ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre élargie)
4 décembre 2024 ( *1 )
« Subventions – Extension du droit compensateur définitif institué sur les importations de certains tissus en fibres de verre tissées ou cousues originaires de Chine aux importations de ces produits expédiées du Maroc – Enquête anticontournement – Contournement – Accord euro-méditerranéen d’association CE-Maroc – Article 33, sous a), du règlement (UE) 2016/1037 – Détournement de pouvoir – Conditions pour établir l’existence d’un contournement – Article 23, paragraphe 3, du règlement 2016/1037 –
Modification découlant de pratiques, d’opérations ou d’ouvraisons pour lesquelles il n’existait pas de motivation suffisante ou de justification économique autre que l’imposition du droit – Opérations d’assemblage – Opérations d’achèvement – Notion de “valeur ajoutée” – Produit similaire importé ou parties de ce produit continuant à bénéficier de la subvention – Erreur de droit – Erreur manifeste d’appréciation – Principe de non-discrimination – Égalité de traitement – Principe de bonne
administration – Article 28, paragraphes 1 et 3 du règlement 2016/1037 – Utilisation de données disponibles »
Dans l’affaire T‑246/22,
PGTEX Morocco, établie à Tanger (Maroc), représentée par Mes P. Vander Schueren, E. Gergondet et A. Nosowicz, avocats,
partie requérante,
soutenue par
LM Wind Power A/S, établie à Kolding (Danemark), représentée par Mes B. Servais et V. Crochet, avocats,
partie intervenante,
contre
Commission européenne, représentée par MM. G. Luengo et J. Zieliński, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenue par
Tech-Fab Europe eV, établie à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), représentée par Mes L. Ruessmann et J. Beck, avocats,
partie intervenante,
LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie),
composé de Mme O. Porchia (rapporteure), présidente, MM. M. Jaeger, L. Madise, P. Nihoul et S. Verschuur, juges,
greffier : Mme I. Kurme, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 16 janvier 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, PGTEX Morocco, demande l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2022/301 de la Commission, du 24 février 2022, portant extension du droit compensateur définitif institué par le règlement d’exécution (UE) 2020/776 sur les importations de certains tissus en fibres de verre tissées et/ou cousues (ci-après les « TFV ») originaires de la République populaire de Chine (ci-après la « RPC ») aux importations de TFV expédiées du Maroc, qu’elles
aient ou non été déclarées originaires de ce pays, et clôturant l’enquête concernant un éventuel contournement des mesures compensatoires instituées par le règlement d’exécution (UE) 2020/776 sur les importations de TFV originaires d’Égypte par des importations de TFV expédiées du Maroc, qu’elles aient ou non été déclarées originaires de ce pays (JO 2022, L 46, p. 31, ci-après le « règlement d’exécution attaqué »).
I. Antécédents du litige
2 La requérante, une société de droit marocain qui est établie dans une zone franche à Tanger (Maroc) et qui appartient au groupe de sociétés chinois PGTEX, est une productrice-exportatrice de certains tissus en fibres de verre tissées et/ou cousues (ci-après les « TFV ») qu’elle exporte, notamment, vers l’Union européenne.
3 Les TFV sont des tissus constitués de stratifils ou de fils en fibres de verre (ci-après les « stratifils en fibres de verre ») à filament continu, tissés et/ou cousus, avec ou sans autres éléments, à l’exclusion des produits imprégnés ou préimprégnés et des tissus à maille ouverte dont les cellules mesurent plus de 1,8 millimètre (mm) tant en longueur qu’en largeur et dont le poids est supérieur à 35 grammes par mètre carré (g/m2). Ces produits sont utilisés dans une grande variété
d’applications, notamment pour la production de pales d’éoliennes, d’équipements de sport et de matériel pour bateaux et camions ainsi que dans les systèmes de réhabilitation des canalisations.
4 Le 16 mai 2019, la Commission européenne a ouvert, sur le fondement de l’article 10 du règlement (UE) 2016/1037 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 55, ci-après le « règlement antisubventions de base »), une enquête antisubventions concernant les importations dans l’Union de TFV originaires de Chine et d’Égypte (ci-après l’« enquête
antisubventions »).
5 L’enquête antisubventions a débouché sur le règlement d’exécution (UE) 2020/776 de la Commission, du 12 juin 2020, instituant un droit compensateur définitif sur les TFV originaires de la République populaire de Chine et d’Égypte et modifiant le règlement d’exécution (UE) 2020/492 de la Commission instituant des droits antidumping définitifs sur les importations de certains TFV originaires de la République populaire de Chine et d’Égypte (JO 2020, L 189, p. 1). Par ce règlement d’exécution, la
Commission a institué un droit compensateur résiduel de 30,7 % sur les importations de TFV en provenance de Chine.
6 Le 19 mai 2021, la Commission a été saisie d’une demande au titre de l’article 23, paragraphe 4, et de l’article 24, paragraphe 5, du règlement antisubventions de base l’invitant à ouvrir une enquête sur l’éventuel contournement des mesures compensatoires instituées sur les importations de TFV originaires de Chine et d’Égypte et à soumettre ces importations à enregistrement.
7 La demande en cause a été déposée par l’intervenante au soutien de la Commission, Tech-Fab Europe eV, une association de producteurs de TFV de l’Union.
8 Ayant conclu, après avoir informé les États membres, qu’il existait des éléments de preuve suffisants pour justifier l’ouverture d’une enquête (ci-après l’« enquête anticontournement ») en vertu de l’article 23 du règlement antisubventions de base, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2021/863, du 28 mai 2021, ouvrant une enquête concernant un éventuel contournement des mesures compensatoires instituées par le règlement d’exécution 2020/776 sur les importations de certains TFV
originaires de la République populaire de Chine et d’Égypte par des importations de certains TFV expédiées du Maroc, qu’elles aient ou non été déclarées originaires de ce pays, et soumettant ces importations à enregistrement (JO 2021, L 190, p. 76).
9 La période couverte par l’enquête anticontournement allait du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2020 (ci-après la « période d’enquête »). Avant 2019, il n’existait pas de volumes d’exportation importants de TFV du Maroc vers l’Union. Des données ont été recueillies pour ladite période afin d’étudier, notamment, la modification alléguée dans les flux commerciaux à la suite de l’institution des mesures compensatoires sur les produits concernés ainsi que l’existence de pratiques, d’opérations ou
d’ouvraisons pour lesquelles il n’existait pas de motivation suffisante ou de justification économique autre que l’imposition du droit. Des données plus détaillées ont été recueillies concernant la période comprise entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2020 (ci-après la « période de référence ») afin d’examiner si les importations neutralisaient les effets correcteurs des mesures en vigueur, en termes de prix ou de quantités, et s’il existait des pratiques de subventionnement.
10 Au cours de l’enquête anticontournement, le groupe PGTEX, composé de la requérante et de ses sociétés liées en Chine, à savoir PGTEX China Co., Ltd (ci-après « PGTEX China ») et Chongqing Polycomp International Corporation (CPIC), a transmis le formulaire des entreprises demandant une exemption (ci-après le « formulaire de demande d’exemption ») complété. PGTEX China a également complété le formulaire destiné aux producteurs‑exportateurs. Le 8 septembre 2021, ledit groupe a répondu à la demande
de complément d’information envoyée par la Commission le 13 août 2021 (ci-après la « réponse à la demande de complément d’information »).
11 Par lettre du 5 octobre 2021, la Commission a informé la requérante de son intention de s’appuyer sur des données disponibles au titre de l’article 28 du règlement antisubventions de base. Le 12 octobre 2021, la requérante a répondu à cette lettre (ci-après la « réponse à la lettre relative à l’article 28 »).
12 Le 15 octobre 2021, la requérante a transmis d’autres renseignements afin de démontrer que la transformation mise en œuvre au Maroc ne pouvait être qualifiée d’opération d’assemblage et qu’elle était en soi justifiée d’un point de vue économique (ci-après la « documentation additionnelle »).
13 Le 20 décembre 2021, la Commission a présenté son document d’information générale (ci-après le « DIG »), dans lequel elle recommandait l’élargissement des mesures compensatoires applicables aux importations de TFV originaires de Chine et d’Égypte aux importations de TFV expédiées depuis le Maroc et rejetait la demande d’exemption de ces droits faite par la requérante. Le 7 janvier 2022, la requérante a présenté ses commentaires sur le DIG (ci-après les « commentaires sur le DIG »).
14 Parallèlement, la requérante, considérant que le DIG, en appliquant à son égard des données disponibles, ne répondait pas aux observations formulées dans la réponse à la lettre relative à l’article 28, a demandé, le 29 décembre 2021, l’intervention du conseiller-auditeur. Une audition a eu lieu le 10 janvier 2022 avec la Commission et le 12 janvier suivant avec le conseiller-auditeur. Ce dernier a remis son rapport le 25 janvier 2022 (ci-après le « rapport du conseiller-auditeur »).
15 Le 24 février 2022, la Commission a adopté le règlement d’exécution attaqué.
II. Conclusions des parties
16 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— annuler le règlement d’exécution attaqué dans la mesure où il la concerne ;
— condamner la Commission aux dépens.
17 L’intervenante au soutien de la requérante, LM Wind Power A/S, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— accueillir le recours en annulation ;
— condamner la Commission aux dépens liés à son intervention.
18 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— rejeter le recours comme non fondé ;
— condamner la requérante aux dépens.
19 L’intervenante au soutien de la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— rejeter le recours ;
— condamner la requérante aux dépens liés à son intervention.
III. En droit
20 À l’appui du présent recours, la requérante soulève cinq moyens, tirés :
— le premier, d’une violation de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part (JO 2000, L 70, p. 2), tel que modifié (ci-après l’« accord d’association »), d’une violation de l’article 33, sous a), du règlement antisubventions de base et d’un détournement de pouvoir au motif que le règlement d’exécution attaqué impose des droits compensateurs sur des TFV qu’elle exporte vers
l’Union sans prendre en considération leur origine marocaine préférentielle ;
— le deuxième, d’une violation de l’obligation de motivation, d’une violation des droits de la défense et du droit à une bonne administration, d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une violation de l’article 28, paragraphes 1 et 3, du règlement antisubventions de base en ce qui concerne l’utilisation des données disponibles ;
— le troisième, d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une violation de l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base en ce que la Commission a considéré qu’il n’y avait pas de motivation suffisante ou de justification économique à la création de son site de production au Maroc autre que l’institution des droits compensateurs ainsi que d’une violation du droit à une bonne administration en ce que la Commission n’a pas examiné avec soin et impartialité tous les éléments
pertinents du cas d’espèce ;
— le quatrième, d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une violation de l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base, de violations des principes de non‑discrimination et d’égalité de traitement ainsi que d’une violation du droit à une bonne administration en ce que la Commission a conclu que le processus de fabrication mis en œuvre au Maroc constituait une opération d’assemblage ;
— le cinquième, d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une violation de l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base en ce que la Commission a considéré que les TFV exportés depuis le Maroc vers l’Union continuaient à bénéficier des subventions accordées aux producteurs chinois de TFV.
21 Il convient d’examiner, d’abord, les premier, troisième, quatrième et cinquième moyens, puis, le cas échéant, le deuxième moyen.
A. Sur le premier moyen
22 À l’appui du présent moyen, la requérante, tout comme l’intervenante à son soutien, avance, en substance, trois griefs.
23 Par le premier grief, la requérante soutient, à titre liminaire, que les TFV qu’elle fabrique sont considérés, selon les règles applicables de l’accord d’association, comme « originaires » du Maroc. L’origine préférentielle desdits TFV serait confirmée par la preuve de l’origine délivrée par les autorités marocaines conformément aux articles 16 et 17 du protocole no 4 de l’accord d’association, à savoir les certificats EUR.1, dont la validité aurait été confirmée par l’administration marocaine
des douanes. Par ailleurs, cette origine préférentielle ne serait pas contestée.
24 Dès lors, en imposant des droits compensateurs sur les importations de TFV de la requérante bénéficiant d’une origine préférentielle marocaine au terme de l’enquête anticontournement, et non de l’enquête antisubventions, le règlement d’exécution attaqué aurait violé l’article 9 de l’accord d’association, qui interdit l’imposition de droits de douane et de taxes d’effet équivalent ainsi que, par conséquent, de droits compensateurs, sur de tels produits. Il n’y aurait pas d’exceptions à cette
interdiction que la Commission pourrait invoquer à titre de « moyen de défense affirmatif ».
25 Selon la requérante, en ratifiant l’accord d’association, l’Union s’est engagée à ne pas instaurer des droits compensateurs sur les importations « originaires » du Maroc indépendamment de ses propres instruments législatifs. En toute hypothèse, la primauté des accords internationaux conclus par l’Union sur les textes de droit dérivé de l’Union commanderait d’interpréter ces derniers, dans la mesure du possible, en conformité avec ces accords (arrêt du 10 septembre 1996, Commission/Allemagne,
C‑61/94, EU:C:1996:313, point 52). La Commission ne saurait interpréter le simple fait qu’il existe un droit dérivé de l’Union comme une justification l’habilitant à faire abstraction des engagements pris dans le cadre de l’accord d’association.
26 Par le deuxième grief, la requérante fait valoir que le règlement d’exécution attaqué viole l’article 33, sous a), du règlement antisubventions de base, dans la mesure où il instaure des droits compensateurs sur des importations « originaires » du Maroc, écartant ainsi l’application des règles spéciales prévues dans l’accord d’association.
27 Par le troisième grief, la requérante avance que le règlement d’exécution attaqué est entaché d’un détournement de pouvoir dans la mesure où il a pour seul objectif d’éluder la procédure spécialement prévue en matière d’aide d’État par les articles 36 et suivants de l’accord d’association. Selon elle, ledit règlement d’exécution indique qu’elle a bénéficié de la transmission de subventions reçues par ses fournisseurs de matières premières affiliés. Elle estime que, en constatant l’octroi d’aides
publiques ou de subventions en sa faveur, la Commission aurait donc dû invoquer l’article 36 de l’accord d’association. Elle en déduit que, en évitant cette procédure et en adoptant à la place, de façon unilatérale, ce règlement d’exécution imposant des mesures correctives au motif qu’elle avait bénéficié d’« aides publiques », la Commission a commis un détournement de pouvoir.
28 Enfin, à cet égard, la requérante ajoute que, si l’objectif poursuivi par la Commission à travers l’adoption du règlement d’exécution attaqué est de veiller à l’efficacité des mesures imposées sur les importations de TFV originaires de Chine, il reste que ce règlement d’exécution impose des droits de douane et des taxes d’effet équivalent sur les importations de TFV originaires du Maroc, en violation de l’article 9 de l’accord d’association et de l’article 33 du règlement antisubventions de base.
29 La Commission, tout comme l’intervenante à son soutien, conteste les arguments de la requérante.
1. Observations liminaires
a) Sur l’accord d’association
30 L’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part a été conclu à Bruxelles le 26 février 1996 et a été approuvé au nom des Communautés européennes par la décision 2000/204/CE, CECA du Conseil et de la Commission, du 24 janvier 2000, relative à la conclusion de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part,
et le Royaume du Maroc, d’autre part (JO 2000, L 70, p. 1). Conformément à son article 96, ledit accord est entré en vigueur le 1er mars 2000, comme cela ressort de l’information publiée au Journal officiel des Communautés européennes (JO 2000, L 70, p. 228).
31 En vertu de son article 1er, paragraphe 1, l’accord d’association établit une association entre, d’une part, la Communauté européenne et la Communauté européenne du charbon et de l’acier (désignées ensemble dans l’accord d’association avec le Maroc comme étant la « Communauté ») ainsi que leurs États membres et, d’autre part, le Royaume du Maroc.
32 Selon son article 1er, paragraphe 2, deuxième tiret, l’accord d’association a pour objectif, inter alia, de fixer « les conditions de la libéralisation progressive des échanges de biens, de services et de capitaux ».
33 Ainsi, l’article 6 de l’accord d’association, figurant sous le titre II de cet accord, relatif à la libre circulation des marchandises, dispose que « [l]a Communauté et le Maroc établissent progressivement une zone de libre-échange pendant une période de transition de douze années au maximum à compter de la date d’entrée en vigueur du présent accord selon les modalités indiquées ci-après et en conformité avec les dispositions de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 et
des autres accords multilatéraux sur le commerce de marchandises annexés à l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) […] ».
34 À cette fin, l’article 9 de l’accord d’association, qui, conformément à l’intitulé du titre II, chapitre I, de cet accord, sous lequel il figure, s’applique aux produits industriels, dispose que « [l]es produits originaires du Maroc sont admis à l’importation dans la Communauté en exemption de droits de douane et taxes d’effet équivalent ».
35 Ainsi que cela est précisé par l’article 29 de l’accord d’association, la notion de « produits originaires » aux fins de l’application du titre II dudit accord et les méthodes de coopération administrative qui y sont relatives sont définies au protocole no 4 de ce même accord.
36 En outre, sous le titre IV, chapitre II, intitulé « Concurrence et autres dispositions économiques », de l’accord d’association, l’article 36, paragraphe 1, dispose qu’« [es]t incompatibl[e] avec le bon fonctionnement du présent accord, dans la mesure où [elle est] susceptibl[e] d’affecter les échanges entre la Communauté et le Maroc : […] toute aide publique qui fausse ou menace de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions sauf dérogations autorisées en
vertu du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier ».
b) Sur la réglementation de l’Union en matière de contournement de mesures antisubventions
37 La réglementation de l’Union en matière de contournement de mesures antisubventions, prévue à l’article 23 du règlement antisubventions de base, permet aux institutions, à certaines conditions, d’étendre des droits antisubventions qu’elles ont institués sur les importations d’un produit en provenance d’un pays tiers aux importations de produits similaires en provenance, notamment, d’un autre pays, afin d’éviter que les mesures antisubventions ne soient contournées.
38 Plus précisément, l’article 23 du règlement antisubventions de base, intitulé « Contournement », est libellé comme suit :
« 1. Les droits compensateurs institués en vertu du présent règlement peuvent être étendus aux importations en provenance de pays tiers de produits similaires, légèrement modifiés ou non, ou aux importations de produits similaires légèrement modifiés en provenance du pays soumis aux mesures, ou à des parties de ces produits, lorsque les mesures en vigueur sont contournées.
2. En cas de contournement des mesures en vigueur, des droits compensateurs n’excédant pas le droit compensateur résiduel institué conformément à l’article 15, paragraphe 2, peuvent être étendus aux importations en provenance de sociétés bénéficiant d’un droit individuel dans les pays soumis aux mesures.
