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26/11/2024 | CJUE | N°T-392/24

CJUE | CJUE, Ordonnance du Tribunal, Raf Verbeke et Elias Vlerick contre Parlement européen et Conseil de l'Union européenne., 26/11/2024, T-392/24


 ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)

26 novembre 2024 ( *1 )

« Recours en annulation – Règlement (UE) 2024/1263 – Règlement (UE) 2024/1264 – Directive (UE) 2024/1265 – Acte législatif – Acte comportant des mesures d’exécution – Défaut d’affectation directe – Irrecevabilité manifeste – Demande de “dialogue constitutionnel” avec la Cour constitutionnelle belge – Incompétence manifeste »

Dans l’affaire T‑392/24,

Raf Verbeke, demeurant à Gand (Belgique),

Elias Vlerick, demeurant à Gand,r>
représentés par Me M. Kaçar, avocate,

parties requérantes,

contre

Parlement européen,

et

Conseil de l’Union eu...

 ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)

26 novembre 2024 ( *1 )

« Recours en annulation – Règlement (UE) 2024/1263 – Règlement (UE) 2024/1264 – Directive (UE) 2024/1265 – Acte législatif – Acte comportant des mesures d’exécution – Défaut d’affectation directe – Irrecevabilité manifeste – Demande de “dialogue constitutionnel” avec la Cour constitutionnelle belge – Incompétence manifeste »

Dans l’affaire T‑392/24,

Raf Verbeke, demeurant à Gand (Belgique),

Elias Vlerick, demeurant à Gand,

représentés par Me M. Kaçar, avocate,

parties requérantes,

contre

Parlement européen,

et

Conseil de l’Union européenne,

parties défenderesses,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme M. J. Costeira (rapporteure), présidente, MM. U. Öberg et P. Zilgalvis, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

rend la présente

Ordonnance

1 Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérants, MM. Raf Verbeke et Elias Vlerick, demandent, en premier lieu, l’annulation du règlement (UE) 2024/1263 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2024, relatif à la coordination efficace des politiques économiques et à la surveillance budgétaire multilatérale et abrogeant le règlement (CE) no 1466/97 du Conseil (JO L, 2024/1263), du règlement (UE) 2024/1264 du Conseil, du 29 avril 2024, modifiant le règlement (CE) no 1467/97
visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs (JO L, 2024/1264), et de la directive (UE) 2024/1265 du Conseil, du 29 avril 2024, modifiant la directive 2011/85/UE sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres (JO L, 2024/1265) (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués ») et, en second lieu et à titre subsidiaire, que soit mené un « dialogue constitutionnel » avec la Cour constitutionnelle belge sur la mise en
œuvre par les autorités belges des actes attaqués.

En droit

2 Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsque celui-ci est manifestement irrecevable, le Tribunal peut décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

3 En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

Sur le premier chef de conclusions des requérants

4 Par leur premier chef de conclusions, les requérants demandent l’annulation des règlements 2024/1263 et 2024/1264 ainsi que de la directive 2024/1265.

5 À titre liminaire, il convient de relever que, aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, « [t]oute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution ».

6 L’article 263, quatrième alinéa, TFUE distingue ainsi trois hypothèses dans lesquelles un recours en annulation formé par une personne physique ou morale peut être déclaré recevable. Il convient dès lors d’examiner si l’une d’entre elles est réalisée en l’espèce.

7 Tout d’abord, il y a lieu de constater que, les requérants n’étant pas les destinataires des actes attaqués, ils ne disposent pas d’un droit de recours en vertu de la première hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

8 Ensuite, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’expression « acte réglementaire », au sens de la troisième hypothèse de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, ne comprend pas les actes législatifs.

9 La distinction entre un acte législatif et un acte réglementaire repose sur le critère de la procédure, législative ou non, ayant mené à son adoption (ordonnance du 6 septembre 2011, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, T‑18/10, EU:T:2011:419, point 65).

10 L’article 289, paragraphes 1 à 3, TFUE prévoit que les actes juridiques adoptés selon les procédures dénommées « procédure législative ordinaire » et « procédure législative spéciale » constituent des actes législatifs.

11 En l’espèce, il ressort du préambule du règlement 2024/1263 que celui-ci a pour base juridique l’article 121, paragraphe 6, TFUE et a été adopté selon la procédure législative ordinaire. De plus, il ressort du préambule du règlement 2024/1264 que ce dernier a pour base juridique l’article 126, paragraphe 14, TFUE et a été adopté selon la procédure législative spéciale.

