néerlandaise comme appelés du contingent, ils refusèrent tous deux, au nom de leurs convictions d’objecteurs de conscience, d’obéir à certains ordres découlant de leurs obligations militaires. Mis alors aux arrêts par les officiers compétents qui les soupçonnaient d’infractions au code pénal militaire (Wetboek van Militair Strafrecht), ils furent placés en détention puis renvoyés en jugement devant un conseil de guerre.
I. LE DROIT INTERNE APPLICABLE
A. L’objection de conscience
11.  Avant comme après le début du service militaire obligatoire, une dispense d’accomplir celui-ci peut être accordée pour cause d’objection de conscience. La procédure à suivre pour la solliciter se trouve définie dans la loi sur l’objection de conscience au service militaire (Wet Gewetenbezwaren Militaire Dienst) et dans un décret ministériel du 31 juillet 1970.
En l’espèce, aucun des requérants n’a jamais revendiqué le statut d’objecteur auprès du ministre de la Défense (paragraphes 21-28 ci-dessous).
B. La procédure pénale militaire
12.  La procédure pénale pour les armées de terre et de l’air obéit, en particulier en matière d’arrestation et de détention provisoire, au code de procédure des armées de terre et de l’air (Rechtspleging bij de Land- en Luchtmacht - "le code"), amendé en dernier lieu le 24 novembre 1978. Le jugement des infractions au droit pénal militaire, lequel vaut pour les appelés - tels les requérants - comme pour les volontaires, relève en première instance d’un conseil de guerre (Krijgsraad). Il existe une possibilité d’appel devant la Haute Cour militaire (Hoog Militair Gerechtshof), puis de pourvoi en cassation auprès de la Cour suprême (Hoge Raad) des Pays-Bas.
1. La détention avant renvoi en jugement
13.  Tout officier ou sous-officier est habilité à arrêter un militaire de grade inférieur soupçonné d’une infraction grave si les circonstances exigent une privation immédiate de liberté (article 4 du code); la détention qui en résulte ne doit pas dépasser 24 heures (article 5).
Le chef d’unité peut ordonner la mise ou le maintien du suspect en détention provisoire a) dans l’hypothèse d’un danger sérieux de fuite, b) si d’importantes raisons de sécurité commandent une privation immédiate de liberté ou c) si pareille mesure se révèle nécessaire pour préserver la discipline dans l’armée (article 7, deuxième alinéa). Il peut agir de la sorte à l’encontre d’un militaire soupçonné de l’une quelconque des infractions énumérées au code pénal militaire ou pour lesquelles le code de procédure pénale de droit commun autorise la détention provisoire, sauf celles dont le conseil de guerre ne peut connaître (article 7, quatrième alinéa). Il ne le peut pas si le suspect ne risque guère de se voir condamner à un emprisonnement sans sursis, ni à une autre mesure restrictive de liberté, ou si la peine probable s’annonce plus courte que la détention provisoire (ibidem). La détention doit cesser aussitôt qu’en disparaissent les motifs (article 7, cinquième alinéa). Le chef d’unité signale au général tout cas de détention supérieure à quatre jours (article 7, sixième alinéa).
Si la détention a duré quatorze jours, l’intéressé peut inviter le conseil de guerre compétent à fixer un délai (susceptible de prorogation) dans lequel le général devra soit se prononcer sur le renvoi en jugement soit mettre fin à la détention. Le conseil statue sans tarder, après avoir entendu l’autorité habilitée à le saisir, l’auditeur militaire (auditeur-militair, paragraphe 18 ci-dessous) et le suspect, lequel peut avoir l’assistance d’un conseiller (article 13).
14.  Si, après avoir recueilli l’opinion de l’auditeur militaire et, autant que possible ("zo mogelijk"), entendu le suspect, le général ou un officier supérieur (hoofd officier) délégué par lui estime que l’affaire doit aller au conseil de guerre, l’intéressé est traduit en jugement devant ce dernier (article 11). Le général ou l’officier par lui désigné peuvent toutefois, dans certaines circonstances, laisser l’affaire se traiter par la voie disciplinaire (article 12). La directive no 27/7 du ministère de la Défense explique ainsi l’effet de ces dispositions (traduction du néerlandais):
"La procédure pénale militaire diffère de la procédure applicable aux civils en ce que la décision de poursuivre n’émane pas de l’autorité de poursuite - l’auditeur militaire -, mais d’une autorité militaire: le général ou l’officier supérieur désigné par lui pour agir en son nom (...). L’auditeur militaire demeure donc à ce stade un simple organe consultatif, encore qu’on doive le consulter et qu’il ait l’obligation de donner son avis."
