ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)
16 juillet 2025 ( *1 )
« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale ICELAND – Cause de nullité absolue – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001] »
Dans l’affaire T‑105/23,
Iceland Foods Ltd, établie à Deeside (Royaume-Uni), représentée par Me G. Vos, avocat,
partie requérante,
soutenue par
International Trademark Association (INTA), établie à New York (États-Unis), représentée par Mes N. Parrotta, M. Perraki et A. Lubberger, avocats,
partie intervenante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. V. Ruzek, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
les autres parties à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant
Íslandsstofa (Promote Iceland), établie à Reykjavik (Islande),
Islande,
SA – Business Iceland, établie à Reykjavik,
représentées par Mes A. von Mühlendahl et H. Hartwig, avocats,
LE TRIBUNAL (septième chambre),
composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk, présidente, MM. E. Buttigieg et I. Dimitrakopoulos (rapporteur), juges,
greffier : M. G. Mitrev, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 16 octobre 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Iceland Foods Ltd, demande l’annulation de la décision de la grande chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 15 décembre 2022 (affaire R 1238/2019-G) (ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 Le 14 novembre 2016, Íslandsstofa (Promote Iceland), l’Islande et SA – Business Iceland ont présenté à l’EUIPO une demande en nullité de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée à la suite d’une demande déposée par la requérante le 19 avril 2002 pour le signe verbal ICELAND.
3 Les produits et services couverts par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relevaient des classes 7, 11, 16, 29 à 32 et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient, pour chacune de ces classes, à la description suivante :
– classe 7 : « Appareils de nettoyage électriques pour le ménage, y compris appareils électriques pour le nettoyage des fenêtres, appareils électriques pour le nettoyage des chaussures et aspirateurs ; machines à laver ; appareils ménagers ; pièces et parties constitutives pour tous les produits précités ; tous les produits précités compris dans la classe 7 » ;
– classe 11 : « Appareils de chauffage, de cuisson, de réfrigération, de séchage ou de ventilation ; congélateurs, réfrigérateurs, congélateurs-réfrigérateurs combinés, fours à micro-ondes ; pièces et parties constitutives pour tous les produits précités ; tous les produits précités compris dans la classe 11 » ;
– classe 16 : « Papier, carton, articles en papier, articles en carton, matériaux d’emballage et d’empaquetage ; sacs d’emballage en papier ou en matières plastiques ; papier toilette, serviettes en papier, sacs de transport, sachets en plastique, sacs en papier ou en plastique ; fermoirs pour sacs ; étiquettes ; stylos, crayons ; transferts ; étiquettes de prix et tickets et supports sous forme d’enveloppes ; produits de l’imprimerie, publications périodiques et papeterie ; tous les produits
précités compris dans la classe 16 » ;
– classe 29 : « Viande, volaille et gibier, extraits de viande ; fruits et légumes conservés, séchés et bouillis ; gelées, confitures ; œufs, lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles ; conserves de viande et de légumes ; tous les produits précités compris dans la classe 29 » ;
– classe 30 : « Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café ; farines et préparations faites de céréales, pain, glaces comestibles ; pâtisserie et confiserie, glaces comestibles ; miel, mélasse ; levure, poudre pour faire lever, sel, moutarde ; vinaigre, sauces, sauces à salade ; épices ; glaces à rafraîchir ; tous les produits précités compris dans la classe 30 » ;
– classe 31 : « Produits agricoles, horticoles et forestiers et graines, non compris dans d’autres classes ; fruits et légumes frais ; semences ; plantes et fleurs naturelles ; aliments pour animaux, malt ; tous les produits précités compris dans la classe 31 » ;
– classe 32 : « Bières, eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons de fruits et de jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons ; tous les produits précités compris dans la classe 32 » ;
– classe 35 : « Rassemblement, pour le compte de tiers, d’un éventail de produits afin de permettre aux clients d’examiner et d’acheter facilement ces produits dans un supermarché ; le rassemblement, pour des tiers, d’un éventail de produits permettant aux clients de visualiser et d’acheter facilement ces produits dans un magasin de proximité ; rassemblement, pour le compte de tiers, d’un éventail de produits afin de permettre aux clients d’examiner et d’acheter facilement ces produits chez des
détaillants en aliments, boissons et produits ménagers ; rassemblement, pour le compte de tiers, d’un éventail de produits afin de permettre aux clients d’examiner et d’acheter facilement ces produits chez des détaillants en aliments, boissons, produits ménagers et appareils électroménagers ; rassemblement, pour le compte de tiers, d’un éventail de produits afin de permettre aux clients d’examiner et d’acheter facilement ces produits chez des détaillants en aliments, boissons et produits
ménagers ; rassemblement, pour le compte de tiers, d’un éventail de produits afin de permettre aux clients d’examiner et d’acheter facilement ces produits chez des détaillants en aliments, boissons, produits ménagers et appareils électroménagers ; rassemblement, pour le compte de tiers, d’un éventail de produits afin de permettre aux clients d’examiner et d’acheter facilement ces produits à partir d’un site web sur l’internet spécialisé dans la commercialisation de produits alimentaires, de
boissons, de produits ménagers et d’appareils électroménagers ; rassemblement, pour le compte de tiers, d’un éventail de produits afin de permettre aux clients d’examiner et d’acheter facilement ces produits à partir d’un site web sur l’internet (y compris d’un site web sur l’internet accessible via un ordinateur, des réseaux informatiques, des téléphones mobiles compatibles avec l’internet, des télévisions, des récepteurs de radiomessagerie et des organiseurs électroniques), spécialisé dans la
commercialisation de produits alimentaires, de boissons, de produits ménagers et d’appareils électroménagers ; le rassemblement, pour des tiers, d’un éventail de produits permettant aux clients de visualiser et d’acheter facilement ces produits dans un catalogue de commande par correspondance de produits alimentaires, de boissons, de produits ménagers et d’appareils électroménagers ou par voie de télécommunication ».
