La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/11/2022 | CJUE | N°T-164/21

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, QM contre Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs., 09/11/2022, T-164/21


 ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

9 novembre 2022 ( *1 )

« Fonction publique – Agents temporaires – Non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée pour une durée indéterminée – Intérêt du service – Erreur de droit – Erreur manifeste d’appréciation – Droit d’être entendu – Principe de bonne administration – Devoir de sollicitude »

Dans l’affaire T‑164/21,

QM, représenté par Me N. de Montigny, avocate,

partie requérante,

contre

Agence de l’Union européenne p

our la coopération des services répressifs (Europol), représentée par M. A. Nunzi, Mmes O. Sajin et C. Falmagne, en qualité d’agents, assistés de Mes A...

 ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

9 novembre 2022 ( *1 )

« Fonction publique – Agents temporaires – Non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée pour une durée indéterminée – Intérêt du service – Erreur de droit – Erreur manifeste d’appréciation – Droit d’être entendu – Principe de bonne administration – Devoir de sollicitude »

Dans l’affaire T‑164/21,

QM, représenté par Me N. de Montigny, avocate,

partie requérante,

contre

Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol), représentée par M. A. Nunzi, Mmes O. Sajin et C. Falmagne, en qualité d’agents, assistés de Mes A. Duron et D. Waelbroeck, avocats,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

Composé, lors des délibérations, de MM. R. da Silva Passos, président, V. Valančius (rapporteur) et M. Sampol Pucurull, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 22 juin 2022,

rend le présent

Arrêt ( 1 )

1 Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, le requérant, QM, demande l’annulation de la décision de l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol) du 27 mai 2020 de ne pas renouveler son contrat de travail pour une durée indéterminée (ci-après la « décision attaquée ») ainsi que, pour autant que de besoin, l’annulation de la décision du 18 décembre 2020 rejetant sa réclamation (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

Antécédents du litige

[omissis]

10 Le 7 janvier 2020, la procédure de renouvellement du contrat du requérant par un contrat à durée indéterminée a débuté, conformément aux règles applicables au sein d’Europol.

[omissis]

18 Le 5 mai 2020, la directrice exécutive, en sa qualité d’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC »), a informé le requérant de son intention de ne pas renouveler son contrat par un contrat à durée indéterminée, en précisant que, pour refléter la stratégie d’Europol intitulée « Europol Strategy 2020+ » (ci-après la « stratégie d’Europol 2020+ ») et les responsabilités assignées à Europol dans le contexte du programme « EU Interoperability Agenda », le futur chef
du département [confidentiel] devrait être doté d’aptitudes et de compétences supplémentaires dont il ne disposait pas (ci-après la « lettre d’information du 5 mai 2020 »).

19 Le 12 mai 2020, le requérant a inséré, dans la section 6 du formulaire de renouvellement du contrat, ses commentaires quant à l’intention de la directrice exécutive de ne pas renouveler son contrat.

20 Le 27 mai 2020, l’AHCC a adopté la décision attaquée. Par courriel du 2 juin 2020, cette décision a été notifiée au requérant.

21 Dans la décision attaquée, l’AHCC a précisé que, « [a]près analyse de la stratégie d’Europol 2020+ et de la “documentation de programmation” d’Europol, y compris les responsabilités attribuées à Europol dans le cadre du programme d’interopérabilité de l’Union, qui sont mises en œuvre par étapes progressives, le besoin opérationnel d’un chef du département [confidentiel] doté d’une expertise supplémentaire, par rapport au profil [du] poste actuel [de requérant], a toutefois été identifié ».

[omissis]

Conclusions des parties

25 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée et, pour autant que de besoin, la décision de rejet de la réclamation ;

– condamner Europol aux dépens.

26 Europol conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours comme étant non fondé ;

– condamner le requérant aux dépens.

