ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)
22 juin 2022 ( *1 )
« Politique économique et monétaire – Surveillance prudentielle des établissements de crédit – Missions spécifiques de surveillance confiées à la BCE – Décision de retrait de l’agrément d’un établissement de crédit – Infraction grave aux dispositions nationales de transposition de la directive 2005/60/CE – Proportionnalité – Infraction à la législation sur la gouvernance des établissements de crédit – Droits de la défense – Erreur manifeste d’appréciation – Droit à une protection juridictionnelle
effective »
Dans l’affaire T‑797/19,
Anglo Austrian AAB AG, anciennement Anglo Austrian AAB Bank AG, établie à Vienne (Autriche),
Belegging-Maatschappij “Far-East” BV, établie à Velp (Pays-Bas),
représentées par Mes M. Ketzer et O. Behrends, avocats,
parties requérantes,
contre
Banque centrale européenne (BCE), représentée par Mmes C. Hernández Saseta, E. Yoo et M. V. Hümpfner, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie),
composé de M. S. Papasavvas, président, Mmes M. J. Costeira (rapporteure), M. Kancheva, M. B. Berke et Mme T. Perišin, juges,
greffier : M. E. Coulon,
vu la phase écrite de la procédure,
vu la décision du 19 décembre 2019 de la présidente de la neuvième chambre de faire droit à la demande de faire juger l’affaire en priorité,
vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,
vu l’ordonnance du 7 février 2020, Anglo Austrian AAB Bank et Belegging-Maatschappij « Far-East »/BCE (T 797/19 R, non publiée, EU:T:2020:37), par laquelle le président du Tribunal a rejeté la demande des requérantes tendant au sursis à l’exécution de la décision attaquée,
vu l’ordonnance du 17 décembre 2020, Anglo Austrian AAB et Belegging-Maatschappij « Far-East »/BCE [C 114/20 P(R), non publiée, EU:C:2020:1059], par laquelle la vice-présidente de la Cour a rejeté le pourvoi contre cette ordonnance,
vu l’ordonnance du 15 avril 2020, Anglo Austrian AAB Bank et Belegging-Maatschappij « Far-East »/BCE, par laquelle le président du Tribunal a rejeté une deuxième demande de sursis à l’exécution de la décision attaquée, introduite par les requérantes conformément à l’article 160 du règlement de procédure du Tribunal,
vu l’ordonnance du 17 décembre 2020, Anglo Austrian AAB et Belegging-Maatschappij « Far-East »/BCE [C 207/20 P(R), non publiée, ECLI :EU:C:2020:1057], par laquelle la vice-présidente de la Cour a rejeté le pourvoi contre cette ordonnance,
rend le présent
Arrêt
1 Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Anglo Austrian AAB AG, anciennement Anglo Austrian AAB Bank AG (ci‑après « AAB Bank »), et Belegging-Maatschappij “Far-East” BV (ci‑après l’« actionnaire »), demandent l’annulation de la décision ECB-SSM-2019-AT 8 WHD-2019 0009 de la Banque centrale européenne (BCE), du 14 novembre 2019, par laquelle celle-ci a retiré l’agrément d’AAB Bank pour l’accès aux activités d’un établissement de crédit (ci-après la « décision attaquée »).
I. Antécédents du litige
2 La première requérante, AAB Bank, était un établissement de crédit moins important établi en Autriche au sens de l’article 6, paragraphe 4, du règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la BCE des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63). Elle exerçait ses activités en vertu d’un agrément délivré au titre du Bundesgesetz über das Bankwesen (Bankwesengesetz) (loi bancaire
autrichienne, ci‑après le « BWG »).
3 La seconde requérante, l’actionnaire, est une société de participation financière qui détient 99,99 % des actions d’AAB Bank.
4 Le 26 avril 2019, l’Österreichische Finanzmarktbehörde (autorité autrichienne de surveillance des marchés financiers, Autriche, ci‑après la « FMA ») a soumis à la BCE un projet de décision visant à retirer l’agrément d’AAB Bank en tant qu’établissement de crédit, conformément à l’article 80, paragraphe 1, du règlement (UE) no 468/2014 de la BCE, du 16 avril 2014, établissant le cadre de la coopération au sein du mécanisme de surveillance unique entre la BCE, les autorités compétentes nationales et
les autorités désignées nationales (le « règlement-cadre MSU »)(JO 2014, L 141, p. 1).
5 Par lettre du 14 juin 2019, la BCE a transmis à AAB Bank un projet de décision de retrait d’agrément, sur lequel cette dernière a pris position le 23 juillet 2019.
6 Par la décision attaquée, la BCE a retiré à AAB Bank son agrément en tant qu’établissement de crédit, avec effet à la date de notification de ladite décision.
7 En substance, la BCE a estimé que, sur la base des constats de la FMA, effectués dans le cadre de l’exercice de sa mission de surveillance prudentielle, relatifs à l’inobservation continue et répétée des exigences relatives à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, ainsi qu’à la gouvernance interne par AAB Bank, celle-ci n’était pas apte à assurer une gestion saine de ses risques.
8 Partant, la BCE a considéré que les critères justifiant le retrait de l’agrément d’AAB Bank pour l’accès aux activités d’un établissement de crédit, prévus à l’article 18, sous f), de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE
et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338) et transposés en droit autrichien étaient remplis, dès lors que celle-ci avait commis des violations de l’article 67, paragraphe 1, sous d) et o), de cette directive tel que transposé en droit autrichien, et que ce retrait était proportionné.
9 En outre, la BCE a refusé de suspendre les effets de la décision attaquée pour une période de trente jours au motif que les observations d’AAB Bank n’étaient pas de nature à mettre en doute la légalité de cette décision, que celle-ci n’était pas susceptible de causer un dommage irréparable et que l’intérêt public visant à protéger les déposants, les investisseurs et les autres partenaires d’AAB Bank ainsi que la stabilité du système financier justifiait l’application immédiate de la décision.
II. Procédure et conclusions des parties
10 Par décision du président du Tribunal du 18 mai 2021, un membre de la neuvième chambre élargie ayant été empêché de siéger, le président du Tribunal a désigné un autre juge pour compléter la chambre.
11 À la suite du décès du juge Berke survenu le 1er août 2021, les trois juges dont le présent arrêt porte la signature ont poursuivi les délibérations, conformément à l’article 22 et à l’article 24, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.
12 Par décision du président du Tribunal du 13 août 2021, la présente affaire a été attribuée à une nouvelle juge rapporteure, siégeant dans la neuvième chambre.
13 Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner la BCE aux dépens.
14 La BCE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– déclarer le recours irrecevable en ce qu’il est introduit par l’actionnaire ;
– condamner les requérantes aux dépens.
III. En droit
A. Sur la recevabilité du recours en tant qu’il a été introduit par l’actionnaire
15 Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130 du règlement de procédure, la BCE soutient que, en application de la jurisprudence de la Cour, le recours de l’actionnaire est irrecevable au motif qu’il n’est pas affecté directement par la décision attaquée.
16 À cet égard, il convient de relever que les actionnaires d’un établissement de crédit dont l’agrément pour l’accès aux activités d’un établissement de crédit a été retiré ne sont pas directement concernés par la décision de retrait d’agrément (voir, en ce sens, arrêt du 5 novembre 2019, BCE e.a./Trasta Komercbanka e.a., C‑663/17 P, C‑665/17 P et C‑669/17 P, EU:C:2019:923, points 107 à 115 et 119).
17 Partant, le recours est irrecevable en tant qu’il a été introduit par l’actionnaire.
B. Sur le fond
18 À l’appui de son recours, AAB Bank invoque cinq moyens.
19 Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013, en ce que la BCE aurait fait une application erronée du droit national. Le deuxième moyen est tiré d’une violation du principe de proportionnalité. Le troisième moyen est tiré d’une violation de l’article 34 du règlement no 468/2014, lu à la lumière du droit à une protection juridictionnelle effective découlant du refus de la BCE de suspendre l’application
de la décision attaquée. Le quatrième moyen est tiré d’une violation des droits de la défense d’AAB Bank. Le cinquième moyen est tiré d’une violation du droit de propriété de l’actionnaire.
1. Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013, en ce que la BCE aurait fait une application erronée du droit national
20 Au soutien de ce moyen, AAB Bank fait valoir, en substance, que les conditions prévues pour le retrait d’un agrément par le droit de l’Union à l’article 4, paragraphe 1, sous a), et à l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013, à l’article 83 du règlement no 468/2014 ainsi qu’à l’article 18, sous f), et à l’article 67, paragraphe 1, sous d) et o), de la directive 2013/36 et par les dispositions de droit autrichien applicables transposant ces derniers n’étaient pas réunies en l’espèce
et que la BCE a adopté la décision attaquée sans avoir la compétence pour adopter une telle décision.
21 Ce moyen se divise en deux branches.
a) Sur la première branche du premier moyen, tirée de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013, en ce que les critères justifiant le retrait de l’agrément prévus par l’article 18, sous f), et par l’article 67, sous d) et o), de la directive 2013/36, tels que transposés en droit autrichien, n’étaient pas remplis
22 Par la première branche du premier moyen, AAB Bank soutient, en substance, que les conditions prévues à l’article 4, paragraphe 1, sous a), et à l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013, à l’article 83 du règlement no 468/2014 et à l’article 70, paragraphe 4, du BWG qui transpose l’article 18 de la directive 2013/36, ainsi que celles énoncées à l’article 67 de ladite directive, n’étaient pas remplies, dans la mesure où elle n’avait pas été déclarée responsable d’une infraction grave
au sens de cette dernière disposition, conformément aux articles 34 et suivants du Bundesgesetz zur Verhinderung der Geldwäsche und Terrorismusfinanzierung im Finanzmarkt (loi fédérale relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme sur les marchés financiers, ci-après le « FM‑GwG ») adoptés en vertu de la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 2005, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du
blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme (JO 2005, L 309, p. 15) [devenue directive 2015/849/UE du Parlement Européen et du Conseil, du 20 mai 2015, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) no 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive [2005/60] et la directive 2006/70/CE de la Commission (JO 2015, L 141, p. 73)]. À cet égard, AAB Bank
fait grief à la BCE, d’une part, d’avoir considéré à tort qu’elle avait été déclarée responsable d’infractions graves à la législation nationale de transposition de la directive 2005/60 (devenue directive 2015/849) et, d’autre part, d’avoir violé son obligation de motivation en ce qui concerne les dispositions sur lesquelles la BCE s’est fondée pour constater que les infractions présumées à la législation sur la lutte contre le blanchiment justifiaient un retrait d’agrément.
23 La BCE conteste cette argumentation.
24 Dans la décision attaquée, la BCE a considéré que AAB Bank avait été déclarée responsable d’infractions graves aux dispositions nationales adoptées en vertu de la directive 2005/60 (devenue directive 2015/849), au sens de l’article 67, paragraphe 1, sous o), de la directive 2013/36, justifiant le retrait de son agrément en vertu de l’article 18, sous f), de ladite directive, tel que transposé par l’article 70, paragraphe 4, du BWG.
25 En particulier, elle a estimé qu’AAB Bank avait violé l’article 39, paragraphe 2 et paragraphe 2b, cinquième et onzième alinéa, du BWG, ainsi que l’article 6, paragraphes 1, 2 à 4, 6 et 7, l’article 7, paragraphe 7, l’article 9, l’article 23, paragraphe 3, et l’article 29 du FM-GwG.