4 Les causes de nullité invoquées à l’appui de la demande en nullité étaient, en substance, celles visées à l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 40/94, du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), c) et g), dudit règlement [devenus, respectivement, article 52, paragraphe 1, sous a), et article 7, paragraphe 1, sous b), c) et g), du règlement (CE) no 207/2009 du
Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, eux-mêmes devenus article 59, paragraphe 1, sous a), et article 7, paragraphe 1, sous b), c) et g), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].
5 Le 5 avril 2019, la division d’annulation a accueilli la demande en nullité pour l’ensemble des produits et services visés au point 3 ci-dessus.
6 Le 5 juin 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.
7 Lors de la procédure devant la grande chambre de recours, Íslandsstofa (Promote Iceland), l’Islande et SA – Business Iceland ont soulevé une cause de nullité supplémentaire à celles présentées devant la division d’annulation, fondée, en substance, sur l’application des dispositions combinées de l’article 51, paragraphe 1, sous a), et de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement no 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009, lui-même devenu article 7,
paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001].
8 Par la décision attaquée, la grande chambre de recours a rejeté le recours. En substance, en premier lieu, elle a considéré que la demande en nullité de la marque contestée, fondée sur l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement no 40/94, était irrecevable, en raison de l’introduction tardive de celle-ci au stade du recours.
9 En second lieu, d’une part, la grande chambre de recours a considéré que la marque contestée était perçue par le public pertinent, à savoir le grand public anglophone de l’Union européenne, comme une indication selon laquelle les produits et les services désignés par celle-ci provenaient d’Islande. Dès lors, elle a considéré que la marque contestée avait été enregistrée contrairement à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94.
10 D’autre part, la grande chambre de recours a rappelé, en substance, qu’il suffisait qu’un des motifs absolus de refus s’applique pour que le signe en cause ne puisse être enregistré comme marque de l’Union européenne. En tout état de cause, si la marque contestée devait être examinée à la lumière des dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, elle devrait être considérée comme étant dépourvue de caractère distinctif.
Conclusions des parties
11 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– renvoyer l’affaire devant la division d’annulation en vue de la poursuite de la procédure ;
– condamner l’EUIPO aux dépens relatifs au présent recours et Íslandsstofa (Promote Iceland), l’Islande et SA – Business Iceland aux dépens relatifs aux procédures devant la division d’annulation et la grande chambre de recours.
12 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.
13 Íslandsstofa (Promote Iceland), l’Islande et SA – Business Iceland concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
14 International Trademark Association (INTA) conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– décider qu’elle supportera ses propres dépens.
En droit
15 La requérante invoque, en substance, deux moyens, tirés, d’une part, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94 et, d’autre part, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94
16 La grande chambre de recours a considéré, en substance, que la marque contestée était, pour le public pertinent, descriptive de l’origine géographique des produits et des services qu’elle visait ou de leurs caractéristiques eu égard, notamment, à la connaissance très élevée du nom géographique « Islande » et des caractéristiques de ce pays en termes de nature, d’écologie, d’énergies renouvelables, de prospérité économique, de main-d’œuvre qualifiée et liées à son industrie et aux exportations
réelles. Ces éléments permettraient de conclure que, pour le public pertinent, l’Islande était un pays capable de produire de nombreux types de produits différents et de fournir une large gamme de services. Ainsi, selon la grande chambre de recours, le public pertinent établirait un lien entre les produits et les services en cause et la marque contestée comme indiquant leur provenance géographique ou certaines de leurs caractéristiques liées spécifiquement à cette provenance géographique.
17 La requérante et INTA soutiennent que la grande chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94. Elles contestent les appréciations de la grande chambre de recours et, par conséquent, la conclusion quant au caractère descriptif de la marque contestée pour l’ensemble des produits et des services en cause.
18 Plus particulièrement, la requérante estime que, en dépit de l’absence d’une législation à l’échelle de l’Union qui interdirait d’enregistrer les noms des pays en tant que marques, la grande chambre de recours a toutefois imposé, de fait, une telle interdiction dans la décision attaquée. À cet égard, elle se serait fondée sur des critères non déterminants, tels que la connaissance du nom géographique « Iceland » par le public pertinent ou sur des caractéristiques inexactes et non corroborées de
ce lieu et, en tout état de cause, dénuées de pertinence. De surcroît, elle n’aurait pas tenu compte de certaines enquêtes présentées par la requérante.
19 L’EUIPO, Íslandsstofa (Promote Iceland), l’Islande et SA – Business Iceland contestent les arguments de la requérante et d’INTA.
20 À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, en vertu de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94, la nullité de la marque de l’Union européenne est déclarée, sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, lorsque cette marque a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 du même règlement.
21 Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement (devenu
article 7, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, lui-même devenu article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 40/94 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.
22 Ces signes ou indications sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service [arrêts du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 30, et du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, EU:T:2002:41, point 37].
23 Pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques [voir arrêts du 12 janvier 2005, Deutsche Post EURO EXPRESS/OHMI (EUROPREMIUM),
T‑334/03, EU:T:2005:4, point 25 et jurisprudence citée, et du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, EU:T:2005:247, point 25 et jurisprudence citée].
24 De plus, s’il est indifférent qu’une telle caractéristique soit essentielle ou accessoire sur le plan commercial, une caractéristique, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94, doit néanmoins être objective et inhérente à la nature du produit ou du service ainsi qu’intrinsèque et permanente pour ce produit ou ce service [voir arrêt du 7 mai 2019, Fissler/EUIPO (vita), T‑423/18, EU:T:2019:291, point 44 et jurisprudence citée].
25 S’agissant plus particulièrement des signes ou des indications pouvant servir pour désigner la provenance ou la destination géographique de catégories de produits ou le lieu de prestation de catégories de services pour lesquelles une marque de l’Union européenne est demandée, en particulier les noms géographiques, il existe un intérêt général à préserver leur disponibilité en raison notamment de leur capacité non seulement de révéler éventuellement la qualité et d’autres propriétés des catégories
de produits ou de services concernées, mais également d’influencer diversement les préférences des consommateurs, par exemple en rattachant les produits ou services à un lieu qui peut susciter des sentiments positifs (arrêt du6 septembre 2018, Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise/EUIPO, C‑488/16 P, EU:C:2018:673, point 37 ; voir également, par analogie, arrêt du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, EU:C:1999:230, point 26).
