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16/03/2022 | CJUE | N°T-249/20

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, Abdelkader Sabra contre Conseil de l'Union européenne., 16/03/2022, T-249/20


 ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

16 mars 2022 ( *1 )

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la Syrie – Gel des fonds – Erreurs d’appréciation – Critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie – Présomption de lien avec le régime syrien – Renversement de la présomption »

Dans l’affaire T‑249/20,

Abdelkader Sabra, demeurant à Beyrouth (Liban), représenté par Mmes M. Lester, QC, et A. Bradshaw, solicitor,

partie

requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme T. Haas et M. V. Piessevaux, en qualité d’agents,

pa...

 ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

16 mars 2022 ( *1 )

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la Syrie – Gel des fonds – Erreurs d’appréciation – Critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie – Présomption de lien avec le régime syrien – Renversement de la présomption »

Dans l’affaire T‑249/20,

Abdelkader Sabra, demeurant à Beyrouth (Liban), représenté par Mmes M. Lester, QC, et A. Bradshaw, solicitor,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme T. Haas et M. V. Piessevaux, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision d’exécution (PESC) 2020/212 du Conseil, du 17 février 2020, mettant en œuvre la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2020, L 43 I, p. 6), du règlement d’exécution (UE) 2020/211 du Conseil, du 17 février 2020, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2020, L 43 I, p. 1), de
la décision (PESC) 2020/719 du Conseil, du 28 mai 2020, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2020, L 168, p. 66), et du règlement d’exécution (UE) 2020/716 du Conseil, du 28 mai 2020, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2020, L 168, p. 1), en tant que ces actes visent le requérant,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. S. Gervasoni, président, Mme R. Frendo et M. J. Martín y Pérez de Nanclares (rapporteur), juges,

greffier : Mme M. Zwozdziak-Carbonne, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 16 septembre 2021,

rend le présent

Arrêt

I. Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

1 Le requérant, M. Abdelkader Sabra, est un homme d’affaires ayant les nationalités syrienne et libanaise.

2 Condamnant fermement la répression violente des manifestations pacifiques en Syrie et lançant un appel aux autorités syriennes pour qu’elles s’abstiennent de recourir à la force, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2011/273/PESC, du 9 mai 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2011, L 121, p. 11). Compte tenu de la gravité de la situation, le Conseil a institué un embargo sur les armes, une interdiction des
exportations de matériel susceptible d’être utilisé à des fins de répression interne, des restrictions à l’admission dans l’Union européenne ainsi que le gel des fonds et des ressources économiques de certaines personnes et entités responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne.

3 Les noms des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie ainsi que ceux des personnes, physiques ou morales, et des entités qui leur sont liées sont mentionnés dans l’annexe de la décision 2011/273. En vertu de l’article 5, paragraphe 1, de cette décision, le Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, peut modifier ladite annexe. Le nom du requérant
n’y figurait pas lors de l’adoption de la décision en question.

4 Étant donné que certaines des mesures restrictives prises à l’encontre de la République arabe syrienne entrent dans le champ d’application du traité FUE, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, le règlement (UE) no 442/2011, du 9 mai 2011, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2011, L 121, p. 1). La teneur de ce règlement est, pour l’essentiel, identique à celle de la décision 2011/273. La liste des personnes, des entités et
des organismes reconnus comme étant soit responsables de la répression en cause, soit associés à ces responsables, figurant à l’annexe II dudit règlement, est identique à celle figurant à l’annexe de la décision 2011/273. En vertu de l’article 14, paragraphes 1 et 4, du règlement no 442/2011, lorsque le Conseil décide d’appliquer à une personne, physique ou morale, à une entité ou à un organisme les mesures restrictives visées, il modifie l’annexe II en conséquence et, par ailleurs, examine la
liste qui y figure à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois.

5 Par la décision 2011/782/PESC, du 1er décembre 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et abrogeant la décision 2011/273 (JO 2011, L 319, p. 56), le Conseil a estimé, compte tenu de la gravité de la situation en Syrie, qu’il était nécessaire d’instituer des mesures restrictives supplémentaires. Par souci de clarté, les mesures imposées par la décision 2011/273 et les mesures supplémentaires ont été regroupées dans un instrument juridique unique. La décision 2011/782
prévoit, à son article 18, des restrictions en matière d’admission sur le territoire de l’Union des personnes dont le nom figure à l’annexe I et, à son article 19, le gel des fonds et des ressources économiques des personnes et des entités dont le nom figure aux annexes I et II.

6 Le règlement no 442/2011 a été remplacé par le règlement (UE) no 36/2012 du Conseil, du 18 janvier 2012, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie et abrogeant le règlement no 442/2011 (JO 2012, L 16, p. 1).

7 La décision 2011/782 a été remplacée par la décision 2012/739/PESC du Conseil, du 29 novembre 2012, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et abrogeant la décision 2011/782 (JO 2012, L 330, p. 21), elle-même remplacée par la décision 2013/255/PESC du Conseil, du 31 mai 2013, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2013, L 147, p. 14).

8 Le 12 octobre 2015, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2015/1836, modifiant la décision 2013/255 (JO 2015, L 266, p. 75). Le même jour, il a adopté le règlement (UE) 2015/1828, modifiant le règlement no 36/2012 (JO 2015, L 266, p. 1).

9 Aux termes du considérant 6 de la décision 2015/1836, « [l]e Conseil a estimé que, en raison du contrôle étroit exercé sur l’économie par le régime syrien, un cercle restreint de femmes et d’hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie n’[était] en mesure de maintenir son statut que grâce à des liens étroits avec le régime et au soutien de celui-ci, ainsi qu’à l’influence exercée en son sein », et « [l]e Conseil estime qu’il devrait prévoir des mesures restrictives pour imposer
des restrictions à l’admission des femmes et des hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie, identifiés par [lui] et dont la liste figure à l’annexe I, ainsi que pour geler tous les fonds et ressources économiques qui leur appartiennent, qui sont en leur possession, ou qui sont détenus ou contrôlés par eux, afin de les empêcher de fournir un soutien matériel ou financier au régime et, par l’influence qu’ils exercent, d’accroître la pression sur le régime lui-même afin qu’il
modifie sa politique de répression ».

10 La rédaction des articles 27 et 28 de la décision 2013/255 a été modifiée par la décision 2015/1836. Ces articles prévoient désormais des restrictions à l’entrée ou au passage en transit sur le territoire des États membres ainsi que le gel des fonds des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie », sauf « informations suffisantes indiquant [que ces personnes] ne sont pas, ou ne sont plus, lié[e]s au régime ou qu’[elles] n’exercent aucune influence sur celui-ci ou
qu’[elles] ne sont pas associé[e]s à un risque réel de contournement ».

11 Le règlement 2015/1828 a modifié, notamment, la rédaction de l’article 15 du règlement no 36/2012 afin d’y intégrer les nouveaux critères d’inscription définis par la décision 2015/1836 et introduits dans la décision 2013/255.

12 Par la décision d’exécution (PESC) 2020/212 du Conseil, du 17 février 2020, mettant en œuvre la décision 2013/255 (JO 2020, L 43 I, p. 6), et le règlement d’exécution (UE) 2020/211 du Conseil, du 17 février 2020, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2020, L 43 I, p. 1) (ci-après, dénommés ensemble, les « actes initiaux »), le nom du requérant a été ajouté à la ligne 293 de la liste figurant à l’annexe I, section A (Personnes) de la décision 2013/255 et ajouté à la ligne 293 de la liste
figurant à l’annexe II, section A (Personnes) du règlement no 36/2012 (ci-après, dénommées ensemble, les « listes en cause »).

13 D’une part, les « informations d’identification » inscrites dans les listes en cause mentionnent que le requérant est de sexe masculin, a les nationalités syrienne et libanaise et est né le 14 septembre 1955. En outre, ses fonctions y sont décrites comme étant celles de « propriétaire de l’agence maritime Sabra ; [de] chef de la chambre de commerce syro-turque ; [de] partenaire fondateur de la société de tourisme Phoenicia [et de] président de la chambre de la navigation maritime en Syrie ».
Enfin, « Phoenicia Tourism Company [LLC] » et « Sabra Maritime Agency » y sont mentionnées comme étant des « parents/associés/entités ou partenaires d’affaires/liens » du requérant.