3. Par “contournement”, on entend une modification dans les flux commerciaux entre des pays tiers et l’Union ou entre des sociétés du pays soumis aux mesures et l’Union, découlant de pratiques, d’opérations ou d’ouvraisons pour lesquelles il n’existe pas de motivation suffisante ou de justification économique autre que l’institution du droit compensateur, la preuve étant par ailleurs établie qu’il y a préjudice ou que les effets correcteurs du droit sont neutralisés, en termes de prix et/ou de
quantités des produits similaires, et que le produit similaire importé et/ou les parties de ce produit continuent à bénéficier de la subvention.
Les pratiques, opérations ou ouvraisons visées au premier alinéa englobent, entre autres :
a) les légères modifications apportées au produit concerné afin qu’il relève de codes douaniers qui ne sont normalement pas soumis aux mesures, pour autant que ces modifications ne changent rien à ses caractéristiques essentielles ;
b) l’expédition du produit soumis aux mesures via des pays tiers ;
c) la réorganisation, par des exportateurs ou des producteurs, de leurs schémas et circuits de vente dans le pays soumis aux mesures de telle manière que leurs produits sont en fin de compte exportés vers l’Union par l’intermédiaire de producteurs bénéficiant d’un taux de droit individuel inférieur au taux applicable aux produits des fabricants. »
39 Il ressort du considérant 18 du règlement antisubventions de base que cette disposition a été adoptée au motif que, « [b]ien que l’accord sur les subventions n[’ait pas] comport[é] de dispositions relatives au contournement des mesures compensatoires, cette possibilité exist[ait], d’une manière similaire mais non identique au risque de contournement des mesures antidumping ». En effet, dans la réalité économique actuelle, caractérisée par une globalisation croissante du commerce international,
offrant de plus en plus aux entreprises la possibilité de délocaliser dans différents pays la production des biens, il est de plus en plus important pour l’Union de disposer d’instruments de défense commerciale aptes à répondre de manière effective aux défis que pose un tel environnement commercial, en assurant une protection efficace de l’industrie de l’Union contre les importations de produits faisant l’objet de subventions. Parmi ces instruments, les règles anticontournement jouent un rôle
fondamental pour garantir l’efficacité des mesures compensatoires adoptées par l’Union (voir, en ce sens et par analogie, conclusions de l’avocat général Pitruzzella dans l’affaire Commission/Kolachi Raj Industrial, C‑709/17 P, EU:C:2019:303, points 1 et 73).
2. Sur le bien-fondé du premier moyen, tiré d’une violation de l’accord d’association, d’une violation de l’article 33, sous a), du règlement antisubventions de base et d’un détournement de pouvoir au motif que le règlement d’exécution attaqué impose des droits compensateurs sur des TFV que la requérante exporte vers l’Union sans prendre en considération leur origine marocaine préférentielle
40 En l’espèce, afin de répondre au présent moyen, il convient de déterminer, en substance, si la Commission a pu avoir recours aux règles anticontournement prévues à l’article 23 du règlement antisubventions de base pour étendre des droits compensateurs qu’elle a institués sur les importations d’un produit en provenance d’un pays tiers (à savoir, en l’espèce, la Chine) aux importations de produits similaires en provenance, notamment, d’un autre pays (à savoir, en l’espèce, le Maroc) en faisant
abstraction du fait que l’Union avait signé avec le Royaume du Maroc un accord d’association.
41 En premier lieu, il convient de relever que, ainsi que cela a été souligné au point 37 ci-dessus, l’article 23 du règlement antisubventions de base permet aux institutions, à certaines conditions, d’étendre des droits compensateurs qu’elles ont institués sur les importations d’un produit en provenance d’un pays tiers aux importations de produits similaires en provenance, notamment, d’un autre pays, afin d’éviter que les mesures antisubventions ne soient contournées.
42 Par ailleurs, selon la jurisprudence, un règlement portant extension d’un droit compensateur a pour seul objet d’assurer l’efficacité de celui-ci et d’éviter qu’il ne soit contourné et, en conséquence, une mesure portant extension d’un droit compensateur définitif n’a qu’un caractère accessoire par rapport à l’acte initial instituant ce droit qui protège l’application efficace des mesures définitives (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2019, Commission/Kolachi Raj Industrial, C‑709/17 P,
EU:C:2019:717, point 96 et jurisprudence citée).
43 En second lieu, il convient de souligner que, ainsi que cela ressort de la lecture des dispositions visées aux points 31 à 34 ci-dessus, l’accord d’association vise à établir progressivement une zone de libre-échange entre l’Union et le Maroc. En effet, cet accord a été conclu afin de promouvoir la libre circulation de marchandises entre l’Union et le Maroc par, notamment, l’élimination des droits de douaneet des taxes d’effet équivalent.
44 Ainsi, l’accord d’association et l’article 23 du règlement antisubventions de base sont deux instruments de politique commerciale de l’Union qui répondent à des finalités et à des logiques différentes. En effet, si le premier est un instrument de coopération visant à promouvoir la libre circulation des marchandises provenant du Maroc dans l’Union, le second est un instrument de défense commerciale visant à sanctionner des pratiques commerciales déloyales susceptibles de préjuger l’efficacité des
mesures antisubventions déjà en vigueur à l’égard des pays tiers.
45 En l’espèce, en estimant que le groupe PGTEX avait mis en place, au Maroc, une pratique visant à contourner le droit compensateur institué en vertu du règlement d’exécution 2020/776 sur les importations de TFV en provenance de Chine par le règlement d’exécution attaqué, la Commission a étendu ledit droit compensateur aux TFV expédiés du Maroc. Par ailleurs, le droit ainsi étendu, ayant pour seul objet d’assurer l’efficacité du droit compensateur imposé à la République populaire de Chine, ne
saurait être distingué de ce dernier, dont il constitue l’accessoire (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 8 novembre 2005, Jersey Produce Marketing Organisation, C‑293/02, EU:C:2005:664, point 70).
46 Ainsi, par le règlement d’exécution attaqué, la Commission vise les entreprises chinoises du groupe PGTEX afin de les empêcher de se prévaloir du territoire du Maroc, le Royaume du Maroc ayant conclu avec l’Union l’accord d’association, pour se soustraire au droit compensateur institué sur les importations chinoises de TFV.
47 En ce sens, il convient d’observer que l’accord d’association ne comporte pas de dispositions interdisant l’adoption par l’une des parties audit accord de mesures anticontournement. Dès lors, face à des comportements tels que ceux indiqués au point 46 ci-dessus, cet accord n’empêche pas l’Union de vérifier si toutes les conditions d’application de l’article 23 du règlement antisubventions de base sont remplies, puis, dans la mesure où il est constaté que lesdites conditions sont effectivement
remplies, de recourir aux mesures anticontournement afin de contrecarrer lesdits comportements.
48 Une lecture différente serait susceptible de priver l’Union d’un instrument de défense commerciale qui revêt un caractère crucial pour assurer une protection efficace de l’industrie de l’Union et de transformer le Maroc en une « zone franche » dans laquelle les opérateurs commerciaux pourraient mettre en œuvre toutes sortes d’opérations de contournement de mesures antisubventions, ce qui, en l’espèce, serait contraire aux engagements mutuels pris par le Royaume du Maroc et l’Union dans le cadre
de l’accord d’association.
49 Dès lors, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de constater que la Commission a pu avoir recours aux règles anticontournement prévues à l’article 23 du règlement antisubventions de base et, partant, de rejeter le premier moyen.
B. Sur les troisième à cinquième moyens
50 Les présents moyens du recours portent sur l’appréciation des conditions d’application de l’article 23 du règlement antisubventions de base en l’espèce.
51 À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi que cela ressort du considérant 32 du règlement d’exécution attaqué, conformément à l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base, l’existence d’un contournement, en l’espèce, a été appréciée par la Commission, qui a examiné successivement ce qui suit :
– s’il y avait eu une modification dans les flux commerciaux entre les pays tiers (à savoir la Chine, l’Égypte et le Maroc) et l’Union (ce qui constitue la première condition) ;
– si cette modification découlait de pratiques, d’opérations ou d’ouvraisons pour lesquelles il n’existait pas de motivation suffisante ou de justification économique autre que l’imposition du droit (ce qui constitue la deuxième condition) ;
– si des éléments de preuve attestaient qu’il y avait préjudice ou que les effets correcteurs du droit étaient neutralisés en matière de prix ou de quantités de produits similaires (ce qui constitue la troisième condition) et si le produit similaire importé ou les parties de ce produit continuaient à bénéficier de la subvention (ce qui constitue la quatrième condition).
52 En l’espèce, au considérant 33 du règlement d’exécution attaqué, la Commission a relevé que « [l]es opérations d’assemblage ne figur[ai]ent pas explicitement parmi les pratiques, opérations ou ouvraisons qui constitu[ai]ent un contournement mentionnées à l’article 23, paragraphe 3, second alinéa, du règlement [antisubventions] de base », mais que « [l’expression]“entre autres” [étai]t expressément utilisée à [cet alinéa], ce qui signifi[ait] que l’article fourni[ssai]t une liste non exhaustive de
pratiques de contournement possibles » et que « [d]e ce fait, [ledit] alinéa couvr[ait] également d’autres pratiques de contournement, qui n[’étaient] pas explicitement mentionnées dans l’article en question, telles que les opérations d’assemblage ». Par conséquent, « étant donné que les éléments de preuve fournis par [la demande d’ouverture de l’enquête] indiquaient l’existence d’opérations d’assemblage au Maroc, la Commission[, dans le cadre de l’examen de la deuxième condition en cause,] a […]
examiné si, par analogie, les critères énoncés à l’article 13, paragraphe 2, du [règlement (UE) 2016/1036] étaient remplis, et notamment si l’opération d’assemblage avait commencé ou s’était sensiblement intensifiée depuis ou juste avant l’ouverture de l’enquête antisubventions[, si] les pièces concernées provenaient du pays soumis aux mesures, [si] les pièces constituaient 60 % ou plus de la valeur totale des pièces du produit assemblé et si la valeur ajoutée aux pièces incorporées au cours de
l’opération d’assemblage ou d’achèvement de la fabrication était supérieure à 25 % du coût de fabrication ».
53 En l’espèce, la requérante ne conteste l’appréciation ni de la première ni de la troisième des conditions mentionnées au point 51 ci-dessus. En revanche, elle conteste l’appréciation des deuxième et quatrième conditions mentionnées à ce même point.
1. Observations liminaires
54 Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner. Quant au contrôle juridictionnel d’une telle appréciation, il doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de
l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir arrêt du 26 janvier 2017, Maxcom/Chin Haur Indonesia, C‑247/15 P, C‑253/15 P et C‑259/15 P, EU:C:2017:61, point 54 et jurisprudence citée).
2. Sur le bien-fondé du troisième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une violation de l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base en ce que la Commission a considéré qu’il n’y avait pas de motivation suffisante ou de justification économique à la création du site de production de la requérante au Maroc autre que l’institution des droits compensateurs ainsi que d’une violation du droit à une bonne administration en ce que la Commission n’a pas examiné avec
soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce
55 Le présent moyen s’articule, en substance, en deux branches.
56 Dans le cadre de la première branche, la requérante, tout comme l’intervenante à son soutien, fait valoir, tout d’abord, que le règlement d’exécution attaqué repose sur des erreurs manifestes d’appréciation et viole l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base en ce que la Commission a conclu qu’il n’y avait pas de motivation suffisante ni de justification économique à la création de son site de production au Maroc autre que l’institution des droits compensateurs.
57 Premièrement, la requérante soutient que, au cours de l’enquête anticontournement, elle a longuement expliqué et démontré que la création de son site de production au Maroc était motivée et justifiée économiquement. Selon elle, l’établissement de ce site résulte notamment du plan d’expansion établi de longue date par le groupe PGTEX, dont elle fait partie. Ce plan prévoirait [confidentiel] ( 1 ). Elle estime que la Commission s’est servie d’une corrélation purement temporelle pour écarter des
éléments de preuve clairs et solides indiquant que la décision de créer son site de production au Maroc reposait sur des aspects économiques et logistiques, et non sur l’ouverture des enquêtes antidumping et antisubventions. Elle ajoute que la Commission a également ignoré les éléments de preuve qu’elle avait fournis afin d’expliquer que la création de son site de production au Maroc avait été retardée [confidentiel].
58 Deuxièmement, la requérante fait valoir que, si son site de production a été créé au Maroc au mois d’octobre 2019, le processus de création a été précédé de plusieurs étapes préliminaires, ce qui montre que la décision de créer ledit site de production a été prise bien avant l’ouverture de toute enquête et que cette création n’avait pas pour but ni pour objectif de contourner les mesures de défense commerciale de l’Union. En particulier, selon elle, la décision de créer un site de production au
Maroc a été prise [confidentiel].
59 Troisièmement, la requérante avance que la Commission a commis une erreur en écartant l’argument de l’intervenante à son soutien selon lequel son site de production au Maroc a été créé pour servir [confidentiel]. En effet, la documentation additionnelle confirmerait que des discussions au sujet de la création d’une usine au Maroc ont eu lieu dès le mois de [confidentiel], dans le but, notamment, d’approvisionner un client local important. La requérante précise également que, au cours de
l’audition sur le DIG du 10 janvier 2021, elle a expliqué que son implantation au Maroc avait pour but de répondre à la hausse de la demande en [confidentiel], que la période de référence correspondait à une phase de lancement et que cette phase avait été affectée par la pandémie de COVID-19, laquelle avait causé des retards dans les processus d’audit de qualification et d’audit d’usine au Maroc.
60 Quatrièmement, la requérante soutient que le règlement d’exécution attaqué est erroné lorsqu’il allègue que le rapport annuel pour l’année 2019 de PGTEX China confirme explicitement que l’institution éventuelle de droits antidumping a été la raison de la création de son site de production au Maroc. Selon elle, ledit rapport indique que son site de production a été créé dans le but non seulement de « prendre activement des mesures à la suite de l’enquête antidumping menée par l’Union contre la
[République populaire de] Chine », mais également « d’optimiser et d’adapter davantage sa stratégie d’internationalisation, de consolider et d’augmenter la part de marché des produits en Europe et aux États-Unis, de répondre à la demande de la clientèle et de protéger l’approvisionnement des clients ». Ce rapport ne ferait donc pas allusion à un « contournement », mais à des « mesures » prises en réponse à l’enquête antidumping, justifiées par une « stratégie d’internationalisation », par la
« demande de la clientèle » et par la volonté de « protéger l’approvisionnement des clients ». La requérante soutient que le rapport en question visait ainsi à rassurer les investisseurs et à leur indiquer qu’elle n’était pas concernée par des mesures antidumping ou compensatoires, car le groupe PGTEX avait déjà prévu de servir le marché de l’Union par l’intermédiaire d’une usine au Maroc.
61 À cet égard, l’intervenante au soutien de la requérante ajoute qu’il ressort du membre de phrase « pour lesquelles il n’existe pas de motivation suffisante ou de justification économique autre que l’imposition du droit », figurant à l’article 23 du règlement antisubventions de base, que l’imposition du droit doit constituer la raison principale, sinon la seule raison, de la pratique, de l’opération ou de l’ouvraison en cause. En effet, il ne serait pas suffisant que l’imposition du droit soit
l’une des raisons de la pratique, de l’opération ou de l’ouvraison. Il y aurait lieu de démontrer que les autres causes ou justifications économiques possibles ne sont pas suffisantes, de sorte que l’imposition du droit soit la raison principale de la pratique, de l’opération ou de l’ouvraison.
62 Par ailleurs, l’intervenante au soutien de la requérante fait valoir que cette dernière n’est pas la seule entreprise à s’être implantée au Maroc pour approvisionner des fabricants de pales d’éoliennes. Selon elle, grâce à l’accord d’association, les importations originaires du Maroc à destination de l’Union ne sont pas soumises à des droits de douane, alors que des droits de douane conventionnels pouvant atteindre 7 % pèsent sur les importations de TFV originaires de Chine. Dès lors, le Maroc
serait mieux placé que la Chine pour fabriquer et exporter des TFV vers l’Union. Pour cette raison, la création du site de production de la requérante au Maroc aurait eu lieu indépendamment de l’ouverture de l’enquête antisubventions, pour que cette dernière puisse répondre à la demande de plus en plus importante de TFV au Maroc et approvisionner l’Union sans être assujettie à des droits de douane conventionnels. Dès lors, selon l’intervenante au soutien de la requérante, il existe une motivation
suffisante ou une justification économique autre que l’imposition des droits à l’implantation de la requérante au Maroc, dans la mesure où cette entreprise aurait été créée même si aucune enquête antisubventions sur les importations de TFV originaires de Chine n’avait été ouverte.
63 Dans le cadre de la seconde branche, la requérante avance que le règlement d’exécution attaqué viole le droit à une bonne administration en ce que la Commission n’a pas examiné pas avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce et, notamment, en ce que celle-ci, premièrement, a refusé de tenir compte de documents montrant que son implantation au Maroc avait été envisagée bien avant l’ouverture de l’enquête antidumping ou compensatrice, deuxièmement, a écarté les
observations des autorités marocaines indiquant que des contacts avec lesdites autorités avaient eu lieu dès [confidentiel] et, partant, avaient précédé l’ouverture de toute enquête, troisièmement, a rejeté les arguments de l’intervenante à son soutien ainsi que d’autres éléments du dossier montrant que son usine au Maroc avait été créée pour servir [confidentiel] et, quatrièmement, n’a pas analysé correctement le rapport annuel pour l’année 2019 de PGTEX China.
64 La Commission, tout comme l’intervenante à son soutien, conteste les arguments de la requérante.
65 Avant d’examiner successivement les deux branches du présent moyen, il y a lieu de rappeler comment la deuxième condition nécessaire pour établir l’existence d’un contournement (voir point 50 ci-dessus) a été appréciée en l’espèce par la Commission. En particulier, il convient de présenter brièvement les considérants du règlement d’exécution attaqué auxquels la Commission a estimé qu’il n’y avait pas de motivation suffisante ou de justification économique à la création du site de production de la
requérante au Maroc autre que l’institution des droits compensateurs.
a) Sur l’appréciation de l’absence de motivation suffisante ou de justification économique à la création du site de production de la requérante au Maroc autre que l’institution des droits compensateurs dans le règlement d’exécution attaqué
66 Après avoir constaté, au considérant 61 du règlement d’exécution attaqué, que « [l]’augmentation des exportations de TFV en provenance du Maroc vers l’Union constitu[ait] une modification de la configuration dans les flux commerciaux entre le Maroc et l’Union au sens de l’article 23, paragraphe 3, du règlement [antisubventions] de base, de même que l’augmentation sensible des exportations chinoises de stratifils en fibres de verre à destination du Maroc en 2020 par rapport à 2019 », la Commission
a rappelé, au considérant 62 dudit règlement d’exécution, que, « [c]onformément à l’article 23, paragraphe 3, du règlement [antisubventions] de base, la modification dans les flux commerciaux [devait] découle[r] de pratiques, d’opérations ou d’ouvraisons pour lesquelles il n’exist[ait] pas de motivation suffisante ou de justification économique autre que l’institution du droit ».
