ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)
27 avril 2022 ( *1 )
« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant un caniveau d’évacuation de douche – Dessin ou modèle antérieur produit après l’introduction de la demande en nullité – Article 28, paragraphe 1, sous b), v), du règlement (CE) no 2245/2002 – Pouvoir d’appréciation de la chambre de recours – Champ d’application – Article 63, paragraphe 2, du règlement (CE) no 6/2002 – Procédure orale et mesures d’instruction – Articles 64 et 65 du
règlement no 6/2002 – Motif de nullité – Caractère individuel – Article 6 et article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002 – Identification du dessin ou modèle antérieur – Antériorité compacte – Détermination des caractéristiques du dessin ou modèle contesté – Comparaison globale »
Dans l’affaire T‑327/20,
Group Nivelles NV, établie à Gingelom (Belgique), représentée par Me J. Jonkhout, avocat,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. A. Folliard-Monguiral et Mme G. Predonzani, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant
Easy Sanitary Solutions BV, établie à Oldenzaal (Pays-Bas), représentée par Me F. Eijsvogels, avocat,
ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l’EUIPO du 17 mars 2020 (affaire R 2664/2017‑3), relative à une procédure de nullité entre Group Nivelles et Easy Sanitary Solutions,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre),
composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, M. Kancheva (rapporteure) et T. Perišin, juges,
greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,
vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 28 mai 2020,
vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 29 septembre 2020,
vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 2 octobre 2020,
vu la désignation d’une autre juge pour compléter la chambre à la suite de l’empêchement d’un de ses membres,
à la suite de l’audience du 13 octobre 2021,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Le 28 novembre 2003, l’intervenante, Easy Sanitary Solutions BV, a présenté une demande d’enregistrement d’un dessin ou modèle communautaire à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1).
2 Le dessin ou modèle communautaire dont l’enregistrement a été demandé et qui est contesté en l’espèce est représenté dans les vues suivantes :
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25.1
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25.2
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25.3
3 Les produits dans lesquels le dessin ou modèle contesté est destiné à être incorporé relèvent de la classe 23‑02 au sens de l’arrangement de Locarno du 8 octobre 1968 instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, tel que modifié, et correspondent à la description suivante : « Caniveaux d’évacuation de douche » (shower drains).
4 Le dessin ou modèle contesté a été enregistré le 9 mars 2004 en tant que dessin ou modèle communautaire sous le numéro 107834-0025 et publié le même jour au Bulletin des dessins ou modèles communautaires no 19/2004. Il a été renouvelé à plusieurs reprises, dont le 16 juin 2018.
5 Le 3 septembre 2009, I‑Drain BVBA, le prédécesseur en droit de la requérante, Group Nivelles NV, a introduit, en vertu de l’article 52 du règlement no 6/2002, une demande en nullité du dessin ou modèle contesté.
6 Les motifs invoqués à l’appui de la demande en nullité étaient ceux visés à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu en combinaison avec les articles 4 à 9 du même règlement.
7 I‑Drain a joint à sa demande en nullité une copie de l’enregistrement international DM/059828 (ci-après l’« enregistrement DM/059828 » ou le « dessin ou modèle DM/059828 »), déposé et enregistré le 2 avril 2002 par l’intervenante et publié le 30 juin 2002 comme suit :
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8 Le 2 avril 2010, dans sa réponse aux observations de l’intervenante, postérieurement à l’introduction de sa demande en nullité, I‑Drain a présenté de nouveaux documents relatifs à d’autres dessins ou modèles, dont, notamment, des extraits tirés de deux catalogues de produits Blücher datant de 1998 et de 2000 et contenant, chacun à la page 33, l’image suivante, au centre de laquelle figurait une plaque de recouvrement (ci-après la « plaque de recouvrement des catalogues Blücher ») :
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9 Le 30 août 2010, à la suite d’une fusion par absorption, la requérante a succédé aux droits et aux obligations d’I‑Drain, laquelle a cessé d’exister en tant que personne morale.
10 Par décision du 23 septembre 2010, la division d’annulation a fait droit à la demande en nullité et déclaré nul le dessin ou modèle contesté sur le fondement de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, au motif de son défaut de nouveauté, au sens de l’article 5 du même règlement, au regard de la plaque de recouvrement des catalogues Blücher.
11 Le 15 octobre 2010, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 55 à 60 du règlement no 6/2002, contre la décision de la division d’annulation.
12 Par décision du 4 octobre 2012 (ci-après la « première décision »), la troisième chambre de recours de l’EUIPO a accueilli le recours et annulé la décision de la division d’annulation en ce qu’elle était fondée sur l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu conjointement avec l’article 4, paragraphe 1, et l’article 5 du même règlement, c’est-à-dire en tant qu’elle avait conclu au défaut de nouveauté du dessin ou modèle contesté. Elle a renvoyé l’affaire à la division
d’annulation afin que celle-ci réexamine la demande en nullité en ce qu’elle était fondée sur l’article 25, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, lu conjointement avec l’article 4, paragraphe 1, et l’article 6 dudit règlement, c’est-à-dire au motif de l’absence de caractère individuel du dessin ou modèle contesté.
13 Le 7 janvier 2013, la requérante a formé un recours devant le Tribunal, au titre de l’article 61 du règlement no 6/2002, contre la première décision.
14 Par arrêt du 13 mai 2015, Group Nivelles/OHMI – Easy Sanitary Solutions (Caniveau d’évacuation de douche) (T‑15/13, ci-après le « premier arrêt du Tribunal , EU:T:2015:281), le Tribunal a annulé la première décision et a rejeté le recours pour le surplus. Tout comme l’EUIPO jusqu’à ce moment, le Tribunal a pris en compte, à titre de (partie d’un) dessin ou modèle antérieur, la plaque de recouvrement des catalogues Blücher, mais non le dessin ou modèle DM/059828.
15 Le 11 juillet et le 24 juillet 2015, l’intervenante et l’EUIPO ont formé des pourvois respectifs devant la Cour contre le premier arrêt du Tribunal.
16 Par arrêt du 21 septembre 2017, Easy Sanitary Solutions et EUIPO/Group Nivelles (C‑361/15 P et C‑405/15 P, ci-après l’« arrêt sur pourvoi », EU:C:2017:720), la Cour a rejeté les pourvois, après avoir néanmoins constaté, aux points 72 et 134 de cet arrêt, deux erreurs de droit commises par le Tribunal. En premier lieu, la Cour a jugé que le Tribunal avait commis une erreur de droit, aux points 77 à 79 et 84 du premier arrêt du Tribunal, en exigeant de l’EUIPO qu’il procédât, dans le cadre de
l’appréciation de la nouveauté du dessin ou modèle contesté, à la combinaison des différents éléments d’un ou de plusieurs dessins ou modèles antérieurs figurant dans différents extraits des catalogues Blücher joints à la demande en nullité, alors même que le demandeur en nullité n’avait pas reproduit dans son ensemble le dessin ou modèle dont il avait invoqué l’antériorité. En second lieu, la Cour a jugé que le Tribunal avait commis une erreur de droit, au point 132 du premier arrêt du Tribunal,
en exigeant, dans le cadre de l’appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté, que l’utilisateur averti de ce dessin ou modèle connût le produit dans lequel le dessin ou modèle antérieur était incorporé ou auquel il s’appliquait. Les pourvois ayant néanmoins été rejetés, l’annulation de la première décision par le dispositif du premier arrêt du Tribunal est passée en force de chose jugée et l’affaire a été renvoyée devant l’EUIPO.
17 Le 19 décembre 2017, les parties devant l’EUIPO ont été informées du fait que le recours contre la décision de la division d’annulation avait été déféré à la troisième chambre de recours, statuant dans une nouvelle composition, sous le numéro R 2664/2017‑3.
18 Le 24 juillet 2018, le rapporteur de la chambre de recours a envoyé aux parties devant l’EUIPO une communication les informant que le dessin ou modèle antérieur soumis à la chambre de recours serait le dessin ou modèle DM/059828, qui était le seul mentionné dans la demande en nullité, au contraire de la plaque de recouvrement des catalogues Blücher. En effet, le rapporteur, en réexaminant le dossier à la suite du renvoi par la Cour, avait constaté que le dessin ou modèle antérieur examiné par les
instances ayant statué antérieurement ne figurait pas dans la demande en nullité et qu’aucun autre dessin ou modèle n’était mentionné dans ladite demande. Les parties se sont vu accorder un délai de deux mois pour présenter leurs observations.
19 Le 21 septembre 2018, la requérante a présenté ses observations.
20 Par décision du 17 mars 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours de l’EUIPO a fait droit au recours de l’intervenante, a annulé la décision de la division d’annulation et a rejeté la demande en nullité. À titre liminaire, elle a constaté que, dans la demande en nullité, la requérante avait désigné comme dessin ou modèle antérieur uniquement le dessin ou modèle DM/059828 et que les autres dessins ou modèles, tel celui des catalogues Blücher, avaient été invoqués
ultérieurement, dans des observations complémentaires. Or, elle a rappelé que l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 n’autorisait pas le demandeur à élargir l’objet de la procédure en fondant sa demande sur de nouveaux dessins ou modèles antérieurs.
21 S’agissant du dessin ou modèle contesté et de ses caractéristiques visibles, la chambre de recours a considéré qu’il était enregistré pour des caniveaux d’évacuation de douche composés d’un siphon, d’une cuve et d’une plaque de recouvrement et, en particulier, que le produit représenté dans le dessin ou modèle contesté était muni de rainures latérales de part et d’autre et de bords extérieurs fins, alors que la plaque de recouvrement était ornée de points sur toute sa surface. La chambre de
recours a rappelé que, selon le premier arrêt du Tribunal, au point 49, après l’installation du « [caniveau d’évacuation] de douche (shower drain) » concerné par le dessin ou modèle contesté, c’est-à-dire son intégration dans le sol de douche, ce n’était pas seulement la partie supérieure de la plaque qui était visible, mais également les deux rainures latérales ainsi que la partie supérieure de la bordure de la cuve.
22 S’agissant du dessin ou modèle antérieur, la chambre de recours a considéré qu’elle devait procéder à un examen complet des éléments de preuve produits afin d’établir précisément en quoi il consistait, dès lors que, à la suite de l’arrêt sur pourvoi et du premier arrêt du Tribunal, il ne pouvait s’agir de la plaque de recouvrement figurant au centre de l’image à la page 33 des catalogues Blücher, laquelle ne représentait pas un dispositif d’évacuation de liquides complet. Après avoir rappelé que
la demande en nullité définissait l’objet de la procédure, qui résultait, d’une part, du dessin ou modèle contesté et, d’autre part, des dessins ou modèles antérieurs invoqués, la chambre de recours a considéré que, en l’espèce, la requérante avait fondé sa demande en nullité sur le dessin ou modèle DM/059828 (reproduit au point 7 ci-dessus).
23 S’agissant de la fonction technique du dessin ou modèle contesté, la chambre de recours a considéré qu’aucune de ses caractéristiques n’était exclusivement imposée par sa fonction technique et, par conséquent, ne devait être exclue de la protection, ni se voir attribuer un rôle substantiellement réduit dans son incidence sur la comparaison globale. Elle a également indiqué que la conception dans ce domaine comportait une forte composante esthétique.
24 S’agissant du caractère individuel du dessin ou modèle contesté, premièrement, la chambre de recours a considéré que l’utilisateur averti était une personne qui connaissait les caractéristiques et les configurations de base des caniveaux d’écoulement disponibles dans la vie normale des affaires et faisait partie à la fois du public professionnel (composé, par exemple, des détaillants vendant des caniveaux d’écoulement à des tiers, des plombiers qui les installaient ou des architectes d’intérieur
qui recherchaient et choisissaient les caniveaux pour leurs clients en tenant compte de leur apparence esthétique) et du public non professionnel, qui incluait donc les utilisateurs finals qui les choisissaient et les achetaient eux-mêmes en vue de leur installation et de leur utilisation dans un quelconque secteur ou environnement. Deuxièmement, la chambre de recours a estimé que la liberté du créateur était relativement large, car, même si l’utilisateur averti, en tant que tel, savait que les
caniveaux d’écoulement, pour remplir leur fonction d’évacuation, devaient être assortis d’une cuve munie de parois latérales et d’extrémité, d’un siphon relié à la canalisation ainsi que de grilles ou d’une grille, ou d’une plaque fermée munie de fentes ou d’ouvertures par lesquelles l’eau s’écoulait, il restait cependant que l’apparence spécifique de ces caractéristiques en ce qui concernait notamment la forme, le matériau, la taille et les proportions pouvait varier, puisqu’il n’existait pas de
contraintes spécifiques autres que celles permettant d’assurer l’élimination de l’eau. Troisièmement, après avoir établi les caractéristiques du dessin ou modèle contesté et des dessins ou modèles antérieurs divulgués, pris individuellement, puis avoir comparé leurs impressions globales (voir points 117 à 127 ci-après), la chambre de recours a conclu que le dessin ou modèle contesté possédait un caractère individuel et qu’il ne saurait, a fortiori, être dépourvu de nouveauté, de sorte qu’il était
valable.
Conclusions des parties
25 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– statuer de nouveau et déclarer nul, en corrigeant les motifs, le dessin ou modèle contesté ;
– condamner l’EUIPO aux dépens.
26 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
27 L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter les griefs invoqués au soutien des premier, deuxième, quatrième, cinquième et sixième moyens ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
28 À l’appui du recours, la requérante soulève six moyens, tirés, en substance, d’erreurs d’appréciation commises par la chambre de recours, premièrement, au point 24 de la décision attaquée (ainsi qu’aux deux premiers alinéas de la deuxième page de la communication du rapporteur du 24 juillet 2018, auxquels ce point se réfère), deuxièmement, au point 26 de la même décision, troisièmement, aux points 38 et 39 de cette décision, en combinaison avec les points 58 et 62 à 65 de ladite décision,
quatrièmement, aux points 98 à 110 et 112 de la décision attaquée, cinquièmement, au point 111 de la même décision, en combinaison avec les points 29 et 30 de cette décision, et, sixièmement, aux points 114 à 117 de ladite décision.