26 Après avoir relevé que la nature, le nombre et la fréquence des mesures de surveillance contraignantes, telles que les ordres formels, qui ont dû être adoptés par la FMA accentuaient la gravité des violations constatées et le fait qu’elles s’inscrivaient sur une longue durée, la BCE a cité notamment au soutien de ses conclusions :
– le rapport de la Oesterreichische Nationalbank (Banque nationale, Autriche) lors d’une inspection sur place du 22 janvier 2010, au cours de laquelle celle-ci avait constaté des déficiences importantes dans le dispositif contre le blanchiment d’AAB Bank ;
– le rapport de la FMA après l’inspection sur place du 11 juillet 2013 constatant 38 carences ou violations de la législation relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ;
– le rapport du 24 mars 2015 constatant des irrégularités dans 18 sur 20 des cas tests dont les conclusions ont ensuite été confirmées par une décision juridictionnelle définitive ;
– l’ordre formel de la FMA du 18 août 2015 par lequel elle enjoignait à AAB Bank d’appliquer les dispositions contre le blanchiment de 2008 à tous ses clients ;
– la sanction adoptée le 14 septembre 2016 par la FMA pour infraction, à un niveau individuel et systémique, aux exigences juridiques en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ;
– l’arrêt du Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral, Autriche) du 7 février 2019, portant la référence W230 2138107-1/37E, confirmant la sanction de la FMA du 14 septembre 2016 tout en réduisant son montant ;
– l’ordonnance du Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche), du 15 mai 2019, portant la référence Ro 2019/02/0006-3, rejetant le recours d’AAB Bank contre l’arrêt du Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral) du 7 février 2019 ;
– l’arrêt du Landesgericht für Zivilrechtssachen Wien (tribunal régional aux affaires civiles de Vienne, Autriche) du 23 février 2017, portant la référence 33 Cg 716s 18, dans lequel il a été indiqué que, « [d]ans le cas de neuf transactions de crédit back-to-back avec d’autres banques examinées en détail par la FMA ou les commissaires aux comptes extérieurs, il a été constaté que ces neuf transactions étaient entachées de graves violations des dispositions applicables » ;
– l’ordre formel du 24 octobre 2018 de la FMA constatant de nombreuses violations de la législation par AAB Bank dans ses relations avec Meinl Bank Antigua Ltd, notamment le fait que, après avoir annoncé que les comptes de Meinl Bank Antigua étaient gelés, AAB Bank aurait permis de procéder à des transferts à partir de son compte principal d’un montant de 19,5 millions d’euros et ne disposait d’aucune documentation appropriée sur ses relations commerciales ;
– le rapport de la FMA du 17 janvier 2019 établi après l’inspection sur place de 2018 (ci-après le « rapport de la FMA sur la quatrième inspection ») constatant 22 carences ou violations des dispositions légales dont certaines concernaient Meinl Bank Antigua ;
– la procédure lancée par la FMA le 7 juin 2019 pour rétablir la conformité légale concernant les 15 conclusions restantes de son rapport sur la quatrième inspection, sur lequel AAB Bank avait présenté des observations prises en compte dans la décision attaquée pour constater, en substance, que la majorité des violations étaient toujours en cours ;
– des rapports d’audit d’AAB Bank et certains éléments factuels recueillis pendant la procédure administrative.
1) Sur le premier grief, tiré d’une violation de l’article 18, sous f), de la directive 2013/36 et de l’article 67, paragraphe 1, sous o), de la directive 2013/36, tels que transposés en droit autrichien, en ce qu’AAB Bank n’aurait pas été déclarée responsable d’infractions graves à la législation nationale de transposition de la directive 2005/60 (devenue directive 2015/849)
27 Selon AAB Bank, en substance, les décisions mentionnées dans la décision attaquée ne permettaient pas de considérer qu’elle avait été déclarée responsable d’infractions graves au BWG ou au FM-GwG, car les manquements qui lui étaient reprochés dans ces décisions étaient anciens, prescrits ou n’étaient pas graves ou avaient été corrigés, et car ils n’avaient pas été constatés dans des décisions ayant autorité de chose jugée.
28 La BCE conteste ce grief.
29 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1024/2013 et sous réserve de l’article 14 de ce même règlement, la BCE est seule compétente, au titre des missions qui lui sont confiées par ledit règlement, pour agréer les établissements de crédit établis dans les États membres participant au mécanisme de surveillance unique et retirer les agréments auxdits établissements.
30 Aux termes de l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013, la BCE peut retirer l’agrément de sa propre initiative dans les cas prévus par le droit applicable de l’Union, après consultation de l’autorité compétente nationale de l’État membre participant où l’établissement de crédit est établi, ou sur proposition de cette autorité compétente nationale.
31 Par ailleurs, l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1024/2013 dispose que, aux fins de l’accomplissement des missions qui lui sont confiées par ce règlement, et en vue d’assurer des normes de surveillance de niveau élevé, la BCE applique toutes les dispositions pertinentes du droit de l’Union et, lorsque celui-ci comporte des directives, le droit national transposant ces directives.
32 Il en résulte que la BCE est tenue, aux fins de l’accomplissement de la mission qui lui est confiée par l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1024/2013, d’appliquer, outre les dispositions dudit règlement, les dispositions de droit national transposant la directive 2013/36 lues à la lumière de cette directive.
33 Il convient également de rappeler que l’article 18, sous f), de la directive 2013/36 prévoit que les autorités compétentes peuvent retirer l’agrément accordé lorsqu’un établissement de crédit commet l’une des infractions visées à l’article 67, paragraphe 1, de cette directive.
34 L’article 67, paragraphe 1, sous o), de la directive 2013/36 vise l’hypothèse dans laquelle un établissement de crédit a été déclaré responsable d’une infraction grave aux dispositions nationales adoptées en vertu de la directive 2005/60.
35 En ce qui concerne les mesures nationales de transposition de la directive 2013/36 invoquées par AAB Bank, il ressort de l’article 70, paragraphe 4, du BWG que, lorsqu’un établissement de crédit enfreint, notamment, les dispositions du BWG ou des actes pris pour son application, la FMA doit :
« […] 3. révoquer l’agrément de l’établissement de crédit dans les cas où d’autres mesures énoncées dans le BWG ne peuvent pas assurer le fonctionnement de l’établissement de crédit »
36 En outre, aux termes de l’article 31, paragraphe 3, deuxième alinéa, du FM‑GwG :
« En cas de manquement aux obligations visées à l’article 34 paragraphes 2 et 3 [du FM‑GwG ], la FMA peut […] révoquer l’agrément accordé par la FMA […] »
37 Les obligations visées à l’article 34, paragraphes 2 et 3, du FM‑GwG visent à transposer les dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment de la directive 2005/60 (devenue directive 2015/849) et renvoient, notamment, aux violations graves, répétées ou systématiques de l’article 6, paragraphes 1, 2 à 4, 6 et 7, de l’article 7, paragraphe 7, de l’article 9, de l’article 23, paragraphe 3, et de l’article 29 du FM-GwG.
38 En l’espèce, la BCE a estimé, dans la décision attaquée, qu’il ressortait notamment des décisions de la FMA et des arrêts des juridictions autrichiennes qu’AAB Bank ne disposait pas d’une procédure appropriée de gestion des risques aux fins de la prévention du blanchiment de capitaux depuis 2010, et au moins jusqu’en 2019, en violation de l’article 39, paragraphe 2, du BWG, lu conjointement avec l’article 39, paragraphe 2b, onzième alinéa, du BWG, et qu’il ressortait également de ces décisions et
arrêts nationaux qu’AAB Bank avait été déclarée responsable de violations graves, répétées ou systématiques de l’article 6, paragraphes 1, 2 à 4, 6 et 7, l’article 7, paragraphe 7, l’article 9, l’article 23, paragraphe 3, et l’article 29 du FM-GwG.
i) Sur l’argument selon lequel un établissement de crédit doit avoir été déclaré responsable d’une infraction grave dans une décision juridictionnelle récente et ayant autorité de chose jugée
39 Il importe de rappeler, premièrement, que la FMA est compétente, en vertu du droit autrichien, pour adopter des décisions constatant et sanctionnant une violation des dispositions du BWG et du FM-GwG adoptées pour mettre en œuvre la directive 2005/60 (devenue directive 2015/849).
40 Il s’ensuit que la FMA peut adopter des décisions administratives déclarant un établissement de crédit responsable d’une infraction grave, répétée ou systématique, au sens de l’article 34, paragraphe 2, du FM-GwG qui transpose l’article 67, paragraphe 1, sous o), de la directive 2013/36.
41 Selon AAB Bank, les sanctions pour infractions graves au sens de l’article 34, paragraphe 2, du FM-GwG ne peuvent être infligées qu’au titre du droit pénal administratif ou du droit pénal et doivent être constatées dans le cadre d’une procédure juridictionnelle par une décision ayant force de chose jugée.
42 Toutefois, d’une part, il résulte de l’article 39, paragraphe 2, de la directive 2005/60 (devenu article 58, paragraphe 2, de la directive 2015/849) que, dans le contexte de la transposition de cette directive, les États membres, sans préjudice de leur droit d’imposer des sanctions pénales, doivent prévoir, dans leur législation, des sanctions administratives appropriées qui puissent être prises à l’encontre des établissements de crédit qui violent des dispositions nationales adoptées
conformément à ladite directive.
43 Ainsi, les infractions graves auxquelles se réfère l’article 34, paragraphe 2, du FM-GwG, lu à la lumière de l’article 39, paragraphe 2, de la directive 2005/60, peuvent déclencher l’application tant de sanctions pénales que de sanctions administratives, la nature de la sanction (pénale ou administrative) n’étant pas déterminante pour qualifier l’infraction de « grave ».
44 D’autre part, s’agissant de la nature de la décision qui constate l’infraction, dans l’hypothèse dans laquelle le constat et la sanction de la violation des dispositions en cause relève de la compétence d’une autorité administrative, considérer, ainsi que le soutient AAB Bank, que la commission d’infractions graves en violation de ces dispositions ne peut être constatée que par des décisions juridictionnelles ayant autorité de chose jugée reviendrait à faire dépendre l’application de
l’article 31, paragraphe 3, deuxième alinéa, du FM‑GwG et de l’article 34 paragraphes 2 et 3, du FM‑GwG, du choix de l’établissement concerné d’introduire ou non un recours contre les décisions de cette autorité.
45 Deuxièmement, il ressort de la jurisprudence relative aux actes des institutions de l’Union européenne qu’une décision qui n’a pas été attaquée par son destinataire dans les délais devient définitive à son égard (voir, en ce sens, arrêts du 12 octobre 2007, Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, T‑474/04, EU:T:2007:306, point 37, et du 8 mai 2019, Lucchini/Commission, T‑185/18, non publié, EU:T:2019:298, point 38).
46 Il découle également de la jurisprudence relative aux actes des institutions de l’Union que la culpabilité d’une personne accusée d’une infraction peut être considérée comme définitivement établie lorsque la décision constatant cette infraction est devenue définitive (voir, en ce sens, arrêt du 12 octobre 2007, Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, T‑474/04, EU:T:2007:306, point 76).
47 Cette jurisprudence doit être appliquée, par analogie, aux décisions des autorités administratives nationales constatant une violation des dispositions nationales relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme telles que la FMA.
48 Un établissement de crédit peut donc être déclaré responsable d’infractions graves au sens de l’article 34 paragraphes 2 et 3, du FM‑GwG, lu à la lumière de l’article 67, paragraphe 1, sous o), de la directive 2013/36, sur le fondement de décisions administratives.
49 Certes, ainsi que le fait valoir AAB Bank, la Cour a déjà jugé qu’une exclusion du marché par la déchéance de la concession d’un opérateur de jeux de hasard soupçonné, sur le fondement d’indices probants, d’être impliqué dans des activités criminelles devrait, en principe, être considérée comme proportionnée à l’objectif de lutte contre la criminalité seulement si elle était fondée sur un jugement ayant autorité de chose jugée et concernant un délit suffisamment grave (arrêt du 16 février 2012,
Costa et Cifone, C‑72/10 et C‑77/10, EU:C:2012:80, point 81).
50 Toutefois, compte tenu de l’importance des règles prudentielles visant à lutter contre le blanchiment et le financement du terrorisme, mais aussi de la responsabilité particulière des établissements de crédit à cet égard et de la nécessité de tirer au plus vite les conséquences de la commission d’infractions à ces règles, il y a lieu de considérer qu’une décision administrative déclarant un établissement de crédit responsable d’infractions graves aux dispositions nationales adoptées en vertu de
la directive 2005/60 (devenue directive 2015/849) au sens de l’article 34 paragraphes 2 et 3, du FM‑GwG est suffisante pour justifier un retrait d’agrément.
51 Au regard de ce qui précède, contrairement à ce que fait valoir AAB Bank, il ne saurait être reproché à la BCE d’avoir conclu qu’AAB Bank avait été déclarée responsable d’infractions graves dans des décisions non juridictionnelles et n’ayant pas autorité de chose jugée.
52 Au demeurant, il importe de souligner que les rapports d’audit interne d’AAB Bank ne sauraient être considérés comme suffisants, à eux-seuls, pour démontrer que cet établissement de crédit a été ou n’a pas été déclaré responsable d’infractions graves, dans la mesure où ils ne peuvent être qualifiés de mesures administratives ou judiciaires ayant déclaré ledit établissement responsable d’infractions graves.
53 Toutefois, contrairement à ce que soutient AAB Bank, si de tels rapports peuvent, le cas échéant, être utilisés pour contester des constats de la BCE qui ne reposent pas sur une décision définitive ayant constaté la commission d’une infraction, ils ne sauraient être considérés comme suffisants pour remettre en cause des constats opérés dans des décisions administratives et judiciaires devenues définitives.
54 Par ailleurs, les arguments d’AAB Bank relatifs à l’appréciation du caractère viable et pérenne de son modèle d’entreprise, sa structure de risque des clients, la renonciation aux opérations de fiducie adossées, les caractéristiques de son audit et le nombre de communications de soupçons la concernant par la BCE ne sont pas susceptibles de remettre en cause le fait que la décision attaquée est fondée sur des décisions définitives ayant déclaré qu’elle était responsable d’infractions graves.
55 Il en va de même des arguments d’AAB Bank relatifs aux constats de la BCE concernant ses propriétaires, son implication dans le scandale Odebrecht et concernant Meinl Bank Antigua.