La décision de saisir la juridiction doit être formulée par écrit et indiquer s’il y a lieu ou non de libérer l’intéressé; les motifs de détention énoncés aux deuxième et quatrième alinéas de l’article 7 (paragraphe 13 ci-dessus) valent également ici (article 14). L’auditeur militaire peut en appeler à la Haute Cour militaire si, contre son avis, le général ou l’officier supérieur désigné choisit de ne pas déférer le suspect en jugement (article 15); il n’existe pas de recours dans l’hypothèse inverse.
Selon le Gouvernement, il est aujourd’hui classique d’appliquer de la manière suivante les clauses susmentionnées du code. Si le suspect se trouve en détention provisoire, l’auditeur militaire l’entend toujours et la saisine éventuelle du conseil de guerre se produit peu après, en moyenne de quatre à cinq jours après l’arrestation. En raison des exigences de l’article 14 du code, l’appréciation des circonstances par l’auditeur militaire et l’avis de celui-ci au général ou à l’officier supérieur désigné portent non seulement sur le renvoi en jugement, mais aussi sur la réunion des conditions auxquelles l’article 7 subordonne la détention provisoire. Ainsi, dans le formulaire type qu’il utilise pour communiquer son avis à l’officier compétent figure un paragraphe relatif au point de savoir s’il échet d’élargir le suspect ou de le mettre ou maintenir en détention. La pratique a évolué de telle sorte que son avis est invariablement suivi et passe d’ordinaire pour contraignant.
2. La détention après renvoi en jugement
15.  La détention maintenue ou prescrite par la décision de renvoi en jugement ne peut excéder quatorze jours sauf si le conseil de guerre la prolonge, par période de trente jours, à la demande de l’auditeur militaire (article 31). Tout inculpé détenu en vertu de ladite décision doit être ouï par l’"officier commissaire" (officier-commissaris, paragraphe 19 ci-dessous) dans les meilleurs délais et en tout cas dans les quatre jours de la saisine; à cette occasion, il peut avoir l’assistance d’un conseiller (article 33, premier alinéa). Avant de prolonger la détention, le conseil de guerre doit accorder à l’intéressé ou à son conseiller la faculté de présenter leur thèse (article 33, second alinéa).
La détention doit cesser dès qu’en disparaissent les motifs (article 34, premier alinéa). Après la saisine et avant le début du procès, la décision d’élargissement relève de l’auditeur militaire ou du conseil de guerre agissant à la requête soit de l’officier commissaire soit du détenu lui-même (article 34, deuxième alinéa); avant de statuer, le conseil de guerre entend l’auditeur militaire et, s’il s’agit de la première requête de l’intéressé, celui-ci ou son conseiller (article 34, troisième alinéa).
16.  Lorsque le prévenu se trouve détenu à l’ouverture des débats, le conseil de guerre décide, l’auditeur militaire entendu, si la nature et les circonstances de la cause exigent ou non qu’il le reste pendant le procès (article 151). Il peut prescrire sa mise en liberté à tout moment de la procédure ultérieure, d’office ou à la demande de l’auditeur militaire ou de l’inculpé (article 156).
17.  Un militaire détenu peut solliciter son élargissement ou la suspension de sa détention en vertu de l’article 219 du code, pendant la procédure d’appel devant la Haute Cour militaire.
3. L’auditeur militaire, l’officier commissaire et le conseil de guerre
18.  L’auditeur militaire constitue l’autorité de poursuite devant le conseil de guerre (article 126, premier alinéa). Aucun membre en activité des forces armées ne peut occuper la fonction d’auditeur militaire ou de substitut (article 126, troisième alinéa). L’auditeur militaire et son substitut sont parfois remplacés par un auditeur militaire en exercice (plaatsvervanger - article 126, deuxième alinéa) qui peut être un officier, mais d’après le Gouvernement cela n’arrive que de manière exceptionnelle. Nommés - et révoqués - par la Couronne sur proposition conjointe des ministres de la Justice et de la Défense, les auditeurs militaires (en titre, suppléants ou en exercice) doivent posséder un diplôme de droit (article 126, quatrième et sixième alinéas). L’article 276, second alinéa, du code les oblige à se conformer aux instructions que le ministre de la Justice leur donne pendant l’accomplissement de leur tâche. Selon le Gouvernement, toutefois, cette clause sert de simple fondement juridique à l’édiction de directives de caractère général en matière de poursuites; au moins ces dernières années, aucun ministre de la Justice ne l’aurait utilisée dans un cas précis.