En droit

[omissis]

Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée

41 À l’appui de son recours en annulation, le requérant invoque cinq moyens, tirés, le premier, d’erreurs commises par l’AHCC dans l’application des critères d’évaluation du candidat au renouvellement du contrat pour une durée indéterminée, d’une absence de décision de réorganisation et de définition des nouveaux besoins de la fonction, le deuxième, d’une violation du droit d’être entendu, le troisième, d’un préjugé quant à ses aptitudes à répondre aux besoins futurs de la fonction, d’une absence
d’examen de ses aptitudes, d’une violation du devoir de bonne administration et de ses droits légitimes de se voir évaluer, le quatrième, d’une erreur manifeste d’appréciation quant à son profil et à ses aptitudes et, le cinquième, d’un abus de droit et de la violation du devoir de sollicitude.

[omissis]

Sur le premier moyen, tiré d’erreurs commises par l’AHCC dans l’application des critères d’évaluation du candidat au renouvellement du contrat pour une durée indéterminée, d’une absence de décision de réorganisation et de définition des nouveaux besoins de la fonction

72 Selon le requérant, conformément à l’article 4, paragraphe 3, de la décision du 28 mars 2019, les termes de « développements futurs prévisibles » mentionnés à cet article se rapportent au besoin continu du poste ou de la fonction et, donc, exclusivement au premier critère. Or, il résulterait de la motivation de la décision attaquée que celle-ci est fondée uniquement sur le deuxième critère prévu dans ladite disposition, à savoir les aptitudes et les compétences de l’agent, lesquelles ne se
réfèrent pas aux développements futurs prévisibles.

73 Ainsi, le requérant soutient que, en exigeant de lui la démonstration d’aptitudes nouvelles compte tenu de développements futurs prévisibles, la décision attaquée serait en réalité fondée sur un remaniement de la fonction qu’il occupait, qui n’avait fait l’objet d’aucune décision de réorganisation, tandis que les nouveaux besoins de cette fonction n’étaient pas définis au moment de la décision relative au non-renouvellement de son contrat.

74 À cet égard, premièrement, en invoquant l’arrêt du 16 décembre 2020, VP/Cedefop (T‑187/18, non publié, EU:T:2020:613), le requérant fait valoir qu’Europol pouvait se référer à des réorganisations futures pour apprécier son intérêt de renouveler ou non le contrat d’un de ses agents uniquement dans l’hypothèse où lesdites réorganisations étaient prévisibles. Ainsi, la directrice exécutive, en décidant de ne pas renouveler le contrat du requérant pour une durée indéterminée au motif que d’autres
aptitudes étaient requises pour accomplir les tâches dévolues au futur chef du département [confidentiel], alors que le descriptif des fonctions afférentes à cet emploi n’avait pas encore été modifié, aurait commis une erreur.

75 Deuxièmement, le requérant fait valoir que la décision attaquée ne précise pas les aptitudes qui seront nécessaires pour occuper l’emploi de chef du département [confidentiel] dans le futur. En outre, selon lui, aucun document évoqué par Europol ne définit les nouvelles compétences que le prochain chef du département [confidentiel] devrait détenir.

76 Ainsi, il estime que ses aptitudes et ses compétences auraient dû être examinées pour vérifier s’il correspondait au profil du poste tel qu’il était désormais envisagé. En effet, Europol aurait dû évaluer les compétences et les aptitudes du requérant sur la base d’un processus ou d’un test et non sur la base des performances du profil du poste actuel.

77 Le requérant soutient, par ailleurs, qu’il avait démontré avoir les aptitudes et les compétences à présent recherchées ou, à tout le moins, qu’il avait su démontrer pendant toute sa carrière qu’il était parfaitement capable d’adapter son profil en fonction de ses compétences et vice versa.

78 Le requérant fait également valoir que l’avis de vacance publié le [confidentiel] comportait la description d’un poste analogue à celui qu’il occupait. À cet égard, il soutient que, lorsqu’il était en poste, la description de son poste n’avait jamais évolué malgré l’adaptation de ses fonctions.

