ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)
16 juillet 2025 ( *1 )
« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative Iceland – Cause de nullité absolue – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001] »
Dans l’affaire T‑106/23,
Iceland Foods Ltd, établie à Deeside (Royaume-Uni), représentée par Me G. Vos, avocat,
partie requérante,
soutenue par
International Trademark Association (INTA), établie à New York (États-Unis), représentée par Mes N. Parrotta, M. Perraki et A. Lubberger, avocats,
partie intervenante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. V. Ruzek, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant
Icelandic Trademark Holding ehf, établie à Reykjavik (Islande), représentée par Mes A. von Mühlendahl et H. Hartwig, avocats,
LE TRIBUNAL (septième chambre),
composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk, présidente, MM. E. Buttigieg et I. Dimitrakopoulos (rapporteur), juges,
greffier : M. G. Mitrev, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 16 octobre 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Iceland Foods Ltd, demande l’annulation de la décision de la grande chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 15 décembre 2022 (affaire R 1613/2019-G) (ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 Le 23 janvier 2018, Icelandic Trademark Holding ehf a présenté à l’EUIPO une demande en nullité de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée à la suite d’une demande déposée le 12 février 2013 par la requérante pour le signe figuratif reproduit ci-après :
Image
3 Les produits et services couverts par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relevaient des classes 29, 30 et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient, pour chacune de ces classes, à la description suivante :
– classe 29 : « Viande, volaille et gibiers ; extraits de viande, de fruits ou de légumes ; fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; extraits de fruits et/ou de légumes ; produits à base de viande ; saucisses ; gelées, confitures, compotes, conserves de fruits, conserves de légumes ; desserts compris dans la classe 29 ; œufs, lait ; produits laitiers ; yaourt ; huiles et graisses comestibles ; noix et beurre aux noix ; pickles, tofu ; pâtes à tartiner ; potages ; pâtes de fruits à coque ;
aliments congelés compris dans la classe 29 ; chips et produits à base de pommes de terre (pour l’alimentation) ; plats préparés et leurs ingrédients ; en-cas ; aucun des produits précités n’étant entièrement ou principalement à base de poisson » ;
– classe 30 : « Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, couscous, substituts de café, essences de café, extraits de café, mélanges de café et de chicorée ; chocolat ; produits à base de chocolat ; farines et préparations faites de céréales et/ou de riz et/ou de farine ; pain, biscuits, gâteaux, pâtisseries, et sucreries, glaces alimentaires ; miel, mélasse ; mélasse, sirops ; levure, poudre pour faire lever ; sel, moutarde ; vinaigres, poivre, sauces, ketchup, sauces pour salades ; épices ;
condiment à base de fruits ; glaces à rafraîchir ; crèmes glacées, glaces à l’eau, confiserie glacée ; produits pour la préparation de crèmes glacées et/ou glaces à l’eau et/ou confiserie glacée ; céréales pour petit-déjeuner ; pizzas, pâtes alimentaires et produits à base de pâtes ; crème anglaise en poudre ; mousses ; poudings ; tourtes à la viande ; mayonnaise ; produits pour attendrir la viande à usage domestique ; gelée royale pour l’alimentation humaine [non à usage médical] ; édulcorants
naturels ; plats préparés et leurs ingrédients, en-cas, tous compris dans la classe 30 ; aliments congelés compris dans la classe 30 ; herbes » ;
– classe 35 : « Services de vente au détail, services d’un magasin de détail, services de vente au détail par correspondance, services de vente au détail électronique ou en ligne, services d’un supermarché et d’un hypermarché liés à la vente de viande, volaille, gibier, extraits de fruits et de légumes, fruits et légumes conservés, séchés et cuits, extraits de fruits et/ou de légumes, produits à base de viande, saucisses et saucissons, gelées, confitures, conserves de fruits, conserves de légumes,
compotes, desserts, œufs, lait, produits laitiers, yaourt, protéines comestibles dérivées du soja, huiles et graisses comestibles, noix et beurres de noix, pickles, herbes, tofu, pâtes à tartiner, potages, pâte de noix, aliments surgelés, chips et produits à base de pommes de terre (pour l’alimentation), plats préparés et leurs ingrédients, en-cas, café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, couscous, succédanés du café, essences de café, extraits de café, mélanges de café et chicorée,
chocolat, produits au chocolat, farine et préparations faites de céréales et/ou de riz et/ou de farine, pain, biscuits, petits biscuits, gâteaux, pâtisserie, confiserie, glaces comestibles, miel, mélasse, sirop, levure, poudre pour faire lever, sel, moutarde, vinaigre, poivre, sauces, ketchup, sauces pour salades, épices, chutney, glace à rafraîchir, crèmes glacées, glaces à l’eau, confiseries glacées, préparations pour faire de la crème glacée et/ou des glaces à l’eau et/ou des confiseries
glacées, céréales pour petit-déjeuner, pizzas, pâtes et produits à base de pâtes, crème anglaise en poudre, mousses, poudings, pâtés à la viande, mayonnaise, attendrisseurs de viande à usage domestique, gelée royale pour la consommation humaine (autre qu’à usage médicinal), édulcorants naturels ; services de publicité ; services de marketing et services promotionnels ; organisation, exploitation et supervision de programmes de fidélisation de la clientèle et de programmes d’incitation à la vente
et promotionnels ; services d’informations, de conseils et de consultation dans tous les domaines précités ».
