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02/07/2025 | CJUE | N°T-1103/23

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, Ferrari SpA contre Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle., 02/07/2025, T-1103/23


 ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

2 juillet 2025 ( *1 )

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque verbale TESTAROSSA – Usage sérieux de la marque – Article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001] – Usage par des tiers – Nature de l’usage – Consentement implicite du titulaire de la marque – Preuve de l’usage sérieux – Voitures d’o

ccasion – Pièces détachées et accessoires »

Dans l’affaire T‑1103/23,

Ferrari SpA, établie à Modène (Italie), représ...

 ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

2 juillet 2025 ( *1 )

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque verbale TESTAROSSA – Usage sérieux de la marque – Article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001] – Usage par des tiers – Nature de l’usage – Consentement implicite du titulaire de la marque – Preuve de l’usage sérieux – Voitures d’occasion – Pièces détachées et accessoires »

Dans l’affaire T‑1103/23,

Ferrari SpA, établie à Modène (Italie), représentée par Mes K. Muraro, G. Russo et C. Comolli Acquaviva, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. E. Markakis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Kurt Hesse, demeurant à Nuremberg (Allemagne), représenté par Me M. Krogmann, avocat,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),

composé de MM. A. Kornezov (rapporteur), président, G. De Baere, D. Petrlík, K. Kecsmár et Mme S. Kingston, juges,

greffier : M. G. Mitrev, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 12 décembre 2024,

rend le présent

Arrêt

1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Ferrari SpA, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 29 août 2023 (affaires jointes R 334/2017-5 et R 343/2017-5), telle que rectifiée le 28 septembre 2023 (ci-après la « décision attaquée »).

Antécédents du litige

2 Par un enregistrement international du 17 octobre 2006, désignant l’Union européenne et reçu par l’EUIPO le 8 février 2007, Ferrari SpA a demandé la protection dans l’Union de la marque verbale TESTAROSSA.

3 Les produits couverts par l’enregistrement international relevaient, notamment, de la classe 12 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient à la description suivante : « Véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau ; véhicules terrestres à moteur ; automobiles ; pièces de structure et de rechange, leurs
composants et accessoires, tous compris dans cette classe ; freins, moteurs, pneumatiques pour véhicules terrestres à moteur compris dans cette classe ; bicyclettes, vélos à moteur, camionnettes et camions ».

4 L’enregistrement international a été publié au Bulletin des marques communautaires le 8 février 2007 et a été inscrit au registre des marques communautaires le 12 décembre 2007.

5 Le 7 septembre 2015, l’intervenant, M. Kurt Hesse, a présenté une demande en nullité des effets de l’enregistrement international pour les produits cités au point 3 ci-dessus, au titre de l’article 158, paragraphe 2, du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [devenu article 198, paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union
européenne (JO 2017, L 154, p. 1)], lu conjointement avec l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001].

6 Par décision du 16 décembre 2016, la division d’annulation a partiellement fait droit à cette demande et a prononcé la déchéance de la marque contestée s’agissant des « véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau ; véhicules terrestres à moteur ; pièces de structure et de rechange, leurs composants et accessoires tous compris dans cette classe ; freins, moteurs, pneumatiques pour véhicules terrestres à moteur compris dans cette classe ; bicyclettes, vélos à moteur,
camionnettes et camions », avec effet à compter du 16 décembre 2016. En revanche, elle a rejeté la demande en déchéance pour les « automobiles ».

7 Le 13 février 2017, l’intervenant a introduit un recours contre la décision de la division d’annulation demandant l’annulation partielle de celle-ci, dans la mesure où ladite division avait rejeté la demande en déchéance de la marque contestée pour des « automobiles ».

8 Le 14 février 2017, la requérante a également formé un recours contre la décision de la division d’annulation demandant l’annulation partielle de celle-ci, dans la mesure où ladite division avait prononcé la déchéance de la marque contestée s’agissant des « pièces de structure et de rechange, leurs composants et accessoires (pour véhicules), tous compris dans cette classe ; moteurs » (ci-après les « pièces détachées et accessoires »).

9 Par la décision attaquée, la chambre de recours a accueilli le recours de l’intervenant et a rejeté celui de la requérante. Ainsi, la requérante a été déchue des droits sur la marque contestée pour l’ensemble des produits mentionnés au point 3 ci-dessus.

Conclusions des parties

10 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– réformer la décision attaquée, dans la mesure où l’usage sérieux de la marque contestée a été démontré pour les « automobiles » et les pièces détachées et accessoires, relevant de la classe 12 ;

– condamner l’EUIPO ainsi que l’intervenant aux dépens exposés devant la chambre de recours et dans la présente procédure.

11 Lors de l’audience, la requérante a renoncé à son deuxième chef de conclusions, ce dont le Tribunal a pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

12 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens si une audience est organisée.

13 L’intervenant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

En droit

Sur la détermination du droit matériel et procédural applicable ratione temporis

14 Compte tenu de la date d’introduction de la demande de déchéance en cause, à savoir le 7 septembre 2015, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 et du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1) (voir, en ce sens, arrêts du
6 juin 2019, Deichmann/EUIPO, C‑223/18 P, non publié, EU:C:2019:471, point 2, et du 3 juillet 2019, Viridis Pharmaceutical/EUIPO, C‑668/17 P, EU:C:2019:557, point 3).

15 À cet égard, il ressort des dispositions de l’article 55, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 que l’effet d’une éventuelle déclaration de déchéance rétroagit à compter de la date de la demande en déchéance. Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le
litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001. Il y a lieu de relever toutefois que, en ce qui concerne la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée, en application notamment de l’article 82, paragraphe 2, sous d), f), et i), du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), le litige est régi par les dispositions du règlement no 2868/95
[arrêt du 24 mars 2021, Novomatic/EUIPO – adp Gauselmann (Power Stars), T‑588/19, non publié, EU:T:2021:157, point 20].

16 Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties dans leurs écritures aux dispositions du règlement 2017/1001 comme visant les dispositions d’une teneur identique du règlement no 207/2009.

Sur le fond

17 La requérante avance quatre moyens, tirés, en substance, le premier, d’un défaut de motivation en ce que tous les facteurs pertinents n’auraient pas été pris en compte dans l’appréciation de l’usage sérieux de la marque contestée, le deuxième, d’une violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, le troisième, d’une violation de l’article 15, paragraphe 2, de ce règlement (devenu article 18, paragraphe 2, du règlement 2017/1001) et, le quatrième, d’erreurs
d’appréciation quant à l’usage de la marque contestée pour les pièces détachées et accessoires.