56 En effet, ces arguments concernent des considérations factuelles surabondantes de la BCE qui n’ont pas de rapport avec l’application du critère prévu à l’article 34 paragraphes 2 et 3, du FM‑GwG, lu à la lumière de l’article 67, paragraphe 1, sous o), de la directive 2013/36 exigeant que les établissements concernés aient été déclarés responsables d’infractions graves.
57 Ils ne sont ainsi pas susceptibles de remettre en cause le fait qu’AAB Bank a été déclarée responsable d’infractions au moyen de décisions administratives ou judiciaires devenues définitives.
58 De même, les arguments d’AAB Bank concernant le fait que les infractions constatées sont anciennes ou ont été corrigées ne remettent pas en cause cette conclusion.
59 En effet, ni le BwG, ni le FM‑GwG, ni l’article 18, sous f), ou l’article 67, paragraphe 1, sous o), de la directive 2013/36 n’imposent, d’une part, un délai à observer pour tenir compte des décisions antérieures établissant la responsabilité des auteurs de ces infractions et, d’autre part, que de telles infractions ne se soient pas interrompues ou existent toujours au moment de l’adoption d’une décision de retrait d’agrément, surtout lorsque sont en cause, comme dans le cas d’espèce, plusieurs
décisions adoptées pendant une période de plusieurs années.
60 Il en va a fortiori ainsi pour des infractions constatées seulement trois ou cinq ans avant l’adoption de la décision attaquée, de telles décisions ne pouvant être considérées comme anciennes.
61 De plus, la position soutenue par AAB Bank selon laquelle certains manquements constatés auraient été corrigés et ne peuvent plus justifier un retrait d’agrément remettrait en cause l’objectif de sauvegarde du système bancaire européen dans la mesure où elle permettrait aux établissements de crédit ayant commis des infractions graves de continuer leurs activités tant que les autorités compétentes ne démontrent pas à nouveau qu’elles ont commis de nouvelles infractions.
62 Pour le même motif, il y a lieu de rejeter l’argument selon lequel AAB Bank a mis en œuvre d’autres mesures d’amélioration, notamment la sous-traitance de l’audit interne, l’amélioration de divers processus de lutte contre le blanchiment des capitaux depuis le 22 juillet 2019 et la mise en place de blocages des comptes anti-blanchiment.
63 Il en va de même de la suppression alléguée des défaillances concernant la désignation des ayants-droit économiques dont la FMA a été informée par AAB Bank dans une lettre du 19 mars 2019.
64 Au demeurant, il ressort de la décision attaquée qu’AAB Bank a également été déclarée plus récemment responsable d’infractions graves dans la décision du 24 octobre 2018 de la FMA constatant l’absence de documentation vérifiable en matière de prévention du blanchiment de capitaux quant à ses relations d’affaires, notamment avec Meinl Bank Antigua, contre laquelle elle n’a pas introduit de recours.
65 De même, ainsi que cela a été relevé par la BCE dans la décision attaquée, la FMA a constaté dans son rapport sur la quatrième inspection 22 carences ou violations des dispositions légales dont certaines concernant Meinl Bank Antigua.
66 Eu égard à ce qui précède, dès lors que la BCE a constaté que des décisions administratives et judiciaires définitives adoptées entre 2010 et 2018 avaient déclaré, à plusieurs reprises, AAB Bank responsable d’infractions graves aux dispositions du FM-GwG qui transposent la directive 2005/60 (devenue directive 2015/849), les arguments d’AAB Bank selon lesquels les infractions constatées ont été corrigées et selon lesquels les rapports d’audit interne auraient confirmé le caractère satisfaisant des
améliorations apportées ne démontrent pas que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la BCE a considéré qu’AAB Bank avait été déclarée responsable d’infractions graves justifiant le retrait de son agrément au sens de l’article 31, paragraphe 3, deuxième alinéa, du FM‑GwG et de l’article 34 paragraphes 2 et 3, du FM‑GwG, lus à la lumière de l’article 67, paragraphe 1, sous o), de la directive 2013/36.
ii) Sur l’incidence de la prescription éventuelle des infractions graves constatées dans des décisions d’autorités administratives ou juridictionnelles
67 AAB Bank soutient que les manquements constatés dans le rapport de la FMA sur la quatrième inspection ne seraient plus pertinents dans la mesure où ils devraient être considérés comme mineurs ou prescrits en application de l’article 36 du FM-GwG qui prévoit un délai de prescription de trois ans, puisque le contrôle a porté sur des faits remontant à 2014 et antérieurement.
68 Toutefois, tout d’abord, il convient de rappeler que les manquements constatés dans le rapport de la FMA sur la quatrième inspection ne sont pas les seules infractions graves sur lesquelles la BCE a fondé le retrait de l’agrément dans la décision attaquée, de sorte que l’argumentation d’AAB Bank, à la supposer fondée, doit être écartée comme inopérante.
69 Ensuite, un établissement de crédit ne saurait se prévaloir de l’éventuelle prescription des infractions graves dont il a été déclaré responsable dans une décision administrative pour démontrer qu’il n’a pas été déclaré responsable de telles infractions aux fins du retrait de son agrément.
70 En effet, à partir du moment où une décision constatant une infraction devient définitive, la question de la prescription des faits à l’origine de ladite décision ne se pose plus. Dès lors, rien n’empêchait la BCE de prendre en compte cette décision définitive aux fins d’un retrait d’agrément.
71 Au demeurant, l’interprétation soutenue par AAB Bank, selon laquelle une décision définitive constatant une infraction ne pourrait être prise en compte en cas de prescription des faits constitutifs de cette infraction, aboutirait à faire dépendre la possibilité de retirer un agrément en cas d’infractions graves de la durée de la procédure administrative ayant abouti au constat de ces infractions ou de la durée de la procédure administrative ayant abouti à la décision de retrait d’agrément et,
partant, à remettre en cause l’effet utile de l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013.
72 Cet argument ne démontre donc pas que la décision attaquée est entachée d’une erreur de droit en ce que la BCE a considéré qu’AAB Bank avait été déclarée responsable d’infractions graves au sens de l’article 34, paragraphes 2 et 3, du FM‑GwG.
iii) Sur la contestation des faits reprochés à AAB Bank dans ses relations avec Meinl Bank Antigua
73 AAB Bank conteste le constat de la BCE selon lequel elle aurait autorisé ou effectué sur ses comptes des transactions illégales de Meinl Bank Antigua et dissimulé des informations sur cette banque en levant les barrières de lutte contre le blanchiment des capitaux sur lesdits comptes.
74 À cet égard, la BCE a pris en compte ces infractions sur la base, notamment, des constats effectués dans la décision de la FMA du 24 octobre 2018 dont elle a déduit qu’AAB Bank avait violé l’article 39, paragraphe 2 et paragraphe 2b, cinquième et onzième alinéa, du BWG ainsi que l’article 23, paragraphe 3, du FM-GWG.
75 Or, cette décision est définitive et n’a pas fait l’objet d’un recours de la part d’AAB Bank alors qu’elle était susceptible de recours devant le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral).
76 Dès lors, l’argument d’AAB Bank selon lequel il n’existe pas de constat définitif d’un manquement à ses obligations de contrôle et de documentation ni d’un autre manquement pénalement réprimé établi par décision judiciaire ne saurait prospérer.
77 En outre, les allégations selon lesquelles AAB Bank se contentait de transférer passivement des flux de paiement dont elle n’était pas l’instigatrice en tant que banque correspondante de Meinl Bank Antigua, puisqu’elle a coopéré avec le Bundeskriminalamt (Office fédéral de la police judiciaire, Autriche), bloqué les comptes spontanément et transmis à la FMA les données souhaitées relatives aux transactions concernant des comptes bloqués et des informations sur la levée légale du blocage pour
certaines transactions, qui visent à minorer les infractions reprochées à AAB Bank, ne sont pas susceptibles de remettre en cause les constats de la commission d’infractions graves dans la décision définitive de la FMA prise en compte par la BCE.
78 Ces arguments ne sont donc pas de nature à démontrer que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la BCE a considéré qu’AAB Bank avait été déclarée responsable d’infractions graves au sens de l’article 34, paragraphes 2 et 3, du FM‑GwG.
iv) Sur la contestation de la gravité des infractions dont AAB Bank a été déclarée responsable
79 AAB Bank soutient, en substance, que, pour être qualifiées de graves au sens de l’article 34, paragraphes 2 et 3, du FM‑GwG, les infractions devraient aller au-delà du non-respect de dispositions individuelles de la législation de transposition relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Or, les infractions dont elle a été déclarée responsable selon la décision attaquée ne pourraient être considérées comme graves.
80 Ensuite, les infractions confirmées par l’ordonnance du Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral) du 7 février 2019, portant la référence W230 2138107‑1, seraient toutes des infractions mineures et n’auraient pas été qualifiées de graves ou de systématiques par cette juridiction.
81 Enfin, les reproches contenus dans le rapport de la FMA sur la quatrième inspection concerneraient tous des manquements mineurs qui ne pourraient pas justifier un retrait d’agrément.
82 Dans la décision attaquée, la BCE a indiqué, notamment, qu’il ressortait des décisions des autorités nationales compétentes qu’AAB Bank avait violé la législation sur la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme de façon grave, systématique et continue depuis 2010, tout en effectuant des transactions à haut risque.
83 Elle a également souligné que, au regard des évaluations les plus récentes de la FMA, AAB Bank continuait à violer gravement ces dispositions et, partant, à causer un risque significatif pour elle-même, le secteur financier autrichien et le mécanisme de surveillance unique.
84 En outre, la BCE a rappelé que, selon l’évaluation de la FMA, AAB Bank avait violé la législation sur la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme de façon grave, répétée et systématique depuis 2010, en ne prenant pas de mesures permettant de remédier aux violations identifiées, tout en faisant preuve d’une attitude non coopérative avec la FMA.
85 La BCE en a déduit qu’AAB Bank avait été déclarée responsable d’infractions graves aux dispositions du FM-GwG adoptées en vertu de la directive 2005/60 (devenue directive 2015/849) justifiant le retrait de l’agrément.
86 Au regard des nombreuses violations commises par AAB Bank constatées par les décisions administratives et juridictionnelles rappelées dans la décision attaquée et au point 26 ci-dessus, démontrant le caractère systématique, grave et continu des violations de la législation sur la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, la BCE n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que cette banque avait été déclarée responsable d’infractions graves par les autorités
compétentes et les juridictions autrichiennes au sens de l’article 34, paragraphes 2 et 3, du FM‑GwG.
87 En effet, ainsi que la BCE l’a considéré dans la décision attaquée, il ressort de ces décisions administratives et juridictionnelles que AAB Bank a violé, de manière grave et continue, son obligation de disposer d’une structure organisationnelle et d’une procédure appropriée en matière de prévention du blanchiment de capitaux et de lutte contre le terrorisme, et qu’elle a été déclarée responsable d’infractions graves à la législation sur la lutte contre le blanchiment et le financement du
terrorisme.
88 En particulier, dès lors que, dans les décisions antérieures à la proposition de retrait de la FMA devenues définitives à la date de la décision attaquée, les autorités compétentes ont considéré AAB Bank responsable d’infractions graves aux dispositions nationales de lutte contre le blanchiment, la gravité des infractions en cause ne saurait être contestée au stade de la procédure administrative devant la BCE.
89 En outre, au regard de l’objectif de ces dispositions d’assurer la sauvegarde du marché bancaire européen, il ne saurait être reproché à la BCE d’avoir considéré que des violations systématiques, graves et continues de la législation nationale sur la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme devaient être qualifiées d’infractions graves justifiant un retrait d’agrément au sens de l’article 34, paragraphes 2 et 3, du FM‑GwG et de l’article 67, paragraphe 1, sous o), de la
directive 2013/36.
90 En outre, contrairement à ce que soutient AAB Bank, il ressort clairement de la décision attaquée, des mesures adoptées par la FMA et des décisions des juridictions autrichiennes qui sont rappelées dans cette décision que les violations prises en compte allaient au-delà du non-respect de dispositions individuelles de la législation de transposition relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et qu’elles ne sauraient être qualifiées de manquements mineurs.
91 Par conséquent, AAB Bank n’a pas démontré que la BCE a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant qu’AAB Bank avait été déclarée responsable d’infractions graves justifiant le retrait de l’agrément au sens de l’article 34, paragraphes 2 et 3, du FM‑GwG.
92 Le premier grief de la première branche du premier moyen doit donc être rejeté.
2) Sur le second grief, tiré d’une violation de l’obligation de motivation et d’un défaut de compétence de la BCE pour constater que les infractions présumées à la législation sur la lutte contre le blanchiment justifient un retrait d’agrément
93 AAB Bank fait valoir, en substance, que les seules normes de droit autrichien prévoyant le retrait d’agrément pour infractions graves à la législation relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme sont les dispositions combinées de l’article 31, paragraphe 3, point 2, et de l’article 34, paragraphes 2 et 3, du FM-GwG et que la violation de la législation relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ne permettrait pas
le retrait de l’agrément en application de l’article 70 du BWG. Elle considère que la BCE ne s’est pas fondée sur ces normes et que, en tout état de cause, elle n’était pas compétente pour se fonder sur ces normes.