29 Le Tribunal estime opportun d’examiner, d’abord, les troisième et premier moyens, qui concernent l’identification du dessin ou modèle antérieur, ensuite, le deuxième moyen, qui concerne la détermination des caractéristiques du dessin ou modèle contesté, et, enfin, les quatrième, cinquième et sixième moyens, qui concernent la comparaison des dessins ou modèles en conflit et l’appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté.
Sur les premier et troisième moyens, concernant l’identification du dessin ou modèle antérieur
Sur le troisième moyen
30 Par le troisième moyen, la requérante allègue que la chambre de recours, aux points 38 et 39 de la décision attaquée, combinés aux points 58 et 62 à 65 de la même décision, a commis une erreur et violé l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 en considérant que seuls les moyens de preuve déposés dans le cadre de la demande en nullité devant la division d’annulation, en l’espèce la demande du prédécesseur en droit de la requérante du 3 septembre 2009, étaient admis et pouvaient être pris
en considération aux fins de l’appréciation de la nullité. Elle considère, en droit, qu’un tel pouvoir est reconnu à l’EUIPO dans le cadre de l’appréciation des faits et des éléments de preuve produits dans une procédure de nullité si et dans la mesure où l’EUIPO est amené à prendre une décision dans cette même procédure. En revanche, selon elle, ce pouvoir ne peut être invoqué à l’égard de faits et d’éléments de preuve produits dans une procédure dans laquelle l’EUIPO a déjà statué et qui a déjà
fait l’objet d’une décision définitive et antérieure de la part de celui-ci.
31 En l’espèce, selon la requérante, des procédures auraient déjà donné lieu à une décision définitive et antérieure, à savoir la procédure devant la division d’annulation de l’EUIPO ayant abouti à la décision de la division d’annulation du 23 septembre 2010 et la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant abouti à la première décision, du 4 octobre 2012. Ces deux procédures auraient abouti à la conclusion que tous les faits et tous les éléments de preuve pouvaient être pris en
considération. Dans les procédures ultérieures devant le Tribunal et devant la Cour, la question de la recevabilité des faits et des éléments de preuve produits par les parties dans le cadre des procédures antérieures devant la division d’annulation et la chambre de recours n’aurait pas été évoquée ni mise en doute, d’office ou autrement. En particulier, la conclusion que le rapporteur, dans sa communication du 24 juillet 2018, penserait pouvoir tirer de l’arrêt sur pourvoi, selon laquelle il
serait impossible de produire la photographie figurant à la page 33 des catalogues Blücher, serait également inexacte. L’intervenante et l’EUIPO n’auraient jamais contesté ces constatations de la division d’annulation et de la chambre de recours à cet égard, ni devant le Tribunal, ni devant la Cour.
32 La requérante soutient donc que la chambre de recours, en formulant cette constatation aux points concernés de la décision attaquée, est revenue sur des décisions définitives antérieures. Cela serait contraire aux principes généraux de bonne administration et de règlement des litiges, tels que prévus à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi qu’aux principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de diligence procédurale. Elle
conclut que la chambre de recours ne pouvait pas exercer, avec effet rétroactif, le pouvoir conféré par l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002.
33 L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.
34 L’intervenante s’en remet à la sagesse du Tribunal en ce qui concerne le grief de droit soulevé par la requérante dans ce moyen.
35 Aux points 38 et 39 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, la Cour ayant estimé dans l’arrêt sur pourvoi qu’elle avait pris en considération dans la première décision un dessin ou modèle antérieur inapproprié, il convenait d’examiner d’autres dessins ou modèles antérieurs invoqués par la requérante. Dans la demande en nullité, cette dernière avait désigné comme dessin ou modèle antérieur le dessin ou modèle DM/059828, et aucun autre. Les autres dessins ou modèles avaient
été invoqués ultérieurement par le prédécesseur en droit de la requérante, dans des observations complémentaires. À cet égard, la chambre de recours a ajouté qu’il convenait de tenir compte du fait que l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 n’autorisait pas le demandeur à élargir l’objet de la procédure en fondant sa demande sur de nouveaux dessins ou modèles antérieurs, car une telle approche aurait pour effet de prolonger la procédure et d’en modifier l’objet. Or, les nouveaux
dessins ou modèles antérieurs, produits par le prédécesseur en droit de la requérante dans ses observations ultérieures, à savoir ceux figurant dans les catalogues Blücher, n’avaient pas été invoqués comme dessins ou modèles antérieurs dans la demande en nullité.
36 Au point 58 de la décision attaquée, la chambre de recours a rappelé que, comme elle l’avait déjà décidé dans plusieurs décisions antérieures, la demande en nullité définissait l’objet de la procédure, qui résultait, d’une part, du dessin ou modèle contesté et, d’autre part, des dessins ou modèles antérieurs invoqués, et que, pour cette raison, il n’était plus possible d’introduire dans la procédure d’autres dessins ou modèles antérieurs susceptibles de faire obstacle à la nouveauté ou au
caractère individuel du dessin ou modèle contesté après l’introduction de la demande.
37 Au point 62 de la décision attaquée, la chambre de recours a observé que la plaque de recouvrement figurant au centre de l’image présentée à la page 33 des catalogues Blücher, désignée par le prédécesseur en droit de la requérante comme le ou l’un des dessins ou modèles antérieurs supposés démontrer que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de nouveauté et de caractère individuel, n’avait été présentée qu’en réponse aux observations de l’intervenante. Elle a précisé que le fait que les
instances ayant statué antérieurement aient considéré ladite plaque comme un dessin ou modèle antérieur recevable était contraire aux principes susmentionnés, selon lesquels l’objet de la procédure de nullité était défini dans la demande et qu’il n’était pas permis d’introduire d’autres dessins ou modèles antérieurs dans cette procédure après le dépôt de la demande en nullité.
38 Au point 63 de la décision attaquée, par souci d’exhaustivité, la chambre de recours a observé que la recevabilité de faits, preuves et documents complémentaires relatifs à des dessins ou modèles ou à des droits antérieurs déjà visés dans la demande en nullité était soumise aux pouvoirs discrétionnaires conférés à la division d’annulation en vertu de l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002. Toutefois, cette disposition ne permettait pas que le demandeur en nullité élargît l’objet de la
procédure en fondant la demande sur de nouveaux dessins ou modèles antérieurs, car une telle approche aurait pour effet de prolonger la procédure et d’en modifier l’objet. Dès lors, étant donné que les dessins ou modèles cités, notamment, dans les pièces jointes 3a et 3b, à savoir dans les catalogues Blücher, n’avaient pas été mentionnés dans la demande en nullité, ni la division d’annulation ni la chambre de recours ne disposaient d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard. Par conséquent, les
dessins ou modèles apparaissant dans ces documents ne sauraient être considérés comme de l’art antérieur recevable aux fins de la présente procédure de nullité. Au point 64 de la même décision, la chambre de recours a constaté que, pour les mêmes raisons, les documents et les photographies mentionnés par la requérante dans ses observations en réponse à la communication du rapporteur qui concernaient d’autres dessins ou modèles que ceux contenus dans le dessin ou modèle DM/059828 ne sauraient
constituer de l’art antérieur recevable.
39 Au point 65 de la décision attaquée, la chambre de recours a, dès lors, conclu que, conformément à la communication du rapporteur, le seul dessin ou modèle antérieur en l’espèce était le dessin ou modèle DM/059828.
40 Par le troisième moyen, la requérante considère, en substance, que la chambre de recours a commis une erreur et violé l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 en fondant sa décision sur les seuls dessins ou modèles antérieurs représentés dans la demande en nullité, sans égard pour les éléments de preuve, tels que les catalogues Blücher, produits postérieurement au dépôt de cette demande en nullité, sur lesquels la chambre de recours s’était uniquement fondée dans sa première décision,
devenue définitive.
41 À cet égard, d’emblée, force est de constater que la question de l’identification des dessins ou modèles antérieurs devant être comparés avec le dessin ou modèle contesté n’a jamais été tranchée de manière définitive au cours des procédures antérieures devant l’EUIPO, le Tribunal et la Cour.
42 En effet, d’une part, la première décision de la chambre de recours, qui n’avait d’ailleurs pas statué explicitement sur la recevabilité des documents produits par la requérante après l’introduction de sa demande en nullité, a été annulée par le premier arrêt du Tribunal, dont le dispositif est passé en force de chose jugée (voir points 14 et 16 ci-dessus). Or, selon une jurisprudence constante, un arrêt d’annulation opère ex tunc et a donc pour effet d’éliminer rétroactivement l’acte annulé de
l’ordre juridique [voir arrêts du 27 juin 2013, Beifa Group/OHMI – Schwan-Stabilo Schwanhäußer (Instruments d’écriture), T‑608/11, non publié, EU:T:2013:334, point 32 et jurisprudence citée, et du 23 septembre 2020, CEDC International/EUIPO – Underberg (Forme d’un brin d’herbe dans une bouteille), T‑796/16, EU:T:2020:439, point 72 (non publié) et jurisprudence citée]. Dès lors, la première décision a disparu de l’ordre juridique de l’Union européenne et n’est nullement devenue définitive.
43 D’autre part, dans le premier arrêt du Tribunal (voir point 14 ci-dessus), ce dernier n’a pas non plus statué sur la recevabilité desdits documents, et encore moins sur l’objet des dessins ou modèles antérieurs devant être comparés avec le dessin ou modèle contesté. En effet, ce point n’a été soulevé ni par les parties ni même d’office par le Tribunal. Par ailleurs, l’arrêt sur pourvoi (voir point 16 ci-dessus) était limité aux seuls points de droit soulevés dans les pourvois. Partant, la
question de l’identification des dessins ou modèles antérieurs sur laquelle se fondait la demande en nullité ainsi que celle de la pertinence des documents produits ultérieurement pour définir quels sont les dessins ou modèles antérieurs n’ont été ni soulevées ni réglées dans le premier arrêt du Tribunal ni dans l’arrêt sur pourvoi.
44 Ensuite, force est de constater que le présent moyen repose sur la prémisse selon laquelle l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 serait applicable dans des circonstances telles que celle de la présente affaire. Il y a donc lieu d’examiner si cette disposition est applicable en l’espèce, du moins à la question de l’identification du dessin ou modèle antérieur, au regard, en particulier, de l’article 28, paragraphe 1, sous b), v) et vi), du règlement (CE) no 2245/2002 de la Commission,
du 21 octobre 2002, portant modalités d’application du règlement no 6/2002 (JO 2002, L 341, p. 28).
45 À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, l’EUIPO peut ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile. Cette disposition confère ainsi un pouvoir d’appréciation tant à la division d’annulation qu’à la chambre de recours de l’EUIPO.
46 Selon une jurisprudence constante, il découle du libellé de l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 que, en règle générale et sauf disposition contraire, la présentation de faits et de preuves par les parties demeure possible après l’expiration des délais auxquels se trouve subordonnée une telle présentation, en application des dispositions du règlement no 6/2002, et qu’il n’est nullement interdit à l’EUIPO de tenir compte de faits et de preuves ainsi tardivement invoqués ou produits.
En précisant que ce dernier « peut », en pareil cas, décider de ne pas tenir compte de telles preuves, ladite disposition investit l’EUIPO d’un large pouvoir d’appréciation à l’effet de décider, tout en motivant sa décision sur ce point, s’il y a lieu ou non de prendre celles-ci en compte [voir arrêt du 5 juillet 2017, Gamet/EUIPO – Metal-Bud II Robert Gubała (Poignée de porte), T‑306/16, non publié, EU:T:2017:466, points 15 et 16 et jurisprudence citée].
47 S’agissant de l’exercice du pouvoir d’appréciation de l’EUIPO aux fins de la prise en compte éventuelle de preuves produites tardivement, une telle prise en compte par l’EUIPO, lorsqu’il est appelé à statuer dans le cadre d’une procédure de nullité, est, en particulier, susceptible de se justifier lorsque celui-ci considère que, d’une part, les éléments tardivement produits sont de prime abord susceptibles de revêtir une réelle pertinence en ce qui concerne le sort de la demande en nullité formée
devant lui et, d’autre part, le stade de la procédure auquel intervient cette production tardive et les circonstances qui l’entourent ne s’opposent pas à cette prise en compte. Il en résulte qu’il appartient au Tribunal d’apprécier si la chambre de recours a exercé de manière effective le large pouvoir d’appréciation dont elle dispose pour décider, de manière motivée et en tenant dûment compte de l’ensemble des circonstances pertinentes, qu’il y avait lieu ou non de prendre en compte les éléments
de preuve produits pour la première fois devant elle aux fins de rendre la décision qu’elle était appelée à prendre. Il lui appartient, en outre, de contrôler que la chambre de recours a fait un usage approprié du pouvoir d’appréciation que lui conférait l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 (voir arrêt du 5 juillet 2017, Poignée de porte, T‑306/16, non publié, EU:T:2017:466, points 17 et 18 et jurisprudence citée).
48 Il découle également de la jurisprudence que la présentation de preuves venant s’ajouter à des preuves elles-mêmes produites dans un délai imparti à cet effet par l’EUIPO demeure possible après l’expiration dudit délai et qu’il n’est nullement interdit à l’EUIPO de tenir compte des preuves supplémentaires ainsi tardivement produites [voir arrêt du 14 mars 2018, Crocs/EUIPO – Gifi Diffusion (Chaussures), T‑651/16, non publié, EU:T:2018:137, point 33 et jurisprudence citée ; voir également, en ce
sens et par analogie, arrêt du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/OHMI et centrotherm Clean Solutions, C‑610/11 P, EU:C:2013:593, point 88].