4 Les causes de nullité invoquées à l’appui de la demande en nullité étaient, en substance, celles visées à l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), c) et g), dudit règlement [devenus, respectivement, article 59, paragraphe 1, sous a), et article 7, paragraphe 1, sous b), c) et g), du règlement (UE) 2017/1001
du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].
5 Le 27 mai 2019, la division d’annulation a accueilli la demande en nullité pour l’ensemble des produits et services visés au point 3 ci-dessus.
6 Le 24 juillet 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.
7 Lors de la procédure devant la grande chambre de recours, Icelandic Trademark Holding a soulevé une cause de nullité supplémentaire à celles présentées devant la division d’annulation, fondée, en substance, sur l’application des dispositions combinées de l’article 52, paragraphe 1, sous a), et de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001].
8 Par la décision attaquée, la grande chambre de recours a rejeté le recours. En substance, en premier lieu, elle a considéré que la demande en nullité de la marque contestée, fondée sur l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009, était irrecevable en raison de l’introduction tardive de celle-ci au stade du recours.
9 En second lieu, d’une part, la grande chambre de recours a considéré que la marque contestée était perçue par le public pertinent, à savoir le grand public anglophone de l’Union européenne, comme une indication selon laquelle les produits et les services désignés par celle-ci provenaient d’Islande. Elle a ajouté que cette perception n’était pas modifiée par les éléments figuratifs de la marque contestée en raison de leur caractère décoratif. Dès lors, elle a considéré que ladite marque avait été
enregistrée contrairement à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009.
10 D’autre part, la grande chambre de recours a rappelé, en substance, qu’il suffisait qu’un des motifs absolus de refus s’applique pour que le signe en cause ne puisse être enregistré comme marque de l’Union européenne. En tout état de cause, si ladite marque devait être examinée à la lumière des dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, elle devrait être considérée comme étant dépourvue de caractère distinctif.
Conclusions des parties
11 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– renvoyer l’affaire devant la division d’annulation en vue de la poursuite de la procédure ;
– condamner l’EUIPO aux dépens relatifs au présent recours et Icelandic Trademark Holding aux dépens relatifs aux procédures devant la division d’annulation et la grande chambre de recours.
12 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.
13 Icelandic Trademark Holding conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
14 International Trademark Association (INTA) conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– décider qu’elle supportera ses propres dépens.
En droit
15 La requérante invoque, en substance, deux moyens, tirés, d’une part, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 et, d’autre part, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009
16 La grande chambre de recours a considéré, en substance, que la marque contestée était, pour le public pertinent, descriptive de l’origine géographique des produits et des services qu’elle visait ou de leurs caractéristiques eu égard, notamment, à la connaissance très élevée du nom géographique « Islande » et des caractéristiques de ce pays en termes de nature, d’écologie, d’énergies renouvelables, de prospérité économique, de main-d’œuvre qualifiée et liées à son industrie et aux exportations
réelles. Ces éléments permettraient de conclure que, pour le public pertinent, l’Islande était un pays capable de produire de nombreux types de produits différents et de fournir une large gamme de services. Ainsi, selon la grande chambre de recours, le public pertinent établirait un lien entre les produits et les services en cause et la marque contestée comme indiquant leur provenance géographique ou certaines de leurs caractéristiques liées spécifiquement à cette provenance géographique.
17 La requérante et INTA soutiennent que la grande chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009. Elles contestent les appréciations de la grande chambre de recours et, par conséquent, la conclusion quant au caractère descriptif de la marque contestée pour l’ensemble des produits et des services en cause.
18 Plus particulièrement, la requérante estime que, en dépit de l’absence d’une législation à l’échelle de l’Union qui interdirait d’enregistrer les noms des pays en tant que marques, la grande chambre de recours a toutefois imposé, de fait, une telle interdiction dans la décision attaquée. À cet égard, elle se serait fondée, selon la requérante, sur des critères non déterminants, tels que la connaissance du nom géographique « Iceland » par le public pertinent ou sur des caractéristiques inexactes
et non corroborées de ce lieu et, en tout état de cause, dénuées de pertinence. De surcroît, elle n’aurait pas tenu compte de certaines enquêtes présentées par la requérante. Enfin, la requérante reproche à la grande chambre de recours d’avoir erronément considéré que les éléments figuratifs de la marque contestée servaient uniquement à mettre en évidence l’élément verbal. Même si la marque verbale Iceland devait être considérée comme étant descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1,
sous c), du règlement no 207/2009, ce que la requérante conteste, les éléments figuratifs de la typographie distinctive en combinaison avec le fond rouge et jaune de la marque contestée excluraient, en revanche, de considérer celle-ci comme étant descriptive.
19 L’EUIPO et Icelandic Trademark Holding contestent les arguments de la requérante et d’INTA.
20 À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, en vertu de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, la nullité de la marque de l’Union européenne est déclarée, sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, lorsque cette marque a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 du même règlement.
21 Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 207/2009
(devenu article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.
22 Ces signes ou indications sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service [arrêts du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 30, et du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, EU:T:2002:41, point 37].
23 Pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques [voir arrêts du 12 janvier 2005, Deutsche Post EURO EXPRESS/OHMI (EUROPREMIUM),
T‑334/03, EU:T:2005:4, point 25 et jurisprudence citée, et du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, EU:T:2005:247, point 25 et jurisprudence citée].