79 Troisièmement, le requérant désapprouve le fait que le poste de chef du département [confidentiel] a été classé parmi les postes dits « restreints ». Il soutient que ce changement ne saurait valablement lui être opposé, puisque la modification du type de poste durant l’exercice des fonctions ne peut porter préjudice à l’agent qui occupe le poste en question. Or, ce changement, qui engendrerait une obligation de rotation des agents temporaires, aurait eu pour conséquence d’empêcher le requérant de
postuler du fait de la période de latence de trois ans.

80 Quatrièmement, le requérant invoque une inégalité de traitement et une violation de l’article 27 du statut. Il soutient que la personne engagée en [confidentiel] sur le poste de chef du département [confidentiel] ne disposait pas de compétences supplémentaires par rapport aux siennes et que son profil est analogue au sien. La seule différence entre cette personne et le requérant serait la nationalité. Le requérant ajoute que la sélection d’un agent [confidentiel] pour le poste de chef de
département [confidentiel] dans lequel deux chefs d’unité sont aussi [confidentiel] porterait atteinte à l’équilibre entre nationalités parmi les fonctionnaires et les agents et au principe posé par l’article 27 du statut.

81 Europol conteste les arguments du requérant.

82 À cet égard, il y a lieu, à titre liminaire, de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la possibilité de renouveler un contrat d’agent temporaire constitue une simple possibilité laissée à l’appréciation de l’autorité compétente, les institutions disposant d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services, en fonction des missions qui leur sont dévolues, et dans l’affectation, en vue de celles-ci, du personnel qui se trouve à leur disposition, à la condition que
cette affectation se fasse dans l’intérêt du service (voir arrêt du 10 octobre 2014, EMA/BU, T‑444/13 P, EU:T:2014:865, point 28 et jurisprudence citée).

83 Cette jurisprudence apparaît d’autant plus pertinente lorsqu’il s’agit de remplacer un contrat à durée déterminée par un contrat à durée indéterminée, qui crée un lien plus stable et sans limite de temps entre l’institution et l’agent concerné (arrêt du 26 janvier 2022, MN/Europol, T‑586/20, non publié, EU:T:2022:24, point 34).

84 L’organisation et le fonctionnement du service sont de la seule compétence de l’institution et c’est l’autorité hiérarchique qui est seule responsable de l’organisation des services. Il incombe à elle seule d’apprécier les besoins du service en affectant, en conséquence, le personnel qui se trouve à sa disposition (voir arrêt du 16 décembre 2020, VP/Cedefop, T‑187/18, non publié, EU:T:2020:613, point 104 et jurisprudence citée).

85 Ainsi, les institutions et les agences de l’Union ont la liberté de structurer leurs unités administratives en tenant compte d’un ensemble de facteurs, tels que la nature et l’ampleur des tâches qui leur sont dévolues et les possibilités budgétaires. Cette liberté implique celle de supprimer des emplois et de modifier l’attribution des tâches, dans l’intérêt d’une plus grande efficacité de l’organisation des travaux ou en vue de répondre à des exigences budgétaires de suppression de postes
imposées par les instances politiques de l’Union, de même que le pouvoir de réassigner des tâches précédemment exercées par le titulaire de l’emploi supprimé, sans que cette suppression de l’emploi soit nécessairement soumise à la condition que l’ensemble des tâches imposées soient effectuées par un nombre moins important de personnes qu’avant la réorganisation (voir arrêt du 16 décembre 2020, VP/Cedefop, T‑187/18, non publié, EU:T:2020:613, point 105 et jurisprudence citée).

86 Par ailleurs, à la différence des fonctionnaires, dont la stabilité d’emploi est garantie par le statut, les agents temporaires relèvent d’un autre régime à la base duquel se trouve le contrat d’emploi conclu avec l’institution concernée. Il ressort de l’article 47, paragraphe 1, sous b), du RAA que la durée de la relation de travail entre une institution et un agent temporaire engagé à durée déterminée est, précisément, régie par les conditions établies dans le contrat conclu entre les parties
(arrêt du 13 décembre 2018, Wahlström/Frontex, T‑591/16, non publié, EU:T:2018:938, point 46).