49 Cela étant, il importe aussi de rappeler que l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 dispose que la demande en nullité doit être présentée par écrit et motivée. L’article 28, paragraphe 1, sous b), i) et vi), du règlement no 2245/2002 précise qu’une demande en nullité doit contenir une déclaration précisant les motifs de nullité ainsi que les faits, preuves et observations présentés à l’appui de cette demande. L’article 28, paragraphe 1, sous b), v), de ce dernier règlement prévoit, en
outre, que, lorsque la demande en nullité est fondée sur l’absence de nouveauté ou de caractère individuel du dessin ou modèle communautaire enregistré, elle doit comporter l’indication et la reproduction des dessins ou modèles antérieurs susceptibles de faire obstacle à la nouveauté ou au caractère individuel du dessin ou modèle communautaire enregistré ainsi que les documents prouvant l’existence de ces dessins ou modèles antérieurs.
50 Selon la jurisprudence, il appartient à la partie ayant introduit la demande en nullité de fournir à l’EUIPO les indications nécessaires et, en particulier, l’identification et la reproduction précises et complètes du dessin ou modèle dont l’antériorité est alléguée, afin de démontrer que le dessin ou modèle contesté ne pouvait être valablement enregistré. Ainsi, il n’appartient pas à l’EUIPO, mais au demandeur en nullité, de fournir les éléments de nature à démontrer la réalité de ce motif
[arrêt sur pourvoi, points 59 et 65 ; voir, également, arrêt du 17 septembre 2019, Aroma Essence/EUIPO – Refan Bulgaria (Éponge de toilette), T‑532/18, non publié, EU:T:2019:609, point 25 et jurisprudence citée].
51 Il convient de préciser que la preuve de l’existence et l’identification du ou des dessins ou modèles antérieurs doit être apportée pour chacun des motifs de nullité soulevés par le demandeur. À cet égard, le Tribunal a jugé que ni l’EUIPO ni le demandeur en nullité ne pouvaient, à l’appui du défaut de caractère individuel (article 6 du règlement no 6/2002), se fonder sur certains des dessins et modèles antérieurs invoqués, s’il ressortait de la demande en nullité que ces dessins ou modèles
avaient été invoqués uniquement à l’appui d’un autre motif de nullité, tel que le défaut de nouveauté (article 5 du même règlement) [voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2018, Gifi Diffusion/EUIPO – Crocs (Chaussures), T‑424/16, non publié, EU:T:2018:136, points 46 à 48].
52 Par ailleurs, conformément à l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, dans le cadre d’une action en nullité, l’examen de l’EUIPO est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties. Il appartient à la partie requérante de s’assurer que tous les dessins ou modèles antérieurs invoqués sont clairement identifiés et reproduits, dans la mesure où la procédure de nullité fait partie des procédures inter partes. Partant, lors de l’examen de la demande en nullité, l’EUIPO
doit uniquement prendre en considération les dessins ou modèles expressément invoqués par la partie requérante dans la demande en nullité, et non dans un document ultérieur (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2019, Éponge de toilette, T‑532/18, non publié, EU:T:2019:609, points 30 et 36).
53 Ainsi, l’article 28, paragraphe 1, sous b), v), du règlement no 2245/2002 (voir point 49 ci-dessus) suppose que l’identification du ou des dessins ou modèles antérieurs soit effectuée dès l’introduction de la demande en nullité, parce qu’elle définit l’objet du litige et pour que le titulaire du dessin ou modèle contesté soit en mesure de prendre position sur le bien-fondé de la demande. En effet, le bon déroulement de la procédure et la préservation de l’intérêt légitime du titulaire du dessin
ou modèle contesté à ne pas être exposé à un litige dont l’objet serait en perpétuelle mutation s’opposent à la possibilité pour un demandeur d’invoquer, à volonté, d’autres dessins ou modèles antérieurs au fur et à mesure de la procédure de nullité. Pour cette raison, le respect de cette disposition constitue une condition de recevabilité de la demande en nullité, en vertu de l’article 30, paragraphe 1, du même règlement.
54 Par conséquent, il y a lieu de considérer, à l’instar de l’EUIPO, que la logique poursuivie par l’article 28, paragraphe 1, sous b), v), du règlement no 2245/2002 est d’imposer un délai « préfix » ou de forclusion, c’est-à-dire un délai dont la méconnaissance constitue une fin de non-recevoir, pour le dépôt des preuves concernant les éléments essentiels de la demande en nullité qui fixent et délimitent le cadre juridique de la demande. À moins que l’EUIPO n’exige une régularisation de la demande
selon l’article 30, paragraphe 1, du même règlement, de nouveaux éléments de preuve concernant l’indication et la reproduction des dessins ou modèles antérieurs ne peuvent plus être produits, puisque cela élargirait le cadre juridique de la demande en nullité.
55 Il résulte ainsi de l’article 28, paragraphe 1, sous b), v), du règlement no 2245/2002 que la demande en nullité définit l’objet du litige, lequel ressort, d’une part, du dessin ou modèle contesté et, d’autre part, des dessins ou modèles antérieurs invoqués. Dès lors, après avoir formé la demande en nullité, il n’est plus possible d’introduire dans la procédure d’autres dessins ou modèles antérieurs susceptibles de faire obstacle à la nouveauté ou au caractère individuel du dessin ou modèle
contesté.
56 Il y a donc lieu de conclure, eu égard à l’article 28, paragraphe 1, sous b), v), du règlement no 2245/2002, que, dans une procédure de nullité d’un dessin ou modèle communautaire, l’EUIPO doit examiner les seuls dessins ou modèles antérieurs identifiés dans la demande en nullité, et non d’autres dessins ou modèles invoqués postérieurement à titre de dessins ou modèles antérieurs.
57 Par ailleurs, il convient de préciser le champ d’application de l’article 28, paragraphe 1, sous b), vi), du règlement no 2245/2002, lequel dispose que la demande en nullité doit comprendre « les faits, preuves et observations présentés à l’appui de la demande », et, partant, le champ d’application du pouvoir d’appréciation conféré à l’EUIPO par l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002.
58 À cet égard, il importe de souligner, à l’instar de l’EUIPO, que l’article 28, paragraphe 1, sous b), v) et vi), du règlement no 2245/2002 opère une distinction essentielle entre les preuves concernant « l’indication et la reproduction des dessins ou modèles antérieurs », requises par l’article 28, paragraphe 1, sous b), v), dudit règlement, et les autres « faits et preuves », visés par l’article 28, paragraphe 1, sous b), vi), de ce même règlement, par exemple les faits et preuves concernant la
divulgation d’un dessin ou modèle antérieur (article 7 du règlement no 6/2002) ou des preuves concernant la fonctionnalité du dessin ou modèle contesté (article 8 du règlement no 6/2002).
59 Il s’ensuit que le pouvoir d’appréciation conféré à l’EUIPO par l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 pour « tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile » ne peut s’appliquer qu’aux « faits et preuves » visés à l’article 28, paragraphe 1, sous b), vi), du règlement no 2245/2002, et non à « l’indication et la reproduction des dessins ou modèles antérieurs » requises par l’article 28, paragraphe 1, sous b), v), du
même règlement. En particulier, l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 n’est pas applicable à la question de l’identification du dessin ou modèle antérieur.
60 Ainsi, l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, s’il permet de prendre en considération des preuves supplémentaires (voir point 48 ci-dessus), par exemple une représentation plus précise ou une preuve de la publication d’un dessin ou modèle déjà invoqué dans la demande en nullité, ne permet pas, en revanche, d’élargir le cadre juridique de cette demande par la production de preuves totalement nouvelles, en autorisant le demandeur à fonder ladite demande sur d’autres dessins ou modèles
antérieurs, car un tel procédé modifierait l’objet du litige, outre qu’il prolongerait la durée de la procédure.
61 C’est donc à bon droit que, au point 39 de la décision attaquée, la chambre de recours a notamment affirmé que l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 n’autorisait pas le demandeur en nullité à élargir l’objet de la procédure en fondant sa demande sur de nouveaux dessins ou modèles antérieurs.
62 En l’espèce, il est constant que, comme la chambre de recours l’a, en substance, constaté au point 61 de la décision attaquée, après avoir invité les parties à soumettre leurs observations, le dessin ou modèle reproduit dans les catalogues Blücher n’a pas été invoqué, ni représenté, dans le cadre de la demande en nullité du 3 septembre 2009, mais seulement dans la réponse aux observations de l’intervenante, datée du 2 avril 2010 (voir points 7 et 8 ci-dessus).
63 Or, ce dessin ou modèle n’est pas identique au dessin ou modèle initialement invoqué dans la demande en nullité, dans la mesure où la plaque de recouvrement qui y figure se distingue des dessins ou modèles antérieurs faisant l’objet de l’enregistrement DM/059828. Il ne s’agit donc en aucune façon de « représentations d’un même dessin ou modèle antérieur », au sens de la jurisprudence du Tribunal [voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2010, Shenzhen Taiden/OHMI – Bosch Security Systems (Équipement de
communication), T‑153/08, EU:T:2010:248, point 25]. Aucune régularisation en vertu de l’article 30, paragraphe 1, du règlement no 2245/2002 n’était d’ailleurs nécessaire, dès lors que le prédécesseur en droit de la requérante avait correctement identifié les dessins ou modèles antérieurs invoqués à l’appui de sa demande en nullité, à savoir ceux figurant dans l’enregistrement DM/059828.
64 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer, à l’instar de l’EUIPO, qu’une éventuelle prise en compte des preuves produites postérieurement à l’introduction de la demande en nullité, en vertu de l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, ne pouvait être permise qu’aux fins d’illustrer les modalités d’utilisation des produits concrets dans lesquels les dessins ou modèles comparés sont incorporés, ou d’appuyer tout autre fait ou toute allégation déjà soulevés dans la demande en nullité.
En ce sens, certes, la chambre de recours n’a pas strictement écarté la recevabilité desdites preuves, pour autant qu’elles soient destinées à compléter une argumentation déjà présentée et relative au dessin ou modèle antérieur identifié dans la demande en nullité.
65 Toutefois, la recevabilité formelle de telles preuves ne saurait autoriser l’ajout d’un nouveau dessin ou modèle antérieur à ceux initialement invoqués dans la demande en nullité, eu égard à l’article 28, paragraphe 1, sous b), v), du règlement no 2245/2002. En effet, dans cette perspective, la production des catalogues Blücher après l’introduction de la demande en nullité équivaut à la production d’une preuve entièrement « nouvelle », par opposition à une preuve « supplémentaire », au sens de la
jurisprudence de la Cour et du Tribunal concernant l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 (voir point 48 ci-dessus).
66 C’est donc à bon droit que la chambre de recours, au point 63 de la décision attaquée, a considéré, en substance, que, si la prise en compte de preuves supplémentaires pouvait certes aboutir à amplifier le cadre factuel de la demande en nullité en venant s’ajouter à d’autres preuves concernant les dessins ou modèles antérieurs déjà invoqués, elle ne pouvait toutefois étendre le cadre juridique de cette demande à des dessins ou modèles antérieurs nouvellement invoqués, puisque l’étendue de ladite
demande en nullité avait été définitivement fixée par le prédécesseur en droit de la requérante à la date de son introduction en identifiant les dessins ou modèles antérieurs invoqués au soutien de la demande en question.
67 C’est également à juste titre que la chambre de recours, aux points 65 et 66 de la décision attaquée, a conclu que le seul dessin ou modèle antérieur régulièrement invoqué en l’espèce était le dessin ou modèle DM/059828, qui avait été divulgué au public, au sens de l’article 7 du règlement no 6/2002, avant la date de dépôt du dessin ou modèle contesté. Au demeurant, l’existence et l’antériorité de cette divulgation ne sont pas contestées.
68 Par conséquent, il y a lieu de conclure, contrairement à ce qu’allègue la requérante, tout d’abord, que la chambre de recours n’est nullement revenue sur des décisions définitives antérieures et n’a méconnu aucun des principes généraux visés au point 32 ci-dessus et, ensuite, que la chambre de recours n’a pas violé l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, mais a dûment appliqué l’article 28, paragraphe 1, sous b), v), du règlement no 2245/2002.
69 Le troisième moyen doit donc être rejeté comme non fondé.
Sur le premier moyen
70 Par le premier moyen, articulé en trois branches, la requérante allègue que la chambre de recours a commis diverses erreurs d’appréciation au point 24 de la décision attaquée, lu conjointement avec la communication du rapporteur du 24 juillet 2018.
71 Par la première branche, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré à tort que le rapporteur avait estimé, dans sa communication, que le dessin ou modèle antérieur à prendre en compte était le seul dessin ou modèle DM/059828, dès lors qu’il était le seul mentionné dans la demande en nullité. Or, le motif figurant audit point, à savoir que seul ce dessin ou modèle était joint à la demande en nullité, ne se déduirait pas de la communication du rapporteur et ne serait pas
davantage motivé dans la décision attaquée.
72 Par la deuxième branche, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré à tort que la photographie de la page 33 des catalogues Blücher ne saurait être prise en considération au motif que l’arrêt sur pourvoi empêcherait de la produire en tant que dessin ou modèle antérieur dans la procédure de nullité. Selon elle, la chambre de recours aurait tiré de cet arrêt une conclusion qui ne serait pas étayée. Par ailleurs, l’EUIPO n’aurait pas adopté de mesures d’instruction,
contrairement au point 71 de l’arrêt sur pourvoi.
73 Par la troisième branche, la requérante allègue que la chambre de recours a considéré à tort que seul le dessin ou modèle DM/059828, tel que produit par la requérante dans la demande en nullité, pouvait être examiné à titre de dessin ou modèle antérieur, étant donné que le rapporteur avait constaté que le « dessin ou modèle antérieur examiné par les instances ayant statué antérieurement » ne figurait pas dans la demande en nullité du prédécesseur en droit de la requérante du 3 septembre 2009.
Cette conclusion serait plus étendue que celle de la communication du rapporteur, qui n’énoncerait nullement que le dessin ou modèle antérieur examiné par les instances ayant statué antérieurement n’était pas mentionné dans la demande en nullité.