Tenu par son serment d’agir avec honnêteté et impartialité (articles 368 et 370), l’auditeur militaire doit assister aux audiences du conseil de guerre (article 290) mais ne participe pas aux délibérés. Il lui incombe en outre de prêter son concours au conseil de guerre et au général, s’ils le lui demandent, par des rapports, observations et conseils relatifs à la justice militaire (article 278). Dans l’exercice de ses attributions, il n’est pas placé sous le contrôle du conseil de guerre ni de la Haute Cour militaire, laquelle a pourtant le pouvoir de le réprimander s’il ne respecte pas strictement les délais légaux (article 297).
19.  A chaque conseil de guerre se trouve attaché au moins un officier commissaire chargé de l’instruction préparatoire des affaires (article 29). Il s’agit d’un officier ou ancien officier des forces armées, de grade égal ou supérieur à celui de capitaine, désigné par le général pour une durée déterminée d’un an ou davantage (ibidem). Il peut compter en même temps parmi les membres du conseil de guerre, mais tel n’est pas le cas habituel. Il a pour tâche de reconstituer les faits et au besoin d’entendre des témoins et le prévenu (articles 29, 48 et 78). Une audition par l’officier commissaire a la même valeur juridique que si elle se déroulait devant le conseil de guerre (article 161). Dans ses investigations, l’officier commissaire doit s’employer aussi bien à établir l’innocence de l’inculpé qu’à recueillir des preuves ou aveux de culpabilité (article 62). Comme l’auditeur militaire, son serment l’oblige à agir avec honnêteté et impartialité (articles 368 et 370).
20.  Le conseil de guerre comprend un président et deux membres militaires (article 120).
Ces derniers sont des officiers désignés par le général pour un an au moins, irrévocables pendant leur mandat et âgés de vingt-cinq ans ou davantage (article 120). En pratique, il s’agit le plus souvent de capitaines ou de commandants; on n’exige d’eux aucune formation juridique. D’après le Gouvernement, quoique conservant le statut d’officier ils sont indépendants en leur qualité de juges et nul ne peut leur donner d’ordres. Comme le président, leur serment les oblige à agir avec honnêteté et impartialité (articles 368 et 369).
Le président, lui, est un civil titulaire d’un diplôme universitaire de droit; la Couronne le nomme à vie sur recommandation conjointe des ministres de la Justice et de la Défense (article 121).
Le conseil délibère en secret et ses membres ne peuvent divulguer leur opinion personnelle ni celle de leurs collègues (article 135).
II. L’ARRESTATION ET LA DETENTION DES REQUERANTS
A. M. Duinhof
21.  Pour ne pas s’être présenté à l’incorporation en temps voulu (article 150 du code pénal militaire), M. Duinhof fut arrêté le 18 novembre 1981. Transféré dans une caserne, il y refusa de subir un examen médical, sur quoi il se vit inculper en outre d’insubordination persistante (article 114). Le chef d’unité confirma la détention le lendemain; le motif invoqué consistait dans la nécessité de préserver la discipline parmi les autres appelés (article 7 du code, paragraphe 13 ci-dessus).
Le 20 novembre, le requérant comparut devant l’auditeur militaire. Le 23, sur l’avis conforme de celui-ci, l’officier supérieur désigné le renvoya en jugement devant le conseil de guerre et décida de le laisser en détention pour le même motif qu’auparavant (articles 11, 14 et 7, deuxième alinéa, du code; paragraphe 14 ci-dessus).
22.  Le 24 novembre, l’officier commissaire entendit l’intéressé (article 33, premier alinéa, du code; paragraphe 15 ci-dessus).
Le 26, le conseil de guerre examina une demande d’élargissement présentée par ce dernier le 24 (article 34 du code, paragraphe 15 ci-dessus). A l’audience, M. Duinhof allégua notamment un manquement aux exigences de l’article 5 § 3 (art. 5-3) de la Convention. Le conseil de guerre estima que le délai écoulé entre l’arrestation et la comparution devant un "magistrat", en l’occurrence l’officier commissaire, était "considérable" mais malgré tout "acceptable" en raison du week-end qu’il comprenait et de la distance séparant les diverses autorités intervenantes. Il rejeta donc la demande, considérant que la détention demeurait justifiée.