14 D’autre part, les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause sont rédigés comme suit :

« Homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et ayant de multiples intérêts économiques, en particulier dans le secteur maritime et dans celui du tourisme. En tant que magnat des transports maritimes et proche associé d’affaires de Rami Makhlouf (soutien du régime et cousin de Bashar Al-Assad), Abdelkader Sabra fournit un soutien financier et économique au régime syrien, notamment via des sociétés à l’étranger. Abdelkader Sabra tire également avantage de ses liens avec le régime,
ce qui lui a permis d’étendre ses activités dans le secteur de l’immobilier. Il est également impliqué dans le blanchiment de capitaux et des activités commerciales en soutien au régime syrien et à ses associés. »

15 Par lettre du 16 mars 2020, le requérant a demandé au Conseil de lui fournir, notamment, des copies de toutes les informations et éléments étayant l’inscription de son nom sur les listes en cause.

16 En réponse à la lettre du requérant mentionnée au point 15 ci-dessus, le 6 avril 2020, le Conseil lui a communiqué le document portant la référence WK 1755/2020 INIT, du 12 février 2020, comprenant les éléments de preuve venant au soutien des motifs d’inscription de son nom sur les listes en cause.

17 Par lettre du 4 mai 2020, le requérant a soumis des observations sur la décision d’inscription de son nom sur les listes en cause en vertu des actes initiaux et a demandé au Conseil le retrait de son nom desdites listes.

18 Le 28 mai 2020, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2020/719, modifiant la décision 2013/255 (JO 2020, L 168, p. 66), et le règlement d’exécution (UE) 2020/716, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2020, L 168, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de maintien »). En vertu de la décision 2020/719, l’application de la décision 2013/255 a été prorogée jusqu’au 1er juin 2021. Le nom du requérant a été maintenu à la ligne 293 des listes en cause sur le fondement de motifs identiques
à ceux retenus dans les actes initiaux.

19 Par lettre du 2 juin 2020, le Conseil a informé le requérant de sa décision de maintenir l’inscription de son nom sur les listes en cause en vertu des actes de maintien. En outre, il l’a informé de ce qu’il était en train d’examiner les observations et la documentation que le requérant lui avait soumises dans sa lettre du 4 mai 2020 (voir point 17 ci-dessus), ce qui nécessitait, selon le Conseil, plusieurs semaines de travail au vu des nombreux arguments soulevés à l’appui de sa demande ainsi que
du nombre élevé de documents l’accompagnant.

II. Procédure et conclusions des parties

20 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 avril 2020, le requérant a introduit le présent recours, ayant pour objet une demande tendant à l’annulation des actes initiaux en tant que ces actes le concernent.

21 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 10 juin 2020, le requérant a, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal, adapté la requête, de sorte que celle-ci vise également à l’annulation des actes de maintien en tant que ces actes le concernent.

22 Le 23 juillet 2020, le Conseil a déposé au greffe du Tribunal le mémoire en défense, qui répond également au mémoire en adaptation.

23 La réplique et la duplique ont été déposées, respectivement, le 6 octobre et le 19 novembre 2020.

24 La phase écrite de la procédure a été close le 19 novembre 2020.

25 Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, sous d), du règlement de procédure, le Tribunal a, le 9 juin 2021, demandé aux parties de produire certains documents. Les parties ont déféré à la demande de production de documents dans le délai imparti.

26 Le 6 septembre 2021, le requérant a déposé une demande motivée, conformément à l’article 66 du règlement de procédure, visant à obtenir que le contenu de certains documents annexés à la requête ainsi que certains points de la requête et de la réplique ne soient pas cités dans les documents afférents à cette affaire auxquels le public a accès. Lors de l’audience, le requérant a confirmé que sa demande d’omission de certaines données envers le public se limitait aux documents et aux points
mentionnés dans la lettre du 6 septembre 2021, ce qui a été acté au procès-verbal de l’audience.

27 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 16 septembre 2021.

28 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler les actes initiaux et les actes de maintien (ci-après, dénommés ensemble, les « actes attaqués ») en tant qu’ils le concernent ;

– condamner le Conseil aux dépens.

29 Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner le requérant aux dépens ;

– à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le Tribunal annulerait les mesures restrictives adoptées à l’égard du requérant, ordonner que les effets de la décision 2020/719 soient maintenus en ce qui le concerne jusqu’à ce que l’annulation partielle du règlement d’exécution 2020/716 prenne effet.

III. En droit

A.   Sur la recevabilité des annexes à la demande de temps de plaidoirie supplémentaire déposée par le requérant

30 Par lettre du 7 septembre 2021, le requérant a demandé au Tribunal de lui accorder un temps de plaidoirie supplémentaire en vue de l’audience du 16 septembre 2021. Dans le cadre de cette demande, il a annexé deux lettres qu’il avait adressées au Conseil, la première du 8 mars 2021 et la seconde du 9 juin 2021.

31 La production de ces annexes ne saurait s’inscrire dans le cadre de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, qui prévoit que, à titre exceptionnel, les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié. En effet, d’une part, le requérant n’indique
pas, dans sa lettre du 7 septembre 2021, qu’il entend déposer les lettres du 8 mars et du 9 juin 2021 conformément à cette disposition et, d’autre part, il n’avance aucune justification au retard dans la présentation de celles-ci.

32 Il convient, dès lors, de rejeter les lettres du 8 mars et du 9 juin 2021, annexées à la demande de temps de plaidoirie supplémentaire du requérant, comme étant irrecevables.

B.   Sur le fond

33 À l’appui de son recours, le requérant soulève un moyen unique, tiré d’erreurs d’appréciation des faits.

34 Le requérant soutient, en substance, ne pas être actuellement un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, ne pas être lié au régime syrien, ne pas faire partie du cercle restreint de femmes et d’hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie, tel que défini au considérant 6 de la décision 2015/1836, et ne pas fournir de soutien matériel ou financier au régime syrien, que ce soit par l’intermédiaire de sociétés établies à l’étranger ou par tout autre moyen.

35 Le Conseil conteste les arguments du requérant et fait valoir, en substance, que les éléments de preuve contenus dans le document WK 1755/2020 INIT et dans le document portant la référence WK 7118/2020 INIT, du 23 juillet 2020, démontrent que le requérant est un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie. À cet égard, il conteste les arguments que le requérant présente pour renverser la présomption de lien entre lui et le régime syrien. Enfin, le Conseil estime que le requérant
soutient le régime syrien et en tire avantage.

1. Considérations liminaires

36 Il convient de relever que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend
ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

37 Il incombe au juge de l’Union de procéder à cet examen en demandant, le cas échéant, à l’autorité compétente de l’Union de produire des informations ou des éléments de preuve, confidentiels ou non, pertinents aux fins d’un tel examen (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 120 et jurisprudence citée).

38 C’est en effet à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée, et non à ces dernières d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121).

39 À cette fin, il n’est pas requis que ladite autorité produise devant le juge de l’Union l’ensemble des informations et des éléments de preuve inhérents aux motifs allégués dans l’acte dont il est demandé l’annulation. Il importe toutefois que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 122).

40 Si l’autorité compétente de l’Union fournit des informations ou des éléments de preuve pertinents, le juge de l’Union doit vérifier l’exactitude matérielle des faits allégués au regard de ces informations ou éléments et apprécier la force probante de ces derniers en fonction des circonstances de l’espèce et à la lumière des éventuelles observations présentées, notamment, par la personne ou l’entité concernée à leur sujet (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P
et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 124).

41 Conformément à la jurisprudence de la Cour, l’appréciation du bien-fondé d’une inscription doit être effectuée en examinant les éléments de preuve non pas de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent (voir, en ce sens, arrêts du 21 avril 2015Anbouba/Conseil, C‑630/13 P, EU:C:2015:247, point 51, et du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 50).

42 Enfin, dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’enjeu, qui fait partie du contrôle de la proportionnalité des mesures restrictives en cause, il peut être tenu compte du contexte dans lequel s’inscrivent ces mesures, du fait qu’il était urgent d’adopter de telles mesures ayant pour objet de faire pression sur le régime syrien afin qu’il arrête la répression violente dirigée contre la population et de la difficulté d’obtenir des preuves plus précises dans un État en situation de guerre
civile doté d’un régime de nature autoritaire (arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 46).