18 En vertu de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits sur demande présentée auprès de l’EUIPO si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, laquelle s’étend, en l’espèce, du 7 septembre 2010 au 6 septembre 2015 inclus (ci-après la « période pertinente »), ladite marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et
s’il n’existe pas de justes motifs pour ce non-usage.

19 Conformément à la règle 22, paragraphe 3, du règlement no 2868/95, qui s’applique mutatis mutandis aux procédures de déchéance, conformément à la règle 40, paragraphe 5, du même règlement, la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure. Selon le paragraphe 4 de cette règle, les preuves se limitent, en principe, à la production de pièces justificatives comme des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des
catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux ainsi qu’aux déclarations écrites visées par l’article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009.

20 Ainsi, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits et des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43).
De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [voir arrêts du 18 mars 2015, Naazneen Investments/OHMI – Energy Brands (SMART WATER), T‑250/13, non publié, EU:T:2015:160, point 25 et jurisprudence citée, et du 11 janvier 2023, Hecht Pharma/EUIPO – Gufic BioSciences (Gufic), T‑346/21, EU:T:2023:2, point 22 (non publié) et jurisprudence citée].

21 Par ailleurs, l’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de ladite marque sur le marché concerné [voir arrêt du 23 septembre 2009, Cohausz/OHMI – Izquierdo Faces (acopat), T‑409/07, non publié, EU:T:2009:354, point 36 et jurisprudence citée].

22 Il ressort d’une jurisprudence constante que l’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du
marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque doivent être pris en considération (voir arrêt du 18 mars 2015, SMART WATER, T‑250/13, non publié, EU:T:2015:160, point 26 et jurisprudence citée).

23 C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante, par lesquels elle conteste, en substance, les appréciations de la chambre de recours relatives à l’absence d’usage sérieux de la marque contestée, d’une part, pour les « automobiles » relevant de la classe 12 et, d’autre part, pour les pièces détachées et accessoires compris dans la même classe. Il convient donc d’examiner, tout d’abord et ensemble, les deuxième et troisième moyens, puis le quatrième
moyen et, enfin, le cas échéant, le premier moyen.

Sur les deuxième et troisième moyens, relatifs à la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour les automobiles

24 Dans la décision attaquée, la chambre de recours a relevé, tout d’abord, que la requérante n’avait produit ou distribué, au cours de la période pertinente, aucune nouvelle automobile sous la marque contestée et n’avait pas non plus vendu elle-même de voitures d’occasion de la marque TESTAROSSA. Ensuite, s’agissant de la vente, par des tiers, de voitures d’occasion de la marque TESTAROSSA, la chambre de recours a considéré, en substance, que, afin de prouver l’usage sérieux de cette marque, le
titulaire devait démontrer que de telles ventes avaient été effectuées avec son consentement. Selon elle, il n’existe pas d’automatisme selon lequel toute vente d’occasion dont le titulaire de la marque a connaissance devrait être considérée comme un usage sérieux de la marque avec son consentement, car le consentement du titulaire de la marque n’est pas requis pour la revente de tels produits d’occasion. À cet égard, la chambre de recours a considéré que la requérante n’avait pas démontré
qu’elle avait consenti à la vente de voitures d’occasion de la marque TESTAROSSA par des tiers, au sens de l’article 15 du règlement no 207/2009. Enfin, elle a relevé que le fait que la requérante fournisse un service consistant à certifier qu’une voiture d’occasion donnée est une voiture authentique Testarossa (ci-après le« service de certification ») n’était pas pertinent, dans la mesure où ce service était fourni sous la marque Ferrari et non sous la marque contestée, de sorte qu’il ne
prouvait pas l’usage sérieux de cette dernière.

25 La requérante conteste ces appréciations en faisant valoir, premièrement, que les ventes de voitures d’occasion de la marque TESTAROSSA par des concessionnaires agréés, qu’elle étaye par des factures, ont eu lieu avec son consentement. Selon elle, le fait que ces concessionnaires lui aient fourni des factures attestant la vente de voitures d’occasion de la marque TESTAROSSA confirme, implicitement, qu’ils ont utilisé la marque contestée avec son consentement. Deuxièmement, la requérante avance
qu’elle fournit aux revendeurs le service de certification, contre rémunération. Ainsi, ce service lui génèrerait des revenus et serait directement lié aux ventes de voitures d’occasion de la marque TESTAROSSA par les concessionnaires agréés, en ce que les certificats délivrés dans ce cadre augmenteraient la valeur desdites voitures et faciliteraient leur revente.

26 Premièrement, l’EUIPO et l’intervenant font valoir que le consentement de la requérante ne peut être présumé du simple fait que celle-ci ne s’est pas opposée à l’usage de la marque contestée par des tiers. L’absence d’une licence portant explicitement sur la marque contestée, ou d’une autre forme de consentement de la requérante à l’usage de celle-ci par des tiers, illustrerait sa passivité. Deuxièmement, selon l’EUIPO, la requérante n’aurait pas démontré qu’elle avait entrepris un comportement
actif sur le marché des voitures d’occasion lui permettant de conserver la possibilité de contrôler la qualité des produits en cause. L’intervenant ajoute que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que le service de certification n’était pas pertinent, dans la mesure où il est fourni sous la marque Ferrari.

27 À titre liminaire, il convient de rappeler, comme il a été relevé au point 19 ci-dessus, que la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure. En l’espèce, comme cela a été d’ailleurs confirmé par l’EUIPO lors de l’audience, la chambre de recours s’est limitée, dans la décision attaquée, à apprécier la nature de l’usage de la marque contestée. Dans ces circonstances, ce critère est le seul soumis au contrôle du
Tribunal dans la présente affaire.

28 Il convient également de préciser qu’il est constant entre les parties que la construction d’automobiles de modèle Testarossa a eu lieu entre les années 1984 et 1996 et que, par conséquent, au cours de la période pertinente, aucune voiture neuve n’a été produite ou mise sur le marché sous la marque contestée.

29 De même, il est constant, ainsi que l’ont confirmé la requérante et l’EUIPO lors de l’audience, que, au cours de la période pertinente, des voitures d’occasion de la marque TESTAROSSA ont été commercialisées, non pas par la requérante elle-même, mais par des tiers, à savoir, notamment, des concessionnaires ou distributeurs agréés par la requérante, établis en Italie, en Allemagne, en Belgique, en France et en Espagne.

30 Selon la jurisprudence, la revente, en tant que telle, d’un produit d’occasion revêtu d’une marque ne signifie pas que cette marque a fait l’objet d’un « usage » au sens de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009. En effet, ladite marque a été utilisée lorsqu’elle a été apposée, par son titulaire, sur le produit neuf, lors de la première mise dans le commerce de ce produit. Toutefois, si le titulaire de la marque contestée utilise effectivement cette marque, conformément à
sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits pour lesquels elle a été enregistrée, lors de la revente de produits d’occasion, une telle utilisation est susceptible de constituer un « usage sérieux » de ladite marque, au sens de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2020, Ferrari, C‑720/18 et C‑721/18, EU:C:2020:854, points 55 et 56).