87 Toutefois, il convient de relever que, lorsqu’une administration a, par directive interne, adopté un régime spécifique, destiné en particulier à garantir la transparence du processus de renouvellement des contrats ainsi que l’application correcte de certaines conditions de procédure, ce régime s’analyse comme une autolimitation du pouvoir d’appréciation de l’institution, dont l’administration ne peut s’écarter, sous peine d’enfreindre le principe d’égalité de traitement, qu’en précisant
clairement les raisons pouvant justifier ce changement (arrêt du 26 septembre 2017, Hanschmann/Europol, T‑562/16, non publié, EU:T:2017:664, point 67).

88 Dans la présente affaire, en premier lieu, il convient de relever que la décision du 28 mars 2019, qui définit la politique générale d’Europol en matière de renouvellement des contrats, constitue une directive interne au sens de la jurisprudence citée au point 87 ci-dessus. En effet, cette décision a pour effet de mettre en place un régime spécifique qui subordonne le renouvellement des contrats pour une durée indéterminée à trois conditions cumulatives.

89 À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 4, paragraphe 3, de la décision du 28 mars 2019, le renouvellement du contrat pour une durée indéterminée est soumis à trois critères, à savoir, premièrement, le besoin continu du poste ou de la fonction, y compris à la lumière des développements futurs prévisibles, deuxièmement, les aptitudes et les compétences de l’agent et leur pertinence pour le poste ou la fonction occupé et, troisièmement, la performance constamment élevée de
l’agent concerné.

90 En l’espèce, il ressort, en substance, de la décision attaquée que, si le besoin continu du poste ainsi que la performance constamment élevée du requérant ne sont pas contestés, toutefois, ses aptitudes et ses compétences ainsi que leur pertinence pour le poste occupé sont en jeu à la lumière des développements futurs prévisibles.

91 Ainsi, Europol a fait, en l’espèce, une application des deux premiers critères, à savoir, d’une part, la nécessité continue du poste et de la fonction, à la lumière des développements futurs prévisibles, et, d’autre part, les aptitudes et les compétences de l’agent et leur pertinence pour la fonction occupée, et a constaté une inadéquation entre les aptitudes et les compétences du requérant et les développements futurs prévisibles en matière de [confidentiel].

92 Il convient d’examiner si une telle application contestée par le requérant est, comme il l’affirme en substance, injustifiée et incohérente.

93 Premièrement, il y a lieu de considérer que, dans l’intérêt du service, Europol, avant de prendre la décision sur le renouvellement du contrat, devait, de façon responsable, évaluer les futurs changements et les évolutions prévisibles.

94 En l’espèce, d’une part, Europol, en tenant compte des nombreux documents stratégiques de programmation relatifs à son activité, a considéré que le département [confidentiel] devait exercer des activités opérationnelles et non plus seulement des activités de support aux activités opérationnelles des autres départements, de sorte que le chef du département [confidentiel] devait posséder des compétences supplémentaires.

95 D’autre part, Europol, après avoir évalué les aptitudes et les compétences du requérant, en tenant compte du dossier personnel et des commentaires de celui-ci, soumis dans le cadre de la procédure de renouvellement du contrat, a considéré qu’elles ne correspondaient pas aux développements futurs en matière de [confidentiel].

96 Deuxièmement, si, ainsi que le soutient le requérant, les critères fixés à l’article 4, paragraphe 3, de la décision du 28 mars 2019 devaient être appliqués de manière totalement autonome, une telle application pourrait conduire à une situation dans laquelle Europol devrait renouveler le contrat d’un agent, alors même que ses compétences ne correspondraient pas aux exigences, raisonnablement prévisibles dans le futur, du poste occupé, ce qui serait manifestement contraire à l’intérêt du service
et à l’objectif de la procédure prévue par ledit article.

97 Ainsi, à la lumière de ces remarques, et compte tenu du large pouvoir d’appréciation de l’AHCC en matière de renouvellement des contrats à durée déterminée par des contrats à durée indéterminée, il n’apparaît pas qu’il puisse être reproché à Europol d’avoir commis une erreur de droit dans l’application des critères d’évaluation du candidat au renouvellement du contrat.

