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29/03/2023 | CJUE | N°T-868/19

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, Nouryon Industrial Chemicals BV e.a. contre Commission européenne., 29/03/2023, T-868/19


 ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

29 mars 2023 ( *1 )

« REACH – Évaluation des dossiers d’enregistrement et contrôle de la conformité des informations communiquées par les déclarants – Demande d’études complémentaires aux fins du dossier d’enregistrement pour l’oxyde de diméthyle – Étude de toxicité pour le développement prénatal – Étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération – Étude préliminaire de détermination des concentrations – Article 51, paragraphe 7, du règlement (CE) no 1907/2006 â

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règlement no 1907/2006 – Erreur manifeste d’appréciation – Proportionnalit...

 ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

29 mars 2023 ( *1 )

« REACH – Évaluation des dossiers d’enregistrement et contrôle de la conformité des informations communiquées par les déclarants – Demande d’études complémentaires aux fins du dossier d’enregistrement pour l’oxyde de diméthyle – Étude de toxicité pour le développement prénatal – Étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération – Étude préliminaire de détermination des concentrations – Article 51, paragraphe 7, du règlement (CE) no 1907/2006 – Essais sur des animaux – Article 25 du
règlement no 1907/2006 – Erreur manifeste d’appréciation – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑868/19,

Nouryon Industrial Chemicals BV, établie à Amsterdam (Pays-Bas),

Knoell NL BV, établie à Maarssen (Pays-Bas),

Grillo-Werke AG, établie à Duisbourg (Allemagne),

PCC Trade & Services GmbH, établie à Duisbourg,

représentées par Mes R. Cana, Z. Romata et H. Widemann, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. R. Lindenthal et K. Mifsud-Bonnici, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume de Danemark, représenté par Mme M. Søndahl Wolff, en qualité d’agent,

par

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mmes M. Bulterman, A. Hanje et M. J. Langer, en qualité d’agents,

par

Royaume de Suède, représenté par Mmes A. Runeskjöld, C. Meyer-Seitz, M. Salborn Hodgson, H. Shev, H. Eklinder, R. Shahsavan Eriksson et M. O. Simonsson, en qualité d’agents,

et par

Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée par Mme M. Heikkilä, MM. W. Broere, S. Mahoney et N. Herbatschek, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise (rapporteur) et P. Nihoul, juges,

greffier : Mme M. Zwozdziak-Carbonne, administratrice,

vu l’ordonnance du 30 avril 2020, Nouryon Industrial Chemicals e.a./Commission (T‑868/19 R, non publiée, EU:T:2020:171), par laquelle la demande en référé de mesures provisoires présentée par les parties requérantes a été rejetée,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 15 septembre 2022,

rend le présent

Arrêt ( 1 )

1 Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Nouryon Industrial Chemicals BV, Knoell NL BV, Grillo-Werke AG et PCC Trade & Services GmbH, demandent l’annulation de la décision d’exécution C(2019) 7336 final de la Commission, du 16 octobre 2019, relative au contrôle de la conformité de l’enregistrement de l’oxyde de diméthyle, adoptée, sur renvoi de l’Agence européenne des produits chimiques, sur la base de l’article 51, paragraphe 7, du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement
européen et du Conseil concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH) (ci-après la « décision attaquée »).

Antécédents du litige

[omissis]

4 Les requérantes sont des fabricantes ou des importatrices d’oxyde de diméthyle établies dans l’Union européenne ou des représentantes exclusives agissant pour des fabricants de cette substance chimique établis hors de l’Union. En application du principe « pas de données, pas de marché » énoncé à l’article 5 du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les
restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1, ci-après le « règlement REACH »), elles ont, conjointement avec d’autres déclarants, déposé le 30 novembre
2010 auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) une demande d’enregistrement pour l’oxyde de diméthyle pour des quantités fabriquées ou importées égales ou supérieures à 1000 tonnes (t) par an par fabricant ou par importateur. Akzo Nobel Industrial Chemicals BV, renommée ultérieurement Nouryon Industrial Chemicals (ci-après la « première requérante »), a agi en tant que déclarante principale pour le dossier d’enregistrement conjoint, conformément à l’article 11 du règlement REACH.

5 Le 29 mars 2016, l’ECHA a ouvert une procédure de contrôle de la conformité de l’enregistrement sur le fondement de l’article 41 du règlement REACH.

[omissis]

15 Dans le dispositif de la décision attaquée, la Commission a conclu que l’enregistrement de l’oxyde de diméthyle n’était pas conforme aux exigences en matière d’information en ce qui concernait deux effets différents relevant de la toxicité pour la reproduction, à savoir les effets sur le développement prénatal et les effets pour la reproduction sur une génération (article 1er de la décision attaquée). En conséquence, dans la décision attaquée, la Commission impose aux déclarants de communiquer
des informations sur les effets de l’oxyde de diméthyle, tirées, en premier lieu, d’une étude de toxicité pour le développement prénatal telle que mentionnée à l’annexe X du règlement REACH (ci-après, les annexes du règlement REACH sont désignées uniquement par leur numéro en chiffres romains), rubrique 8.7.2., à réaliser par voie d’inhalation sur une deuxième espèce animale d’étude, à savoir le lapin (article 2 de la décision attaquée), et, en second lieu, d’une étude étendue de toxicité pour la
reproduction sur une génération telle que mentionnée à l’annexe X, rubrique 8.7.3., à réaliser par voie d’inhalation sur des rats. En ce qui concerne cette seconde étude, la Commission indique qu’une étude préliminaire « de détermination des concentrations », conduite par exemple selon la ligne directrice de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour les essais de produits chimiques no 421, visant notamment à détecter d’éventuels effets de type narcotique (à savoir
d’endormissement), doit être effectuée, en particulier pour déterminer s’il est nécessaire, en fonction du constat ou non de tels effets à l’une quelconque des concentrations choisies pour cette étude étendue, d’y inclure des cohortes 2A et 2B destinées spécifiquement à l’étude de la neurotoxicité pour le développement (article 3 de la décision attaquée). La décision attaquée impose aux requérantes de soumettre, dans un délai de 36 mois à compter de la date de notification de cette décision, une
version actualisée de l’enregistrement de l’oxyde de diméthyle à l’ECHA, accompagnée des résultats des études demandées et, le cas échéant, de soumettre une mise à jour du rapport sur la sécurité chimique (article 4 de la décision attaquée).

Conclusions des parties

16 Dans la requête, les requérantes concluent à l’annulation de la décision attaquée et à la condamnation de la Commission aux dépens.

17 La Commission conclut au rejet du recours comme non fondé et à la condamnation des requérantes aux dépens.

18 Le Royaume de Danemark, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume de Suède et l’ECHA, intervenant au soutien de la Commission, concluent au rejet du recours comme non fondé. Le Royaume des Pays-Bas et l’ECHA concluent par ailleurs à la condamnation des requérantes aux dépens de la procédure.

En droit

Sur le premier moyen, tiré de ce que la Commission aurait méconnu l’article 51, paragraphe 7, du règlement REACH en adoptant la décision attaquée qui couvre des aspects sur lesquels le comité des États membres est parvenu à un accord unanime

19 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler les circonstances dans lesquelles la Commission a été appelée à adopter la décision attaquée.