67 Ainsi, la Commission a examiné la deuxième condition nécessaire pour établir l’existence d’un contournement en ce qui concernait la création du site de production de la requérante au Maroc.
68 À cet égard, au considérant 64 du règlement d’exécution attaqué, la Commission a constaté que, « [d]’après la déclaration des autorités marocaines […], le premier contact avec le groupe PGTEX concernant la création d’une usine au Maroc remontait au 20 mars 2019, un mois après l’ouverture de l’enquête antidumping [...] et deux mois avant l’ouverture de l’[enquête antisubventions] », que « [la requérante] a[vait] été créée le 2 octobre 2019, environ cinq mois après l’ouverture de l’enquête
antisubventions » et que « [c]ette coïncidence temporelle [avait amené la Commission] à croire que l’institution potentielle des droits a[vait] été la cause de la création de [la requérante] ».
69 Au considérant 65 du règlement d’exécution attaqué, la Commission a ajouté que, « [s]ur la base de la liste des ventes communiquée par [la requérante], durant l’année 2020, toutes les ventes à l’exportation de [cette dernière avaie]nt été destinées au marché de l’Union, tandis que seule une petite portion de sa production de 2020 a[vait] été vendue sur le marché [marocain] » et que, « [p]ar ailleurs, ses ventes à l’exportation durant [l’année] 2020 [avaie]nt toutes été destinées à des clients au
sein de l’Union, qui étaient auparavant approvisionnés par PGTEX China ». Cela a conduit la Commission à penser que « l’éventuelle institution des droits a[vait] été la raison de la création de [la requérante] », hypothèse qui « a été explicitement confirmée dans le rapport annuel [pour l’année] 2019 de PGTEX China ».
70 De plus, au considérant 67 du règlement d’exécution attaqué, la Commission a rejeté l’argument avancé par le groupe PGTEX selon lequel il existait une motivation suffisante et une justification économique à la création de la requérante. En particulier, à cet égard, elle a fait observer que « la documentation, transmise par le groupe PGTEX le 15 octobre 2021, indiquait que [ledit] groupe cherchait à déterminer, bien avant l’ouverture de l’enquête [antisubventions], dans quel pays créer une
entreprise » et que « [d]ivers pays potentiels [avaie]nt été envisagés, y compris le Maroc ». Cependant, selon la Commission, il n’en restait pas moins que la requérante « a[vait] été finalement créée le 2 octobre 2019, environ sept mois après l’ouverture de [ladite enquête] », que « [c]ette coïncidence temporelle a[vait] porté à croire que [cette enquête] avait été une cause de la création de [la requérante] », que « [c]ette conclusion a[vait] également été confirmée par une déclaration des
autorités marocaines, précisant que leurs contacts avec PGTEX concernant la création d’une usine remontaient au 20 mars 2019, soit juste après l’ouverture de l’enquête [en question] » et que « [c]ette déclaration a[vait] prouvé que les contacts formels établis avec les autorités marocaines pour créer une entreprise au Maroc remontaient à mars 2019, juste après l’ouverture de [la même enquête] ».
71 Enfin, au considérant 69 du règlement d’exécution attaqué, la Commission a écarté l’argument de l’intervenante au soutien de la requérante selon lequel le groupe PGTEX avait créé son usine marocaine en vue de servir [confidentiel] et qu’il avait donc une justification économique à cette création autre que celle d’éviter les droits compensateurs. À cet égard, elle a, d’une part, fait référence aux éléments de preuve indiquant l’absence de justification économique à ladite création autre que les
droits compensateurs en vigueur, tels que le rapport annuel pour l’année 2019 de PGTEX China, et, d’autre part, souligné que toutes les ventes à l’exportation de la requérante avaient été destinées à l’Union et que seule une petite portion de la production de cette dernière avait été vendue sur le marché marocain.
72 Au vu de ce qui précède, au considérant 70 du règlement d’exécution attaqué, la Commission a conclu que « l’enquête [anticontournement] n’a[vait] pas révélé de motivation suffisante ou de justification économique à l’établissement d’un site de production de TFV au Maroc en dehors de la volonté d’éviter le paiement des droits [compensateurs] en vigueur ».
b) Sur la première branche, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une violation de l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base en ce que la Commission a conclu qu’il n’y avait pas de motivation suffisante ou de justification économique à la création du site de production de la requérante au Maroc autre que l’institution des droits compensateurs
73 La requérante conteste la conclusion figurant au considérant 70 du règlement d’exécution attaqué (voir point 72 ci-dessus), en faisant valoir, en substance, que, au cours de l’enquête, elle a longuement expliqué et démontré que la création de son site de production au Maroc était motivée et justifiée économiquement par des raisons autres que la volonté de contourner les mesures de défense commerciales en vigueur. Selon elle, la Commission s’est servie d’une corrélation purement temporelle pour
écarter des éléments de preuve clairs et solides indiquant que la décision de créer son site de production au Maroc reposait sur des aspects économiques et logistiques, et non sur l’ouverture de l’enquête antisubventions.
74 S’agissant de la date de création du site de production de la requérante au Maroc, en premier lieu, il convient de relever que, ainsi que le soutient la Commission à juste titre, les éléments de preuve fournis par la requérante, à savoir les courriers électroniques échangés entre PGTEX, CPIC et des clients, entre le [confidentiel], montrent, comme le reconnaît d’ailleurs la requérante elle-même, que le Maroc, ainsi que d’autres pays, était considéré comme un site potentiel pour la création d’une
usine. Or, ainsi que cela a été confirmé par la requérante lors de l’audience, il ne ressort pas de ces échanges qu’une décision réelle d’établir le site de production de cette dernière au Maroc ait été adoptée entre [confidentiel], soit antérieurement à l’ouverture de l’enquête antisubventions. De même, la correspondance échangée entre les dirigeants de CPIC après une visite au Maroc au [confidentiel] n’indique pas qu’une décision de créer un tel site de production au Maroc a été adoptée en
[confidentiel]. En particulier, il convient de noter que l’« étude de faisabilité » présentée en annexe à la documentation additionnelle, qui serait datée du [confidentiel], n’est qu’une note interne relative à des réunions d’évaluation des investissements de CPIC au Maroc. Il ne ressort pas de ce document qu’une décision ayant pour objet la création de ce site de production au Maroc remonte à cette époque.
75 En deuxième lieu, il ressort clairement des observations des autorités marocaines que « [la requérante] a été créée en octobre 2019 ». Si, certes, lesdites autorités soulignent que, comme pour toute création d’entreprise, le processus de création du site de production de la requérante « a été précédé de plusieurs étapes préliminaires, telles que des études de faisabilité qui démontrent que la décision d’implantation de PGTEX était bien antérieure à l’imposition des mesures et n’avait pas pour but
ou pour objet de contourner les mesures de défense commerciale de l’[Union] », elles précisent, toutefois, que « le contact entre PGTEX et [elles] pour l’implantation d’une usine de PGTEX au Maroc remonte au 20 mars 2019, soit juste après l’[ouverture] de l’[enquête antidumping] ». Dès lors, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation lorsque, au considérant 67 du règlement d’exécution attaqué, elle a constaté que « les contacts formels établis avec [les mêmes autorités] pour
créer une entreprise au Maroc remontaient à mars 2019, juste après l’ouverture de [ladite enquête] ».
76 En troisième lieu, les arguments de la requérante visant à expliquer pour quelle raison la création de son site de production au Maroc a été reportée au mois d’octobre 2019 (voir point 57 ci-dessus) ne font que confirmer la conclusion de la Commission selon laquelle ce site de production a été finalisé cinq mois après l’ouverture de l’enquête antisubventions.
77 Partant, ainsi que la Commission l’a constaté à juste titre au considérant 67 du règlement d’exécution attaqué, il existe une coïncidence temporelle entre l’ouverture de l’enquête antisubventions et la création du site de production de la requérante au Maroc. Or, une telle coïncidence temporelle est de nature, selon la jurisprudence, à justifier la présomption selon laquelle l’établissement d’une usine de production dans le pays à partir duquel les marchandises sont exportées a pour but d’éviter
l’application de mesures de politique commerciale (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 1989, Brother International, C‑26/88, EU:C:1989:637, point 29).
78 Il ressort également de la jurisprudence que, par conséquent, en présence d’une telle coïncidence temporelle, il appartient à l’opérateur économique concerné d’apporter la preuve d’un motif raisonnable, autre que la volonté d’échapper aux conséquences découlant des mesures en cause, pour la création d’un site de production dans le pays à partir duquel les marchandises sont exportées (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 1989, Brother International, C‑26/88, EU:C:1989:637, point 29).
79 À cet égard, la requérante allègue, en substance, que la création de son site de production au Maroc avait pour but la réalisation d’un plan d’expansion établi de longue date par le groupe PGTEX, dont elle fait partie, [confidentiel]. En particulier, cette création viserait à approvisionner un client local important et, de manière plus générale, à répondre à la hausse de la demande en [confidentiel]. Partant, en écartant l’argument de l’intervenante au soutien de la requérante selon lequel ledit
groupe avait créé son usine marocaine en vue de servir les [confidentiel], la Commission aurait commis une erreur.
80 Par ailleurs, afin de prouver les allégations mentionnées au point 79 ci-dessus, la requérante fait référence à sa correspondance avec CPIC et avec des clients ainsi qu’à la présentation du plan d’expansion du groupe PGTEX concernant les [confidentiel] à la documentation additionnelle, et aux diapositives pour l’audition sur le DIG du 10 janvier 2021.
81 Cependant, à cet égard, d’une part, il convient de relever que la correspondance annexée par la requérante à la documentation additionnelle ne comporte aucune référence à un véritable plan d’expansion du groupe PGTEX [confidentiel]. En effet, ainsi que cela a été relevé au point 74 ci-dessus, cette correspondance prouve simplement que le Maroc, ainsi que d’autres pays, était considéré comme un site potentiel pour la création d’une usine.
82 D’autre part, à supposer que la présentation du plan d’expansion du groupe PGTEX [confidentiel] puisse démontrer que ce plan a effectivement été mis en œuvre, cela ne suffit pas à prouver qu’un tel plan couvrait le Maroc. En effet, la requérante n’a pas produit de document relatif aux projets d’expansion dudit groupe au Maroc. Ainsi que cela a été confirmé lors de l’audience, les diapositives pour l’audition sur le DIG du 10 janvier 2021, loin d’apporter la preuve de la réalisation du plan en
question, comportent la simple affirmation, non étayée, de la requérante selon laquelle sa création [confidentiel].
83 En outre, il convient de souligner que la requérante ne conteste pas les éléments de preuve sur lesquels la Commission s’est fondée pour écarter l’argument selon lequel le groupe PGTEX avait créé son usine marocaine en vue de servir les marchés [confidentiel]. En particulier, la requérante ne remet pas en cause la constatation, figurant au considérant 65 du règlement d’exécution attaqué, selon laquelle, « [s]ur la base de la liste des ventes communiquée par [ses soins], durant l’année 2020,
toutes [s]es ventes à l’exportation [...] ont été destinées au marché de l’Union, tandis que seule une petite portion de sa production de 2020 a été vendue sur le marché [marocain] ».
84 De même, l’affirmation de la requérante selon laquelle le rapport annuel pour l’année 2019 de PGTEX China indique que son site de production au Maroc a été créé dans le but non seulement de « prendre activement des mesures à la suite de l’enquête antidumping menée par l’Union contre la [République populaire de] Chine », mais également dans le but « d’optimiser et d’adapter davantage sa stratégie d’internationalisation » ne contredit pas le constat de la Commission selon lequel la création dudit
site de production a été décidée afin de répondre activement à l’enquête antidumping de l’Union à l’encontre de la [République populaire de] Chine. Cette affirmation ne saurait non plus suffire à apporter la preuve d’un motif raisonnable pour lequel la requérante aurait été établie au Maroc autre que la volonté d’échapper aux mesures antisubventions en cause, conformément à la jurisprudence citée au point 78 ci-dessus.
85 Dès lors, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas réussi à remettre en cause la conclusion de la Commission, figurant au considérant 70 du règlement d’exécution attaqué, selon laquelle « l’enquête [anticontournement] n’a[vait] pas révélé de motivation suffisante ou de justification économique à l’établissement d’un site de production de TFV au Maroc en dehors de la volonté d’éviter le paiement des droits [compensateurs] en vigueur ».
86 Par conséquent, la requérante ne saurait reprocher à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation ni d’avoir violé l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base.
87 Partant, il convient de rejeter la première branche du troisième moyen comme étant non fondée.
c) Sur la seconde branche, tirée d’une violation du droit à une bonne administration en ce que la Commission n’a pas examiné avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce
88 La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir examiné avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce. À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le domaine des mesures de défense commerciale, dans lequel les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation (voir point 54 ci-dessus), le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance
d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir arrêt du 24 mai 2012, JBF RAK/Conseil, T‑555/10, non publié, EU:T:2012:262, point 112 et jurisprudence citée).
89 À cet égard, il ressort de l’analyse de la première branche du troisième moyen, premièrement, que ni les documents fournis par la requérante ni les observations des autorités marocaines ne montrent que la création du site de production de cette dernière au Maroc a été envisagée bien avant l’ouverture de l’enquête antisubventions contre la République populaire de Chine, deuxièmement, que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a pu écarter l’argument de l’intervenante au soutien de la
requérante selon lequel le groupe PGTEX avait créé son usine marocaine en vue de servir les marchés [confidentiel] et qu’il n’y avait donc pas de justification économique à cette création autre que la volonté d’éviter les droits compensateurs en vigueur et, troisièmement, que la Commission a procédé à une analyse correcte du rapport annuel pour l’année 2019 de PGTEX China.
90 Dans ces conditions, la requérante ne saurait valablement invoquer un manquement de la part de la Commission à son obligation d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce.
91 Partant, il convient de rejeter la présente branche ainsi que le troisième moyen dans son ensemble.
3. Sur le bien-fondé du quatrième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation, de violations du droit à une bonne administration et des principes de non‑discrimination et d’égalité de traitement ainsi que d’une violation de l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base en ce que la Commission a conclu que le processus de fabrication mis en œuvre par la requérante au Maroc constituait une opération d’assemblage
92 Le présent moyen s’articule en trois branches.
93 Par la première branche, la requérante vise, en substance, à contester l’inclusion de la notion d’« opération d’assemblage » visée à l’article 13 du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21, ci-après le « règlement antidumping de base ») dans le champ d’application de l’article 23, paragraphe 3, second alinéa,
du règlement antisubventions de base. Par la deuxième branche, elle vise à remettre en cause l’existence, en l’espèce, d’opérations d’assemblage au Maroc au sens de l’article 13, paragraphe 2, du règlement antidumping de base. Enfin, par la troisième branche, elle conteste l’appréciation par la Commission du critère de la valeur ajoutée visé par l’article 13, paragraphe 2, sous b), de ce dernier règlement.
a) Sur la première branche, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une violation de l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base en ce que la Commission a appliqué par analogie la notion d’« opération d’assemblage » visée à l’article 13, paragraphe 2, du règlement antidumping de base
94 En premier lieu, la requérante, tout comme l’intervenante à son soutien, fait valoir, que la différence entre le libellé de l’article 23, paragraphe 3, second alinéa, du règlement antisubventions de base, lequel ne fait pas mention des opérations d’assemblage, et l’article 13, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement antidumping de base, dans lequel lesdites opérations sont expressément mentionnées, ne résulte pas d’une simple omission et n’est pas dépourvue de toute signification. Selon
elle, si le législateur de l’Union avait voulu que les pratiques, opérations ou ouvraisons mentionnées au second alinéa de l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base couvrent les opérations d’assemblage, il l’aurait expressément indiqué, comme il l’a fait à l’article 13, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement antidumping de base. Cette omission volontaire devrait donc être considérée comme faisant obstacle à la conclusion selon laquelle les mesures compensatoires
peuvent être « contournées » par le biais d’opérations d’assemblage.
95 Par ailleurs, d’après la requérante, le fait que l’article 23, paragraphe 3, second alinéa, du règlement antisubventions de base utilise l’expression « entre autres » ne veut pas dire que cette disposition peut couvrir les pratiques de contournement alléguées résultant d’opérations d’assemblage. Ce règlement et le règlement antidumping de base auraient été adoptés sur proposition de la Commission le même jour. En outre, le Parlement européen aurait désigné pour les deux textes le même rapporteur
et, au niveau du Conseil, la même présidence était chargée des deux textes. En tout état de cause, selon la requérante, la différence entre les règles de contournement antidumping et antisubventions émane d’un seul règlement qui a modifié les anciennes règles de base antidumping et antisubventions, à savoir le règlement (CE) no 461/2004 du Conseil, du 8 mars 2004, modifiant le règlement (CE) no 384/96 relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays
non membres de la Communauté européenne et le règlement (CE) no 2026/97 relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2004, L 77, p. 12). Partant, il faudrait tenir compte de cette différence.
96 En deuxième lieu, la requérante soutient qu’élargir le champ d’application des droits compensateurs pour cause d’opérations d’assemblage conférant une origine reviendrait à appliquer de tels droits à des subventions qui n’ont été accordées ni par le pays d’origine ni par le pays d’exportation. Selon elle, le règlement d’exécution attaqué impose, par exemple, des droits compensateurs sur des produits qui auraient été subventionnés par la Chine plutôt que par leur pays d’origine et d’exportation, à
savoir le Maroc.
97 L’exigence juridique selon laquelle les subventions doivent être accordées par le pays d’origine ou d’exportation pour être compensées justifierait en soi les libellés différents de l’article 13, paragraphe 2, du règlement antidumping de base et de l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base. Les modifications légères, les transbordements ou la réorganisation des circuits de vente dans le pays faisant l’objet de mesures (à savoir les pratiques, opérations ou ouvraisons de
contournement couvertes à la fois par le règlement antisubventions de base et le règlement antidumping de base) n’entraîneraient pas de modification dans le pays d’origine ou d’exportation des produits, à la différence des opérations d’assemblage (à savoir les pratiques, opérations ou ouvraisons de contournement qui ne sont couvertes que par le règlement antidumping de base).