94 Elle conteste ainsi, en substance, le fondement juridique invoqué dans la décision attaquée pour considérer que les infractions à la législation sur la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme justifiaient le retrait d’agrément en vertu du droit autrichien.
95 Elle en déduit qu’il s’agit d’une violation de la législation autrichienne et ajoute que la BCE ne peut invoquer directement les dispositions de la directive 2013/36 et ne peut tirer ses pouvoirs d’intervention que des dispositions matérielles du droit autrichien de la surveillance prudentielle bancaire.
96 AAB Bank fait également valoir, en substance, que la BCE aurait manqué à son obligation de motivation en ne précisant pas dans la décision attaquée les dispositions nationales relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme qui auraient été violées.
97 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.
98 Cependant, un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, explicitement ou implicitement, dans la requête et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable.
99 Pour pouvoir être regardé comme une ampliation d’un moyen ou d’un grief antérieurement énoncé, un nouvel argument doit présenter, avec les moyens ou les griefs initialement exposés dans la requête, un lien suffisamment étroit (voir, en ce sens, arrêts du 12 novembre 2009, SGL Carbon/Commission, C‑564/08 P, non publié, EU:C:2009:703, points 20 à 34, et du 16 décembre 2010, AceaElectrabel Produzione/Commission, C‑480/09 P, EU:C:2010:787, point 111).
100 Dans la requête, AAB Bank a fait valoir que la décision attaquée avait été adoptée en violation de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1024/2013 et du droit autrichien applicable dès lors que les conditions prévues par ce droit ne seraient pas remplies et elle en a déduit que la BCE n’était pas habilitée à retirer son agrément.
101 Or, les arguments du second grief de la première branche du premier moyen soulevés dans la réplique visent à contester les normes sur le fondement desquelles la BCE a décidé, dans la décision attaquée, que le retrait de l’agrément d’AAB Bank était justifié en vertu du droit autrichien et à démontrer que la BCE ne s’est pas fondée sur une norme nationale l’habilitant à retirer un agrément en cas de violations des normes de lutte contre le blanchiment.
102 Dès lors que ces arguments présentent un lien étroit avec les arguments invoqués au soutien du premier moyen de la requête, ils doivent être considérés comme une ampliation de ces arguments et, partant, comme recevables.
103 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans la décision attaquée, la BCE a considéré qu’AAB Bank avait enfreint, notamment, ces dispositions du BWG et elle en a déduit que les conditions de l’article 70, paragraphe 4, du BWG prévoyant le retrait d’agrément étaient remplies.
104 Elle a également indiqué que AAB Bank avait violé plusieurs dispositions du FM-GwG relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, mentionnées au point 25 ci-dessus.
105 Or, contrairement à ce que fait valoir AAB Bank, il ne saurait être considéré que les seules normes prévoyant le retrait d’agrément pour infractions à la législation relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme en droit autrichien sont les dispositions combinées de l’article 31, paragraphe 3, point 2, et de l’article 34, paragraphes 2 et 3, du FM-GwG et que la violation des obligations du BWG relatives à la prévention du risque de blanchiment ne pourrait
pas être prise en compte au titre de l’article 70, paragraphe 4, du BWG.
106 En effet, l’article 39, paragraphes 2 et 2b, du BWG, dont la BCE a considéré qu’il avait été violé par AAB Bank, fait explicitement référence au risque de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme et il ressort de l’article 70, paragraphe 4, du BWG que des violations du BWG telles que lesdites violations peuvent justifier un retrait d’agrément.
107 Dès lors que, en vertu du droit autrichien, un retrait d’agrément est justifié en cas de violation des obligations du BWG et du FM-GwG relatives à la prévention du risque de blanchiment et que la BCE s’est fondée sur ces dispositions, les arguments d’AAB Bank sur l’absence de base d’habilitation ou la violation de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1024/2013 doivent être rejetés.
108 En tout état de cause, même à supposer que le BCE se soit fondée sur une base juridique erronée, il y a lieu de rappeler que l’annulation d’une décision administrative en raison d’une base juridique erronée n’est pas justifiée lorsqu’une telle erreur n’a pas eu d’influence déterminante sur l’appréciation portée par l’administration, de sorte qu’un moyen tiré du choix erroné de la base juridique doit être rejeté dans la mesure où il n’a qu’une portée purement formelle (arrêt du 9 juin 2015,
Navarro/Commission, T‑556/14 P, EU:T:2015:368, point 26).
109 Or, AAB Bank n’allègue pas que, en l’espèce, le choix d’une base juridique différente aurait pu avoir une influence sur l’appréciation de la BCE. En outre, il n’apparaît pas que le choix d’une base juridique différente aurait pu avoir une influence sur l’appréciation de la BCE.
110 Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence, d’une part, que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle et, d’autre part, que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des
circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte en cause, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. En particulier, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit
être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 16 mai 2017, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, T‑122/15, EU:T:2017:337, points 123 et 124 et jurisprudence citée).
111 Or, contrairement à ce qu’affirme AAB Bank, la BCE n’a pas violé l’obligation de motivation, puisque les dispositions du BWG et du FM-GwG violées par AAB Bank et les dispositions du BWG prévoyant le retrait d’agrément sont mentionnées dans la décision attaquée, ainsi qu’il ressort du point 25 ci-dessus.
112 Le second grief de la première branche du premier moyen n’est donc pas fondé.
113 Eu égard à ce qui précède, la première branche du premier moyen doit être rejetée.
b) Sur la seconde branche du premier moyen, tirée, en substance, de la violation des dispositions de transposition de l’article 18, sous f), de la directive 2013/36 en ce qu’AAB Bank aurait mis en place les dispositifs de gouvernance exigés par les autorités compétentes conformément aux dispositions nationales transposant l’article 74 de cette directive au sens de l’article 67, paragraphe 1, sous d), de ladite directive
114 Selon AAB Bank, les conditions de l’article 18, sous f), de la directive 2013/36 et de l’article 67, paragraphe 1, sous d), de ladite directive, tels que transposés par l’article 39, paragraphes 2 et 2b, du BWG, lu en combinaison avec l’article 70, paragraphe 4, du BWG, n’étaient pas remplies, dès lors qu’AAB Bank disposait des dispositifs de gouvernance exigés par les autorités compétentes.
115 À cet égard, il ressort de l’article 18 de la directive 2013/36, transposé par l’article 70, paragraphe 4, du BWG, que les autorités compétentes peuvent retirer l’agrément accordé lorsqu’un établissement de crédit n’a pas mis en place les dispositifs de gouvernance exigés par les autorités compétentes conformément aux dispositions nationales transposant l’article 74 de cette directive.
116 L’article 74 de la directive 2013/36, intitulé « Gouvernance interne et plans de redressement et de résolution », se lit comme suit :
« 1. Les établissements disposent d’un dispositif solide de gouvernance d’entreprise, comprenant notamment une structure organisationnelle claire avec un partage des responsabilités bien défini, transparent et cohérent, des processus efficaces de détection, de gestion, de suivi et de déclaration des risques auxquels ils sont ou pourraient être exposés, des mécanismes adéquats de contrôle interne, y compris des procédures administratives et comptables saines, et des politiques et pratiques de
rémunération permettant et favorisant une gestion saine et efficace des risques […] »
117 En ce qui concerne les dispositions de transposition de l’article 74 de la directive 2013/36, l’article 39, paragraphe 2, du BWG prévoit que :
« Les établissements de crédit doivent disposer de mécanismes administratifs, comptables et de contrôle pour la saisie, l’évaluation, la gestion et le suivi des risques découlant des opérations et transactions bancaires, ainsi que de leur politique et pratiques de rémunération. Ces mécanismes doivent être adaptés au type, à la portée et à la complexité des opérations bancaires effectuées. La structure organisationnelle ainsi que les mécanismes administratifs, comptables et de contrôle doivent
être documentés sous une forme écrite et compréhensible. Dans la mesure du possible, les mécanismes d’administration, de comptabilité et de contrôle doivent également saisir les risques découlant des transactions et opérations bancaires ainsi que les risques découlant de la politique et des pratiques de rémunération qui pourraient éventuellement survenir. La structure organisationnelle doit prévenir les conflits d’intérêts et de compétences en établissant des délimitations dans l’organisation de
la structure et des processus qui soient adaptées aux activités de l’établissement de crédit. L’adéquation de ces procédures et leur application doivent être examinées par l’unité d’audit interne au moins une fois par an. »
118 Aux termes de l’article 39, paragraphe 2 b, du BWG :
« En particulier, les procédures visées au paragraphe 2 doivent inclure les éléments suivants : 1. risque de crédit et risque de contrepartie, 2. risque de concentration, 3. risque de marché, 4. risque de levier excessif, 5. risque opérationnel, 6. risque de titrisation, 7. risque de liquidité, 8. le risque de taux d’intérêt résultant de transactions non déjà couvertes par le no3,9. le risque résiduel des techniques d’atténuation du risque de crédit, 10. les risques liés à l’environnement
macroéconomique, 11. le risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, 12. le risque lié au modèle économique de l’établissement compte tenu des effets des stratégies de diversification, 13. les résultats des tests de résistance dans le cas des établissements qui appliquent des approches internes, et 14. le risque systémique […] émanant d’un établissement. »
119 L’article 42 du BWG prévoit également, en substance, l’obligation de mettre en place un organe d’audit interne, tandis que l’article 44 du BWG impose, en substance, aux établissements de crédit de soumettre leurs états financiers annuels audités six mois après la fin de l’année financière.
120 En l’espèce, la BCE a considéré qu’AAB Bank avait violé les dispositions nationales transposant l’article 74 de ladite directive 2013/36, en particulier l’article 39, paragraphes 2, 2b et 5, l’article 42 et l’article 44, paragraphe 1, du BWG et, par conséquent, qu’elle avait commis, et commettait encore, des infractions justifiant un retrait d’agrément en application de l’article 70, paragraphe 4, du BWG.
121 En particulier, elle a indiqué que la décision de retirer l’agrément d’AAB Bank pour l’accès aux activités d’un établissement de crédit était fondée, notamment, sur la violation de l’obligation de disposer d’une gouvernance interne permettant une bonne gestion du risque, ainsi que la violation de l’obligation de fournir des informations correctes à la FMA et de l’obligation de disposer d’un mécanisme d’audit interne, de procédures de comptabilité interne adéquates, d’un système adéquat de
documentation interne et d’une procédure de gestion adéquate du risque de concentration.
122 Au soutien de ses conclusions concernant la violation des dispositions nationales transposant l’article 74 de la directive 2013/36, la BCE s’est fondée, notamment :
– sur l’ordre formel du 19 août 2015 de la FMA enjoignant à AAB Bank de veiller à ce que sa fonction d’audit interne termine son plan d’audit annuel dans les délais et constatant que la fonction d’audit interne n’avait pas rempli ses plans d’audit, violant ainsi l’article 42 du BWG (transposant l’article 74 de la directive 2013/36) ;
– sur l’ordre formel du 17 mai 2016 de la FMA enjoignant à AAB Bank de mettre en œuvre des plans adéquats de gestion de la continuité des activités (BCM) et constatant que son BCM était inadéquat au cours de la période allant de 2013 à 2016, ce qui constituerait une violation de l’article 39, paragraphes 2, 2b et 5, du BWG (transposant l’article 74 de la directive 2013/36) ;
– sur l’ordre formel du 1er juillet 2016 de la FMA enjoignant à AAB Bank de soumettre ses états annuels audités de 2015 et constatant qu’elle n’avait pas soumis les états audités en temps voulu, c’est-à-dire au 30 juin 2016, et avait, par conséquent, enfreint l’article 44, paragraphe 1, du BWG ;
– sur l’ordre formel du 6 septembre 2016 de la FMA enjoignant à AAB Bank d’assurer une documentation complète et compréhensible de ses dossiers de crédit et constatant que, au cours de la période de 2013 à 2016, ses processus de crédit (en particulier les rapports annuels et le traitement des prêts problématiques) n’avaient pas été documentés de manière compréhensible, en violation de l’article 39, paragraphes 2 et 2b, premier alinéa, du BWG (transposant l’article 74 de la directive 2013/36) ;
– sur l’ordre formel du 17 juillet 2017 de la FMA enjoignant à AAB Bank d’allouer des ressources suffisantes à sa fonction d’audit interne et constatant que la fonction d’audit interne n’avait toujours pas été achevée en violation de l’article 42 du BWG (transposant l’article 74 de la directive 2013/36) ;
– sur l’ordre formel du 31 janvier 2018 de la FMA enjoignant à AAB Bank de veiller à ce que, lors de la conclusion de contrats, la documentation pertinente soit adéquate (c’est-à-dire sous forme écrite et complète) et constatant que, au cours de la période allant de 2015 à 2017, AAB Bank avait conclu à plusieurs reprises des transactions commerciales, malgré le fait que les contrats pertinents étaient soit incorrects, soit incomplets, ou, dans certains cas, qu’il n’existait aucun contrat écrit,
en violation de l’article 39, paragraphe 2, du BWG (transposant l’article 74 de la directive 2013/36) ;
– sur l’ordre formel du 5 septembre 2018 de la FMA enjoignant à AAB Bank de mettre en place des procédures comptables adéquates et en temps utile et constatant que, au cours de la période entre 2017 et 2018, ses procédures comptables ne garantissaient pas que sa comptabilité et, par conséquent, également ses rapports de surveillance, étaient à jour, en violation de l’article 39, paragraphe 2 et paragraphe 3, sixième alinéa, du BWG (transposant l’article 74 de la directive 2013/36) ;
– sur l’ordre formel du 24 octobre 2018 de la FMA enjoignant à AAB Bank de veiller à ce que toutes ses transactions commerciales et sa relation d’affaires avec Meinl Bank Antigua soient documentées de manière compréhensible et constatant que sa documentation interne, y compris la documentation relative à la lutte contre le blanchiment d’argent, était si inadéquate que la fonction d’audit interne, le gestionnaire des risques et le responsable de la lutte contre le blanchiment d’argent n’étaient
pas en mesure d’exercer leurs fonctions de contrôle, en violation de l’article 39, paragraphe 2 et paragraphe 2b, cinquième et onzième alinéa, du BWG, transposant l’article 74 de la directive 2013/36, ainsi que de l’article 23, paragraphe 3, du FM-GwG ;
– sur l’ordre formel du 3 décembre 2018 de la FMA enjoignant à AAB Bank de s’assurer qu’une pondération de risque correcte était appliquée à tous les postes du bilan et constatant que, au cours de la période entre 2017 et 2018, ses procédures internes n’avaient pas permis de garantir que tous ses actifs – en particulier en ce qui concerne les transactions non standard – étaient correctement pondérés, en violation de l’article 39, paragraphe 2, du BWG (transposant l’article 74 de la directive
2013/36).