20 La décision attaquée a été adoptée dans le cadre du mécanisme procédural prévu à l’article 51 du règlement REACH, qui dispose :

« 1.   L’[ECHA] notifie son projet de décision, établi conformément aux articles 40 ou 41, ainsi que les observations présentées par le déclarant aux autorités compétentes des États membres.

2.   Dans les trente jours suivant la diffusion, les États membres peuvent proposer à l’[ECHA] des modifications du projet de décision.

3.   Si l’[ECHA] ne reçoit aucune proposition, elle arrête la décision dans la version notifiée conformément au paragraphe 1.

4.   Si l’[ECHA] reçoit une proposition de modification, elle peut modifier le projet de décision. L’[ECHA] renvoie un projet de décision, accompagné des éventuelles modifications proposées, au comité des États membres dans les quinze jours qui suivent la fin de la période de trente jours visée au paragraphe 2.

5.   L’[ECHA] communique immédiatement toutes les propositions de modification à tout déclarant et à tout utilisateur en aval concerné et leur permet de présenter leurs observations dans un délai de trente jours. Le comité des États membres tient compte de toute observation reçue.

6.   Si, dans les soixante jours suivant le renvoi du projet de décision, le comité des États membres parvient à un accord unanime sur celui-ci, l’[ECHA] arrête sa décision en conséquence.

7.   Si le comité des États membres ne parvient pas à un accord unanime, la Commission prépare un projet de décision à arrêter conformément à la procédure visée à l’article 133, paragraphe 3.

8.   Les décisions de l’[ECHA] au titre des paragraphes 3 et 6 du présent article peuvent faire l’objet de recours [devant la chambre de recours de l’ECHA]. »

21 Après que l’ECHA lui a transmis son projet de décision révisé (voir point 8 ci-dessus), le comité des États membres s’est accordé sur le fait qu’il y avait lieu d’exiger des informations sur des études effectuées au titre des rubriques 8.7.2. et 8.7.3. de l’annexe X, comme l’ECHA le demandait, à savoir une étude de toxicité pour le développement prénatal effectuée sur des lapins, en tant que représentants d’une deuxième espèce animale d’étude, et une étude étendue de toxicité pour la reproduction
sur une génération effectuée sur des rats. Toutefois, il n’est pas parvenu à un accord unanime en ce qui concerne le contenu de la seconde de ces études.

[omissis]

23 Dans cette situation, en se référant à l’article 51, paragraphe 7, du règlement REACH, l’ECHA a transmis son projet de décision révisé à la Commission pour que celle-ci adopte une décision finale dans l’affaire. Si, à l’inverse, le comité des États membres était parvenu à un accord unanime sur le projet de décision révisé de l’ECHA, celle-ci aurait « [arrêté] sa décision en conséquence », conformément à l’article 51, paragraphe 6, du règlement REACH, autrement dit l’ECHA aurait elle-même adopté
la décision finale.

[omissis]

27 Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne ressort pas de l’article 51, paragraphe 7, du règlement REACH que si un désaccord au sein du comité des États membres ne concerne qu’une partie du projet de décision de l’ECHA, celle-ci doit scinder la décision finale en une partie qui serait adoptée par elle sur le fondement du paragraphe 6 du même article et une autre partie, l’objet du désaccord, qui serait adoptée par la Commission conformément au paragraphe 7 dudit article.

28 En effet, l’article 51 du règlement REACH, qui est un article de procédure et qui s’intitule « Adoption des décisions au titre de l’évaluation du dossier [d’enregistrement] », détermine dans ses différentes dispositions les conditions d’examen des projets de décision préparés par l’ECHA à cette fin, d’abord par les autorités compétentes des États membres puis, le cas échéant, par le comité des États membres et il détermine aussi les conditions d’adoption des décisions finales objet de son
intitulé dans différentes situations. Le paragraphe 7 de cet article vise la situation particulière d’une absence d’accord unanime au sein de ce comité sur le « projet de décision » de l’ECHA, en prévoyant que, dans ce cas, la Commission prépare « un projet de décision ».

29 Pour interpréter cette disposition, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêts du 17 novembre 1983, Merck, 292/82, EU:C:1983:335, point 12, et du 19 juillet 2012, ebookers.com Deutschland, C‑112/11, EU:C:2012:487, point 12). On se réfère à cet égard respectivement aux interprétations littérale, contextuelle (ou systématique) et téléologique.

30 En premier lieu, dans le cadre d’une approche littérale, il doit être observé que cette disposition procédurale n’indique pas que la Commission devrait préparer un projet de décision « sur les aspects sur lesquels le comité des États membres n’est pas parvenu à un accord unanime ». De plus, l’article 41, paragraphe 3, du règlement REACH, relatif au « contrôle de la conformité des enregistrements », qui, pour sa part, détermine l’objet d’un projet de décision, puis d’une décision, éventuellement
élaborés à l’occasion d’un tel contrôle, indique dans sa dernière phrase que « cette décision », c’est-à-dire la décision issue d’un projet de décision, « est arrêtée conformément à la procédure prévue [à l’article 51] ». Aucun des libellés des paragraphes de l’article 51 où est mentionné un « projet de décision » ne donne non plus à penser que l’objet de ces projets varie par rapport à celui mentionné à l’article 41, paragraphe 3, à savoir inviter à communiquer toute information nécessaire pour
assurer la conformité de l’enregistrement. Ces libellés sont donc en faveur de l’interprétation selon laquelle l’article 41, paragraphe 3, du règlement REACH vise l’adoption d’une seule décision au terme de la procédure prévue à l’article 51 du même règlement.

31 En deuxième lieu, dans le cadre d’une approche contextuelle, il doit être observé que l’article 51, paragraphe 6, du règlement REACH ne donne compétence à l’ECHA pour arrêter une décision dont le projet a été communiqué au comité des États membres que si, dans les 60 jours de cette communication, ce comité parvient à un accord unanime sur ce projet (voir point 20 ci-dessus). Il s’en déduit que, à défaut d’un tel accord unanime dans ce délai, comme en l’espèce, l’ECHA perd la compétence pour
arrêter une décision au titre de l’article 51 du règlement REACH à la suite d’un contrôle de la conformité d’un enregistrement et que, par conséquent, la compétence de la Commission prévue à l’article 51, paragraphe 7, du même règlement couvre l’ensemble des aspects qui ont été examinés par le comité des États membres, qu’ils aient ou non suscité un accord unanime en son sein.

32 En troisième lieu, d’un point de vue téléologique, au regard du principe de bonne administration énoncé dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et du principe de sécurité juridique, principe général du droit de l’Union qui exige notamment que les intéressés puissent connaître avec exactitude l’étendue des obligations qui leur sont imposées (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C‑201/09 P
et C‑216/09 P, EU:C:2011:190, point 68 et jurisprudence citée), il est plus rationnel que, en cas de désaccord au sein du comité des États membres, c’est-à-dire, aux termes de l’article 76 du règlement REACH, au sein de l’une des composantes de l’ECHA, la Commission exerce sa compétence sur l’ensemble du contrôle de la conformité de l’enregistrement examiné, afin d’éviter que la formulation, puis le contrôle de second degré, des appréciations concernant l’évaluation des effets et des dangers
d’une substance chimique soient partagés entre plusieurs organes (respectivement, l’ECHA et la Commission, la chambre de recours de l’ECHA et le Tribunal), au risque d’aboutir à des incohérences, alors que ces appréciations concernent le même dossier d’enregistrement d’une substance et doivent garder leur cohérence d’ensemble.