Par la suite, il prolongea périodiquement celle-ci.
23.  Le 28 janvier 1982, le conseil de guerre déclara le requérant coupable d’insubordination et lui infligea dix-huit mois d’emprisonnement, avec déduction du temps passé en détention provisoire.
24.  Le condamné interjeta appel devant la Haute Cour militaire.
Le 29 janvier, en cours d’instance, il réclama auprès d’elle sa mise en liberté, eu égard en particulier à l’article 5 § 3 (art. 5-3) de la Convention, ou, à titre subsidiaire, la suspension de sa détention (article 219 du code, paragraphe 17 ci-dessus).
Le 17 mars, ladite cour repoussa la première partie de la requête; en revanche, elle accueillit la seconde, avec effet immédiat, à condition notamment que l’intéressé acceptât - ce qu’il fit - d’accomplir un service civil de remplacement pendant au moins quinze mois et de se prêter à un examen médical. Elle suspendit aussi les poursuites sous les mêmes conditions.
Ultérieurement, elle lui infligea 101 jours d’emprisonnement avec déduction de la durée, identique, de la détention provisoire.
B. M. Duijf
25.  Pour ne pas s’être présenté à l’incorporation en temps voulu (article 150 du code pénal militaire), M. Duijf fut appréhendé le 15 janvier 1982. Transféré dans une maison d’arrêt militaire, il y refusa de prendre livraison d’un uniforme et d’une arme, sur quoi il se vit inculper en outre d’insubordination persistante (article 114). Le chef d’unité confirma la détention; les motifs invoqués consistaient en un danger sérieux de fuite et dans la nécessité de préserver la discipline parmi les autres appelés (article 7 du code, paragraphe 13 ci-dessus).
Le 18 janvier, sur l’avis verbal conforme de l’auditeur militaire, l’officier supérieur désigné renvoya le requérant en jugement devant le conseil de guerre et décida de le laisser en détention pour les mêmes motifs qu’auparavant (articles 11, 14 et 7, deuxième alinéa, du code; paragraphe 14 ci-dessus).
26.  Le lendemain, l’intéressé fut entendu tant par l’officier commissaire (article 33, premier alinéa, du code; paragraphe 15 ci-dessus) que par l’auditeur militaire.
Le 27 janvier, le conseil de guerre examina une demande de maintien de la détention présentée le 22 par ce dernier (article 31 du code, paragraphe 15 ci-dessus). A l’audience, le requérant plaida notamment l’inobservation de l’article 5 § 3 (art. 5-3) de la Convention. Le conseil repoussa ses divers arguments et prolongea sa détention de trente jours, estimant qu’elle demeurait justifiée.
Par la suite, il la prolongea périodiquement.
27.  Le 15 avril, le conseil de guerre reconnut l’intéressé coupable d’insubordination et lui infligea dix-huit mois d’emprisonnement, avec déduction du temps passé en détention provisoire.
28.  Le condamné interjeta appel devant la Haute Cour militaire. Les 16 avril et 2 juin, il réclama auprès d’elle sa mise en liberté; il alléguait, entre autres, la violation de l’article 5 §§ 3 et 4 (art. 5-3, art. 5-4) de la Convention (article 219 du code, paragraphe 17 ci-dessus).
La Haute Cour militaire rejeta ces requêtes le 23 juin.
Le 7 septembre, tout en réformant le jugement attaqué elle le confirma quant à la déclaration de culpabilité et à la peine prononcée.
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION
29.  M. Duinhof a saisi la Commission le 8 décembre 1981, M. Duijf le 16 février 1982. Ils affirmaient tous deux qu’en dépit de l’article 5 § 3 (art. 5-3) de la Convention, on ne les avait pas traduits aussitôt devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires. Ils prétendaient en particulier que ni l’auditeur militaire ni l’officier commissaire ne sauraient être considérés comme de tels magistrats.
La Commission a ordonné la jonction des requêtes (no 9626/81 et 9736/82) le 4 mai 1982 et les a retenues le 9 décembre. Dans son rapport du 13 juillet 1983 (article 31) (art. 31), elle aboutit à la conclusion unanime qu’il y a eu violation de l’article 5 § 3 (art. 5-3).
Le texte intégral de son avis figure en annexe au présent arrêt*.