2. Sur les motifs d’inscription et la détermination des critères d’inscription

43 Il convient de rappeler que les critères généraux d’inscription énoncés à l’article 27, paragraphe 1, et à l’article 28, paragraphe 1, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, repris, en ce qui concerne le gel des fonds, à l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, prévoient que les personnes et les entités bénéficiant des politiques menées par le régime syrien ou soutenant celui-ci font l’objet de
mesures restrictives. De même, l’article 27, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 3, et l’article 28, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, repris, en ce qui concerne le gel des fonds, à l’article 15, paragraphe 1 bis, sous a), et paragraphe 1 ter, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, disposent que la catégorie des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie »
fait l’objet de mesures restrictives, sauf s’il existe des informations suffisantes indiquant qu’ils ne sont pas, ou ne sont plus, liés au régime ou qu’ils n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’ils ne sont pas associés à un risque réel de contournement.

44 Ainsi qu’il a été mentionné au point 14 ci-dessus, les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause sont les suivants :

« Homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et ayant de multiples intérêts économiques, en particulier dans le secteur maritime et dans celui du tourisme. En tant que magnat des transports maritimes et proche associé d’affaires de Rami Makhlouf (soutien du régime et cousin de Bashar Al-Assad), Abdelkader Sabra fournit un soutien financier et économique au régime syrien, notamment via des sociétés à l’étranger. Abdelkader Sabra tire également avantage de ses liens avec le régime,
ce qui lui a permis d’étendre ses activités dans le secteur de l’immobilier. Il est également impliqué dans le blanchiment de capitaux et des activités commerciales en soutien au régime syrien et à ses associés. »

45 Il y a lieu de déduire des motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause que ce dernier a vu son nom être inscrit et maintenu sur les listes en cause en raison, premièrement, de son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et, deuxièmement, de son lien avec le régime syrien. Autrement dit, l’inscription du nom du requérant est fondée, d’une part, sur le critère défini au paragraphe 2, sous a), de l’article 27 et de l’article 28 de la décision 2013/255,
telle que modifiée par la décision 2015/1836, et au paragraphe 1 bis, sous a), de l’article 15 du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828 (critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie), et, d’autre part, sur le critère défini au paragraphe 1 de l’article 27 et de l’article 28 de ladite décision et au paragraphe 1, sous a), de l’article 15 dudit règlement (critère de l’association avec le régime).

3. Sur les éléments de preuve

46 Pour justifier l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, le Conseil a fourni le document WK 1755/2020 INIT, comportant des éléments d’information publiquement accessibles, à savoir des liens, des articles de presse et des captures d’écran provenant :

– du site Internet « Aliqtisadi », consulté le 24 septembre 2018, sur lequel le requérant est présenté comme le directeur de la chambre de commerce syro-turque, le propriétaire de Sabra Maritime Agency et un investisseur dans le secteur du tourisme ; le requérant y est également décrit comme étant l’un des 100 hommes d’affaires les plus importants en Syrie, le président fondateur de la chambre de la navigation maritime syrienne ainsi qu’un associé fondateur de Phoenicia Tourism Company, dont il
détient 85 % du capital ;

– du site Internet « Syriandays », qui, dans un article publié le 10 février 2015, intitulé « Abdelkader Sabra is the President of the Syrian Chamber of Shipping » (Abdelkader Sabra est le président de la chambre de la navigation maritime syrienne), indique que le comité des directeurs de la chambre de la navigation maritime syrienne a tenu la première réunion de la troisième séance des élections en présence du ministre du Transport syrien, ce dernier s’étant référé au rôle important de cette
chambre au service du pays ; en outre, l’article donne les noms des personnes ayant remporté le vote pour l’attribution de différents postes, le nom du requérant y figurant comme ayant obtenu celui de président ; enfin, il est mentionné que cette chambre a été créée par la loi no 20 de 2006 et se distingue pour son soutien au secteur du transport maritime ;

– du site Internet « The Syria Report », consulté le 31 octobre 2018, qui indique que Phoenicia Tourism Company a été établie le 5 juillet 2012 à Tartous (Syrie) dans le secteur du développement des projets d’hôtellerie et, en outre, signale que le requérant détient 85 % des actions de cette société, le capital total s’élevant à 1 million de livres syriennes (SYP) (environ 1313 euros) ;

– du site Internet « The Syria Report », qui, dans un article publié le 26 novembre 2012, intitulé « Ministry of Tourism Awards New Contract to Manage Arwad Hotel » (Le ministère du Tourisme attribue un nouveau contrat pour la gestion de l’hôtel de Rouad), indique que le ministère du Tourisme syrien a attribué à Phoenicia Tourism Company un contrat pour le développement et la gestion d’un hôtel quatre étoiles sur l’île de Rouad (Syrie), la durée du contrat étant fixée à 60 ans ; selon l’article,
l’hôtel aura 150 lits et le coût de développement est estimé à 700 millions de SYP (environ 919009 euros) ; il est également indiqué que le requérant, décrit comme un investisseur connu de Tartous, est actif dans plusieurs secteurs, dont le secteur maritime et celui du commerce ;

– du site Internet « The Syria Report », consulté le 1er novembre 2018, selon lequel le requérant est le directeur général de Sabra Group, qui inclut l’agence maritime Riamar Shipping, possédant huit navires amarrés au port de Tartous ; il est également indiqué que Sabra Group exporte de l’huile d’olive et emploie 250 personnes ;

– de l’agence de presse Reuters, qui, dans un article publié le 15 novembre 2013, intitulé « Exclusive – [Bashar Al-]Assad allies profit from Syria’s lucrative food trade » (À la une – Les alliés de Bashar Al-Assad bénéficient du commerce lucratif de denrées alimentaires syrien), signale que, en utilisant des sociétés de façade et des entreprises de transport maritime, un réseau commercial et logistique discret émerge et a pour but non seulement d’obtenir des denrées alimentaires, mais aussi de
générer de gros rendements pour les membres du cercle restreint de Bashar Al-Assad ; selon cet article, Yass Marine, enregistrée à Tripoli (Liban) et en Syrie, ferait partie de ces entreprises ; l’article signale que, selon les informations du trafic maritime de la société d’analyse de données maritimes Windward, la flotte des vraquiers de cargaison sèche de Yass Marine a effectué des livraisons en Syrie au cours des derniers mois en provenance des ports d’Ukraine, de Russie et du Liban ; en
outre, selon l’article, le requérant, l’un des magnats maritimes les plus importants en Syrie, serait impliqué dans le commerce maritime vers ces pays ; enfin, l’article signale que des sites Internet de l’opposition ainsi qu’un répertoire des affaires montrent que le requérant était actionnaire de Cham Holding, une société « sanctionnée » et liée à Rami Makhlouf ;

– du journal Le Monde, qui, dans un article publié le 30 mai 2014, intitulé « Ces oligarques syriens qui tiennent à bout de bras le régime [de Bashar Al-]Assad », indique que Rami Makhlouf, avec trois autres personnes, dont le requérant, a investi dans l’importation de denrées alimentaires, dont du blé, du riz, du sucre et du thé, qui échappent à l’embargo européen, contrairement au pétrole ;

– du site Internet « World Crunch », qui, dans un article publié le 3 juin 2014, intitulé « The Shady Syrian Oligarchs Who Keep The Regime Afloat » (Les oligarques syriens louches qui maintiennent le régime syrien à flot), reprend, concernant le requérant, les mêmes informations que celles signalées dans l’article du journal Le Monde cité au tiret ci-dessus ;