33 Dès lors, l’article 51, paragraphe 7, du règlement REACH ne peut être compris qu’en ce sens que tout désaccord au sein du comité des États membres sur un aspect d’un projet de décision de l’ECHA examiné dans le cadre du contrôle de la conformité des enregistrements constitue un désaccord sur ce projet globalement considéré, investissant la Commission de la compétence pour préparer un nouveau projet de décision d’évaluation du dossier d’enregistrement et ensuite d’adopter une décision finale à cet
égard selon une procédure de « comitologie ». Par conséquent, c’est à juste titre que la Commission soutient que cette disposition ne limite pas sa compétence aux seules parties spécifiques du projet de décision de l’ECHA faisant l’objet d’un désaccord au sein du comité des États membres, mais lui octroie le pouvoir de statuer sur l’ensemble des aspects abordés dans ce projet.

34 Cette analyse n’est pas remise en question par les autres arguments des requérantes.

[omissis]

36 Les requérantes soulignent en outre qu’elles auraient bénéficié de plus de garanties si la décision finale, pour ce qui concerne les aspects sur lesquels le comité des États membres était parvenu à un accord unanime, avait été adoptée par l’ECHA. En effet, le contrôle opéré par la chambre de recours de l’ECHA serait différent de celui opéré par le Tribunal et ne se limiterait pas, comme c’est le cas pour ce dernier, à la vérification de l’existence d’erreurs manifestes.

37 Ainsi que le soulignent en substance la Commission et le Royaume des Pays-Bas, la distinction opérée entre les situations dans lesquelles la chambre de recours de l’ECHA est susceptible d’intervenir dans le processus de contrôle d’une décision administrative demandant à des déclarants de compléter le dossier d’enregistrement d’une substance chimique et les situations dans lesquelles il n’est pas prévu que cette chambre intervienne, ainsi que les conséquences pouvant en résulter quant à l’étendue
de ce contrôle, découlent du traité FUE et du cadre législatif du règlement REACH, plus précisément de son article 51, qui prévoit dans un cas, qui fait l’objet de son paragraphe 6, une décision de l’ECHA et dans l’autre cas, qui fait l’objet de son paragraphe 7, une décision de la Commission lorsqu’il y a un désaccord au sein du comité des États membres, c’est-à-dire un désaccord au sein de l’ECHA. D’une part, le législateur a prévu la possibilité, pour la chambre de recours, en tant qu’organe
administratif de l’ECHA habilité à contrôler une première décision adoptée par celle-ci, d’exercer tout pouvoir relevant de la compétence de l’ECHA ou de déférer l’affaire à l’organe compétent de celle-ci en vue de la poursuite de l’action, conformément à l’article 93, paragraphe 3, du règlement REACH. D’autre part, l’article 263 TFUE prévoit que les décisions de la Commission font l’objet d’un contrôle de légalité de nature juridictionnelle, exercé par le juge de l’Union. La nature différente de
ces contrôles justifie les différences procédurales qui les entourent et les pouvoirs différents des organes qui les exercent.

38 À cet égard, le droit de l’Union applicable dans la présente affaire conduit à différencier, d’un côté, un contrôle administratif exercé, à l’égard d’une première décision de l’ECHA, par une autorité supérieure, à savoir la chambre de recours de l’ECHA, et, d’un autre côté, le contrôle juridictionnel dans lequel, dans le cadre d’un recours en annulation fondé sur l’article 263 TFUE, le contrôle est exercé par le juge de l’Union à l’égard d’une décision de la Commission. Il a déjà été jugé que,
dans le cadre d’un recours en annulation formé en vertu de l’article 263 TFUE, le contrôle effectué par le juge de l’Union consiste, en présence d’appréciations d’éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes, comme cela peut être le cas en l’espèce, à vérifier si elles ne sont pas entachées d’une erreur manifeste, d’un détournement de pouvoir, ou si l’auteur de la décision n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation [voir arrêt du
20 septembre 2019, BASF Grenzach/ECHA, T‑125/17, EU:T:2019:638, point 87 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2009, Enviro Tech (Europe), C‑425/08, EU:C:2009:635, point 47]. Cette limitation n’a pas vocation à s’appliquer à l’intervention de la chambre de recours de l’ECHA, qui est aussi une composante de cette dernière, comme cela a été souligné précédemment. Dans cette intervention, la chambre de recours ne se limite pas, en effet, à vérifier la légalité de
la décision prise par l’ECHA compte tenu, notamment, de la marge d’appréciation de cette dernière, mais examine, dans le cadre des critères indiqués dans la réglementation, s’il convient de revoir les appréciations qu’elle a portées. C’est pourquoi le législateur de l’Union a veillé à inclure, dans la composition de cette chambre de recours, des personnes disposant des compétences techniques et scientifiques requises pour effectuer cette nouvelle appréciation et pourquoi la nature du contrôle
qu’elle effectue sur les appréciations d’ordre scientifique et technique précédemment apportées au sein de l’ECHA est différente de celle d’un contrôle effectué par le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 20 septembre 2019, BASF Grenzach/ECHA, T‑125/17, EU:T:2019:638, points 88 et 89, et du 20 septembre 2019, Allemagne/ECHA, T‑755/17, EU:T:2019:647, point 55). Il n’appartient pas au Tribunal de remettre en cause cette différence et de s’attribuer les compétences d’un organe tel que la
chambre de recours de l’ECHA (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, EU:C:2002:462, points 44 et 45).

39 En outre, alors que les requérantes n’ont pas soulevé d’exception d’illégalité à l’encontre de l’article 51, paragraphe 7, du règlement REACH, cette différence dans le contrôle de l’appréciation d’éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes ne saurait permettre, en contrariété avec cette disposition telle qu’interprétée dans le présent arrêt (voir point 33 ci-dessus), de restreindre la compétence de la Commission pour statuer, en application de ladite disposition, sur
l’ensemble des aspects d’un projet de décision de l’ECHA qui a été soumis au comité des États membres lorsqu’un désaccord apparaît au sein de ce dernier sur un ou plusieurs aspects de ce projet.

[omissis]

Sur le deuxième moyen, tiré de ce que la Commission aurait méconnu l’article 13, paragraphe 3, du règlement REACH et aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en demandant des essais qui iraient à l’encontre des exigences juridiques applicables et qui ne seraient pas techniquement réalisables

41 Les requérantes soutiennent que la Commission a méconnu l’article 13, paragraphe 3, du règlement REACH et a commis une erreur manifeste d’appréciation en demandant « des essais à des concentrations susceptibles d’avoir des effets mais ne présentant aucun danger » et, plus particulièrement, en ce qui concerne l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération, en demandant de « fixer la dose de manière à induire une certaine toxicité au niveau de dose le plus élevé ».