24 De plus, s’il est indifférent qu’une telle caractéristique soit essentielle ou accessoire sur le plan commercial, une caractéristique, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, doit néanmoins être objective et inhérente à la nature du produit ou du service ainsi qu’intrinsèque et permanente pour ce produit ou ce service [voir arrêt du 7 mai 2019, Fissler/EUIPO (vita), T‑423/18, EU:T:2019:291, point 44 et jurisprudence citée].
25 S’agissant plus particulièrement des signes ou des indications pouvant servir pour désigner la provenance ou la destination géographique de catégories de produits ou le lieu de prestation de catégories de services pour lesquelles une marque de l’Union européenne est demandée, en particulier les noms géographiques, il existe un intérêt général à préserver leur disponibilité en raison notamment de leur capacité non seulement de révéler éventuellement la qualité et d’autres propriétés des catégories
de produits ou de services concernées, mais également d’influencer diversement les préférences des consommateurs, par exemple en rattachant les produits ou services à un lieu qui peut susciter des sentiments positifs (arrêt du 6 septembre 2018, Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise/EUIPO, C‑488/16 P, EU:C:2018:673, point 37 ; voir également, par analogie, arrêt du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, EU:C:1999:230, point 26).
26 À cet égard, il convient de rappeler que sont exclus, d’une part, l’enregistrement des noms géographiques en tant que marques lorsqu’ils désignent des lieux géographiques déterminés qui sont déjà réputés ou connus pour la catégorie de produits ou de services concernés et qui, dès lors, présentent un lien avec celle-ci aux yeux des milieux intéressés et, d’autre part, l’enregistrement des noms géographiques susceptibles d’être utilisés par les entreprises qui doivent également être laissés
disponibles pour celles-ci en tant qu’indications de provenance géographique de la catégorie de produits ou de services concernés (voir, par analogie, arrêt du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, EU:C:1999:230, points 29, 30 et 37).
27 Dès lors, un signe ne saurait être refusé à l’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 que si le nom géographique pour lequel l’enregistrement est demandé en tant que marque désigne un lieu qui présente, au moment de la demande, aux yeux des milieux intéressés, un lien avec la catégorie de produits et services concernée ou s’il est raisonnable d’envisager que, dans l’avenir, un tel lien puisse être établi (arrêt du 6 septembre 2018,
Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise/EUIPO, C‑488/16 P, EU:C:2018:673, point 38 ; voir également, par analogie, arrêt du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, EU:C:1999:230, point 31).
28 Or, même si le public pertinent connaît un lieu géographique, il n’en découle pas automatiquement que le signe peut servir, dans le commerce, comme indication de provenance géographique. Pour examiner si les conditions d’application du motif de refus d’enregistrement en cause sont remplies, il faut tenir compte de toutes les circonstances pertinentes, telles que la nature des produits ou services désignés, la renommée plus ou moins grande, notamment dans le secteur économique en cause, du lieu
géographique en cause et la connaissance plus ou moins grande qu’en a le public concerné, les habitudes de la branche d’activité concernée et la question de savoir dans quelle mesure la provenance géographique des produits ou services en cause est susceptible d’être pertinente, aux yeux des milieux intéressés, pour l’appréciation de la qualité ou d’autres caractéristiques des produits ou services concernés [voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2005, Peek & Cloppenburg/OHMI (Cloppenburg),
T‑379/03, EU:T:2005:373, point 49].
29 Par ailleurs, dans le cadre d’une procédure de nullité fondée sur un motif absolu de refus, la marque de l’Union européenne enregistrée étant présumée valide, il appartient à la personne ayant présenté la demande en nullité d’invoquer devant l’EUIPO les éléments concrets qui mettraient en cause sa validité [arrêt du 13 septembre 2013, Fürstlich Castell’sches Domänenamt/OHMI – Castel Frères (CASTEL), T‑320/10, EU:T:2013:424, point 28].
30 En l’espèce, en premier lieu, il convient de relever que la requérante ne conteste pas la définition du public pertinent, retenue par la grande chambre de recours aux points 89 à 93 de la décision attaquée, selon laquelle celui-ci était composé du grand public anglophone de l’Union à la date de la demande d’enregistrement de la marque contestée le 12 février 2013, situé sur les territoires de Chypre, de la Finlande, de l’Irlande, de Malte, des Pays-Bas, des pays scandinaves, y compris le
Danemark, et du Royaume-Uni.
31 En deuxième lieu, dans la décision attaquée, la grande chambre de recours a considéré, en substance, que le mot « Iceland » était connu par une partie significative du public pertinent en tant que nom d’un pays faisant notamment partie de l’Espace économique européen (EEE).
32 À cet égard, d’une part, il convient de relever que la marque contestée désigne le nom d’un pays, du point de vue géographique, situé en Europe, composé d’un territoire relativement peu peuplé ainsi que d’une superficie plus grande que celle de certains États membres de l’Union et de l’EEE.
33 D’autre part, il y a lieu de constater que, contrairement à ce qu’avance la requérante, la connaissance de l’Islande n’a pas été retenue par la grande chambre de recours comme critère déterminant dans l’appréciation du caractère descriptif de la marque en cause. En effet, celle-ci a clairement indiqué, au point 121 de la décision attaquée, que l’appréciation du caractère descriptif de cette même marque nécessitait également la prise en compte d’autres facteurs pertinents tels que la connaissance
des caractéristiques du lieu désigné par ce nom géographique et le lien entre les catégories de produits et de services et la marque contestée.