98 Les libellés différents de l’article 13, paragraphe 2, du règlement antidumping de base et de l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base seraient donc également justifiés par les objectifs différents des deux instruments, ce qui signifierait que la règle concernant les opérations d’assemblage prévue à l’article 13, paragraphe 2, du règlement antidumping de base ne peut être appliquée par analogie à l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base.
99 Le simple fait que l’objectif de la disposition anticontournement soit de veiller à l’efficacité des mesures ne permettrait toutefois pas à la Commission, ni au Tribunal, de s’ériger en législateurs de l’Union et de modifier le texte du règlement antisubventions de base en y incluant les opérations d’assemblage. Il y aurait une raison pour laquelle ces opérations ne sont pas visées par l’article 23, paragraphe 3, second alinéa, du règlement antisubventions de base, à savoir le fait que,
contrairement à ce qui est mentionné à l’article 13 du règlement antidumping de base, il serait impossible d’utiliser correctement les critères des pièces et de la valeur ajoutée. Les subventions dont les pièces bénéficient dans le pays d’origine pourraient en effet sensiblement réduire leur valeur et rendre inopérant le critère de 60 % de la valeur totale des pièces.
100 Partant, dans la mesure où le libellé de l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base exclut les opérations d’assemblage et où toute inclusion par analogie serait contraire au contexte et aux objectifs du règlement antisubventions de base, le critère des opérations d’assemblage énoncé à l’article 13, paragraphe 2, du règlement antidumping de base ne pourrait être appliqué par analogie pour établir un contournement des droits compensateurs. Rien ne justifierait par ailleurs
d’appliquer par analogie les critères de la valeur totale des pièces (à savoir 60 %) et de la valeur ajoutée (à savoir 25 %).
101 En troisième lieu, la requérante s’étonne du fait que la Commission, qui est à l’origine des deux propositions de règlements de base et qui a rédigé l’article 13 du règlement antidumping de base et l’article 23 du règlement antisubventions de base, n’ait pas produit un seul document relatif à la genèse de ces textes indiquant les raisons pour lesquelles les opérations d’assemblage avaient été omises dans le libellé de l’article 23 du règlement antisubventions de base. Dès lors, elle demande au
Tribunal d’obtenir ces documents par l’adoption d’une mesure d’organisation de la procédure.
102 La Commission, tout comme l’intervenante à son soutien, conteste les arguments de la requérante.
103 En substance, par la présente branche, la requérante vise à contester les considérations développées par la Commission au considérant 33 du règlement d’exécution attaqué (voir point 52 ci-dessus). En particulier, elle reproche à la Commission d’avoir appliqué la notion d’« opération d’assemblage » visée à l’article 13, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement antidumping de base afin d’évaluer si un contournement avait eu lieu en l’espèce au sens de l’article 23, paragraphe 3, second alinéa,
du règlement antisubventions de base, malgré le fait que les opérations d’assemblage ne figurent pas explicitement parmi les pratiques, opérations ou ouvraisons qui, selon cette disposition, constituent un contournement des mesures antisubventions.
104 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 13, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement antidumping de base est libellé comme suit :
« Les pratiques, opérations ou ouvraisons visées au troisième alinéa englobent, entre autres :
a) les légères modifications apportées au produit concerné afin qu’il relève de codes douaniers qui ne sont normalement pas soumis aux mesures, pour autant que ces modifications ne changent rien à ses caractéristiques essentielles ;
b) l’expédition du produit soumis aux mesures via des pays tiers ;
c) la réorganisation, par des exportateurs ou des producteurs, de leurs schémas et circuits de vente dans le pays soumis aux mesures de telle manière que leurs produits sont en fin de compte exportés vers l’Union par l’intermédiaire de producteurs bénéficiant d’un taux de droit individuel inférieur au taux applicable aux produits des fabricants ;
d) dans les circonstances visées au paragraphe 2, les opérations d’assemblage dans l’Union ou dans un pays tiers. »
105 En revanche, l’article 23, paragraphe 3, second alinéa, du règlement antisubventions de base est libellé comme suit :
« Les pratiques, opérations ou ouvraisons visées au premier alinéa englobent, entre autres :
a) les légères modifications apportées au produit concerné afin qu’il relève de codes douaniers qui ne sont normalement pas soumis aux mesures, pour autant que ces modifications ne changent rien à ses caractéristiques essentielles ;
b) l’expédition du produit soumis aux mesures via des pays tiers ;
c) la réorganisation, par des exportateurs ou des producteurs, de leurs schémas et circuits de vente dans le pays soumis aux mesures de telle manière que leurs produits sont en fin de compte exportés vers l’Union par l’intermédiaire de producteurs bénéficiant d’un taux de droit individuel inférieur au taux applicable aux produits des fabricants. »
106 Il ressort du libellé de l’article 13, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement antidumping de base et de l’article 23, paragraphe 3, second alinéa, du règlement antisubventions de base que, ainsi que la Commission le reconnaît au considérant 33 du règlement d’exécution attaqué, les opérations d’assemblage ne figurent pas explicitement parmi les pratiques, opérations ou ouvraisons qui constituent un contournement mentionnées à l’article 23, paragraphe 3, second alinéa, du règlement
antisubventions de base.
107 Cependant, l’absence à l’article 23, paragraphe 3, second alinéa, du règlement antisubventions de base de toute référence aux opérations d’assemblage ne signifie pas, ainsi que le prétend la requérante, que le législateur de l’Union avait l’intention d’exclure les opérations d’assemblage du champ d’application de cet article.
108 En effet, l’expression « entre autres » étant expressément utilisée à l’article 23, paragraphe 3, second alinéa, du règlement antisubventions de base, il y a lieu de considérer, à l’instar de la Commission au considérant 33 du règlement d’exécution attaqué, que cet article fournit une liste non exhaustive de pratiques de contournement possibles. De ce fait, le paragraphe 3, second alinéa, dudit article peut couvrir également d’autres pratiques de contournement, qui ne sont pas explicitement
mentionnées à l’article en cause, telles que les opérations d’assemblage.
109 Cette interprétation est corroborée par la jurisprudence selon laquelle l’article 13, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement antidumping de base contient une liste non exhaustive des pratiques, des opérations ou des ouvraisons visées au premier alinéa dudit article et selon laquelle les différentes sortes de pratiques de contournement n’y figurent qu’à titre d’exemples, comme cela est illustré par l’expression « entre autres » [voir, en ce sens, arrêt du 19 avril 2018, Asia Leader
International (Cambodia)/Commission, T‑462/15, EU:T:2018:196, point 56].
110 Pareille interprétation, conforme à l’objectif qui sous-tend l’article 23 du règlement antisubventions de base, à savoir celui de garantir l’efficacité des mesures antisubventions en vigueur (voir point 42 ci-dessus), ne saurait être remise en cause par les autres arguments avancés par la requérante.
111 Tout d’abord, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le règlement antidumping de base et le règlement antisubventions de base ont été adoptés et publiés le même jour, de sorte que l’absence de référence aux opérations d’assemblage dans l’article 23, paragraphe 3, second alinéa, du règlement antisubventions de base ne saurait être comprise comme une simple omission, il convient de relever que, contrairement à ce que la requérante soutient, la différence entre le libellé de
l’article 13 du règlement antidumping de base et de l’article 23 du règlement antisubventions de base remonte aux règlements antidumping et antisubventions prédécesseurs des actuels règlements, à savoir, respectivement, le règlement (CE) 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1), et le règlement (CE) 2026/97 du Conseil, du 6 octobre 1997,
relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1997, L 288, p. 1).
112 Dès lors, la circonstance selon laquelle l’article 13, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement antidumping de base et l’article 23, paragraphe 3, second alinéa, du règlement antisubventions de base ont été conçus et rédigés dans des temps et des contextes différents peut expliquer la différence de leur libellé.
113 En tout état de cause, comme cela a été observé au point 108 ci-dessus, l’expression « entre autres » figurant à l’article 23, paragraphe 3, second alinéa, du règlement antisubventions de base peut être interprétée en ce sens que les opérations d’assemblage peuvent être incluses dans le champ d’application de cet article et que l’article 13, paragraphe 2, du règlement antidumping de base peut être appliqué dans l’hypothèse où il serait prouvé que des mesures antisubventions ont été contournées
par le biais de telles opérations, ce qui, par ailleurs, trouve une confirmation au considérant 18 du règlement antisubventions de base (voir point 39 ci-dessus).
114 Ensuite, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’exclusion des opérations d’assemblage du champ d’application de l’article 23 du règlement antisubventions de base est justifiée par le fait que, en substance, une solution contraire reviendrait à appliquer des droits compensateurs à des subventions qui n’ont été accordées ni par le pays d’origine ni par le pays d’exportation, il convient de souligner que, en l’espèce, contrairement à ce que la requérante cherche à faire valoir, la
Commission ne vise pas à compenser des subventions accordées par le Maroc, mais, ayant établi que les stratifils en fibres de verre bénéficiaient en Chine de plusieurs subventions et que lesdits stratifils étaient assemblés ou achevés au Maroc par la requérante pour produire ses propres TFV, elle étend aux TFV en provenance du Maroc les mesures compensatoires déjà appliquées aux TFV en provenance de la Chine.
115 Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’omission des opérations d’assemblage à l’article 23, paragraphe 3, second alinéa, du règlement antisubventions de base est justifiée par le fait que, sans cette omission, il serait impossible d’utiliser correctement les critères des pièces et de la valeur ajoutée, il suffit de constater, à l’instar de la Commission, que la requérante n’a expliqué ni dans ses écritures ni lors de l’audience pour quelle raison les subventions dont les
pièces bénéficient dans le pays d’origine pourraient sensiblement réduire leur valeur et rendre inopérant le critère de 60 % de la valeur totale des pièces.
116 Partant, il convient de constater que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation ni violer l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base que la Commission a inclus les opérations d’assemblage dans le cadre de cette disposition et a fait référence aux conditions visées à l’article 13, paragraphe 2, du règlement antidumping de base afin d’apprécier s’il existait, en l’espèce, un contournement des mesures antisubventions en vigueur.
117 Ainsi, il y a lieu de rejeter la présente branche, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la demande de mesure d’organisation de la procédure formulée par la requérante (voir point 101 ci-dessus).
b) Sur la deuxième branche, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation, d’une violation de l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base et d’une violation du droit à une bonne administration en ce que la Commission a conclu que le processus de fabrication mis en œuvre par la requérante au Maroc constituait une opération d’assemblage
118 La requérante, tout comme l’intervenante à son soutien, conteste la conclusion de la Commission figurant aux considérants 76, 77 et 79 du règlement d’exécution attaqué selon laquelle ses TFV sont réalisés au Maroc, à partir de stratifils en fibres de verre qu’elle achète tous à sa société mère en Chine, par le procédé de couture-tricotage, à savoir une opération d’achèvement qui relèverait du concept d’opération d’assemblage au sens de l’article 13 du règlement antidumping de base.
119 À cet égard, la requérante fournit, à titre liminaire, des explications sur la nature du processus de fabrication et sur d’autres activités poursuivies au Maroc. En particulier, elle explique que les TFV sont fabriqués au Maroc par le procédé de couture-tricotage à partir de stratifils non colorés, les stratifils et les TFV étant deux produits distincts ayant une composition, des propriétés et des utilisations finales différentes et correspondant à deux industries complètement différentes ; que
le processus de fabrication des TFV comprend plusieurs étapes qui doivent être conçues et calibrées avec soin pour obtenir les caractéristiques voulues en fonction de l’usage particulier de ceux-ci ; que la production des TFV fait l’objet d’audits de conception, de certification de produits, d’usine et d’équipements ainsi que de tests par échantillonnage pour respecter les exigences strictes de la clientèle, les TFV étant réalisés, en pratique, sur mesure en fonction des exigences de chaque
client ; que la production des TFV exige un équipement et une expertise spécialisés ainsi qu’une formation particulière qui vont au-delà d’une simple opération d’assemblage et qui sont indispensables compte tenu des usages particuliers des TFV et que la liste des vices graves qui rendent les TFV inutilisables par les clients atteste de la complexité de leur processus de fabrication.
120 Ainsi, selon la requérante, la Commission a commis une erreur en définissant, au considérant 79 du règlement d’exécution attaqué, le procédé de fabrication des TFV au Maroc et les activités qui y étaient liées comme constituant une opération d’achèvement qui relevait des opérations d’assemblage au sens de l’article 13 du règlement [antidumping] de base. La requérante estime que, s’il ne faut pas confondre les deux notions, ledit procédé de fabrication ne constitue ni une opération d’assemblage
ni une opération d’achèvement.
121 À cet égard, premièrement, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur en assimilant la notion d’« opération d’assemblage » à celle d’« opération d’achèvement ». Selon elle, ces notions sont différentes, dans la mesure où dans le règlement antidumping de base où elles sont mentionnées, elles sont séparées par la conjonction « ou », qui indique une alternative. Ainsi, rien ne permettrait de conclure que la définition de l’article 13, paragraphe 2, du règlement antidumping de
base s’applique indistinctement aux opérations d’assemblage et aux opérations d’achèvement.
122 Deuxièmement, la requérante soutient que, étant donné que, par « assemblage », il faudrait entendre un « procédé qui consiste à mettre ensemble les éléments d’une machine ou d’un ouvrage », le procédé de fabrication des TFV au Maroc et les activités qui y étaient liées allaient bien au‑delà de la simple réunion d’éléments et ne sauraient donc être qualifiés d’opération d’assemblage.
123 Troisièmement, selon la requérante, à supposer que l’article 13, paragraphe 2, du règlement antidumping de base soit applicable aux opérations d’achèvement, la Commission a considéré à tort, dans le règlement d’exécution attaqué, que les opérations qu’elle accomplissait constituaient des opérations d’achèvement, à savoir des opérations visant à terminer quelque chose. Elle souligne qu’elle ne se contente pas de terminer la transformation des stratifils en TFV. Elle affirme que, au contraire,
elle crée à partir des stratifils un produit totalement nouveau dont les caractéristiques physiques et techniques, les utilisations finales et les classes tarifaires sont différentes. En particulier, son procédé de fabrication des TFV au Maroc pourrait être comparé au processus similaire, mais plus simple, de fabrication des tissus en coton à partir de fils de coton. Les stratifils seraient, en effet, cousus et tricotés de la même façon que les fils de coton pour la production des tissus de
coton. De la même façon que ces tissus ne seraient pas de simples fils de coton « achevés », les TFV ne seraient pas de simples stratifils « achevés », mais le résultat d’un procédé de fabrication complexe qui requerrait un équipement et une expertise spécialisés. Par ailleurs, la nature foncièrement différente des « stratifils » et des « TFV » serait reconnue tant par l’industrie de l’Union, dans la plainte antidumping déposée en 2019 concernant des importations de TFV en provenance de Chine et
d’Égypte, que par la Commission elle-même, au travers de l’instauration de mesures de défense commerciale contre les stratifils et les TFV.
124 La Commission, tout comme l’intervenante à son soutien, conteste les arguments de la requérante.
125 En l’espèce, au considérant 76 du règlement d’exécution attaqué, la Commission a relevé que « [l]es matières premières principales permettant de produire les TFV [étaie]nt les stratifils en fibres de verre », que « [la requérante] a[vait] acheté 100 % des stratifils en fibres de verre qu’elle a[vait] utilisés auprès de sa société mère en Chine », que « [c]es stratifils en fibres de verre [avaie]nt été transformés en TFV par le procédé de couture-tricotage, qui est une opération d’achèvement
réalisée au Maroc » et que, « [c]onformément aux informations communiquées par [la requérante], les stratifils en fibres de verre constitu[ai]ent près de 100 % de la valeur totale des pièces du produit assemblé [ou] achevé au sens de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement antidumping de base ».
126 Par conséquent, au considérant 77 du règlement d’exécution attaqué, la Commission a conclu que « le processus réalisé au Maroc était une opération d’achèvement (opération d’assemblage) et que le critère de 60 % énoncé à l’article 13, paragraphe 2, [sous] b), du règlement antidumping de base[,] appliqué par analogie compte tenu du libellé de l’article 23, paragraphe 3, du règlement [antisubventions] de base, comme expliqué au considérant 33 [du règlement d’exécution attaqué,] était [satisfait] ».
127 En outre, au considérant 79 du règlement d’exécution attaqué, la Commission a précisé que « [l]e procédé décrit au considérant 76 ci-dessus p[ouvai]t être défini comme une opération d’achèvement qui rel[evait] du concept des opérations d’assemblage au titre de l’article 13 du règlement [antidumping] de base ».
128 Par ailleurs, il convient de rappeler que, selon l’article 13, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement antidumping de base, « [l]es pratiques, opérations ou ouvraisons visées au troisième alinéa [et susceptibles de constituer un contournement] englobent, entre autres [,] dans les circonstances visées au paragraphe 2, les opérations d’assemblage dans l’Union ou dans un pays tiers ».
129 Conformément à l’article 13, paragraphe 2, du règlement antidumping de base, « [u]ne opération d’assemblage dans l’Union ou dans un pays tiers est considérée comme contournant les mesures en vigueur lorsque […] les pièces constituent 60 % ou plus de la valeur totale des pièces du produit assemblé ; cependant, il n’est en aucun cas considéré qu’il y a contournement lorsque la valeur ajoutée aux pièces incorporées au cours de l’opération d’assemblage ou d’achèvement de la fabrication est
supérieure à 25 % du coût de fabrication ».
130 En l’espèce, il y a lieu de vérifier si la notion d’« opération d’assemblage » doit faire l’objet, comme le préconisent la Commission et l’intervenante à son soutien, d’une interprétation large susceptible d’englober les opérations d’achèvement ou, comme le suggère la requérante, d’une interprétation restrictive selon laquelle ces dernières opérations n’entrent pas dans la notion d’« opération d’assemblage ».
131 À cet égard, il convient de relever que, ainsi que la Commission le souligne, le règlement antidumping de base ne donne pas de définition de la notion d’« opération d’assemblage » ni de celle d’« opération d’achèvement ». Il ne précise pas non plus si ces dernières opérations sont incluses dans la notion d’« opération d’assemblage ».
132 Or, conformément à une jurisprudence constante, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir arrêt du 12 septembre 2019, Commission/Kolachi Raj Industrial, C‑709/17 P, EU:C:2019:717, point 82 et jurisprudence citée).