[omissis]

47 Or, il peut d’emblée être constaté que, dans la décision attaquée, la Commission n’impose nulle part de dépasser pour les essais demandés des concentrations d’oxyde de diméthyle qui pourraient rendre ces essais dangereux, en méconnaissance des règles de sécurité applicables. Certes, elle demande, dans la décision attaquée, à l’article 3 du dispositif, que l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération soit « effectuée à un niveau de dose fixé de manière à induire une certaine
toxicité à la dose la plus élevée », d’ailleurs en reprenant une consigne qui figure en substance à la fois au point 21 de la méthode d’essai B 56 du règlement sur les méthodes d’essai pour ce qui concerne cette étude et au point 1.6.3., deuxième alinéa, de la méthode d’essai B 31 du même règlement pour ce qui concerne l’étude de toxicité pour le développement prénatal. Toutefois, la Commission exprime cette demande dans le cadre général applicable aux essais de toxicité aiguë par inhalation,
auquel elle est tenue, tout comme les déclarants. Or ce cadre recommande effectivement de ne pas dépasser une certaine concentration de la substance testée en fonction des caractéristiques de celle-ci. Les deux méthodes susdites, explicitement visées dans le dispositif de la décision attaquée, l’indiquent elles-mêmes dans leurs dispositions susmentionnées : « les niveaux de dose sont définis en fonction des effets toxiques dans la limite des propriétés physiques/chimiques de la substance
d’essai » (méthode d’essai B 56) et « [s]auf limitations imposées par les propriétés physiques, chimiques ou biologiques de la substance d’essai, la dose la plus élevée devrait avoir une certaine toxicité […] » (méthode d’essai B 31).

[omissis]

49 À cet égard, il doit être observé que le DO 39 de l’OCDE, dont la Commission ne conteste pas l’application dans ses écritures, indique, dans son point 5.1.4, paragraphe 67, que, « [e]n ce qui concerne les substances chimiques potentiellement explosives, il faut veiller à éviter les conditions favorables à une explosion » et que, « [p]our des raisons de sécurité, il est généralement conseillé de ne pas dépasser la moitié de la [LIE] ». Il ressort de ces termes que cette limite, en l’occurrence
égale à 1,65 %, n’est pas une limite universelle qu’il ne faudrait en aucun cas dépasser. D’ailleurs, au point 61 de la requête et au point 15 de la réplique, les requérantes admettent que des essais sur l’oxyde de diméthyle seraient éventuellement possibles jusqu’à un maximum de 2 %.

50 Il découle de ce qui précède que la Commission a laissé le soin aux déclarants, bien entendu en liaison avec les laboratoires qu’elles pourraient solliciter, de déterminer la concentration maximale à utiliser pour engendrer une certaine toxicité, mais dans la limite des concentrations qui pourraient s’avérer dangereuses compte tenu des propriétés physicochimiques de l’oxyde de diméthyle.

51 Il n’est donc nullement démontré que la Commission a imposé dans la décision attaquée d’atteindre, en contrariété avec des dispositions juridiquement applicables, des concentrations dangereuses pour des essais de toxicité aiguë par inhalation.

52 Par ailleurs, il ressort des pièces produites par les requérantes (annexes A 12 et A 13) qu’il existe au moins deux laboratoires s’estimant aptes à effectuer les essais en question à une concentration fixée à 1,65 %, voire pour l’un d’eux à une concentration allant jusqu’à 2 %. L’argument des requérantes mettant en cause la faisabilité technique des études demandées dans la décision attaquée doit ainsi être rejeté.

[omissis]

Sur le troisième moyen, tiré de ce que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en exigeant des essais qui ne produiraient aucune information pertinente sur l’oxyde de diméthyle

[omissis]

61 Il doit d’abord être observé que, parmi les études demandées dans la décision attaquée, certaines visent à obtenir des informations standard qu’il est nécessaire dans tous les cas de produire dans le dossier d’enregistrement de l’oxyde de diméthyle aux termes de l’annexe X, applicable compte tenu du niveau déclaré de fabrication ou d’importation par an par fabricant ou par importateur, égal ou supérieur à 1 000 t. Les requérantes ne contestent pas que ce soit le cas pour l’étude étendue de
toxicité pour la reproduction sur une génération dans sa configuration de base incluant seulement les cohortes 1A et 1B et contestent, pour des questions d’interprétation des annexes IX et X, que ce soit le cas pour l’étude de toxicité sur le développement effectuée sur une seconde espèce animale, une telle contestation étant écartée dans le cadre de l’examen du huitième moyen (voir point 168 ci-après). Notamment à l’égard des études qui devraient dans tous les cas être faites aux termes de
l’annexe X, en tant qu’elles visent à obtenir des informations standard, les requérantes estiment en substance, comme cela a été indiqué au point 57 ci-dessus, que les prescriptions de cette annexe ne devraient pas être trop strictement appliquées afin d’éviter d’obliger les déclarants à fournir des informations manifestement dépourvues de pertinence en effectuant des essais inutiles sur des animaux.

62 Pour examiner cet argument, il y a lieu, préalablement, de rappeler l’agencement et le rôle des annexes du règlement REACH.

[omissis]

69 Il ressort de cette présentation que les informations demandées aux déclarants aux termes des annexes VII à X, en particulier les informations standard figurant dans les colonnes 1 de ces annexes qui doivent dans tous les cas être fournies sauf adaptation possible au titre d’une disposition figurant dans la colonne 2, sont graduellement demandées en fonction des quantités de substance fabriquées ou importées. Il doit par ailleurs être souligné que ces obligations d’information concernent des
substances chimiques et visent, comme cela est énoncé à l’article 1er du règlement REACH, à assurer que les dangers de ces substances, fabriquées, mises sur le marché et utilisées, soient connus et que ces substances, lorsqu’elles sont utilisées, n’aient pas d’effets nocifs pour la santé humaine ou pour l’environnement. Par conséquent, eu égard aux dangers potentiels des substances chimiques et en appliquant le principe de précaution, mais aussi en tenant compte de l’objectif de prévention des
essais inutiles sur les animaux vertébrés, ce principe et cet objectif étant tous deux également visés audit article, le législateur a déjà effectué des choix en vue de ne demander des études sur les animaux vertébrés aux déclarants que si elles apparaissent pertinentes compte tenu des quantités de substance concernées. Au demeurant, l’annexe XI prévoit encore des possibilités d’adaptation supplémentaires à celles prévues dans la colonne 2 des annexes VII à X, que les déclarants peuvent faire
valoir s’ils estiment qu’une étude prévue dans ces annexes est inutile.

70 Dès lors que les requérantes ne mettent pas en cause la validité de ces choix, autrement dit la légalité des dispositions au titre desquelles la réalisation d’études leur a été demandée dans la décision attaquée, plus particulièrement celles de l’annexe X, et qu’elles ne se placent pas, au titre du moyen à présent examiné, sur le terrain d’une possibilité d’adaptation prévue à l’annexe XI, elles ne peuvent pas valablement prétendre qu’elles seraient dispensées de réaliser des études qui doivent
dans tous les cas être faites aux termes de l’annexe X, visant l’obtention d’informations standard, au motif qu’elles ne seraient pas pertinentes.

