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08/05/2024 | CJUE | N°T-375/22

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, Luisa Izuzquiza e.a. contre Parlement européen., 08/05/2024, T-375/22


 ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

8 mai 2024 ( *1 )

« Accès aux documents – Protection des données à caractère personnel – Règlement (CE) no 1049/2001 – Documents relatifs aux indemnités et aux frais versés à un membre du Parlement ainsi qu’aux salaires et aux indemnités de ses assistants parlementaires – Refus d’accès – Exception relative à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu – Article 4, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 6, du règlement no 1049/2001 – Protection des intér

êts légitimes de la personne concernée –
Nécessité de la transmission de données à caractère personnel dans un but ...

 ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

8 mai 2024 ( *1 )

« Accès aux documents – Protection des données à caractère personnel – Règlement (CE) no 1049/2001 – Documents relatifs aux indemnités et aux frais versés à un membre du Parlement ainsi qu’aux salaires et aux indemnités de ses assistants parlementaires – Refus d’accès – Exception relative à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu – Article 4, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 6, du règlement no 1049/2001 – Protection des intérêts légitimes de la personne concernée –
Nécessité de la transmission de données à caractère personnel dans un but spécifique d’intérêt public – Article 9, paragraphe 1, du règlement (UE) 2018/1725 »

Dans l’affaire T‑375/22,

Luisa Izuzquiza, demeurant à Berlin (Allemagne),

Arne Semsrott, demeurant à Berlin,

Stefan Wehrmeyer, demeurant à Berlin,

représentés par M. J. Pobjoy, BL,

parties requérantes,

contre

Parlement européen, représenté par MM. N. Lorenz et J.-C. Puffer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie),

composé de MM. M. van der Woude, président, R. da Silva Passos (rapporteur), S. Gervasoni, Mmes N. Półtorak et T. Pynnä, juges,

greffier : M. A. Marghelis, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 5 octobre 2023,

rend le présent

Arrêt

1 Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérants, Mme Luisa Izuzquiza, MM. Arne Semsrott et Stefan Wehrmeyer, demandent l’annulation de la décision du Parlement européen portant la référence A(2021) 10718C, du 8 avril 2022 (ci-après la « décision attaquée »), leur refusant l’accès à des documents du Parlement contenant des informations relatives aux indemnités obtenues par M. Ioannis Lagos et ses assistants parlementaires.

I. Antécédents du litige

2 M. Lagos a pris ses fonctions de député au Parlement le 2 juillet 2019, après avoir été élu en Grèce.

3 Le 7 octobre 2020, l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes, Grèce) a condamné M. Lagos à treize ans et huit mois d’emprisonnement et au paiement d’une amende pour appartenance à une organisation criminelle et direction de cette dernière ainsi que pour deux infractions mineures.

4 Le 27 avril 2021, à la demande des autorités grecques, le Parlement a levé l’immunité de M. Lagos. Ce dernier a ensuite été arrêté par les autorités belges et remis aux autorités grecques. M. Lagos purge actuellement sa peine d’emprisonnement en Grèce.

5 Après sa condamnation pénale, la levée de son immunité et son emprisonnement, M. Lagos n’a pas démissionné de son mandat de député européen. Une telle condamnation de M. Lagos n’a pas donné lieu à une communication de la part des autorités grecques au Parlement concernant une déchéance de son mandat.

6 Le 7 décembre 2021, les requérants ont, sur le fondement du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), saisi le Parlement d’une demande d’accès à des documents concernant M. Lagos (ci-après la « demande initiale »).

7 Dans leur demande initiale, les requérants ont sollicité l’accès à tous les documents concernant les indemnités allouées à M. Lagos entre le 7 octobre 2020 et le 7 décembre 2021, à savoir, premièrement, les frais de déplacement, d’hébergement et les frais qui y étaient afférents ; deuxièmement, l’indemnité journalière ou « indemnité de séjour » ; troisièmement, l’indemnité de frais généraux ainsi que les remboursements des frais de formation professionnelle en langues et des dépenses informatiques
et, quatrièmement, les dépenses liées aux salaires des assistants parlementaires accrédités ainsi que des assistants parlementaires locaux.

8 Les documents dont l’accès a été demandé par les requérants comprenaient, sans s’y limiter : premièrement, toutes les demandes, tous les reçus, toutes les notes de frais, tous les billets, tous les relevés d’odomètre, toutes les factures ou tous les décomptes présentés par M. Lagos relatifs aux indemnités ; deuxièmement, tous les documents liés ou relatifs au remboursement des indemnités et, troisièmement, toute la correspondance avec le bureau de M. Lagos, y compris la correspondance interne et
la correspondance avec des tiers, au sujet des indemnités ainsi que la correspondance avec les services administratifs du Parlement.

9 Le 17 janvier 2022, à la suite d’échanges de courriels avec le Parlement, les requérants ont accepté de circonscrire la portée de la demande initiale aux documents datant de la période allant du 7 octobre 2020 au 7 mars 2021 (ci-après la « période concernée »).

10 Dans sa décision du 4 février 2022 (ci-après la « décision initiale »), le Parlement a refusé d’accorder aux requérants l’accès aux documents qui faisaient l’objet de la demande initiale.

11 Le 28 février 2022, les requérants ont adressé au Parlement une demande confirmative au titre de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, tendant à ce que le Parlement révise sa décision initiale.

12 Dans la décision attaquée, le Parlement a informé les requérants que, compte tenu de la limitation de la portée de la demande initiale à la période concernée, il avait identifié des documents dans les catégories suivantes : le salaire de M. Lagos, son indemnité de séjour, le remboursement de ses frais de voyage, les salaires de ses assistants parlementaires accrédités et locaux ainsi que le remboursement des frais de voyage de ses assistants parlementaires accrédités et locaux. En invoquant
l’article 4, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 6, du règlement no 1049/2001 ainsi que l’article 9, paragraphe 1, du règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2018, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement (CE) no 45/2001 et la décision no 1247/2002/CE (JO 2018, L 295, p. 39),
le Parlement a confirmé sa décision initiale de refuser d’accorder aux requérants l’accès aux documents demandés.

II. Procédure et conclusions des parties

13 Sur proposition du juge rapporteur, dans le cadre des mesures d’instruction prévues à l’article 91, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, le Tribunal a ordonné au Parlement de produire une copie intégrale des documents dont l’accès avait été refusé. Le Parlement ayant déféré à cette demande, ces documents n’ont, conformément à l’article 104 du règlement de procédure, pas été communiqués aux requérants.

14 Lors de l’audience, les requérants ont déclaré que, contrairement à ce qu’ils avaient invoqué dans la requête, ils retiraient de leurs moyens et arguments leur allégation selon laquelle l’un des buts poursuivis par leur demande d’accès aux documents litigieux était de contribuer à la compréhension, par le public, des règles du Parlement concernant le processus de levée de l’immunité parlementaire. Cette déclaration des requérants a été actée au procès-verbal de l’audience.

15 Les requérants concluent, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– condamner le Parlement aux dépens.

16 Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner les requérants aux dépens.

III. En droit

17 À l’appui de leur recours, les requérants soulèvent deux moyens, tirés, le premier, d’une violation des dispositions combinées de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001 et de l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725 et, le second, soulevé à titre subsidiaire, d’une violation de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001.