12 Il s’ensuit que les règlements 2024/1263 et 2024/1264, en tant qu’ils ont été adoptés selon les procédures législatives, respectivement, ordinaire et spéciale, sont des actes législatifs et non des actes réglementaires, au sens de la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

13 En outre, en ce qui concerne la directive 2024/1265, il convient de rappeler que l’article 288, troisième alinéa, TFUE dispose que « [l]a directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ». En ce sens, l’article 2, paragraphe 1, de cette directive prévoit que « [l]es États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se
conformer à la[dite] directive au plus tard le 31 décembre 2025 ».

14 Ainsi, dans la mesure où le recours tend à l’annulation d’une directive à laquelle les États membres doivent se conformer au plus tard le 31 décembre 2025 en mettant en vigueur les dispositions législatives, réglementaires ou administratives nécessaires, la matérialisation des effets juridiques de cette directive à l’égard des requérants nécessite des mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, à savoir des mesures nationales de transposition susceptibles de faire
l’objet d’un contrôle juridictionnel devant les juridictions nationales.

15 Partant, il résulte des points 12 et 14 ci-dessus que les requérants ne disposent pas d’un droit de recours contre les actes attaqués en vertu de la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

16 Enfin, et par conséquent, le premier chef de conclusions ne pourrait être déclaré recevable que dans la mesure où les requérants seraient directement et individuellement concernés par les actes attaqués, en vertu de la deuxième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

17 S’agissant de la notion d’affectation directe, il y a lieu de relever qu’une personne physique ou morale est directement concernée par la décision faisant l’objet du recours lorsque deux conditions cumulatives sont remplies, à savoir que la mesure contestée, d’une part, produit directement des effets sur la situation juridique de la personne physique ou morale et, d’autre part, ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère
purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union européenne, sans application d’autres règles intermédiaires (voir, en ce sens, arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 42 et jurisprudence citée).

18 S’agissant de la première de ces conditions, il est de jurisprudence constante que le recours en annulation prévu à l’article 263 TFUE est ouvert à l’égard de toutes dispositions prises par les institutions, quelle qu’en soit la forme, qui visent à produire des effets de droit obligatoires (voir arrêt du 3 juin 2021, Hongrie/Parlement, C‑650/18, EU:C:2021:426, point 37 et jurisprudence citée).

19 Afin de déterminer si un acte produit de tels effets et est, partant, susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation en vertu de l’article 263 TFUE, il y a lieu de s’attacher à la substance de cet acte et d’apprécier ses effets au regard de critères objectifs, tels que le contenu dudit acte, en tenant compte, le cas échéant, du contexte de l’adoption de ce dernier ainsi que des pouvoirs de l’institution qui en est l’auteur (voir arrêt du 3 juin 2021, Hongrie/Parlement, C‑650/18,
EU:C:2021:426, point 38 et jurisprudence citée).

20 Ainsi, la capacité d’un acte à produire directement des effets sur la situation juridique d’une personne physique ou morale ne saurait être appréciée au regard du seul fait que cet acte revêt la forme d’une directive (arrêt du 12 juillet 2022, Nord Stream 2/Parlement et Conseil, C‑348/20 P, EU:C:2022:548, point 64).

21 En l’espèce, il y a lieu de constater que les actes attaqués, dénommés conjointement « réforme du cadre de gouvernance économique » (voir considérant 8 de la directive 2024/1265), visent à reformer le cadre de gouvernance économique de l’Union, à la lumière des objectifs de discipline budgétaire et de soutenabilité de la dette des États membres.

22 Ainsi, premièrement, le règlement 2024/1263 a pour objet de fixer des règles destinées à garantir une coordination efficace des politiques économiques saines des États membres et, en particulier, des règles détaillées sur le contenu des plans budgétaires et structurels nationaux à moyen terme (article 1er, paragraphes 1 et 2, dudit règlement).

23 Deuxièmement, le règlement 2024/1264 modifie le règlement (CE) no 1467/97 du Conseil, du 7 juillet 1997, visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs (JO 1997, L 209, p. 6, et rectificatif JO 1998, L 46, p. 20), qui a pour objet d’arrêter les dispositions visant à accélérer et à clarifier la procédure concernant les déficits excessifs des États membres qui ont adopté la monnaie unique (article 1er de ce dernier règlement).

24 Troisièmement, la directive 2024/1265 modifie la directive 2011/85/UE du Conseil, du 8 novembre 2011, sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres (JO 2011, L 306, p. 41), qui énonce des règles détaillées relatives aux caractéristiques des cadres budgétaires des États membres afin d’éviter des déficits publics excessifs (article 1er de cette dernière directive).