EN DROIT
I. QUESTION PRELIMINAIRE
30.  Comme il l’a confirmé devant la Cour à l’audience du 22 novembre 1983, le Gouvernement ne soulève en l’espèce aucune exception préliminaire. Il estime cependant que la Commission doit s’assurer d’office de l’épuisement des voies de recours internes et que, partant, il incombe aussi à la Cour d’examiner la question dans le cas de MM. Duinhof et Duijf.
La Cour rejette cette thèse, toute considération relative à la forclusion ou à l’inobservation de l’article 47 de son règlement mise à part (arrêt Deweer du 27 février 1980, série A no 35, p. 15, § 26 in fine; arrêt Foti et autres du 10 décembre 1982, série A no 56, pp. 16 et 17, §§ 46 et 48; arrêt De Jong, Baljet et van den Brink de ce jour, série A no 77, § 36).
II. SUR LE FOND
A. Sur la violation alléguée de l’article 5 § 3 (art. 5-3)
31.  Les requérants allèguent la violation du début de l’article 5 § 3 (art. 5-3), aux termes duquel
"Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du [même] article (art. 5-1-c), doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires (...)".
32.  Dans son arrêt Schiesser du 4 décembre 1979, la Cour a interprété en détail l’expression "magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires" (série A no 34, pp. 12-14, §§ 27-31). Elle se borne à rappeler ici les principes fondamentaux qu’elle y a énoncés. Eu égard à l’objet et au but de l’article 5 § 3 (art. 5-3) (paragraphe 36 ci-dessous), elle a relevé en particulier que le "magistrat" dont il s’agit - du siège ou du parquet (ibidem, p. 12, § 28) - "doit offrir des garanties appropriées aux fonctions ‘judiciaires’ que la loi lui attribue" (ibidem, p. 13, § 30). Elle a résumé ainsi ses conclusions (ibidem, pp. 13-14, § 31):
"(...) le ‘magistrat’ ne se confond pas avec le ‘juge’, mais encore faut-il qu’il en possède certaines des qualités, c’est-à-dire remplisse des conditions constituant autant de garanties pour la personne arrêtée.
La première d’entre elles réside dans l’indépendance à l’égard de l’exécutif et des parties (...). Elle n’exclut pas toute subordination à d’autres juges ou magistrats pourvu qu’ils jouissent eux-mêmes d’une indépendance analogue.
A cela s’ajoutent, d’après l’article 5 § 3 (art. 5-3), une exigence de procédure et une de fond. A la charge du ‘magistrat’, la première comporte l’obligation d’entendre personnellement l’individu traduit devant lui (...); la seconde, celle d’examiner les circonstances qui militent pour ou contre la détention, de se prononcer selon des critères juridiques sur l’existence de raisons la justifiant et, en leur absence, d’ordonner l’élargissement (...)."
Au sujet de ladite exigence de fond, la Cour avait déjà jugé, dans l’affaire Irlande contre Royaume-Uni, qu’un comité consultatif en matière d’internement ne constituait pas une autorité répondant aux fins de l’article 5 § 3 (art. 5-3) car il n’avait pas le pouvoir d’ordonner une mesure d’élargissement (arrêt du 18 janvier 1978, série A no 25, p. 76, § 199).
1. La comparution de M. Duinhof devant l’auditeur militaire avant le renvoi en jugement
33.  M. Duinhof affirme que l’auditeur militaire, la première autorité devant laquelle on l’ait conduit après son arrestation (paragraphe 21 ci-dessus), ne saurait être considéré comme un "magistrat" au sens de l’article 5 § 3 (art. 5-3). Le Gouvernement soutient le contraire. Il estime en outre que la comparution a eu lieu "aussitôt", à savoir après deux jours.
34.  D’après la lettre des règles de droit interne applicables, jusqu’au renvoi en jugement il n’entrait pas dans les attributions de l’auditeur militaire de prescrire la mise en liberté du requérant: l’article 11 du code lui confiait un simple rôle d’instruction et d’avis qui, de plus, ne portait que sur la question de la saisine du conseil de guerre (paragraphe 14 ci-dessus, premier alinéa). Selon le Gouvernement, cette limitation apparente doit pourtant se lire à la lumière de la pratique: l’avis aurait aussi trait à la détention et l’officier compétent pour la saisine le suivrait invariablement (paragraphe 14 ci-dessus, dernier alinéa). Cette "procédure classique" signifierait qu’en vérité la décision émane de l’auditeur militaire, car son avis concernant la détention aurait la valeur d’une "recommandation contraignante" aux yeux de l’officier investi en droit du pouvoir de trancher. Et le Gouvernement de conclure que le fond doit primer la forme.
