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26/10/2023 | CJUE | N°T-244/23

CJUE | CJUE, Ordonnance du Tribunal, Eugen Tomac contre Conseil de l'Union européenne., 26/10/2023, T-244/23


 ORDONNANCE DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

26 octobre 2023 ( *1 )

« Recours en carence – Droit institutionnel – Application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen en Roumanie – Obligation d’adopter une décision en vertu de l’article 4 du protocole relatif aux conditions et modalités d’admission de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union – Qualité de requérant privilégié – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑244/23,

Eugen Tomac, demeurant à

Bruxelles (Belgique), représenté par Me R. Duta, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union europ...

 ORDONNANCE DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

26 octobre 2023 ( *1 )

« Recours en carence – Droit institutionnel – Application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen en Roumanie – Obligation d’adopter une décision en vertu de l’article 4 du protocole relatif aux conditions et modalités d’admission de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union – Qualité de requérant privilégié – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑244/23,

Eugen Tomac, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me R. Duta, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. R. da Silva Passos (rapporteur), président, S. Gervasoni et Mme I. Reine, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

rend la présente

Ordonnance

1 Par son recours fondé sur l’article 265 TFUE, le requérant, M. Eugen Tomac, demande au Tribunal, en substance, d’une part, de constater que le Conseil de l’Union européenne s’est illégalement abstenu d’entreprendre des démarches en vue de décider de l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen en Roumanie et, d’autre part, de lui reconnaître la qualité de requérant privilégié et ainsi de lui réserver tous droits, moyens et actions dans ce contexte.

Antécédents du litige

2 L’acquis de Schengen, tel que visé à l’article 1er, renvoyant à l’annexe A, de la décision 1999/435/CE du Conseil, du 20 mai 1999, relative à la définition de l’acquis de Schengen en vue de déterminer, conformément aux dispositions pertinentes du traité instituant la Communauté européenne et du traité sur l’Union européenne, la base juridique de chacune des dispositions ou décisions qui constituent l’acquis (JO 1999, L 176, p. 1), est un corpus juridique visant la suppression graduelle des
contrôles aux frontières communes au sein des États membres de l’espace Schengen.

3 Le traité d’Amsterdam a annexé au traité UE et au traité CE le protocole intégrant l’acquis de Schengen dans le cadre de l’Union européenne (JO 1997, C 340, p. 93). Par la suite, le protocole (no 19) sur l’acquis de Schengen intégré dans le cadre de l’Union européenne, annexé au traité UE (JO 2008, C 115, p. 290), a été annexé au traité de Lisbonne (JO 2010, C 83, p. 290).

4 En particulier, en ce qui concerne la Roumanie, l’article 4, paragraphes 1 et 2, du protocole relatif aux conditions et modalités d’admission de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne (JO 2005, L 157, p. 29, ci-après le « protocole de l’acte d’adhésion de la Roumanie à l’Union »), de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO
2005, L 157, p. 203), prévoit :

« 1.   Les dispositions de l’acquis de Schengen, […] intégré dans le cadre de l’Union européenne, et les actes fondés sur celles-ci ou qui s’y rapportent, énumérés à l’annexe II, ainsi que tout nouvel acte de cette nature pris avant la date d’adhésion, sont contraignants et s’appliquent en [République de] Bulgarie et en Roumanie à compter de la date d’adhésion.

2.   Les dispositions de l’acquis de Schengen qui a été intégré dans le cadre de l’Union européenne et les actes fondés sur celles-ci ou qui s’y rapportent et qui ne sont pas visés au paragraphe 1, bien qu’ils soient contraignants pour la [République de] Bulgarie et la Roumanie à compter de la date d’adhésion, ne s’appliquent dans chacun de ces États qu’à la suite d’une décision européenne du Conseil à cet effet, après qu’il a été vérifié, conformément aux procédures d’évaluation de Schengen
applicables en la matière, que les conditions nécessaires à l’application de toutes les parties concernées de l’acquis sont remplies dans l’État en question.

Le Conseil, après consultation du Parlement européen, statue à l’unanimité de ses membres représentant les gouvernements des États membres pour lesquels les dispositions du présent paragraphe ont déjà pris effet et du représentant du gouvernement de l’État membre pour lequel ces dispositions doivent prendre effet. […] »

5 À la suite de son adhésion à l’Union, le 1er janvier 2007, la Roumanie a entrepris, entre 2009 et 2011, une série de démarches au titre des procédures d’évaluation de Schengen, dans l’objectif de réunir les critères requis aux fins de l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen.