26 À cet égard, il convient de rappeler que sont exclus, d’une part, l’enregistrement des noms géographiques en tant que marques lorsqu’ils désignent des lieux géographiques déterminés qui sont déjà réputés ou connus pour la catégorie de produits ou de services concernés et qui, dès lors, présentent un lien avec celle-ci aux yeux des milieux intéressés et, d’autre part, l’enregistrement des noms géographiques susceptibles d’être utilisés par les entreprises qui doivent également être laissés
disponibles pour celles-ci en tant qu’indications de provenance géographique de la catégorie de produits ou de services concernés (voir, par analogie, arrêt du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, EU:C:1999:230, points 29, 30 et 37).
27 Dès lors, un signe ne saurait être refusé à l’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94 que si le nom géographique pour lequel l’enregistrement est demandé en tant que marque désigne un lieu qui présente, au moment de la demande, aux yeux des milieux intéressés, un lien avec la catégorie de produits et services concernée ou s’il est raisonnable d’envisager que, dans l’avenir, un tel lien puisse être établi (arrêt du 6 septembre 2018,
Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise/EUIPO, C‑488/16 P, EU:C:2018:673, point 38 ; voir également, par analogie, arrêt du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, EU:C:1999:230, point 31).
28 Or, même si le public pertinent connaît un lieu géographique, il n’en découle pas automatiquement que le signe peut servir, dans le commerce, comme indication de provenance géographique. Pour examiner si les conditions d’application du motif de refus d’enregistrement en cause sont remplies, il faut tenir compte de toutes les circonstances pertinentes, telles que la nature des produits ou services désignés, la renommée plus ou moins grande, notamment dans le secteur économique en cause, du lieu
géographique en cause et la connaissance plus ou moins grande qu’en a le public concerné, les habitudes de la branche d’activité concernée et la question de savoir dans quelle mesure la provenance géographique des produits ou services en cause est susceptible d’être pertinente, aux yeux des milieux intéressés, pour l’appréciation de la qualité ou d’autres caractéristiques des produits ou services concernés [voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2005, Peek & Cloppenburg/OHMI (Cloppenburg),
T‑379/03, EU:T:2005:373, point 49].
29 Par ailleurs, dans le cadre d’une procédure de nullité fondée sur un motif absolu de refus, la marque de l’Union européenne enregistrée étant présumée valide, il appartient à la personne ayant présenté la demande en nullité d’invoquer devant l’EUIPO les éléments concrets qui mettraient en cause sa validité [arrêt du 13 septembre 2013, Fürstlich Castell’sches Domänenamt/OHMI – Castel Frères (CASTEL), T‑320/10, EU:T:2013:424, point 28].
30 En l’espèce, en premier lieu, il convient de relever que la requérante ne conteste pas la définition du public pertinent, retenue par la grande chambre de recours aux points 89 à 93 de la décision attaquée, selon laquelle celui-ci était composé du grand public anglophone de l’Union à la date de la demande d’enregistrement de la marque contestée le 19 avril 2002, situé sur les territoires de la Finlande, de l’Irlande, des Pays-Bas, des pays scandinaves, y compris le Danemark, et du Royaume-Uni.
31 En deuxième lieu, dans la décision attaquée, la grande chambre de recours a considéré, en substance, que le mot « Iceland » était connu par une partie significative du public pertinent en tant que nom d’un pays faisant notamment partie de l’Espace économique européen (EEE).
32 À cet égard, d’une part, il convient de relever que la marque contestée désigne le nom d’un pays, du point de vue géographique, situé en Europe, composé d’un territoire relativement peu peuplé ainsi que d’une superficie plus grande que celle de certains États membres de l’Union et de l’EEE.
33 D’autre part, il y a lieu de constater que, contrairement à ce qu’avance la requérante, la connaissance de l’Islande n’a pas été retenue par la grande chambre de recours comme critère déterminant dans l’appréciation du caractère descriptif de la marque contestée. En effet, celle-ci a clairement indiqué, au point 121 de la décision attaquée, que l’appréciation du caractère descriptif de cette même marque nécessitait également la prise en compte d’autres facteurs pertinents tels que la connaissance
des caractéristiques du lieu désigné par ce nom géographique et le lien entre les catégories de produits et de services et la marque contestée.
34 En troisième lieu, dans la décision attaquée, la grande chambre de recours a retenu diverses caractéristiques de l’Islande qui permettaient de conclure, selon elle, que l’Islande était un pays capable de produire de nombreux types de produits différents et de fournir une large gamme de services.
35 À cet égard, d’une part, il convient de rappeler que la requérante conteste le caractère notoire du fait que l’Islande est l’un des pays les plus respectueux de l’environnement au monde, l’appréciation de la grande chambre de recours sur les importantes relations commerciales qu’entretiendrait l’Islande avec les États membres de l’Union et la qualification de l’industrie du tourisme islandaise comme étant en plein « essor ». La grande chambre de recours aurait erronément considéré que la
destination la plus courante pour les exportations des produits d’Islande était le Danemark et non les Pays-Bas et elle aurait commis une erreur de fait en estimant que l’Islande fournissait une gamme raisonnablement large de produits et de services.