34 En troisième lieu, dans la décision attaquée, la grande chambre de recours a retenu diverses caractéristiques de l’Islande, qui permettaient de conclure, selon elle, que l’Islande était un pays capable de produire de nombreux types de produits différents et de fournir une large gamme de services.
35 À cet égard, d’une part, il convient de rappeler que la requérante conteste le caractère notoire du fait que l’Islande est l’un des pays les plus respectueux de l’environnement au monde, l’appréciation de la grande chambre de recours sur les importantes relations commerciales qu’entretiendrait l’Islande avec les États membres de l’Union et la qualification de l’industrie du tourisme islandaise comme étant en plein « essor ». La grande chambre de recours aurait erronément considéré que la
destination la plus courante pour les exportations des produits d’Islande était le Danemark et non les Pays-Bas et elle aurait commis une erreur de fait en estimant que l’Islande fournissait une gamme raisonnablement large de produits et de services.
36 Toutefois, force est de constater que la requérante n’avance aucun argument ou élément concret pour remettre en cause la matérialité des appréciations de la grande chambre de recours. Ainsi, il y a lieu de considérer que l’appréciation de ces caractéristiques relatives à l’Islande ne peut pas être remise en cause par l’argumentation générale et non circonstanciée de la requérante. En outre, premièrement, l’analyse des éléments de preuve sur lesquels s’est fondée la grande chambre de recours dans
la décision attaquée permet de confirmer qu’ils établissent à suffisance de droit que l’Islande était un pays respectueux de l’environnement, ce qui contribuait, en outre, à en faire une destination touristique prisée [voir points 108, 109, 125, 126 et 146 de la décision attaquée, portant sur des éléments d’information concordants du Collins Dictionary et de l’Encyclopedia Britannica, ainsi que, notamment, sur l’enquête d’Íslandsstofa (Promote Iceland) réalisée en 2015 au Danemark, en France, en
Allemagne et au Royaume-Uni, quant à la perception de l’Islande par les touristes, ou encore, les données ressortant du document Tourism in Iceland in Figures, May 2016 (Tourisme en Islande en graphiques, mai 2016)]. Deuxièmement, il ressort desdits éléments de preuve que l’Islande proposait une large gamme de produits et de services, tout en entretenant, en rapport avec ceux-ci, des relations commerciales importantes avec les pays de l’EEE [voir, notamment, point 127 de la décision attaquée,
renvoyant à l’Annuaire statistique d’Islande de 2015, ainsi qu’à la déclaration de la présidente de la section du commerce extérieur de l’Office statistique de l’Islande, du 27 janvier 2016, portant sur les exportations de l’Islande vers l’Union durant la période allant de 1999 à 2014]. Par ailleurs, lesdits éléments démontrent que ces relations commerciales sont restées stables, voire qu’elles se sont légèrement intensifiées, postérieurement à la date de la demande d’enregistrement de la marque
contestée le 12 février 2013.
37 D’autre part, en ce qui concerne les contestations de la requérante et d’INTA quant à la pertinence des caractéristiques de l’Islande prises en compte dans la décision attaquée aux fins de l’appréciation du lien entre ce pays et les produits et services désignés par la marque contestée, il résulte de la jurisprudence rappelée aux points 26 et 27 ci-dessus que les marques possèdent un caractère descriptif lorsqu’elles désignent des lieux géographiques déterminés qui sont déjà réputés ou connus
pour la catégorie de produits et de services concernée, mais également, ceux pour lesquels il est raisonnable d’envisager que, dans l’avenir, ils seront utilisés par les entreprises en tant qu’indication de provenance géographique de la catégorie de produits ou de services concernés.
38 Il ressort de ce qui précède que c’est à tort que la requérante affirme qu’il était nécessaire, en l’espèce, d’apprécier la « renommée » dont jouissait l’Islande auprès du public pertinent, ou dont elle était susceptible de jouir dans le futur, en lien avec les produits et les services désignés par la marque contestée. En effet, comme il ressort de la jurisprudence rappelée au point 28 ci-dessus, il convient de tenir compte d’un ensemble de circonstances, telles qu’elles se présentaient à la date
du 12 février 2013, ainsi que dans une vision prospective, celles-ci ne se limitant pas à la seule question de la renommée. En outre, les différentes caractéristiques de l’Islande, prises en considération par la grande chambre de recours, sont importantes aux fins de déterminer dans quelle mesure la provenance géographique des produits ou services en cause est susceptible d’être pertinente, aux yeux des milieux intéressés, pour l’appréciation de la qualité ou d’autres caractéristiques des
produits ou services concernés.