La Cour note que d’après le Gouvernement, ladite procédure découle du souci de respecter la Convention dans l’attente d’une refonte du code, mais pas plus que la Commission (paragraphe 83 du rapport) elle ne peut se rallier au raisonnement résumé plus haut. Sans doute faut-il fréquemment, pour se prononcer sur l’existence d’une atteinte aux droits protégés par la Convention, s’attacher à cerner la réalité par delà les apparences et le vocabulaire employé (voir par exemple, à propos de l’article 5 § 1 (art. 5-1), l’arrêt Van Droogenbroeck du 24 juin 1982, série A no 50, p. 20, § 38). Cependant, les exigences précisées "par la loi" revêtent une importance particulière quand il s’agit de définir l’autorité judiciaire compétente pour statuer sur la liberté individuelle, eu égard à la confiance qu’elle doit inspirer aux justiciables dans une société démocratique (voir, mutatis mutandis, le paragraphe 30 a) de l’arrêt Piersack du 1er octobre 1982, série A no 53, p. 14). Or aucune directive officielle, ni même aucune circulaire ne prescrivait aux auditeurs militaires et aux officiers dont relevait la saisine d’interpréter et appliquer le code de la sorte; il y avait une simple pratique interne, sans force obligatoire et dont on pouvait à tout moment s’écarter. Elle n’équivalait pas à une habilitation, donnée "par la loi", à exercer les "fonctions judiciaires" voulues par l’article 5 § 3 (art. 5-3) (voir la fin de l’extrait de l’arrêt Schiesser reproduit au paragraphe 32 ci-dessus).
35.  En conséquence, la procédure suivie devant l’auditeur militaire avant le renvoi de M. Duinhof en jugement n’a pas offert les garanties de ce texte.
2. Le renvoi des deux requérants en jugement devant le conseil de guerre
36.  La saisine du conseil de guerre a eu lieu cinq jours après l’arrestation de M. Duinhof et trois jours après celle de M. Duijf (paragraphes 21 et 25 ci-dessus). Selon eux, il ne jouissait pas de l’indépendance nécessaire à une autorité judiciaire aux fins de l’article 5 § 3 (art. 5-3). La Cour n’a pas besoin de se prononcer sur la question en l’occurrence car, de toute manière, les premiers mots de cette disposition ne se contentent pas de l’accès du détenu à une telle autorité; ils visent à assurer un contrôle judiciaire rapide et automatique d’une détention ordonnée par la police ou l’administration dans les conditions du paragraphe 1 c) (art. 5-1-c). Le libellé du paragraphe 3 (art. 5-3) ("doit être aussitôt traduite"), lu à la lumière de son objet et de son but, rend manifeste l’"exigence de procédure" qui s’en dégage: le "juge" ou "magistrat" doit entendre l’intéressé et prendre la décision appropriée (voir l’extrait de l’arrêt Schiesser cité au paragraphe 32 ci-dessus).
Partant, le renvoi des requérants en jugement ne leur a pas en soi fourni les garanties de l’article 5 § 3 (art. 5-3).
3. La comparution de M. Duijf devant l’auditeur militaire après le renvoi en jugement
37.  L’auditeur militaire a ouï M. Duijf quatre jours après l’arrestation et le lendemain du renvoi en jugement (paragraphe 26 ci-dessus). Trois jours plus tard, et apparemment sans prendre une décision expresse de non-élargissement, il a invité le conseil de guerre à prolonger la détention au-delà de la limite de quatorze jours fixée par l’article 31 du code (paragraphes 15 et 26 ci-dessus).
Selon le Gouvernement, au moment où il a entendu ainsi le requérant l’auditeur militaire possédait toutes les attributions d’un "magistrat" et a statué conformément aux exigences de l’article 5 § 3 (art. 5-3).
38.  L’"exigence de fond" énoncée dans l’arrêt Schiesser a pu se trouver satisfaite par la compétence de l’auditeur militaire pour ordonner une mise en liberté (voir l’extrait reproduit au paragraphe 32 ci-dessus), mais reste à rechercher s’il jouissait de l’indépendance nécessaire au regard du but particulier dans lequel doivent s’exercer les "fonctions judiciaires" mentionnées à l’article 5 § 3 (art. 5-3).