123 La seconde branche du premier moyen qui vise à contester ces constats et la conclusion qui en a été tirée s’articule autour de deux griefs.
1) Sur le premier grief, tiré de la violation de l’article 74 de la directive 2013/36, tel que transposé par l’article 39, paragraphes 2 et 2b, du BWG en ce que ces articles auraient été appliqués aux risques liés à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme
124 AAB Bank soutient, en substance, que l’article 74 de la directive 2013/36 concerne les obligations relatives aux dispositifs de gouvernance en vue de la prévention des risques financiers et que l’article 39, paragraphes 2 et 2b, du BWG devrait ainsi être interprété dans le sens que seule une structure de risque inadéquate en ce qui concerne les risques financiers, et non une structure inadéquate en ce qui concerne la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, permettrait
l’application de mesures de surveillance telles qu’un retrait d’agrément conformément à l’article 70, paragraphe 4, du BWG.
125 Elle en déduit que la BCE a commis une erreur de droit en fondant la décision attaquée sur une violation de l’article 74 de la directive 2013/36 transposé par l’article 39, paragraphes 2 et 2b, du BWG découlant du caractère inapproprié des dispositifs de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme et non du caractère inapproprié des dispositifs de gouvernance en vue de la prévention des risques financiers.
126 À cet égard, il suffit de constater qu’il ressort de la décision attaquée que la BCE a constaté une violation de l’article 39, paragraphes 2,2b et 5, l’article 42 et l’article 44, paragraphe 1, du BWG en se fondant, notamment, sur la violation de l’obligation de disposer d’une gouvernance interne permettant une bonne gestion du risque, de l’obligation de fournir des informations correctes à la FMA et de l’obligation de disposer d’un mécanisme d’audit interne, de procédures de comptabilité
interne adéquates, d’un système adéquat de documentation interne et d’une procédure de gestion adéquate du risque de concentration.
127 Contrairement à ce que prétend AAB Bank, il ne saurait donc être reproché à la BCE d’avoir constaté une violation de ces dispositions du BWG découlant du caractère inapproprié des dispositifs de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, puisqu’elle a déduit cette violation, notamment, du caractère inapproprié des dispositifs de gouvernance.
128 Au demeurant, l’article 39, paragraphe 2b, du BWG précise que les procédures adéquates dont doivent disposer les établissements de crédit au titre de l’article 39, paragraphe 2, du BWG doivent comprendre les dispositifs appropriés contre le risque de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme.
129 Ces arguments d’AAB Bank ne démontrent donc pas que la BCE aurait commis une erreur de droit en considérant qu’elle n’avait pas mis en place les dispositifs de gouvernance exigés par les autorités compétentes conformément aux dispositions du BWG transposant l’article 74 de cette directive.
130 Il s’ensuit que l’argument selon lequel AAB Bank disposait d’une organisation pour la prévention du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme qui n’était pas insuffisante et avait été améliorée doit également être rejeté comme étant dénué de pertinence.
131 Le premier grief de la deuxième branche du premier moyen doit donc être rejeté.
2) Sur le second grief, tiré d’une violation de l’article 67, paragraphe 1, sous d), de la directive 2013/36, tel que transposé en droit autrichien, en ce que AAB Bank ne commettait pas d’infractions à la législation sur les dispositifs de gouvernance à la date de la décision attaquée
132 AAB Bank affirme, en substance, que, à la date de la décision attaquée, elle disposait des dispositifs de gouvernance exigés par les autorités compétentes et que son audit interne était approprié, mais aussi qu’il n’est pas exact qu’il existait des violations de ses obligations relatives à la tenue, au contrôle et au dépôt des comptes, à la gouvernance, à la gestion du risque, au système de documentation interne et contractuelle et à la gestion des dossiers de crédits.
133 Premièrement, AAB Bank fait valoir que certaines de ces violations sont trop anciennes et ont été supprimées en 2016 ou depuis 2017, corrigées, ou encore qu’elle a fait des progrès considérables dans ces domaines, ainsi que cela serait confirmé, notamment, par ses rapports d’audit de 2019, mais aussi que les faiblesses résiduelles concernant ces violations pouvaient être améliorées.
134 Toutefois, l’argument d’AAB Bank ne saurait prospérer. En effet, l’interprétation selon laquelle des infractions passées ou qui ont été atténuées ne pourraient pas justifier un retrait d’agrément ne ressort ni du texte de l’article 67, paragraphe 1, sous d), de la directive 2013/36 ni de l’article 70 paragraphe 4, du BWG.
135 En outre, une telle interprétation remettrait en cause l’objectif de sauvegarde du système bancaire européen dans la mesure où elle permettrait aux établissements de crédit n’ayant pas mis en place les dispositifs de gouvernance exigés par les autorités compétentes de poursuivre leurs activités tant que les autorités compétentes ne démontrent pas à nouveau qu’elles ont commis de nouvelles violations.
136 Il en va a fortiori ainsi pour des violations commises seulement trois ou cinq ans avant l’adoption de la décision attaquée.
137 Deuxièmement, AAB Bank conteste l’existence des violations de ses obligations constatées dans la décision attaquée en alléguant qu’elles ne sont pas systémiques, flagrantes ou graves.
138 Toutefois, il ne ressort pas de l’article 18, sous f), de la directive 2013/36, de l’article 67, paragraphe 1, sous d), de cette directive ou des dispositions de transposition de ces articles que les violations visées par ces dispositions doivent être graves, flagrantes ou systémiques pour justifier un retrait d’agrément.
139 Ainsi, la BCE n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant qu’AAB Bank avait violé des dispositions du BWG transposant l’article 74 de ladite directive sans établir que ces violations étaient graves, flagrantes ou systémiques.
140 Troisièmement, AAB Bank fait valoir, en substance, que son audit interne n’est pas en sous‑effectif, dispose de ressources financières suffisantes et qu’il accomplit ses missions de manière régulière et sans que la banque exerce de pression illicite sur lui.
141 Toutefois, il importe de rappeler que la FMA est compétente, en vertu du droit autrichien, pour adopter des décisions constatant et sanctionnant une violation des dispositions du BWG transposant l’article 74 de la directive 2013/36.
142 Il s’ensuit que la FMA peut adopter des décisions administratives constatant qu’un établissement n’a pas mis en place les dispositifs de gouvernance exigés par les autorités compétentes conformément aux dispositions du BWG transposant l’article 74 de cette directive.
143 En outre, il ressort de la jurisprudence adoptée à propos des actes des institutions de l’Union qu’une décision qui n’a pas été attaquée par son destinataire dans les délais devient définitive à son égard (voir, en ce sens, arrêts du 12 octobre 2007, Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, T‑474/04, EU:T:2007:306, point 37, et du 8 mai 2019, Lucchini/Commission, T‑185/18, non publié, EU:T:2019:298, point 38).
144 Il découle également de la jurisprudence adoptée à propos des actes des institutions de l’Union que la culpabilité d’une personne accusée d’une infraction peut être considérée comme définitivement établie lorsque la décision constatant cette infraction est devenue définitive (voir, en ce sens, arrêt du 12 octobre 2007, Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, T‑474/04, EU:T:2007:306, point 76).
145 Cette jurisprudence doit être appliquée, par analogie, aux décisions des autorités administratives nationales constatant une violation des dispositions nationales relatives à la gouvernance des établissements de crédit.
146 Ainsi, un établissement de crédit peut être considéré comme n’ayant pas mis en place les dispositifs de gouvernance exigés par les autorités compétentes conformément aux dispositions du BWG transposant l’article 74 de cette directive dans des décisions administratives antérieures définitives.
147 Par conséquent, les arguments d’AAB Bank ne sont pas de nature à remettre en cause le caractère inapproprié de son audit interne constaté dans des décisions administratives antérieures définitives sur lesquelles la BCE s’est appuyée dans la décision attaquée.
148 Dès lors, l’argument selon lequel, à la date de la décision attaquée, AAB Bank disposait des dispositifs de gouvernance exigés par les autorités compétentes et que son audit interne était approprié et ne violait pas ses obligations relatives à la tenue, au contrôle et au dépôt des comptes, à la gouvernance, à la gestion du risque, au système de documentation interne et contractuelle et à la gestion des dossiers de crédits, doit être rejeté.
149 De plus, il importe de souligner que les rapports d’audit interne d’AAB Bank ne sauraient être considérés comme suffisants, à eux seuls, pour démontrer que cet établissement de crédit a ou n’a pas mis en place les dispositifs de gouvernance exigés par les autorités compétentes conformément aux dispositions du BWG transposant l’article 74 de la directive 2013/36.
150 Si de tels rapports peuvent, le cas échéant, être utilisés pour contester des constats de la BCE qui ne reposent pas sur une décision définitive ayant constaté la commission d’une infraction, ils ne sauraient être considérés comme suffisants pour remettre en cause des constats opérés dans des décisions administratives devenues définitives.
151 Quatrièmement, AAB Bank admet qu’il y a eu, à plusieurs reprises, des infractions aux dispositions relatives aux grands risques, mais indique qu’elles s’expliquent par le recalcul de réserves. Selon elle, c’est la diminution des fonds propres résultant du recalcul des réserves qui aurait abouti à une violation de la disposition relative aux grands risques. En outre, ces infractions auraient déjà été compensées par une majoration de pénalité au sens de l’article 97 du BWG.
152 Toutefois, AAB Bank ne conteste pas avoir commis des infractions aux dispositions relatives aux grands risques et se limite à tenter de les justifier.
153 En outre, le fait que ces infractions ont déjà donné lieu à des majorations de pénalités ne remet pas en cause le fait qu’elles ont été commises et, partant, qu’elles peuvent justifier un retrait d’agrément.
154 Cinquièmement, AAB Bank soutient que la BCE aurait dû faire application de l’article 70, paragraphe 4, du BWG et de l’article 31, paragraphe 1, du FM-GwG en vertu desquels cette autorité doit adopter toutes les mesures nécessaires et appropriées pour assurer que l’exploitation commerciale des entités assujetties reste compatible avec le FM-GwG.
155 Ainsi, la FMA aurait dû respecter les trois étapes de la procédure de surveillance prévue à l’article 70, paragraphe 4, du BWG et essayer de remédier à la non‑conformité présumée aux normes de surveillance prudentielle par la voie de prescriptions concrètes, par la menace d’une astreinte puis, en cas d’échec, par une interdiction d’exercice, et ne retirer l’agrément que si d’autres mesures prévues par le BWG ne pouvaient pas assurer le bon fonctionnement de l’établissement de crédit.
156 Or, ni la BCE ni la FMA n’auraient démontré la réunion de ces conditions préalables au retrait d’agrément et l’exposé des mesures nationales adoptées préalablement au retrait d’agrément figurant dans la décision attaquée n’établirait pas que les étapes prévues par le droit autrichien auraient été respectées.
157 En l’espèce, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que soutient AAB Bank, la décision attaquée a été précédée de mesures de surveillance prudentielle visant les mêmes lacunes que celles motivant le retrait d’agrément.