39 Pour ces mêmes raisons, la requérante n’est pas fondée à reprocher à la grande chambre de recours d’avoir tenu compte de la prospérité économique, incluant l’appréciation du produit intérieur brut (PIB), de la main-d’œuvre qualifiée ou encore de la présence d’industries différentes, dès lors que ces critères pouvaient permettre de déterminer si l’Islande était susceptible de devenir connue ou réputée en tant que lieu de provenance géographique pour les produits et les services en cause. Il
ressort d’une lecture globale de la décision attaquée, notamment de ses points 146, 147 et 176, que la grande chambre de recours a reconnu le caractère pertinent de l’économie islandaise (tant au regard d’aspects quantitatifs, tels que le PIB, qu’au regard d’aspects qualitatifs) afin de corroborer sa conclusion relative à la capacité de ce pays à produire et à fournir une large gamme de produits et de services et au caractère descriptif de la marque contestée dans la perception du public
pertinent. À cet égard, il y a encore lieu de relever qu’il ressort de la jurisprudence que le PIB est pertinent lors de la détermination des caractéristiques d’un lieu géographique désigné par le signe dont l’enregistrement est demandé et, par conséquent, lors de l’appréciation du lien qui existe entre les produits et les services visés par ledit signe et le nom géographique désigné [voir, en ce sens, arrêt du 23 février 2022, Govern d’Andorra/EUIPO (Andorra), T‑806/19, non publié, EU:T:2022:87,
point 65]. En l’espèce, il ressort, de surcroît, des points 118, 127 et 144 de la décision attaquée que la grande chambre de recours a tenu compte des indicateurs économiques dans leur ensemble, en combinaison avec les données statistiques portant sur les exportations et les importations de l’Islande.
40 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de procéder à l’examen concret, relatif à la question de savoir si la marque contestée désignait, aux yeux des milieux intéressés, au moment de la demande d’enregistrement, un lieu qui présentait un lien avec les catégories de produits et de services concernés ou s’il était raisonnable d’envisager que, à l’avenir, un tel lien puisse être établi.
Sur les produits relevant des classes 29 et 30 désignés par la marque contestée
41 Premièrement, la grande chambre de recours a estimé que l’indication de l’origine géographique, en substance, des denrées alimentaires et des produits agricoles constituait non seulement une pratique courante dans le commerce, mais aussi, eu égard à certains produits, une obligation afin d’assurer un niveau élevé de protection de la santé des consommateurs et de garantir leur droit à l’information. Ainsi, les consommateurs qui seraient confrontés au nom d’un pays figurant sur ces produits
seraient plus susceptibles de le percevoir en tant que lieu d’origine et dans un sens descriptif, et ce quand bien même le pays en question ne jouirait pas d’une renommée ou ne serait pas connu pour un produit particulier.
42 Deuxièmement, la grande chambre de recours a considéré que si l’Islande pouvait être principalement associée au poisson, aux fruits de mer, à la viande et aux produits laitiers, elle produisait d’autres produits alimentaires, tels que des fruits, des légumes et des herbes. Par ailleurs, les serres, chauffées à l’énergie géothermique, pourraient permettre de raisonnablement s’attendre à une capacité de production alimentaire assez variée. Compte tenu du fait que des volailles seraient élevées et
que des œufs et des céréales seraient couramment produits, emballés et commercialisés en Europe, les consommateurs penseraient que ces produits sont susceptibles de provenir d’Islande. Tel serait également le cas s’agissant des graisses et des huiles comestibles et, en particulier, de l’huile de colza qui pourrait être cultivée dans des climats plus froids.
43 Troisièmement, la grande chambre de recours a décidé que si, de par leur nature même, certains produits relevant de la classe 30 n’étaient pas cultivés en Islande, tels que le cacao, le café, le thé, le riz, le sagou et le tapioca, ils pouvaient néanmoins y être transformés et adaptés au goût local.
44 La requérante soutient, en substance, que la grande chambre de recours s’est erronément concentrée, lors de l’appréciation du lien entre les produits relevant des classes 29 et 30 et le nom géographique en cause, sur le fait que l’Islande produisait, dans une certaine mesure, des denrées alimentaires alors que celles-ci ne représenteraient qu’une part minime des produits exportés par ce pays. De surcroît, pour certains produits « exotiques », les appréciations de la grande chambre de recours
seraient purement théoriques et dénuées de pertinence. En outre, la requérante soutient que l’obligation juridique d’indiquer le pays d’origine sur un produit n’a aucune influence sur l’utilisation du nom de ce pays en tant que marque.
45 À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que les produits relevant des classes 29 et 30, désignés par la marque contestée, comprennent des denrées alimentaires, d’origine végétale et animale, et des liquides destinés à la consommation humaine, appartenant tous au secteur alimentaire.
46 Selon la jurisprudence, il est conforme à la pratique usuelle à l’égard de produits agroalimentaires qu’ils soient désignés par un terme géographique lequel indique ainsi, ou est susceptible d’indiquer, leur provenance géographique [voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2003, Nordmilch/OHMI (OLDENBURGER), T‑295/01, EU:T:2003:267, points 42 à 45]. La provenance géographique des produits en cause peut être considérée comme étant susceptible d’être particulièrement pertinente, aux yeux du public
pertinent, pour l’appréciation de la qualité ou d’autres caractéristiques des produits concernés, au regard également, de considérations générales d’ordre sanitaire, économique, environnemental, social ou éthique.
47 En second lieu, il convient de constater que, ainsi qu’il ressort des éléments du dossier de la procédure administrative devant l’EUIPO, l’Islande produit et exporte divers types de produits agroalimentaires, notamment des poissons et des produits à base de poisson, divers types de viande, des produits laitiers, des fruits et des légumes. En particulier, il ressort desdits éléments du dossier que l’Islande produisait et exportait ces produits entre 1999 et 2014, c’est-à-dire durant une période
située en amont et en aval de la date de la demande d’enregistrement de la marque contestée [voir notamment point 127 de la décision attaquée, renvoyant à l’Annuaire statistique d’Islande de 2015 ainsi qu’à la déclaration de la présidente de la section du commerce extérieur de l’Office statistique de l’Islande, du 27 janvier 2016, portant sur les exportations de l’Islande vers l’Union durant la période allant de 1999 à 2014].