25 Il s’ensuit que les actes attaqués s’appliquent aux États membres, en ce qu’ils prévoient un cadre de gouvernance économique de ceux-ci, notamment des règles relatives aux plans budgétaires et structurels nationaux, à la procédure concernant les déficits excessifs des États membres qui ont adopté la monnaie unique et aux cadres budgétaires des États membres afin d’éviter des déficits publics excessifs.

26 Partant, les actes attaqués ne sont pas susceptibles de produire directement des effets obligatoires sur la situation juridique propre des requérants. Cette conclusion est d’ailleurs confirmée par les allégations des requérants dans la requête.

27 En effet, d’une part, les requérants n’identifient aucune disposition concrète des actes attaqués qui serait susceptible de produire des effets sur leur situation juridique, mais se limitent à demander l’annulation desdits actes dans leur intégralité.

28 D’autre part, les requérants n’invoquent aucun effet concret des actes attaqués sur leur situation juridique. En revanche, ils allèguent que lesdits actes ont des effets sur la gestion et les droits de propriété de terrains publics communaux de Gand (Belgique), qui ne sont pas conformes à leurs intérêts dans cette gestion. En particulier, ils font valoir que ces actes, premièrement, empêchent de comptabiliser « [une] valeur foncière [relative à la cession de certains terrains publics] comme un
actif permettant de contracter une dette pour dédommager l’ancien acquéreur du terrain », deuxièmement, peuvent violer l’« identité constitutionnelle » belge et, troisièmement, « imposent des règles de dépenses et d’endettement qui empêchent les collectivités locales de respecter leurs obligations constitutionnelles ».

29 Or, les éventuels effets des actes attaqués sur la gestion et les droits d’une entité publique, telle que la ville de Gand, ne sauraient constituer des effets qui se produisent directement sur la situation juridique des requérants, au sens de la jurisprudence citée au point 17 ci-dessus.

30 Dès lors que l’une des deux conditions cumulatives énoncées au point 17 ci-dessus n’est pas remplie, à savoir la condition d’affectation directe, il y a lieu de conclure que les requérants ne disposent pas de la qualité pour agir en annulation des actes attaqués en vertu de la deuxième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

31 Partant, le premier chef de conclusions des requérants doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable, en ce que les requérants ne peuvent fonder leur qualité pour agir en annulation des actes attaqués sur aucune des hypothèses visées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

Sur le second chef de conclusions des requérants

32 Par leur second chef de conclusions, formulé à titre subsidiaire, les requérants demandent au Tribunal de mener un « dialogue constitutionnel » avec la Cour constitutionnelle belge sur la mise en œuvre par les autorités belges des actes attaqués.

33 Toutefois, dans le cadre du contrôle de légalité au titre de l’article 263 TFUE, le Tribunal n’est pas compétent pour mener un « dialogue constitutionnel » avec une juridiction nationale.

34 Il s’ensuit que le second chef de conclusions des requérants doit être rejeté en raison de l’incompétence manifeste du Tribunal pour en connaître.

35 Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité, en partie, comme étant manifestement irrecevable et, en partie, en raison de l’incompétence manifeste du Tribunal pour en connaître.

Sur les dépens

36 La présente ordonnance étant adoptée avant la signification de la requête aux parties défenderesses et avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il suffit de décider que les requérants supporteront leurs propres dépens, conformément à l’article 133 du règlement de procédure.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

ordonne :

  1) Le recours est rejeté.

  2) MM. Raf Verbeke et Elias Vlerick supporteront leurs propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 26 novembre 2024.

Le greffier

  V. Di Bucci

La présidente

M. J. Costeira

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( *1 ) Langue de procédure : le néerlandais.


Synthèse
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : T-392/24
Date de la décision : 26/11/2024
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Recours en annulation – Règlement (UE) 2024/1263 – Règlement (UE) 2024/1264 – Directive (UE) 2024/1265 – Acte législatif – Acte comportant des mesures d’exécution – Défaut d’affectation directe – Irrecevabilité manifeste – Demande de “dialogue constitutionnel” avec la Cour constitutionnelle belge – Incompétence manifeste.

Politique économique et monétaire


Parties
Demandeurs : Raf Verbeke et Elias Vlerick
Défendeurs : Parlement européen et Conseil de l'Union européenne.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Costeira

Origine de la décision
Date de l'import : 03/12/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2024:871

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