133 S’agissant du contexte, il convient de relever que, à la différence des opérations d’assemblage, les opérations d’achèvement ne figurent pas parmi les pratiques, opérations ou ouvraisons, listées à l’article 13, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement antidumping de base, comme étant susceptibles de constituer un contournement au sens de l’article 13, paragraphe 1, troisième alinéa, du même règlement.
134 Cependant, la notion d’« achèvement », qui, ainsi que cela a été confirmé lors de l’audience, est une notion autonome propre à la réglementation anticontournement de l’Union, figure à l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement antidumping de base, selon lequel l’existence d’un contournement est exclue « lorsque la valeur ajoutée aux pièces incorporées au cours de l’opération d’assemblage ou d’achèvement de la fabrication est supérieure à 25 % du coût de fabrication ». Par ailleurs, à cet
égard, il convient de souligner qu’aucune autre disposition du règlement antidumping de base ne fait référence aux opérations d’achèvement.
135 Or, la référence à l’achèvement dans le cadre de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement antidumping de base, à savoir dans le cadre de la partie de cette disposition qui précise les conditions dans lesquelles une opération d’assemblage est considérée comme contournant les mesures en vigueur, plaide en faveur de la thèse de la Commission selon laquelle les opérations d’achèvement entrent dans le champ d’application de l’article 13, paragraphe 2, dudit règlement. En effet, les
opérations d’achèvement peuvent être interprétées comme étant une déclinaison des opérations d’assemblage.
136 D’une part, cette interprétation est conforme à l’objectif qui sous-tend la réglementation de l’Union en matière de contournement, à savoir celui d’assurer l’efficacité des mesures antisubventions adoptées par l’Union et d’éviter que celles-ci ne soient contournées (voir point 42 ci-dessus). D’autre part, elle est corroborée par la circonstance selon laquelle, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, le législateur a entendu laisser une large marge de manœuvre aux institutions de
l’Union quant à la définition du contournement (voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2014, Simon, Evers & Co., C‑21/13, EU:C:2014:2154, point 48).
137 Par ailleurs, cette interprétation ne saurait être remise en cause par la thèse de la requérante selon laquelle, les notions d’« assemblage » et d’« achèvement » étant différentes, mentionnées toutes les deux dans le règlement antidumping de base et séparées par la conjonction « ou », la notion d’« opération d’achèvement » ne saurait être assimilée à celle d’« opération d’assemblage ». En effet, si, certes, les deux notions en cause sont différentes, ainsi que l’usage de la conjonction « ou » le
confirme (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2013, Trelleborg Industrie et Trelleborg/Commission, T‑147/09 et T‑148/09, EU:T:2013:259, point 83), cela n’empêche toutefois pas de pouvoir considérer la notion d’« achèvement » comme une notion susceptible d’être comprise dans celle d’« assemblage » et, partant, d’admettre que les opérations d’achèvement puissent être incluses dans les opérations d’assemblage au sens de l’article 13, paragraphe 2, dudit règlement. D’ailleurs, selon la jurisprudence,
il existe une variété d’opérations relevant de la notion d’« assemblage » (arrêt du 13 décembre 1989, Brother International, C‑26/88, EU:C:1989:637, point 20).
138 Partant, il convient de constater que l’article 13 du règlement antidumping de base s’applique tant aux opérations d’assemblage qu’aux opérations d’achèvement, ces dernières étant une déclinaison des premières.
139 Cela ayant été précisé, il convient de vérifier si, en l’espèce, le procédé de couture-tricotage, réalisé par la requérante au Maroc, peut être qualifié, comme cela est indiqué aux considérants 76, 77 et 79 du règlement d’exécution attaqué, d’« opération d’achèvement qui relève du concept des opérations d’assemblage au titre de l’article 13 du règlement [antidumping] de base » (voir points 125 à 127 ci-dessus).
140 La requérante conteste cette qualification. À cet égard, ainsi que cela a été rappelé au point 122 ci-dessus, elle soutient que le procédé de fabrication des TFV au Maroc et les activités qui y étaient liées vont bien au‑delà de la simple réunion d’éléments (ou assemblage) et d’opérations d’achèvement. En particulier, elle souligne, tout d’abord, qu’elle ne se contente pas de compléter la transformation des stratifils en TFV, mais qu’elle crée à partir des stratifils un produit totalement
nouveau dont les caractéristiques physiques et techniques, les utilisations finales et les classes tarifaires sont différentes. Ensuite, elle soutient que les TFV ne sont pas de simples stratifils « achevés », mais le résultat d’un procédé de fabrication complexe, articulé en plusieurs étapes, qui requiert un équipement et une expertise spécialisés ainsi qu’une formation particulière. Enfin, les TFV, dont la liste de vices graves qui les rendent inutilisables attesterait de la complexité du
processus de fabrication, seraient réalisés sur mesure en fonction des exigences de chaque client.
141 D’emblée, il convient de relever que le règlement antidumping de base ne prévoit pas de critère général tiré de l’absence de complexité intrinsèque du procédé pour qu’une opération d’assemblage puisse constituer un contournement tel que visé à l’article 13, paragraphe 1, troisième alinéa, de ce règlement. Les circonstances dans lesquelles une opération d’assemblage dans l’Union ou dans un pays tiers est considérée comme contournant les mesures en vigueur sont décrites au paragraphe 2 de cet
article, lequel fait référence à la proportion de pièces utilisées provenant du pays soumis aux mesures et à la valeur ajoutée à ces pièces par l’opération en question.
142 Partant, ainsi que la Commission le souligne à juste titre, même à les supposer établies, les circonstances évoquées par la requérante selon lesquelles les TFV sont des produits nouveaux dont les caractéristiques physiques et techniques, les utilisations finales et les classes tarifaires sont différentes, tout comme le fait que les TFV sont le résultat d’un procédé de fabrication complexe, articulé en plusieurs étapes, qui requiert un équipement et une expertise spécialisés ainsi qu’une
formation particulière, n’ont pas d’incidence sur la qualification d’opération d’assemblage ou d’achèvement du processus de fabrication des TFV au Maroc. Il en va de même en ce qui concerne les circonstances selon lesquelles les TFV font l’objet de différents usages dans divers secteurs industriels ainsi que d’une très longue liste de vices éventuels qui pourraient les rendre inutilisables par les clients et selon lesquelles ils seraient réalisés sur mesure en fonction des exigences de chaque
client, lequel, par ailleurs, effectuerait un processus approfondi d’audit de conception et de certification.
143 Dès lors, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation ni violé l’article 13, paragraphes 1 et 2, du règlement antidumping de base lorsqu’elle a analysé les opérations accomplies par la requérante au Maroc sous le prisme de la notion d’« achèvement » plutôt que de celle d’« assemblage » et lorsqu’elle a considéré que lesdites opérations étaient des opérations d’achèvement. Enfin, les éléments avancés par la requérante ne permettent pas de constater une violation du droit à une
bonne administration.
144 Partant, il y a lieu de rejeter la présente branche comme étant non fondée.
c) Sur la troisième branche, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation, d’une violation de l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base ainsi que de violations du droit à une bonne administration et des principes de non‑discrimination et d’égalité de traitement lors de l’appréciation du seuil de la valeur ajoutée des opérations d’assemblage
145 À l’appui de la présente branche du quatrième moyen, la requérante avance, en substance, trois griefs.
146 Par le premier grief, la requérante fait valoir que le règlement d’exécution attaqué repose sur des erreurs manifestes d’appréciation et viole l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base en ce que, dans le cadre de l’appréciation du seuil de la valeur ajoutée aux pièces incorporées au sens de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement antidumping de base, il ajuste ses coûts fixes, notamment les coûts d’amortissement et les coûts de location, selon le degré
d’utilisation de la capacité.
147 En premier lieu, la requérante fait valoir que l’ajustement des coûts fixes pour refléter l’utilisation de la capacité n’est pas autorisé en droit et est erroné en fait.
148 D’une part, la requérante avance qu’il n’existe pas de disposition juridique permettant à la Commission d’ajuster les coûts fixes selon le degré d’utilisation de la capacité. Plus particulièrement, selon elle, le fait d’ajuster les coûts fixes selon l’utilisation de la capacité manque de cohérence, étant donné que les coûts fixes ne dépendent pas, par définition, des quantités produites ou des capacités utilisées. Ainsi, l’ajustement effectué par la Commission serait contraire à la définition
comptable bien établie des « coûts fixes » et fausserait le calcul de la valeur ajoutée.
149 Dans le cadre de la réplique, la requérante conteste également l’interprétation de la notion de « valeur ajoutée » proposée par la Commission compte tenu du contexte et de la finalité de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement antidumping de base. Tout d’abord, elle fait valoir que ladite notion s’inscrit dans le contexte de la notion de « coût » de fabrication qui apparaît dans la même phrase de ladite disposition. Cette derrière notion étant définie à l’article 2 du règlement
antidumping de base, une référence à des coûts dans le contexte de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du même règlement signifierait que les notions de « valeur ajoutée » et de « coûts exposés » seraient identiques et que l’ajustement des coûts exposés au titre de la valeur ajoutée ne pourrait être effectué que sur la base de l’article 2, paragraphe 5, dudit règlement. Or, selon la requérante, cet article ne prévoit pas d’ajustement lorsque les coûts sont calculés sur la base de documents
comptables établis conformément aux principes comptables généralement acceptés et tenant raisonnablement compte des coûts liés à la production et à la vente du produit considéré, même si ces coûts semblent faibles ou élevés compte tenu du taux effectif de l’utilisation de la capacité. La même interdiction vaudrait pour la valeur ajoutée qui s’inscrit dans un contexte de coûts.
150 D’autre part, la requérante soutient qu’il n’y avait pas de raison sur le plan factuel d’ajuster les coûts fixes. Elle estime que, avec cette méthode, les coûts d’amortissement et de location ne peuvent être intégralement pris en compte que si elle fonctionne à pleine capacité, ce qui n’arrive jamais en pratique, et que le coût d’amortissement est ajusté, dans la mesure où le coût d’amortissement des machines à TFV qui n’ont pas été en service durant toute l’année 2020 ne peut pas être pris en
considération. Elle ajoute que la justification apportée par la Commission au considérant 84 du règlement d’exécution attaqué afin d’ajuster les coûts fixes n’est pas corroborée par les faits, car elle n’a pas déclaré que ses machines avaient été en service pendant 300 jours. Selon elle, les machines à TFV n’ont fait l’objet d’un amortissement qu’à partir du moment où elles ont été installées et seulement pour la durée durant laquelle elles ont été en service. La requérante soutient que le coût
d’amortissement qu’elle a communiqué à la Commission reflète donc la période effective durant laquelle les machines à TFV ont été utilisées et amorties.
151 En deuxième lieu, la requérante fait valoir qu’il n’y avait pas de raison d’exclure les coûts de location de l’« usine – phase 2 » des coûts de location considérés pour le calcul de la valeur ajoutée au motif que cette usine aurait contenu des [confidentiel], seul produit fabriqué par ses soins. Elle estime, dès lors, que, dans la mesure où l’« usine – phase 1 » et l’« usine – phase 2 » ont été utilisées pour fabriquer le produit concerné, il n’y avait aucune raison d’exclure les coûts de
location de l’« usine – phase 2 ». Selon elle, tous les coûts de location contribuent à la valeur ajoutée du produit final.
152 En troisième lieu, la requérante soutient que la Commission a rejeté pour des raisons erronées les trois différentes méthodes de calcul de la valeur ajoutée qu’elle avait proposées. En particulier, le rejet de la première méthode pour les raisons exposées au considérant 86 du règlement d’exécution attaqué reposerait sur une erreur manifeste d’appréciation. À cet égard, la requérante indique avoir expliqué pour quelle raison le mois de mars n’avait pas été initialement indiqué comme étant le
premier mois de production. Ainsi, la Commission n’aurait pas disposé d’éléments pour remettre en cause les données qui avaient été produites. S’agissant des deuxième et troisième méthodes, la requérante fait valoir que le taux d’utilisation de la capacité de [confidentiel] utilisé par la Commission a été déterminé sur la base de sa capacité d’ensemble, en tenant compte de toutes les machines à TFV et, en particulier, de celles qui n’avaient pas été opérationnelles durant toute l’année 2020. Dès
lors, selon elle, ce taux est en réalité moins représentatif du taux d’utilisation de la capacité pour toute l’année 2020. Elle soutient donc que la Commission ne pouvait pas écarter les solutions qu’elle avait proposées au motif que celles-ci n’étaient pas représentatives du taux d’utilisation de la capacité pour l’année 2020 tout entière sans remettre en cause sa propre méthode.
153 Par le deuxième grief, la requérante avance que l’ajustement des coûts fixes pour refléter l’utilisation de la capacité, en utilisant [confidentiel] des coûts d’amortissement et de location pour l’« usine – phase 1 », est discriminatoire. En substance, elle reproche à la Commission d’avoir opéré une discrimination entre elle et l’industrie de l’Union en n’ajustant pas le coût de production de cette industrie lors du calcul du prix cible dans l’enquête initiale, bien que l’industrie de l’Union
ait fait état d’une faible utilisation de la capacité pendant la période d’enquête.
154 Par le troisième grief, la requérante avance que le règlement d’exécution attaqué viole son droit à une bonne administration, en ce qu’il n’examine pas avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce et procède à l’ajustement des coûts sans prendre en considération les explications qu’elle a apportées en ce qui concerne l’utilisation des machines et les coûts de location.
155 La Commission, tout comme l’intervenante à son soutien, conteste les arguments de la requérante.
156 En substance, la présente branche porte sur la détermination de la valeur ajoutée aux pièces incorporées au cours de l’opération d’assemblage ou d’achèvement de la fabrication au sens de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement antidumping de base.
157 Selon l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement antidumping de base, « il n’est en aucun cas considéré qu’il y a contournement lorsque la valeur ajoutée aux pièces incorporées au cours de l’opération d’assemblage ou d’achèvement de la fabrication est supérieure à 25 % du coût de fabrication ».
158 Avant d’entamer l’examen des trois griefs avancés par la requérante à l’appui de la présente branche, il convient de rappeler les considérants pertinents du règlement d’exécution attaqué.
1) Sur le calcul de la valeur ajoutée dans le règlement d’exécution attaqué
159 Au considérant 80 du règlement d’exécution attaqué, la Commission a rappelé que, selon la requérante, « le coût de sa valeur ajoutée dépasserait le seuil des 25 % ». Elle a précisé, à cet égard, que « [l]es deux principaux éléments de coût utilisés [par la requérante] pour calculer la valeur ajoutée étaient le coût d’amortissement et le coût de location, qui étaient inclus dans les données financières de la période de référence communiquées par [la requérante] dans son formulaire de demande
d’exemption ».
i) Sur le coût d’amortissement
160 En ce qui concerne le coût d’amortissement, ainsi qu’il ressort du considérant 81 du règlement d’exécution attaqué, la requérante a fait valoir que « moins de dix machines à TFV étaient installées dans ses locaux et que chacune de ces machines avait été en fonctionnement 300 jours sur 360 durant l’année 2020 ». Ainsi, « [l]’entreprise a calculé le montant de l’amortissement pour la période de référence en se fondant sur trois éléments, à savoir la valeur d’acquisition, un coefficient
d’amortissement de 9,5 % pour tenir compte de la durée de vie utile estimée et les 300 jours de fonctionnement [susmentionnés] sur un total de 360 jours ».
161 Il ressort du considérant 82 du règlement d’exécution attaqué que la Commission a contesté la manière dont la requérante calculait le coût d’amortissement en vue du calcul de la valeur ajoutée au sens de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement antidumping de base.
162 À cet égard, au considérant 82 du règlement d’exécution attaqué, il est indiqué ce qui suit :
« L’utilisation des 300 jours comme élément de calcul peut être acceptable selon les normes comptables internationales, mais a conduit à une surévaluation du montant d’amortissement lors du calcul de la valeur ajoutée par [la requérante] pour diverses raisons. Premièrement, […] l’utilisation de la capacité (la production réelle en kg divisée par la capacité de production réelle en kg) des machines à TFV était faible durant l’année 2020. Compte tenu de la faible utilisation de la capacité de
production, il a été constaté que le coût d’amortissement communiqué avait été surévalué. Deuxièmement, quatre des machines à TFV n’ont été expédiées de Shanghai à Tanger qu’en novembre 2019 et ne peuvent pas avoir fonctionné pendant 300 jours en 2020, compte tenu du temps d’expédition entre Shanghai et Tanger, ainsi que de la période nécessaire au déchargement, à l’installation et à l’essai de chacune de ces quatre machines à TFV. Troisièmement, [la requérante] a fait valoir, dans son
formulaire de demande d’exemption, que la production n’avait débuté qu’en avril 2020. Si tel avait été le cas, la durée de fonctionnement totale de chacune des machines à TFV installées n’aurait pu être que de 270 jours maximum (d’avril 2020 à décembre 2020), sans parler des éventuelles périodes où elles étaient hors service en raison d’arrêts liés à des opérations de maintenance, des congés et des jours fériés. Par conséquent, la Commission a conclu que le coût d’amortissement à prendre en
considération dans le calcul du coût de la valeur ajoutée devrait être nettement plus bas que le coût d’amortissement calculé par [la requérante]. »
163 Il ressort des considérants 85 et 86 du règlement d’exécution attaqué que la Commission a également rejeté l’utilisation des trois méthodes de remplacement ci-après, proposées par le groupe PGTEX, à savoir :
– celle consistant à ajuster la capacité pour tenir compte des mois durant lesquels les machines à TFV concernées n’avaient pas été en service ;
– celle consistant à utiliser uniquement les données de coûts de décembre 2020, à savoir le mois de la période d’enquête durant lequel la plupart des machines à TFV étaient en service, à l’exception de la machine [confidentiel] ;
– celle consistant à utiliser les données de coûts de la période allant de juillet à décembre 2020, étant donné que [confidentiel].