[omissis]

72 L’argument de principe des requérantes mentionné à la dernière phrase du point 57 ci-dessus, qui se prêtait à une analyse d’ordre purement juridique, étant écarté, il y a lieu d’observer que, pour le surplus, les arguments avancés au soutien du troisième moyen visent à mettre en cause l’appréciation de la Commission relative à l’utilité des différentes études demandées, pour autant qu’elles ne soient pas en tout état de cause obligatoires aux termes de l’annexe X, c’est-à-dire l’appréciation de
la Commission relative à l’utilité de la partie de l’étude étendue de toxicité pour la reproduction comportant les cohortes 2A et 2B pour évaluer la neurotoxicité pour le développement et relative à l’utilité de l’étude préliminaire de détermination des concentrations.

73 Une telle appréciation relève de la catégorie des appréciations d’éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes par une autorité administrative. Comme il a déjà été rappelé au point 38 ci-dessus, si le juge de l’Union est conduit à examiner de telles appréciations, il doit se limiter à vérifier si elles ne sont pas entachées d’une erreur manifeste, d’un détournement de pouvoir, ou si cette autorité n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation.
À cet égard, il est jugé de manière constante que, afin d’établir que l’autorité administrative a commis une erreur manifeste dans l’appréciation de tels éléments de nature à justifier l’annulation de l’acte attaqué, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans cet acte. Sous réserve de cet examen de plausibilité, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation de faits
hautement complexes à celle de l’auteur de l’acte attaqué (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 1996, AIUFFASS et AKT/Commission, T‑380/94, EU:T:1996:195, point 59, et du 19 septembre 2019, Arysta LifeScience Netherlands/Commission, T‑476/17, EU:T:2019:618, point 87 et jurisprudence citée). Eu égard aux arguments d’ordre scientifique et technique avancés par les requérantes, il y a donc lieu de vérifier si ceux-ci privent de plausibilité l’appréciation de la Commission selon laquelle, tout en
effectuant les études dans des conditions visant à assurer la non-dangerosité des essais, c’est-à-dire en ne dépassant pas une concentration de 1,65 %, voire de 2 %, il est possible qu’une certaine toxicité se manifeste à la dose la plus élevée (par simplification, il ne sera fait ci-après référence qu’à la valeur de 1,65 %).

74 Avant d’entamer cette vérification, il convient toutefois d’indiquer la position du Tribunal en ce qui concerne la demande des requérantes, exprimée dans la requête, que celui-ci recoure à un expert indépendant chargé d’examiner et de clarifier certains points scientifiques complexes, d’ailleurs relatifs à la plupart des moyens des requérantes, ainsi qu’elles l’ont précisé dans la réplique. Le Tribunal n’aurait recouru à cette possibilité, prévue à l’article 25 du statut de la Cour de justice de
l’Union européenne, que si cela s’était avéré nécessaire pour juger du caractère fondé, ou non, de certains moyens, compte tenu de la nature du contrôle qu’il exerce sur l’appréciation d’éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes par une autorité administrative, rappelée au point 73 ci-dessus. Or, ainsi que cela apparaît dans l’appréciation du présent moyen et des suivants, cela ne s’est pas avéré nécessaire en l’espèce.

[omissis]

83 En troisième lieu, s’agissant des arguments relatifs aux usages concrets par l’homme ainsi qu’à l’évaluation et à la gestion des risques en la matière, visant à montrer que, lorsque la substance est utilisée dans le cadre de ses applications industrielles, professionnelles ou domestiques, elle ne saurait engendrer d’effets narcotiques pour l’homme, la Commission, le Royaume de Danemark, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume de Suède et l’ECHA soulignent à juste titre que l’enregistrement d’une
substance ne vise pas seulement à garantir son usage non dangereux dans le cadre de ses applications normales, mais aussi à connaître la substance et ses effets sur les êtres vivants et sur l’environnement en tant que tels, autrement dit à connaître ses caractéristiques intrinsèques, ce qui peut demander des essais reconstituant des conditions s’écartant de celles de ses applications normales. À cet égard, les annexes VII à X définissent spécifiquement les informations à apporter pour que les
propriétés intrinsèques d’une substance soient connues. Dès lors, l’absence de dangerosité de la substance pour l’homme dans ses applications normales, notamment l’absence d’effets narcotiques pour l’homme à l’occasion de tels usages, à la supposer établie, ne saurait dispenser d’effectuer des études qui seraient requises au titre des annexes VII à X, sauf à ce qu’une adaptation soit possible au titre de l’annexe XI. L’ECHA souligne d’ailleurs à juste titre que les applications d’une substance
peuvent évoluer dans le temps, alors que ses propriétés intrinsèques restent les mêmes. De plus, en l’occurrence, la démonstration des requérantes repose notamment sur la prémisse d’une CSENO de 2,5 %, incertaine pour les études de toxicité pour la reproduction, comme cela a été relevé au point 81 ci-dessus.

[omissis]

88 Au regard de ce qui précède, même s’il peut y avoir des incertitudes sur la concentration à partir de laquelle des effets nocifs de l’oxyde de diméthyle pourraient être observés dans le cadre d’études de toxicité pour la reproduction et s’il existe des controverses de nature scientifique à ce propos, il n’apparaît pas empreint d’erreur manifeste d’appréciation d’avoir demandé les essais énumérés dans la décision attaquée, ce d’autant que la Commission a demandé que l’étude étendue de toxicité
pour la reproduction sur une génération soit précédée d’une étude préliminaire de détermination des concentrations. Dans ce contexte, il n’est pas exclu que les essais demandés dans la décision attaquée démontrent une toxicité en dessous du niveau de concentration de 1,65 % qu’il est recommandé de ne pas dépasser dans le DO 39 de l’OCDE. Même si aucune toxicité ne se révélait en dessous de ce niveau, ces essais ne seraient pas inutiles et permettraient de régler en partie les controverses
évoquées ci-dessus.

[omissis]

Sur le quatrième moyen, tiré de ce que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation et aurait méconnu l’annexe X, rubrique 8.7.3., colonne 2, en exigeant l’ajout de cohortes 2A et 2B à l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération

90 Dans le cadre du quatrième moyen, les requérantes font valoir des arguments qui s’articulent, en substance, en deux branches, l’une tirée de ce que la Commission aurait commis une erreur de droit en dénaturant la portée des termes « préoccupations particulières » figurant à l’annexe X, rubrique 8.7.3., colonne 2, deuxième alinéa, l’autre tirée de ce qu’elle aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que l’oxyde de diméthyle présente des « préoccupations particulières » liées
à la neurotoxicité sur la base du premier et du troisième tiret de cette disposition.