36 Toutefois, force est de constater que la requérante n’avance aucun argument ou élément concret pour remettre en cause la matérialité des appréciations de la grande chambre de recours. Ainsi, il y a lieu de considérer que l’appréciation de ces caractéristiques relatives à l’Islande ne peut pas être remise en cause par l’argumentation générale et non circonstanciée de la requérante. En outre, l’analyse des éléments de preuve sur lesquels s’est fondée la grande chambre de recours dans la décision
attaquée permet de confirmer qu’ils établissent à suffisance de droit, premièrement, que l’Islande était un pays respectueux de l’environnement [voir points 108, 109, 125, 126 et 146 de la décision attaquée, portant notamment sur les multiples centrales à énergie géothermique et hydraulique gérées par le gestionnaire national en Islande et sur le caractère écologique, de longue date, de la production énergétique en Islande, ainsi que sur des éléments d’information concordants du Collins
Dictionary et de l’Encyclopedia Britannica], deuxièmement, que l’Islande était une destination touristique prisée [voir points 108 et 109 de la décision attaquée et point 126 de ladite décision, faisant notamment référence à l’enquête d’Íslandsstofa (Promote Iceland) réalisée en 2015 au Danemark, en France, en Allemagne et au Royaume‑Uni], troisièmement, que l’Islande proposait une large gamme de produits et de services, tout en entretenant, en rapport avec ceux-ci, des relations commerciales
importantes avec les pays de l’EEE [voir points 143 et 144 de la décision attaquée, renvoyant à l’Annuaire statistique d’Islande de 2015 ainsi qu’à la déclaration de la présidente de la section du commerce extérieur de l’Office statistique de l’Islande, du 27 janvier 2016, portant sur les exportations de l’Islande vers l’Union durant la période allant de 1999 à 2014].
37 D’autre part, en ce qui concerne les contestations de la requérante et d’INTA quant à la pertinence des caractéristiques de l’Islande prises en compte dans la décision attaquée aux fins de l’appréciation du lien entre ce pays et les produits et services désignés par la marque contestée, il résulte de la jurisprudence rappelée aux points 26 et 27 ci-dessus que les marques possèdent un caractère descriptif lorsqu’elles désignent des lieux géographiques déterminés qui sont déjà réputés ou connus
pour la catégorie de produits et de services concernée, mais également, ceux pour lesquels il est raisonnable d’envisager que, dans l’avenir, ils seront utilisés par les entreprises en tant qu’indications de provenance géographique de la catégorie de produits ou de services concernés.
38 Il ressort de ce qui précède que c’est à tort que la requérante affirme qu’il était nécessaire, en l’espèce, d’apprécier la « renommée » dont jouissait l’Islande auprès du public pertinent, ou dont elle était susceptible de jouir dans le futur, en lien avec les produits et les services désignés par la marque contestée. En effet, comme il ressort de la jurisprudence rappelée au point 28 ci-dessus, il convient de tenir compte d’un ensemble de circonstances, telles qu’elles se présentaient à la date
du 19 avril 2002 ainsi que dans une vision prospective, celles-ci ne se limitant pas à la seule question de la renommée. En outre, les différentes caractéristiques de l’Islande, prises en considération par la grande chambre de recours, sont importantes aux fins de déterminer dans quelle mesure la provenance géographique des produits ou services en cause est susceptible d’être pertinente, aux yeux des milieux intéressés, pour l’appréciation de la qualité ou d’autres caractéristiques des produits
ou services concernés.
39 Pour ces mêmes raisons, la requérante n’est pas fondée à reprocher à la grande chambre de recours d’avoir tenu compte de la prospérité économique, incluant l’appréciation du produit intérieur brut (PIB), de la main-d’œuvre qualifiée ou encore de la présence d’industries différentes, dès lors que ces critères pouvaient permettre de déterminer si l’Islande était susceptible de devenir connue ou réputée en tant que lieu de provenance géographique pour les produits et les services en cause. Il
ressort d’une lecture globale de la décision attaquée, notamment de ses points 146, 147, 164, 167 et 185, in fine, que la grande chambre de recours a reconnu le caractère pertinent de l’économie islandaise (tant au regard d’aspects quantitatifs, tels que le PIB, qu’au regard d’aspects qualitatifs) afin de corroborer sa conclusion relative à la capacité de ce pays à produire et à fournir une large gamme de produits et de services et au caractère descriptif de la marque contestée dans la perception
du public pertinent. À cet égard, il y a encore lieu de relever qu’il ressort de la jurisprudence que le PIB est pertinent lors de la détermination des caractéristiques d’un lieu géographique désigné par le signe dont l’enregistrement est demandé et, par conséquent, lors de l’appréciation du lien qui existe entre les produits et les services visés par ledit signe et le nom géographique désigné [voir, en ce sens, arrêt du 23 février 2022, Govern d’Andorra/EUIPO (Andorra), T‑806/19, non publié,
EU:T:2022:87, point 65].
40 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de procéder à l’examen concret, relatif à la question de savoir si la marque contestée désignait, aux yeux des milieux intéressés, au moment de la demande d’enregistrement, un lieu qui présentait un lien avec les catégories de produits et de services concernés ou s’il était raisonnable d’envisager que, à l’avenir, un tel lien puisse être établi.
Sur les produits relevant des classes 29 à 32 désignés par la marque contestée
41 Premièrement, la grande chambre de recours a estimé que l’indication de l’origine géographique des denrées alimentaires, des boissons et des produits agricoles constituait non seulement une pratique courante dans le commerce, mais aussi, eu égard à certains produits, une obligation afin d’assurer un niveau élevé de protection de la santé des consommateurs et de garantir leur droit à l’information. Ainsi, les consommateurs qui seraient confrontés au nom d’un pays figurant sur ces produits seraient
plus susceptibles de le percevoir en tant que lieu d’origine et dans un sens descriptif, et ce quand bien même le pays en question ne jouirait pas d’une renommée ou ne serait pas connu pour un produit particulier.
42 Deuxièmement, la grande chambre de recours a considéré que si l’Islande pouvait être principalement associée au poisson, aux fruits de mer, à la viande et aux produits laitiers, elle produisait d’autres produits alimentaires, tels que des fruits, des légumes et des herbes. Par ailleurs, les serres, chauffées à l’énergie géothermique, pourraient permettre de raisonnablement s’attendre à une capacité de production alimentaire assez variée. Compte tenu du fait que des volailles seraient élevées et
que des œufs et des céréales, de la bière, de l’eau, des jus de fruits et d’autres boissons sans alcool seraient couramment produits, emballés et commercialisés en Europe, les consommateurs penseraient que ces produits sont susceptibles de provenir d’Islande. Tel serait également le cas s’agissant des graisses et des huiles comestibles et, en particulier, de l’huile de colza qui pourrait être cultivée dans des climats plus froids.