164 En particulier, au considérant 86 du règlement d’exécution attaqué, il est relevé ce qui suit :
– « [L]e mois de mars 2020 n’a pas été indiqué comme un mois de production par [la requérante] à l’annexe 7.2 de la lettre du 12 octobre 2021. [Cette dernière] a déclaré pour la première fois le 12 octobre 2021 qu’il y avait eu une production en mars 2020, mais que cette production de mars 2020 avait seulement été comptabilisée dans ses données de production pour le mois d’avril 2020. Cela signifie que la Commission ne pouvait pas exclure d’autres erreurs ou décalages dans la comptabilisation de
la production mensuelle […] ;
– [I]l n’était pas acceptable d’utiliser uniquement les données de coûts de décembre 2020, étant donné que le taux d’utilisation de la capacité pour le mois de décembre 2020 n’était pas représentatif du taux d’utilisation de la capacité pour l’ensemble de l’année 2020 ;
– [I]l n’était pas non plus acceptable d’utiliser les données de coûts pour la période comprise entre juillet et décembre 2020, pour la même raison que celle mentionnée pour la deuxième méthode de remplacement proposée[ : l]e taux d’utilisation de la capacité pour la période comprise entre juillet et décembre 2020 n’était pas représentatif pour l’ensemble de l’année 2020. »
165 Partant, au considérant 86 du règlement d’exécution attaqué, la Commission a conclu que « le taux d’utilisation de la capacité pour l’ensemble de l’année 2020 était l’indicateur le plus approprié pour réduire de manière raisonnable le taux d’amortissement total comptabilisé lors du calcul de la valeur ajoutée ».
ii) Sur le coût de location
166 S’agissant du coût de location, au considérant 91 du règlement d’exécution attaqué, la Commission a constaté ce qui suit :
« [La requérante] n’a pas fourni ses contrats de location dans sa réponse au formulaire de demande d’exemption, malgré les coûts de location importants qu’elle a supportés en 2020. Dans son formulaire de demande d’exemption, elle a informé la Commission qu’elle avait installé toutes ses machines à TFV sur un seul site (usine – phase 1). Initialement, elle avait déclaré qu’elle louait uniquement cette usine, puisqu’elle avait indiqué qu’elle possédait “un seul site de production”, malgré la
demande de fournir les adresses de tous ses sites de production dans le formulaire de demande d’exemption. Par la suite, [la requérante] a néanmoins fourni deux contrats de location [dans sa] réponse à la […] demande de complément d’information […], indiquant qu’[elle] louait deux locaux séparés appartenant à deux propriétaires différents durant la période de référence. Étant donné que [la requérante] avait auparavant affirmé dans son formulaire de demande d’exemption que les machines à TFV, qui
étaient en service en 2020, avaient été uniquement installées dans l’une de ces deux usines louées, les montants de location supportés en 2020 pour la deuxième usine (usine – phase 2) auraient dû être exclus du coût de location et du coût de la valeur ajoutée. En outre, en raison de la faible utilisation de la capacité, la Commission n’a pas non plus pu accepter, dans son calcul du coût de la valeur ajoutée, le coût de location total pour l’usine – phase 1, car celle-ci n’était pas totalement
utilisée en raison du fait que les machines à TFV ne produisaient rien au premier trimestre de 2020 et qu’elles ne fonctionnaient pas à pleine capacité durant les autres trimestres de 2020. Le coût de location total communiqué n’a pas été accepté par la Commission pour les raisons mentionnées ci-dessus. »
167 Devant la Commission, le groupe PGTEX a soutenu que cette dernière avait commis des erreurs manifestes d’évaluation et qu’elle avait agi en violation de l’article 13, paragraphe 2, du règlement antidumping de base, puisqu’elle n’avait pas tenu compte du coût de location total (considérant 92 du règlement d’exécution attaqué).
168 Cependant, ainsi qu’il ressort du considérant 93 du règlement d’exécution attaqué, « [l]a Commission a rejeté cet argument, sur la base des déclarations ci-après faites par le groupe PGTEX au cours de l’enquête ». En effet, il y est indiqué ce qui suit :
« Premièrement, dans sa réponse à la [...] demande de complément d’information, le groupe PGTEX a uniquement fait référence à l’usine – phase 1 pour sa [confidentiel]. Deuxièmement, dans sa réponse à la [...] demande de complément d’information, [il] a indiqué que ses machines à TFV, qui fonctionnaient en 2020, se trouvaient toutes dans l’usine – phase 1. La Commission en a déduit qu’aucune de ces machines, qui étaient en service en 2020, ne se trouvait dans l’usine – phase 2. Cela a été
également confirmé par d’autres déclarations [dudit groupe] dans sa réponse à la [...] demande de complément d’information. »
169 Dès lors, au considérant 94 du règlement d’exécution attaqué, la Commission a conclu que, « [a]près ajustement du coût d’amortissement et du coût de location communiqués, compte tenu des points expliqués ci-dessus, il s’[était] avéré que la valeur ajoutée moyenne établie durant la période de référence était inférieure au seuil de 25 % fixé par l’article 13, paragraphe 2, [sous] b), du règlement [antidumping] de base » et que « [d]’autres éléments de coût [s’étaient] révélés également surévalués,
mais [...] n’[avaient] pas été revus, car de tels ajustements auraient seulement abouti à un pourcentage encore plus faible de valeur ajoutée ».
2) Sur le premier grief, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une violation de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement antidumping de base
170 Le présent grief pose, en substance, la question liminaire de savoir comment la valeur ajoutée au sens de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement antidumping de base doit être déterminée et si, aux fins de sa détermination, la Commission doit tenir compte des coûts tels que comptabilisés par l’entreprise effectuant des opérations d’assemblage ou d’achèvement ou si elle peut les ajuster en tenant compte de la capacité effective de production de l’entreprise.
171 À cet égard, il convient de rappeler que le règlement antidumping de base ne comporte aucune définition de la notion de « valeur ajoutée ».
172 En l’espèce, si les parties s’accordent pour définir la valeur ajoutée au sens de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement antidumping de base comme étant la valeur qui entre dans le produit réalisé à la suite de l’opération d’assemblage ou d’achèvement, elles s’opposent sur la question de savoir si ladite notion coïncide avec celle de « coûts exposés », voire de « coûts comptabilisés », ou diffère de cette dernière. En particulier, si la requérante estime que la notion de « valeur
ajoutée » et celle de « coûts exposés » sont identiques et que l’ajustement des coûts exposés au titre de la valeur ajoutée ne peut être effectué que sur la base des motifs visés à l’article 2, paragraphe 5, du règlement antidumping de base, qui toutefois ne prévoit pas le taux d’utilisation de la capacité de production comme critère d’ajustement, la Commission soutient, en revanche, que la notion de « valeur ajoutée » est différente de celle de « coûts exposés » et que tant l’objectif que le
libellé de l’article 13, paragraphe 2, sous b), de ce règlement exigent que les coûts fixes tels que comptabilisés soient ajustés afin d’évaluer la valeur ajoutée aux pièces incorporées, notamment si l’utilisation de la capacité est particulièrement faible.
173 Ainsi que cela a été rappelé au point 132 ci-dessus, conformément à une jurisprudence constante, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir arrêt du 12 septembre 2019, Commission/Kolachi Raj Industrial, C‑709/17 P, EU:C:2019:717, point 82 et jurisprudence citée).
174 En l’espèce, il ressort de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement antidumping de base que la Commission doit déterminer si « la valeur ajoutée aux pièces incorporées au cours de l’opération d’assemblage ou d’achèvement de la fabrication est supérieure à 25 % du coût de fabrication ».
175 Or, la circonstance selon laquelle le terme « coût » apparaît dans la même phrase de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement antidumping de base que la valeur ajoutée ne suffit pas pour conclure que, ainsi que la requérante le prétend, la notion de « valeur ajoutée » et celle de « coûts exposés » sont identiques et que les coûts de fabrication dont il faut tenir compte aux fins du calcul de la valeur ajoutée au sens de ladite disposition ne peuvent être ajustés que pour les seuls
motifs visés et aux seules conditions prévues à l’article 2, paragraphe 5, du même règlement.
176 En effet, d’une part, l’interprétation proposée par la requérante ne semble pas tenir compte du fait que, si, par l’article 2, paragraphe 5, du règlement antidumping de base, l’Union a entendu donner exécution aux obligations particulières que comporte l’article 2.2.1.1 de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT) (JO 1994, L 336, p. 103) (voir, en ce sens, arrêt du 7 février 2013, Acron/Conseil, T‑118/10, non publié,
EU:T:2013:67, point 66), la réglementation de l’Union en matière de contournement, figurant à l’article 13 de ce règlement, ne trouve pas, en revanche, son fondement dans ledit accord, de sorte qu’elle doit être considérée comme un cadre réglementaire spécifique dans le droit de l’Union.
177 Ainsi, une interprétation de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement antidumping de base à la lumière d’autres dispositions du même règlement, telles que l’article 2, paragraphe 5, de ce règlement, qui constitue une transposition en droit de l’Union des obligations particulières figurant dans l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI du GATT, doit trouver une justification autre que celle fondée sur la simple circonstance selon laquelle les termes « coût de fabrication »
apparaissent dans la même phrase que les termes « valeur ajoutée ».
178 D’autre part, l’interprétation proposée par la requérante n’est pas conforme à l’objectif qui sous-tend la réglementation anticontournement consacrée à l’article 23 du règlement antisubventions de base, à savoir celui d’assurer l’efficacité des mesures compensatoires adoptées par l’Union et d’éviter que celles-ci ne soient contournées (voir point 42 ci-dessus). En effet, dans une situation telle que celle de la requérante en l’espèce, dont le coût d’amortissement a été calculé et comptabilisé
sur la base du fonctionnement théorique maximal de l’ensemble des [confidentiel] machines à TFV tout au long de la période de référence, à savoir l’année 2020, alors que durant cette période, en réalité, les machines à TFV ont fonctionné uniquement à [confidentiel] de leur capacité, le coût d’amortissement ainsi comptabilisé ne se traduit pas intégralement en valeur ajoutée aux pièces incorporées. Dès lors, exclure la possibilité d’ajuster le coût d’amortissement afin de tenir compte de la
faible utilisation de la capacité des machines finirait par permettre à l’entreprise de gonfler le montant de la valeur ajoutée aux pièces incorporées. En effet, une machine qui reste inutilisée entraîne des coûts d’amortissement qui sont comptabilisés, mais n’ajoute pas de valeur aux pièces incorporées dans le cadre d’une opération d’assemblage ou d’achèvement.
179 Dès lors, le contexte et l’objectif de l’article 13 du règlement antidumping de base nécessitent que le calcul de la valeur ajoutée tienne compte des seuls coûts liés à la production effective de TFV, voire des seuls coûts d’amortissement et de location liés au fonctionnement des machines réellement utilisées pour réaliser les pièces effectivement incorporées au cours de la période de référence.
180 Cela étant précisé, il convient de déterminer si l’ajustement des coûts d’amortissement et de location tel que celui qui a été effectué en l’espèce par la Commission est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.
181 Ainsi qu’elle l’a précisé lors de l’audience, la requérante reproche à la Commission d’avoir ajusté les coûts d’amortissement et de location qu’elle lui avait communiqués en appliquant un taux d’utilisation de la capacité de [confidentiel] pour l’ensemble de l’année 2020.
182 Selon la requérante, si la finalité de l’ajustement des coûts d’amortissement et de location effectué par la Commission était de refléter l’utilisation réelle des machines à TFV, ce taux ne répond pas à cette finalité, étant donné qu’il a été déterminé sur la base de la capacité théorique maximale de toutes ses machines à TFV, y compris celles qui n’ont pas été en service. La requérante estime, dès lors, que, si la Commission voulait ajuster les coûts, elle aurait dû prendre en compte les autres
méthodes de calcul des coûts d’amortissement qu’elle lui avait soumises et, notamment, la première de ces méthodes, dans laquelle elle proposait, en substance, d’ajuster les coûts en tenant compte du nombre de mois de la période de référence au cours desquels chaque machine à TFV avait effectivement fonctionné.
183 À cet égard, en premier lieu, il convient de souligner que, ainsi que cela a été rappelé au point 54 ci-dessus, selon la jurisprudence, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner. Quant au contrôle juridictionnel d’une telle appréciation, il
doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir.
184 En deuxième lieu, ainsi que cela ressort du considérant 81 du règlement d’exécution attaqué (voir point 160 ci-dessus), le coût d’amortissement que la requérante a communiqué à la Commission était fondé sur la capacité théorique maximale de ses machines. À cet égard, il convient de préciser que, si, dans la requête, la requérante affirme que le coût d’amortissement qu’elle a communiqué à la Commission reflète la période effective durant laquelle les machines à TFV ont été utilisées et amorties,
elle n’apporte aucun élément susceptible d’étayer cette affirmation. Par ailleurs, certains éléments du dossier contredisent pareille affirmation. En effet, d’une part, cette dernière semble peu crédible à la lumière de la constatation figurant dans la réponse à la lettre relative à l’article 28, selon laquelle la requérante « n’a pas enregistré le nombre de jours pendant lesquels les machines à [TFV] étaient opérationnelles ». D’autre part, cette constatation est contredite par la requérante
elle-même, puisque, dans la requête, celle-ci admet que les coûts fixes qu’elle a effectivement exposés au cours de l’année 2020 pour la production des TFV « sont comptabilisés sur la base des principes comptables généralement reconnus localement » et que « [l]a [Commission], loin de le contester, reconnaît que “l’utilisation des 300 jours comme élément de calcul peut être acceptable selon les normes comptables internationales” ».
185 En troisième lieu, comme le soutient la Commission, des coûts d’amortissement calculés sur la base du fonctionnement théorique maximal de l’ensemble des [confidentiel] machines à TFV tout au long de la période de référence ne peuvent être considérés comme une valeur ajoutée aux pièces incorporées que si les machines ont effectivement fonctionné à leur capacité théorique maximale tout au long de ladite période, ce qui, cependant, n’a pas été le cas en l’espèce pour les raisons exposées au
considérant 82 du règlement d’exécution attaqué (voir point 162 ci-dessus) et, notamment, du fait que cette période correspondait à une phase de lancement du site de production de la requérante.
186 Ainsi, en estimant que les coûts d’amortissement et de location tels que fournis par la requérante ne pouvaient pas refléter de manière crédible la valeur ajoutée aux pièces incorporées, la Commission a ajusté lesdits coûts. À cette fin, elle a utilisé le taux d’utilisation de la capacité tel que communiqué par la requérante et non contesté par celle-ci (considérants 84 et 86 du règlement d’exécution attaqué).
187 Or, contrairement à ce que la requérante prétend et ainsi que la Commission le relève à juste titre, étant donné que, tant le coût d’amortissement, calculé par ses soins sur la base de la capacité théorique maximale, que l’utilisation de la capacité ont été calculés sur la base du même nombre de machines à TFV, comme si ces dernières avaient fonctionné pendant toute la période de référence, le fait d’utiliser l’un pour ajuster l’autre ne constitue pas une erreur de fait.
188 Par ailleurs, les trois autres méthodes de calcul de la valeur ajoutée que la requérante a proposées à la Commission n’auraient pas permis de mieux refléter la valeur ajoutée aux pièces incorporées.
189 À cet égard, il suffit de souligner que, par la première méthode de calcul de la valeur ajoutée, la requérante a proposé à la Commission d’ajuster les coûts d’amortissement, calculés sur la base d’une durée maximale de fonctionnement de douze mois, en tenant compte du nombre de mois au cours desquels chaque machine avait effectivement fonctionné en 2020. Or, pour que cette méthode reflète avec exactitude la valeur réellement ajoutée aux pièces incorporées, il faudrait que les coûts
d’amortissement soient calculés sur la base du nombre de mois d’utilisation effective des machines – et non sur celle de douze mois, comme dans le calcul proposé par la requérante –, ce qui, par ailleurs, implique de connaître le nombre de mois d’utilisation effective desdites machines.
190 Cependant, il ressort du considérant 86, premier tiret, du règlement d’exécution attaqué ainsi que du dossier que la production de mars 2020 a seulement été comptabilisée par la requérante dans ses données de production pour le mois d’avril 2020. Dès lors, les données mensuelles de production relatives au mois d’avril ne correspondent pas à la production effective de ce mois, une partie de la production du mois d’avril ayant en réalité eu lieu au mois de mars.
191 Ainsi, les données de production mensuelle fournies par la requérante ne permettant pas de connaître avec certitude les mois d’utilisation effective des machines à TFV pendant la période de référence, c’est à juste titre que la Commission a écarté la première méthode de calcul de la valeur ajoutée que celle-ci lui avait proposée.
192 S’agissant de la deuxième méthode de calcul de la valeur ajoutée, visant à utiliser les données relatives aux coûts de décembre 2020, et de la troisième méthode, consistant à utiliser les données relatives aux coûts de la période comprise entre juillet et décembre 2020, il convient de relever que, la Commission ayant clairement indiqué que l’enquête portait sur l’ensemble de l’année civile 2020, définie comme étant la période de référence, se fonder sur un mois (à savoir le mois de décembre) ou
sur une période de six mois (à savoir celle comprise entre juillet et décembre 2020) ne serait pas représentatif des opérations effectuées au cours des douze mois de l’année 2020 et ne permettrait pas de combler le fossé entre la manière dont les coûts d’amortissement ont été calculés pour un ou six mois, sur la base de la capacité théorique maximale, et la productivité réelle des machines, à savoir la valeur ajoutée aux pièces incorporées.
193 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation ni violer l’article 13 du règlement antidumping de base que la Commission a ajusté les coûts d’amortissement tels que calculés par la requérante en tenant compte du taux d’utilisation de la capacité effective pendant la période de référence et qu’elle a écarté les trois autres méthodes de calcul de la valeur ajoutée proposées par cette dernière.
194 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante tiré du fait qu’il n’y avait pas de raison d’exclure les coûts de location de l’« usine – phase 2 » des coûts de location considérés pour le calcul de la valeur ajoutée (voir point 151 ci-dessus). En effet, il convient de relever que, ainsi que cela ressort du considérant 93 du règlement d’exécution attaqué (voir point 168 ci-dessus), les machines à TFV, qui fonctionnaient en 2020, se trouvaient toutes dans
l’« usine – phase 1 » et que, comme la requérante l’a admis lors de l’audience, des machines à TFV ont été installées dans l’« usine – phase 2 » uniquement après 2020.
195 En outre, la requérante admet elle-même que le plan de l’« usine – phase 2 » indique la présence d’[confidentiel]. Par ailleurs, à cet égard, lors de l’audience, la Commission a précisé, sans être contredite par la requérante, que cette dernière n’avait jamais indiqué que des TFV avaient effectivement été [confidentiel].
196 Dès lors, la Commission a pu constater qu’aucune véritable activité de production n’avait eu lieu dans cette « usine – phase 2 », de sorte que les coûts de location relatifs à cette dernière ne se traduisaient pas en valeur ajoutée aux pièces incorporées. En effet, de tels coûts n’étant pas liés à la production effective de TFV, pour la raison exposée au point 179 ci-dessus, lesdits coûts ne sauraient être pris en compte dans le cadre du calcul de la valeur ajoutée.