A. Sur le premier moyen, tiré d’une violation des dispositions combinées de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001 et de l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725

18 Les requérants estiment que l’article 9, paragraphe 1, du règlement 2018/1725 impose au Tribunal de « m[ettre] en balance [...] les divers intérêts concurrents » pour déterminer s’il est « proportionné » de transmettre des données à caractère personnel, quand bien même une atteinte à un intérêt légitime serait constatée. Selon les requérants, il ne suffit pas que l’institution considère qu’il existe des raisons de penser que la transmission en cause pourrait porter atteinte aux intérêts légitimes
de la personne concernée. L’introduction d’un exercice de mise en balance à l’article 9, paragraphe 1, du règlement 2018/1725, lu conjointement avec l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001, aurait investi le Tribunal d’un pouvoir d’appréciation plus important que celui dont il disposait dans le cadre du règlement (CE) no 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à
caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1).

19 Les requérants font également valoir que le Parlement ne semble pas contester qu’une mise en balance soit expressément requise par l’article 9, paragraphe 1, du règlement 2018/1725. Ce premier moyen comporte deux branches.

20 La première branche est tirée d’une application erronée de la condition de nécessité de la transmission des données à caractère personnel figurant dans les documents dont la divulgation a été demandée. Dans la seconde branche, les requérants soutiennent que le Parlement a conclu à tort que, après avoir mis en balance les divers intérêts concurrents, au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725, il était disproportionné, eu égard aux intérêts légitimes de M. Lagos et de
ses assistants, de transmettre les données en cause.

21 À cet égard, il importe de souligner que, en vertu de l’article 15, paragraphe 3, TFUE, tout citoyen de l’Union européenne et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre ont un droit d’accès aux documents des institutions de l’Union sous réserve des principes et des conditions qui sont fixés conformément à la procédure visée à l’article 294 TFUE. Conformément à son considérant 1, le règlement no 1049/2001 s’inscrit dans la volonté exprimée à l’article 1er,
deuxième alinéa, TUE, inséré par le traité d’Amsterdam, de marquer une nouvelle étape dans le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe, dans laquelle les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture et le plus près possible des citoyens. Ainsi que le rappelle le considérant 2 dudit règlement, le droit d’accès du public aux documents des institutions se rattache au caractère démocratique de ces dernières (voir arrêt du
15 juillet 2015, Dennekamp/Parlement, T‑115/13, EU:T:2015:497, point 35 et jurisprudence citée).

22 Par ailleurs, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001, les institutions de l’Union refusent l’accès à un document dans le cas où la divulgation de ce dernier porterait atteinte à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, en conformité, notamment, avec la législation de l’Union relative à la protection des données à caractère personnel.

23 Selon la jurisprudence, il en résulte que, lorsqu’une demande vise à obtenir l’accès à des données à caractère personnel, au sens de l’article 3, paragraphe 1, du règlement 2018/1725, les dispositions de ce règlement deviennent intégralement applicables (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, ClientEarth et PAN Europe/EFSA, C‑615/13 P, EU:C:2015:489, point 44 et jurisprudence citée).

24 Ainsi, des données à caractère personnel ne peuvent faire l’objet d’une transmission à un tiers sur le fondement du règlement no 1049/2001 que lorsque cette transmission, d’une part, remplit les conditions prévues à l’article 9, paragraphe 1, sous a) ou b), du règlement 2018/1725 et, d’autre part, constitue un traitement licite, conformément aux exigences de l’article 5 de ce même règlement (voir, en ce sens, arrêt du 2 octobre 2014, Strack/Commission, C‑127/13 P, EU:C:2014:2250, point 104).

25 À cet égard, selon l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725, des données à caractère personnel ne sont transmises à des destinataires établis dans l’Union autres que les institutions et organes de l’Union que si le destinataire établit qu’il est nécessaire que ces données soient transmises dans un but spécifique d’intérêt public et si le responsable du traitement établit, dans le cas où il existerait des raisons de penser que cette transmission pourrait porter atteinte aux
intérêts légitimes de la personne concernée, qu’il est proportionné de transmettre des données à caractère personnel à cette fin précise, après avoir mis en balance, d’une manière vérifiable, les divers intérêts concurrents.

26 Partant, il ressort des termes mêmes de l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725 que cette disposition subordonne la transmission de données à caractère personnel à la réunion de plusieurs conditions cumulatives.

27 Selon l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725, tel que l’a interprété le juge de l’Union, il incombe d’abord au demandeur d’accès de démontrer la nécessité de la transmission de données à caractère personnel dans un but spécifique d’intérêt public. Pour remplir cette condition, il y a lieu de démontrer que la transmission de données à caractère personnel est la mesure la plus appropriée parmi les autres mesures envisageables pour atteindre l’objectif poursuivi par le demandeur
et qu’elle est proportionnée à cet objectif, ce qui oblige le demandeur à présenter des justifications expresses et légitimes [voir arrêt du 19 septembre 2018, Chambre de commerce et d’industrie métropolitaine Bretagne-Ouest (port de Brest)/Commission, T‑39/17, non publié, EU:T:2018:560, point 42 et jurisprudence citée]. Il en résulte que la mise en œuvre de la condition consistant à démontrer la nécessité de la transmission de données à caractère personnel dans un but spécifique d’intérêt public
conduit à reconnaître l’existence d’une exception à la règle fixée par l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001, selon laquelle le demandeur n’est pas obligé de justifier sa demande d’accès (arrêts du 15 juillet 2015, Dennekamp/Parlement, T‑115/13, EU:T:2015:497, point 55, et du 6 avril 2022, Saure/Commission, T‑506/21, non publié, EU:T:2022:225, point 25).

28 Ce n’est que si cette démonstration est apportée qu’il appartient alors à l’institution concernée de vérifier s’il n’existe aucune raison de penser que la transmission en cause pourrait porter atteinte aux intérêts légitimes de la personne concernée et, en pareil cas, de mettre en balance, d’une manière vérifiable, les divers intérêts concurrents en vue d’évaluer la proportionnalité de la transmission de données à caractère personnel sollicitée (voir arrêt du 16 juillet 2015, ClientEarth et PAN
Europe/EFSA, C‑615/13 P, EU:C:2015:489, point 47 et jurisprudence citée).

29 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner l’argumentation des requérants dans le cadre de ce premier moyen.

1.   Sur la première branche, tirée d’une application erronée de la condition de nécessité de la transmission des données à caractère personnel figurant dans les documents dont la divulgation a été demandée

30 Les requérants estiment, en substance, que le Parlement a conclu à tort dans la décision attaquée que la transmission de données à caractère personnel n’était pas nécessaire dans un but spécifique d’intérêt public, au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725. Ils contestent d’abord la conclusion du Parlement selon laquelle ils n’ont pas mis en évidence d’intérêt public spécifique à la divulgation des documents demandés relatifs aux dépenses de M. Lagos.

31 En premier lieu, les requérants font valoir que l’intérêt public spécifique de leur demande résultait de la circonstance selon laquelle M. Lagos avait fait l’objet d’une condamnation pénale concrète et très grave. Leur demande visait à faciliter un contrôle public et une responsabilisation accrus, au regard des sommes versées par le Parlement à M. Lagos et des dépenses engagées par ce dernier, dans des circonstances exceptionnelles où il avait été condamné à treize ans et huit mois
d’emprisonnement ainsi qu’au paiement d’une amende pour des crimes graves. Les requérants considèrent qu’il ne s’agit pas d’une demande générale en faveur d’une transparence accrue des informations concernant les dépenses de M. Lagos ou d’autres députés européens en général et que, dans cette mesure, leur demande se distingue de celle en cause dans l’arrêt du 25 septembre 2018, Psara e.a/Parlement (T‑639/15 à T‑666/15 et T‑94/16, EU:T:2018:602).