74 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.
75 Au point 24 de la décision attaquée, la chambre de recours a rappelé que, le 24 juillet 2018, le rapporteur avait envoyé aux parties une communication les informant que le dessin ou modèle antérieur qui lui était soumis serait le dessin ou modèle DM/059828, seul mentionné dans la demande en nullité. Elle a exposé que le rapporteur, en réexaminant le dossier à la suite du renvoi par la Cour, avait constaté que le dessin ou modèle antérieur examiné par les instances ayant statué antérieurement ne
figurait pas dans la demande en nullité et qu’aucun autre dessin ou modèle n’était mentionné dans ladite demande.
76 Par la première branche, en substance, la requérante reproche au rapporteur, dans sa communication du 24 juillet 2018, et à la chambre de recours, au point 24 de la décision attaquée, de n’avoir pas motivé la raison pour laquelle seuls les dessins ou modèles faisant l’objet de l’enregistrement DM/059828 (voir point 7 ci-dessus) devaient être pris en compte, à l’exclusion de la représentation reproduite au point 8 ci-dessus.
77 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 62, première phrase, du règlement no 6/2002, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation de motivation a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE, selon laquelle le raisonnement de l’auteur de l’acte doit apparaître de façon claire et non équivoque. Cette obligation a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre
leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision. La question de savoir si la motivation d’une décision satisfait à ces exigences doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée [voir arrêt du 13 juin 2019, Visi/one/EUIPO – EasyFix (Porte-affichette pour véhicules), T‑74/18, EU:T:2019:417, point 57 et jurisprudence citée].
78 En l’espèce, tout d’abord, il convient de relever que l’obligation de motivation ne concerne que la décision attaquée et non la communication du rapporteur de l’affaire, laquelle n’est pas un acte susceptible de recours. En effet, il ressort de la jurisprudence qu’une décision de la chambre de recours est susceptible de recours devant le juge de l’Union si elle produit des « effets juridiques obligatoires » à l’égard de la partie à la procédure devant l’EUIPO [voir, en ce sens et par analogie,
arrêt du 17 mars 2009, Laytoncrest/OHMI – Erico (TRENTON), T‑171/06, EU:T:2009:70, point 21]. Tel n’est pas le cas de la communication du rapporteur devant la chambre de recours.
79 Ensuite, il ressort de l’examen du troisième moyen (voir points 30 à 69 ci-dessus) que, aux points 38 et 39 et 53 à 67 de la décision attaquée, la chambre de recours a clairement expliqué les raisons pour lesquelles seul un dessin ou modèle antérieur dont une représentation était jointe à l’appui d’une demande en nullité pouvait être pris en compte pour l’examen des exigences prévues aux articles 5 et 6 du règlement no 6/2002. En particulier, la chambre de recours s’est fondée sur une
interprétation de l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 au regard de l’article 28, paragraphe 1, sous b), i), v) et vi), du règlement no 2245/2002, au demeurant dénuée d’erreur, tel qu’il a été constaté lors de l’examen du troisième moyen. Ce raisonnement élaboré satisfait pleinement à l’obligation de motivation énoncée à l’article 62, première phrase, du règlement no 6/2002.
80 La première branche du présent moyen doit donc être écartée comme non fondée.
81 Par la deuxième branche, en substance, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir pris en compte les représentations figurant dans les catalogues Blücher, en particulier celle reproduite au point 8 ci-dessus, alors même que la recevabilité et la pertinence de cette dernière représentation seraient couvertes par l’autorité de la chose jugée, à la suite de l’arrêt sur pourvoi.
82 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 61, paragraphe 6, du règlement no 6/2002, l’EUIPO est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne.
83 Selon une jurisprudence constante, pour se conformer à l’arrêt d’annulation et lui donner pleine exécution, l’institution dont émane l’acte annulé est tenue de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif. Ce sont, en effet, ces motifs qui, d’une part, identifient la disposition exacte
considérée comme illégale et, d’autre part, font apparaître les raisons exactes de l’illégalité constatée dans le dispositif et que l’institution concernée doit prendre en considération en remplaçant l’acte annulé (voir arrêt du 27 juin 2013, Instruments d’écriture, T‑608/11, non publié, EU:T:2013:334, point 33 et jurisprudence citée).
84 En l’espèce, il y a lieu de relever que, aux points 69 à 71 de son arrêt sur pourvoi, la Cour a jugé ce qui suit :
« 69 Or, il ne saurait être exigé de l’EUIPO qu’il procède, notamment dans le cadre de l’appréciation du caractère nouveau du dessin ou modèle contesté, à la combinaison des différents éléments du dessin ou modèle antérieur [à savoir la cuve d’évacuation et la plaque de recouvrement reproduite au point 8 ci-dessus], car il appartenait au demandeur en nullité de produire une représentation complète de ce dessin ou modèle antérieur. Au demeurant, toute combinaison éventuelle contiendrait, ainsi que
M. l’avocat général l’a relevé au point 152 de ses conclusions, des imperfections dans la mesure où elle impliquerait nécessairement des approximations.
70 Dans ces conditions, ainsi que le soutient l’EUIPO à juste titre et contrairement à ce que le Tribunal a jugé au point 78 de l’arrêt attaqué, la circonstance que le dessin ou modèle contesté ne consiste qu’en une combinaison de dessins ou modèles déjà divulgués au public et à propos desquels il a déjà été indiqué qu’ils étaient destinés à être utilisés ensemble, ne saurait, en l’absence d’indication et de reproduction complètes du dessin ou modèle dont l’antériorité est alléguée, être
pertinente aux fins de l’examen du caractère nouveau, au sens de l’article 5 du règlement no 6/2002.
71 Il y a lieu, à cet égard, d’ajouter que la circonstance, relevée par le Tribunal au point 68 de l’arrêt attaqué, qu’ESS, partie intervenante devant le Tribunal, ait produit des extraits d’un catalogue de l’entreprise Blücher, différents de ceux présentés par Group Nivelles dans sa demande en nullité, qui comportaient une image d’une plaque de recouvrement telle que celle figurant au centre de l’illustration reproduite au point 23 du présent arrêt, placée sur une cuve comportant, en dessous, un
siphon d’évacuation, ne saurait servir à pallier l’absence d’une indication et d’une reproduction précises du dessin ou modèle antérieur invoqué par Group Nivelles. Si une telle circonstance pouvait être prise en compte par l’EUIPO afin d’adopter des mesures d’instruction, sur la base de l’article 65, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, il n’appartenait pas, en revanche, à celui-ci de combiner les différents éléments d’un ou de plusieurs dessins ou modèles divulgués au public de manière séparée
dans différents extraits des catalogues joints à la demande en nullité, afin d’obtenir l’apparence complète du dessin ou modèle antérieur invoqué. En effet, sans qu’il soit besoin d’examiner l’argument de l’EUIPO, selon lequel les points 68 et 76 de l’arrêt attaqué seraient entachés d’une dénaturation des faits, il suffit de constater que le Tribunal, dans cet arrêt, n’affirme nullement que l’image produite par ESS constitue une image complète du dessin ou modèle antérieur précis dont
l’antériorité était alléguée par Group Nivelles. »
85 À cet égard, tout d’abord, il y a lieu de rappeler qu’il a déjà été constaté, dans le cadre de l’examen du troisième moyen, que la question de l’identification des dessins ou modèles antérieurs devant être comparés avec le dessin ou modèle contesté n’a jamais été tranchée de manière définitive au cours des procédures antérieures devant l’EUIPO, le Tribunal et la Cour (voir points 41 à 43 ci-dessus). L’obligation de respecter l’autorité de la chose jugée ne s’applique donc pas à cette question
précise.
86 Ensuite, il convient d’observer que le passage de l’arrêt sur pourvoi cité par la requérante concerne seulement l’obligation de produire des « reproductions complètes » d’un dessin ou modèle antérieur. En revanche, la Cour ne s’est pas prononcée sur la possibilité de produire une telle « représentation complète » postérieurement à l’introduction de la demande en nullité. L’obligation de respecter l’autorité de la chose jugée ne s’applique donc pas à cette question précise.
87 En outre, pour autant que la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir ordonné de mesures d’instruction sur le fondement de l’article 65 du règlement no 6/2002, cette critique est non fondée. La requérante a effectivement demandé l’audition de témoins dans ses observations du 21 septembre 2018, mais elle ne précise pas en quoi l’omission d’adopter de telles mesures d’instruction constituerait une erreur d’appréciation. Certes, de tels témoins auraient pu appuyer l’allégation
selon laquelle des dessins ou modèles proches du dessin ou modèle contesté étaient déjà connus à la date de dépôt de ce dernier. Toutefois, un tel apport eût été inopérant, dès lors que la question fondamentale tranchée par la chambre de recours, à savoir l’identification des dessins ou modèles antérieurs qui devaient être pris en compte pour apprécier la nouveauté et le caractère individuel du dessin ou modèle contesté, avait pu être tranchée en droit, sur le fondement juridique d’une
interprétation de l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 au regard de l’article 28, paragraphe 1, sous b), i), v) et vi), du règlement no 2245/2002. Les témoignages factuels d’experts eussent donc été, en tout état de cause, dépourvus de toute pertinence dans un tel contexte.
88 Enfin, il convient de souligner que ni le Tribunal ni la Cour n’ont pris position sur la nécessité de ces mesures d’instruction demandées et que, de surcroît, ni le Tribunal ni la Cour n’auraient eu compétence pour adresser à l’EUIPO des injonctions, notamment aux fins d’adopter de telles mesures d’instruction [voir, en ce sens, arrêt du 9 février 2017, Mast-Jägermeister/EUIPO (Gobelets), T‑16/16, EU:T:2017:68, point 27].
89 La deuxième branche du présent moyen doit donc être écartée comme non fondée.
90 Par la troisième branche, la requérante adresse divers reproches à la communication du rapporteur du 24 juillet 2018.
91 À cet égard, il suffit de constater que cette troisième branche est irrecevable, dans la mesure où les motifs d’annulation soulevés dans une requête ne peuvent concerner que la décision attaquée, et non un acte de procédure antérieur qui ne produit aucun effet juridique en soi et constitue un acte non susceptible de recours (voir point 77 ci-dessus), tel que la communication du rapporteur.
92 Au surplus, cette troisième branche est non fondée pour autant qu’elle concerne l’autorité de la chose jugée qui s’attache aux arrêts de la Cour et du Tribunal, pour les raisons déjà exposées aux points 41 à 43 et 84 à 89 ci-dessus.
93 La troisième branche du présent moyen doit donc être écartée comme irrecevable et, au surplus, non fondée.
94 Le premier moyen doit donc être rejeté.
Sur le deuxième moyen, concernant la détermination des caractéristiques du dessin ou modèle contesté
95 Par le deuxième moyen, la requérante allègue que, au point 26 de la décision attaquée, la chambre de recours a commis une erreur dans la détermination des caractéristiques du dessin ou modèle contesté. S’appuyant à nouveau sur le point 69 de l’arrêt sur pourvoi (voir point 84 ci-dessus), elle fait valoir qu’il ne saurait être exigé de l’EUIPO qu’il procédât, dans le cadre de l’appréciation du caractère nouveau du dessin ou modèle contesté, à la combinaison de différents éléments (en l’espèce, une
cuve d’évacuation et une plaque de recouvrement) afin d’obtenir l’apparence complète de ce dessin ou modèle. Selon elle, la question pertinente est celle de la« caractéristique distinctive » du dessin ou modèle contesté. Or, il ressortirait des observations de l’intervenante du 8 décembre 2009 que cette dernière n’aurait, en fait, pas voulu enregistrer l’apparence d’un caniveau d’évacuation de douche, mais seulement l’apparence d’une plaque de recouvrement destinée à être utilisée sur des
caniveaux d’évacuation rectangulaires et oblongs. Il ressortirait également de deux jugements rendus par les juridictions néerlandaises que la seule « caractéristique distinctive » du dessin ou modèle contesté était « la plaque de recouvrement fermée » ou « la grille [dite] “zéro” », à savoir « une grille sans trous, par laquelle l’eau peut s’écouler via les rainures présentes de part et d’autre de la grille ». De même, la division d’annulation de l’EUIPO aurait considéré que la seule
caractéristique visible du dessin ou modèle contesté lors d’une utilisation normale était la partie supérieure de la plaque.
96 Selon la requérante, il serait tout à fait cohérent que la division d’annulation, étant parvenue à cette conclusion, fondât son raisonnement sur une comparaison entre la seule apparence de la plaque de recouvrement « zéro » du dessin ou modèle contesté et l’apparence de toutes les autres plaques de recouvrement antérieures, notamment celle figurant à la page 33 des catalogues Blücher. La circonstance que ces plaques de recouvrement sont destinées, le cas échéant, à une utilisation combinée avec
une cuve rectangulaire et oblongue, formant ainsi un caniveau d’évacuation de douche, n’aurait que peu d’importance à cet égard, puisque, selon l’intervenante, leurs caractéristiques ne devraient pas être considérées comme distinctives, nouvelles ou individuelles et que la cuve rectangulaire et oblongue, ainsi que les caractéristiques y afférentes, ne serait pas visible lors d’une utilisation normale du caniveau d’évacuation.
97 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.
98 Au point 26 de la décision attaquée, la chambre de recours a rappelé que, le 21 septembre 2018, la requérante avait introduit une demande d’audition et présenté ses observations fondées, en substance, sur divers arguments, que la chambre a énumérés. En particulier, la requérante avait renvoyé aux déclarations présentées au cours de la procédure précédente, qui, selon celle-ci, démontraient que les milieux spécialisés avaient connaissance de l’existence de dessins ou modèles de caniveaux
d’évacuation de douche dont l’apparence consistait en un bac ou une cuve rectangulaire de forme oblongue pourvue de la même plaque de recouvrement fermée. La requérante avait notamment renvoyé aux pièces jointes 5 à 7 et demandé à la chambre d’entendre ces témoins.