197 Ainsi, il y a lieu de constater que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a exclu les coûts de location de l’« usine – phase 2 » des coûts de location considérés pour le calcul de la valeur ajoutée.
198 Partant, eu égard à tout ce qui précède, il convient de rejeter le présent grief.
3) Sur le deuxième grief, tiré d’une violation des principes de non-discrimination et d’égalité de traitement
199 La requérante avance, en substance, que l’ajustement des coûts fixes opéré par la Commission pour refléter l’utilisation de la capacité en utilisant [confidentiel] des coûts d’amortissement et de location pour l’« usine – phase 1 » est discriminatoire par rapport à ce que la Commission a fait, dans l’enquête antisubventions, pour calculer la marge de préjudice pour l’industrie de l’Union (voir point 153 ci-dessus).
200 À cet égard, il convient de relever, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence constante, le respect des principes d’égalité et de non-discrimination requiert que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 13 décembre 2007, Asda Stores, C‑372/06, EU:C:2007:787, point 62 et jurisprudence citée).
201 En l’espèce, selon la requérante, la Commission a opéré une discrimination entre elle et l’industrie de l’Union, puisque, lors du calcul de la marge de préjudice, sur la base du prix cible, dans l’enquête antisubventions, celle-ci n’a pas ajusté son coût de production, malgré la constatation d’un faible degré d’utilisation de la capacité de production, alors que, dans le cadre du règlement d’exécution attaqué, elle a procédé à un tel ajustement afin de déterminer la valeur ajoutée.
202 À cet égard, il convient de relever que la prise en compte des coûts de production pour calculer la marge de préjudice de l’industrie de l’Union en raison d’importations faisant l’objet de subventions et la prise en compte des coûts de production afin de calculer la valeur ajoutée aux pièces incorporées au cours d’une opération d’assemblage ou d’achèvement de la fabrication, au sens de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement antidumping de base, pour savoir s’il y a contournement de
mesures antisubventions s’opèrent dans un contexte et pour des finalités différents, de sorte que, pour étayer à suffisance le présent grief, la requérante aurait dû expliquer en quoi, en prenant en compte ces coûts de manière différente, la Commission avait pu violer les principes de non-discrimination et d’égalité de traitement. Cependant, la requérante, en se limitant à affirmer, en substance, qu’il n’y avait aucune justification au fait d’appréhender de manière différente la situation de
l’industrie de l’Union dans l’enquête antisubventions et sa propre situation dans l’enquête anticontournement et que le coût mentionné dans le règlement antidumping de base était un coût qui ne pouvait être défini que de manière uniforme, n’a pas fourni d’explications suffisantes à cet égard.
203 Partant, il convient de rejeter le présent grief.
4) Sur le troisième grief, tiré d’une violation du droit à une bonne administration
204 En ce qui concerne le présent grief, il ressort de l’analyse des autres griefs aux points 170 à 203 ci-dessus que, contrairement à ce que la requérante prétend, la Commission a examiné avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce et a procédé à l’ajustement des coûts en prenant en considération les explications qu’elle avait apportées en ce qui concernait l’utilisation des machines et les coûts de location.
205 Ainsi, le présent grief doit être rejeté.
d) Conclusion
206 Tous les griefs avancés par la requérante à l’appui de la présente branche ayant été écartés, il y a lieu de rejeter ladite branche ainsi que, partant, le quatrième moyen dans son ensemble.
4. Sur le bien-fondé du cinquième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une violation de l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base en ce que la Commission a considéré que les TFV exportés depuis le Maroc vers l’Union continuaient à bénéficier des subventions accordées aux producteurs chinois de TFV
207 La requérante conteste, en substance, les affirmations de la Commission figurant aux considérants 102 à 105 du règlement d’exécution attaqué et visant à apprécier la quatrième condition nécessaire pour établir l’existence d’un contournement (voir point 50 ci-dessus), à savoir celle selon laquelle, conformément à l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base, « le produit similaire importé [ou] les parties de ce produit continuent à bénéficier de la subvention ».
208 À cette fin, en premier lieu, la requérante fait valoir que le règlement d’exécution 2020/776 mentionné par la Commission au considérant 102 du règlement d’exécution attaqué ne concerne pas le subventionnement des stratifils et des fils tels qu’ils lui ont été fournis par PGTEX China, mais le subventionnement des TFV, à savoir un produit différent. Les déterminations faites dans le règlement d’exécution 2020/776 ne seraient donc valables que pour autant qu’elles concernent les TFV, et non pour
autant qu’elles concernent les stratifils et les fils. Cela étant le cas, il n’y aurait pas de « subvention » qui aurait pu lui être transmise par PGTEX China.
209 En deuxième lieu, la requérante avance que les opérations d’assemblage ne sont pas couvertes par le règlement antisubventions de base dans la mesure où elles ne peuvent donner lieu à une subvention octroyée par le pays d’origine ou d’exportation qui continue de profiter au produit faisant prétendument l’objet d’un contournement. Cela tiendrait au fait que toute subvention qui pourrait être compensée devrait être octroyée par le pays dans lequel les opérations d’assemblage ont lieu (en l’espèce,
le Royaume du Maroc) ou à partir duquel les produits assemblés sont exportés (en l’espèce, le Royaume du Maroc également). La question de savoir si « l’article 23, paragraphe 3, du règlement [antisubventions] de base englobe également […] les opérations d’assemblage » serait dépourvue de pertinence, les subventions ne pouvant être compensées que si elles ont été octroyées par le pays d’origine ou d’exportation.
210 En troisième lieu, la requérante soutient qu’aucune base légale ne permet de considérer qu’une transmission de subventions entre des parties liées peut être présumée légalement. L’utilisation, dans le règlement d’exécution attaqué, du rapport de l’organe d’appel de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) du 19 janvier 2004, rendu dans l’affaire « États-Unis – Détermination finale en matière de droits compensateurs concernant certains bois d’œuvre résineux en provenance du Canada »
(WT/DS 257/AB/R) (ci-après le « rapport de l’organe d’appel de l’OMC ») serait inadéquate pour fonder cette présomption. Selon la requérante, ledit rapport porte sur un cas particulier dans lequel l’avantage découlant de la subvention pour la matière première est transmis au produit transformé. Cette situation serait totalement différente de la situation des TFV, pour lesquels il n’existerait pas de preuve que la matière première (à savoir les stratifils) est subventionnée.
211 En outre, selon la requérante, la Commission n’effectue qu’une lecture partielle du rapport de l’organe d’appel de l’OMC, lequel indiquerait que, « [l]orsque les producteurs de la matière première et les producteurs des produits transformés exercent leurs activités dans des conditions de pleine concurrence, la transmission des avantages découlant de la subvention pour la matière première, des bénéficiaires directs aux bénéficiaires indirects en aval, ne peut pas simplement être présumée ; elle
doit être établie par l’autorité chargée de l’enquête ». La requérante précise que, dans la présente affaire, les achats qu’elle a effectués auprès de PGTEX China et l’achat effectué par cette dernière auprès de CPIC ont eu lieu dans des conditions de pleine concurrence, comme elle l’a clairement démontré.
212 Enfin, la requérante fait valoir que l’allégation selon laquelle PGTEX China lui « facturait des prix plus bas [...] par rapport à d’autres clients durant la période d’enquête » n’est pas corroborée par les faits de l’enquête anticontournement. L’allégation selon laquelle toute transmission aurait pu avoir lieu à travers d’autres moyens que celui du niveau des prix des matières premières, par exemple par le prélèvement de frais de gestion, ne serait pas non plus corroborée. Les allégations de la
Commission ne seraient donc ni plus ni moins que théoriques.
213 La Commission, tout comme l’intervenante à son soutien, conteste les arguments de la requérante.
214 À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux considérants 102 à 105 du règlement d’exécution attaqué, la Commission a relevé ce qui suit :
« Comme indiqué dans le règlement d’exécution (UE) 2020/776 de la Commission, il a été constaté que les producteurs-exportateurs chinois bénéficiaient de plusieurs régimes de subventions accordés par les pouvoirs publics chinois et par les autorités régionales et locales de Chine. À cet égard, il a été constaté que PGTEX China et CPIC bénéficiaient également de plusieurs régimes de subvention, tels que des prêts à intérêts préférentiels, des programmes d’aides et des avantages fiscaux.
La présente enquête n’a pas permis de recueillir de nouvelle information qui aurait pu remettre en cause la conclusion de l’enquête antisubventions initiale selon laquelle ces régimes de subventions n’étaient plus valides.
PGTEX China est la société mère de [la requérante], en vertu de quoi cette dernière a acheté 100 % des stratifils en fibres de verre qu’elle a utilisés [auprès de] sa société mère PGTEX China, qui, à son tour, les a achetés auprès de CPIC, le fabricant de ces stratifils en fibres de verre.
Une transmission des subventions entre parties liées peut être présumée légalement, en particulier quand la société liée en aval assemble le produit final et l’exporte vers l’Union. En l’espèce, étant donné que PGTEX China et [la requérante] fabriquent et exportent des TFV et qu’elles utilisent des stratifils en fibres de verre fabriqués par CPIC, le calcul du montant des subventions passibles de mesures compensatoires qui leur sont accordées devrait tenir compte du fait qu’en raison de leurs
liens, ces sociétés sont en mesure de répercuter ces avantages comme bon leur semble sur les produits concernés exportés vers l’Union. »
215 La Commission a ainsi conclu, au considérant 106 du règlement d’exécution attaqué, que, conformément à l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base, « le produit similaire importé ou des parties de ce produit continuaient à bénéficier de la subvention ».
216 Par ailleurs, au considérant 107 du règlement d’exécution attaqué, la Commission a contesté les arguments formulés par le groupe PGTEX selon lesquels il « n’y avait pas d’éléments de preuve indiquant que les importations de TFV en provenance du Maroc continuaient à bénéficier des subventions accordées aux producteurs chinois de TFV ».
217 À cet égard, au considérant 108 du règlement d’exécution attaqué, la Commission a précisé ce qui suit :
« Premièrement, même si l’enquête antisubventions [...] portait en premier lieu sur le subventionnement des TFV, le groupe PGTEX a pleinement coopéré au cours de cette enquête. À cet égard, l’enquête antisubventions [...] a démontré que CPIC et PGTEX China, qui sont liées à [la requérante], recevaient des subventions de la part des pouvoirs publics chinois. Deuxièmement, comme cela a déjà été mentionné au considérant 33 [du règlement d’exécution attaqué], l’article 23, paragraphe 3, du règlement
[antisubventions] de base englobe également d’autres pratiques de contournement, qui ne sont pas explicitement mentionnées dans cet article, telles que les opérations d’assemblage. Troisièmement, comme expliqué au considérant 105 [dudit règlement d’exécution], une transmission des subventions entre parties liées peut être présumée légalement, en particulier quand la société liée en aval assemble le produit final et l’exporte vers l’Union. En outre, une transmission à des sociétés liées peut se
présenter sous de nombreuses formes (telles que le prélèvement de certains frais de gestion) et n’est pas nécessairement limitée au niveau des prix du matériau intrant facturés aux clients. Quoi qu’il en soit, une comparaison des prix des stratifils et des fils en fibres de verre, effectuée sur la base de la réponse au [formulaire] de PGTEX China, a indiqué que celle-ci facturait des prix plus bas à [la requérante] par rapport à d’autres clients durant la période d’enquête. »
218 En l’espèce, la requérante conteste cette appréciation en faisant valoir, en substance, trois griefs. Par le premier grief, elle soutient que le règlement d’exécution 2020/776 ne concerne pas les stratifils en fibres de verre, mais les TFV, de sorte qu’aucune transmission de subvention au bénéfice des stratifils en fibres de verre ne pourrait être présumée en l’espèce. Par le deuxième grief, elle considère que les subventions ne peuvent faire l’objet de mesures compensatoires que si lesdites
subventions ont été accordées par le pays d’origine ou d’exportation, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Par le troisième grief, elle estime qu’il n’existe aucune base juridique permettant de considérer qu’une transmission de subventions entre parties liées peut être présumée légalement et que, en l’espèce, les transactions avec les parties liées de la requérante en Chine se sont effectuées dans des conditions de pleine concurrence.
219 S’agissant du premier grief, il convient de souligner que la requérante ne conteste pas l’affirmation figurant au considérant 102 du règlement d’exécution attaqué selon laquelle, ainsi que cela a été indiqué dans le règlement d’exécution 2020/776, « les producteurs-exportateurs chinois bénéficiaient de plusieurs régimes de subventions accordés par les pouvoirs publics chinois et par les autorités régionales et locales de Chine », ni l’affirmation selon laquelle « PGTEX China et CPIC
bénéficiaient également de plusieurs régimes de subvention, tels que des prêts à intérêts préférentiels, des programmes d’aides et des avantages fiscaux ».
220 La requérante ne conteste pas non plus l’argument de la Commission selon lequel les constatations du règlement d’exécution 2020/776 relatives au subventionnement des TFV ont été utilisées dans le règlement d’exécution (UE) 2021/328 de la Commission, du 24 février 2021, instituant un droit compensateur définitif sur les importations de produits de fibre de verre à filament continu originaires de la République populaire de Chine à l’issue d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures effectué
en vertu de l’article 18 du règlement 2016/1037 (JO 2021, L 65, p. 1). Or, dans ce règlement, la Commission a spécifiquement constaté le maintien des subventions en ce qui concernait tous les producteurs-exportateurs de stratifils en fibres de verre en Chine, y compris les entreprises liées de la requérante en Chine. En effet, il ressort du considérant 43 du règlement d’exécution 2021/328 que « la Commission a pu déterminer que les conclusions du règlement [d’exécution 2020/776] sur les TFV en
ce qui concern[ait] l’avantage conféré étaient applicables aux producteurs-exportateurs chinois de produits de fibre de verre à filament continu au cours de la période d’enquête de réexamen ». En particulier, à cet égard, au considérant 44 du même règlement d’exécution, la Commission a précisé qu’« aucune des pratiques de subvention examinées n’était directement liée à la production ou à l’exportation de TFV, mais [que celles-ci] constituaient en fait des subventions qui [profit]aient à
l’ensemble de la société ou du groupe de sociétés chinoises fabriquant également des produits de fibre de verre à filament continu » et que, « [p]ar conséquent, dans le cadre de l’enquête sur les TFV, la Commission a[vait] d’abord déterminé l’avantage conféré au producteur-exportateur et a[vait] ensuite réparti cet avantage sur son chiffre d’affaires total pour tous les produits vendus par le producteur-exportateur, y compris les [stratifils en fibres de verre] ».
221 Par ailleurs, à cet égard, il convient de souligner que la requérante n’apporte pas de preuves visant à remettre en cause l’affirmation de la Commission selon laquelle les subventions accordées par les pouvoirs publics chinois dont l’existence a été constatée dans le règlement d’exécution 2020/776 profitaient à toute la production de tout le groupe PGTEX, qu’il s’agisse des TFV ou des stratifils en fibres de verre.
222 Dès lors, la requérante ne saurait faire valoir que les appréciations faites par la Commission dans le règlement d’exécution 2020/776 ne sont valables que pour autant qu’elles concernent les TFV, et non les stratifils en fibres de verre.
223 S’agissant du deuxième grief, il y a lieu de relever que, ainsi que cela a été constaté au point 114 ci-dessus, en l’espèce, contrairement à ce que la requérante cherche à faire valoir, la Commission ne vise pas à compenser des subventions accordées par le Maroc, mais à garantir que les mesures compensatoires établies à l’égard des importations chinoises de TFV bénéficiant des subventions ne sont pas contournées, après avoir établi que les stratifils en fibres de verre, à savoir la matière
première des TFV, bénéficiaient en Chine de plusieurs subventions et que lesdits stratifils ont été assemblés ou achevés au Maroc par la requérante pour produire des TFV.
224 S’agissant du troisième grief, il y a lieu d’observer que, au considérant 105 du règlement d’exécution attaqué, la Commission a considéré qu’« [u]ne transmission des subventions entre parties liées p[ouvai]t être présumée légalement, en particulier quand la société liée en aval assembl[ait] le produit final et l’export[ait] vers l’Union ».
225 À cet égard, il convient de rappeler que, dans le règlement d’exécution attaqué, la Commission fonde la présomption légale en cause, notamment, sur le point 146 du rapport de l’organe d’appel de l’OMC. Or, ainsi que cela a été constaté par le Tribunal, il ressort dudit point que l’autorité chargée de l’enquête doit établir que l’avantage conféré par une contribution financière directement aux producteurs de la matière première est transmis, à tout le moins en partie, aux producteurs du produit
transformé visé par l’enquête, lorsque les producteurs de la matière première et les transformateurs en aval exercent leurs activités dans des conditions de pleine concurrence (arrêt du 1er mars 2023, Hengshi Egypt Fiberglass Fabrics et Jushi Egypt for Fiberglass Industry/Commission, T‑480/20, sous pourvoi, EU:T:2023:90, point 56). La Commission en a déduit que, dans le cas de sociétés liées, la transmission de subventions pouvait être présumée légalement, en particulier lorsque la société en
aval assemblait le produit final et l’exportait vers l’Union.
226 Afin de remettre en cause cette conclusion, d’une part, la requérante fait, en substance, valoir que, en l’espèce, il manquerait la preuve du fait que la matière première des TFV, à savoir les stratifils en fibres de verre, était subventionnée, de sorte que la transmission d’une telle subvention ne pourrait pas être légalement présumée. D’autre part, elle avance avoir prouvé que ses achats auprès de PGTEX China ainsi que les achats de cette dernière auprès de CPIC avaient été effectués dans des
conditions de pleine concurrence.
227 Cependant, d’une part, sans se pencher sur la question relative à la pertinence du rapport de l’organe d’appel de l’OMC, il ressort de l’examen du premier grief que la Commission a démontré, sans être contredite par la requérante, que la matière première utilisée dans la production des TFV avait été subventionnée (voir points 219 à 222 ci-dessus).
228 D’autre part, ainsi que la Commission le fait observer, sans être contredite par la requérante, il ressort de la réponse de PGTEX China à la lettre préalable de vérification, produite en annexe au mémoire en défense, que les prix de vente facturés à la requérante étaient toujours inférieurs aux prix facturés à des clients indépendants. En effet, il ressort de ladite réponse que « la revente de stratifils et de fils n’est pas la principale activité de PGTEX China, de sorte que [cette dernière]
n’a pas l’intention de tirer bénéfice de cette revente et n’a pas besoin de déterminer un “prix de marché” pour cette revente », que, « [l]ors de la revente de ces matières premières à [la requérante], PGTEX China ajoute les dépenses de fret estimées aux prix d’achat auprès de CPIC pour déterminer le prix de transfert, car PGTEX China se chargera du transport de ces matières premières vers le Maroc » et que, « [l]ors de la revente de ces matières premières à des clients indépendants, parce qu’il
s’agit de ventes occasionnelles en quantité limitée, les clients pouvaient accepter un prix plus élevé ».