32 En deuxième lieu, selon les requérants, la circonstance selon laquelle certaines informations (telles que les chiffres généraux relatifs aux traitements versés aux députés européens et les conditions de remboursement des frais de voyage de ces députés) sont déjà dans le domaine public, circonstance dont se prévaut le Parlement dans la décision attaquée, ne répond pas à l’intérêt spécifique de la demande d’accès aux documents présentée concernant les dépenses de M. Lagos, dans les circonstances
uniques du cas de ce député, qui visait l’accès à des informations précises compte tenu des circonstances extraordinaires de la grave condamnation pénale de ce dernier.

33 En troisième lieu, les requérants estiment que le Parlement n’explique pas comment les contrôles internes et externes, mentionnés dans la décision attaquée, pourraient fonctionner dans des circonstances où un membre du Parlement a été condamné pour des infractions pénales graves au cours de son mandat. Ils considèrent que ces contrôles ne sont pas suffisants pour détecter les cas où des fonds publics sont alloués à des députés et ensuite utilisés dans le cadre d’activités criminelles ou d’autres
activités illégales, alors que l’assistance financière apportée aux députés européens doit être utilisée dans le cadre de leurs fonctions officielles. Les requérants ajoutent que, même si, à leur avis, il incomberait au Parlement de prouver en quoi ces contrôles sont suffisants, ils considèrent que la divulgation des documents demandés permettrait d’examiner de manière plus approfondie si les contrôles en question sont adaptés aux cas tels que celui de l’espèce.

34 En quatrième lieu, les requérants font valoir que la circonstance selon laquelle M. Lagos est resté membre du Parlement en dépit de sa condamnation pénale ne fait pas obstacle à l’intérêt public légitime en faveur de l’accès aux documents demandés. Ils estiment que la divulgation de ces documents permettrait une transparence accrue et une meilleure compréhension de la manière dont les fonds ont été alloués à M. Lagos et utilisés par celui-ci au cours de la période ayant suivi sa condamnation et
précédé la décision finale de lever son immunité parlementaire le 27 avril 2021. Les requérants considèrent que la question de savoir s’il était approprié que M. Lagos continuait de percevoir des fonds publics doit faire l’objet d’un débat public, en sachant quels fonds précis ont été perçus et dans quel but.

35 Le Parlement conteste ces arguments.

36 À titre liminaire, dans la mesure où les requérants admettent que les documents dont ils sollicitent la divulgation contiennent des données à caractère personnel, il convient de vérifier au préalable si, à la lumière de la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus, les requérants se sont acquittés de l’obligation, prévue à l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725, de démontrer la nécessité de la transmission desdites données dans un but spécifique d’intérêt public.

37 À cet égard, il convient d’examiner, en premier lieu, si le but invoqué par les requérants pour la transmission des données à caractère personnel en cause doit être considéré comme un but spécifique d’intérêt public et, en second lieu, si la transmission demandée est nécessaire, en ce qui concerne, d’une part, M. Lagos et, d’autre part, ses assistants parlementaires.

a)   Sur l’existence d’un but spécifique d’intérêt public

38 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que les documents couverts par la demande d’accès concernent le salaire de M. Lagos, son indemnité de séjour, son indemnité de frais généraux, le remboursement de ses frais de voyage, les salaires de ses assistants parlementaires accrédités et locaux et le remboursement des frais de voyage de ces derniers.

39 En outre, il convient également de rappeler que, ainsi qu’il résulte du statut des députés au Parlement [décision 2005/684/CE, Euratom du Parlement européen, du 28 septembre 2005, portant adoption du statut des députés au Parlement européen (JO 2005, L 262, p. 1), ci-après le « statut des députés »], et de la décision 2009/C 159/01 du Bureau du Parlement, des 19 mai et 9 juillet 2008, portant mesures d’application du statut des députés au Parlement européen (JO 2009, C 159, p. 1), les députés ont
droit aux indemnités et aux remboursements suivants :

– l’indemnité prévue à l’article 10 du statut des députés, d’un montant égal à 38,5 % du traitement de base d’un juge de la Cour de justice de l’Union européenne ; l’article 1er de la décision 2009/C 159/01 prévoit que les députés ont droit à cette indemnité à compter de la date de leur entrée en fonctions et jusqu’au dernier jour du mois au cours duquel ces fonctions prennent fin ;

– le remboursement, selon l’article 20, paragraphe 1, du statut des députés, des frais encourus dans le cadre de l’exercice de leur mandat ; le paragraphe 2 de cette disposition établit que, pour les voyages à destination et en provenance des lieux de travail et autres missions, le Parlement rembourse les frais effectivement encourus, tandis que, selon le paragraphe 3 du même article, le remboursement des autres frais généraux liés au mandat peut être effectué au moyen d’un forfait ; à cet
égard :

– l’article 11 de la décision 2009/C 159/01 établit que les frais de voyage sont remboursés sur la base de l’attestation de présence et sur présentation des documents de voyage pertinents ainsi que, le cas échéant, d’autres pièces justificatives ;

– l’article 24 de la décision 2009/C 159/01 prévoit une indemnité de séjour pour chaque jour de présence, d’une part, dans un lieu de travail ou de réunion et, d’autre part, à une réunion d’une commission ou d’un autre organe d’un parlement national, organisée en dehors du lieu de résidence des députés ; dans ces deux cas, la présence du député sur le lieu en question doit être dûment attestée ; lorsque l’activité officielle a lieu sur le territoire de l’Union, les députés perçoivent une
indemnité forfaitaire ;

– l’indemnité de frais généraux sous la forme d’une somme forfaitaire, conformément aux articles 25 et 28 de la décision 2009/C 159/01 ; cette indemnité est destinée à couvrir les frais résultant de leurs activités parlementaires, notamment les frais de gestion et d’entretien de bureau, les fournitures de bureau et les documents, les frais d’équipement de bureau, les activités de représentation et les frais administratifs ;

– le remboursement, selon l’article 21 du statut des députés, des frais effectivement engagés au titre de l’emploi de leurs collaborateurs personnels ; l’article 33 de la décision 2009/C 159/01 prévoit que seuls peuvent être pris en charge les frais correspondant à l’assistance nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat parlementaire des députés, des frais liés à la sphère privée de ces derniers ne pouvant en aucun cas être couverts.

40 À cet égard, il convient de préciser que la nécessité de la transmission de données à caractère personnel peut reposer sur un objectif général, tel que le droit à l’information du public sur le comportement des membres du Parlement dans l’exercice de leurs fonctions, sans préjudice du fait que seule la démonstration par les requérants du caractère approprié et proportionné aux objectifs poursuivis de la demande de divulgation des données à caractère personnel permettrait au Tribunal d’en vérifier
la nécessité, au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725 (voir, en ce sens, arrêt du 25 septembre 2018, Psara e.a/Parlement, T‑639/15 à T‑666/15 et T‑94/16, EU:T:2018:602, point 92 et jurisprudence citée).