99 Par le deuxième moyen, en substance, la requérante fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur dans la détermination des caractéristiques du dessin ou modèle contesté. La chambre de recours aurait commis l’erreur de prendre en compte certaines caractéristiques du dessin ou modèle contesté, telles que les rainures latérales, alors que l’intervenante ne revendiquerait de droits exclusifs que sur « l’apparence d’une plaque de recouvrement d’un caniveau d’évacuation, destinée à être
utilisée avec des caniveaux d’évacuation (de douche) rectangulaires et oblongs ». En d’autres termes, la forme du caniveau d’évacuation, rectangulaire et oblongue, et les rainures latérales ne relèveraient pas de l’objet de la protection du dessin ou modèle contesté. Seule la forme de la plaque de recouvrement du caniveau de douche serait apte à distinguer ce dessin ou modèle des dessins ou modèles antérieurs.
100 D’emblée, il y a lieu d’observer que le point 26 de la décision attaquée ne figure pas parmi les « motifs de la[dite] décision » (points 27 à 116), mais dans le « résumé des faits » (points 1 à 26), dès lors qu’il s’agit d’un résumé des arguments de la requérante, et non d’une appréciation de la chambre de recours.
101 Or, selon la jurisprudence, des moyens qui ne visent pas à contester les motifs pour lesquels la chambre de recours a rejeté le recours formé devant elle doivent être considérés comme inopérants [voir ordonnance du 16 octobre 2020, L. Oliva Torras/EUIPO – Mecánica del Frío (Attelages pour véhicules), T‑629/19, non publiée, EU:T:2020:506, point 26 et jurisprudence citée]. Tel est le cas en l’espèce.
102 En outre, il convient de rappeler, à l’instar de l’EUIPO, que l’objet d’un dessin ou modèle contesté et ses caractéristiques doivent être déterminés exclusivement par référence aux représentations produites à l’appui de la demande d’enregistrement.
103 En effet, lors de l’appréciation de la nouveauté ou du caractère individuel du dessin ou modèle contesté, celui-ci doit être comparé aux dessins ou modèles antérieurs dans la forme sous laquelle il est enregistré [voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH), T‑29/04, EU:T:2005:438, point 57, et du 21 avril 2021, Chanel/EUIPO – Huawei Technologies (Représentation d’un cercle contenant deux courbes entrelacées),
T‑44/20, non publié, EU:T:2021:207, point 25].
104 De plus, les conclusions quant à l’objet et aux caractéristiques d’un dessin ou modèle contesté ne peuvent être laissées à l’appréciation des parties et, en définitive, à leur libre disposition [voir, en ce sens, au sujet de la qualification juridique de l’acte de divulgation, arrêt du 23 octobre 2018, Mamas and Papas/EUIPO – Wall-Budden (Tour de lit d’enfant), T‑672/17, non publié, EU:T:2018:707, point 60].
105 Le deuxième moyen doit donc être rejeté comme inopérant et non fondé.
Sur les quatrième, cinquième et sixième moyens, concernant la comparaison des dessins ou modèles en conflit et l’appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté
Rappel de législation et de jurisprudence
106 En vertu de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, un dessin ou modèle communautaire peut être déclaré nul s’il ne remplit pas les conditions fixées aux articles 4 à 9 dudit règlement, dont, notamment, la nouveauté et le caractère individuel.
107 Selon l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, un dessin ou modèle communautaire enregistré est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité. L’article 6, paragraphe 2, du même règlement
précise en outre que, pour apprécier ce caractère individuel, il doit être tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle.
108 L’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle communautaire procède, en substance, d’un examen en quatre étapes. Cet examen consiste à déterminer, premièrement, le secteur des produits auxquels le dessin ou modèle est destiné à être appliqué ou incorporé, deuxièmement, l’utilisateur averti desdits produits selon leur finalité et, en référence à cet utilisateur averti, le degré de connaissance de l’art antérieur ainsi que le niveau d’attention aux similitudes et aux différences
dans la comparaison des dessins ou modèles, troisièmement, le degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle, dont l’influence sur le caractère individuel est en proportion inverse, et, quatrièmement, en tenant compte de celui-ci, le résultat de la comparaison, directe si possible, des impressions globales produites sur l’utilisateur averti par le dessin ou modèle contesté et par tout dessin ou modèle antérieur divulgué au public, pris individuellement (voir arrêt du 13 juin
2019, Porte-affichette pour véhicules, T‑74/18, EU:T:2019:417, point 66 et jurisprudence citée).
109 S’agissant du ou des dessins ou modèles antérieurs, l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle doit s’effectuer par rapport à un ou plusieurs dessins ou modèles antérieurs, pris individuellement parmi l’ensemble des dessins ou modèles divulgués au public antérieurement, et non par rapport à une combinaison d’éléments isolés, tirés de plusieurs dessins ou modèles antérieurs (arrêts du 19 juin 2014, Karen Millen Fashions, C‑345/13, EU:C:2014:2013, points 25 et 35, et du 13 juin
2019, Porte-affichette pour véhicules, T‑74/18, EU:T:2019:417, point 84 ; voir également, en ce sens, arrêt sur pourvoi, point 61). Ainsi, un dessin ou modèle antérieur doit constituer une antériorité « compacte » ou « de toute pièce » et ne saurait être le résultat d’une combinaison.
110 Il est essentiel que les instances de l’EUIPO disposent d’une image du dessin ou modèle antérieur qui permette de saisir l’apparence du produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé et d’identifier de manière précise et certaine le dessin ou modèle antérieur afin de procéder, conformément aux articles 5 à 7 du règlement no 6/2002, à l’appréciation du caractère nouveau et du caractère individuel du dessin ou modèle contesté et à la comparaison que celle-ci implique entre les dessins ou
modèles en cause. En effet, examiner si le dessin ou modèle contesté est effectivement dépourvu de nouveauté ou de caractère individuel exige de disposer d’un dessin ou modèle antérieur précis et déterminé. En outre, il appartient à la partie ayant introduit la demande en nullité de fournir à l’EUIPO les indications nécessaires et, en particulier, l’identification et la reproduction précises et complètes du dessin ou modèle dont l’antériorité est alléguée, afin de démontrer que le dessin ou
modèle contesté ne pouvait être valablement enregistré. En revanche, il ne saurait être exigé de l’EUIPO qu’il procédât, notamment dans le cadre de l’appréciation du caractère nouveau du dessin ou modèle contesté, à la combinaison des différents éléments du dessin ou modèle antérieur, car il appartenait au demandeur en nullité de produire une représentation complète de ce dessin ou modèle antérieur (voir, en ce sens, arrêt sur pourvoi, points 64, 65 et 69).
111 Par ailleurs, il convient de souligner qu’il est indifférent de connaître le secteur des produits visés dans la demande d’enregistrement pour ce qui concerne l’invocation du dessin ou modèle antérieur dans une procédure de nullité, tout comme, du reste, pour ce qui concerne l’étendue de la protection du dessin ou modèle dans une procédure de contrefaçon, eu égard à l’article 36, paragraphe 6, du règlement no 6/2002. Ainsi, selon la jurisprudence de la Cour, il n’est pas exigé que l’utilisateur
averti du dessin ou modèle contesté connaisse le produit dans lequel le dessin ou modèle antérieur est incorporé ou auquel il s’applique (voir, en ce sens, arrêt sur pourvoi, point 134). En d’autres termes, un dessin ou modèle antérieur incorporé dans un produit différent de celui concerné par le dessin ou modèle contesté constitue, en principe, un dessin ou modèle antérieur pertinent aux fins de l’appréciation du caractère individuel, au sens de l’article 6 du règlement no 6/2002, du dessin ou
modèle contesté.
112 S’agissant du dessin ou modèle contesté, les caractéristiques non visibles du produit, qui ne se rapportent pas à son apparence, ne peuvent être prises en compte pour déterminer si le dessin ou modèle contesté pouvait faire l’objet d’une protection [voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2014, Biscuits Poult/OHMI – Banketbakkerij Merba (Biscuit), T‑494/12, EU:T:2014:757, point 29].
113 S’agissant de la comparaison des dessins ou modèles en conflit, selon une jurisprudence constante, le caractère individuel d’un dessin ou modèle résulte d’une impression globale de différence, ou d’absence de « déjà vu », du point de vue de l’utilisateur averti, par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, sans tenir compte de différences demeurant insuffisamment marquées pour affecter ladite impression globale, bien qu’excédant des détails insignifiants, mais en
ayant égard à des différences suffisamment marquées pour créer des impressions d’ensemble dissemblables (voir arrêt du 13 juin 2019, Porte-affichette pour véhicules, T‑74/18, EU:T:2019:417, point 83 et jurisprudence citée).
114 La comparaison des impressions globales produites par les dessins ou modèles en conflit doit être synthétique et ne peut se borner à la comparaison analytique d’une énumération de similitudes et de différences. Cette comparaison doit prendre pour base les caractéristiques divulguées du dessin ou modèle contesté et doit porter uniquement sur les caractéristiques protégées, sans tenir compte des caractéristiques, notamment techniques, exclues de la protection. Ladite comparaison doit porter sur
les dessins ou modèles, en principe, tels qu’enregistrés, sans qu’il puisse être exigé du demandeur en nullité une représentation graphique du dessin ou modèle invoqué, comparable à la représentation figurant dans la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté (voir arrêt du 13 juin 2019, Porte-affichette pour véhicules, T‑74/18, EU:T:2019:417, point 84 et jurisprudence citée).
115 C’est à l’aune de cette jurisprudence qu’il convient d’examiner les quatrième, cinquième et sixième moyens de la requérante, après avoir reproduit individuellement les dessins ou modèles en conflit et rappelé les appréciations effectuées par la chambre de recours aux points 98 à 112 de la décision attaquée.
Reproduction individuelle des dessins ou modèles en conflit et rappel de la décision attaquée
116 Les dessins ou modèles en conflit sont représentés comme suit, les six faisant l’objet de l’enregistrement DM/059828 devant être pris individuellement, en tant que chacun forme, sous réserve de l’examen du quatrième moyen (voir points 128 à 147 ci-dessous), une antériorité compacte (voir point 109 ci-dessus) :
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25.1 25.2 25.3
Dessin ou modèle contesté Dessins ou modèles antérieurs
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25.1 25.2 25.3
Dessin ou modèle contesté Dessins ou modèles antérieurs
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Dessin ou modèle contesté Dessins ou modèles antérieurs
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Dessin ou modèle contesté Dessins ou modèles antérieurs
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Dessin ou modèle contesté Dessins ou modèles antérieurs
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Dessin ou modèle contesté Dessins ou modèles antérieurs
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25.1 25.2 25.3
Dessin ou modèle contesté Dessins ou modèles antérieurs
117 Aux points 98 et 99 de la décision attaquée, la chambre de recours a observé que les dessins ou modèles antérieurs nos 1 et 3 étaient les seuls à présenter une plaque de recouvrement non perforée, alors que les autres dessins ou modèles antérieurs étaient percés de fentes, dont le nombre et la forme différaient. Étant donné que la présence de fentes contribuait largement à produire une impression globale nettement différente par rapport au dessin ou modèle contesté, la chambre de recours a
estimé qu’il convenait, lors de l’appréciation du caractère individuel, d’accorder une attention particulière aux dessins ou modèles antérieurs nos 1 et 3. Néanmoins, par souci d’exhaustivité, elle a également tenu compte des autres dessins ou modèles antérieurs, à savoir les dessins ou modèles antérieurs nos 2, 4, 5 et 6, étant donné que, selon la requérante, certains d’entre eux présentaient des dimensions et des proportions qui coïncidaient avec celles du caniveau d’évacuation de douche
représenté par le dessin ou modèle contesté. Elle a ajouté que, lors de la comparaison des dessins ou modèles en cause, elle tiendrait compte uniquement de l’apparence des caractéristiques qui resteraient visibles après l’installation des caniveaux d’évacuation de douche.
118 Au point 100 de la décision attaquée, la chambre de recours a rappelé que, en ce qui concerne le dessin ou modèle contesté, au point 49 du premier arrêt du Tribunal (voir point 14 ci-dessus), ce dernier avait considéré que le produit auquel celui-ci se rapportait était un « caniveau d’évacuation de douche » (shower drain) et que, après son intégration dans le sol de douche, ce n’était pas seulement la partie supérieure de la plaque qui était visible, mais également les deux rainures latérales
ainsi que la partie supérieure de la bordure de la cuve, de sorte que c’était à l’évidence à ce dernier élément que la chambre de recours, dans la première décision, faisait allusion lorsqu’elle avait évoqué les « bords extérieurs fins du caniveau d’évacuation de douche ». Dès lors, au point 59 dudit arrêt, le Tribunal avait souscrit à l’opinion de la chambre de recours, dans sa première décision, selon laquelle, après l’installation du « caniveau d’évacuation de douche » représenté par le
dessin ou modèle contesté, la surface horizontale de la plaque de recouvrement n’était pas son seul élément qui resterait visible.
119 À cet égard, il convient de préciser immédiatement, par souci de clarté et de précision terminologique, que le dessin ou modèle contesté n’est pas un « siphon de douche » (« douchesifon » en néerlandais) au sens strict, ainsi que l’a affirmé le Tribunal dans la version française de son premier arrêt (voir points 49 et 59 dudit arrêt), mais plutôt un « caniveau d’évacuation de douche » (« douchegoot » ou « doucheput » en néerlandais), comportant non seulement un siphon, mais aussi et surtout une
cuve d’évacuation et une plaque de recouvrement. Du reste, l’expression « caniveau d’évacuation de douche » constitue une traduction plus exacte de l’expression anglaise « shower drain », également mentionnée dans ledit arrêt et figurant dans la demande d’enregistrement (voir point 3 ci-dessus).