31 L’article 13, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, relatif à l’épuisement des droits conférés par la marque, confirme cette interprétation. En effet, il ressort de cette disposition que le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d’interdire l’usage de celle-ci pour des produits déjà mis dans le commerce dans l’Union, sous cette marque, par ce titulaire, ou avec son consentement. Il s’ensuit qu’une marque est susceptible de faire l’objet d’un usage pour des produits déjà mis
dans le commerce sous cette marque. Le fait que le titulaire de la marque ne peut pas interdire à des tiers l’usage de sa marque pour des produits déjà mis dans le commerce sous celle-ci ne signifie pas qu’il ne peut pas lui-même en faire usage pour de tels produits (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2020, Ferrari, C‑720/18 et C‑721/18, EU:C:2020:854, points 58 et 59).

32 En outre, aux termes de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, l’usage de la marque avec le consentement du titulaire est considéré comme fait par le titulaire. Dès lors, comme la chambre de recours l’a relevé à bon droit au point 76 de la décision attaquée, la conclusion figurant au point 31 ci-dessus s’applique également à l’usage de la marque par des tiers avec le consentement du titulaire, ce que, au demeurant, les parties ne contestent pas. Par conséquent, il reste loisible au
titulaire de la marque de démontrer que celle-ci a fait l’objet d’un usage sérieux pour des produits d’occasion vendus sous cette marque par des tiers avec son consentement.

33 Par ailleurs, il incombe au titulaire de la marque d’apporter la preuve qu’il a consenti à l’usage de cette marque par un tiers (voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, EU:C:2006:310, point 44).

34 En l’espèce, il est constant que la requérante n’a pas présenté d’éléments de preuve, tels qu’une licence, faisant état de son consentement explicite à l’usage de la marque contestée par des tiers pendant la période pertinente. En revanche, elle soutient que les éléments de preuve qu’elle a présentés sont susceptibles de démontrer qu’un tel usage a été fait avec son consentement implicite.

35 À cet égard, selon la jurisprudence, le consentement du titulaire de la marque peut être exprimé de manière explicite ou implicite. En effet, le consentement du titulaire doit être exprimé d’une manière qui traduise de façon certaine une volonté de renoncer à son droit exclusif sur la marque. Une telle volonté résulte normalement d’une formulation expresse du consentement. Toutefois, il ne saurait être exclu que, dans certains cas, elle puisse résulter d’une manière implicite de circonstances et
d’éléments antérieurs, concomitants ou postérieurs à l’usage de la marque en cause par un tiers, qui traduisent également, de façon certaine, une renonciation du titulaire à son droit [voir arrêts du 13 janvier 2011, Park/OHMI – Bae (PINE TREE), T‑28/09, non publié, EU:T:2011:7, point 61 et jurisprudence citée, et du 8 juin 2022, Muschaweck/EUIPO – Conze (UM), T‑293/21, EU:T:2022:345, point 71 (non publié) et jurisprudence citée].

36 Il convient donc d’examiner si un tel consentement implicite du titulaire résulte de circonstances et d’éléments antérieurs, concomitants ou postérieurs à l’usage de la marque contestée par un tiers.

37 À cet égard, selon la jurisprudence, lorsque le titulaire d’une marque faisant l’objet d’une procédure de déchéance invoque des actes d’usage de cette marque par un tiers, aux fins d’établir l’usage sérieux au sens de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, ce titulaire prétend, implicitement, que cet usage a été fait avec son consentement [arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 24].

38 Toutefois, à l’instar de l’EUIPO, il convient de préciser que, dans le cadre spécifique de l’usage d’une marque pour des produits d’occasion, un tel consentement implicite ne saurait se déduire du simple fait que le titulaire avait connaissance de l’usage de la marque par un tiers et ne s’y est pas opposé. En effet, le consentement du titulaire n’est pas juridiquement nécessaire pour qu’un tiers utilise la marque pour des produits d’occasion. Encore faut-il, pour que l’existence d’un tel
consentement implicite puisse être relevée dans ce contexte spécifique, que le titulaire soit impliqué dans l’usage de la marque par des tiers.

39 Les circonstances et éléments pertinents susceptibles de traduire l’existence d’un tel consentement implicite doivent être examinés, comme l’a d’ailleurs indiqué l’EUIPO lors de l’audience, à la lumière, notamment, des usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits protégés par la marque et des caractéristiques du marché (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 mars 2015, SMART WATER, T‑250/13, non
publié, EU:T:2015:160, point 26 et jurisprudence citée).

40 En l’espèce, en premier lieu, la requérante a présenté des factures de ventes de voitures d’occasion de la marque TESTAROSSA émises par des concessionnaires agréés par elle, portant les mentions suivantes : « Ferrari Vertragshändler » (concessionnaire Ferrari), « Ferrari und Ferrari Classiche Vetragspartner » (partenaire contractuel de Ferrari et Ferrari Classiche), « Offizieller Ferrari und Maserati Vetragshändler » (concessionnaire officiel Ferrari et Maserati) ou encore
« distributeur-réparateur agréé ».

41 Il s’ensuit que l’usage de la marque contestée dont se prévaut la requérante n’est pas un usage effectué par un tiers quelconque, n’entretenant aucun rapport avec elle, mais un usage fait par des concessionnaires et des distributeurs agréés, avec lesquels la requérante entretient des liens économiques et contractuels, ce qui n’est pas contesté en l’espèce.

42 À cet égard, le Tribunal a eu l’occasion de juger que l’usage de la marque d’une société de production par une société de distribution économiquement liée à celle-ci peut être reconnu comme étant un usage de cette marque fait avec le consentement du titulaire et ainsi être considéré comme fait par le titulaire, conformément à l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 [voir, en ce sens, arrêts du 17 février 2011, J & F Participações/OHMI – Plusfood Wrexham (Friboi), T‑324/09, non
publié, EU:T:2011:47, point 32 ; du 5 mars 2019, Meblo Trade/EUIPO – Meblo Int (MEBLO), T‑263/18, non publié, EU:T:2019:134, point 80 et jurisprudence citée, et du 16 octobre 2024, Fractal Analytics/EUIPO – Fractalia Remote Systems (FRACTALIA), T‑194/23, non publié, EU:T:2024:696, point 102 et jurisprudence citée].