– du site Internet « Eqtsad », qui, dans un article publié le 27 janvier 2019, intitulé « Abdelkader Sabra, partner of Rami Makhlouf, who is still raising the Turkish flag in the office » (Abdelkader Sabra, un associé de Rami Makhlouf qui lève encore le drapeau turc dans son bureau), décrit le requérant comme ayant bénéficié de la politique de Bashar Al-Assad qui, à partir de 2002, a permis à une « classe sociale importante » d’investir en Syrie ; selon l’article, il a fondé l’agence maritime
Abdul Kader Sabra (ci-après « AKSSA ») en 2002, société qui a fini par avoir une flotte de plus de 350 navires ; l’article indique également qu’il est le président de la chambre de la navigation maritime syrienne depuis sa création en 2006 ainsi que le directeur de la chambre de commerce syro-turque et le vice-président de la chambre de commerce syro-russe ; il est également décrit comme étant l’un des associés importants de Rami Makhlouf ; selon cet article, les activités du requérant dans le
secteur maritime lui permettaient d’entreprendre des relations commerciales avec plusieurs pays, dont, en particulier, l’Italie, la Grèce, la Turquie et Chypre ; à cet égard, selon l’article, le requérant a été nommé directeur de la chambre de commerce syro-turque, jouant un rôle majeur dans le développement des relations commerciales et politiques avec la Turquie ; l’article signale également que le requérant a investi dans le « système Assad » de la meilleure manière possible, étant devenu
une figure importante dans plusieurs secteurs ; en outre, selon l’article, à partir de 2005, il a commencé à étendre ses activités et a investi dans l’immobilier et le commerce de denrées alimentaires avec Rami Makhlouf ; l’article indique également qu’il a fondé une usine de production d’huile d’olive, produit qu’il a exporté en grandes quantités, ainsi qu’une autre usine pour la fabrication de conteneurs en verre, en plastique et en métal ; selon l’article, après la révolution de 2011 et
l’adoption de « sanctions » à l’égard de Cham Holding et des hommes d’affaires impliqués dans cette société, le requérant s’est rapidement retiré de cette société et a proclamé son innocence ; à partir de 2012, poursuit l’article, il s’est progressivement déplacé vers le Liban et a géré ses affaires depuis ce pays, ce qui a poussé le régime à saisir ses propriétés immobilières et mobilières, l’accusant d’avoir introduit des biens de contrebande en Syrie ; cela a été, selon l’article, décrit par
un bon nombre d’observateurs comme une tentative de le protéger, en particulier des « sanctions », à la condition qu’il fournisse certains services au régime syrien depuis un autre endroit ; l’article ajoute qu’aucune nouvelle relative au requérant n’a filtré jusqu’au début de l’année 2018, année durant laquelle ce dernier et d’autres hommes d’affaires syriens ont obtenu la nationalité libanaise ; enfin, à cet égard, l’article indique, d’une part, que les médias libanais ont lancé une campagne
contre lui, accusant l’État libanais de comploter avec des hommes d’affaires pour trouver un moyen de contourner les mesures restrictives qui leur sont imposées, et, d’autre part, qu’il a obtenu la nationalité libanaise grâce à son travail avec le Hezbollah, allant du blanchiment d’argent aux approvisionnements commerciaux pour le parti, activités pour lesquelles il s’est servi de sa flotte de navires ;

– du site Internet « The Syria Report », qui, dans un article publié le 5 juin 2018, intitulé « Dozens of Syrian Investors to be Granted Lebanese Citizenship » (Des douzaines d’investisseurs syriens se verront accorder la nationalité libanaise), signale que le requérant est un investisseur influent de Tartous qui est actif dans le secteur maritime, que, en outre, de nombreux investisseurs syriens font face à des problèmes pour ouvrir et opérer un compte bancaire au Liban et que l’obtention d’une
carte d’identité libanaise aiderait à contourner cette difficulté et pourrait être demandée pour ce motif ;

– du site Internet « al Arabiya News », qui, dans un article publié le 8 juin 2018, intitulé « Lebanese nationality to Syria involved in smuggling… Know it ! » (La nationalité libanaise pour la Syrie impliquée dans la contrebande… Sachez-le !), se réfère à la controverse créée par l’octroi de la citoyenneté libanaise à un bon nombre de personnes de plusieurs pays, dont la Syrie ; le requérant figure, selon cet article, parmi les personnes s’étant fait naturaliser ; il y est décrit comme ayant des
relations financières « douteuses » avec le régime de Bashar Al-Assad et, en particulier, avec Rami Makhlouf ; à cet égard, l’article cite les informations concernant le partenariat entre ce dernier et le requérant telles qu’elles ressortent de l’article du 30 mai 2014 publié par Le Monde mentionné ci-dessus ; l’article signale que le requérant est un « homme de bureau », qu’il était ambassadeur honoraire de la Turquie en Syrie, qu’il a aussi officié comme directeur de la chambre de commerce
syro-turque en 2012 et qu’il a été vice-président de la chambre de commerce syro-russe depuis sa création ; il ajoute que le requérant est le président de la chambre de la navigation maritime syrienne, qu’il est un actionnaire de Cham Holding, mais que l’inscription de cette société sur les listes des mesures restrictives de l’Union et des États-Unis d’Amérique l’a amené à s’éloigner des médias et à se présenter comme n’en faisant plus partie ; l’article ajoute qu’AKSSA, une compagnie maritime
spécialisée dans la gérance et la propriété de navires, a deux succursales en Italie et en Grèce et détient, en outre, OVO (Olive Virgin Oil Company), qui exporte de l’huile d’olive ; l’article mentionne également une des plus grandes usines de la région, qui produit des conteneurs en verre, en métal et en plastique ; selon l’article, le requérant est le président d’Abdelkader Sabra Group, dont le siège se situe dans la province côtière de Tartous ; enfin, l’article mentionne que les biens
immobiliers et mobiliers d’AKSSA ont été saisis en 2012 en vertu de la décision no 932 du ministère des Finances syrien, en raison d’une violation des règles d’importation constituée par la contrebande de biens dans l’affaire no 208 de 2012 ; l’article ajoute que le requérant a décidé de régler l’affaire à l’amiable, de sorte que la saisie a été levée après le paiement d’une amende ;

– du site Internet « Asharq Al-Awsat », qui, dans un article publié le 8 juin 2018, intitulé « Exclusive – 4 “Suspicious” Names behind Freezing of Lebanon’s Naturalization Decree » (À la une – 4 noms « suspects » à l’origine de la suspension du décret de naturalisation libanais), fournit des détails concernant la publication par les autorités libanaises de 400 noms de personnes ayant acquis la nationalité libanaise conformément à un décret gouvernemental controversé et désigne, en outre, le
requérant comme étant le président de la chambre de la navigation maritime syrienne ;

– du site Internet « Enab Baladi », qui, dans un article du 10 juin 2018, intitulé « The establishment of companies and naturalization… Lebanon ride [Bashar Al-]Assad to circumvent sanctions » ( La création de sociétés et la naturalisation… Le Liban aide Bashar Al-Assad à contourner des sanctions), indique que, parmi les noms des personnes qui ont été inclus dans le décret de naturalisation libanais, figure celui du requérant, décrit comme étant l’un des 100 hommes d’affaires les plus importants
de Syrie ; selon l’article, il détient Sabra Maritime Agency, est le directeur de la chambre de commerce syro-turque et est le « premier » président de la chambre de la navigation maritime syrienne ; l’article mentionne également Cham Holding, détenue par Rami Makhlouf, de laquelle il s’est retiré après que les États-Unis d’Amérique ont imposé des « sanctions » à l’égard de cette société ; enfin, l’article ajoute que, selon un analyste, les hommes d’affaires syriens veulent se libérer des
« sanctions » imposées à leur égard ; à cet égard, l’obtention de la nationalité libanaise leur permet, selon l’article, d’ouvrir des comptes et de faire des dépôts dans des banques libanaises ;

– du site Internet « Al Janoubia », qui, dans un article publié le 8 juin 2018, intitulé « Abdelkader Sabra became Lebanese » (Abdelkader Sabra est devenu libanais), précise que le nom du requérant est récemment devenu célèbre en raison du décret de naturalisation publié au Liban et qu’il est proche du président Bashar Al-Assad et est un actionnaire important de Cham Holding, détenue par Rami Makhlouf ;

– du site Internet du Middle East Institute for Research and Strategic Studies (MEIRSS), qui, dans un article publié le 20 juin 2018, intitulé « Lebanese Nationalization Decree: Sanction Evasion & Shady Business? » (Le décret libanais de naturalisation : contournement des sanctions et affaires douteuses ?), mentionne le décret présidentiel ayant octroyé la nationalité libanaise à 407 étrangers de différents pays ; l’article se réfère également à la controverse politique et médiatique générée par
ce décret, précise que plusieurs hommes d’affaires syriens proches du président Bashar Al-Assad se sont vu octroyer la nationalité libanaise, que nombre des individus naturalisés sont financièrement et politiquement liés au régime syrien et font l’objet d’un suivi constant et de mesures restrictives de la part de l’Union et des États-Unis d’Amérique et que, par ailleurs, le requérant, qui s’est vu octroyer la citoyenneté libanaise, est un membre du conseil d’administration de Cham Holding,
société faisant l’objet de mesures restrictives de la part de l’Union et des États-Unis d’Amérique ; enfin, l’article indique qu’il a contribué à la création d’une société au Liban, dénommée Yass Marine Group, qui a été impliquée dans un scandale en Syrie concernant la sécurité alimentaire.