98 En deuxième lieu, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, celle-ci n’est pas fondée sur une réorganisation future de l’agence, mais sur le fait que les aptitudes et les compétences du requérant ne correspondaient pas au profil du poste à la lumière des développements futurs et prévisibles de celui-ci.

99 Le poste de chef du département [confidentiel] a été maintenu dans l’organigramme d’Europol, mais les besoins du poste correspondant à de nouvelles compétences ont été redéfinis, de sorte que ledit poste exige des compétences additionnelles, sans toutefois faire l’objet d’une suppression ou d’une réorganisation.

100 Ainsi, l’arrêt du 16 décembre 2020, VP/Cedefop (T‑187/18, non publié, EU:T:2020:613), par lequel la décision de non-renouvellement du contrat d’un agent a été annulée au motif que ladite décision était fondée sur une réorganisation future, alors qu’aucune décision concrète n’avait été adoptée à cet égard, ne saurait trouver à s’appliquer en l’espèce.

101 En troisième lieu, s’agissant de l’argument pris de ce que la décision attaquée ne précise pas les aptitudes nécessaires pour occuper l’emploi de chef du département [confidentiel] dans le futur, il doit être rappelé que, dans la décision attaquée, l’AHCC a précisé que [confidentiel] sont des compétences cruciales et que la « capacité de conduire [confidentiel] sera primordiale pour le chef du département [confidentiel] ».

102 En outre, il ressort de différentes pièces du dossier, tant de nature stratégique, telles que la stratégie d’Europol 2020+, que de nature programmatique, notamment la documentation de programmation d’Europol et en particulier celle de la période 2020-2022, y compris les responsabilités attribuées à Europol dans le cadre du programme d’interopérabilité de l’Union, auxquels le requérant, en sa qualité de chef de département [confidentiel], a contribué et qu’il ne pouvait ignorer, que les
discussions sur ces besoins futurs en matière de [confidentiel] ont été entamées en 2019.

103 Dans ce contexte, la décision attaquée ainsi que les précisions apportées dans la lettre d’information du 5 mai 2020 et les documents accessibles au requérant, tels que la stratégie d’Europol 2020+, la feuille de route d’Europol pour l’interopérabilité, le document de programmation d’Europol 2020-2022, le projet de document de programmation 2021-2023, le rapport d’Europol aux intervenants externes, le plan d’Europol d’interopérabilité de l’Union et les rapports d’Europol sur la mise en œuvre de
la stratégie d’Europol 2020+, ont nécessairement permis à celui-ci de comprendre les aptitudes et les compétences recherchées pour le poste de chef du département [confidentiel].

104 Quant à l’allégation selon laquelle Europol aurait dû évaluer les compétences et les aptitudes du requérant sur la base d’un processus ou d’un test, il y a lieu de relever qu’un tel test n’est pas prévu dans la décision du 28 mars 2018 qui définit la procédure de renouvellement des contrats. Les compétences et les aptitudes de l’agent sont examinées par le directeur exécutif en tenant compte des résultats obtenus par l’agent, de son dossier personnel, y compris son curriculum vitae et les
commentaires soumis dans le cadre de la procédure de renouvellement, procédure à laquelle l’AHCC s’est conformée en l’espèce. La mise en œuvre d’une procédure supplémentaire, sous la forme d’un test ou d’un entretien demandé par le requérant, aurait méconnu les termes de la décision du 28 mars 2018 et aurait été susceptible d’emporter une violation du principe d’égalité de traitement.

105 En quatrième lieu, concernant le classement du poste de chef du département [confidentiel] parmi les postes dits « restreints », il suffit de constater que ce changement, en l’espèce, a eu lieu après l’adoption de la décision attaquée et ne saurait, partant, avoir une quelconque incidence sur sa légalité. Dès lors, la question de savoir si ledit changement était opposable ou non au requérant est dénuée de pertinence.