91 À titre liminaire, il convient de rappeler que la colonne 1 de la rubrique 8.7.3. de l’annexe X exige, au titre des informations standard, une étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération comportant des cohortes 1A et 1B, réalisée sur une seule espèce. Aux termes du deuxième alinéa de la colonne 2 de la même rubrique, l’inclusion des cohortes 2A et 2B à une étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération afin d’évaluer la neurotoxicité pour le développement
peut être demandée par l’ECHA, ou le cas échéant par la Commission, en cas de préoccupations particulières liées à la neurotoxicité (pour le développement) justifiées par l’un des éléments suivants :

– des informations existantes relatives à la substance elle-même et tirées de méthodes in vivo ou non animales pertinentes et disponibles (par exemple, anomalies du système nerveux central, preuve d’effets nocifs sur le système nerveux ou immunitaire dans le cadre d’études sur des animaux adultes ou exposés au stade prénatal) ;

– des mécanismes ou des modes d’action spécifiques de la substance associés à une neurotoxicité (pour le développement) ou à une immunotoxicité (pour le développement) (par exemple, inhibition de la cholinestérase ou modifications pertinentes des taux d’hormones thyroïdiennes associés à des effets nocifs) ;

– des informations existantes sur les effets causés par des substances de structure analogue à celle de la substance étudiée, suggérant l’existence de tels effets ou mécanismes/modes d’action.

[omissis]

Sur la première branche, tirée de ce que la Commission aurait commis une erreur de droit en dénaturant la portée des termes « préoccupations particulières » figurant à l’annexe X, rubrique 8.7.3., colonne 2, deuxième alinéa

95 Les requérantes soutiennent que, dans la mesure où l’annexe X, rubrique 8.7.3., colonne 2, deuxième alinéa, ne définit pas la notion de « préoccupations particulières » liées à la neurotoxicité pour le développement, celle-ci devrait être définie à la lumière des autres dispositions du règlement REACH ainsi que du chapitre R.7a, point R.7.6.2, du guide de l’ECHA intitulé « Guidance on Information Requirements and Chemical Safety Assessment » (Guide des exigences d’information et évaluation de la
sécurité chimique, ci-après le « guide de l’ECHA »). Sur ces fondements, il s’agirait de préoccupations « fortes » présentant un certain degré de gravité révélé par des effets sérieux et graves de neurotoxicité.

[omissis]

103 Ces interprétations ayant été observées, il apparaît que, en dépit de l’absence de définition précise de ce qu’est une préoccupation particulière liée à la neurotoxicité pour le développement, au sens de l’annexe X, rubrique 8.7.3., colonne 2, deuxième alinéa, il ressort des termes mêmes utilisés dans cette disposition (voir point 91 ci-dessus), et en particulier du mot « préoccupation », qui signifie dans le contexte en question « souci », que, pour qu’une telle préoccupation puisse exister,
des informations d’une certaine nature en possession des déclarants ou de l’autorité compétente doivent établir que la substance en cause a des effets neurotoxiques pour le développement, indépendamment d’effets qui résulteraient d’une toxicité plus générale, ou même seulement faire raisonnablement craindre qu’elle en ait. En présence de telles informations, l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération comportant des cohortes 2A et 2B a alors pour objet de préciser, de
confirmer ou d’infirmer les effets neurotoxiques pour le développement de la substance.

104 Dès lors, ainsi que le souligne le Royaume des Pays-Bas, dans un cas concret, il appartient à l’autorité compétente, en l’absence d’initiative spontanée en ce sens des déclarants, d’estimer, à la lumière des données existantes et sur la base des principes mentionnés au point 103 ci-dessus, si des préoccupations liées à la neurotoxicité pour le développement existent.

105 Ainsi, pour parvenir à la conclusion que l’oxyde de diméthyle fait naître des « préoccupations particulières », la Commission n’était pas tenue, contrairement à ce que prétendent les requérantes (voir point 95 ci-dessus), d’avancer déjà des preuves que l’oxyde de diméthyle engendre des effets sérieux et graves de neurotoxicité. En effet, il est suffisant qu’un des éléments mentionnés à l’annexe X, rubrique 8.7.3., colonne 2, deuxième alinéa, premier à troisième tiret, existe et laisse
raisonnablement craindre l’existence d’effets nocifs, suffisamment sérieux ou graves, pour justifier la possibilité de neurotoxicité pour le développement.

[omissis]

Sur le cinquième moyen, tiré de ce que la Commission aurait méconnu l’annexe X, rubrique 8.7.3., colonne 1, ainsi que l’article 25 du règlement REACH, en exigeant que l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération soit précédée d’une étude préliminaire de détermination des concentrations

[omissis]

133 La rubrique 8.7.3. de l’annexe X doit donc être interprétée en ce sens qu’elle autorise la Commission à demander une étude de détermination des concentrations préliminaire à une étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération et il apparaît donc que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit à cet égard.

134 En deuxième lieu, concernant l’argumentation tirée de ce que, à la rubrique 8.7.1. de l’annexe VIII, il est précisé qu’une étude de détermination des concentrations n’est pas requise si une étude de toxicité pour le développement prénatal est déjà disponible, il convient de rappeler ce qui suit, déjà indiqué au point 65 ci-dessus. Conformément à la « note d’orientation sur le respect des exigences énoncées aux annexes VI à XI », qui constitue la partie introductive de l’annexe VI, « [p]our le
niveau de quantité le plus faible, les exigences standard sont indiquées à l’annexe VII et, à chaque fois qu’un nouveau seuil de quantité est atteint, les exigences énoncées à l’annexe correspondante viennent s’y ajouter » et « [l]es exigences précises en matière d’information diffèrent pour chaque enregistrement, en fonction des quantités, de l’utilisation et de l’exposition ». En outre, les préambules des annexes VIII, IX et X indiquent chacun que « les informations exigées à la colonne 1 de
la présente annexe […] s’ajoutent à celles exigées à la colonne 1 [des annexes précédentes] ». Il peut en être déduit que les annexes VII à X ne sont pas redondantes pour ce qui concerne la colonne 1, en ce sens que la colonne 1 de l’annexe ayant le chiffre le plus élevé ne répète pas l’ensemble des éléments figurant dans la colonne 1 des annexes précédentes. Toutefois, si les informations à fournir correspondant aux exigences standard figurant dans la colonne 1 des annexes pertinentes
s’ajoutent les unes aux autres quand le niveau de quantité fabriquée ou importée par an par fabricant ou par importateur atteint le niveau visé par une annexe donnée, les adaptations possibles mentionnées dans la colonne 2 de ces annexes ne se conservent pas d’une annexe à l’autre, sauf si elles sont répétées (principe inverse). Une adaptation peut, en effet, être envisageable pour un certain niveau de fabrication ou d’importation et ne plus l’être pour un niveau supérieur.

135 Autrement dit, dans la mesure où, compte tenu des quantités déclarées en l’espèce, le niveau visé à l’annexe X, à savoir celui des substances fabriquées ou importées par an par fabricant ou par importateur en quantités égales ou supérieures à 1000 t, est atteint, les requérantes ne peuvent pas se prévaloir des possibilités d’adaptations figurant à l’annexe VIII, rubrique 8.7., colonne 2, qui vise le niveau des substances fabriquées ou importées en quantités égales ou supérieures à 10 t, pour
écarter une demande formulée à leur égard au titre de l’annexe X. L’argument des requérantes tiré de ce que la Commission aurait méconnu ladite disposition est donc infondé et l’erreur de droit alléguée à cet égard n’est pas établie.

136 En troisième lieu, s’agissant de l’argumentation d’après laquelle la réalisation d’une étude préliminaire de détermination des concentrations méconnaît l’objectif énoncé à l’article 25, paragraphe 1, du règlement REACH de n’effectuer des essais sur des animaux vertébrés que s’il n’existe aucune autre solution, les éléments qui suivent doivent être pris en considération.