43 Troisièmement, la grande chambre de recours a décidé que si, de par leur nature même, certains produits relevant de la classe 30 n’étaient pas cultivés en Islande, tels que le cacao, le café, le thé, le riz, le sagou et le tapioca, ils pouvaient néanmoins y être transformés et adaptés au goût local.
44 La requérante soutient, en substance, que la grande chambre de recours s’est erronément concentrée, lors de l’appréciation du lien entre les produits relevant des classes 29 à 32 et le nom géographique en cause, sur le fait que l’Islande produisait, dans une certaine mesure, des denrées alimentaires alors que celles-ci ne représenteraient qu’une part minime des produits exportés par ce pays. De surcroît, pour certains produits « exotiques », les appréciations de la grande chambre de recours
seraient purement théoriques. En outre, la requérante soutient que l’obligation juridique d’indiquer le pays d’origine sur un produit n’a aucune influence sur l’utilisation du nom de ce pays en tant que marque.
45 À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que les produits relevant des classes 29 à 32 comprennent des denrées alimentaires d’origine végétale et animale et des liquides destinés à la consommation humaine, appartenant tous au secteur alimentaire.
46 Selon la jurisprudence, il est conforme à la pratique usuelle à l’égard de produits agroalimentaires qu’ils soient désignés par un terme géographique lequel indique ainsi, ou est susceptible d’indiquer, leur provenance géographique [voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2003, Nordmilch/OHMI (OLDENBURGER), T‑295/01, EU:T:2003:267, points 42 à 45]. La provenance géographique de tels produits peut être considérée comme étant susceptible d’être particulièrement pertinente, aux yeux du public
pertinent, au sens de la jurisprudence rappelée au point 28 ci-dessus, pour l’appréciation de leur qualité ou d’autres caractéristiques.
47 À ces considérations s’ajoutent celles liées aux caractéristiques spécifiques des produits concernés qui proviennent d’Islande, compte tenu des facteurs naturels relatifs à ce pays ainsi que de la méthode de fabrication ou de traitement desdits produits. Ces considérations sont illustrées par des éléments de preuve, présentés durant la procédure administrative devant l’EUIPO, notamment la brochure de l’Icelandic Lamb Marketing Board (Office islandais de commercialisation des agneaux) sur
l’élevage des agneaux en Islande (point 154 de la décision attaquée), intitulée Buyers Guide – From nature to the table – Flavoured by the wild pastures of Iceland (Guide d’achat – De la nature à la table – Aromatisé par les pâturages sauvages d’Islande), qui, tout en étant daté de 2010, présente un intérêt par rapport à la situation à la date de la demande d’enregistrement de la marque contestée, dans la mesure où elle fait état d’un processus « traditionnel » d’élevage d’agneaux et du
traitement de leur viande. Il ressort notamment de ce document que, afin d’atteindre une haute qualité de leur viande, les agneaux étaient élevés dans une nature sauvage, et ce suivant de hauts standards de qualité. Il est, de surcroît, renvoyé, dans ce même document, à ce qui constituerait un héritage culturel dans ce domaine de production.
48 En second lieu, il convient de constater que, ainsi qu’il ressort des éléments du dossier produits pendant la procédure administrative devant l’EUIPO par Íslandsstofa (Promote Iceland), l’Islande et SA – Business Iceland, l’Islande produit et exporte divers types de produits agroalimentaires, notamment des poissons et des produits à base de poisson, de la viande bovine, ovine et porcine, des produits laitiers, des fruits et des légumes, tels que divers types de laitues, de choux, de tomates, de
brocolis, de carottes et de poivrons, diverses baies, des algues et des herbes, des confiseries incluant du chocolat et des boissons, telles que la bière et des boissons sans alcool. En particulier, il ressort desdits éléments du dossier que l’Islande produisait et exportait ces produits entre 1999 à 2014, c’est-à-dire durant une période à la fois précédant et succédant la date de la demande d’enregistrement de la marque contestée [voir point 154 de de la décision attaquée, notamment la
déclaration de la présidente de la section du commerce extérieur de l’Office statistique de l’Islande, du 27 janvier 2016, portant sur la période allant de 1999 à 2014, ainsi que le document annuel statistique de l’Islande de 2015, comportant des données concrètes, ventilées par domaines de production, quant aux exportations de l’Islande vers l’Union et vers l’EEE)].
49 De surcroît, c’est à juste titre que la grande chambre de recours a affirmé, au point 155 de la décision attaquée (voir point 42 ci-dessus), s’agissant de certains des autres produits en cause, tels que les volailles et les œufs, qu’ils pouvaient être élevés et produits dans toute l’Europe et donc susceptible de l’être également en Islande. De même, des graisses et des huiles comestibles, en particulier l’huile de colza, pouvaient être produites ou cultivées même dans des climats plus froids,
comme en Islande. Ainsi, dans l’ensemble, ces produits relevant des classes 29 à 32, désignés par la marque contestée, peuvent être produits, emballés et commercialisés en Islande et exportés vers les pays de l’EEE. Ces mêmes considérations s’appliquent, ainsi que l’a indiqué la grande chambre de recours au point 155 de la décision attaquée, à la bière et aux boissons sans alcool.