Gouvernement et requérants ont disputé du point de savoir s’il peut être considéré comme indépendant des autorités militaires, en raison du libellé de l’article 276 du code (paragraphe 18 ci-dessus). Aux yeux de la Cour, même si l’on accepte ici la thèse du Gouvernement l’auditeur ne pouvait, après le renvoi de M. Duijf en jugement, s’acquitter de la tâche judiciaire très précise visée à l’article 5 § 3 (art. 5-3) puisqu’il assumait simultanément le rôle d’autorité de poursuite devant le conseil de guerre (article 126, premier alinéa; ibidem). Il se trouvait dès lors engagé dans le procès pénal intenté contre le militaire sur l’élargissement duquel il avait compétence pour statuer. En bref, il ne pouvait être "indépendant des parties" (voir l’extrait de l’arrêt Schiesser cité au paragraphe 32 ci-dessus) parce que, justement, il était l’une d’elles.
La procédure menée devant lui dans le cas de M. Duijf n’a donc pas rempli les conditions de l’article 5 § 3 (art. 5-3).
4. L’audition des deux requérants par l’officier commissaire
39.  Selon les requérants, l’officier commissaire, chargé d’instruire leur cause et devant lequel on les a conduits après leur renvoi en jugement (articles 29 et 33 du code, paragraphes 15, 19, 22 et 26 ci-dessus), ne saurait être considéré comme un "magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires".
Le Gouvernement soutient le contraire. Quand il entend un militaire détenu, l’officier commissaire aurait, tout comme l’auditeur militaire, l’obligation d’examiner la légalité de la détention de manière indépendante et impartiale. Il pourrait après cela, dans les cas appropriés, contribuer à l’élargissement des intéressés en le demandant au conseil de guerre en vertu de l’article 34 du code (paragraphe 15 ci-dessus). En outre, et eu égard aux circonstances, les intéressés auraient comparu devant lui "aussitôt" après leur arrestation: M. Duinhof après six jours, M. Duijf après quatre (paragraphes 21-22 et 25-26 ci-dessus).
40.  La Cour ne sous-estime pas la valeur de la protection offerte en la matière par l’officier commissaire, mais elle n’adhère pas pour autant à la thèse du Gouvernement. Ainsi que le soulignent Commission (paragraphe 90 du rapport) et requérants, la loi n’habilite pas ledit officier à exercer les "fonctions judiciaires" mentionnées à l’article 5 § 3 (art. 5-3) et spécialement à statuer sur l’existence de raisons justifiant la détention et, en leur absence, de prescrire la mise en liberté (voir la fin de l’extrait de l’arrêt Schiesser reproduit au paragraphe 32 ci-dessus). A la procédure menée devant lui manquait donc l’une des garanties implicites fondamentales de l’article 5 § 3 (art. 5-3).
5. L’audience devant le conseil de guerre
41.  Il reste à rechercher si les phases ultérieures de l’instance suivie devant le conseil de guerre ont rempli les diverses conditions de ce texte.
Le conseil de guerre n’a examiné en audience et tranché la question de la détention que huit jours après l’arrestation de M. Duinhof et douze jours après celle de M. Duijf (paragraphes 21-22 et 25-26 ci-dessus). Sans doute la célérité ("aussitôt") de pareille procédure doit-elle s’apprécier dans chaque cas suivant les circonstances de la cause (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Wemhoff du 27 juin 1968, série A no 7, p. 24, § 10), mais d’aussi longs délais dépassent de loin les limites fixées par l’article 5 § 3 (art. 5-3) même si l’on prend en compte les impératifs de la vie et de la justice militaires (arrêt Engel et autres du 8 juin 1976, série A no 22, p. 23, § 54). La Cour marque son accord avec la Commission sur ce point (paragraphes 95 et 97 du rapport), au demeurant non contesté par le Gouvernement.
42.  Eu égard à cette conclusion, il n’y a pas lieu de déterminer si, comme le prétendent les requérants, le conseil de guerre ne présentait pas l’indépendance nécessaire en raison de sa composition, les deux membres militaires désignés par le général l’emportant par leur nombre sur le président civil nommé par la Couronne (paragraphe 20 ci-dessus).