41 Ainsi qu’il a été mentionné aux points 31 à 34 ci-dessus et ainsi que les parties l’ont confirmé lors de l’audience, le but invoqué par les requérants pour la transmission des documents en cause consistait, en substance, à connaître les montants concrets des sommes allouées par le Parlement à M. Lagos pendant la période concernée et la manière dont ces sommes avaient été utilisées, en vue de faciliter un contrôle public et une responsabilisation accrus au regard de la situation particulière de
M. Lagos. Les requérants ont considéré que ce but contribuerait à la transparence quant à la manière dont l’argent des contribuables était dépensé et permettrait, notamment, aux citoyens de comprendre si ces indemnités avaient contribué, directement ou indirectement, à financer ou à perpétuer une activité criminelle ou illégale exercée par M. Lagos ou à permettre à celui-ci de se soustraire au respect d’une décision de justice d’un État membre de l’Union.

42 Outre le fait que, ainsi qu’il a été rappelé au point 40 ci-dessus, la nécessité de la transmission de données à caractère personnel peut reposer sur un objectif général, il ne s’agit pas, en l’espèce, contrairement à ce qu’affirme le Parlement, d’un but général, mais d’un but spécifiquement lié aux circonstances particulières du cas d’espèce, au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725, visant à connaître les montants concrets des sommes allouées par le Parlement à
M. Lagos pendant la période concernée et la manière dont les indemnités versées par le Parlement à M. Lagos ont été utilisées, dans le cadre de l’exercice de son mandat de député.

43 En effet, il convient de préciser que les faits qui sont à l’origine de la présente affaire sont d’une nature tout à fait exceptionnelle, à savoir qu’ils concernent un membre du Parlement qui a été condamné à une peine de treize ans et huit mois d’emprisonnement, qui est incarcéré et qui a été également condamné au paiement d’une amende, pour avoir, notamment, commis des crimes graves, à savoir l’appartenance à une organisation criminelle et la direction de celle-ci. Or, en dépit d’une telle
condamnation et même après son arrestation et son incarcération, M. Lagos est resté député au Parlement et a donc continué à percevoir des indemnités correspondant à l’exercice de cette fonction. En particulier, dans un tel contexte, le fait que les requérants puissent chercher à connaître dans quel but et à quels endroits M. Lagos aurait, pendant la période concernée, effectué des voyages qui ont été remboursés par le Parlement doit être considéré comme étant légitime.

44 Partant, dans les circonstances particulières du cas d’espèce, le but consistant à connaître les montants concrets des sommes allouées par le Parlement à M. Lagos pendant la période concernée et la manière dont ces sommes ont été utilisées, en vue de faciliter un contrôle public et une responsabilisation accrus au regard de l’accès par M. Lagos à des fonds publics et, dès lors, à contribuer à la transparence quant à la manière dont l’argent des contribuables est dépensé, doit être considéré comme
étant un but spécifique d’intérêt public, au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725. C’est donc à tort que le Parlement a refusé, dans la décision attaquée, de reconnaître un tel but comme étant un but spécifique d’intérêt public.

b)   Sur la nécessité de la transmission de données à caractère personnel

45 À la lumière de la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus, il convient en outre d’analyser si la nécessité de la transmission de données à caractère personnel a été démontrée par les requérants. Il y a donc lieu de vérifier si la transmission des données demandée était, d’une part, la mesure la plus appropriée, parmi les autres mesures envisageables, pour atteindre le but spécifique d’intérêt public poursuivi par les requérants et, d’autre part, si elle était proportionnée à ce but.

46 À cet égard, il convient d’examiner d’abord si les requérants ont réussi à démontrer la nécessité de la transmission des données à caractère personnel concernant M. Lagos figurant dans les documents en cause. La nécessité de la transmission des données à caractère personnel concernant les assistants accrédités et locaux de M. Lagos figurant dans les documents en cause sera examinée aux points 66 à 79 ci-après.

1) Sur la nécessité de la transmission des données à caractère personnel en cause en ce qui concerne M. Lagos

47 D’une part, le Parlement considère, en substance, que des informations sur les droits financiers et sociaux des députés sont déjà dans le domaine public et que les informations ainsi disponibles constituent une mesure plus appropriée pour atteindre le but poursuivi que la transmission des données à caractère personnel concernant M. Lagos. D’autre part, le Parlement estime que les contrôles internes et externes concernant les droits financiers et sociaux de ses membres et les dépenses occasionnées
par ces droits sont plus appropriés pour le contrôle de la légalité et du bon emploi des sommes versées par le Parlement à M. Lagos que la divulgation publique des données à caractère personnel le concernant.

i) Sur l’argument selon lequel des informations sur les droits financiers et sociaux des députés sont déjà dans le domaine public

48 En ce qui concerne l’argument selon lequel des informations sur les droits financiers et sociaux des députés sont déjà dans le domaine public, en premier lieu, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le droit d’accès du public consacré par le règlement no 1049/2001 a trait aux seuls documents des institutions dont ces dernières disposent effectivement, en ce que ce droit ne saurait s’étendre aux documents qui ne sont pas en la possession des institutions ou qui n’existent pas (voir
arrêt du 25 septembre 2018, Psara e.a/Parlement, T‑639/15 à T‑666/15 et T‑94/16, EU:T:2018:602, point 27 et jurisprudence citée).

49 Il découle des articles 25 et 26 de la décision 2009/C 159/01 que les membres du Parlement reçoivent, à un rythme mensuel, une indemnité forfaitaire de frais généraux, à la suite d’une demande unique introduite au début de leur mandat.

50 Vu le caractère forfaitaire de l’indemnité de frais généraux, le Parlement ne dispose d’aucune pièce détaillant, matériellement ou temporellement, l’usage par ses membres de ladite indemnité, ainsi qu’il l’a confirmé lors de l’audience.

51 En deuxième lieu, il convient de relever que l’indemnité prévue à l’article 10 du statut des députés, qui constitue le salaire mensuel des députés, leur est également versée automatiquement. Le Parlement ne dispose donc d’aucune pièce détaillant l’usage par ses membres de cette indemnité.

52 En troisième lieu, il convient de constater que les informations figurant dans les documents détenus par le Parlement concernant l’indemnité de frais généraux et l’indemnité prévue à l’article 10 du statut des députés sont librement et gratuitement accessibles par le public, étant disponibles sur le site Internet du Parlement, comme ce dernier l’a souligné dans la décision attaquée (voir note en bas de page no 19 de la décision attaquée) et confirmé lors de l’audience.

53 En effet, sur le site Internet du Parlement, il est possible de trouver des informations détaillées et précises concernant la somme mensuelle perçue par tous les députés, après déduction de l’impôt européen et des cotisations sociales, au titre de ladite indemnité prévue à l’article 10 du statut, c’est-à-dire une rémunération identique que tous les députés reçoivent. Il est possible d’y trouver également le montant forfaitaire exact de l’indemnité de frais généraux octroyée aux députés. Ces
informations permettaient donc aux requérants d’obtenir l’information nécessaire et appropriée sur les montants exacts des sommes qui étaient versées mensuellement à ce titre à M. Lagos.

54 Il s’ensuit que, quant à l’indemnité prévue à l’article 10 du statut des députés ainsi qu’à l’indemnité de frais généraux, il peut être considéré que la divulgation des données à caractère personnel en cause n’est pas la mesure la plus appropriée pour atteindre le but poursuivi par les requérants, dès lors que ces derniers avaient la possibilité de se procurer ces données en accédant au site Internet du Parlement.

55 Partant, à la lumière de la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus, les requérants n’ont pas réussi à démontrer la nécessité d’une telle transmission.