50 Il en ressort que l’Islande produisait, à la date de la demande d’enregistrement de la marque contestée, une large gamme de produits relevant des classes 29 à 32, désignés par la marque contestée, qu’elle exportait également ces produits et qu’elle était susceptible d’en produire d’autres. Compte tenu de la capacité, actuelle ou potentielle, de fabrication et d’exportation de ces produits par l’Islande, il convient de considérer que lorsqu’un des produits, relevant des classes 29 à 32, est
commercialisé sous la marque contestée, il peut être perçu comme provenant de ce pays. À cet égard, contrairement à ce qu’allègue la requérante, il ne saurait être reproché à la grande chambre de recours de ne pas avoir pris en compte la circonstance liée à une prétendue part « minime » des denrées alimentaires exportées par l’Islande. À supposer que l’exportation actuelle des denrées alimentaires par l’Islande ne constitue pas une part relativement importante de ses exportations en général, une
telle allégation ne permet pas de remettre en cause le lien descriptif entre la marque et les produits relevant des classes 29 à 32 dans la mesure où elle ne tient pas compte d’une vision prospective du lien pouvant raisonnablement être établi entre la marque contestée et les produits visés.
51 En outre, dans la mesure où la requérante présente des arguments visant à contester l’existence d’un lien entre la marque contestée et la viande de phoque, force est de relever qu’elle ne remet pas en cause le fait que d’autres types de viande, tels que la viande bovine, ovine et porcine, sont produits en Islande et, selon les éléments de preuve produits au cours de la procédure administrative, exportés par l’Islande. Ainsi, son argumentation ne saurait remettre en cause le caractère descriptif
de la marque contestée s’agissant de la catégorie plus large de la « viande » relevant de la classe 29.
52 S’agissant du cacao, du café et du thé, relevant de la classe 30, il est, certes vrai, ainsi que le soutient la requérante, que ces produits, par leur nature même, ne sont pas cultivés en Islande et qu’il est peu probable qu’ils le soient à l’avenir. Toutefois, la grande chambre de recours a fait valoir, à juste titre, qu’ils pouvaient y être transformés et adaptés au goût local, comme le démontraient les preuves de la fabrication du chocolat, auxquelles elle a fait référence au point 154 de la
décision attaquée, et qui portent sur des entreprises locales de confiserie. Les exemples des sélections de thé provenant de l’Irlande, de l’Angleterre ou de l’Écosse, où ce produit n’est pourtant pas cultivé, qui étaient proposées à la vente au détail dans l’Union, invoqués par la grande chambre de recours, en constituent également des illustrations pertinentes.
53 S’il convenait de comprendre les allégations de la requérante comme visant l’absence de preuves corroborant l’existence d’une pratique de transformation ou d’adaptation aux préférences locales, en Islande, de produits tels que le cacao, le café ou le thé, il y a lieu toutefois de constater que ladite possibilité demeurait raisonnable, aux yeux du public pertinent. En effet, ce type de produits peut relever d’un marketing particulier, mettant en valeur un produit présentant des valeurs gustatives
adaptées au goût local ou d’autres qualités particulières, liées à leur provenance géographique.
54 Il y a lieu de relever que ces produits, ainsi que certains autres produits relevant des classes 29 à 32, tels que les épices, les levures ou le sel, peuvent, à la suite d’une adaptation, être dotés de caractéristiques particulières à l’Islande eu égard, par exemple, aux méthodes de traitement permettant la mise en exergue de saveurs particulières et être perçus comme tels par le public pertinent.
55 Eu égard à tout ce qui précède, il convient de conclure que c’est à juste titre que la grande chambre de recours a considéré que la marque contestée possédait un caractère descriptif à l’égard des produits relevant des classes 29 à 32.
Sur les produits relevant des classes 7 et 11 désignés par la marque contestée
56 Afin de conclure au caractère descriptif de la marque contestée à l’égard des produits relevant des classes 7 et 11, tout d’abord, la grande chambre de recours a pris en compte les facteurs liés à l’existence d’une « industrie solide » de la pêche et de la transformation des aliments qui utilisait des congélateurs et d’autres appareils électriques en Islande, à la stabilité et à la bonne santé de l’économie islandaise et à l’association de ce même pays à une énergie verte et à la durabilité du
fait de sa renommée en la matière. Ensuite, elle a analysé les habitudes d’achat des consommateurs dans ce secteur. Enfin, la grande chambre de recours a considéré, en substance, que la marque contestée était capable de décrire les caractéristiques essentielles durables et écologiques des produits relevant des classes 7 et 11, désignés par la marque contestée.
57 La requérante reproche à la grande chambre de recours d’avoir considéré que les produits relevant des classes 7 et 11 pouvaient être produits en Islande, alors même que les caractéristiques économiques et géographiques de ce pays ne démontreraient pas une telle capacité de fabrication.
58 À titre liminaire, il convient de rappeler que les produits compris dans les classes 7 et 11 incluent, notamment, divers appareils ménagers ainsi que des pièces et des parties constitutives de ces derniers. La requérante ne conteste pas l’affirmation de la grande chambre de recours selon laquelle ces produits peuvent facilement bénéficier d’une image durable liée, notamment, à leur fabrication respectueuse de l’environnement et à leur faible consommation d’énergie.
59 Par ailleurs, d’une part, il convient d’ajouter que, ainsi que l’a relevé la chambre de recours au point 164 de la décision attaquée, en raison de l’existence d’une « industrie solide », d’une main-d’œuvre qualifiée, d’une économie saine et stable et de l’encouragement de l’innovation et de la créativité par le gouvernement islandais, l’Islande était susceptible d’être perçue par le public pertinent, en 2002, comme disposant de la capacité de fabriquer l’ensemble des produits en cause, relevant
de ces classes, ou d’en être apte dans un avenir prévisible.
60 D’autre part, ainsi qu’il ressort des éléments du dossier, produits par Íslandsstofa (Promote Iceland), l’Islande et SA – Business Iceland pendant la procédure administrative (voir observations du 2 novembre 2017, annexe 3), certaines entreprises, établies en Islande fabriquent des produits relevant des classes 7 et 11, désignés par la marque contestée, tels que des réfrigérateurs et des congélateurs. Alors même que ces éléments de preuve portent sur l’année 2017, ils sont illustratifs, y compris
par rapport à la date de la demande d’enregistrement de la marque contestée, à savoir le 19 avril 2002, notamment en ce qu’ils illustrent les capacités techniques des entreprises islandaises du secteur concerné.