6 Les 29 septembre 2010 et 8 juillet 2011, la présidence du Conseil a élaboré, puis amendé, un premier projet de décision du Conseil relative à l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen dans la République de Bulgarie et en Roumanie, à savoir le projet no 14142/10, devenu le projet no 14142/1/10 (ci-après le « projet no 14142/10 »).

7 Par résolution, du 8 juin 2011, sur le projet no 14142/10 (JO 2012, CE 380, p. 160), le Parlement européen a pris position en faveur de ce projet.

8 Par conclusions, du 9 juin 2011, sur l’achèvement du processus d’évaluation concernant le degré de préparation de la Roumanie en vue de la mise en œuvre de l’ensemble des dispositions de l’acquis de Schengen (9166/3/11 REV 3), la formation « Évaluation de Schengen » du groupe « Affaires Schengen » du Conseil a pris acte de l’achèvement des procédures d’évaluation de Schengen concernant la Roumanie. Constatant que les conditions dans tous les domaines de l’acquis de Schengen étaient remplies en
Roumanie, il a conclu que le Conseil pouvait prendre la décision visée à l’article 4, paragraphe 2, du protocole de l’acte d’adhésion de la Roumanie à l’Union.

9 Bien qu’il eût été convenu, le 24 juin 2011, que la décision relative à l’adhésion de la Roumanie à l’espace Schengen devrait être prise au plus tard en septembre 2011, le Conseil a toutefois reporté le vote sur l’adoption de cette décision lors d’une réunion du 22 septembre 2011.

10 Par résolution, du 13 octobre 2011, sur l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à Schengen (JO 2013, CE 94, p. 13), le Parlement a réitéré son soutien à l’adhésion de la Roumanie à l’espace Schengen. Il a invité le Conseil à prendre les mesures nécessaires à cet effet.

11 Le projet no 14302/3/11 de décision du Conseil, du 7 décembre 2011, établi par la présidence du Conseil, n’a pas donné lieu à un vote du Conseil, lors d’une réunion du 9 décembre 2011.

12 Par résolution, du 11 décembre 2018, sur l’application de la totalité des dispositions de l’acquis de Schengen en Bulgarie et en Roumanie : suppression des contrôles aux frontières intérieures terrestres, maritimes et aériennes (JO 2020, C 388, p. 18), le Parlement a invité le Conseil, d’une part, à présenter dès que possible un nouveau projet de décision sur l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen en Roumanie, sur la base du projet no 14142/10 et, d’autre part, au moyen
d’un acte juridique unique, à prendre une décision immédiate aux fins de supprimer les contrôles aux frontières intérieures.

13 Par la suite, la Commission européenne a confirmé que la Roumanie remplissait les conditions nécessaires pour que les dispositions de l’acquis de Schengen soient reconnues applicables dans cet État et a invité le Conseil à prendre les mesures nécessaires à cet effet, dans une première communication au Parlement européen et au Conseil, du 2 juin 2021, intitulée « Stratégie pour un espace Schengen pleinement opérationnel et résilient » [COM(2021) 277 final], puis dans une seconde communication au
Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, du 24 mai 2022, intitulée « Rapport 2022 sur la situation dans l’espace Schengen » [COM(2022) 0301 final].

14 Par résolution, du 18 octobre 2022, sur l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’espace Schengen (JO 2023, C 149, p. 11), le Parlement a, à nouveau, invité le Conseil à faire tout le nécessaire pour adopter une décision sur l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen en Roumanie d’ici à la fin de l’année 2022.

15 Un rapport d’experts du 21 octobre 2022, établi, sous l’autorité de la Commission, dans le cadre d’une mission d’information volontaire en Bulgarie et en Roumanie sur l’application de l’acquis de Schengen et de ses développements depuis 2011 (13906/22), a confirmé les conclusions des procédures d’évaluation achevées en 2011. Ce rapport a également exposé que la Roumanie avait mis en œuvre l’acquis et ses outils et en avait même renforcé l’application dans tous les domaines. Dans une communication
au Parlement européen et au Conseil, du 16 novembre 2022, intitulée « Renforcer Schengen par la participation intégrale de la Bulgarie, de la Roumanie et de la Croatie à l’espace sans contrôles aux frontières intérieures » [COM(2022) 636 final], la Commission a renouvelé son invitation au Conseil à admettre l’adhésion de la Roumanie à l’espace Schengen.