43 Ces considérations s’appliquent mutatis mutandis lorsque la marque d’une société de production, telle que la marque contestée, est utilisée par une société de distribution agréée par le titulaire de cette marque, dans la mesure où un tel agrément établit un lien entre ces deux sociétés, lequel, à défaut d’indication contraire, présuppose que le titulaire de la marque a autorisé, ne serait-ce qu’implicitement, ledit concessionnaire ou distributeur agréé à utiliser ses marques dans le cadre de ses
activités économiques sur le marché.

44 Cette appréciation est corroborée, en l’espèce, par les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné et les caractéristiques du marché en cause. En effet, il est d’usage sur le marché automobile que les voitures soient couramment commercialisées à la fois sous une marque désignant le constructeur de celles-ci, telle que, en l’espèce, la marque verbale Ferrari ou la marque figurative de la requérante représentant un cheval cabré, et sous une seconde marque, désignant leur
modèle, telle que la marque contestée, les deux marques étant intrinsèquement liées. Ainsi, selon les usages considérés comme justifiés dans ce secteur, un distributeur ou concessionnaire agrée par Ferrari est réputé être autorisé à commercialiser l’ensemble des modèles de voitures de ce constructeur. En outre, conformément aux usages considérés comme justifiés dans le secteur des automobiles d’occasion, il y a lieu de distinguer les ventes de voitures d’occasion opérées par un tiers indépendant,
n’entretenant aucun lien avec le constructeur de ces voitures, de celles effectuées par un concessionnaire ou un distributeur agréé par ledit constructeur. Cela est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, de voitures d’occasion anciennes de collection, de luxe et haut de gamme, qui sont particulièrement réputées et appréciées des collectionneurs. En effet, il est notoire que sur ce marché spécifique, le fait qu’une telle voiture soit vendue par un concessionnaire ou un
distributeur agréé par le titulaire de la marque est susceptible d’indiquer l’origine commerciale de cette voiture, et de rassurer la clientèle quant au fait que sa maintenance ainsi que, le cas échéant, le remplacement des pièces détachées et accessoires de celle-ci ont été effectués sans affecter l’origine commerciale de la voiture.

45 Partant, contrairement à la chambre de recours, il convient de considérer que la vente d’une voiture d’occasion de la marque TESTAROSSA par un concessionnaire ou un distributeur agréé par le titulaire de la marque contestée constitue un indice que celle-ci est effectuée avec le consentement, ne serait-ce qu’implicite, de ce dernier.

46 En deuxième lieu, la requérante a également présenté des factures émises par elle-même, adressées à des clients en Italie, en Suisse, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, dans le cadre du service de certification visé aux points 24 et 25 ci-dessus.

47 Selon la jurisprudence, l’utilisation effective, par son titulaire, d’une marque enregistrée pour certains produits, pour des services qui se rapportent directement aux produits déjà commercialisés et visent à satisfaire les besoins de la clientèle de ces produits, est susceptible de constituer un « usage sérieux » de cette marque, au sens de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2020, Ferrari, C‑720/18 et C‑721/18, EU:C:2020:854,
point 62).

48 Toutefois, un tel usage présuppose l’utilisation effective de la marque contestée lors de la fourniture des services en cause. En effet, en l’absence d’utilisation de cette marque, il ne saurait, à l’évidence, être question d’un « usage sérieux » de celle-ci, au sens de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2020, Ferrari, C‑720/18 et C‑721/18, EU:C:2020:854, point 63).

49 En l’espèce, il ressort du dossier et, en particulier, du contenu des factures que le service de certification a pour objet d’attester l’authenticité des voitures d’occasion de la marque TESTAROSSA (« certificazione autenticita vettura Testarossa », en italien). Comme la requérante l’a expliqué lors de l’audience, un tel « certificat d’authenticité », qu’elle fournit notamment à ses concessionnaires agréés dans le cadre de la vente de voitures d’occasion de la marque TESTAROSSA, établit, contre
rémunération et après les vérifications nécessaires, que la voiture en cause est un modèle Testarossa d’origine.

50 La requérante a également produit un document intitulé « fiche technique », qui constitue un exemple de demande de certification d’une voiture d’occasion de la marque TESTAROSSA. Il en ressort que, afin d’obtenir un certificat d’authenticité, le demandeur doit fournir des informations précises sur l’origine de chacune des pièces principales de la voiture, telles que le moteur, le boitier de vitesse, le réservoir ou encore la pompe à carburant, ainsi que sur l’historique de leur éventuel
remplacement, le tout étayé par des photographies de la voiture et de ses pièces.

51 La requérante a expliqué, en outre, dans sa réponse à une question écrite du Tribunal ainsi que lors de l’audience, que de tels certificats jouaient un rôle important dans la vente de voitures d’occasion de la marque TESTAROSSA, en ce qu’ils rassurent les acheteurs quant à l’origine commerciale d’une telle voiture et augmentent la valeur de celle-ci, en comparaison avec une voiture d’occasion ne disposant pas d’un tel certificat.

52 Il s’ensuit que le service de certification se rapporte directement aux ventes de voitures d’occasion de la marque TESTAROSSA par des concessionnaires agréés et vise à satisfaire les besoins de la clientèle de ces voitures, de sorte qu’une telle utilisation est susceptible, conformément à la jurisprudence rappelée au point 47 ci-dessus, de constituer un « usage sérieux » de cette marque, au sens de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009.

53 Quant au fait, relevé par la chambre de recours, que ladite certification serait fournie non pas sous la marque contestée, mais sous la marque Ferrari, il suffit de constater que la marque contestée figure, elle aussi, de manière clairement visible et identifiable dans l’objet même de ces factures.

54 Or, il ressort d’une jurisprudence constante qu’il n’existe aucune règle en matière de marque de l’Union obligeant son titulaire à prouver l’usage de sa marque de manière isolée, indépendamment de toute autre marque ou de tout autre signe. Dès lors, il est possible que deux ou plusieurs marques fassent l’objet d’un usage conjoint et autonome avec ou sans le nom de la société du fabricant. Ainsi, l’emploi conjoint d’une autre marque avec la marque contestée ne saurait, par lui-même, porter
atteinte à la fonction d’identification remplie par cette autre marque à l’égard des produits concernés [voir arrêt du 8 juin 2022, Apple/EUIPO – Swatch (THINK DIFFERENT), T‑26/21 à T‑28/21, non publié, EU:T:2022:350, point 87 et jurisprudence citée]. En outre, la condition d’usage sérieux d’une marque peut être remplie lorsqu’une marque est utilisée conjointement avec une autre marque, pour autant que la première marque continue d’être perçue comme une indication de l’origine du produit en cause
[voir arrêt du 23 septembre 2020, CEDC International/EUIPO – Underberg (Forme d’un brin d’herbe dans une bouteille), T‑796/16, EU:T:2020:439, point 142 et jurisprudence citée].