48 De surcroît, c’est à juste titre que la grande chambre de recours a affirmé, au point 154 de la décision attaquée (voir point 42 ci-dessus), s’agissant de certains des autres produits en cause, tels que les volailles et les œufs, qu’ils pouvaient être élevés et produits dans toute l’Europe et donc susceptible de l’être également en Islande. De même, des graisses et des huiles comestibles, en particulier l’huile de colza, pouvaient être produites ou cultivées même dans des climats plus froids,
comme en Islande. Ainsi, dans l’ensemble, ces produits relevant des classes 29 et 30, désignés par la marque contestée, peuvent être produits, emballés et commercialisés en Islande et exportés vers les pays de l’EEE.
49 Il en ressort que l’Islande produisait, à la date de la demande d’enregistrement de la marque contestée, une large gamme de produits relevant des classes 29 et 30, désignés par la marque contestée, qu’elle exportait également ces produits et qu’elle était susceptible d’en produire d’autres. Compte tenu de la capacité, actuelle ou potentielle, de fabrication et d’exportation de ces produits par l’Islande, il convient de considérer que lorsqu’un des produits, relevant des classes 29 et 30, est
commercialisé sous la marque contestée, il peut être perçu comme provenant de ce pays. À cet égard, contrairement à ce qu’allègue la requérante, il ne saurait être reproché à la grande chambre de recours de ne pas avoir pris en compte la circonstance liée à une prétendue part « minime » des denrées alimentaires exportées par l’Islande. À supposer que l’exportation actuelle des denrées alimentaires par l’Islande ne constitue pas une part relativement importante de ses exportations en général, une
telle allégation ne permet pas de remettre en cause le lien descriptif entre la marque et les produits relevant des classes 29 et 30 dans la mesure où elle ne tient pas compte d’une vision prospective du lien pouvant raisonnablement être établi entre la marque contestée et les produits visés.
50 En outre, dans la mesure où la requérante présente des arguments visant à contester l’existence d’un lien entre la marque contestée et la viande de phoque, force est de relever qu’elle ne remet pas en cause le fait que d’autres types de viande, tels que la viande bovine, ovine et porcine, sont produits en Islande et, selon les éléments de preuve produits au cours de la procédure administrative, exportés par l’Islande. Ainsi, son argumentation ne saurait remettre en cause le caractère descriptif
de la marque contestée s’agissant de la catégorie plus large de la « viande » relevant de la classe 29.
51 S’agissant du cacao, du café et du thé, relevant de la classe 30, il est, certes vrai, ainsi que le soutient la requérante, que ces produits, par leur nature même, ne sont pas cultivés en Islande et qu’il est peu probable qu’ils le soient à l’avenir. Toutefois, la grande chambre de recours a fait valoir, à juste titre, aux points 152 et 155 de la décision attaquée, qu’ils pouvaient y être transformés et adaptés au goût local. Les exemples des sélections de thé provenant de l’Irlande, de
l’Angleterre ou de l’Écosse, où ce produit n’est pourtant pas cultivé, qui étaient proposées à la vente au détail dans l’Union, invoqués par la grande chambre de recours, en constituent également des illustrations pertinentes. Ces mêmes considérations sont applicables à d’autres produits des classes en cause, tels que le sucre, le chocolat et les produits à base de chocolat ou les différents produits à base de fruits, ceux-ci pouvant être cultivés et séchés, mis en conserve ou autrement
transformés en Islande, notamment s’agissant de produits à base de myrtilles, de mûres sauvages ou de groseilles à grappes (voir point 152 de la décision attaquée).
52 S’il convenait de comprendre les allégations de la requérante comme visant l’absence de preuves corroborant l’existence d’une pratique de transformation ou d’adaptation aux préférences locales, en Islande, de produits tels que le cacao, le café ou le thé et d’autres produits visés au point 51 ci-dessus, il y a lieu toutefois de constater que ladite possibilité demeurait raisonnable, aux yeux du public pertinent. En effet, ce type de produits peut relever d’un marketing particulier, mettant en
valeur un produit présentant des valeurs gustatives adaptées au goût local ou d’autres qualités particulières, liées à leur provenance géographique.
53 Il y a lieu de relever que ces produits, ainsi que certains autres produits relevant des classes 29 et 30, tels que les épices, les sauces, le ketchup et de nombreux autres produits, peuvent, à la suite d’une adaptation, être dotés de caractéristiques particulières à l’Islande eu égard, par exemple, aux méthodes de traitement permettant la mise en exergue de saveurs particulières et être perçus comme tels par le public pertinent.
54 Eu égard à tout ce qui précède, il convient de conclure que c’est à juste titre que la grande chambre de recours a considéré que la marque contestée possédait un caractère descriptif à l’égard des produits relevant des classes 29 et 30.
Sur les services relevant de la classe 35 désignés par la marque contestée
55 Les services relevant de la classe 35, désignés par la marque contestée, d’une part, se réfèrent, en substance, à la vente au détail en magasins et en ligne. D’autre part, il s’agit de services de publicité, de marketing et de promotion ainsi que de services d’organisation et d’exploitation commerciale d’une entreprise.