61 Dans ces circonstances, il peut raisonnablement être considéré que la marque contestée pouvait être perçue par le public pertinent comme une indication que les produits relevant des classes 7 et 11 provenaient d’Islande et, eu égard à l’image de ce pays, comme étant respectueux de l’environnement (voir point 36 ci-dessus) et qu’ils présentaient des caractéristiques liées à leur durabilité ou à leur aspect écologique.
62 Cette conclusion ne saurait être infirmée par les critiques de la requérante tirées d’une prétendue absence de pertinence, en l’espèce, des renvois effectués par la grande chambre de recours aux membres artificiels (prothèses), aux points 80, 147 et 163 de la décision attaquée, dans la mesure où la marque contestée n’était pas enregistrée pour de tels produits. À cet égard, il suffit de constater que la grande chambre de recours ne s’y est référée qu’afin d’illustrer, à l’instar d’Íslandsstofa
(Promote Iceland), de l’Islande et de SA – Business Iceland, les capacités des entreprises islandaises à fabriquer des produits sophistiqués, à la pointe des développements technologiques. Or, un tel élément était pertinent afin d’évaluer la possibilité pour l’Islande d’être perçue comme un lieu de provenance géographique des produits relevant des classes 7 et 11.
63 Il ressort de ce qui précède que la grande chambre de recours a considéré, à juste titre, que la marque contestée possédait un caractère descriptif à l’égard des produits relevant des classes 7 et 11.
Sur les produits relevant de la classe 16 désignés par la marque contestée
64 Dans la décision attaquée, la grande chambre de recours a estimé, en substance, que les produits en papier et en carton ainsi que les articles de papeterie relevant de la classe 16 étaient d’usage quotidien et que le public pertinent percevait la marque contestée comme constituant une indication que ces produits provenaient d’Islande et étaient respectueux de l’environnement. En outre, s’agissant des produits de l’imprimerie ou des publications périodiques, la grande chambre de recours a affirmé
que le public pertinent pouvait supposer qu’ils concernaient l’Islande.
65 La requérante reproche à la grande chambre de recours, en substance, de s’être appuyée sur de simples suppositions selon lesquelles l’Islande pourrait produire, à l’avenir, des produits relevant de la classe 16.
66 À cet égard, premièrement, il convient de considérer, à l’instar de la grande chambre de recours, en substance, que les « papier, carton, articles en papier, articles en carton, matériaux d’emballage et d’empaquetage ; sacs d’emballage en papier ou en matières plastiques ; papier toilette, serviettes en papier, sacs de transport, sachets en plastique, sacs en papier ou en plastique ; fermoirs pour sacs ; étiquettes ; stylos, crayons ; transferts ; étiquettes de prix et tickets et supports sous
forme d’enveloppes » peuvent être produits à partir de matériaux biodégradables ou selon des processus de fabrication susceptibles de réduire leur impact sur l’environnement.
67 L’impact réduit des produits et de leurs emballages sur l’environnement est susceptible de constituer une qualité associée à ces mêmes produits ou emballages, ne serait-ce que pour une partie du public qui accorde une importance à l’aspect écologique, en particulier s’agissant des consommateurs consciencieux, soucieux d’une valorisation facilitée des déchets et de leur recyclage.
68 Ainsi, c’est à juste titre que la grande chambre de recours a considéré, que le public pertinent percevrait la marque contestée, désignant l’Islande, pays connu pour être respectueux de l’environnement (voir point 36 ci-dessus), comme une indication de la provenance géographique des produits relevant de la classe 16 ou de leur caractéristique concernant l’aspect écologique, liée à cette provenance géographique.
69 Deuxièmement, s’agissant des « produits de l’imprimerie, publications périodiques et papeterie », la requérante ne conteste pas le fait que ces produits pouvaient porter sur l’Islande, indépendamment de leur lieu de production. Dans ces circonstances, il convient de considérer que la marque contestée possède un caractère descriptif à l’égard des produits relevant de la classe 16.
Sur les services relevant de la classe 35 désignés par la marque contestée
70 Les services relevant de la classe 35, désignés par la marque contestée, se réfèrent, en substance, à la vente au détail en magasins et en ligne.
71 La grande chambre de recours a estimé, en substance, que la marque contestée était susceptible d’être utilisée en tant que référence au lieu à partir duquel les services de vente au détail relevant de la classe 35 étaient généralement fournis. En outre, le public pertinent pourrait percevoir cette marque comme une référence à une qualité spécifique des produits commercialisés dans le cadre desdits services.
72 La requérante fait valoir, en substance, qu’il est peu probable que les services relevant de la classe 35 proviennent d’Islande, compte tenu de la faible densité de sa population et de son territoire en grande partie inhabitable, qui ne permettraient pas de maintenir une chaîne de magasins d’alimentation. Par ailleurs, la requérante met en exergue le fait que l’Islande n’« exporte » aucun service de vente au détail.
73 Il y a lieu de souligner que les services de vente au détail, désignés par la marque contestée, portent sur des produits alimentaires, des boissons et des produits ménagers qui sont tous produits en Islande. De plus, il peut s’agir de produits, tels que les poissons, les fruits de mer ou autres produits de la mer, pour lesquels la requérante ne conteste pas que l’Islande est connue comme étant le pays d’origine.
74 En ce qui concerne les arguments de la requérante afférents à l’absence d’exportation des services désignés par la marque contestée et à l’absence de renommée de l’Islande pour ces services et les arguments tirés de ce que la taille de la population islandaise s’oppose à la capacité de ce pays à maintenir une chaîne de magasins d’alimentation, ils ne sauraient prospérer, pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 37 et 38 ci-dessus, sans, d’ailleurs, qu’une distinction selon
l’importance démographique du lieu géographique en cause soit pertinente. En effet, il est raisonnable d’estimer que, lorsque les services en cause portent la marque contestée, ils seront perçus comme étant fournis dans des magasins localisés dans ce pays.