55 En l’espèce, comme cela est relevé au point 44 ci-dessus, il est notoire que les voitures sont couramment commercialisées à la fois sous une marque désignant le constructeur de celles-ci et sous une seconde marque, désignant leur modèle, de sorte que l’utilisation concomitante de la marque Ferrari et de la marque contestée, laquelle désigne un modèle spécifique de voitures Ferrari, sur les factures relatives au service de certification, est conforme aux habitudes du marché en cause.

56 Partant, c’est à tort que la chambre de recours a écarté comme dépourvus de pertinence les éléments de preuve relatifs à la certification de voitures d’occasion de la marque TESTAROSSA.

57 Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de l’EUIPO, selon lequel la requérante serait restée passive pendant la période pertinente, car il découle des considérations qui précèdent, et notamment celles relatives au service de certification, que la requérante a été impliquée dans certaines ventes de voitures d’occasion de la marque TESTAROSSA, effectuées par ses concessionnaires et distributeurs agréés, en en tirant un bénéfice économique découlant des revenus qu’elle génère par
le biais de ce service.

58 Par ailleurs, pour autant que la requérante se prévaut de la renommée de la marque contestée dans l’Union pendant la période pertinente, il convient de rappeler que la preuve de l’usage incombant au titulaire de la marque contestée ne peut être rapportée ou allégée au motif que cette marque jouissait d’une renommée au sein de l’Union pendant la période pertinente [arrêt du 8 avril 2016, Frinsa del Noroeste/EUIPO – Frisa Frigorífico Rio Doce (FRISA), T‑638/14, non publié, EU:T:2016:199, point 35],
cette preuve devant donc être apportée indépendamment de la renommée.

59 Toutefois, il ne saurait pour autant être exclu que, selon les circonstances, comme en l’espèce, la renommée de la marque contestée puisse constituer un élément parmi d’autres susceptible de renseigner sur les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits protégés par la marque, au sens de la jurisprudence citée au point 22 ci-dessus. En particulier, ainsi qu’il a été relevé au point 44 ci‑dessus, le fait
qu’une voiture particulièrement réputée soit vendue par un concessionnaire ou un distributeur agréé par le titulaire de la marque est susceptible de rassurer la clientèle quant au fait que sa maintenance ainsi que, le cas échéant, le remplacement des pièces détachées et des accessoires de celle-ci ont été effectués sans affecter l’origine commerciale de la voiture.

60 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de relever que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en concluant que la requérante n’avait pas démontré qu’elle avait consenti, implicitement, à l’usage de la marque contestée par des tiers pour des « automobiles », relevant de la classe 12.

61 Partant, il y a lieu d’accueillir les deuxième et troisième moyens.

Sur le quatrième moyen, relatif à la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour des pièces détachées et accessoires

62 Dans la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté comme irrecevables, dans le cadre du recours introduit par la requérante, les éléments de preuve relatifs à l’usage de la marque contestée pour des pièces détachées et accessoires, relevant de la classe 12, présentés par la requérante pour la première fois devant elle, avant de les écarter sur le fond. En revanche, dans le cadre du recours introduit par l’intervenant, elle a examiné au fond ces mêmes éléments de preuve, sans se prononcer
sur leur recevabilité. Au terme de cet examen, elle a considéré que lesdits éléments de preuve ne permettaient pas de démontrer l’usage sérieux de la marque contestée pour les pièces détachées et accessoires.

63 Il convient d’examiner la motivation de la décision attaquée relative à la recevabilité des éléments de preuve produits pour la première fois devant la chambre de recours, puis les arguments de la requérante sur le fond.

– Sur la motivation de la décision attaquée

64 Selon une jurisprudence constante, un défaut ou une insuffisance de motivation relève de la violation des formes substantielles, au sens de l’article 263 TFUE, et constitue un moyen d’ordre public pouvant, voire devant, être soulevé d’office par le juge de l’Union (arrêts du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 34, et du 9 mars 2023, Les Mousquetaires et ITM Entreprises/Commission, C‑682/20 P, EU:C:2023:170, point 39). À cet égard, il importe d’ajouter que le
principe du contradictoire fait partie des droits de la défense et qu’il s’applique à toute procédure susceptible d’aboutir à une décision d’une institution de l’Union affectant de manière sensible les intérêts d’une personne (arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 50). Partant, le juge lui-même doit respecter le principe du contradictoire, notamment lorsqu’il tranche un litige sur la base d’un motif retenu d’office (arrêt du 2 décembre 2009,
Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 54).

65 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 76, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, l’EUIPO peut ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile.

66 Il découle du libellé de l’article 76, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 que, en règle générale et sauf disposition contraire, la présentation de faits et de preuves par les parties demeure possible après l’expiration des délais auxquels se trouve subordonnée une telle présentation en application des dispositions du règlement no 207/2009 et qu’il n’est nullement interdit à l’EUIPO de tenir compte de faits et de preuves ainsi tardivement invoqués ou produits (arrêts du 13 mars 2007,
OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 42, et du 24 janvier 2018, EUIPO/European Food, C‑634/16 P, EU:C:2018:30, point 55).

67 En précisant que l’EUIPO « peut », en pareil cas, décider de ne pas tenir compte de telles preuves, l’article 76, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 l’investit en effet d’un large pouvoir d’appréciation à l’effet de décider, tout en motivant sa décision sur ce point, s’il y a lieu ou non de prendre celles-ci en compte (arrêts du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 43, et du 28 février 2018, mobile.de/EUIPO, C‑418/16 P, EU:C:2018:128, point 49).

68 S’agissant de l’exercice de ce pouvoir d’appréciation, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, une telle prise en compte est, en particulier, susceptible de se justifier lorsque l’EUIPO considère que, d’une part, ces éléments tardivement produits sont de prime abord susceptibles de revêtir une réelle pertinence et, d’autre part, le stade de la procédure auquel intervient cette production tardive et les circonstances qui l’entourent ne s’opposent pas à leur prise en compte [voir, en
ce sens, arrêts du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 44 ; du 28 février 2018, mobile.de/EUIPO, C‑418/16 P, EU:C:2018:128, point 63, et du 4 octobre 2018, Blackmore/EUIPO – Paice (DEEP PURPLE), T‑344/16, non publié, EU:T:2018:648, point 54].

69 En l’espèce, premièrement, comme il a été rappelé au point 62 ci-dessus, dans le cadre de l’examen du recours introduit par la requérante, la chambre de recours a conclu à l’irrecevabilité des éléments de preuve produits par cette dernière pour la première fois devant elle, portant sur les pièces détachées et accessoires, au motif qu’ils avaient été présentés tardivement. À cette fin, aux points 168 et 169 de la décision attaquée, elle s’est contentée d’indiquer que les éléments de preuve
produits devant la division d’annulation n’étaient pas « satisfaisants » et que, « compte tenu de [leur] faiblesse […], le pouvoir discrétionnaire ne [pouvait] être exercé en faveur de la [requérante] ».