158 En effet, ainsi qu’il est indiqué dans la décision attaquée, depuis 2015, la FMA a adopté, notamment, vingt-quatre mesures de surveillance formelles, dont dix-sept ordres formels visant à rétablir la conformité légale en ce qui concerne des lacunes dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux de la part d’AAB Bank et la lutte contre le financement du terrorisme, quatre sanctions en rapport avec la gouvernance interne et les violations de la législation de prévention du blanchiment
et du financement du terrorisme, ainsi que de nombreuses mesures de surveillance prudentielles.
159 Il s’ensuit que cette argumentation d’AAB Bank manque en fait.
160 Le second grief de la deuxième branche du premier moyen doit donc être rejeté.
161 Eu égard à ce qui précède, la seconde branche du premier moyen n’est pas fondée.
162 Le premier moyen doit donc être rejeté.
2. Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité
163 Au soutien de ce moyen, AAB Bank affirme que, même si les reproches de la BCE étaient fondés et suffisants, la décision attaquée serait disproportionnée dans la mesure où un retrait de l’agrément n’était pas nécessaire ni approprié pour permettre la réalisation des objectifs poursuivis.
164 En premier lieu, AAB Bank reproche, en substance, à la FMA et à la BCE de ne pas avoir vérifié si un moyen moins intrusif qu’un retrait d’agrément, parmi toutes les mesures à leur disposition, n’aurait pas permis la réalisation de l’objectif visé.
165 En deuxième lieu, selon AAB Bank, la décision attaquée n’était pas adéquate ni nécessaire puisqu’elle a été adoptée sept mois après la proposition de retrait de la FMA alors qu’elle devrait être adoptée à brefs délais et que la FMA n’a pas pu vérifier si le retrait proposé était toujours approprié et nécessaire.
166 En troisième lieu, AAB Bank affirme que le retrait d’agrément était disproportionné au regard des objectifs poursuivis.
167 En quatrième lieu, selon AAB Bank, le retrait d’agrément était également disproportionné parce qu’il aurait eu pour effet de détruire sa solidité, au détriment des déposants, des investisseurs et des contreparties.
168 En cinquième lieu, AAB Bank considère que le refus du sursis à l’exécution de la décision attaquée était disproportionné au regard de ses effets négatifs sur ses possibilités de défense.
169 La BCE conteste ces arguments.
170 En l’espèce, dans la décision attaquée, la BCE a estimé, en substance, que le retrait de l’agrément d’AAB Bank était proportionné dès lors qu’il poursuivait l’objectif de faire cesser les violations de la loi par AAB Bank et les risques qui en résultaient pour le système bancaire européen, et que, au regard de la gravité de ces violations et des mesures déjà entreprises par la FMA, aucune autre mesure ne pouvait permettre la réalisation de cet objectif. Elle a également indiqué que l’intérêt
public visant à protéger les déposants, les investisseurs et les autres partenaires d’AAB Bank devait prévaloir sur son intérêt et celui de ses propriétaires de continuer à disposer d’un agrément.
171 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de la jurisprudence, le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions de l’Union soient propres à assurer la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause et ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de ces objectifs (voir arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 67 et jurisprudence citée).
172 En premier lieu, ainsi que cela a été relevé par la BCE, l’objectif poursuivi par le retrait d’agrément était de faire cesser les violations de la loi par AAB Bank et les risques qui en résultaient pour le système bancaire européen ainsi que de protéger les déposants, les investisseurs et les autres partenaires d’AAB Bank.
173 Le caractère légitime de ces objectifs n’est pas contesté par AAB Bank.
174 S’agissant, en deuxième lieu, de l’aptitude de la décision attaquée à assurer la réalisation de ces objectifs, il convient de constater que le retrait de l’agrément d’un établissement de crédit, en ce qu’il empêche cet établissement de continuer à exercer ses activités, est apte à contribuer à l’objectif de faire cesser les violations de la loi et les risques qui en résultent pour le système bancaire européen ainsi qu’à l’objectif de protéger les déposants, les investisseurs et les autres
partenaires d’AAB Bank.
175 À cet égard, AAB Bank considère, d’une part, que la décision attaquée n’était pas adéquate ni nécessaire puisqu’elle a été adoptée sept mois après la proposition de retrait de la FMA et que la FMA n’a pas pu vérifier si le retrait proposé était toujours approprié et nécessaire.
176 Certes, ainsi que le souligne AAB Bank, il ressort de l’article 81, paragraphe 1, du règlement no 468/2014 que la BCE examine un projet de décision de retrait d’agrément dans les meilleurs délais.
177 Toutefois, l’écoulement d’un délai de sept mois entre la proposition de décision de retrait de la FMA et l’adoption de la décision attaquée ne démontre pas que la décision attaquée n’était pas nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis.
178 Au demeurant, ce délai est, en l’espèce, raisonnable compte tenu du fait que la BCE a dû étudier le projet de décision de retrait de la FMA, qui était volumineux, afin d’apprécier s’il était justifié et analyser les douze lettres d’observations complémentaires déposées par AAB Bank, également volumineuses, après l’avoir entendue.
179 En outre, le fait que la FMA n’a pas examiné à nouveau la question de savoir si le retrait d’agrément était toujours nécessaire après sept mois n’est pas pertinent dès lors que seule la BCE est compétente pour apprécier cette nécessité.
180 D’autre part, selon AAB Bank, le retrait d’agrément était inapproprié au vu des objectifs poursuivis, car ses effets juridiques résiduels ont paradoxalement entraîné l’abandon de toute surveillance et une renonciation à traiter le blanchiment de capitaux.
181 Toutefois, cet argument ne démontre pas l’absence de nécessité de la décision attaquée.
182 En effet, en l’empêchant de poursuivre ses activités opérationnelles, le retrait de l’agrément d’AAB Bank a fait cesser la violation de ses obligations relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux.
183 Il convient donc, en troisième lieu, de vérifier si les arguments d’AAB Bank démontrent que la décision attaquée a dépassé les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis.
184 À cet égard, AAB Bank fait valoir, premièrement, que des mesures alternatives moins intrusives auraient permis d’atteindre l’objectif de rétablissement de la légalité telles que des injonctions, des amendes ou des publications.
185 Toutefois, force est de constater que, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, malgré l’adoption d’un grand nombre d’injonctions et de sanctions depuis 2010 par la FMA à l’égard d’AAB Bank, cette dernière n’a pas adopté des mesures correctrices satisfaisantes pour se conformer aux exigences légales requises par la réglementation applicable.
186 La BCE n’a donc pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que d’autres mesures n’étaient pas aptes à atteindre les objectifs poursuivis.
187 Pour le même motif, les arguments selon lesquels les violations des obligations d’AAB Bank étaient anciennes et révolues à la date de la décision attaquée, n’étaient pas suffisamment graves et auraient pu être corrigées, dès lors qu’elle œuvre en permanence au respect des règles prudentielles, ou selon lesquels le retrait d’agrément aurait pu intervenir plus tard, ne démontrent pas que la BCE a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant qu’un retrait d’agrément était la seule
mesure apte à atteindre les objectifs poursuivis.
188 L’argument selon lequel des mesures auraient dû être adoptées préalablement à la décision attaquée en vertu de la formulation spécifique du principe de proportionnalité en droit autrichien à l’article 70, paragraphe 4, du BWG ne saurait non plus être accueilli dès lors que de telles mesures ont effectivement été adoptées préalablement par la FMA et qu’elles n’ont pas permis de rétablir la légalité, au sens du premier paragraphe de cette disposition.
189 Il en va de même de l’argument d’AAB Bank selon lequel la cessation volontaire, bien que provisoire, de ses activités bancaires, ou la décision de procéder à sa liquidation immédiate et de restituer ensuite son agrément après une période transitoire de 18 mois aurait réduit les risques supposés sans que le retrait d’agrément soit nécessaire.
190 En effet, une cessation provisoire des activités d’AAB Bank avec maintien de l’agrément n’aurait pas permis de mettre fin aux violations reprochées de manière définitive puisqu’elles auraient pu se reproduire une fois ses activités reprises.
191 De même, la restitution de l’agrément d’AAB Bank après une période transitoire de 18 mois n’aurait pas pu empêcher que des violations continuent à se produire pendant cette période.
192 En outre, ainsi que le souligne la BCE, la solution d’autoliquidation d’AAB Bank ou la cessation de ses activités bancaires n’étaient pas aptes à atteindre l’objectif poursuivi dès lors que la BCE ou la FMA n’aurait pas pu la contraindre à aller au terme de la liquidation ou à ne pas reprendre ses activités bancaires par des mesures autres que le retrait de son agrément si AAB Bank avait décidé de reprendre ses activités.
193 Deuxièmement, selon AAB Bank, le retrait d’agrément était également disproportionné parce que la BCE n’avait pas correctement évalué les conséquences réelles de sa décision. Or, le retrait d’agrément aurait eu pour effet de détruire la solidité d’AAB Bank, au détriment des déposants, des investisseurs et des contreparties. Ainsi, la liquidation de la banque aurait eu pour effet de détruire la confiance des consommateurs dans le système financier autrichien, et les objectifs poursuivis se
heurtaient donc aux graves effets induits par la mesure adoptée sur la situation d’AAB Bank.
194 La BCE n’aurait notamment pas anticipé que le retrait d’agrément déclencherait l’échéance des dépôts et, par voie de conséquence, l’insolvabilité pour cause de défaut de paiement. La BCE n’aurait pas non plus envisagé que la FMA inférerait du retrait d’agrément, sans autres conditions, la révocation du directoire et son remplacement par des liquidateurs en qualité de représentants exclusifs des organes de la banque.
195 Toutefois, il convient de relever que, au regard de l’objectif de rétablir la légalité et des risques que les violations reprochées à AAB Bank faisaient courir pour le système bancaire, ses créanciers, ses clients et ses partenaires, il ne saurait être reproché à la BCE de ne pas avoir décidé de ne pas retirer son agrément dans le seul but d’éviter l’insolvabilité et la mise en liquidation de cet établissement de crédit.
196 En effet, au regard des violations constatées et des objectifs poursuivis par la décision attaquée, les conséquences de la décision attaquée sur la situation d’AAB Bank ne dépassaient pas les limites nécessaires à la réalisation des objectifs poursuivis.
197 Au demeurant, force est de constater que, ainsi qu’il résulte de la décision attaquée, les violations reprochées à AAB Bank avaient également pour effet de nuire à sa solidité, au détriment des déposants, des investisseurs et des contreparties, et de détruire la confiance des consommateurs dans le marché bancaire.
198 Troisièmement, AAB Bank considère que le refus de suspendre l’application immédiate de la décision attaquée était disproportionné dans la mesure où la BCE n’a pas pris en compte les effets négatifs du retrait d’agrément et de son exécution sur ses droits de la défense.
199 Toutefois, dès lors qu’AAB Bank a été en mesure d’introduire un recours contre la décision attaquée, ainsi que des procédures de référé, le refus, par la BCE, de suspendre l’application immédiate de la décision attaquée n’a pas eu d’effets négatifs sur ses droits de la défense ni dépassé les limites nécessaires à la réalisation des objectifs poursuivis.
200 Eu égard à ce qui précède, la BCE n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que la décision attaquée était proportionnée.
201 Le second moyen doit donc être rejeté.
3. Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 34 du règlement no 468/2014, lu à la lumière du droit à une protection juridictionnelle effective découlant du refus, par la BCE, de suspendre l’application de la décision attaquée
202 Au soutien de ce moyen, AAB Bank fait valoir, en substance, que le refus de faire droit à la demande de suspension de l’application de la décision attaquée était contraire à l’article 34 du règlement no 468/2014 et au droit à une protection juridictionnelle effective, mais aussi qu’il n’était pas justifié en l’absence d’urgence.
203 Selon AAB Bank, le droit à une protection juridictionnelle effective impliquait que la BCE suspende l’exécution de la décision attaquée jusqu’à l’adoption d’un arrêt sur un recours formé contre cette décision dès lors qu’une telle mesure allait causer un préjudice irréparable et entraîner le remplacement de ses dirigeants par des liquidateurs en qualité de représentants exclusifs des organes de la banque sans qu’elle puisse faire contrôler au préalable la légalité de la décision attaquée au
moins par la voie du référé.
204 AAB Bank ajoute que la règle de l’application immédiate des décisions de retrait d’agrément doit être considérée comme contraire aux droits fondamentaux en ce qu’elle ne permet pas une protection juridictionnelle effective des destinataires de décisions de retrait d’agrément en raison de la portée de ces décisions et du caractère limité de la protection juridictionnelle provisoire au niveau européen.
205 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne énonce que toute personne a droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial.
206 En outre, il a déjà été jugé que l’impossibilité d’octroyer des mesures provisoires n’était pas compatible avec le principe général du droit à une protection juridictionnelle complète et effective que les justiciables tiennent du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 3 mai 1996, Allemagne/Commission, C‑399/95 R, EU:C:1996:193, point 46).