47 En outre, le Conseil a fourni le document portant la référence WK 7118/2020 INIT, du 23 juillet 2020, comportant des éléments d’information publiquement accessibles, afin d’étayer l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause.

48 Il convient de rappeler que les actes initiaux et les actes de maintien ont été adoptés, respectivement, le 17 février et le 28 mai 2020.

49 Or, selon une jurisprudence constante, la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté (voir arrêts du 3 septembre 2015, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:535, point 22 et jurisprudence citée, et du 4 septembre 2015, NIOC e.a./Conseil, T‑577/12, non publié, EU:T:2015:596, point 112 et jurisprudence citée). Le Conseil ne peut, par conséquent, invoquer devant le Tribunal, pour
justifier le bien-fondé de l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause et celui de son maintien, des éléments sur lesquels il ne s’est pas fondé lors de l’adoption des actes attaqués (voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2021, Al Tarazi/Conseil, T‑260/19, non publié, EU:T:2021:187, point 69 et jurisprudence citée).

50 Le document portant la référence WK 7118/2020 INIT étant postérieur à l’adoption des actes attaqués, il ne saurait donc être pris en considération dans le cadre de l’examen du présent recours. Par conséquent, les arguments des parties s’appuyant sur ce document ne sauraient prospérer.

51 Par ailleurs, lors de l’audience, le requérant a, pour la première fois, avancé que 18 des éléments de preuve sur lesquels s’était fondé le Conseil pour établir le bien-fondé des motifs d’inscription le concernant étaient anciens, car datant d’avant 2015, ou ne contenaient aucune indication de dates.

52 Ce nouvel argument, qui apparaît devoir être compris comme visant à remettre en cause la fiabilité ou la pertinence de certains des éléments de preuve produits par le Conseil, doit être rejeté comme étant irrecevable. En effet, le requérant n’a pas précisé les éléments de preuve dont il entendait ainsi mettre en doute la fiabilité ou la pertinence, ce qui n’a pas permis au Conseil d’assurer sa défense sur ce point et ne permet pas au Tribunal de statuer (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du
6 février 2019, TN/ENISA, T‑461/17, non publié, EU:T:2019:63, point 65 et jurisprudence citée). En tout état de cause, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les éléments de preuve qu’il pourrait considérer comme étant ceux que le requérant a entendu critiquer (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 octobre 2020, Broughton/Eurojust, T‑87/19, non publié, EU:T:2020:464, point 58).

4. Sur le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie

53 Il convient de vérifier si l’ensemble des éléments de preuve soumis par le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe, en vertu de la jurisprudence citée au point 38 ci-dessus, et constitue ainsi un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants pour étayer le premier motif d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause.

54 Il ressort des motifs d’inscription, tels que rappelés aux points 14 et 44 ci-dessus, que son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie repose sur ses intérêts économiques, premièrement, dans le secteur maritime, deuxièmement, dans le secteur du tourisme et, troisièmement, dans d’autres secteurs. Il convient également d’examiner, dans ce cadre, les différents postes qu’occupe le requérant.

a) Sur les intérêts économiques du requérant dans le secteur maritime

55 Premièrement, il y a lieu de constater qu’il ressort des sites Internet « Aliqtisadi » et « Enab Baladi » que le requérant détient Sabra Maritime Agency. Deuxièmement, selon les informations publiées sur les sites Internet « Eqstad » et « al Arabiya News », le requérant est le propriétaire d’AKSSA, entreprise active dans le secteur du transport maritime, spécialisée dans la gérance et la propriété de navires. Selon l’article publié sur « al Arabiya News », cette société possède deux succursales,
basées en Italie et en Grèce. Troisièmement, selon l’article publié sur le site Internet « The Syria Report », le requérant est le directeur général de Sabra Group, qui inclut Riamar Shipping, possédant huit navires amarrés au port de Tartous. Enfin, quatrièmement, selon les informations publiées sur le site Internet de l’agence de presse Reuters et sur le site Internet du MEIRSS, le requérant est propriétaire de Yass Marine, établie à la fois au Liban et en Syrie.

56 Ainsi, les éléments de preuve contenus dans le document WK 1755/2020 INIT tendent à démontrer que le requérant a de multiples intérêts économiques dans le secteur maritime. En revanche, il y a lieu de constater que ces éléments de preuve ne mentionnent ni Navi Wood ni Abdulkader Sabra & Ahmad Mushir Sharif Shipping Agency, entités auxquelles le requérant fait référence dans ses écritures. Or, eu égard à la charge de la preuve incombant au Conseil, telle que rappelée au point 38 ci-dessus, et à la
jurisprudence citée au point 49 ci-dessus, il ne saurait être admis que le Conseil se prévale des affirmations faites par le requérant dans le cadre de la requête pour justifier le bien-fondé des actes attaqués. Par conséquent, Navi Wood et Abdulkader Sabra & Ahmad Mushir Sharif Shipping Agency ne peuvent pas être prises en compte pour démontrer que le requérant possède des intérêts économiques dans le secteur maritime.

57 S’agissant de ses multiples intérêts économiques dans le secteur maritime, le requérant affirme qu’ils sont désormais négligeables, dans la mesure où toutes ses entreprises seraient dissoutes, à l’exception d’AKSSA, qui connaîtrait toutefois de sérieuses pertes.

58 En premier lieu, concernant AKSSA, le requérant a produit, d’une part, les états financiers de cette société pour les années 2004, 2010, 2017, 2018 et 2019, audités par A, et, d’autre part, un graphique illustrant le nombre annuel de nominations de navires pour cette société au cours de ces mêmes années.

59 Enfin, le requérant a produit, en annexe à la réplique, un tableau dans lequel figure le nombre de nominations de navires pour chacune des agences maritimes syriennes au cours de l’année 2017. Ces données proviennent, selon le requérant, de la chambre de la navigation maritime syrienne. Il s’agirait d’informations commercialement sensibles qui auraient été fournies de manière informelle sur demande.

60 Le Conseil remet en cause, en substance, la fiabilité des éléments de preuve produits par le requérant. À cet égard, il fait valoir que la réponse à la question de savoir si les états financiers produits ont été audités par un intervenant indépendant ou s’ils ont simplement été établis par le requérant ou un représentant d’AKSSA ne ressort pas clairement de ceux-ci. Il en irait de même pour le graphique illustrant le nombre annuel de nominations de navires de cette société.

61 Concernant les états financiers, le Conseil ajoute, dans la duplique, que le document produit par le requérant en annexe à la réplique, qui consiste en une copie du répertoire de l’association syrienne des professions de la finance et de la comptabilité, dans lequel figurerait A en tant qu’auditeur indépendant, ne serait pas de nature à démontrer que ces états financiers ont été vérifiés par un auditeur indépendant ou que le cachet figurant dans lesdits états financiers provient bien de A.

62 Enfin, s’agissant du tableau émanant de la chambre de la navigation maritime syrienne, le Conseil fait remarquer que ce document ne contient aucun marquage officiel permettant au lecteur de savoir de quelle source il émane. Seules les observations du requérant établiraient un lien entre ce document et la chambre de la navigation maritime syrienne.

63 Il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, l’activité de la Cour et du Tribunal est régie par le principe de libre appréciation des preuves et que le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité. En outre, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qu’il contient et tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration et de son
destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑343/06, EU:T:2012:478, point 161 et jurisprudence citée).

64 En l’espèce, s’agissant, premièrement, des états financiers produits par le requérant, il y a lieu de relever que celui-ci produit une copie du répertoire de l’association syrienne des professions de la finance et de la comptabilité, dans lequel figure A. Il s’agit donc bien d’un auditeur indépendant.