120 Au point 101 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté ce qui suit :
– les dessins ou modèles en conflit avaient en commun une forme rectangulaire et oblongue ;
– le dessin ou modèle antérieur no 5 et le dessin ou modèle contesté présentaient des proportions presque identiques entre les quatre côtés de la plaque ;
– les dessins ou modèles antérieurs nos 1 et 3 et le dessin ou modèle contesté étaient munis d’une plaque de recouvrement fermée ;
– à l’exception du dessin ou modèle antérieur no 5, les autres dessins ou modèles antérieurs et le dessin ou modèle contesté présentaient des bords extérieurs fins sur les quatre côtés.
121 Au point 102 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que, cependant, les dessins ou modèles en conflit différaient par les caractéristiques suivantes :
– les dessins ou modèles antérieurs nos 1, 2, 3 et 5 présentaient un collecteur d’eau circulaire au centre de leur surface, qui correspondait au siphon placé sur la face inférieure, alors que cette caractéristique n’était pas présente dans le dessin ou modèle contesté ;
– les dessins ou modèles antérieurs nos 1 et 2 présentaient quatre attaches sur leurs côtés longs et ces caractéristiques étaient absentes dans les autres dessins ou modèles, y compris dans le dessin ou modèle contesté, mais, leur visibilité était tout au plus très limitée lorsque le produit était installé ;
– les dessins ou modèles antérieurs nos 4, 5 et 6 ne présentaient pas de plaque de recouvrement, mais une plaque perforée, tandis que le dessin ou modèle contesté présentait une plaque de recouvrement fermée et décorée ;
– seule la plaque de recouvrement du dessin ou modèle contesté présentait des rainures latérales sur les côtés longs, tandis que les dessins ou modèles antérieurs présentaient un collecteur d’eau circulaire ou une grille à fentes ou à perforations ;
– dans les dessins ou modèles antérieurs, la plaque ne contenait aucun élément décoratif, tandis que, dans le dessin ou modèle contesté, la plaque de recouvrement était ornée d’un motif à points sur toute sa surface.
122 Aux points 103 et 104 de la décision attaquée, la chambre de recours a observé que l’impression globale que les dessins ou modèles antérieurs nos 1 et 3 produisaient sur l’utilisateur averti était principalement déterminée par la présence de la forme rectangulaire et oblongue de la cuve et l’ouverture circulaire au centre qui correspondait au siphon placé au-dessous. Selon elle, ces caractéristiques étaient différentes de celles que l’on pouvait trouver dans le secteur des dispositifs
d’évacuation de liquides, qui pouvaient aussi être munis de cuves de forme carrée ou circulaire ainsi que de fentes, de forme rectangulaire par exemple. En revanche, selon elle, les bords extérieurs fins des quatre côtés étaient moins perceptibles que les autres éléments et auraient une incidence moindre sur l’impression globale produite.
123 Aux points 105 et 106 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que, par ailleurs, le dessin ou modèle contesté présentait une plaque de recouvrement de forme rectangulaire et oblongue, dont les bords extérieurs fins sur les quatre côtés étaient visibles. Selon la chambre de recours, cependant, contrairement à ce qui était le cas dans les dessins ou modèles antérieurs examinés, cette plaque de recouvrement était complètement fermée, car l’eau s’écoulait par les rainures latérales
sur les côtés longs du siphon de douche du dessin ou modèle contesté, et elle était également décorée d’un motif à points gris sur sa surface. En outre, en l’espèce, la présence des bords extérieurs fins n’était pas particulièrement perceptible lors de l’utilisation du dispositif d’évacuation en cause. En effet, d’un point de vue vertical, ces caractéristiques ne produiraient pas une impression particulière sur l’utilisateur averti, qui se concentrerait essentiellement sur les lignes et les
formes de la plaque de recouvrement.
124 Au point 107 de la décision attaquée, la chambre de recours a, dès lors, considéré que, bien que ces dessins ou modèles et le dessin ou modèle contesté se composassent de formes rectangulaires et oblongues à bords extérieurs fins présentant des proportions similaires à celles des dessins ou modèles antérieurs désignés par la requérante, le dessin ou modèle contesté comprenait une plaque de recouvrement entièrement fermée et, ce qui était tout aussi important, ornée de rainures latérales. Selon
elle, ces caractéristiques conféraient au dessin ou modèle contesté une impression différente de celle produite par les dessins ou modèles antérieurs. Dans ces derniers, l’absence de décoration sur une plaque de recouvrement entièrement fermée et la présence de la forme circulaire immédiatement perceptible de la cuve ou d’une grille à fentes contribuaient de manière déterminante à l’impression globale qu’ils produisaient.
125 Au point 108 de la décision attaquée, la chambre de recours a souligné que ces différences n’étaient ni négligeables, ni mineures, ni autrement insignifiantes et que ce constat était d’autant plus vrai que la plaque de recouvrement du dessin ou modèle contesté était ornée de petits points gris. Selon elle, la requérante ne pouvait valablement soutenir que l’apparence, les lignes et les formes des systèmes d’évacuation des liquides en cause devaient être écartés au motif qu’ils répondaient à une
finalité technique, ou que les éléments de preuve indiquaient qu’il pourrait exister une tendance, au sein du secteur pertinent, à proposer des dispositifs d’évacuation des liquides de forme rectangulaire et oblongue munis d’une plaque de recouvrement fermée. Au contraire, les caractéristiques en cause, quoiqu’ayant une finalité technique, présentaient des formes, des dimensions et des positions qui pouvaient varier compte tenu du degré de liberté relativement large accordé au créateur et qui
avaient été dictées par des considérations esthétiques. De même, l’argument de la requérante selon lequel le dessin ou modèle contesté était identique au dessin ou modèle DM/059828, sauf en ce qui concernait la plaque de recouvrement perforée, qui, selon elle, était imposée par des considérations techniques, ne pouvait être retenu. En effet, selon la chambre de recours, la forme et la position des fentes sur la grille étaient des éléments dans l’élaboration desquels le créateur jouissait d’une
liberté considérable et pouvaient être élaborées indépendamment ou en complément de toute fonction technique que ces caractéristiques pouvaient également remplir. Ainsi, la forme des fentes pouvait différer d’un dispositif d’évacuation à l’autre et leur position et leur configuration pouvaient également varier, si bien que l’apparence de ces caractéristiques pouvait avoir une incidence sur l’impression globale.
126 Aux points 109 et 110 de la décision attaquée, la chambre de recours a, par conséquent, considéré que, si l’impression globale produite par le dessin ou modèle contesté était celle d’un caniveau d’évacuation de douche élégant, essentiel et minimal composé d’une plaque de recouvrement fermée et décorée et de rainures latérales, l’impression globale produite par les dessins ou modèles antérieurs était déterminée par des caractéristiques plus normalisées comme le collecteur d’eau circulaire au
centre ou une grille à fentes. En outre, selon elle, les dessins ou modèles antérieurs ne présentaient pas de caractéristiques décoratives, tandis que celles-ci étaient présentes dans le dessin ou modèle contesté. Bien que la requérante insistât sur le fait que la présence de rainures latérales dans les caniveaux d’évacuation de douche munis d’une plaque de recouvrement fermée était courante et imposée par une fonction technique, la chambre de recours a conclu que, telles qu’elles étaient
représentées, ces rainures latérales avaient une certaine valeur esthétique, qui contribuait à conférer au caniveau d’évacuation de douche de l’intervenante une apparence générale élégante et minimaliste.
127 Au point 112 de la décision attaquée, la chambre de recours a ajouté que, pour les mêmes raisons, et compte tenu également du fait que les dessins ou modèles antérieurs nos 2, 4, 5 et 6 ne présentaient pas une plaque de recouvrement fermée, mais une plaque percée de fentes dont le nombre, la forme et les dimensions différaient, elle estimait que l’impression globale produite par ces dessins ou modèles sur l’utilisateur averti était différente de celle produite par le dessin ou modèle contesté,
qui présentait une surface fermée et décorée de points, et que ces différences avaient une incidence déterminante sur l’apparence des dessins ou modèles en conflit.
Sur le quatrième moyen
128 Par le quatrième moyen, la requérante allègue que la chambre de recours, aux points 98 à 110 et 112 de la décision attaquée, a commis une erreur dans le cadre de l’appréciation de la nouveauté ou du caractère individuel du dessin ou modèle contesté en comparant ce dernier avec les dessins ou modèles reproduits dans l’enregistrement DM/059828. Selon elle, la comparaison est erronée, car la chambre de recours est partie de l’observation inexacte, aux points 98 et 101 de la décision attaquée, que
le dessin ou modèle no 1 (correspondant aux numéros 1.1 et 1.2) et le dessin ou modèle no 3 (correspondant aux numéros 3.1 et 3.2), tels que repris dans l’enregistrement DM/059828, concernaient des caniveaux de douche équipés d’une plaque de recouvrement non perforée, dite « zéro » (cover of rooster).
129 Or, d’une part, le dessin ou modèle correspondant aux numéros 1.1 et 1.2 ne consisterait qu’en une cuve d’évacuation (dont le numéro 1.1 serait la vue prise du dessus et le numéro 1.2 la vue prise de dessous), sans plaque de recouvrement, perforée ou non, installée dans ou posée sur celle-ci. Par conséquent, ce dessin ou modèle ne présenterait pas un caniveau d’évacuation de douche complet comme le dessin ou modèle contesté. Il serait certain que la cuve d’évacuation présentée par le dessin ou
modèle correspondant aux numéros 1.1 et 1.2 est installée dans le sol et qu’elle n’est pas visible lors d’une utilisation normale (à l’exception des bords supérieurs de la cuve d’évacuation). Pour cette raison, le dessin ou modèle no 1 ne relèverait pas de la protection du dessin ou modèle communautaire. Il en irait exactement de même pour l’autre dessin ou modèle cité aux points 98 et 101, à savoir le dessin ou modèle no 3 (correspondant aux numéros 3.1 et 3.2), qui ne présenterait, à nouveau,
qu’une cuve d’évacuation (dont le numéro 3.1 serait la vue prise du dessus et le numéro 3.2 la vue prise de dessous), sans plaque de recouvrement, perforée ou non, installée dans ou posée sur celle-ci. Par ailleurs, les bords extérieurs fins sur les quatre côtés des dessins ou modèles correspondant aux numéros 1.1 et 1.2, évoqués aux points 101 et 102, deuxième tiret, de la décision attaquée, disparaîtraient également lors de l’installation dans le sol et seraient invisibles lors d’une
utilisation normale.
130 D’autre part, quant au dessin ou modèle no 5 (correspondant aux numéros 5.1 et 5.2) et au dessin ou modèle no 6 (correspondant aux numéros 6.1 et 6.2), la chambre de recours aurait énoncé, au point 102, troisième tiret, de sa décision, qu’ils concernaient des caniveaux de douche pourvus d’une plaque de recouvrement perforée. Or, ces dessins ou modèles ne présenteraient aucun caniveau d’évacuation de douche. Les images du dessin ou modèle correspondant aux numéros 5.1 et 5.2 ne montreraient
qu’une plaque de recouvrement perforée (dont le numéro 5.1 serait la vue prise du dessus, uniquement visible lors d’une utilisation normale, et le numéro 5.2 la vue prise de dessous). La même constatation s’imposerait pour les images du dessin ou modèle correspondant aux numéros 6.1 et 6.2 (le numéro 6.1 étant la vue prise de dessous et le numéro 6.2 la vue prise du dessus, uniquement visible lors d’une utilisation normale). Ce faisant, la chambre de recours comparerait l’apparence d’un caniveau
d’évacuation complet, le dessin ou modèle contesté, avec celle d’une plaque de recouvrement seule, faisant partie d’un caniveau d’évacuation.
131 À la lecture des points de la décision attaquée concernés par le présent moyen, il apparaîtrait nettement, selon la requérante, qu’il aurait échappé à la chambre de recours que les dessins ou modèles correspondant aux numéros 1.1, 1.2, 3.1 et 3.2 ne concernent que des cuves d’évacuation (sans plaque de recouvrement), que les dessins ou modèles correspondant aux numéros 5.1, 5.2, 6.1 et 6.2 ne concernent que des plaques de recouvrement (perforées) et que seuls les dessins ou modèles nos 2 et 4
présentent un caniveau d’évacuation complet, comme le dessin ou modèle contesté, avec la cuve d’évacuation et une plaque de recouvrement installée dans ou posée sur celle-ci. Partant, le dessin ou modèle correspondant aux numéros 1.1 et 1.2 formerait, avec le dessin ou modèle correspondant aux numéros 5.1 et 5.2, l’apparence du dessin ou modèle no 2, alors que le dessin ou modèle correspondant aux numéros 3.1 et 3.2 formerait, avec le dessin ou modèle correspondant aux numéros 6.1 et 6.2,
l’apparence du dessin ou modèle no 4. En réalité, l’enregistrement DM/059828 ne reproduirait que deux dessins ou modèles antérieurs d’un caniveau d’évacuation complet, comme le dessin ou modèle contesté, à savoir les dessins ou modèles nos 2 et 4.
132 La requérante ajoute que la constatation formulée au point 102, premier tiret, de la décision attaquée est également erronée. Selon cette constatation, les dessins ou modèles nos 1, 2, 3 et 5 de l’enregistrement DM/059828 présentent un collecteur d’eau circulaire au centre de leur surface. Or, selon la requérante, les dessins ou modèles nos 1 et 3 sont effectivement des cuves d’évacuation ou collecteurs d’eau, mais ils ne sont pas visibles lors d’une utilisation normale. Quant aux dessins ou
modèles nos 2 et 5, ceux-ci ne seraient pas équipés d’un collecteur d’eau, mais présenteraient une plaque de recouvrement avec une perforation circulaire au centre de sa surface.