56 La grande chambre de recours a estimé, en substance, que la marque contestée était susceptible d’être utilisée en tant que référence au lieu à partir duquel les services de vente au détail relevant de la classe 35 étaient généralement fournis. En outre, le public pertinent pourrait percevoir cette marque comme une référence à une qualité spécifique des produits commercialisés dans le cadre desdits services.
57 La requérante fait valoir, en substance, qu’il est peu probable que les services relevant de la classe 35 proviennent d’Islande, compte tenu de la faible densité de sa population et de son territoire en grande partie inhabitable, qui ne permettraient pas de maintenir une chaîne de magasins d’alimentation. Par ailleurs, la requérante met en exergue le fait que l’Islande n’« exporte » aucun service de vente au détail.
58 À titre liminaire, bien que cela ne soit pas contesté par les parties, il convient de noter que, au point 160 de la décision attaquée, la grande chambre de recours a rappelé que les services concernés étaient « essentiellement des services de vente au détail ». Au point 161 de ladite décision, cette même chambre a analysé le lien entre ces services et le nom géographique en cause, en faisant expressément référence à des « points de vente au détail ». Toutefois, aux points 162 à 164 de cette même
décision, lors de l’analyse dudit lien, elle a fait abstraction des services expressément visés, en se référant aux « catégories de services désignées par la marque contestée » (point 162), « [auxdits] services » ou à « ces services » (point 163), aux « services visés par la marque contestée » et aux « services concernés » (point 164), ces points de la décision attaquée citant, en outre, l’arrêt du 20 juillet 2016, Internet Consulting/EUIPO – Provincia Autonoma di Bolzano-Alto Adige (SUEDTIROL)
(T‑11/15, EU:T:2016:422), qui concernait, en substance, des services de gestion et d’administration commerciale.
59 Ainsi, quand bien même, dans son raisonnement, la grande chambre de recours n’a pas fait une référence expresse à des services de publicité, de marketing et de promotion ainsi qu’à des services d’organisation et d’exploitation commerciale d’une entreprise, il résulte d’une lecture globale des motifs exposés aux points 162 à 164 de la décision attaquée qu’ils doivent être compris comme visant tous les services désignés par la marque contestée et non seulement ceux relatifs à la vente au détail. En
effet, les considérations liées aux qualités spécifiques des services, qui pourraient être décrits par le nom géographique « Islande » en ce qu’ils seraient, « par exemple, adaptés aux exigences particulières des entreprises opérant dans cette région, marquée par un contexte politique, administratif et linguistique particulier », ne sont applicables, en principe, qu’aux services, en substance, de publicité, de marketing et de promotion ainsi qu’aux services d’organisation et d’exploitation
commerciale d’une entreprise, et ce d’autant plus que cette affirmation fait référence au public professionnel, auquel ces services sont destinés.
60 En tout état de cause, en l’absence d’arguments de la requérante et d’INTA sur l’appréciation du lien de rattachement futur entre les services cités aux points 58 et 59 ci-dessus et le nom géographique désigné par la marque contestée, la présente analyse du Tribunal se concentrera sur ladite appréciation eu égard aux seuls services, en substance, de vente au détail ainsi qu’au nom géographique en cause.
61 Il y a lieu de souligner que les services de vente au détail, désignés par la marque contestée, portent sur des produits alimentaires, des boissons et des produits ménagers qui sont tous produits en Islande. De plus, il peut s’agir de produits, tels que les poissons, les fruits de mer ou autres produits de la mer, pour lesquels la requérante ne conteste pas que l’Islande est connue comme étant le pays d’origine.
62 En ce qui concerne les arguments de la requérante afférents à l’absence d’exportation des services désignés par la marque contestée et à l’absence de renommée de l’Islande pour ces services et les arguments tirés de ce que la taille de la population islandaise s’oppose à la capacité de ce pays à maintenir une chaîne de magasins d’alimentation, ils ne sauraient prospérer, pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 37 et 38 ci-dessus, sans, d’ailleurs, qu’une distinction selon
l’importance démographique du lieu géographique en cause soit pertinente. En effet, il est raisonnable d’estimer que, lorsque les services en cause portent la marque contestée, ils seront perçus comme étant fournis dans des magasins localisés dans ce pays.
63 Eu égard à ce qui précède, il convient de relever que la grande chambre de recours a considéré, à juste titre, que la marque contestée possédait un caractère descriptif à l’égard des services relevant de la classe 35.
Sur certaines allégations transversales de la requérante et d’INTA
64 Aucun des autres arguments de la requérante et d’INTA n’est de nature à infirmer la conclusion de la grande chambre de recours relative au caractère descriptif de la marque contestée pour les produits et les services qu’elle couvre.
65 En premier lieu, la requérante et INTA font valoir que la grande chambre de recours a commis une erreur de droit en considérant, en substance, que l’enregistrement des noms de pays se heurtait nécessairement au motif absolu de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous c) et f), du règlement no 207/2009, indépendamment des produits ou des services concernés.
66 Toutefois, force est de constater qu’une telle allégation découle d’une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, ainsi qu’il résulte de la lecture globale de cette même décision, notamment de ses points 94 à 214, la grande chambre de recours s’est livrée à une analyse détaillée du caractère descriptif de la marque contestée au regard de l’ensemble des produits et des services en cause.