65 Certes, le nom de A n’apparaît pas dans les états financiers fournis par le requérant. Cependant, le Tribunal ne décèle pas d’irrégularités manifestes ou d’indices précis permettant de douter du fait que ces états financiers ont été audités par l’auditeur indépendant A. En outre, le Conseil ne fait pas valoir l’existence d’incohérences au sein de ces documents de nature à leur nier tout caractère sensé et fiable au sens de la jurisprudence rappelée au point 63 ci-dessus.

66 S’agissant, deuxièmement, du graphique produit, le requérant a reconnu, dans la réplique, l’avoir lui-même réalisé. À cet égard, ce graphique se fonde sur les données relatives au nombre de navires nommés pour AKSSA reprises dans les états financiers, de sorte que le fait que le requérant l’a lui-même élaboré n’a aucun impact sur son caractère sensé et fiable.

67 Enfin, s’agissant, troisièmement, du tableau produit par le requérant, il convient de constater, à l’instar du Conseil, que, en l’absence d’éléments dans le tableau liant les données qui y sont contenues à la chambre de la navigation maritime syrienne, l’origine de ces données est inconnue. En outre, le nombre de navires nommés pour AKSSA selon ce tableau diffère de celui résultant des états financiers d’AKSSA. Dans ces circonstances, le tableau ne saurait avoir un caractère suffisamment sensé et
fiable, conformément à la jurisprudence rappelée au point 63 ci-dessus, et doit être écarté.

68 En revanche, les états financiers et le graphique peuvent être pris en considération par le Tribunal.

69 À cet égard, la lecture des états financiers d’AKSSA communiqués par le requérant fait apparaître que cette société a subi une diminution notable du nombre de navires nommés et de son revenu net. En effet, le nombre de navires nommés pour cette société a baissé, passant de 145 en 2004 à 3 en 2019. De même, le revenu net a connu une baisse, puisqu’il est passé de 652831,44 dollars des États-Unis (USD) (environ 591654,38 euros) en 2004 à 5989,00 USD (environ 5427,77 euros) en 2019. Néanmoins, le
revenu net continue à être positif. Autrement dit, d’un point de vue comptable, la société n’est pas déficitaire. En outre, le nombre de navires nommés pour AKSSA en 2018 était supérieur à celui de 2017, même si le revenu net a baissé entre ces deux années. De surcroît, ainsi que le Conseil l’a remarqué lors de l’audience, les dépenses liées aux salaires ont peu diminué entre 2004 et 2019, suggérant, à tout le moins, une certaine stabilité dans le personnel employé. De même, les dépenses liées à
l’eau et à l’électricité ont augmenté, ce qui témoigne, à tout le moins, de la poursuite de l’activité d’AKSSA. Enfin, il convient de considérer les résultats d’AKSSA dans le contexte général de la situation du secteur maritime syrien. En effet, ainsi qu’il ressort de l’article publié le 9 octobre 2013 par l’agence de presse Reuters et intitulé « Syria’s shipping trade struggles as war risks bite » (Le commerce maritime en Syrie, touché par les risques de la guerre, connaît des difficultés),
produit par le requérant, le nombre de navires accostant dans les ports syriens a connu une forte baisse en raison du conflit en Syrie. Dans ces circonstances, la diminution du nombre de navires nommés pour AKSSA et de son revenu net ne saurait nécessairement mettre en évidence sa perte d’importance dans le secteur d’activité des agences maritimes.

70 Il résulte de ce qui précède que le requérant n’a pas réussi à démontrer que l’intérêt économique que représente, pour lui, la propriété d’AKSSA était négligeable.

71 En deuxième lieu, s’agissant de Sabra Maritime Agency, et plus précisément de l’affirmation du requérant selon laquelle cette société a été nationalisée, il ressort de la capture d’écran issue du site Internet du ministère du Transport syrien, contenant une description du secteur maritime, produit par le requérant, que, à partir du 1er janvier 1981, l’agence maritime du gouvernement syrien est devenue l’unique agent pour toutes les compagnies maritimes, les propriétaires de navires et les
transporteurs vers les ports syriens. De la lecture de cette description, il peut être déduit que le secteur d’activité des agences maritimes a été nationalisé en Syrie à partir de cette date. Néanmoins, il en ressort également que le décret législatif no 55 de 2002 a autorisé le développement d’activités dans le secteur d’activité des agences maritimes par des personnes physiques et morales pour la nomination de navires commerciaux vers les ports syriens tant dans le domaine du transport de
passagers que dans celui du transport de marchandises. Il convient d’en déduire que, en vertu de ce décret législatif, le secteur d’activité des agences maritimes a été privatisé à partir de 2002.

72 Concernant l’argument du requérant selon lequel la licence de Sabra Maritime Agency a été annulée à la suite de sa nationalisation, cette société devenant par la suite inactive et étant enfin radiée du registre du commerce, il convient de relever que le requérant produit une lettre du directorat du commerce intérieur et de la protection des consommateurs de Tartous du 28 septembre 2020 selon laquelle certaines dénominations sociales ne figurent pas dans le registre du commerce du département de
Tartous. Il s’agit, notamment, des dénominations sociales suivantes : Sabra Group, Sabra Maritime Agency et Yass Marine.

73 Force est de constater que Sabra Maritime Agency est l’une des dénominations sociales mentionnées dans la lettre citée au point 72 ci-dessus. Il en découle que, si le requérant n’est pas parvenu à démontrer que cette agence avait été nationalisée, il a, toutefois, apporté la preuve qu’aucune société portant cette dénomination n’était enregistrée dans le registre du commerce du département de Tartous.

74 Or, en l’absence d’éléments de preuve produits par le Conseil visant à démontrer que Sabra Maritime Agency aurait été enregistrée dans le registre du commerce du département de Tartous sous un nom différent, la conclusion formulée au point 73 ci-dessus ne saurait être remise en cause par l’argument du Conseil selon lequel, en substance, les dénominations sociales en cause, « telles qu’elles sont littéralement mentionnées » dans la lettre du directorat du commerce intérieur et de la protection des
consommateurs de Tartous du 28 septembre 2020, ne sont pas enregistrées dans le registre du commerce du département de Tartous. De même, en l’absence d’éléments concrets, doit être rejeté l’argument du Conseil tiré de ce que le nom des entités peut connaître certaines variations en raison notamment de problèmes de traduction.

75 En troisième lieu, quant à Riamar Shipping, qui, d’après le requérant, serait dissoute, il convient de relever que, selon la résolution no 77 du directorat du commerce intérieur et de la protection des consommateurs de Tartous du 20 novembre 2018, produite par le requérant, la mention « Abdulkader Sabra & Co (RIAMAR SHIPPING) », dont l’objet social est la gestion du transport maritime, a été supprimée du registre du commerce en raison notamment de sa dissolution par accord entre ses associés du
27 juin 2018. En outre, il ressort de ladite résolution que Riamar Shipping est le nom commercial d’Abdulkader Sabra & Co. Dès lors, il convient de conclure qu’Abdulkader Sabra & Co, dénomination sociale à laquelle correspond le nom commercial Riamar Shipping, a été effectivement dissoute.

76 En quatrième lieu, s’agissant de l’affirmation du requérant selon laquelle Sabra Group n’existe pas, il convient de constater que Sabra Group est l’une des dénominations sociales mentionnées dans la lettre citée au point 72 ci-dessus. Il en découle qu’aucune société portant cette dénomination n’est enregistrée dans le registre du commerce du département de Tartous.

77 Le Conseil a, par ailleurs, avancé l’hypothèse que Sabra Group serait, en réalité, Abdulkader Sabra & Co. Néanmoins, cette allégation n’est aucunement étayée. En tout état de cause, il ressort du point 75 ci-dessus qu’Abdulkader Sabra & Co n’existe plus.

78 En cinquième lieu, s’agissant de Yass Marine, dont le requérant prétend n’avoir jamais entendu parler, il convient de constater, en tout état de cause, que Yass Marine est l’une des dénominations sociales mentionnées dans la lettre citée au point 72 ci-dessus. Il en découle qu’aucune société portant cette dénomination n’est enregistrée dans le registre du commerce du département de Tartous. Or, ainsi qu’il a été signalé au point 74 ci-dessus, ce constat ne saurait être remis en cause par
l’argument, non étayé, du Conseil selon lequel, en substance, le nom des entités peut connaître certaines variations en raison notamment de problèmes de traduction.