133 La requérante avance que la constatation formulée au point 102, cinquième tiret, et aux points 106 et 107 de la décision attaquée est encore erronée. D’après cette constatation, les plaques de recouvrement des modèles de caniveaux d’évacuation figurant dans l’enregistrement DM/059828 (et donc, selon elle, uniquement des dessins ou modèles nos 2 et 4) ne contiennent aucun élément décoratif, tandis que, dans le dessin ou modèle contesté, la plaque de recouvrement est ornée d’un motif à points. La
requérante, pour sa part, considère que les plaques de recouvrement des dessins ou modèles de l’enregistrement DM/059828 contiennent une décoration sous la forme d’un motif de perforations défini. En revanche, la plaque de recouvrement du dessin ou modèle contesté se caractériserait par l’absence d’élément décoratif, puisqu’elle consisterait uniquement en une plaque de recouvrement en acier inoxydable lisse, également connue sous la dénomination de plaque de recouvrement « zéro ». Cette plaque
de recouvrement ne présenterait aucune décoration, que ce soit sous la forme de points ou sous toute autre forme.
134 La requérante considère donc que la chambre de recours a commis une erreur quant à la nature et à l’apparence des objets à comparer en tant que dessins ou modèles antérieurs, car elle a comparé le dessin ou modèle contesté d’abord avec l’apparence d’une cuve d’évacuation d’un caniveau d’évacuation de douche, ensuite avec l’apparence d’une plaque de recouvrement d’un caniveau d’évacuation de douche et enfin avec un caniveau d’évacuation de douche complet. Elle en conclut que la ou les
caractéristiques permettant de distinguer l’apparence du dessin ou modèle contesté des dessins ou modèles antérieurs font également l’objet d’incertitudes.
135 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.
136 À titre liminaire, il convient de relever que la requérante ne conteste pas la définition de l’utilisateur averti retenue au point 85 de la décision attaquée, ni l’appréciation selon laquelle la liberté du créateur est relativement large, au point 88 de la même décision (voir point 24 ci-dessus). Elle ne conteste pas non plus l’appréciation de la chambre de recours, au point 77 de ladite décision, selon laquelle aucune des caractéristiques du dessin ou modèle contesté n’était exclusivement
imposée par sa fonction technique et, par conséquent, ne devait être exclue de la protection, ni se voir attribuer un rôle substantiellement réduit dans son incidence sur la comparaison globale (voir point 23 ci-dessus). Au demeurant, il n’y a pas lieu de remettre en cause cette définition et ces appréciations.
137 Il est également constant, à la suite de l’arrêt sur pourvoi, qu’il n’est nullement exigé que l’utilisateur averti du dessin ou modèle contesté connaisse le produit dans lequel le dessin ou modèle antérieur est incorporé ou auquel il s’applique (voir point 16 ci-dessus). En d’autres termes, un dessin ou modèle antérieur incorporé dans un produit différent de celui concerné par le dessin ou modèle contesté constitue, en principe, un dessin ou modèle antérieur pertinent aux fins de l’appréciation
du caractère individuel, au sens de l’article 6 du règlement no 6/2002, du dessin ou modèle contesté (voir point 111 ci-dessus). En l’espèce, le fait que les dessins ou modèles antérieurs soient destinés à un usage industriel pour l’écoulement de liquides, et non à une utilisation en tant que caniveau d’évacuation de douche dans un espace sanitaire tel qu’une salle de bains, n’empêche donc pas leur prise en compte en tant que dessins ou modèles antérieurs pertinents aux fins d’apprécier le
caractère individuel du dessin ou modèle contesté.
138 Par le quatrième moyen, en substance, la requérante fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur dans la comparaison du dessin ou modèle contesté avec les dessins ou modèles antérieurs représentés dans l’enregistrement DM/059828. La chambre de recours aurait considéré à tort que les dessins ou modèles antérieurs représentés par les vues des dessins ou modèles correspondant aux numéros 1.1 et 1.2, puis 3.1 et 3.2, concernaient une plaque de recouvrement non perforée, alors qu’ils
concerneraient uniquement une cuve d’évacuation. Or, selon la requérante, ces dessins ou modèles antérieurs ne seraient pas visibles lors d’une utilisation normale (c’est-à-dire une fois intégrés au sol), de sorte qu’ils ne relèveraient pas du champ d’application de la protection des dessins ou modèles communautaires (voir points 98 et 101 de la décision attaquée). De la même façon, la chambre de recours aurait commis une erreur en considérant que les dessins ou modèles antérieurs correspondant
aux numéros 5.1, 5.2, 6.1 et 6.2 concernaient des caniveaux d’évacuation dotés d’une plaque de recouvrement perforée, alors qu’il ne s’agirait que d’une plaque de recouvrement seule. La requérante conclut que seuls les dessins ou modèles nos 2 et 4 de l’enregistrement DM/059828 représentent un caniveau d’évacuation complet, comme le dessin ou modèle contesté, avec la cuve d’évacuation et une plaque de recouvrement intégrée ou placée au-dessus.
139 En d’autres termes, il y a lieu de relever que la requérante considère que le dessin ou modèle contesté ne pouvait être comparé qu’avec les deux dessins ou modèles antérieurs nos 2 et 4, dans la mesure où ces deux dessins ou modèles étaient les seuls, au sein de l’enregistrement DM/059828, à concerner des « caniveaux d’évacuation de douche » complets et composés de deux éléments, à savoir la cuve d’évacuation et la plaque de recouvrement.
Image Image
Dessin ou modèle no 2 de l’enregistrement DM/059828 Dessin ou modèle no 4 de l’enregistrement DM/059828
140 À cet égard, tout d’abord, il convient de souligner, à l’instar de l’EUIPO, qu’une éventuelle erreur que la chambre de recours aurait pu commettre dans la définition des caractéristiques des dessins ou modèles autres que les dessins ou modèles nos 2 et 4 de l’enregistrement DM/059828 ne pourrait avoir aucune incidence sur la légalité de la décision attaquée, puisque la chambre de recours a bien comparé le dessin ou modèle contesté avec les dessins ou modèles antérieurs nos 2 et 4 complets,
c’est-à-dire ceux représentant un produit complexe composé des deux éléments que sont une cuve d’évacuation et une plaque de recouvrement et formant un caniveau d’évacuation de douche. Même à supposer que la chambre de recours ait également comparé le dessin ou modèle contesté avec l’apparence d’une cuve d’évacuation seule ou d’une plaque de recouvrement seule lorsqu’elle a examiné les dessins ou modèles antérieurs nos 1, 3, 5 et 6, cela ne saurait infirmer le résultat de la comparaison du
dessin ou modèle contesté avec les caniveaux d’évacuation de douche complets que sont les dessins ou modèles antérieurs nos 2 et 4.
141 Ensuite, il y a lieu de constater que la comparaison opérée entre le dessin ou modèle contesté et les dessins ou modèles antérieurs nos 2 et 4 est exempte d’erreur. Il en est ainsi même si, contrairement à ce qui est dit au point 102, troisième tiret, de la décision attaquée, le dessin ou modèle antérieur no 4 comprend une plaque de recouvrement. En effet, il suffit que ce dessin ou modèle comprenne, comme l’a relevé la chambre de recours, une plaque perforée dont le motif n’est pas décoratif,
mais fonctionnel, pour que les constatations des points 109, 110 et 112 de la décision attaquée soient valables et sans erreur quant au résultat. L’erreur très mineure commise par la chambre de recours au point 102, troisième tiret, de ladite décision ne saurait donc avoir aucune incidence déterminante sur la légalité de cette décision.
142 Enfin, il convient de relever que, dans ses écritures, la requérante n’avance aucun argument de nature à infirmer les constatations effectuées aux points 109, 110 et 112 de la décision attaquée.
143 Au surplus, lors de l’audience, la requérante a reconnu qu’il y avait un « problème » avec les représentations des catalogues Blücher, parce que la cuve d’évacuation apparaissait sur une photographie et la plaque de recouvrement sur une autre photographie, mais que cette cuve et cette plaque n’étaient pas représentées ensemble. À cet égard, il convient encore de souligner qu’un dessin ou modèle antérieur doit constituer une antériorité « compacte » ou « de toute pièce » et ne saurait être le
résultat d’une combinaison, en vertu notamment de l’arrêt du 19 juin 2014, Karen Millen Fashions (C‑345/13, EU:C:2014:2013, points 25 et 35), cité au point 109 ci-dessus. Or, en l’espèce, il y a lieu de relever, à l’instar de l’EUIPO lors de l’audience, qu’il ressort du dossier que la requérante n’a produit aucune représentation d’un système d’évacuation complet reprenant la cuve d’évacuation et la plaque de recouvrement, tel que vendu dans les catalogues Blücher. Dès lors, les seules
antériorités compactes sur lesquelles peut se fonder la requérante sont, en tout état de cause, les dessins ou modèles nos 2 et 4 figurant dans l’enregistrement DM/059828 et représentant des caniveaux d’évacuation de douche complets.
144 C’est donc à juste titre que la chambre de recours, aux points 109 et 110 de la décision attaquée, a considéré, en substance, que, si l’impression globale produite par le dessin ou modèle contesté était celle d’un caniveau d’évacuation de douche « élégant, essentiel et minimal » composé d’une plaque de recouvrement fermée, ornée de décorations, et de rainures latérales dont la valeur esthétique contribuait à cette apparence « élégante et minimaliste », en revanche, l’impression globale produite
par les dessins ou modèles antérieurs, en particulier les dessins ou modèles nos 2 et 4, était différente, car elle était déterminée par des caractéristiques plus « normalisées », fonctionnelles et non décoratives, comme le collecteur d’eau circulaire au centre (du dessin ou modèle no 2, conformément aux vues du dessin ou modèle correspondant aux numéros 1.1 et 1.2, et du dessin ou modèle no 4, conformément aux vues du dessin ou modèle correspondant aux numéros 3.1 et 3.2) ou une grille à fentes
(du dessin ou modèle no 2, conformément aux vues du dessin ou modèle correspondant aux numéros 5.1 et 5.2, et du dessin ou modèle no 4, conformément aux vues du dessin ou modèle correspondant aux numéros 6.1 et 6.2).
145 C’est également à juste titre que, au point 112 de la décision attaquée, lu en combinaison avec le point 107 de cette décision, la chambre de recours a ajouté, en substance, que, pour les mêmes raisons que celles énoncées aux points 109 et 110 de ladite décision, et compte tenu également du fait que les dessins ou modèles antérieurs nos 2 et 4 présentaient une plaque percée de fentes et fonctionnelle, sans décoration, elle estimait que l’impression globale produite par ces dessins ou modèles sur
l’utilisateur averti était différente de celle produite par le dessin ou modèle contesté, qui présentait une plaque de recouvrement fermée, décorée d’un motif à points, ainsi que des rainures latérales ayant une valeur esthétique.
146 Enfin, c’est à juste titre que, au point 113 de la décision attaquée, non expressément contesté par la requérante, la chambre de recours a considéré, en substance, que la différence susmentionnée dans l’apparence des caractéristiques qui avaient fait l’objet du travail d’un créateur, dont le degré de liberté était élevé, suffisait pour produire une impression globale différente, en dépit de l’existence de certaines coïncidences, et qu’elle a ainsi conclu que, sur la base des seuls dessins ou
modèles antérieurs désignés dans la demande en nullité, en particulier les dessins ou modèles no 2 (conformément aux vues des dessins ou modèles correspondant aux numéros 1.1, 1.2, 5.1 et 5.2) et no 4 (conformément aux vues des dessins ou modèles correspondant aux numéros 3.1, 3.2, 6.1 et 6.2), le dessin ou modèle contesté présentait un caractère individuel.
147 Le quatrième moyen doit donc être rejeté comme non fondé.
Sur le cinquième moyen
148 Par le cinquième moyen, la requérante allègue que la chambre de recours a considéré à tort, au point 111 de la décision attaquée, combiné aux points 29 et 30 de la même décision, que les déclarations auxquelles la requérante faisait référence n’avaient pas été faites sous serment ou solennellement, puisque la plupart de ces déclarations étaient des courriers électroniques et qu’elles émanaient en outre de la sphère de la requérante elle-même et n’étaient étayées par aucune déclaration
indépendante. La requérante suppose qu’il s’agit des annexes nos 4 à 7 jointes par elle à sa réponse du 2 avril 2010, auxquelles elle s’était également référée au point 20 de ses observations du 21 septembre 2018. Selon elle, il n’y avait aucune raison de ne pas tenir compte du contenu de ces déclarations aux fins de l’appréciation de la nouveauté et du caractère individuel du dessin ou modèle contesté.
149 Tout d’abord, la requérante estime « étrange et incohérent », à la lumière du troisième moyen, que la chambre de recours ait pris ces déclarations en considération. En effet, la requérante a produit les annexes en question en même temps que la photographie de la page 33 des catalogues Blücher, que la chambre de recours a écartée en application de l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 au motif que celle-ci n’avait pas été produite dans le cadre de la demande en nullité du 3 septembre
2009. Même si la requérante reconnaît que la plupart de ces déclarations sont des courriers électroniques, elle relève cependant qu’aucune partie impliquée, ni aucune instance ayant statué antérieurement, n’a jamais mis en doute l’exactitude ou l’intégrité de ces courriers électroniques. Ces déclarations et leur contenu n’auraient jamais fait l’objet de la moindre contestation. En outre, la requérante ajoute que ces déclarations n’émanent pas de sa propre sphère, mais que les annexes nos 4, 5
et 7 proviennent de la société Blücher, une entreprise totalement indépendante d’elle-même, sans aucun lien contractuel, sociétaire ou autre, alors que l’annexe no 6 émane du conseil juridique de l’intervenante.
150 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.
151 Au point 111 de la décision attaquée, la chambre de recours a observé que les déclarations auxquelles la requérante faisait référence n’avaient pas été faites sous serment ou solennellement, puisque la plupart de ces déclarations étaient des courriers électroniques, et que, en outre, elles émanaient de la sphère de la requérante elle-même et n’étaient étayées par aucune déclaration indépendante émanant, par exemple, d’associations de fabricants ou de chambres de commerce. Dès lors, la chambre de
recours a considéré qu’elle ne saurait priver les différentes caractéristiques du dessin ou modèle contesté d’une valeur esthétique au vu des documents auxquels renvoyait la requérante. Au contraire, en l’espèce, il convenait, selon elle, de prendre en considération le dessin ou modèle dans son ensemble ainsi que la forme, la taille, la position et la proportion des éléments qui le composaient.