67 En deuxième lieu, il convient de constater que, contrairement à ce qu’allègue la requérante, ni la typographie ni la couleur de la marque contestée ne lui donne un effet inhabituel ou frappant. En effet, l’élément verbal de ladite marque est représenté dans une police de lettres blanches standard, sans aucune particularité typographique. Si, certes, il est placé sur un fond rectangulaire rouge, orange et jaune, dont l’effet jaune et orange donne l’impression d’un aspect quelque peu délavé, le
fond coloré, notamment en couleurs orange et jaune, est, en substance, courant dans la publicité ou sur les emballages, de sorte que le consommateur le considère comme un élément décoratif.
68 Dans ces circonstances, c’est à juste titre que la grande chambre de recours a considéré que les éléments figuratifs de la marque contestée servaient uniquement à mettre en évidence l’élément verbal de ladite marque et n’en modifiaient aucunement le contenu descriptif véhiculé par ce dernier élément.
69 En troisième lieu, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel l’article 12, sous b), du règlement no 207/2009 (devenu article 14, sous b), du règlement 2017/1001) permet d’assurer l’utilisation du nom « Iceland » aux entités islandaises, il convient de constater que cette disposition, intitulée « Limitation des effets de la marque [de l’Union européenne] », est libellée comme suit :
« Le droit conféré par la marque [de l’Union européenne] ne permet pas à son titulaire d’interdire à un tiers l’usage, dans la vie des affaires :
[...]
b) d’indications relatives à l’espèce, à la qualité, à la quantité, à la destination, à la valeur, à la provenance géographique, à l’époque de la production du produit ou de la prestation du service ou à d’autres caractéristiques de ceux-ci ;
[...]
pour autant que cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale. »
70 La disposition rappelée au point 69 ci-dessus vise notamment à régler les problèmes qui se posent quand une marque composée en tout ou en partie d’un nom géographique a été enregistrée et ne confère pas aux tiers l’usage d’un tel nom en tant que marque, mais se borne à assurer qu’ils peuvent l’utiliser de manière descriptive, à savoir en tant qu’indication relative à la provenance géographique, à condition que l’utilisation en soit faite conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou
commerciale (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, EU:C:1999:230, points 26 à 28).
71 Contrairement à ce que paraît suggérer la requérante, la circonstance selon laquelle l’article 12, sous b), du règlement no 207/2009 assure que tout opérateur économique puisse librement utiliser des indications relatives aux caractéristiques de produits et de services ne permet pas d’assurer la protection de l’intérêt général sous-jacent à l’article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement. Bien au contraire, ladite circonstance met en évidence l’intérêt à ce que le motif, par ailleurs absolu,
de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 soit effectivement appliqué à tout signe pouvant désigner une caractéristique des produits ou des services pour lesquels la marque est enregistrée (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 61 et jurisprudence citée). Dès lors, il convient de rejeter l’argument de la requérante comme non fondé.
72 En quatrième et dernier lieu, la requérante paraît reprocher à la grande chambre de recours d’avoir écarté, comme irrecevable, l’enquête élaborée le 2 août 2019, tenant compte des entretiens téléphoniques effectués en juin 2019.
73 Toutefois, à la lecture combinée, notamment, des points 137, 138, 157 et 196 de la décision attaquée, il convient de constater que ce n’est pas la question de la recevabilité de l’enquête réalisée le 2 août 2019, mais celle de sa valeur probante qui a été analysée par la grande chambre de recours.
74 Par ailleurs, à supposer même que la requérante entende contester l’appréciation du caractère probant de cette enquête, il suffit de relever qu’elle ne tire aucune conséquence concrète qu’aurait eue ladite enquête sur l’appréciation du caractère descriptif de la marque contestée. En tout état de cause, ainsi que l’a, à juste titre, considéré la grande chambre de recours, au point 157 de la décision attaquée, le simple fait de demander aux personnes interrogées quels produits leur viennent à
l’esprit lorsqu’elles sont confrontées à la marque contestée n’est pas un test infaillible et adéquat permettant d’apprécier le caractère descriptif de cette dernière, cette appréciation devant toujours être effectuée en tenant compte des produits et des services couverts par cette marque (voir jurisprudence citée au point 23 ci-dessus).
75 Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il convient de rejeter le premier moyen.
Sur le second moyen, tiré de la violation l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009
76 Par son second moyen, la requérante, soutenue par INTA, avance, en substance, que la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.
77 L’EUIPO et Icelandic Trademark Holding contestent les arguments de la requérante et d’INTA.
78 Dès lors qu’il ressort de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 qu’il suffit qu’un des motifs absolus de refus qui y sont énumérés s’applique pour que le signe ne puisse être enregistré comme marque de l’Union européenne, et au regard du rejet du premier moyen de la requérante, visant la conclusion de la grande chambre de recours, selon laquelle l’article 7, paragraphe 1, sous c), de ce règlement s’appliquait pour déclarer la nullité de la marque contestée pour tous les produits et
services qu’elle désigne, il n’est pas nécessaire d’examiner le bien-fondé du second moyen invoqué par la requérante, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.
79 Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il convient de rejeter le second moyen et, partant, le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
80 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
81 Une audience ayant eu lieu et la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et d’Icelandic Trademark Holding.
82 INTA supportera ses propres dépens conformément à l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (septième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Iceland Foods Ltd est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et par Icelandic Trademark Holding ehf.
3) International Trademark Association (INTA) supportera ses propres dépens.
Kowalik-Bańczyk
Buttigieg
Dimitrakopoulos
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 juillet 2025.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.