70 Cette motivation ne permet pas de s’assurer que la chambre de recours a examiné la recevabilité de ces éléments de preuve à l’aune des critères jurisprudentiels rappelés au point 68 ci-dessus. En particulier, elle ne permet pas de vérifier que la chambre de recours a examiné si ces éléments de preuve étaient, de prime abord, susceptibles de revêtir une réelle pertinence pour la solution du recours introduit devant elle et si le stade de la procédure auquel intervenait cette production tardive et
les circonstances qui entouraient ladite production s’opposaient à leur prise en compte. À cet égard, la simple affirmation selon laquelle les éléments de preuve produits devant la division d’annulation n’étaient « pas satisfaisants » ne constitue pas une motivation suffisante, dès lors qu’elle n’apporte aucun élément permettant de comprendre en quoi les critères établis par la jurisprudence, permettant la prise en compte, par les chambres de recours, d’éléments de preuve produits tardivement, ne
seraient pas remplis en l’espèce.

71 Interrogé lors de l’audience quant à la question de savoir si la décision attaquée était entachée d’une insuffisance de motivation quant à la recevabilité des éléments de preuve produits pour la première fois devant la chambre de recours, l’EUIPO a indiqué, en substance, qu’une analyse de ces critères n’était pas nécessaire dans la mesure où, en tout état de cause, ces éléments avaient été, par la suite, examinés au fond dans la décision attaquée.

72 Toutefois, le fait que ces éléments de preuve aient été examinés, en tout état de cause, au fond ne remédie pas à l’insuffisance de motivation dont est entachée la décision attaquée quant à leur irrecevabilité, mais porte plutôt sur les conséquences de cette insuffisance sur la légalité de la décision attaquée, lesquelles seront examinées ci-après.

73 Dans ces circonstances, il convient de constater que la décision attaquée est entachée d’une insuffisance de motivation, que le Tribunal se doit de relever d’office.

74 Deuxièmement, et ainsi qu’il a été relevé au point 62 ci-dessus, force est de constater que la chambre de recours a, d’une part, rejeté comme irrecevables, dans le cadre du recours introduit par la requérante, lesdits éléments de preuve, tandis que, d’autre part, dans le cadre du recours introduit par l’intervenant, elle n’a pas relevé la supposée irrecevabilité de ces mêmes éléments de preuve, en les examinant directement au fond.

75 Par une question écrite, le Tribunal a invité les parties à présenter leurs observations quant à l’éventuel caractère incohérent de la motivation de la décision attaquée à cet égard, dans l’hypothèse où le Tribunal estimerait pertinent de soulever cette question d’office. En réponse à cette question, la requérante a fait valoir que la décision attaquée était entachée d’une contradiction de motifs sur ce point, laquelle devait entraîner l’annulation de la décision attaquée. L’EUIPO a indiqué,
quant à lui, que l’approche de la chambre de recours n’était pas contradictoire, dès lors que, en tout état de cause, les éléments de preuve en cause avaient, dans le cadre des deux recours, été examinés et rejetés au fond, de sorte que la contradiction de motifs en question serait sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. L’intervenant a soutenu une argumentation analogue.

76 À cet égard, il convient de constater que la décision attaquée est entachée d’une contradiction de motifs que le Tribunal se doit de relever d’office, dans la mesure où les mêmes éléments de preuve ont été écartés, à titre principal, comme irrecevables dans le cadre du recours introduit par la requérante, tandis qu’ils ont été considérés, implicitement mais nécessairement, comme recevables dans le cadre du recours introduit par l’intervenant.

77 Quant à l’argument de l’EUIPO reproduit au point 75 ci-dessus, force est de constater, à l’instar de ce qui a été constaté au point 72 ci-dessus, qu’il n’a aucune incidence sur le fait que la décision attaquée est entachée d’une contradiction de motifs s’agissant de la recevabilité des éléments de preuve produits pour la première fois devant la chambre de recours, mais porte plutôt sur les conséquences de cette contradiction sur la légalité de la décision attaquée, lesquelles seront examinées
ci-après.

78 Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal n’est pas en mesure de déterminer si la chambre de recours a pu, sans commettre d’erreur, écarter les éléments de preuve en cause comme irrecevables. En effet, comme il a été constaté aux points 72 et 76 ci-dessus, la décision attaquée est entachée, d’une part, d’une insuffisance de motivation et, d’autre part, d’une contradiction de motifs.

79 Dans ces circonstances, il convient d’examiner l’argument de l’EUIPO selon lequel les vices de motivation relevés ci-dessus n’ont pas d’incidence sur la légalité de la décision attaquée, dans la mesure où la chambre de recours a, en tout état de cause, rejeté au fond lesdits éléments de preuve.

– Sur le fond

80 Dans la décision attaquée, premièrement, la chambre de recours a considéré que la marque contestée avait été utilisée pour des pièces détachées et accessoires non pas par la requérante, mais par des négociants indépendants et qu’il ne ressortait pas des éléments de preuve que cet usage avait été fait avec le consentement de la requérante. Deuxièmement, elle a relevé que la marque contestée avait été utilisée, pour lesdits produits, à des fins « descriptives » et non pour indiquer l’origine
commerciale de ceux-ci. Selon la chambre de recours, les éléments de preuve présentés par la requérante ne faisaient pas de distinction entre les pièces détachées et accessoires vendus sous la marque contestée et les pièces détachées et accessoires génériques compatibles avec les voitures de modèle Testarossa. Troisièmement, s’agissant des éléments de preuve montrant des pièces détachées et accessoires portant la marque contestée, la chambre de recours a relevé qu’il s’agissait de cas isolés, qui
n’étaient pas suffisants pour démontrer un usage sérieux de la marque contestée pour de tels pièces et accessoires.

81 D’une part, la requérante fait valoir que la chambre de recours a refusé à tort de reconnaître l’usage sérieux de la marque contestée pour les pièces détachées et accessoires. À cet égard, elle reproche à ladite chambre d’avoir affirmé à tort que les tiers participant à la vente de ces pièces et accessoires étaient des « négociants indépendants » et que l’usage de la marque contestée pour de tels produits ne saurait être considéré comme démontrant un usage sérieux pour les automobiles « en raison
de la disproportion de [leur] valeur ». Elle souligne également que la chambre de recours n’a pas pris en considération les critères pertinents pour l’appréciation de l’usage sérieux, à savoir la nature des produits en cause, les caractéristiques du marché et la fréquence de l’usage dans le cadre de son examen. En outre, la chambre de recours aurait commis une erreur dans l’interprétation de la notion d’« usage sérieux » et dans l’appréciation d’un tel usage par le fait de tiers, en considérant à
tort que les éléments de preuve produits ne suffisaient pas pour démontrer que la fonction essentielle de la marque était remplie.