16 Le 29 novembre 2022, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, du protocole de l’acte d’adhésion de la Roumanie à l’Union, la présidence du Conseil a établi le projet no 15218/22 de décision du Conseil relative à l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen en Bulgarie et en Roumanie (ci-après le « projet no 15218/22 »).

17 Le 8 décembre 2022, la formation « Justice et affaires intérieures » (JAI) du Conseil a siégé afin de statuer, au titre de la gouvernance politique de l’espace Schengen (à savoir du Conseil Schengen) et des activités non législatives, sur le projet no 15218/22 inscrit au point 3, sous a), de l’ordre du jour de la réunion, qui prévoyait qu’un vote pouvait être demandé en vue d’une éventuelle adoption. Lors de cette réunion, à défaut d’unanimité des représentants des gouvernements des États membres
s’agissant du projet no 15218/22, ce projet n’a pas été adopté.

18 Le requérant est un député européen de nationalité roumaine.

19 Par courriel du 15 décembre 2022, le requérant a demandé à la directrice générale JAI du secrétariat général du Conseil s’il lui était possible de lui communiquer les résultats du vote sur l’application intégrale de l’acquis de Schengen en Roumanie, inscrite à l’ordre du jour de la réunion du Conseil du 8 décembre 2022, ainsi que le procès-verbal de cette réunion ou le rapport qui y était afférent .

20 Par courriel du 16 décembre 2022, la directrice générale JAI du secrétariat général du Conseil a répondu au requérant que, au cours de cette réunion, le projet no 15218/22 n’avait effectivement pas été adopté et que, conformément aux articles 8 et 9 du règlement intérieur du Conseil, dans la mesure où il s’agissait de délibérations sur un acte non législatif non ouvertes au public, les résultats des votes ne faisaient l’objet d’aucune publicité. Elle a ajouté que le procès-verbal relatif à cette
procédure n’était pas non plus rendu public.

21 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 6 février 2023, le requérant a introduit, sur le fondement de l’article 263 TFUE, un recours en annulation de la « décision » du Conseil du 8 décembre 2022 emportant non-adoption du projet no 15218/22. Ce recours a été enregistré sous le numéro d’affaire T‑48/23.

22 Par courrier du 6 février 2023, le requérant a transmis à un ministre, membre de la formation JAI du Conseil, une invitation à agir adressée au Conseil, sur le fondement de l’article 265, deuxième alinéa, TFUE, afin de décider de l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen en Roumanie, en application de l’article 4, paragraphe 2, du protocole de l’acte d’adhésion de la Roumanie à l’Union. Au soutien de cette demande, il a exposé, en substance, les antécédents du litige et les
arguments qu’il avait soulevés au soutien de son recours en annulation dans l’affaire T‑48/23. À cet égard, il s’est notamment prévalu d’une violation des principes d’égalité, de non-discrimination et de coopération loyale entre les États membres. En outre, il a ajouté que, « dans la mesure où il [était] établi que la Roumanie remplissait les conditions de la procédure d’évaluation, son intégration ne saurait être rejetée sur le prétexte de l’opposition injustifiée d’un seul [...] État membre »
et que le Conseil « d[evait] passer outre une opposition manifestement injustifiée au sens notamment de l’article 4 du protocole [de l’acte] d’adhésion de la Roumanie à l’Union ».

23 Par courrier du 13 avril 2023, le directeur général chargé de la politique générale et institutionnelle (GIP) du Conseil a répondu au requérant. Il lui a rappelé la condition d’unanimité prévue à l’article 4, paragraphe 2, du protocole de l’acte d’adhésion de la Roumanie à l’Union, dont le respect était nécessaire aux fins de l’adoption d’une décision au sens de cet article. Par la suite, il lui a exposé que le projet no 15218/22 n’avait pas reçu le soutien unanime des représentants des États
membres concernés lors des réunions des 8 et 9 décembre 2022 et que, par conséquent, les négociations sur l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen en Roumanie se poursuivaient afin de trouver l’unanimité requise par l’acte d’adhésion de la Roumanie à l’Union.