106 En cinquième lieu, en ce qui concerne le grief selon lequel la personne nouvellement engagée en qualité de chef du département [confidentiel] ne disposerait pas de compétences supplémentaires par rapport à celles du requérant, il y a lieu de relever que ces allégations se fondent sur sa perception personnelle d’informations accessibles publiquement. Or, ainsi que le soutient Europol, ces informations ne peuvent pas remplacer un dossier de candidature dans le cadre d’une procédure de sélection.

107 Quant à l’allégation du requérant selon laquelle la nomination d’un agent [confidentiel] au poste de chef du département [confidentiel] dans lequel deux autres chefs d’unité sont aussi [confidentiel] porterait atteinte à l’article 27 du statut, force est de constater que le candidat retenu pour le poste de chef du département [confidentiel] est de nationalité [confidentiel] tandis que deux autres chefs d’unité sont de nationalité [confidentiel].

108 Ainsi, fautes d’autres preuves, il n’apparaît pas que, en nommant comme chef du département [confidentiel] un agent [confidentiel], de nationalité [confidentiel], alors que deux chefs d’unité de ce département détiennent la nationalité [confidentiel], Europol ait méconnu l’article 27 du statut qui impose, notamment, aux agences de l’Union de recruter leur personnel sur une base géographique la plus large possible parmi les ressortissants des États membres de l’Union et qui leur interdit de
réserver des emplois aux ressortissants d’un État membre déterminé.

109 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

110 Dans le cadre du quatrième moyen, le requérant soutient que ses expériences professionnelles, ses aptitudes et sa capacité de s’adapter en fonction des besoins démontrent qu’il possède les qualités requises pour occuper le poste de chef du département [confidentiel] et que la directrice exécutive a donc commis une erreur manifeste d’appréciation quant à ses capacités d’exécuter ses tâches à la lumière des développements futurs et prévisibles du poste de chef du département [confidentiel].

111 En outre, le requérant rappelle qu’il n’avait pas connaissance des nouveaux besoins de l’organisation, dans la mesure où les compétences requises ne faisaient pas partie des exigences ou des descriptions du poste disponible.

112 En tout état de cause, le requérant n’aurait pas fait l’objet d’un traitement égal à l’égard des autres candidats au poste de chef du département [confidentiel] concernant les modalités d’évaluation de ses aptitudes.

113 Europol conteste l’argumentation du requérant.

114 À titre liminaire, il convient de relever que, même si l’administration dispose d’un large pouvoir d’appréciation lors du renouvellement d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, ainsi qu’il ressort des points 82 et 83 ci-dessus, le Tribunal, saisi d’un recours en annulation dirigé contre un acte adopté dans l’exercice d’un tel pouvoir, n’en exerce pas moins un contrôle de légalité, lequel se manifeste à plusieurs égards. S’agissant d’une demande d’annulation d’une
décision de non-renouvellement d’un contrat d’agent temporaire, laquelle constitue un acte faisant grief, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à la vérification de l’absence d’erreur de droit, d’erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation de l’intérêt du service ayant pu justifier cette décision, de détournement de pouvoir ainsi qu’à l’absence d’atteinte au devoir de sollicitude qui pèse sur une administration lorsqu’elle est appelée à se prononcer sur la reconduction d’un
contrat qui la lie à l’un de ses agents. En outre, le Tribunal contrôle si l’administration a commis des irrégularités procédurales ou des inexactitudes matérielles (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2018, Wahlström/Frontex, T‑591/16, non publié, EU:T:2018:938, point 47).

115 Par ailleurs, une erreur peut seulement être qualifiée de manifeste lorsqu’elle est aisément perceptible et peut être détectée à l’évidence, à l’aune des critères auxquels l’exercice du pouvoir décisionnel en question est subordonné. En conséquence, afin d’établir que l’administration a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits qui soit de nature à justifier l’annulation d’une décision, les éléments de preuve, qu’il incombe à la partie requérante d’apporter, doivent être
suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut être admise comme étant toujours vraie ou valable (voir arrêt du 15 décembre 2021, HB/BEI, T‑689/20, non publié, EU:T:2021:891, point 37 et jurisprudence citée).