82 D’autre part, la requérante avance que la chambre de recours n’a pas tenu compte de la jurisprudence selon laquelle l’utilisation d’une marque enregistrée pour des pièces détachées faisant partie intégrante des produits couverts par cette marque est susceptible de constituer un usage sérieux non seulement pour les pièces détachées elles-mêmes, mais aussi pour les produits couverts par ladite marque.

83 L’EUIPO et l’intervenant contestent les arguments de la requérante et soutiennent que l’usage sérieux de la marque contestée pour les pièces détachées et accessoires n’a pas été prouvé et ne saurait, en tout état de cause, établir un usage pour les « automobiles ». Ils considèrent que l’arrêt du 22 octobre 2020, Ferrari (C‑720/18 et C‑721/18, EU:C:2020:854), ne permet pas de conclure automatiquement qu’un usage pour des pièces détachées constitue un usage sérieux pour les automobiles.
L’intervenant insiste sur le fait que les pièces détachées et accessoires sont des produits secondaires, généralement vendus par des revendeurs indépendants qui utilisent la marque à titre « descriptif », sans établir de lien direct avec la titulaire de celle-ci. Il soutient également que la requérante n’a pas présenté de contrats de licence portant sur l’usage de la marque contestée pour des pièces détachées et accessoires.

84 En l’espèce, la requérante ne conteste pas la constatation de la chambre de recours selon laquelle les pièces détachées et accessoires commercialisés sous la marque contestée pendant la période pertinente étaient « principalement » des pièces d’occasion.

85 Il est, en outre, constant entre les parties que l’usage de la marque contestée pour les pièces détachées et accessoires dont se prévaut la requérante n’a pas été fait par elle-même, mais par des tiers.

86 À cet égard, la requérante ne prétend pas avoir consenti expressément à un tel usage. En revanche, elle fait valoir que les éléments de preuve qu’elle a présentés devant l’EUIPO sont susceptibles de démontrer, pris ensemble, qu’elle a consenti implicitement à un tel usage.

87 Lors de l’audience, la requérante a également fait valoir que l’un de ses concessionnaires, qui vendait, pendant la période pertinente, des pièces détachées et accessoires sous la marque contestée, à savoir Maranello, appartenait, en réalité, au même groupe de sociétés qu’elle. Toutefois, dans la mesure où cette circonstance ne ressort pas du dossier et n’a été étayée par aucun élément de preuve, le Tribunal ne saurait la prendre en considération.

88 Premièrement, force est de constater, à l’instar de la requérante et contrairement à ce qu’a relevé la chambre de recours, que l’usage de la marque contestée pour les pièces détachées et accessoires a été fait, pendant la période pertinente et tel qu’il ressort des éléments de preuve présentés par la requérante, non pas par des négociants indépendants, n’entretenant aucun rapport avec la requérante, mais par des concessionnaires et des distributeurs agréés, avec lesquels la requérante entretenait
des liens économiques et contractuels.

89 En effet, parmi les éléments de preuve présentés par la requérante figurent plusieurs captures d’écran et extraits du site Internet de Maranello, dont il ressort que cette entreprise détient les « droits exclusifs de distribution mondiale de toutes les pièces fabriquées en usine pour les voitures Ferrari d’avant 1995 » et qu’elle vend des pièces détachées et accessoires « Ferrari », décrites comme des « pièces d’origine » (« genuine parts »), conformes aux standards approuvés, dont la qualité, la
sécurité et la fiabilité ont été vérifiées. La requérante a également présenté des factures émises par Maranello ainsi que par d’autres concessionnaires agréés, faisant état de la vente de tels pièces et accessoires à des particuliers en Allemagne, en Suisse et en République tchèque, ou encore de services de réparation de voitures de la marque TESTAROSSA.

90 En outre, comme il a été constaté aux points 49 et 50 ci-dessus, la requérante propose, notamment aux concessionnaires et distributeurs agréés, le service de certification, lequel a pour objet de certifier l’authenticité d’une voiture d’occasion de la marque TESTAROSSA et inclut une vérification de l’origine commerciale des pièces principales de la voiture.

91 Partant, pour des motifs analogues à ceux exposés aux points 34 à 56 ci-dessus, il convient de relever que la requérante a démontré avoir consenti, implicitement, à l’usage, par des tiers, de la marque contestée pour des pièces détachées et accessoires.

92 Deuxièmement, la chambre de recours a constaté que les éléments de preuve présentés par la requérante faisaient état d’un usage « descriptif » de la marque contestée pour les pièces détachées et accessoires, aux seuls fins d’indiquer que de tels produits étaient compatibles avec une voiture de la marque TESTAROSSA.

93 À cet égard, il convient de constater que la chambre de recours n’a pas suffisamment pris en considération le fait que les ventes des pièces détachées et accessoires effectuées par des concessionnaires agréés, en particulier par Maranello, portaient notamment sur des pièces d’origine (« genuine parts ») de la marque TESTAROSSA, ainsi que la requérante l’avait déjà fait valoir devant la chambre de recours et devant la division d’annulation, et ainsi qu’il ressort du point 89 ci-dessus. À cet
égard, force est également de relever que certains éléments de preuve, tels que les factures émises par Maranello, comportent de nombreuses références à des pièces détachées et accessoires désignés spécifiquement par la marque contestée.

94 En tout état de cause, la chambre de recours a elle-même reconnu, au point 197 de la décision attaquée, que certaines pièces détachées et certains accessoires portaient la marque contestée, tout en considérant qu’il s’agissait de « cas isolés ». Toutefois, la question de savoir s’il s’agit ou non de « cas isolés » relève de l’importance de l’usage de la marque pour de tels pièces et accessoires et non pas de la nature de celui-ci, laquelle, ainsi qu’il a été rappelé au point 27 ci-dessus, fait
seule l’objet du présent litige.

95 Il s’ensuit que les appréciations de la chambre de recours relatives à l’usage de la marque contestée pour des pièces détachées et accessoires sont entachées d’erreurs.

96 De surcroît, il convient de relever, à l’instar de la requérante, que l’usage de la marque contestée pour les pièces détachées et accessoires peut également constituer un usage de celle-ci pour les « automobiles », ce que la chambre de recours a nié à tort.