6. Récapitulation
43.  En résumé, les deux requérants ont été victimes d’une violation de l’article 5 § 3 (art. 5-3).
B. Sur l’application de l’article 50 (art. 50)
44.  L’article 50 (art. 50) de la Convention se lit ainsi:
"Si la décision de la Cour déclare qu’une décision prise ou une mesure ordonnée par une autorité judiciaire ou toute autre autorité d’une Partie Contractante se trouve entièrement ou partiellement en opposition avec des obligations découlant de la (...) Convention, et si le droit interne de ladite Partie ne permet qu’imparfaitement d’effacer les conséquences de cette décision ou de cette mesure, la décision de la Cour accorde, s’il y a lieu, à la partie lésée une satisfaction équitable."
A l’audience du 22 novembre 1983 devant la Cour, l’avocat des requérants a indiqué, sans fournir de détails, que les demandes de satisfaction équitable de ses clients étaient semblables à celles de MM. van der Sluijs, Zuiderveld et Klappe (arrêt de ce jour, série A no 78, § 50). Dans cette autre affaire, il avait soutenu que les intéressés avaient subi, au cours et en raison de la détention litigieuse, un préjudice revêtant différentes formes: troubles émotifs et psychologiques, accès insuffisant à la culture et l’éducation, atteintes à la vie privée, perte de perspectives d’emploi et de réputation. Il a pourtant précisé, là aussi, que MM. Duinhof et Duijf n’avaient jamais considéré leur indemnisation comme une priorité et qu’ils priaient seulement la Cour de leur accorder une satisfaction appropriée.
D’après le Gouvernement, le dommage qu’ont pu souffrir M. Duinhof ou M. Duijf a été réparé par l’imputation de leur détention provisoire sur leur peine (paragraphes 24 et 27-28 ci-dessus); cette mesure constituerait une satisfaction adéquate pour toute violation de la Convention.
45.  L’unique infraction alléguée et relevée en l’espèce porte sur la première partie de l’article 5 § 3 (art. 5-3). Les pièces du dossier ne permettent pas de dire que la détention provisoire des requérants aurait probablement pris fin s’ils avaient joui des garanties de cette disposition (comp. l’arrêt Artico du 13 mai 1980, série A no 37, p. 20, § 42). Cependant, chacun d’eux a pour le moins été privé d’un contrôle judiciaire rapide ("aussitôt") de sa détention. Ils ont dû éprouver, faute de ces garanties, un certain tort moral que ne compensent pas en entier le constat de manquement et même l’imputation de la détention provisoire sur la peine finale (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Van Droogenbroeck du 25 avril 1983, série A no 63, p. 7, § 13). Eu égard à la modicité de leurs prétentions, la Cour alloue à chacun d’eux une somme forfaitaire de 300 florins néerlandais à titre de satisfaction équitable au sens de l’article 50 (art. 50).
PAR CES MOTIFS, LA COUR, A L’UNANIMITE,
1. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 3 (art. 5-3) dans le cas des requérants;
2. Dit que l’État défendeur doit verser à chacun d’eux trois cents (300) florins néerlandais au titre de l’article 50 (art. 50).
Rendu en français et en anglais, au Palais des Droits de l’Homme à Strasbourg, le vingt-deux mai mil neuf cent quatre-vingt-quatre.
Rolv RYSSDAL
Président
Marc-André EISSEN
Greffier
* Note du greffe: Il s'agit du nouveau règlement, entré en vigueur le 1er janvier 1983 et applicable en l'espèce.
* Note du greffe: Pour des raisons d'ordre technique, il n'y figurera que dans l'édition imprimée (volume n° 79 de la série A des publications de la Cour).
AFFAIRE GOLDER c. ROYAUME-UNI
ARRÊT AIREY c. IRLANDE
ARRÊT DUINHOF ET DUIJF c. PAYS-BAS
ARRÊT DUINHOF ET DUIJF c. PAYS-BAS


Synthèse
Formation : Cour (chambre)
Numéro d'arrêt : 9626/81;9736/82
Date de la décision : 22/05/1984
Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Questions de procédure rejetées ; Violation de l'Art. 5-3 ; Préjudice moral - réparation pécuniaire

Analyses

(Art. 35-1) EPUISEMENT DES VOIES DE RECOURS INTERNES, (Art. 5-3) DUREE DE LA DETENTION PROVISOIRE, (Art. 5-3) JUGE OU AUTRE MAGISTRAT EXERCANT DES FONCTIONS JUDICIAIRES, (Art. 5-4) INTRODUIRE UN RECOURS


Parties
Demandeurs : DUINHOF ET DUIJF
Défendeurs : PAYS-BAS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1984-05-22;9626.81 ?

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