229 Dès lors, c’est à bon droit que la Commission s’est fondée sur la présomption légale de transmission des subventions en cause afin de constater que la quatrième condition pour établir l’existence d’un contournement était remplie en l’espèce.
230 Ainsi, eu égard à ce qui précède, la requérante ne saurait reprocher à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation ou d’avoir violé l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base en considérant que les TFV exportés depuis le Maroc vers l’Union continuaient à bénéficier des subventions accordées aux producteurs chinois de TFV.
231 Partant, il convient de rejeter le cinquième moyen.
C. Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, de violations des droits de la défense de la requérante et du droit à une bonne administration, d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une violation de l’article 28, paragraphes 1 et 3, du règlement antisubventions de base en ce qui concerne l’utilisation des données disponibles
232 Le présent moyen est articulé en deux branches. Dans le cadre de la première branche, la requérante soutient que, en lui appliquant des données disponibles, la Commission a violé l’obligation de motivation, ses droits de la défense et le droit à une bonne administration. Dans le cadre de la seconde branche, elle fait valoir que le règlement d’exécution attaqué repose sur des erreurs manifestes d’appréciation et viole l’article 28, paragraphes 1 et 3, du règlement antisubventions de base en ce
qui concerne l’utilisation desdites données.
233 À l’appui de la première branche, la requérante invoque, en substance, trois griefs.
234 Par le premier grief, la requérante soutient que, en rejetant sans aucune explication les éléments de preuve qu’elle avait produits dans la réponse à la lettre relative à l’article 28 et dans ses commentaires sur le DIG, la Commission a failli à son obligation de motivation quant à l’application des données disponibles. À cet égard, elle souligne que, malgré ses réponses à chacun des points mentionnés au considérant 38 du règlement d’exécution attaqué, les allégations figurant dans ladite
lettre, dans le DIG ainsi que dans ce règlement d’exécution seraient restées identiques.
235 Par ailleurs, dans la réplique, la requérante fait valoir que les justifications apportées par la Commission dans le mémoire en défense pour expliquer l’approche suivie dans le règlement d’exécution attaqué sont nouvelles et donc irrecevables, à défaut de figurer dans ce règlement d’exécution.
236 Par le deuxième grief, la requérante soutient ne pas avoir été mise en mesure de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission avait décidé d’appliquer des données disponibles et ne pas avoir eu la possibilité de formuler effectivement des observations à ce sujet, de sorte que le règlement d’exécution attaqué viole ses droits de la défense.
237 Par le troisième grief, la requérante soutient que le règlement d’exécution attaqué méconnaît le droit à une bonne administration, imposant à l’institution compétente d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce. Selon elle, dans ce règlement d’exécution, la Commission n’a pas tenu compte des informations communiquées dans sa réponse à la lettre relative à l’article 28 et dans ses commentaires sur le DIG.
238 À l’appui de la seconde branche, la requérante soutient que la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation en considérant, dans le règlement d’exécution attaqué, qu’elle n’avait pas fourni les « informations nécessaires » au sens de l’article 28, paragraphe 1, du règlement antisubventions de base.
239 Premièrement, la requérante avance avoir fourni des éclaircissements sur l’ensemble des renseignements demandés.
240 Deuxièmement, la requérante fait valoir que les informations visées au considérant 38 du règlement d’exécution attaqué ne peuvent être qualifiées de nécessaires au sens de l’article 28, paragraphe 1, du règlement antisubventions de base et de la jurisprudence. Selon elle, ces informations auraient pu être obtenues par la Commission par d’autres moyens et être vérifiées par des visites et des recoupements à distance.
241 Troisièmement, la requérante soutient que le règlement d’exécution attaqué viole l’article 28, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base, en ce que la Commission a décidé d’appliquer des données disponibles au simple motif que les informations qu’elle avait fournies n’étaient pas les meilleures. Elle précise que, même si ces informations devaient être considérées comme n’étant pas les « meilleures », cela ne constituerait pas une raison suffisante pour effectuer cette application. Elle
ajoute que, en décidant d’appliquer l’article 28, paragraphe 1, dudit règlement, la Commission a écarté une partie des données relatives aux coûts de fabrication qu’elle avait communiquées et a utilisé des données disponibles concernant notamment la date de début de la production, alors que, en cas de doute concernant seulement la fiabilité des données communiquées, celle-ci aurait dû appliquer l’article 28, paragraphe 3, de ce règlement et donc accepter ces dernières données.
242 La Commission, tout comme l’intervenante à son soutien, estime que le présent moyen est inopérant dans son intégralité et, en tout état de cause, non fondé.
243 Au soutien du caractère inopérant du deuxième moyen, la Commission avance que, au cours de l’enquête anticontournement, elle a ouvert la procédure au titre de l’article 28 du règlement antisubventions de base du fait que les informations visées au considérant 38 du règlement d’exécution attaqué pouvaient suggérer l’existence d’un transbordement, mais que, compte tenu de la nature incomplète et contradictoire des informations fournies par la requérante, elle a finalement écarté la possibilité
d’arriver à prouver l’existence d’un tel transbordement et s’est focalisée sur la preuve d’un assemblage ou d’un achèvement. Elle précise que, aux fins de cette preuve, elle n’a pas utilisé de données disponibles au titre de l’article 28 du règlement antisubventions de base, à l’exception de certaines données statistiques extraites d’Eurostat et des données de la requérante, qui, toutefois, ne sont pas contestées par celle-ci.
244 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon l’article 23, paragraphe 4, du règlement antisubventions de base, il incombe à la Commission d’ouvrir une enquête sur la base d’éléments de preuve qui laissent apparaître, à première vue, des pratiques de contournement. Si les faits établis au cours de cette enquête permettent de conclure à l’existence d’un tel contournement, la Commission propose au Conseil l’extension des mesures antisubventions (voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2014,
Simon, Evers & Co., C‑21/13, EU:C:2014:2154, point 31).
245 Toutefois, aucune disposition du règlement antisubventions de base ne confère à la Commission, dans le cadre d’une enquête sur l’existence d’un contournement, le pouvoir de contraindre les producteurs ou les exportateurs visés par une plainte à participer à l’enquête ou à produire des renseignements. La Commission est donc tributaire de la coopération volontaire des parties intéressées pour lui fournir les informations nécessaires (voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2014, Simon, Evers & Co.,
C‑21/13, EU:C:2014:2154, point 32).
246 C’est la raison pour laquelle le législateur de l’Union a prévu à l’article 28, paragraphe 1, du règlement antisubventions de base que, lorsqu’une partie intéressée refuse l’accès aux informations nécessaires ou ne les fournit pas ou fait obstacle de façon significative à l’enquête, des conclusions préliminaires ou finales, positives ou négatives, peuvent être établies sur la base des données disponibles (voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2014, Simon, Evers & Co., C‑21/13, EU:C:2014:2154,
point 33).
247 Par ailleurs, la jurisprudence a précisé que l’article 28, paragraphe 1, du règlement antisubventions de base concernait l’utilisation des données disponibles par les institutions, au détriment des données propres à une ou à plusieurs parties intéressées (voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2015, VTZ e.a./Conseil, T‑432/12, non publié, EU:T:2015:248, point 35 et jurisprudence citée).
248 En l’espèce, le considérant 38 du règlement d’exécution attaqué relève ce qui suit :
« [Selon la Commission,] les réponses au questionnaire, y compris la réponse à la [demande de complément d’information], apportées par [la requérante] et ses deux sociétés liées chinoises [...] ont été jugées insuffisantes pour les raisons suivantes :
– [la requérante] n’a pas fourni les informations nécessaires requises dans le formulaire de demande d’exemption. Plus particulièrement, elle n’a pas fourni les documents justificatifs nécessaires pour [confidentiel] opérations de vente. Par conséquent, la Commission n’a pas été en mesure de vérifier l’allégation selon laquelle [la requérante] n’a[vait] amorcé sa production qu’en avril 2020 ;
– [p]ar ailleurs, bien que la Commission ait demandé une explication détaillée concernant les numéros de factures de vente manquants, elle n’a reçu qu’une explication générale relative à l’absence des numéros de factures en question. La Commission a également relevé une différence dans le chiffre d’affaires total pour la période de référence, tel qu’il a[vait] été communiqué dans la liste des ventes, par rapport à celui indiqué dans la comptabilité légale de l’entreprise pour l’année 2020. La
Commission n’a donc pas été en mesure de confirmer les volumes de ventes à l’exportation vers l’Union communiqués. À cet égard, la Commission a également constaté que le nombre de ventes à l’exportation communiqué était supérieur à celui des importations totales dans l’Union en provenance du Maroc d’après les statistiques d’importation d’Eurostat et que [la requérante] était la seule productrice connue au Maroc à avoir exporté les produits soumis à l’enquête vers l’Union ;
– [d]es informations contradictoires ont également été fournies au sujet du début effectif de la production chez [la requérante]. Les informations concernant le début effectif de la production en 2020 étaient nécessaires pour déterminer la proportion des coûts principaux supportés (tels que le coût d’amortissement et le coût de location) qui pouvait être attribuée à la production des produits concernés ;
– [e]n outre, aucune explication satisfaisante n’a été fournie dans la [demande] de complément d’information sur les raisons de l’augmentation sensible du volume de production en juillet 2020, qui était environ [confidentiel] plus élevé que le volume de production du mois précédent (juin 2020), malgré un niveau de consommation d’électricité plus ou moins égal sur ces deux mois ;
– PGTEX China n’a pas fourni d’informations provenant du [GTS], comme cela avait été demandé, concernant ses achats auprès de CPIC et ses ventes à [la requérante] ».
249 Par conséquent, comme il ressort du considérant 39 du règlement d’exécution attaqué, conformément à l’article 28, paragraphe 4, du règlement [antisubventions] de base, la Commission a informé le groupe PGTEX, le 5 octobre 2021, que la liste non exhaustive des éléments décrits au considérant 38 dudit règlement d’exécution pouvait mener à l’application dudit article et à l’utilisation des données disponibles. Elle a également invité ledit groupe à formuler des observations sur l’application
possible de cet article.
250 Ainsi que cela ressort du considérant 41 du règlement d’exécution attaqué, la Commission « a analysé les informations et les documents que le groupe PGTEX a[vait] transmis [par] lettre du 12 octobre 2021 » et « a conclu qu’aucune réponse satisfaisante ni aucun document justificatif convaincant n’avaient été fournis pour la plupart des éléments qui [avaie]nt été soulevés dans sa lettre du 5 octobre 2021 ».
251 De ce fait, ainsi que cela ressort du considérant 42 du règlement d’exécution attaqué, « la Commission a considéré que les informations fournies par le groupe PGTEX étaient partiellement incomplètes et contradictoires et a estimé qu’elle ne pouvait donc pas s’y fier pleinement », mais que « les données transmises par [ledit groupe] n’[avaie]nt pas été complètement ignorées » et qu’elle « a[vait] utilisé les données concernant les ventes et les coûts communiquées par [ce groupe] comme point de
départ pour son analyse ».
252 En outre, au considérant 43 du règlement d’exécution attaqué, la Commission a précisé que, « [c]onformément à [...] l’article 28, paragraphe 1, [première phrase,] et à l’article 28, paragraphe 5, du règlement [antisubventions] de base, les informations fournies par le groupe PGTEX [avaie]nt été complétées par des données extraites de bases de données, telles que le Global Trade Atlas [(GTA)] et Eurostat […]. Eurostat a été utilisé pour extraire les données relatives à l’importation, tandis que
le GTA a été employé pour déterminer les volumes d’exportation des stratifils en fibres de verre de la [Chine] et de l’Égypte vers le Maroc ».
253 Il ressort ainsi de la lecture conjointe des considérants 38 et 43 du règlement d’exécution attaqué que la Commission a eu recours aux données relatives à l’importation extraites d’Eurostat et à celles relatives aux volumes d’exportation des stratifils en fibres de verre de la Chine et de l’Égypte vers le Maroc extraites de la base de données Global Trade Atlas (GTA) pour remédier au manque de fiabilité des informations communiquées par la requérante en ce qui concern[ait] les volumes de ventes
à l’exportation vers l’Union dont il est question au considérant 38 du règlement d’exécution attaqué. La Commission a notamment eu recours à ces données statistiques pour déterminer si la configuration des échanges avait été modifiée en l’espèce.
254 Il ressort également du considérant 42 du règlement d’exécution attaqué que les données transmises par le groupe PGTEX n’ont pas été ignorées et que la Commission a utilisé les données concernant les ventes et les coûts communiquées par ledit groupe comme point de départ pour son analyse (voir point 251 ci-dessus).
255 En l’espèce, la requérante ne conteste pas les données disponibles utilisées par la Commission au sens de l’article 28, paragraphe 1, du règlement antisubventions de base. En particulier, s’agissant des données extraites d’Eurostat et de la base de données GTA utilisées par la Commission pour conclure à la modification des échanges dans le cas d’espèce, la requérante n’avance, dans ses écritures, aucun argument visant à remettre en cause de manière explicite la véracité de ces données. En effet,
elle se borne à faire valoir que, au considérant 86 du règlement d’exécution attaqué, la Commission a écarté le mois de mars comme point de départ de la production et, par conséquent, la première des autres méthodes de calcul des coûts d’amortissement, précisément en se fondant sur les arguments avancés au considérant 38 dudit règlement d’exécution.
256 Cependant, il ressort de l’examen de la troisième branche du quatrième moyen (voir points 189 à 191 ci-dessus) que la Commission n’a pas écarté la première des autres méthodes de calcul des coûts d’amortissement en se fondant sur des données disponibles au titre de l’article 28, paragraphe 1, du règlement antisubventions de base, mais qu’elle l’a fait au motif que les données mensuelles de production telles que comptabilisées par la requérante ne correspondaient pas toujours à la production
effective du mois et ne pouvaient pas être considérées comme fiables.
257 Par ailleurs, interrogée lors de l’audience, la requérante n’a pas avancé d’autres arguments visant à contester les données disponibles que la Commission a[vait] utilisées au titre de l’article 28, paragraphe 1, du règlement antisubventions de base, de sorte qu’elle ne saurait faire valoir que le recours à cette disposition porte atteinte à sa situation.
258 Dès lors, il convient d’écarter le deuxième moyen en comme étant inopérant, sans qu’il soit besoin d’analyser le bien-fondé des branches soulevées par la requérante au soutien de ce moyen.
259 Eu égard à tout ce qui précède, le recours doit être rejeté dans son intégralité.
IV. Sur les dépens
260 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.
261 En application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, les intervenantes supporteront leurs propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) PGTEX Morocco supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.
3) LM Wind Power A/S et Tech-Fab Europe eV supporteront leurs propres dépens.
Porchia
Jaeger
Madise
Nihoul
Verschuur
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 décembre 2024.
Signatures
Table des matières
I. Antécédents du litige
II. Conclusions des parties
III. En droit
A. Sur le premier moyen
1. Observations liminaires
a) Sur l’accord d’association
b) Sur la réglementation de l’Union en matière de contournement de mesures antisubventions
2. Sur le bien-fondé du premier moyen, tiré d’une violation de l’accord d’association, d’une violation de l’article 33, sous a), du règlement antisubventions de base et d’un détournement de pouvoir au motif que le règlement d’exécution attaqué impose des droits compensateurs sur des TFV que la requérante exporte vers l’Union sans prendre en considération leur origine marocaine préférentielle
B. Sur les troisième à cinquième moyens
1. Observations liminaires
2. Sur le bien-fondé du troisième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une violation de l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base en ce que la Commission a considéré qu’il n’y avait pas de motivation suffisante ou de justification économique à la création du site de production de la requérante au Maroc autre que l’institution des droits compensateurs ainsi que d’une violation du droit à une bonne administration en ce que la Commission n’a pas examiné avec
soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce
a) Sur l’appréciation de l’absence de motivation suffisante ou de justification économique à la création du site de production de la requérante au Maroc autre que l’institution des droits compensateurs dans le règlement d’exécution attaqué
b) Sur la première branche, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une violation de l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base en ce que la Commission a conclu qu’il n’y avait pas de motivation suffisante ou de justification économique à la création du site de production de la requérante au Maroc autre que l’institution des droits compensateurs
c) Sur la seconde branche, tirée d’une violation du droit à une bonne administration en ce que la Commission n’a pas examiné avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce
3. Sur le bien-fondé du quatrième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation, de violations du droit à une bonne administration et des principes de non‑discrimination et d’égalité de traitement ainsi que d’une violation de l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base en ce que la Commission a conclu que le processus de fabrication mis en œuvre par la requérante au Maroc constituait une opération d’assemblage
a) Sur la première branche, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une violation de l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base en ce que la Commission a appliqué par analogie la notion d’« opération d’assemblage » visée à l’article 13, paragraphe 2, du règlement antidumping de base
b) Sur la deuxième branche, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation, d’une violation de l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base et d’une violation du droit à une bonne administration en ce que la Commission a conclu que le processus de fabrication mis en œuvre par la requérante au Maroc constituait une opération d’assemblage
c) Sur la troisième branche, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation, d’une violation de l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base ainsi que de violations du droit à une bonne administration et des principes de non‑discrimination et d’égalité de traitement lors de l’appréciation du seuil de la valeur ajoutée des opérations d’assemblage
1) Sur le calcul de la valeur ajoutée dans le règlement d’exécution attaqué
i) Sur le coût d’amortissement
ii) Sur le coût de location
2) Sur le premier grief, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une violation de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement antidumping de base
3) Sur le deuxième grief, tiré d’une violation des principes de non-discrimination et d’égalité de traitement
4) Sur le troisième grief, tiré d’une violation du droit à une bonne administration
d) Conclusion
4. Sur le bien-fondé du cinquième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une violation de l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base en ce que la Commission a considéré que les TFV exportés depuis le Maroc vers l’Union continuaient à bénéficier des subventions accordées aux producteurs chinois de TFV
C. Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, de violations des droits de la défense de la requérante et du droit à une bonne administration, d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une violation de l’article 28, paragraphes 1 et 3, du règlement antisubventions de base en ce qui concerne l’utilisation des données disponibles
IV. Sur les dépens
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.
( 1 ) Données confidentielles occultées.