79 En outre, il ressort de l’attestation du registre du commerce libanais du 29 avril 2020, produite en annexe à la réplique, qu’aucune société portant le nom de Yass Marine n’est enregistrée dans ledit registre. Le Conseil remet en cause cette attestation, dans la mesure où elle indique elle-même que le registre peut être incomplet.

80 À cet égard, l’attestation mentionnée au point 79 ci-dessus indique que l’attention est attirée sur le fait que « l’automatisation [des données] est incomplète et [que] des erreurs peuvent se présenter ». Il convient de considérer qu’il s’agit d’une remarque générale et standardisée, de sorte que, en l’absence d’autres éléments, l’attestation doit être comprise comme présentant, de manière complète, l’information relative à Yass Marine figurant dans ledit registre.

81 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le requérant a établi qu’Abdelkader Sabra & Co, société à laquelle correspond le nom commercial Riamar Shipping, a été dissoute et que Sabra Maritime Agency, Sabra Group ainsi que Yass Marine ne sont pas enregistrées dans le registre du commerce du département de Tartous. Néanmoins, il en résulte également qu’AKSSA continuait à être active à la date d’adoption des actes attaqués et que, au titre de l’année 2019, elle a enregistré un revenu net
positif, de sorte qu’elle ne saurait être considérée comme étant une société déficitaire.

82 Dans ces circonstances, il convient de conclure que, si le requérant a démontré qu’il ne possédait plus, à la date d’adoption des actes attaqués, de multiples intérêts économiques dans le secteur maritime, il n’en demeure pas moins qu’il est toujours le propriétaire d’AKSSA, agence maritime toujours active et qui ne saurait représenter, pour lui, un intérêt économique négligeable.

b) Sur les intérêts économiques du requérant dans le secteur du tourisme

83 Il ressort des informations publiées sur le site Internet « Aliqtisadi » que le requérant est un associé fondateur de Phoenicia Tourism Company. En outre, selon le site Internet « The Syria Report », Phoenicia Tourism Company, dont le requérant possède 85 % des actions, a été établie le 5 juillet 2012 à Tartous dans le secteur du développement de l’hôtellerie. Il en ressort également que le ministère du Tourisme syrien a attribué à Phoenicia Tourism Company un contrat pour le développement et la
gérance d’un hôtel quatre étoiles sur l’île de Rouad doté de 150 lits et dont le coût est estimé à 700 millions de SYP.

84 Il convient de relever que le requérant ne conteste ni son implication dans Phoenicia Tourism Company ni la conclusion d’un contrat avec le ministère du Tourisme syrien. Au contraire, les éléments avancés par le requérant confirment l’importance du projet touristique de l’île de Rouad. À cet égard, selon l’article 4 du cahier des conditions techniques et l’article 4 du contrat d’investissement, produits par le requérant, ce projet doit comprendre notamment un hôtel quatre étoiles doté de 150
à 200 lits, des restaurants et des cafétérias capables de servir entre 700 et 900 couverts, un centre commercial, une salle de sport ainsi qu’une marina avec des bornes d’amarrage pour au moins 20 bateaux, yachts et bateaux de croisière. En outre, il ressort de l’annonce no 3 du ministère du Tourisme syrien, non datée, contenant l’appel d’offres pour l’investissement sur plusieurs sites dans le cadre du septième forum d’investissement dans le secteur du tourisme, produit par le requérant, que le
montant total des coûts d’investissement pour ce projet est de 700 millions de SYP.

85 Par conséquent, le requérant a des intérêts économiques dans le secteur du tourisme.

86 Néanmoins, le requérant fait valoir, en substance, que Phoenicia Tourism Company est inactive depuis 2012. À l’appui de son allégation, le requérant a apporté les déclarations fiscales de cette société relatives aux années 2014 à 2019. Dans ces déclarations fiscales, il est indiqué que cette société était inactive durant ces années.

87 Le Conseil remet en cause ces déclarations fiscales. En particulier, d’une part, il relève que les déclarations relatives aux années 2014 à 2018 ont toutes été estampillées et signées le même jour par la direction des finances de Tartous. D’autre part, la déclaration de l’année 2019 aurait seulement été signée et estampillée par un comptable, ce qui soulèverait des doutes quant à savoir si elle expose véritablement les activités commerciales telles qu’elles ont été présentées aux autorités
fiscales cette année-là.

88 Selon le requérant, les déclarations relatives aux années 2014 à 2018 ont été estampillées et signées le même jour, car, la société étant demeurée inactive ces années-là, elle n’avait pas l’obligation d’émettre des déclarations fiscales. En 2018, lorsque Phoenicia Tourism Company a cherché à renouveler son enregistrement commercial, la direction du commerce intérieur syrien aurait demandé la régularisation de sa situation fiscale pour les cinq années précédentes. Concernant la déclaration fiscale
de 2019, le requérant produit une attestation fiscale signée et estampillée par un comptable agréé en Syrie et contresignée par Phoenicia Tourism Company. Un sceau figurant à la fin du document confirmerait qu’elle a été soumise à la direction des finances de Tartous le 17 mars 2020. La déclaration fiscale, dont le requérant produit une garantie de validité, et l’attestation fiscale de cette société relative à l’année 2019 confirmeraient qu’elle n’a poursuivi aucune activité.

89 Il convient de constater que, en effet, les déclarations fiscales de Phoenicia Tourism Company relatives aux années 2014 à 2018 ont toutes été signées par la direction des finances de Tartous le 9 juillet 2019. Si le Conseil suggère que cette circonstance peut susciter des interrogations, il n’en déduit toutefois aucune conséquence quant à leur caractère sensé et fiable au sens de la jurisprudence rappelée au point 63 ci-dessus. En outre, les explications fournies par le requérant à l’égard de
cette circonstance, telles que mentionnées au point 88 ci-dessus, peuvent être considérées comme étant plausibles.

90 Or, ces déclarations fiscales tendent à démontrer que Phoenicia Tourism Company était inactive avant l’année 2019. Cela est confirmé par la lettre du ministère du Tourisme syrien du 25 février 2020, relative au contrat d’investissement (ci-après la « lettre du 25 février 2020 »), produite par le requérant. En effet, dans cette lettre, ledit ministère fait référence à des lettres antérieures, datant du 22 juillet 2019, du 1er octobre 2019 et du 14 janvier 2020, dans lesquelles il avait demandé au
requérant de lui fournir un emploi du temps détaillé afin d’exécuter le projet. L’exécution du projet n’ayant pas encore commencé en 2019, il est raisonnable de considérer, en dehors de tout élément de preuve contraire produit par le Conseil, que la société chargée de l’exécuter n’était pas non plus active avant l’année 2019.

91 Néanmoins, force est de constater que le requérant n’a produit aucun élément visant à démontrer que cette société était inactive à la date d’adoption des actes attaqués ou, de manière générale, après l’année 2019.

92 En effet, à supposer même que la déclaration fiscale de 2019 atteste de l’inactivité de Phoenicia Tourism Company durant l’année 2019, cet état de fait est en contradiction avec ce qui peut être déduit de la lettre du 25 février 2020. Selon cette lettre, un avenant au contrat d’investissement a été signé le 14 juillet 2019. À la suite de la signature de cet avenant, le ministère du Tourisme syrien a exigé du requérant l’envoi d’un emploi du temps détaillé afin d’exécuter le projet, et ce à quatre
reprises, par lettres des 22 juillet et 1er octobre 2019 ainsi que des 14 janvier et 25 février 2020. Il y a également lieu de constater que, dans cette dernière lettre, le ministère du Tourisme syrien a exigé du requérant qu’il fournisse ledit emploi du temps ainsi que d’autres informations dans un délai de dix jours à compter de ladite lettre, se réservant la possibilité d’entreprendre des actions légales en cas d’absence de réponse, « conformément aux dispositions de l’avenant au contrat signé
et dûment certifié ».

93 Ainsi, et compte tenu de ce que l’administration syrienne a commencé à exiger de cette société l’exécution du contrat d’investissement, la signature de l’avenant audit contrat du 14 juillet 2019 constitue un indice que Phoenicia Tourism Company était active à cette date.