116 C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner les arguments avancés par le requérant à l’appui du quatrième moyen.

117 En l’espèce, la décision attaquée est fondée sur le motif que les aptitudes et les compétences du requérant ne répondaient pas aux besoins d’Europol pour le poste de chef du département [confidentiel] à la lumière des développements futurs prévisibles.

118 En premier lieu, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel ses résultats, son expérience et sa capacité d’adaptation démontrent qu’il possédait les aptitudes et les compétences requises pour occuper le poste de chef du département [confidentiel], il y a lieu de relever qu’Europol ne conteste ni les performances élevées du requérant ni sa capacité d’adaptation. Le motif ayant justifié le non-renouvellement du contrat du requérant réside dans l’inadéquation du profil du requérant aux
besoins futurs d’Europol, à savoir au regard d’une capacité désormais exigée [confidentiel]. Il en ressort que de nouveaux besoins et domaines d’expertises supplémentaires ont été identifiés et que, selon Europol, les compétences du requérant ne sont pas suffisantes pour y répondre.

119 Si le requérant déclare détenir les compétences et les aptitudes nouvellement identifiées, il reste en défaut de préciser ces compétences et, de ce fait, de démontrer que son expérience au sein d’Europol ou son expérience antérieure pourrait répondre au besoin d’Europol de disposer d’une personne bénéficiant d’une capacité de [confidentiel] et encore [confidentiel].

120 En outre, si le requérant soutient que la description de poste dans l’avis de vacance publié le 7 janvier 2021 ne comprenait aucune compétence complémentaire par rapport à ses tâches, le Tribunal constate néanmoins que, à la suite du non-renouvellement du contrat du requérant, Europol a publié un avis de vacance pour pourvoir le poste de chef du département [confidentiel], dans lequel plusieurs tâches ne faisaient pas partie des fonctions du requérant, notamment celles de [confidentiel].

121 Il en résulte que les tâches confiées au requérant au sein d’Europol ne correspondaient pas aux exigences futures et prévisibles requises par le poste de chef du département [confidentiel], et que le requérant demeure en défaut d’établir une erreur manifeste d’appréciation de la part d’Europol quant au fait qu’il ne détenait pas les compétences nécessaires pour occuper ce poste dans le futur, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée.

122 En second lieu, quant aux arguments du requérant selon lesquels les nouveaux besoins de l’organisation ne lui étaient pas connus, il y a lieu de renvoyer à l’appréciation des premier et deuxième moyens, en soulignant que les développements futurs en matière de technologies de l’information et de la communication ont été clairement identifiés dans de nombreux documents stratégiques à l’élaboration desquels le requérant a été associé et sur lesquels il a eu la possibilité de présenter ses
observations à deux reprises dans le cadre de la procédure de renouvellement et de décrire celles de ses aptitudes qui n’auraient pas été reprises dans son dossier personnel.

123 Au vu de ce qui précède, le requérant ne soumet pas d’éléments suffisants de nature à priver de plausibilité les appréciations retenues par Europol quant à l’inadéquation de son profil aux nouveaux besoins du service, conformément à la jurisprudence citée au point 115 ci-dessus.

124 Par conséquent, il ne ressort pas du dossier qu’Europol aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que le requérant ne disposait pas des aptitudes et des compétences en adéquation avec ses nouveaux besoins. Dès lors, le quatrième moyen du requérant doit être écarté.

[omissis]

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

  1) Le recours est rejeté.

  2) QM est condamné aux dépens.

da Silva Passos

Valančius

  Sampol Pucurull

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 novembre 2022.

Signatures

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( *1 ) Langue de procédure : le français.

( 1 ) Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.


Synthèse
Formation : Septième chambre
Numéro d'arrêt : T-164/21
Date de la décision : 09/11/2022
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Fonction publique – Agents temporaires – Non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée pour une durée indéterminée – Intérêt du service – Erreur de droit – Erreur manifeste d’appréciation – Droit d’être entendu – Principe de bonne administration – Devoir de sollicitude.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : QM
Défendeurs : Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Valančius

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2022:695

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award