75 Eu égard à ce qui précède, il convient de relever que la grande chambre de recours a considéré, à juste titre, que la marque contestée possédait un caractère descriptif à l’égard des services relevant de la classe 35.
Sur certaines allégations transversales de la requérante et d’INTA
76 Aucun des autres arguments de la requérante et d’INTA n’est de nature à infirmer la conclusion de la grande chambre de recours relative au caractère descriptif de la marque contestée pour les produits et les services qu’elle couvre.
77 En premier lieu, la requérante et INTA font valoir que la grande chambre de recours a commis une erreur de droit en considérant, en substance, que l’enregistrement des noms de pays se heurtait nécessairement au motif absolu de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous c) et f), du règlement no 40/94, indépendamment des produits ou des services concernés.
78 Toutefois, force est de constater qu’une telle allégation découle d’une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, ainsi qu’il résulte de la lecture globale de cette même décision, notamment de ses points 94 à 209, la grande chambre de recours s’est livrée à une analyse détaillée du caractère descriptif de la marque contestée au regard de l’ensemble des produits et des services en cause.
79 En deuxième lieu, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel l’article 12, sous b), du règlement no 40/94 [devenu article 12, sous b), du règlement no 207/2009, lui-même devenu article 14, sous b), du règlement 2017/1001] permet d’assurer l’utilisation du nom « Iceland » aux entités islandaises, il convient de constater que cette disposition, intitulée « Limitation des effets de la marque [de l’Union européenne] », est libellée comme suit :
« Le droit conféré par la marque [de l’Union européenne] ne permet pas à son titulaire d’interdire à un tiers l’usage, dans la vie des affaires :
[...]
b) d’indications relatives à l’espèce, à la qualité, à la quantité, à la destination, à la valeur, à la provenance géographique, à l’époque de la production du produit ou de la prestation du service ou à d’autres caractéristiques de ceux-ci ;
[...]
pour autant que cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale. »
80 La disposition rappelée au point 79 ci-dessus vise notamment à régler les problèmes qui se posent quand une marque composée en tout ou en partie d’un nom géographique a été enregistrée et ne confère pas aux tiers l’usage d’un tel nom en tant que marque, mais se borne à assurer qu’ils peuvent l’utiliser de manière descriptive, à savoir en tant qu’indication relative à la provenance géographique, à condition que l’utilisation en soit faite conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou
commerciale (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, EU:C:1999:230, points 26 à 28).
81 Contrairement à ce que paraît suggérer la requérante, la circonstance selon laquelle l’article 12, sous b), du règlement no 40/94 assure que tout opérateur économique puisse librement utiliser des indications relatives aux caractéristiques de produits et de services ne permet pas d’assurer la protection de l’intérêt général sous-jacent à l’article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement. Bien au contraire, ladite circonstance met en évidence l’intérêt à ce que la cause, par ailleurs absolue, de
nullité énoncée à l’article 51, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94 soit effectivement appliquée à tout signe pouvant désigner une caractéristique des produits ou des services pour lesquels la marque est enregistrée (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 61 et jurisprudence citée). Dès lors, il convient de rejeter l’argument de la requérante comme non fondé.
82 En troisième lieu, la requérante paraît reprocher à la grande chambre de recours d’avoir écarté, comme irrecevable, l’enquête élaborée le 2 août 2019, tenant compte d’entretiens téléphoniques effectués en juin 2019.
83 Toutefois, à la lecture combinée, notamment, des points 137, 138, 158 et 205 de la décision attaquée, il convient de constater que ce n’est pas la question de la recevabilité de l’enquête du 2 août 2019, mais celle de sa valeur probante qui a été analysée par la grande chambre de recours.
84 Par ailleurs, à supposer même que la requérante entende contester l’appréciation du caractère probant de cette enquête, il suffit de relever qu’elle ne tire aucune conséquence concrète qu’aurait eue ladite enquête sur l’appréciation du caractère descriptif de la marque contestée. En tout état de cause, ainsi que l’a, à juste titre, considéré la grande chambre de recours, au point 158 de la décision attaquée, le simple fait de demander aux personnes interrogées quels produits leur viennent à
l’esprit lorsqu’elles sont confrontées à la marque contestée n’est pas un test infaillible et adéquat permettant d’apprécier le caractère descriptif de cette dernière, cette appréciation devant toujours être effectuée en tenant compte des produits et des services couverts par cette marque (voir jurisprudence citée au point 23 ci-dessus).
85 Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il convient de rejeter le premier moyen.
Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94
86 Par son second moyen, la requérante, soutenue par INTA, avance, en substance, que la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94.
87 L’EUIPO, Íslandsstofa (Promote Iceland), l’Islande et SA – Business Iceland contestent les arguments de la requérante et d’INTA.
88 Dès lors qu’il ressort de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 40/94 qu’il suffit qu’un des motifs absolus de refus qui y sont énumérés s’applique pour que le signe ne puisse être enregistré comme marque de l’Union européenne, et au regard du rejet du premier moyen de la requérante, visant la conclusion de la grande chambre de recours selon laquelle l’article 7, paragraphe 1, sous c), de ce règlement s’appliquait pour déclarer la nullité de la marque contestée pour tous les produits et
services qu’elle désigne, il n’est pas nécessaire d’examiner le bien-fondé du second moyen invoqué par la requérante, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.
89 Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il convient de rejeter le second moyen et, partant, le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
90 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
91 Une audience ayant eu lieu et la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO, de l’Islande, d’Íslandsstofa (Promote Iceland) et de SA – Business Iceland.
92 INTA supportera ses propres dépens, conformément à l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (septième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Iceland Foods Ltd est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), par Íslandsstofa (Promote Iceland), par l’Islande et par SA – Business Iceland.
3) International Trademark Association (INTA) supportera ses propres dépens.
Kowalik-Bańczyk
Buttigieg
Dimitrakopoulos
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 juillet 2025.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.