Conclusions du requérant

24 Le requérant conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

– constater l’abstention fautive du Conseil d’entreprendre toute démarche en vue de décider de l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen en Roumanie, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, du protocole de l’acte d’adhésion de la Roumanie à l’Union ;

– lui reconnaître la qualité de requérant privilégié et ainsi lui réserver tous droits, moyens et actions dans ce contexte ;

– condamner le Conseil aux dépens.

En droit

25 Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, si un recours est manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, à tout moment, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

26 En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

27 Aux termes de l’article 265 TFUE :

« Dans le cas où, en violation des traités, [une institution, un organe ou un organisme de l’Union] s’abstien[t] de statuer, les États membres et les autres institutions de l’Union peuvent saisir la Cour de justice de l’Union européenne en vue de faire constater cette violation. […]

[Le recours en carence] n’est recevable que si l’institution, l’organe ou l’organisme en cause a été préalablement invité à agir. Si, à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de cette invitation, l’institution, l’organe ou l’organisme n’a pas pris position, le recours peut être formé dans un nouveau délai de deux mois.

Toute personne physique ou morale peut saisir la Cour dans les conditions fixées aux alinéas précédents pour faire grief à l’une des institutions, ou à l’un des organes ou organismes de l’Union d’avoir manqué de lui adresser un acte autre qu’une recommandation ou un avis. »

28 Il importe de rappeler, d’emblée, que, selon la jurisprudence, le recours en carence est subordonné à l’existence d’une obligation d’agir pesant sur l’institution concernée, de telle façon que l’abstention alléguée soit contraire au traité (ordonnances du 6 juillet 1998, Goldstein/Commission, T‑286/97, EU:T:1998:150, point 24, et du 6 septembre 2011, Mugraby/Conseil et Commission, T‑292/09, non publiée, EU:T:2011:418, point 34), et qu’une personne physique ou morale ne peut saisir le juge de
l’Union au titre de l’article 265, troisième alinéa, TFUE qu’en vue de faire constater que l’une des institutions, l’un des organes ou l’un des organismes de l’Union s’est abstenu, en violation du traité, d’adopter un acte, autre qu’une recommandation ou un avis, dont elle est la destinataire potentielle ou qu’elle pourrait attaquer par la voie d’un recours en annulation (ordonnance du 27 novembre 2012, H-Holding/Parlement, T‑672/11, non publiée, EU:T:2012:628, point 16).

29 Ainsi, en vue de statuer sur le bien-fondé de conclusions en carence, il appartient au Tribunal de vérifier si, au moment de l’invitation à agir adressée à l’institution, à l’organe ou à l’organisme concerné au sens de l’article 265, deuxième alinéa, TFUE, il pesait sur cette institution, cet organe ou cet organisme une obligation d’agir dans le sens préconisé par la partie requérante dans l’invitation à agir (voir, en ce sens, ordonnance du 17 juillet 2020, Wagenknecht/Conseil européen,
T‑715/19, EU:T:2020:340, point 34 et jurisprudence citée).

30 Sur ce point, en l’espèce, il y a lieu de relever que l’article 4 du protocole de l’acte d’adhésion de la Roumanie à l’Union ne fixe aucun délai à l’expiration duquel une décision du Conseil au titre de cet article doit ou est réputée intervenir (voir point 4 ci-dessus).

31 En outre, il résulte de l’économie dudit article et, en particulier, du vote qui y est prévu ainsi que de la condition d’unanimité qu’il pose, que les représentants des gouvernements des États membres concernés ne sont pas tenus d’adopter en toutes circonstances une décision au sens de cette disposition, mais que, à cet égard, ils disposent au contraire d’un pouvoir d’appréciation discrétionnaire excluant le droit pour les particuliers d’exiger d’eux, et donc du Conseil, que, au moment des
délibérations sur un projet de décision, ils prennent une position dans un sens déterminé [voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 14 février 1989, Star Fruit/Commission, 247/87, EU:C:1989:58, point 11, et du 5 septembre 2023, Parlement/Commission (Exemption de visa pour les ressortissants des États-Unis), C‑137/21, EU:C:2023:625, points 57 à 62].