56 La situation est différente en ce qui concerne le remboursement des frais de voyage et le versement de l’indemnité de séjour des députés, dans la mesure où les informations publiquement disponibles à cet égard, sur le site Internet du Parlement, portent uniquement sur les règles en vigueur pour bénéficier d’une telle indemnité ainsi que sur les conditions applicables pour le remboursement des frais de voyage. Or, ces frais et indemnités ne sont versés que si les députés présentent une demande à
cet effet aux services du Parlement, éventuellement accompagnée de documents justificatifs.

57 Il en résulte, d’une part, que les informations publiquement disponibles relatives aux frais de voyage et à l’indemnité de séjour ne permettent pas de connaître les montants des sommes qui ont été versées par le Parlement à M. Lagos, dans l’exercice de son mandat de député, pendant la période concernée. En effet, le remboursement de ces sommes dépendait des demandes introduites par M. Lagos à cette fin.

58 D’autre part, les informations publiquement disponibles relatives aux frais de voyage et à l’indemnité de séjour ne permettent pas non plus de savoir quel était l’objet du déplacement, la destination ou le trajet entrepris par M. Lagos. Or, ainsi que les requérants l’ont fait valoir, la transmission des données à caractère personnel en cause, en ce qui concerne les frais de voyage et l’indemnité de séjour, permettrait au public d’avoir accès à ces informations.

59 L’accès à ces documents peut présenter un intérêt pour les requérants, dans la mesure où ils permettent de connaître l’activité de M. Lagos pendant la période concernée, sachant qu’il avait alors été condamné, mais n’était pas encore incarcéré, et ainsi de donner des indications sur une possible utilisation des fonds publics dans d’éventuelles activités illicites qui auraient pu être poursuivies par M. Lagos lors de ses déplacements, même si ces documents ne contenaient pas d’indications précises
sur la manière dont le député avait dépensé les sommes allouées.

60 Il s’ensuit que, dans les circonstances particulières du cas d’espèce, la divulgation des données à caractère personnel en cause concernant les documents justificatifs des frais de voyage et de l’indemnité de séjour de M. Lagos est une mesure plus appropriée pour atteindre le but poursuivi par les requérants que l’accès aux informations qui sont déjà dans le domaine public.

ii) Sur l’argument selon lequel les contrôles internes et externes existant au Parlement seraient plus appropriés pour le contrôle de la légalité et du bon emploi des sommes versées par le Parlement à M. Lagos que la divulgation publique de données à caractère personnel

61 En ce qui concerne l’argument selon lequel les contrôles internes et externes existant au Parlement seraient plus appropriés pour le contrôle de la légalité et du bon emploi des sommes versées par le Parlement à M. Lagos, il y a lieu de constater que les contrôles en question visent essentiellement à apprécier la conformité des versements effectués à la réglementation en vigueur.

62 Or, indépendamment de la question de savoir si cette réglementation a été respectée, l’intérêt invoqué par les requérants est de permettre au public de prendre connaissance des montants concrets des sommes allouées par le Parlement à M. Lagos, pendant la période concernée, et de la manière dont ces sommes ont été utilisées, en vue de faciliter un contrôle public et une responsabilisation accrus au regard de la situation particulière de M. Lagos.

63 Ces contrôles internes et externes ne permettent pas d’atteindre le but spécifique d’intérêt public invoqué par les requérants pour justifier la transmission des documents demandés. Contrairement à ce que soutient le Parlement, ces contrôles ne sauraient donc être considérés comme étant plus appropriés que la transmission des données à caractère personnel concernant M. Lagos.

64 Partant, dans les circonstances particulières du cas d’espèce, il convient de considérer que la transmission des données à caractère personnel figurant dans les documents afférents aux remboursements de frais de voyage et à l’indemnité de séjour perçus par M. Lagos constitue, à la lumière de la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus, une mesure nécessaire pour atteindre le but spécifique d’intérêt public invoqué par les requérants pour justifier la transmission des données à caractère
personnel en cause.

65 Il résulte de tout ce qui précède que le Parlement a considéré, à tort, que, en ce qui concernait les documents afférents aux remboursements de frais de voyage et à l’indemnité de séjour perçus par M. Lagos, les requérants ne s’étaient pas acquittés de l’obligation, prévue à l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725, de démontrer la nécessité de la transmission de données à caractère personnel dans un but spécifique d’intérêt public.

2) Sur la nécessité de la transmission des données à caractère personnel en cause en ce qui concerne les assistants accrédités et locaux de M. Lagos

66 Le Parlement fait valoir que les assistants parlementaires accrédités et locaux de M. Lagos n’exercent pas de fonctions publiques. C’est ainsi que, dans la décision attaquée, le Parlement a, à titre subsidiaire, écarté, dans le cadre de la mise en balance des divers intérêts concurrents, la proportionnalité de la transmission de données à caractère personnel sollicitée concernant lesdits assistants parlementaires.

67 L’article 21, paragraphe 1, du statut des députés prévoit que les collaborateurs personnels des députés sont librement choisis par ces derniers.

68 Selon l’article 21, paragraphe 2, du statut des députés, le Parlement prend en charge les frais effectivement engagés au titre de l’emploi des collaborateurs personnels des députés, tandis que l’article 21, paragraphe 3, de ce même statut précise que le Parlement fixe les conditions d’exercice de ce droit.

69 Les conditions relatives à la prise en charge des frais d’assistance parlementaire sont ensuite définies par des mesures d’application. En particulier, l’article 33 de la décision 2009/C 159/01 fixe une limite au montant mensuel des frais qui peuvent être pris en charge à cet égard par le Parlement. Le mécanisme de prise en charge des frais d’assistance parlementaire est déclenché par la présentation par le député de sa demande de prise en charge à l’administration, accompagnée du contrat conclu
avec l’assistant, fixant les tâches de celui-ci.

70 Il s’ensuit que ces frais concernant l’assistance parlementaire sont liés à l’exercice du mandat d’un député, même s’il s’agit de frais qui sont pris en charge par le Parlement directement.

71 À cet égard, il convient de souligner que, ainsi qu’il a été rappelé au point 41 ci-dessus, par la transmission des documents en cause, les requérants visaient à obtenir des informations permettant de comprendre si les sommes allouées à M. Lagos, y compris celles concernant ses frais d’assistance parlementaire, avaient contribué, directement ou indirectement, au financement ou à la perpétuation d’une activité criminelle ou illégale exercée par ce dernier. En effet, ainsi que les requérants le
font valoir au point 66 de la requête, l’accès à des documents contenant des informations sur les assistants de M. Lagos n’a été demandé que pour obtenir des informations sur le rôle joué par ce dernier.

72 En ce qui concerne les salaires des assistants parlementaires, ils sont versés à ces derniers indépendamment de leurs activités concrètes dans le cadre de l’assistance parlementaire à M. Lagos. Dès lors, la transmission de documents concernant le versement de ces salaires ne saurait fournir aux requérants d’informations sur une éventuelle contribution, directe ou indirecte, au financement ou à la perpétuation d’une activité criminelle ou illégale exercée par M. Lagos.

73 Partant, à la lumière de la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus, les requérants n’ont pas réussi à démontrer la nécessité d’une telle transmission.