152 Par le cinquième moyen, en substance, la requérante considère que la chambre de recours a commis une erreur en privant de valeur probante ces déclarations et ces échanges de courriers électroniques, émanant notamment d’employés de Blücher ou de I‑Drain.
153 Tout d’abord, force est de constater que le présent moyen repose sur une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, au point 111 de la décision attaquée, la chambre de recours n’a pas entendu priver de toute valeur probante les déclarations produites par la requérante dans les annexes nos 4 à 7 de sa réponse du 2 avril 2010 aux observations de l’intervenante devant la division d’annulation et concernant, en substance, le caractère plus ou moins esthétique ou fonctionnel du dessin ou
modèle contesté. La chambre de recours s’est contentée de faire référence à une jurisprudence constante du Tribunal aux termes de laquelle, en substance, les déclarations de tiers disposent d’une certaine valeur probante dont la force décroît toutefois à proportion de l’intérêt du signataire au succès de l’affaire [voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet 2014, Nanu-Nana Joachim Hoepp/OHMI – Stal-Florez Botero (la nana), T‑196/13, non publié, EU:T:2014:674, point 32 et jurisprudence citée, et du
16 juin 2015, H.P. Gauff Ingenieure/OHMI – Gauff (Gauff JBG Ingenieure), T‑585/13, non publié, EU:T:2015:386, point 28].
154 Ensuite, indépendamment de la valeur probante desdites déclarations, force est également de constater que la chambre de recours a bien pris en compte ces documents, comme il ressort de son analyse au point 111 de la décision attaquée. La chambre de recours a ainsi fait usage du pouvoir d’appréciation que lui confère l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 (voir points 44 à 48 ci-dessus). Elle était libre de le faire, dès lors que les documents identifiés comme les annexes nos 4 à 7 de
la réponse de la requérante du 2 avril 2010 ne concernaient pas l’identification des dessins ou modèles antérieurs. En revanche, il convient de rappeler qu’une telle identification est fixée par le cadre strict de la demande en nullité, lequel ne permet pas l’exercice d’un tel pouvoir d’appréciation (voir la réponse du Tribunal au troisième moyen aux points 40 à 69 ci-dessus).
155 Enfin, dans le cadre de sa libre appréciation des faits, la chambre de recours n’était pas tenue par ces déclarations. Elle pouvait considérer, sans erreur de droit, que de telles déclarations ne pouvaient remettre en cause la conclusion selon laquelle le dessin ou modèle contesté présentait des aspects esthétiques plutôt qu’exclusivement fonctionnels. Ce sont ces aspects esthétiques qui distinguent l’impression globale produite par le dessin ou modèle contesté, qui est celle d’un caniveau
d’évacuation de douche « élégant, essentiel et minimal », de l’impression plus fonctionnelle ou « normalisée » produite par les dessins ou modèles antérieurs, comme l’a constaté à juste titre la chambre de recours au point 109 de la décision attaquée (voir point 144 ci-dessus).
156 Par ailleurs, pour autant que les arguments de la requérante puissent être interprétés en ce sens qu’elle aurait été privée de l’opportunité de faire témoigner les tiers signataires des déclarations dans le cadre d’une procédure orale et d’une audition de témoins devant la chambre de recours, telles que demandées par elle en vertu des articles 64 et 65 du règlement no 6/2002, il y a lieu de relever que, aux points 29 et 30 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé, d’abord, qu’une
procédure orale n’était ni indiquée ni nécessaire en l’espèce, en outre, que, dans la procédure de recours précédente, la requérante s’était opposée à la demande d’audience de l’intervenante et, enfin, qu’elle disposait de suffisamment d’éléments, de faits, d’arguments et d’éléments de preuve pour statuer. La chambre de recours a donc rejeté la demande d’audience ainsi que, pour les mêmes raisons, la demande d’audition de témoins.
157 D’une part, s’agissant de la demande de procédure orale, l’article 64, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 prévoit que l’EUIPO recourt à la procédure orale, soit d’office, soit sur requête d’une des parties à la procédure, à condition qu’il le juge utile.
158 Ainsi, il ressort du libellé de l’article 64 du règlement no 6/2002 et de l’expression « à condition qu’il le juge utile » que l’EUIPO jouit d’un large pouvoir d’appréciation aux fins d’organiser une procédure orale.
159 De plus, il ressort de la jurisprudence en matière de dessins ou modèles que la chambre de recours dispose d’une marge d’appréciation quant à la question de savoir si une procédure orale devant elle est réellement nécessaire. Cette marge d’appréciation à propos de la nécessité d’une procédure orale s’applique même lorsqu’une partie demande qu’une procédure orale soit organisée [arrêt du 13 décembre 2017, Delfin Wellness/EUIPO – Laher (Cabines à infrarouge et de sauna), T‑114/16, non publié,
EU:T:2017:899, point 114].
160 Par analogie, selon la jurisprudence en matière de marques, un refus n’est entaché d’aucune erreur manifeste lorsque la partie demandant une procédure orale n’établit pas que la chambre de recours ne disposait pas de tous les éléments nécessaires pour l’adoption de sa décision [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 février 2018, Hansen Medical/EUIPO – Covidien (MAGELLAN), T‑222/16, non publié, EU:T:2018:99, points 56 à 59].
161 Or, tel est le cas en l’espèce. C’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a exercé son large pouvoir d’appréciation, en s’estimant en possession de toutes les informations nécessaires pour rendre la décision attaquée. En outre, rien dans le dossier ne suggère que la chambre de recours ne disposait pas de tous les éléments nécessaires afin de fonder le dispositif de cette décision.
162 D’autre part, l’article 65, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 prévoit que, dans toute procédure devant l’EUIPO, des mesures d’instruction peuvent être prises, consistant notamment en l’audition des parties, la demande de renseignements, la production de documents et de moyens de preuve, l’audition de témoins, l’expertise et les déclarations écrites faites sous serment ou solennellement ou qui ont un effet équivalent d’après la législation de l’État dans lequel elles sont faites. Selon
l’article 65, paragraphe 3, de ce règlement, si l’EUIPO estime nécessaire qu’une partie, un témoin ou un expert dépose oralement, il cite la personne concernée à comparaître devant lui pour une audition.
163 Ainsi, il ressort du libellé de l’article 65 du règlement no 6/2002 et de l’expression « si l’Office estime nécessaire » que l’EUIPO jouit d’un large pouvoir d’appréciation aux fins d’organiser une audition de témoins [voir également, en ce sens, ordonnance du 14 juin 2021, TrekStor/EUIPO – Zagg (Housse de protection pour matériel informatique), T‑512/20, non publiée, EU:T:2021:359, point 32].
164 Partant, la chambre de recours n’était pas tenue d’auditionner les témoins proposés, mais disposait d’un large pouvoir d’appréciation à cet égard, qu’elle a exercé sans commettre d’erreur en l’espèce.
165 En effet, il ressort de la jurisprudence en matière de marques, par analogie, qu’un refus n’est entaché d’aucune erreur manifeste lorsque la partie ayant présenté la requête d’audition de témoins aurait pu produire les déclarations desdits témoins par écrit [voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 18 janvier 2018, W&O medical esthetics/EUIPO – Fidia farmaceutici (HYALSTYLE), T‑178/17, non publiée, EU:T:2018:18, points 15 à 24]. Il en va de même, à plus forte raison, lorsque, comme en
l’espèce, de telles déclarations de témoins ont effectivement été produites par écrit. Par ailleurs, il y a lieu de renvoyer aux motifs déjà indiqués au point 87 ci-dessus.
166 Le cinquième moyen doit donc être rejeté comme non fondé.
Sur le sixième moyen
167 Par le sixième moyen, en premier lieu, la requérante allègue que la chambre de recours a commis une erreur en considérant, aux points 114 et 115 de la décision attaquée, que le dessin ou modèle contesté n’était pas dépourvu de caractère individuel, ni, partant, de nouveauté, de sorte qu’il était valable. Elle renvoie à chacun des moyens précédents, également envisagés comme combinés les uns avec les autres. En second lieu, elle soutient que les mesures d’instruction, telles que visées à
l’article 65 du règlement no 6/2002, n’ont pas été adoptées, ni même envisagées, en contradiction avec le point 71 de l’arrêt sur pourvoi. De même, la chambre de recours n’aurait pas non plus répondu à la proposition de la requérante de produire des compléments de preuve, en particulier en produisant des témoins spécifiquement désignés, une telle proposition étant, « pour autant que de besoin », réitérée devant le Tribunal.
168 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.
169 En premier lieu, s’agissant des points 114 et 115 de la décision attaquée, la chambre de recours y a considéré que, étant donné que le dessin ou modèle contesté possédait un caractère individuel, il ne saurait, a fortiori, être dépourvu de nouveauté au sens de l’article 5 du règlement no 6/2002 et était donc valable.
170 À cet égard, il convient de relever que la condition du caractère individuel, visée à l’article 6 du règlement no 6/2002, est plus exigeante que la condition de nouveauté, énoncée à l’article 5 du même règlement, par le degré de différenciation qu’elle requiert par rapport à chaque dessin ou modèle antérieur. Ainsi, selon la jurisprudence, un dessin ou modèle qui est nouveau peut ou non présenter un caractère individuel [voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2013, Kastenholz/OHMI – Qwatchme (Cadrans
de montre), T‑68/11, EU:T:2013:298, point 38]. En revanche, un dessin ou modèle qui n’est pas nouveau ne saurait, à plus forte raison, présenter un caractère individuel.
171 L’existence du caractère individuel permet de déduire, à plus forte raison, la nouveauté, comme en l’espèce, alors que l’absence de caractère individuel ne préjuge pas nécessairement de l’absence de nouveauté, mais, en tout état de cause, suffit pour annuler un dessin ou modèle. En revanche, l’absence de nouveauté s’avère décisive pour l’absence de caractère individuel, alors que la nouveauté ne préjuge pas nécessairement de l’existence du caractère individuel, également requise pour la validité
d’un dessin ou modèle.
172 En conséquence, lorsque, comme en l’espèce, la nullité d’un dessin ou modèle est demandée sur le fondement des motifs énoncés aux articles 5 et 6 du règlement no 6/2002 et au regard des mêmes dessins ou modèles antérieurs, le constat du caractère individuel du dessin ou modèle contesté implique la validité de celui-ci au regard desdits motifs de nullité et desdits dessins ou modèles antérieurs.
173 Dans de telles circonstances où l’existence du caractère individuel est constatée, comme en l’espèce, il n’est pas nécessaire, pour les instances de l’EUIPO, d’examiner de façon circonstanciée la condition de nouveauté, car l’examen prioritaire du caractère individuel peut se justifier pour des raisons de méthodologie et d’économie de procédure. En sens inverse, dans d’autres circonstances où l’absence de nouveauté est constatée, l’examen prioritaire de la condition de nouveauté peut également
se justifier pour les mêmes raisons de méthodologie et d’économie de procédure, dès lors qu’une telle absence entraîne nécessairement la nullité du dessin ou modèle en cause, sans qu’il soit besoin d’examiner expressément la condition du caractère individuel.
174 Eu égard aux considérations présentées aux points 170 à 173 ci-dessus, il y a lieu de constater que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en examinant, pour des raisons de méthodologie et d’économie de procédure, l’existence du caractère individuel du dessin ou modèle contesté avant d’en déduire, a fortiori, celle de la nouveauté du même dessin ou modèle.
175 En second lieu, s’agissant des mesures d’instruction, il suffit de constater que, au point 71 de son arrêt sur pourvoi (cité au point 84 ci-dessus), la Cour a simplement évoqué le fait qu’« une telle circonstance pouvait être prise en compte par l’EUIPO afin d’adopter des mesures d’instruction, sur la base de l’article 65, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 ». Par l’emploi du terme « pouvait », la Cour a ainsi reconnu le large pouvoir d’appréciation dont jouit l’EUIPO aux fins d’adopter des
mesures d’instruction, en vertu de cette disposition (voir points 162 et 163 ci-dessus). Par conséquent, l’absence d’adoption de mesures d’instruction, notamment d’audition de témoins, par la chambre de recours en vertu de son large pouvoir d’appréciation ne saurait en aucune façon entrer en contradiction avec l’arrêt sur pourvoi, ni être autrement erronée.
176 Par ailleurs, pour ce qui concerne les offres de preuve réitérées devant le Tribunal, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, « les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure […], à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié ». En l’espèce, s’agissant d’une procédure administrative commencée en 2009, et vu
l’absence d’élément nouveau devant le Tribunal, le retard dans la présentation de telles preuves ne saurait, en tout état de cause, être justifié. Au demeurant, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier, à telle enseigne que ces preuves ne lui sont pas nécessaires pour statuer.
177 Le sixième moyen doit donc être rejeté comme non fondé.
178 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.
Sur les dépens
179 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
180 La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Group Nivelles NV est condamnée aux dépens.
Costeira
Kancheva
Perišin
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 avril 2022.
Signatures
Table des matières
Antécédents du litige
Conclusions des parties
En droit
Sur les premier et troisième moyens, concernant l’identification du dessin ou modèle antérieur
Sur le troisième moyen
Sur le premier moyen
Sur le deuxième moyen, concernant la détermination des caractéristiques du dessin ou modèle contesté
Sur les quatrième, cinquième et sixième moyens, concernant la comparaison des dessins ou modèles en conflit et l’appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté
Rappel de législation et de jurisprudence
Reproduction individuelle des dessins ou modèles en conflit et rappel de la décision attaquée
Sur le quatrième moyen
Sur le cinquième moyen
Sur le sixième moyen
Sur les dépens
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( *1 ) Langue de procédure : le néerlandais.