32 À cet égard, il importe de souligner que le directeur général chargé de la GIP du Conseil a, à juste titre, indiqué au requérant, en réponse à son invitation à agir du 6 février 2023, qu’il ne pouvait être donné suite à sa demande quant à l’adoption d’une décision relative à l’application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen en Roumanie sans tenir compte du vote emportant non-adoption du projet no 15218/22, dans la mesure où le Conseil ne pouvait légalement passer outre l’absence
d’unanimité des représentants des États membres concernés, sous peine de méconnaître, dans le cas contraire, les conditions posées à l’article 4, paragraphe 2, du protocole de l’acte d’adhésion de la Roumanie à l’Union. Ainsi, cette raison justifiait l’absence d’adoption d’une décision dans le respect de ces conditions et, par conséquent, la poursuite des négociations à cet égard (voir point 23 ci-dessus).

33 Par conséquent, il y a lieu de conclure que, au moment de l’invitation à agir adressée par le requérant au Conseil, il ne pesait sur cette institution aucune obligation d’adopter une décision en vertu de l’article 4 du protocole de l’acte d’adhésion de la Roumanie à l’Union. Au contraire, il appartenait au Conseil d’agir dans le respect de la condition d’unanimité expressément prévue à l’article 4 du protocole de l’acte d’adhésion de la Roumanie à l’Union.

34 Au surplus, il convient de relever que, au vu de l’élaboration par la présidence du Conseil des projets nos 14142/10, 14302/3/11 et 15218/22, le Conseil ne s’est pas abstenu, dans le cadre de ses compétences, d’agir en vue d’entreprendre avant l’introduction du recours toute démarche nécessaire à l’adoption d’une décision au sens de l’article 4 du protocole de l’acte d’adhésion de la Roumanie à l’Union, tel que cela a été par la suite demandé, en substance, par le requérant.

35 Par conséquent, il est manifeste que, en refusant de donner suite à l’invitation à agir formulée par le requérant, et indépendamment de la question de savoir si l’opposition d’un État membre à l’adoption du projet en cause serait susceptible de violer le principe de coopération loyale entre États membres, le Conseil ne s’est, en tout état de cause, pas illégalement abstenu d’agir au regard de l’article 4 du protocole de l’acte d’adhésion de la Roumanie à l’Union, qui fait partie du droit primaire
au même titre que les traités.

36 Il s’ensuit que le Conseil ne s’est pas, en l’espèce, illégalement abstenu de statuer au sens de l’article 265 TFUE. Dès lors, il y a lieu de conclure que le premier chef de conclusions visant, en substance, à constater la carence du Conseil au regard de ses obligations résultant de l’article 4, paragraphe 2, du protocole de l’acte d’adhésion de la Roumanie à l’Union doit être rejeté comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

37 Par ailleurs, s’agissant du second chef de conclusions, par lequel le requérant demande, en substance, à ce que la qualité de requérant privilégié lui soit reconnue, et ainsi à ce que lui soient réservés tous droits, moyens et actions dans ce contexte, il y a lieu de souligner que, selon l’article 263, deuxième alinéa, TFUE, la qualité de requérant privilégié est limitativement reconnue à un État membre, au Parlement, au Conseil ou à la Commission. Dans ces conditions, cette qualité ne saurait
être accordée, en l’espèce, au requérant.

38 Partant, le second chef de conclusions doit également être rejeté comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

39 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le recours doit être rejeté dans son ensemble comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit, sans qu’il soit nécessaire de le signifier au Conseil.

Sur les dépens

40 La présente ordonnance étant adoptée avant la signification de la requête au Conseil et avant que celui-ci n’ait pu exposer des dépens, il suffit de décider que le requérant supportera ses propres dépens, conformément à l’article 133 du règlement de procédure.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

ordonne :

  1) Le recours est rejeté comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

  2) M. Eugen Tomac supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 26 octobre 2023.

Le greffier

  V. Di Bucci

Le président

R. da Silva Passos

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( *1 ) Langue de procédure : le français.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : T-244/23
Date de la décision : 26/10/2023
Type de recours : Recours en carence

Analyses

Recours en carence – Droit institutionnel – Application intégrale des dispositions de l’acquis de Schengen en Roumanie – Obligation d’adopter une décision en vertu de l’article 4 du protocole relatif aux conditions et modalités d’admission de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union – Qualité de requérant privilégié – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

Dispositions institutionnelles


Parties
Demandeurs : Eugen Tomac
Défendeurs : Conseil de l'Union européenne.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: da Silva Passos

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2023:685

Source

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