97 En effet, la Cour a déjà jugé que l’utilisation d’une marque enregistrée, par son titulaire ou avec son consentement, pour des pièces détachées faisant partie intégrante des produits couverts par cette marque, est susceptible de constituer un « usage sérieux », au sens de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, non seulement pour les pièces détachées elles-mêmes, mais aussi pour les produits couverts par ladite marque. Il est, à cet égard, indifférent que l’enregistrement
de ladite marque couvre non seulement les produits entiers, mais aussi leurs pièces détachées (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2020, Ferrari, C‑720/18 et C‑721/18, EU:C:2020:854, point 35).

98 Dès lors, une marque enregistrée pour une catégorie de produits et de pièces détachées les composant doit être considérée comme ayant fait l’objet d’un « usage sérieux », au sens de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, pour l’ensemble des produits relevant de cette catégorie et les pièces détachées les composant, si elle n’a fait l’objet d’un tel usage que pour certains de ces produits, tels que les voitures de sport de luxe coûteuses, ou seulement pour les pièces
détachées ou les accessoires composant certains desdits produits, à moins qu’il ne ressorte des éléments de fait et de preuve pertinents que le consommateur désireux d’acquérir les mêmes produits perçoit ceux-ci comme constituant une sous-catégorie autonome de la catégorie des produits pour laquelle la marque concernée a été enregistrée (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2020, Ferrari, C‑720/18 et C‑721/18, EU:C:2020:854, point 53).

99 Partant, il appartenait à la chambre de recours d’apprécier de manière concrète, principalement au regard des produits ou des services pour lesquels le titulaire d’une marque a apporté la preuve de l’usage de sa marque, si ceux-ci constituent une sous-catégorie autonome par rapport aux produits et aux services relevant de la classe de produits ou de services concernée, de manière à mettre en relation les produits ou les services pour lesquels l’usage sérieux de la marque a été prouvé avec la
catégorie des produits ou des services couverts par l’enregistrement de cette marque (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 22 octobre 2020, Ferrari, C‑720/18 et C‑721/18, EU:C:2020:854, point 41 et jurisprudence citée).

100 Or, la chambre de recours n’a pas effectué un tel examen dans la décision attaquée. En effet, elle n’a pas constaté que ces pièces détachées et accessoires constituaient une sous-catégorie autonome par rapport aux automobiles, de sorte que la preuve de l’usage de ces premières serait dépourvue de pertinence pour les secondes.

101 La chambre de recours s’est contentée de relever, d’une part, l’existence d’une disproportion de valeur économique entre les pièces détachées et accessoires et les automobiles. Toutefois, il convient de relever, à l’instar de la requérante, que, en se fondant sur la valeur économique des pièces détachées et accessoires, la chambre de recours n’a pas tenu compte de la jurisprudence constante, selon laquelle, dans la mesure où le consommateur recherche avant tout un produit ou un service qui
pourra répondre à ses besoins spécifiques, la finalité ou la destination du produit ou du service en cause revêt un caractère essentiel dans l’orientation de son choix. Dès lors, dans la mesure où il est appliqué par les consommateurs préalablement à tout achat, le critère de finalité ou de destination est un critère primordial dans la définition d’une sous-catégorie de produits ou de services [arrêts du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46,
point 29 ; du 16 mai 2013, Aleris/OHMI – Carefusion 303 (ALARIS), T‑353/12, non publié, EU:T:2013:257, point 22, et du 24 janvier 2024, Agus/EUIPO – Alpen Food Group (ROYAL MILK), T‑603/22, non publié, EU:T:2024:29, point 32].

102 D’autre part, la chambre de recours a relevé que le public pertinent ne considérerait pas que le fabricant des pièces détachées et accessoires aurait la capacité technique de construire des automobiles, dans la mesure où il était notoire que les constructeurs automobiles ne produisaient pas l’intégralité des pièces détachées et accessoires de leurs voitures. Toutefois, s’il est vrai que l’intégralité des pièces détachées et accessoires ne sont pas normalement produits par les constructeurs
automobiles eux-mêmes et que, inversement, les fabricants de tels pièces et accessoires ne fabriquent pas nécessairement des automobiles, il est tout aussi notoire qu’un certain nombre de pièces détachées et accessoires sont bel et bien produits par les constructeurs automobiles eux-mêmes, ou par des tiers sous licence. Partant, il n’existe pas de règle générale selon laquelle le public pertinent considère nécessairement que les automobiles proviennent de constructeurs différents de ceux
fabriquant les pièces détachées et accessoires de ces automobiles.

103 Eu égard à ce qui précède, la décision attaquée est également entachée d’erreurs d’appréciation en ce qui concerne la pertinence des éléments de preuve relatifs aux pièces détachées et accessoires pour prouver l’usage de la marque contestée pour les automobiles. Ces erreurs s’ajoutent à celle relevée au point 60 ci-dessus.

104 Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’accueillir le quatrième moyen.

105 Eu égard à ce qui précède, et contrairement à ce que fait valoir l’EUIPO, les vices de motivation relevés aux points 72 et 78 ci-dessus ont une incidence sur la solution du litige. En effet, il en résulte que la décision attaquée est viciée à la fois en raison d’un défaut de motivation, en ce qui concerne la recevabilité des éléments de preuve relatifs aux pièces détachées et accessoires, et en raison d’erreurs d’appréciation, en ce qui concerne leur examen sur le fond, de sorte qu’elle ne peut
qu’être annulée sur ce point également.

106 Partant, il convient d’annuler la décision attaquée dans son intégralité, sans qu’il soit besoin d’examiner le premier moyen.

Sur les dépens

107 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’EUIPO et l’intervenant ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

108 En outre, la requérante a conclu à la condamnation de l’EUIPO et de l’intervenant aux dépens qu’elle a exposés dans le cadre de la procédure devant la chambre de recours. À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, seuls les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Partant, il y a également lieu de condamner l’EUIPO et
l’intervenant à supporter les dépens indispensables exposés par la requérante aux fins de la procédure devant la chambre de recours.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

déclare et arrête :

  1) La décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 29 août 2023 (affaires jointes R 334/2017-5 et R 343/2017-5) est annulée.

  2) L’EUIPO et M. Kurt Hesse supporteront, outre leurs propres dépens, ceux exposés par Ferrari SpA, y compris les frais indispensables exposés aux fins de la procédure devant la chambre de recours.

Kornezov

De Baere

Petrlík

  Kecsmár

Kingston

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 juillet 2025.

Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.


Synthèse
Formation : Huitième chambre élargie
Numéro d'arrêt : T-1103/23
Date de la décision : 02/07/2025
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque verbale TESTAROSSA – Usage sérieux de la marque – Article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001] – Usage par des tiers – Nature de l’usage – Consentement implicite du titulaire de la marque – Preuve de l’usage sérieux – Voitures d’occasion – Pièces détachées et accessoires.


Parties
Demandeurs : Ferrari SpA
Défendeurs : Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Kornezov

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2025:659

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