74 En revanche, dans la mesure où les frais concernant les voyages des assistants parlementaires de M. Lagos sont étroitement liés à ses activités et même si ces assistants ne sont pas titulaires d’un mandat public, il ne saurait être exclu que ces frais soient susceptibles de donner des indications sur un éventuel rapport, ne fût-ce qu’indirect, avec des activités illégales qu’aurait exercées M. Lagos. En effet, ces déplacements sont faits à la demande du député et peuvent fournir des éléments
d’information sur leur objet et leur localisation ainsi que sur l’itinéraire suivi, qui pourraient être associés à d’éventuelles activités illégales de M. Lagos.

75 Une telle transmission constitue, dès lors, une mesure appropriée pour atteindre le but invoqué par les requérants afin de justifier la transmission des données à caractère personnel en cause.

76 En outre, il convient de constater que le Parlement n’a pas allégué que des informations concernant les montants des sommes versées aux assistants parlementaires au titre de remboursements de frais de voyage seraient publiquement disponibles. Il s’ensuit que, en ce qui concerne les documents relatifs aux remboursements des frais de voyage des assistants de M. Lagos, la transmission demandée est le moyen le plus approprié pour atteindre le but invoqué par les requérants.

77 À cet égard, il convient également de rappeler que les contrôles internes et externes existant au Parlement ne permettent pas d’atteindre le but spécifique d’intérêt public invoqué par les requérants pour justifier la transmission des documents demandés (voir point 63 ci-dessus), y compris les documents concernant les frais de déplacement des assistants parlementaires de M. Lagos. À l’instar de ce qu’il a été conclu au point 63 ci-dessus en ce qui concerne M. Lagos, ces contrôles ne sauraient
donc être considérés comme étant plus appropriés que la transmission des données à caractère personnel concernant les assistants parlementaires de ce dernier.

78 Dès lors, dans les circonstances particulières du cas d’espèce, la transmission des données à caractère personnel figurant dans les documents afférents aux remboursements des frais de voyage des assistants parlementaires de M. Lagos constitue, à la lumière de la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus, une mesure nécessaire pour répondre au but invoqué par les requérants afin de justifier la transmission des données à caractère personnel en cause.

79 Il résulte de ce qui précède que le Parlement a considéré, à tort, que, en ce qui concernait les documents afférents aux remboursements de frais de voyage perçus par les assistants de M. Lagos, les requérants ne s’étaient pas acquittés de l’obligation, prévue à l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725, de démontrer la nécessité de la transmission de données à caractère personnel dans un but spécifique d’intérêt public.

2.   Sur la seconde branche, tirée de l’absence d’atteinte disproportionnée aux intérêts légitimes de la personne concernée par la transmission demandée

80 Par la seconde branche du premier moyen, les requérants considèrent, en substance, que le Parlement a conclu à tort que, après avoir mis en balance, à titre subsidiaire, les divers intérêts concurrents, au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725, il était disproportionné, eu égard aux intérêts légitimes de M. Lagos et de ses assistants, de transmettre les données à caractère personnel en cause.

81 Le Parlement conteste les arguments des requérants.

82 En premier lieu, le Parlement considère que ces arguments sont inopérants. Il estime que les exigences relatives à la transmission des données à caractère personnel découlant de l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725 ayant un caractère cumulatif, l’exception relative à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001, devrait s’appliquer dès lors que le destinataire, comme en l’espèce,
n’établit pas que la transmission des données à caractère personnel demandées est nécessaire au regard d’une finalité spécifique d’intérêt public. Par conséquent, selon le Parlement, une éventuelle erreur dans les considérations présentées à titre subsidiaire en ce qui concerne les intérêts légitimes de M. Lagos et de ses assistants ainsi que le caractère disproportionné de la transmission ne saurait avoir d’incidence sur la décision attaquée.

83 En second lieu, le Parlement considère que, en tout état de cause, les arguments des requérants ne sont pas fondés.

84 En substance, le Parlement considère qu’il a identifié, dans la décision attaquée, les intérêts légitimes des personnes concernées susceptibles d’être lésés par la divulgation publique des données à caractère personnel les concernant. Pour ce qui a trait à M. Lagos, il s’agirait, d’une part, du libre exercice du mandat d’un député au Parlement, qui comprend, notamment, la liberté de rencontrer les personnes de son choix, la liberté de participer à des réunions, à des conférences et à des
activités officielles, le fait d’être tenu informé en vue des débats et des votes au Parlement ainsi que le droit de solliciter une assistance, de choisir les membres de son personnel, de fixer librement leurs salaires dans certaines limites et de les envoyer en mission. Le Parlement considère que la divulgation au public des données à caractère personnel relatives à l’exercice du mandat de M. Lagos, y compris de son lieu de résidence, rendrait possibles le traçage et le profilage du député et de
ses assistants, ce qui porterait atteinte au libre exercice de son mandat.

85 D’autre part, selon le Parlement, dans la mesure où elle se rapporte à une activité récurrente d’un député, la divulgation des données à caractère personnel en cause pourrait également constituer un risque pour la sécurité de M. Lagos.

86 En ce qui concerne les assistants de M. Lagos, le Parlement a considéré qu’ils n’exerçaient pas de fonctions publiques et que, dès lors, ils avaient un intérêt légitime à la protection des données à caractère personnel les concernant.

87 À cet égard, il convient de rappeler que, s’agissant de l’article 8, sous b), du règlement no 45/2001, la jurisprudence exige que, une fois démontrée la nécessité de la transmission de données à caractère personnel, l’institution ou l’organe de l’Union saisi d’une demande d’accès à des documents contenant de telles données mette en balance les différents intérêts des parties en cause et vérifie s’il n’existe aucune raison de penser que cette transmission peut porter atteinte aux intérêts
légitimes des personnes concernées (voir arrêt du 15 juillet 2015, Dennekamp/Parlement, T‑115/13, EU:T:2015:497, point 116 et jurisprudence citée). Cette jurisprudence est applicable par analogie au cas d’espèce, même si l’article 8, sous b), du règlement no 45/2001 a entre-temps été remplacé par l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725. En effet, cette dernière disposition, dont le contenu est rappelé au point 25 ci-dessus, prévoit aussi une mise en balance, de manière
vérifiable, des divers intérêts concurrents, dans le cadre de l’examen de la demande de transmission de données à caractère personnel.

88 En l’espèce, il convient donc d’apprécier si le Parlement a vérifié s’il existait des raisons de penser que la transmission en cause pouvait porter atteinte aux intérêts légitimes de M. Lagos et de ses assistants et, en pareil cas, si cette institution a mis en balance, d’une manière vérifiable, les divers intérêts concurrents en vue d’évaluer la proportionnalité de la transmission de données à caractère personnel en cause.

89 Il convient donc d’examiner si le Parlement a considéré à bon droit qu’il ne serait pas proportionné au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725, lu à la lumière du paragraphe 3 de cet article, de transmettre les données à caractère personnel figurant dans les documents en cause, dans la mesure où les intérêts légitimes de M. Lagos et de ses assistants l’emportaient sur les intérêts mentionnés par les requérants.