137 D’une part, l’objectif d’éviter des essais sur les animaux doit être appliqué à la lumière des autres principes sous-tendant le règlement REACH, notamment à la lumière du principe de précaution. L’article 1er, paragraphe 3, du règlement REACH indique que les dispositions de celui-ci « reposent sur le principe de précaution ». Il a été jugé que ce principe implique que, lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à la portée de risques pour la santé des personnes, des mesures de
protection peuvent être prises sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées (voir, en ce sens, arrêts du 5 mai 1998, National Farmers’ Union e.a., C‑157/96, EU:C:1998:191, points 63 et 64, et du 1er octobre 2019, Blaise e.a., C‑616/17, EU:C:2019:800, point 43 et jurisprudence citée). Il a aussi été jugé qu’une application correcte du principe de précaution à l’égard d’une substance dont les effets ne sont pas pleinement déterminés présuppose, en
premier lieu, l’identification des conséquences potentiellement négatives pour la santé de l’utilisation proposée de la substance en cause et, en second lieu, une évaluation complète du risque pour la santé fondée sur les données scientifiques disponibles les plus fiables et les résultats les plus récents de la recherche internationale (voir par analogie, en ce qui concerne des substances utilisées dans des produits phytopharmaceutiques, arrêt du 22 décembre 2010, Gowan Comércio Internacional e
Serviços, C‑77/09, EU:C:2010:803, point 75 et jurisprudence citée). En l’espèce, le fait de demander une étude préliminaire de détermination des concentrations dans le cadre de la réalisation d’une étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération a permis de concilier le principe de précaution et l’exigence de réduire des essais sur les animaux. En effet, comme l’explique la Commission, dans la mesure où aucun effet narcotique ne serait constaté à des niveaux de concentration
compatibles avec une réalisation sans danger des essais, les cohortes 2A et 2B ne seraient pas incluses dans l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération.

[omissis]

Sur le sixième moyen, tiré de ce que la Commission aurait méconnu l’article 41 du règlement REACH et son annexe XI, au motif que la décision attaquée ne permettrait pas aux requérantes de remédier à la non-conformité de l’enregistrement de l’oxyde de diméthyle en retenant des adaptations par rapport aux études demandées dans cette décision

142 Les requérantes reprochent en substance à la décision attaquée de les contraindre, ainsi que les autres déclarants, à faire effectuer les études mentionnées dans celle-ci en en communiquant les résultats (voir point 15 ci-dessus), sans leur permettre de communiquer à la place des informations adéquates tirées d’autres sources. Selon elles, à la suite d’une décision comme la décision attaquée, arrêtée en application de l’article 41 du règlement REACH, l’ECHA devrait examiner toute information
communiquée par les destinataires de cette décision, ainsi que l’indiquerait l’article 42 du même règlement. L’article 13, paragraphe 1, du règlement REACH indiquerait lui-même que « [d]es informations sur les propriétés intrinsèques des substances peuvent être produites par d’autres moyens que des essais pour autant que les conditions énoncées à l’annexe XI soient respectées ». La colonne 2 figurant aux annexes IX et X, rubrique 8.7., prévoirait aussi des possibilités d’adaptation par rapport à
ce qui serait exclusivement demandé dans la décision attaquée.

,,[omissis]

144 Ainsi qu’il a déjà été jugé, les dispositions générales pertinentes du règlement REACH et l’objectif de limitation des essais sur les animaux traduit dans ces dispositions générales impliquent qu’un déclarant auquel l’ECHA a demandé de compléter son dossier d’enregistrement sur la base d’une étude impliquant des essais sur des animaux a, pour autant que ce soit possible d’un point de vue scientifique et technique, la faculté et même l’obligation de répondre à cette demande en fournissant des
informations adéquates au regard des motifs ayant justifié cette demande, mais issues de sources alternatives à cette étude. Il a également été jugé que, dans une telle situation, l’ECHA est soumise à l’obligation correspondante de contrôler la conformité de ces informations alternatives avec les exigences applicables et, plus précisément, de déterminer si celles-ci doivent être qualifiées d’adaptations conformes aux règles prévues par les annexes pertinentes du règlement REACH (voir, en ce
sens, arrêt du 21 janvier 2021, Allemagne/Esso Raffinage, C‑471/18 P, EU:C:2021:48, points 132 à 136).

145 Aucune raison ne justifie de retenir une solution différente lorsque, comme en l’espèce, la décision demandant au déclarant de compléter son dossier d’enregistrement sur la base d’une étude impliquant des essais sur des animaux est adoptée, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 51 du règlement REACH sur l’adoption des décisions au titre de l’évaluation du dossier, non par l’ECHA, mais par la Commission en raison de l’absence d’unanimité au sein du comité des États membres sur le
projet de décision de l’ECHA.

146 En dépit des termes au mode impératif qui y sont employés en vue de la réalisation des études mentionnées dans son dispositif, la décision attaquée ne saurait donc être interprétée, dans son contexte réglementaire bien connu des requérantes, comme interdisant à celles-ci et aux autres déclarants de répondre à cette décision en proposant dans le dossier technique, conformément aux dispositions générales pertinentes du règlement REACH et à son objectif de limitation des essais sur les animaux, des
informations adéquates au regard des motifs ayant justifié les demandes d’études sur des animaux formulées dans cette décision, mais issues de sources alternatives à ces études. Il y a toutefois lieu de préciser que ces adaptations par rapport aux essais demandés dans la décision attaquée ne doivent pas être manifestement dépourvues de sérieux au regard des possibilités d’adaptation prévues dans le règlement REACH, notamment à l’annexe XI, et compte tenu des échanges déjà intervenus entre les
déclarants, l’ECHA et la Commission. Dans le cas contraire, l’ECHA pourrait simplement, afin d’éviter que la procédure ne se prolonge de manière injustifiée, constater à nouveau l’absence de conformité de l’enregistrement, mais sans devoir recourir aux modalités prévues à l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH, qui renvoie lui-même à cet égard à l’article 41 du même règlement (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2018, Esso Raffinage/ECHA, T‑283/15, EU:T:2018:263, points 62 et 112).

[omissis]

148 Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la décision attaquée ne leur interdit pas de proposer des adaptations par rapport aux études demandées dans cette décision. Le sixième moyen doit donc être rejeté.

Sur le septième moyen, tiré de ce que la Commission aurait méconnu l’article 41 du règlement REACH et son annexe XI au motif que, dans la décision attaquée, la Commission aurait prématurément rejeté une éventuelle adaptation par rapport aux études demandées dans cette décision

[omissis]

152 Il en ressort, d’une part, que la prise de position dans la décision attaquée concernant une éventuelle adaptation par rapport à l’étude de toxicité pour le développement prénatal effectuée sur des lapins, fondée sur l’étude similaire en cours concernant l’analogue structurel qu’est l’oxyde de diéthyle, a répondu à une nécessité de motivation au regard des arguments avancés par les requérantes et, d’autre part, compte tenu de ce qui est rappelé aux points 144 à 146 ci-dessus, qu’une telle prise
de position ne conduit pas à rejeter par avance toute proposition d’adaptation qui serait faite dans le dossier technique à la suite de la décision attaquée par rapport aux études demandées dans cette décision, en particulier toute proposition qui utiliserait les résultats de l’étude de toxicité pour le développement prénatal effectuée sur des lapins pour l’oxyde de diéthyle, devenus disponibles entre-temps, dès lors que des arguments sérieux seraient avancés au soutien de cette proposition en
complément de ceux déjà avancés en préalable à l’adoption de la décision attaquée.