207 Toutefois, il ressort également de la jurisprudence que l’existence de conditions de recevabilité ou de fond n’est pas, en tant que telle, contraire au droit à une protection juridictionnelle effective (voir, par analogie, arrêts du 13 mars 2007, Unibet, C‑432/05, EU:C:2007:163, point 73 ; du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, points 98 et 106, et ordonnance du 19 juin 1995, Kik/Conseil et Commission, T‑107/94, EU:T:1995:107, point 39).
208 Il n’en demeure pas moins que de telles conditions ne doivent pas rendre, en pratique, les recours excessivement difficile ou impossible (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 16 décembre 1976, Rewe-Zentralfinanz et Rewe-Zentral, 33/76, EU:C:1976:188, EU:C:1976:188, point 5 ; du 26 janvier 2010, Transportes Urbanos y Servicios Generales, C‑118/08, EU:C:2010:39, point 31, et du 12 décembre 2013, Test Claimants in the Franked Investment Income Group Litigation, C‑362/12, EU:C:2013:834,
point 32).
209 Par ailleurs, en vertu de l’article 34 du règlement no 468/2014, sans préjudice de l’article 278 TFUE et de l’article 24, paragraphe 8, du règlement 1024/2013, la BCE peut décider de suspendre l’application d’une décision de surveillance prudentielle.
210 En l’espèce, premièrement, il y a lieu de constater que, contrairement aux affirmations d’AAB Bank, le refus de suspendre l’application immédiate de la décision attaquée n’a pas rendu excessivement difficile ou impossible la demande, devant le juge de l’Union, visant à suspendre à titre provisoire la décision attaquée ou le recours en annulation contre cette décision afin de contrôler sa légalité.
211 En effet, d’une part, le placement en liquidation d’AAB Bank, intervenu à la suite de la décision attaquée, ne l’a pas empêchée d’introduire un recours en annulation et une demande de mesures provisoires contre cette décision.
212 D’autre part, par l’ordonnance du 20 novembre 2019, Anglo Austrian AAB Bank et Belegging-Maatschappij Far-East/BCE (T‑797/19 R, non publiée, EU:T:2019:801), le président du Tribunal a ordonné, à la demande des requérantes, le sursis à l’exécution de la décision attaquée six jours après son adoption, le temps qu’il soit statué sur leur demande de mesures provisoires.
213 Deuxièmement, l’allégation du caractère limité de la protection juridictionnelle provisoire au niveau européen, en ce qu’elle vise à contester la compatibilité des conditions du référé avec le droit à une protection juridictionnelle effective, doit, en tout état de cause, être également rejetée en application de la jurisprudence citée au point 207 ci-dessus.
214 En ce qui concerne, en particulier, l’argument tiré du caractère irréversible ou irréparable des décisions de retrait d’agrément, il y a lieu de constater que le refus de suspension des effets d’une décision de retrait d’agrément ne remet pas en cause le droit à une protection juridictionnelle des établissements concernés.
215 En effet, l’application immédiate des décisions de retrait d’agrément peut être suspendue, le cas échéant, dans le cadre d’une demande de mesures provisoires, et elle n’empêche pas les établissements concernés d’introduire un recours en annulation contre ces décisions.
216 AAB Bank aurait donc pu obtenir le sursis à l’exécution de la décision attaquée si elle avait rempli les conditions d’un tel sursis, notamment la condition liée à l’urgence.
217 En outre, dans l’hypothèse où une décision de retrait serait considérée comme illégale à la suite d’un recours en annulation, l’établissement concerné pourrait demander réparation du préjudice qu’il a subi du fait de l’illégalité qui aurait été constatée.
218 Par ailleurs, la circonstance qu’un établissement de crédit a été placé en liquidation à la suite du retrait de son agrément et que ses directeurs ont été remplacés par des liquidateurs en qualité de représentants exclusifs n’empêche pas cet établissement d’introduire un recours contre la décision lui retirant son agrément.
219 Par conséquent, l’application immédiate des décisions de retrait n’est pas contraire au droit à une protection juridictionnelle des établissements concernés.
220 Troisièmement, AAB Bank fait valoir que le refus de suspendre l’application de la décision attaquée était contraire à l’article 34 du règlement no 468/2014 et qu’il n’était pas justifié par une situation d’urgence dans la mesure où la décision attaquée se fondait sur des manquements remontant à plusieurs années dont aucun n’avait perduré. Elle souligne également que la BCE ou la FMA n’ont pas invoqué d’arguments relatifs à l’existence d’une urgence.
221 À cet égard, il y a lieu de rappeler que la BCE a refusé de suspendre les effets de la décision attaquée pour une période de trente jours au motif que les observations d’AAB Bank n’étaient pas de nature à mettre en doute la légalité de cette décision, que celle-ci n’était pas susceptible de causer un dommage irréparable, et que l’intérêt public visant à protéger les déposants, les investisseurs et les autres partenaires d’AAB Bank ainsi que la stabilité du système financier justifiait
l’application immédiate de la décision.
222 En outre, il ne ressort pas de l’article 34 du règlement no 468/2014, en vertu duquel la BCE peut décider de suspendre l’application d’une décision de surveillance prudentielle, qu’il lui appartient de démontrer que le refus de suspendre une décision de retrait d’agrément est justifié par une situation d’urgence.
223 Par ailleurs, la décision de suspendre ou non l’application d’une décision de retrait d’agrément relève, en vertu de l’article 34 du règlement no 468/2014, du pouvoir d’appréciation de la BCE.
224 Or, au regard de l’adoption d’un grand nombre d’injonctions et de sanctions depuis 2010, l’allégation selon laquelle les manquements reprochés à AAB Bank étaient anciens et n’avaient pas perduré ne démontrent pas que l’affirmation de la BCE selon laquelle l’intérêt public visant à protéger ses déposants, ses investisseurs et ses autres partenaires ainsi que la stabilité du système financier justifiait l’application immédiate de la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste
d’appréciation.
225 La BCE n’a donc pas excédé les limites de sa marge d’appréciation ni violé l’article 34 du règlement no 468/2014 en refusant de suspendre la décision attaquée pour une période de trente jours.
226 Eu égard à ce qui précède, le troisième moyen n’est pas fondé.
4. Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense d’AAB Bank
227 Dans le cadre de ce moyen, qui s’articule autour de quatre branches, AAB Bank soutient que la décision attaquée a été adoptée en violation de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux et des articles 31 et 32 du règlement no 468/2014 dans la mesure où la BCE, premièrement, a violé son droit à un procès équitable et son droit d’être entendue, deuxièmement, lui a refusé l’accès intégral au dossier, troisièmement, n’a pas déterminé les circonstances pertinentes et, quatrièmement, a violé
son « droit à une audience ».
228 La BCE conteste cette argumentation.
a) Sur la première branche du quatrième moyen, tirée de la violation du droit d’être entendu et du droit à un procès équitable
229 Dans le cadre de la première branche du quatrième moyen, AAB Bank fait valoir que la FMA ne l’a pas entendue avant de communiquer le projet de décision à la BCE, alors qu’elle était tenue de le faire conformément à l’article 70, paragraphe 4, du BWG et en vertu du droit d’être entendu, et que la BCE ne l’a pas informée de cette communication d’un projet de décision de retrait.
230 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 81, paragraphe 2, du règlement no 468/2014, le droit d’être entendu selon les modalités fixées à l’article 31 de ce règlement est applicable.
231 Cet article prévoit que, « [a]vant que la BCE n’adopte une décision de surveillance prudentielle de la BCE adressée à une partie qui soit susceptible d’affecter défavorablement les droits de cette partie, la partie doit avoir eu la possibilité d’adresser à la BCE, par écrit, ses observations sur les faits, motifs et fondements juridiques pertinents pour la décision de surveillance prudentielle de la BCE […] La notification par laquelle la BCE donne aux parties la possibilité de faire valoir
leurs observations mentionne le contenu matériel de la décision de surveillance prudentielle de la BCE envisagée, les faits, motifs et fondements juridiques essentiels sur lesquels la BCE entend fonder sa décision ».
232 Or, en l’espèce, AAB Bank ne conteste pas avoir été entendue, avant l’adoption de la décision attaquée, sur le projet de décision de la BCE que cette dernière lui a transmis le 14 juin 2019 et lequel comportait les faits, les motifs et le fondement juridique essentiels sur lesquels elle entendait se fonder dans la décision attaquée. À la suite de cette notification, AAB Bank a présenté ses observations écrites sur le projet de décision de la BCE, conformément aux modalités prévues à
l’article 31, paragraphe 1, du règlement no 468/2014, par lettre du 23 juillet 2019.
233 Par ailleurs, contrairement à ce qu’affirme AAB Bank, cette disposition, qui régit la procédure applicable en la matière, n’imposait nullement à la BCE de communiquer à AAB Bank le projet de décision de la FMA.
234 Dans ce contexte, l’argument d’AAB Bank selon lequel la BCE aurait dû constater une violation de ses droits procéduraux résultant d’une violation de l’article 70, paragraphe 4, du BWG par la FMA, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1024/2013, est dénué de tout fondement en droit.
235 Partant, force est de constater qu’AAB Bank a été mise en mesure de présenter des observations sur le projet de décision de la BCE ayant abouti à la décision attaquée, conformément à l’article 31 du règlement no 468/2014.
236 Dans ces conditions, le fait que la requérante n’ait pas été entendue sur le projet de décision de la FMA ou que la BCE ne lui ait pas communiqué la proposition de retrait d’agrément de la FMA au moment où celle-ci lui a été communiquée sont inopérants.
237 Par conséquent, la première branche du quatrième moyen doit être écartée.
b) Sur la deuxième branche du quatrième moyen, tirée de la violation du droit d’accès au dossier
238 AAB Bank fait valoir que le droit d’accès au dossier naît dès le moment de l’engagement de la procédure de surveillance prudentielle par la FMA et a pour objet de permettre au destinataire d’un projet de décision d’exercer son droit d’être entendu.
239 Elle soutient également que son droit à l’accès au dossier n’a pas été respecté dès lors que la BCE n’a accordé qu’un accès restreint au dossier. L’absence de transmission de la communication interne et de la communication entre la BCE et la FMA, qualifiées de confidentielles, aurait empêché AAB Bank de vérifier la pertinence matérielle des documents divulgués en vue de l’accès au dossier pour la procédure devant le Tribunal et d’identifier les reproches soulevés par la BCE et la FMA.
240 À cet égard, il importe de rappeler que le droit d’accès au dossier implique que l’institution concernée donne à l’entreprise concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d’instruction qui sont susceptibles d’être pertinents pour sa défense. Ceux-ci comprennent tant les pièces à charge que celles à décharge, sous réserve des secrets d’affaires d’autres entreprises, des documents internes et d’autres informations confidentielles (voir, en ce
sens et par analogie, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 68 et jurisprudence citée).
241 En outre, en vertu de l’article 32, paragraphes 1 et 5, du règlement no 468/2014, le droit d’accès au dossier ne s’étend pas aux informations confidentielles, qui peuvent inclure des documents internes de la BCE et des autorités compétentes nationales ainsi que la correspondance entre la BCE et une autorité compétente nationale ou entre ces autorités.
242 Or, premièrement, AAB Bank a eu accès au dossier avant de présenter des observations sur le projet de la BCE ayant abouti à l’adoption de la décision attaquée.
243 Dès lors que le délai qui lui a été accordé pour présenter des observations, d’une durée de cinq semaines, était suffisant pour lui permettre d’assurer sa défense, force est de constater qu’elle a été mise en mesure de présenter des observations en disposant du dossier.
244 Deuxièmement, force est de constater que l’argument d’AAB Bank selon lequel l’absence d’accès aux communications internes de la BCE et entre la FMA et la BCE qui concernaient la détermination des faits à charge ou les constats de la FMA l’aurait empêchée de vérifier la pertinence matérielle des documents divulgués dans le dossier et d’identifier les reproches soulevés par la BCE et la FMA ne démontre pas qu’AAB Bank a été empêchée de se défendre efficacement.
245 En effet, dès lors que le retrait d’agrément est fondé sur des décisions de la FMA et des arrêts des juridictions autrichiennes constatant l’existence de violations ou la commission d’infractions et qu’AAB Bank était destinataire de ces décisions administratives ou partie aux procédures juridictionnelles concernées, elle ne saurait prétendre avoir été empêchée de vérifier la pertinence matérielle des documents ou d’identifier les reproches soulevés par la BCE et la FMA qui reposent sur ces
décisions ou ces arrêts.
246 Au surplus, dans la mesure où les reproches ou les documents dont AAB Bank voulait vérifier la pertinence visent les constatations factuelles surabondantes de la BCE, destinées à présenter le contexte des infractions reprochées, il y a également lieu de constater que, en tout état de cause, leur communication n’aurait pas permis à AAB Bank de démontrer que les décisions nationales définitives mentionnées dans la décision attaquée, dont elle avait nécessairement connaissance, n’ont pas constaté
la commission d’infractions.
247 Partant, leur communication n’était pas utile à la défense d’AAB Bank.
248 Dans ces conditions, contrairement à ce que fait valoir AAB Bank, la circonstance que la BCE n’ait pas explicité les raisons pour lesquelles les documents internes et les communications entre la FMA et la BCE étaient confidentiels n’est pas de nature à entraîner l’illégalité de la décision attaquée.