90 À cet égard, quant au premier argument soulevé par le Parlement en ce qui concerne M. Lagos, à savoir l’intérêt de protéger le libre exercice du mandat d’un député, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, du statut des députés, les députés sont libres et indépendants. Cette garantie fondamentale qui s’attache au mandat des députés, représentants élus au suffrage universel par les citoyens de l’Union, a été à juste titre prise en considération par le Parlement dans la
balance des intérêts qu’il devait effectuer. Toutefois, en l’espèce, ainsi qu’il résulte des points 56 à 60 ci-dessus, il ne convient d’examiner, dans la présente branche, la demande d’accès aux documents litigieux que pour autant qu’elle vise des informations relatives aux remboursements de frais de voyage et aux indemnités de séjour perçus par M. Lagos. À cet égard, il convient de constater que la connaissance par le public de tels voyages n’est pas de nature à limiter, d’une manière ou d’une
autre, le libre exercice du mandat de M. Lagos, notamment en ce qui concerne les déplacements couverts par la demande d’accès dans le cas d’espèce, qui ont tous eu lieu dans le passé. En effet, une divulgation des lieux où s’est rendu M. Lagos au cours de la période concernée n’est pas de nature à affecter les conditions dans lesquelles il a, au cours de cette période, exercé son mandat de député. En outre, en ce qui concerne les déplacements de M. Lagos dans le cadre d’événements à caractère
public, tels que sa participation à des réunions ou à des cérémonies publiques, la divulgation des documents relatifs aux remboursements de frais de voyage et aux indemnités de séjours perçus par M. Lagos pour de telles activités ne saurait être considérée comme étant disproportionnée. Par ailleurs, il n’a pas été démontré de quelle manière la divulgation d’informations sur les voyages effectués était de nature à affecter le libre exercice du mandat de député européen. Cet argument du Parlement
doit donc être écarté.

91 Quant au second argument avancé par le Parlement en ce qui concerne M. Lagos, à savoir l’intérêt de garantir la sécurité de ce dernier, s’agissant de documents se référant à des indemnités de séjour et à des remboursements de frais de voyage perçus dans le passé, la sécurité du député en question ne peut en principe plus être considérée comme étant menacée par la transmission des données à caractère personnel en cause, dans la mesure où il s’agit de déplacements qui avaient déjà eu lieu au moment
de l’introduction de la demande des requérants. Il est vrai que la divulgation au public de lieux de déplacement récurrents de M. Lagos, notamment vers un domicile privé en Grèce, pourrait être attentatoire à sa sécurité, notamment si l’adresse personnelle de l’intéressé figurait dans les documents auquel l’accès serait accordé. Néanmoins, il incombe au Parlement, dans la balance des intérêts, de donner accès aux informations nécessaires au but d’intérêt public poursuivi, tout en veillant à la
protection des données à caractère personnel indispensable à la sécurité de M. Lagos. En outre, quant à la question de savoir si la sécurité de M. Lagos pourrait être en danger lors de déplacements futurs dans l’exercice de son mandat de député, il suffit de rappeler que M. Lagos étant emprisonné, il ne pouvait pas, à la date d’adoption de la décision attaquée, et ne peut davantage, à celle du prononcé du présent arrêt, se déplacer. Partant, la question de sa sécurité lors de tels déplacements
hypothétiques ne se pose pas. Eu égard aux circonstances particulières du cas d’espèce, cet argument, par ailleurs non suffisamment étayé par le Parlement, doit donc également être écarté.

92 Par ailleurs, il convient de rappeler que M. Lagos a été condamné à une lourde peine d’emprisonnement pour des crimes graves d’appartenance à une organisation criminelle et de direction de celle-ci. En outre, ainsi qu’il a été constaté dans le cadre de l’analyse de la première branche de ce premier moyen, le but invoqué par les requérants pour établir la nécessité de la transmission des documents en cause est de connaître les montants concrets des sommes allouées par le Parlement à M. Lagos,
relatives aux indemnités de séjour et aux remboursements de frais de voyage pendant la période concernée, et la manière dont ces sommes ont été utilisées par M. Lagos, en vue de faciliter un contrôle public et une responsabilisation accrus, notamment eu égard au fait que le Parlement a continué de verser des sommes à M. Lagos en dépit de sa condamnation. En effet, comme il a été relevé au point 59 ci-dessus, les déplacements en cause ont eu lieu pendant une période où M. Lagos avait déjà été
condamné pour des crimes graves et il était donc légitime que les requérants puissent obtenir des éléments d’information sur l’objet et les destinations de ces déplacements.

93 Dès lors, les risques d’une éventuelle atteinte au libre exercice du mandat de député de M. Lagos et à sa sécurité ne sont pas suffisants pour justifier le refus de la divulgation des données à caractère personnel en cause, eu égard à l’intérêt légitime des requérants à bénéficier d’une telle divulgation, dans les circonstances particulières du cas d’espèce.

94 En outre, s’agissant de l’argument avancé par le Parlement concernant les assistants de M. Lagos, tendant à considérer que ces derniers ont un intérêt légitime à la protection de leurs données à caractère personnel du fait qu’ils n’exercent pas de fonctions publiques (voir point 86 ci-dessus), il y a lieu de constater que, ainsi qu’il résulte des points 74 à 78 ci-dessus, s’il est vrai que lesdits assistants parlementaires ne sont pas titulaires d’un mandat public, il ne saurait être exclu que la
transmission de données à caractère personnel figurant dans des documents concernant les frais de voyage desdits assistants soit susceptible de donner des indications sur un éventuel rapport, ne fût-ce qu’indirect, avec des activités criminelles ou illégales exercées par M. Lagos.

95 Cet argument du Parlement doit donc être rejeté.

96 Partant, il y a lieu de considérer que le Parlement a, à tort, estimé que la transmission de données à caractère personnel porterait atteinte aux intérêts légitimes de M. Lagos et de ses assistants et que, ayant mis en balance les divers intérêts concurrents, une telle transmission ne serait pas proportionnelle.

97 Il résulte de tout ce qui précède que le premier moyen, tiré d’une violation des dispositions combinées de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001 et de l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725, doit être accueilli en ce qui concerne le refus d’accès aux documents contenant, d’une part, des données à caractère personnel concernant M. Lagos, portant sur les remboursements de frais de voyage et les indemnités de séjour versés à ce dernier par le Parlement et,
d’autre part, des données à caractère personnel concernant les assistants parlementaires de M. Lagos, portant sur les remboursements de frais de voyage de ces derniers, et écarté pour le surplus.

B. Sur le second moyen, soulevé à titre subsidiaire, tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001

98 Selon les requérants, dans la décision attaquée, le Parlement a méconnu le fait que l’article 4, paragraphe 6, dudit règlement exigeait la communication, à tout le moins partielle, de tous les documents en cause dans leur demande.

99 En premier lieu, les requérants allèguent qu’il est inexact d’affirmer, comme l’a fait le Parlement dans la décision attaquée, que la suppression des données à caractère personnel figurant dans les documents en cause priverait ceux-ci de tout effet utile. Les requérants font valoir que, contrairement aux circonstances ayant donné lieu à l’arrêt du 25 septembre 2018, Psara e.a/Parlement (T‑639/15 à T‑666/15 et T‑94/16, EU:T:2018:602), où il était question d’une demande visant à obtenir des
informations relatives aux dépenses d’un ensemble de membres du Parlement, leur demande concernait un seul membre du Parlement et, par conséquent, la suppression des données à caractère personnel n’aurait pas privé l’accès à ces documents d’un effet utile.

100 En second lieu, les requérants estiment que le Parlement a erronément affirmé, dans la décision attaquée, que l’accès aux documents en cause n’assurerait pas une protection adéquate de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, étant donné que l’objet de la demande rattache tout document mentionné à M. Lagos. Les requérants considèrent que la suppression des informations personnelles concernant M. Lagos et ses assistants protégerait à suffisance leur vie privée, tout en répondant à l’intérêt
spécifique à la divulgation.