153 Le septième moyen, reposant sur l’affirmation selon laquelle la Commission a prématurément rejeté une éventuelle adaptation par rapport aux études demandées dans la décision attaquée, doit donc être rejeté.

Sur le huitième moyen, tiré de ce que, en demandant que soit réalisée une étude de toxicité pour le développement prénatal sur des lapins, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation, n’aurait pas tenu compte de toutes les informations pertinentes et aurait méconnu l’annexe IX, rubrique 8.7.2., colonne 2

[omissis]

Sur la première branche, tirée de ce que la Commission aurait commis une erreur de droit en méconnaissant l’annexe IX

[omissis]

160 Il doit en être conclu, au regard du principe général de construction et d’application des annexes VII à X, que les exigences standard et les adaptations de l’annexe X sont autonomes par rapport à celles figurant à l’annexe IX. Il peut déjà en être déduit que les règles figurant à l’annexe IX pour la rubrique 8.7.2. ne permettent pas de déterminer quelles sont les exigences standard et les adaptations possibles définies à l’annexe X pour cette rubrique, applicables pour une substance fabriquée
ou importée en quantités égales ou supérieures à 1000 t par an par fabricant ou par importateur. À cet égard, la disposition selon laquelle « [l]’étude est effectuée initialement sur une espèce » et « [e]n fonction du résultat du premier essai et de toutes les autres données pertinentes disponibles, il peut être décidé d’effectuer une étude sur une deuxième espèce à ce niveau de quantité ou au suivant », mise en exergue par les requérantes, qui figure dans la colonne 2 de l’annexe IX, signifie
uniquement que l’exigence de l’étude sur la seconde espèce pour une substance fabriquée ou importée en quantités comprises entre 100 et 999 t par an par fabricant ou par importateur peut, lorsque les conditions pour effectuer une telle étude sont réunies, être éventuellement reportée au moment où la substance relèvera du « niveau suivant », à savoir lorsque la substance sera fabriquée ou importée en quantités égales ou supérieures à 1000 t par an par fabricant ou par importateur.

161 L’erreur de droit reprochée à la Commission par les requérantes d’avoir méconnu les dispositions de l’annexe IX n’est donc pas établie.

Sur la seconde branche, tirée de ce que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en demandant une étude de toxicité au stade du développement prénatal sur une deuxième espèce, alors que les conditions figurant à l’annexe IX, rubrique 8.7.2., colonne 2, ne sont pas remplies

162 En vue d’apprécier cette seconde branche du huitième moyen, il doit être souligné à ce stade de l’analyse qu’aucune adaptation équivalente à celle prévue dans la colonne 2 de l’annexe IX pour la rubrique 8.7.2., n’est applicable à l’annexe X au titre de cette rubrique, pour les motifs exposés aux points 159 et 160 ci-dessus, notamment parce que la colonne 2 de l’annexe X est vierge pour cette rubrique. Afin de déterminer la portée des obligations fondées sur l’annexe X pour la rubrique 8.7.2. et
de déterminer en même temps la marge d’appréciation qu’avait la Commission à cet égard, il convient ensuite de savoir quelle exigence standard est demandée dans la colonne 1 de l’annexe X.

163 Comme cela a été indiqué au point 158 ci-dessus, le texte de la colonne 1 pour la rubrique 8.7.2. est en substance identique dans les annexes IX et X en mentionnant « [é]tude de toxicité […] une espèce ». Comme cela a déjà été observé au même point, lus isolément, ces textes pourraient laisser penser à une simple répétition de la même exigence, autrement dit être interprétés comme exigeant seulement de faire procéder à une étude de toxicité pour le développement prénatal sur une espèce, que la
substance concernée soit produite ou importée aux niveaux visés à l’annexe IX ou à ceux visés à l’annexe X.

164 Toutefois, à la lumière du principe général de construction et d’application des annexes VII à X rappelé aux points 159 et 160 ci-dessus, qui implique que les colonnes 1 de ces annexes ne sont pas redondantes les unes par rapport aux autres, il n’y aurait pas de sens à répéter dans la colonne 1 une même exigence standard. Autant une faculté d’adaptation énoncée dans la colonne 2 peut être répétée d’une annexe à l’autre si cette faculté est valable à l’égard de différentes exigences standard
formulées dans des annexes différentes, autant une telle répétition ne se conçoit pas pour une même exigence standard déjà formulée dans la colonne 1 d’une annexe précédente pour un niveau de production ou d’importation inférieur. L’exigence figurant dans la colonne 1 de l’annexe X pour la rubrique 8.7.2. de faire procéder à une « [é]tude de toxicité […] une espèce » doit donc être interprétée comme étant différente de l’exigence énoncée dans des termes similaires dans la colonne 1 de
l’annexe IX pour la même rubrique, ce qui ne peut signifier qu’une chose : que les deux études en question doivent porter chacune sur une espèce différente. Autrement dit, l’exigence figurant dans la colonne 1 de l’annexe X pour la rubrique 8.7.2. de faire procéder à une « [é]tude de toxicité […] une espèce » doit être comprise comme visant une étude sur une autre espèce que celle utilisée pour l’étude similaire effectuée au titre de l’annexe IX. Comme aucune adaptation n’est prévue à cet égard
à la rubrique 8.7.2. de l’annexe X, ainsi que cela est rappelé au point 162 ci-dessus, il en découle que l’étude de toxicité pour le développement prénatal effectuée sur une seconde espèce est obligatoire lorsque la substance est produite ou importée aux niveaux visés à l’annexe X, sauf à ce que des adaptations soient possibles au titre de dispositions figurant ailleurs.

[omissis]

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

  1) Le recours est rejeté.

  2) Les requérantes supporteront, outre leurs propres dépens, les dépens exposés par la Commission européenne, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

  3) Le Royaume de Danemark, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume de Suède et l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) supporteront leurs propres dépens.

Gervasoni

Madise

  Nihoul

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 mars 2023.

Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.

( 1 ) Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : T-868/19
Date de la décision : 29/03/2023
Type de recours : Recours en annulation - non fondé

Analyses

REACH – Évaluation des dossiers d’enregistrement et contrôle de la conformité des informations communiquées par les déclarants – Demande d’études complémentaires aux fins du dossier d’enregistrement pour l’oxyde de diméthyle – Étude de toxicité pour le développement prénatal – Étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération – Étude préliminaire de détermination des concentrations – Article 51, paragraphe 7, du règlement (CE) no 1907/2006 – Essais sur des animaux – Article 25 du règlement no 1907/2006 – Erreur manifeste d’appr�ciation – Proportionnalité.

Recherche et développement technologique


Parties
Demandeurs : Nouryon Industrial Chemicals BV e.a.
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Madise

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2023:168

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