249 Pour le même motif, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande d’AAB Bank d’ordonner à la BCE la production des documents classés jusqu’ici comme confidentiels.
250 La deuxième branche du quatrième moyen n’est donc pas fondée.
c) Sur la troisième branche du quatrième moyen, tirée de la violation de l’obligation de déterminer les circonstances pertinentes
251 Dans le cadre de la troisième branche du quatrième moyen, AAB Bank fait valoir que la BCE a violé le principe de bonne administration en omettant de déterminer, d’examiner et d’apprécier avec soin et impartialité tous les éléments matériels pertinents pour le retrait de l’agrément. À ce propos, elle précise que la BCE n’aurait pas dû se fonder sur les faits constatés par la FMA, mais aurait dû se livrer à ses propres investigations, d’une part, sur la question de la violation des dispositions
relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et, d’autre part, sur celle de l’existence d’une organisation appropriée.
252 En premier lieu, il ressort d’une lecture combinée de l’article 18, sous f), et de l’article 67, paragraphe 1, sous o), de la directive 2013/36 que les autorités compétentes peuvent retirer l’agrément accordé lorsqu’un établissement de crédit a été déclaré responsable d’une infraction grave aux dispositions nationales adoptées en vertu de la directive 2005/60 (devenue directive 2015/849).
253 En outre, il ressort de l’article 70, paragraphe 4, du BWG que, lorsqu’un établissement de crédit enfreint, notamment, les dispositions du BWG ou les actes pris pour son application, la FMA doit révoquer l’agrément de l’établissement de crédit dans les cas où d’autres mesures énoncées dans le BWG ne peuvent pas assurer le fonctionnement de l’établissement de crédit.
254 Par ailleurs, aux termes de l’article 31, paragraphe 3, deuxième alinéa, du FM‑GwG, en cas de manquement aux obligations visées à l’article 34 paragraphes 2 et 3, du FM‑GwG, la FMA peut révoquer l’agrément.
255 Conformément à l’article 14, paragraphe 5, second alinéa, du règlement no 1024/2013, lorsque l’autorité compétente nationale qui a proposé l’agrément conformément au paragraphe 1 estime que l’agrément doit être retiré en vertu du droit national, elle soumet une proposition en ce sens à la BCE. Dans ce cas, la BCE arrête une décision sur la proposition de retrait en tenant pleinement compte des motifs justifiant le retrait avancés par l’autorité compétente nationale.
256 Enfin, aux termes de l’article 83 du règlement no 468/2014, lorsque la BCE prend sa décision, elle tient compte de l’ensemble des points suivants : « a) son examen des circonstances justifiant le retrait ; b) le cas échéant, le projet de décision de retrait de l’autorité compétente nationale ; c) la consultation de l’autorité compétente nationale concernée et, lorsque l’autorité compétente nationale n’est pas l’autorité nationale de résolution, de l’autorité nationale de résolution […] ; d) les
observations présentées par l’établissement de crédit conformément à l’article 81, paragraphe 2, et à l’article 82, paragraphe 3 ».
257 Il résulte de ces dispositions et de l’article 4, paragraphes 1 et 3, et de l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013, que, au titre de sa compétence pour retirer les agréments des établissements de crédit, la BCE devait, en l’espèce, apprécier, en tenant pleinement compte des motifs justifiant le retrait avancés par l’autorité compétente nationale et à l’issue de son examen des circonstances justifiant le retrait, si les conditions prévues par le droit autrichien, lues à la lumière
de l’article 18, sous f), et l’article 67, paragraphe 1, sous o), de la directive 2013/36, étaient remplies, c’est-à-dire établir les faits pertinents et décider s’ils devaient être qualifiés comme établissant que l’établissement de crédit concerné a été déclaré responsable d’une infraction grave au sens de l’article 34, paragraphes 2 et 3, du FM‑GwG.
258 À cet égard, la formule « a été déclaré responsable » de l’article 67, paragraphe 1, sous o), de la directive 2013/36 implique d’interpréter l’article 31, paragraphe 3, deuxième alinéa, du FM‑GwG, qui transpose cette disposition, en ce sens que, afin de vérifier si l’établissement concerné a commis des infractions graves aux dispositions auxquelles renvoie l’article 34, paragraphes 2 et 3, du FM‑GwG, la BCE doit se fonder sur des décisions des autorités nationales compétentes qui ont établi la
commission d’infractions graves, et non en ce sens que la BCE doit déclarer elle-même que l’établissement de crédit a commis une infraction grave.
259 En l’espèce, la BCE a établi les faits pertinents pour retirer l’agrément en se fondant sur des décisions administratives de la FMA, sur des décisions juridictionnelles des juridictions autrichiennes, sur des rapports d’audit interne et, ainsi qu’elle l’a précisé dans la décision attaquée, sur sa propre évaluation de la documentation pertinente.
260 Elle a ainsi affirmé que, à la suite de sa propre évaluation, elle était d’accord avec les constats de la FMA sur la commission d’infractions et a également qualifié les faits en cause, en substance, comme établissant qu’AAB Bank avait été déclarée responsable d’une infraction grave aux dispositions nationales adoptées en vertu de la directive 2005/60 (devenue directive 2015/849) au sens de l’article 67, paragraphe 1, sous o), de la directive 2013/36 et de l’article 34, paragraphes 2 et 3, du
FM‑GwG.
261 Dès lors, contrairement à ce qu’affirme AAB Bank, la BCE ne s’est pas contentée de renvoyer aux infractions constatées par la FMA dans sa proposition de décision, mais a constaté qu’elle avait été déclarée responsable d’infractions graves au sens de l’article 34, paragraphes 2 et 3, du FM‑GwG au terme de sa propre évaluation des faits et des éléments de preuve à sa disposition.
262 Au surplus, contrairement à ce que fait valoir AAB Bank, l’obligation pour la BCE de se fonder sur des décisions nationales antérieures à la décision de proposition de retrait d’agrément pour établir qu’un établissement de crédit a été déclaré responsable d’infractions graves n’empêche pas le contrôle juridictionnel desdites infractions.
263 En effet, ces décisions peuvent faire l’objet d’un recours devant le juge national, comme cela a d’ailleurs été le cas pour certaines des décisions adressées à AAB Bank prises en compte par la BCE.
264 Par conséquent, il ne saurait être reproché à la BCE de ne pas avoir constaté elle-même les infractions à la législation relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
265 En second lieu, au titre de sa compétence pour retirer les agréments des établissements de crédit, la BCE doit apprécier si les conditions prévues à l’article 70, paragraphe 4, du BwG sont remplies, c’est-à-dire qu’elle doit établir les faits pertinents et décider s’ils doivent être qualifiés comme établissant que l’établissement de crédit n’a pas mis en place les dispositifs de gouvernance exigés par les autorités compétentes conformément à l’article 39, paragraphes 2, 2b et 5, à l’article 42
et à l’article 44, paragraphe 1, du BWG.
266 En l’espèce, la BCE ne s’est pas limitée à reproduire dans la décision attaquée les constats présentés par la FMA dans sa proposition de décision ou les mesures administratives adoptées par la FMA, mais elle s’est fondée sur sa propre appréciation du respect des dispositions nationales de transposition de l’article 74 de la directive 2013/36, c’est-à-dire des dispositions du BWG.
267 Dès lors, contrairement à ce qu’affirme AAB Bank, la BCE ne s’est pas seulement fondée sur les infractions constatées par la FMA dans sa proposition de décision, mais elle a vérifié elle-même les violations des dispositions du droit de la surveillance prudentielle bancaire constatées par la FMA.
268 Par ailleurs, il ne saurait être reproché à la BCE d’avoir pris en compte, à cette fin, des décisions administratives de la FMA.
269 En effet, l’article 70, paragraphe 4, du BWG, qui transpose les articles 18 et 67 de la directive 2013/36, prévoit que, lorsqu’un établissement de crédit enfreint, notamment, les dispositions du BWG ou des actes pris pour son application, la FMA doit, en substance, lui enjoindre de rétablir la légalité, adopter des sanctions ou révoquer son agrément.
270 Il en résulte que les violations du BWG, qui comporte les dispositions nationales de transposition de l’article 74 de la directive 2013/36, peuvent être constatées par des mesures ou des sanctions administratives adoptées par la FMA.
271 Par conséquent, la BCE n’a pas agi en violation de l’article 70, paragraphe 4, du BWG en se fondant sur des décisions des autorités nationales compétentes et sur sa propre appréciation pour constater la violation des dispositions nationales de transposition de l’article 74 de la directive 2013/36, afin d’établir qu’AAB Bank n’avait pas mis en place les dispositifs de gouvernance exigés par les autorités compétentes conformément aux dispositions du BWG transposant l’article 74 de cette directive.
272 Il ne saurait donc lui être reproché d’avoir omis de déterminer, d’examiner et d’apprécier avec soin et impartialité tous les éléments matériels pertinents pour le retrait de l’agrément.
273 La troisième branche du quatrième moyen n’est donc pas fondée.
d) Sur la quatrième branche du quatrième moyen, tirée de la violation du « droit à une audience »
274 Selon AAB Bank, la BCE a violé son droit à une bonne administration en ce qu’elle a rejeté sa demande visant à obtenir le droit de présenter oralement des observations sur les faits, les motifs et les fondements juridiques pertinents pour la décision dans le cadre d’une réunion.
275 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 31, paragraphe 1, du règlement no 468/2014, si elle le juge approprié, la BCE peut donner aux parties la possibilité de présenter des observations sur les faits, les motifs et les fondements juridiques pertinents pour sa décision de surveillance prudentielle dans le cadre d’une réunion.
276 Il en résulte que l’organisation d’une telle réunion, durant laquelle des observations peuvent être présentées oralement est une faculté et non une obligation pour la BCE.
277 Il ne saurait donc lui être reproché une violation d’un « droit à l’audience » puisqu’un tel droit n’est pas reconnu aux établissements de crédit concernés.
278 Par ailleurs, AAB Bank indique que la FMA a violé son droit à la protection de ses secrets d’affaires en divulguant devant le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral) des documents confidentiels liés à la procédure de retrait avant la clôture de la procédure.
279 Indépendamment de la question de savoir si ce reproche est fondé, il suffit de constater qu’il ne saurait entacher la décision attaquée d’illégalité, car il ne vise pas des éléments ayant eu une incidence sur le contenu de cette décision.
280 La quatrième branche du quatrième moyen n’est donc pas fondée.
281 Eu égard à ce qui précède, le quatrième moyen doit être rejeté.
5. Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du droit de propriété de l’actionnaire découlant de la destruction de la valeur économique des parts que l’actionnaire détenait dans le capital d’AAB Bank
282 En premier lieu, AAB Bank fait valoir que la décision attaquée a détruit la valeur économique des actions que l’actionnaire d’AAB Bank détient dans son capital et porté une atteinte à la substance du droit de propriété de cet actionnaire.
283 En second lieu, pour AAB Bank, dès lors que la décision attaquée a produit, selon l’article 6, paragraphe 4, du BWG, les mêmes effets qu’une décision de dissolution et a servi de base directe à sa liquidation, elle est constitutive d’une violation du droit de propriété de l’actionnaire ainsi que de ses droits d’actionnaire.
284 À cet égard, il importe de rappeler, d’une part, que le recours de l’actionnaire contre la décision attaquée a été rejeté comme étant irrecevable.
285 D’autre part, AAB Bank ne saurait invoquer, au soutien de son recours en annulation, un droit de propriété dont elle n’est pas titulaire.
286 Dès lors qu’AAB Bank ne peut se prévaloir du droit de propriété de son actionnaire, le cinquième moyen doit être rejeté.
6. Sur la demande de mesures d’organisation de la procédure d’AAB Bank
287 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 8 avril 2021, AAB Bank a présenté une demande de mesures d’organisation de la procédure par laquelle elle a demandé au Tribunal d’autoriser les parties à compléter leur argumentaire en présentant des observations, en substance, sur des décisions administratives et judiciaires autrichiennes concernant la situation à la date de la décision attaquée qui seraient de nature à remettre en cause ses motifs.
288 La BCE a présenté ses observations sur cette demande.
289 À cet égard, dès lors qu’AAB Bank n’identifie pas les décisions qu’elle estime pertinentes pour le présent recours, et qu’elle ne les a pas fournies au Tribunal, il y a lieu de constater qu’elle n’a pas démontré la pertinence des décisions qu’elle évoque pour le présent recours.
290 Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la demande de mesures d’organisation de la procédure d’AAB Bank.
291 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.
IV. Sur les dépens
292 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la BCE, y compris les dépens afférents à la procédure en référé, conformément aux conclusions de cette dernière.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Anglo Austrian AAB AG et Belegging-Maatschappij “Far-East” BV supporteront, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Banque centrale européenne (BCE), y compris ceux afférents à la procédure en référé.
Papasavvas
Costeira
Kancheva
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 juin 2022.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.