101 Le Parlement conteste ces arguments. Il soutient, par ailleurs, que les arguments des requérants sont tardifs, car présentés pour la première fois au stade de la réplique, et, dès lors, irrecevables.

102 À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été conclu au point 97 ci-dessus, le premier moyen a été partiellement accueilli en ce qui concerne le refus d’accès aux documents contenant, d’une part, des données à caractère personnel concernant M. Lagos, relatifs aux remboursements de frais de voyage et aux indemnités de séjour versés à ce dernier par le Parlement et, d’autre part, des données à caractère personnel concernant les assistants parlementaires de M. Lagos,
portant sur les remboursements des frais de voyage de ces derniers. Par conséquent, il n’y a pas lieu d’examiner le second moyen à cet égard, qui ne concerne qu’une éventuelle communication partielle, au titre de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001, de tels documents.

103 En second lieu, ainsi qu’il a été conclu au point 97 ci-dessus, le premier moyen a été rejeté pour autant qu’il portait sur le refus d’accès, d’une part, aux documents concernant les montants des sommes perçues par M. Lagos au titre de l’indemnité prévue à l’article 10 du statut des députés ainsi que de l’indemnité de frais généraux et, d’autre part, aux documents concernant les salaires des assistants accrédités et locaux de M. Lagos. Il convient donc d’examiner si, au titre de l’article 4,
paragraphe 6, du règlement no 1049/2001, le Parlement aurait dû donner un accès partiel à ces documents, expurgés de toute donnée à caractère personnel.

104 À cet égard, il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, le Parlement a fait valoir, d’une part, que l’occultation, dans les documents en cause, de données à caractère personnel n’assurerait pas une protection adéquate de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, étant donné que l’objet de la demande rattachait tout document mentionné à M. Lagos et à ses assistants parlementaires. Le Parlement a considéré, d’autre part, que la divulgation d’une version des documents demandés
expurgée de toute donnée à caractère personnel priverait l’accès à ces documents de tout effet utile au regard du but poursuivi par les requérants dans leur demande d’accès.

105 Or, d’une part, en ce qui concerne les documents relatifs aux montants des sommes perçues par M. Lagos au titre de l’indemnité prévue à l’article 10 du statut des députés et de l’indemnité de frais généraux, ainsi qu’il a été conclu au point 55 ci-dessus, les requérants n’ont pas réussi à démontrer la nécessité d’une telle transmission, dans la mesure où ils avaient la possibilité de se procurer les données qu’ils cherchaient en accédant au site Internet du Parlement.

106 Ces documents n’étant pas nécessaires pour poursuivre le but invoqué par les requérants afin de soutenir leur demande d’accès aux documents, la transmission de tels documents expurgés de toute donnée à caractère personnel n’aurait aucun effet utile au regard dudit but poursuivi par les requérants dans leur demande d’accès. En effet, un tel accès partiel n’aurait pas permis aux requérants d’obtenir davantage d’informations que celles qu’ils pouvaient trouver sur le site Internet du Parlement
(voir, en ce sens, arrêt du 25 septembre 2018, Psara e.a/Parlement, T‑639/15 à T‑666/15 et T‑94/16, EU:T:2018:602, point 126).

107 D’autre part, en ce qui concerne les documents relatifs aux salaires des assistants accrédités et locaux de M. Lagos, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été constaté au point 72 ci-dessus, la transmission des données à caractère personnel figurant dans ces documents ne saurait fournir aux requérants d’informations sur une éventuelle contribution, directe ou indirecte, des sommes en question au financement ou à la perpétuation d’une activité criminelle ou illégale exercée par M. Lagos.
C’est ainsi qu’il a été conclu, au point 73 ci-dessus, que les requérants n’avaient pas réussi à démontrer la nécessité d’une telle transmission.

108 Il s’ensuit que, a fortiori, la transmission de tels documents expurgés de toute donnée à caractère personnel n’aurait pas non plus permis aux requérants d’obtenir des informations au regard dudit but poursuivi par leur demande d’accès. Une telle transmission n’aurait donc aucun effet utile au regard du but poursuivi par les requérants.

109 Il s’ensuit que le Parlement n’était pas tenu de donner un accès partiel aux documents mentionnés au point 103 ci-dessus.

110 Le second moyen du recours doit donc être rejeté comme étant non fondé, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres arguments invoqués à cet égard par le Parlement ni sur la recevabilité, contestée par le Parlement, de certains arguments avancés par les requérants.

111 Les erreurs d’appréciation constatées aux points 65, 78 et 96 ci-dessus, concernant l’accès aux documents, contenant des données à caractère personnel relatives à M. Lagos, portant sur les remboursements de frais de voyage et les indemnités de séjour versés à ce dernier par le Parlement ainsi qu’aux documents, contenant des données à caractère personnel relatives aux assistants parlementaires de M. Lagos, portant sur les remboursements de frais de voyages perçus par ces derniers, suffisent pour
justifier l’annulation de la décision attaquée.

112 Il s’ensuit que la décision attaquée doit être annulée dans la mesure où le Parlement a refusé l’accès aux documents, contenant des données à caractère personnel concernant M. Lagos, relatifs aux remboursements de frais de voyage et aux indemnités de séjour versés à ce dernier par le Parlement ainsi qu’aux documents, contenant des données à caractère personnel concernant les assistants parlementaires de M. Lagos, relatifs aux remboursements de frais de voyages perçus par ces derniers. Le recours
doit être rejeté pour le surplus.

IV. Sur les dépens

113 Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

114 Le Parlement ayant succombé pour l’essentiel, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions des requérants.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

  1) La décision du Parlement européen, portant la référence A(2021) 10718C, du 8 avril 2022, est annulée, dans la mesure où elle porte refus de donner à Mme Luisa Izuzquiza et à MM. Arne Semsrott et Stefan Wehrmeyer accès, d’une part, aux documents relatifs aux remboursements de frais de voyage et aux indemnités de séjour versés par le Parlement à M. Ioannis Lagos et contenant des données à caractère personnel concernant ce dernier et, d’autre part, aux documents relatifs aux remboursements de
frais de voyage versés aux assistants parlementaires de M. Lagos par le Parlement et contenant des données à caractère personnel concernant lesdits assistants.

  2) Le recours est rejeté pour le surplus.

  3) Le Parlement est condamné aux dépens.

Van der Woude

da Silva Passos

Gervasoni

  Półtorak

Pynnä

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 mai 2024.

Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre élargie
Numéro d'arrêt : T-375/22
Date de la décision : 08/05/2024
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Accès aux documents – Protection des données à caractère personnel – Règlement (CE) no 1049/2001 – Documents relatifs aux indemnités et aux frais versés à un membre du Parlement ainsi qu’aux salaires et aux indemnités de ses assistants parlementaires – Refus d’accès – Exception relative à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu – Article 4, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 6, du règlement no 1049/2001 – Protection des intérêts légitimes de la personne concernée – Nécessité de la transmission de données à caractère personnel dans un but spécifique d’intérêt public – Article 9, paragraphe 1, du règlement (UE) 2018/1725.

Dispositions institutionnelles

Accès aux documents


Parties
Demandeurs : Luisa Izuzquiza e.a.
Défendeurs : Parlement européen.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: da Silva Passos

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2024:296

Source

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