94 À cet égard, il convient d’écarter l’affirmation du requérant selon laquelle la mention de l’avenant du 14 juillet 2019 figurant dans la lettre du 25 février 2020 doit être comprise comme faisant référence à un document interne du ministère du Tourisme syrien, toute autre interprétation étant induite par une traduction éventuellement trompeuse de l’arabe vers l’anglais. En effet, d’une part, le requérant n’a pas étayé cette affirmation. En particulier, il n’a pas fourni de détails sur ce document
interne, tels que son contenu ou son objectif, n’a pas expliqué en quoi consisterait cette erreur de traduction et n’a pas donné de précisions à ce sujet. D’autre part, il ressort clairement de la lettre du 25 février 2020 que l’avenant du 14 juillet 2019 est lié au contrat.

95 Dans ce contexte, et en l’absence d’éléments avancés par le requérant concernant la situation de Phoenicia Tourism Company en 2020, ce dernier n’a pu remettre en cause la constatation du Conseil selon laquelle cette société était active à la date d’adoption des actes attaqués.

96 Dans ces circonstances, il convient de conclure que le requérant n’a pas réussi à remettre en cause le constat, figurant au point 85 ci-dessus, selon lequel il ressort des éléments de preuve contenus dans le document WK 1755/2020 INIT qu’il a des intérêts économiques dans le secteur du tourisme.

c) Sur les autres intérêts commerciaux du requérant

97 Il ressort de l’article publié sur le site Internet « al Arabiya News » qu’AKSSA détient OVO, qui exporte de l’huile d’olive. Par ailleurs, selon les informations publiées sur le site Internet « Al Janoubia », le requérant est un actionnaire de Cham Holding et, selon celles publiées sur le site Internet du MEIRSS, il est membre du conseil d’administration de cette société. Enfin, les sites Internet « Eqstad » et « al Arabiya News » indiquent que le requérant détient une usine pour la fabrication
de conteneurs en verre, en plastique et en métal.

98 En premier lieu, concernant OVO, le requérant reconnaît que cette société a été opérationnelle entre 2003 et 2006, années durant lesquelles elle a exporté de l’huile d’olive vers l’Italie et l’Espagne pour un important groupe de grande distribution. En revanche, il fait valoir que, lorsque ces exportations ont cessé, OVO est devenue inactive et a, par la suite, été dissoute. Il précise qu’elle a été fondée le 30 mai 2002 et liquidée le 27 juin 2018. À l’appui de cette allégation, le requérant
produit la décision no 78 du directorat du commerce intérieur et de la protection des consommateurs de Tartous. Cette décision est, certes, non datée, mais il en ressort clairement que l’enregistrement commercial d’« Olive Virgin Oil Company (OVO Co) » a été annulé à la suite de la dissolution de cette société le 27 juin 2018. Il convient, dès lors, et en l’absence d’arguments contraires présentés par le Conseil, de considérer qu’OVO était dissoute à la date d’adoption des actes attaqués.

99 En deuxième lieu, concernant Cham Holding, le requérant fait valoir qu’il aurait détenu en 2007 une valeur nominale infime d’actions, représentant 0,00287 % de la valeur comptable de cette société, participation de laquelle il se serait défait en 2011. À l’appui de son allégation, le requérant a produit une lettre du 25 août 2011, adressée au président du conseil d’administration de Cham Holding, dans laquelle il présente sa démission en tant que membre de cette société.

100 À cet égard, le Conseil soutient qu’une lettre de démission n’est pas le moyen habituel de se défaire d’actions.

101 Dans la réplique, le requérant fait valoir que la seule manière de se défaire de ses actions dans cette société en 2011 était la présentation d’une lettre de démission, les actions dans cette société ayant perdu leur valeur après 2012. En outre, le requérant produit en annexe à la réplique un certificat d’actions et une liste des membres du conseil d’administration de cette société, parmi lesquels son nom ne figurerait pas.

102 Il convient de remarquer que le nom du requérant n’apparaît effectivement pas dans la liste des membres du conseil d’administration de Cham Holding. Pour autant, le requérant ne démontre pas que cette démission entraînait, ipso facto, la cession de sa participation dans Cham Holding. L’argument du requérant selon lequel la démission était le seul moyen de se défaire de ses actions, car celles-ci auraient perdu leur valeur après 2012, ne saurait convaincre, puisque, en tout état de cause, il
prétend s’être défait de cette participation avant 2012.

103 En outre, il convient de relever que, si, certes, selon les informations publiées par l’agence de presse Reuters, le statut d’actionnaire de Cham Holding du requérant appartient au passé, les informations publiées sur les sites Internet « Eqtsad » et « Al Janoubia » se bornent à indiquer que le requérant s’est retiré de cette société après l’adoption de « sanctions » à l’égard de cette dernière sans pour autant préciser qu’il a cédé les actions qu’il y détenait. Or, compte tenu des explications
fournies par le requérant, il n’est pas à exclure que le retrait auquel il est fait référence dans ces articles renvoie à sa démission du conseil d’administration de Cham Holding. En outre, selon les informations publiées sur le site Internet « al Arabiya News », le requérant s’est limité à se présenter comme n’ayant plus d’actions dans cette société. Autrement dit, cette dernière source n’affirme pas que le requérant n’est plus un actionnaire de Cham Holding, mais seulement que c’est ce qu’il
prétend.

104 En l’absence d’éléments probants avancés par le requérant visant à démontrer qu’il n’était plus actionnaire de Cham Holding à la date d’adoption des actes attaqués, il convient de considérer que ce dernier l’était toujours.

105 En troisième lieu, s’agissant de l’usine pour la fabrication de conteneurs en verre, en plastique et en métal, il convient de constater que les informations des sites Internet « Eqstad » et « al Arabiya News » relatives à cette usine sont particulièrement vagues, dès lors qu’elles ne précisent ni le nom de cette usine ni la date de sa création. Interrogé lors de l’audience, le Conseil n’a pas fourni d’élément supplémentaire au sujet de cette usine. Ainsi, il convient de considérer qu’il n’est
pas démontré à suffisance de droit que le requérant est bien le propriétaire d’une telle usine.

106 Il résulte de tout ce qui précède que le requérant a établi qu’OVO était dissoute à la date d’adoption des actes attaqués. Néanmoins, il n’a pas démontré qu’il n’était plus un actionnaire de Cham Holding. Par ailleurs, l’existence d’une usine pour la fabrication de conteneurs en verre, en plastique et en métal dont le requérant serait le propriétaire n’a pas été suffisamment étayée par le Conseil.

107 Dans ces circonstances, il convient de conclure que le requérant a un intérêt commercial, autre que ses intérêts économiques dans les secteurs maritime et du tourisme, résultant de la détention d’actions dans Cham Holding.

d) Sur les postes du requérant dans plusieurs organes et institutions

108 Il ressort des informations publiées sur les sites Internet « Aliqtisadi », « Eqtsad », « Enab Baladi » et « al Arabiya News » que le requérant est président de la chambre de la navigation maritime syrienne et directeur de la chambre de commerce syro-turque. La qualité de président de la chambre de la navigation maritime syrienne du requérant ressort également des informations publiées sur le site Internet « Syriandays ». Selon les informations publiées sur les sites Internet « Eqtsad » et « al
Arabiya News », le requérant est également vice-président de la chambre de commerce syro-russe. Enfin, l’article publié sur le site Internet « al Arabiya News » indique que le requérant était l’ambassadeur honoraire de la Turquie en Syrie.

109 En premier lieu, concernant le poste de président de la chambre de la navigation maritime syrienne, le requérant fait valoir, en substance, qu’il a démissionné de ce poste en février 2019. À l’appui de cette allégation, il produit la résolution no 198 du ministère du Transport syrien, du 13 février 2019 (ci-après la « résolution no 198 »). Dans cette résolution, il est mentionné que des élections ont eu lieu lors de la réunion de l’assemblée générale du 4 février 2019. Cette résolution contient,
en outre, une liste des noms des membres du comité des directeurs de ladite chambre, parmi lesquels celui du requérant ne figure pas. Par ailleurs, le requérant fournit le compte rendu de l’assemblée annuelle de cette chambre qui s’est tenue le 5 avril 2019 (ci-après le « compte rendu »), dans lequel les noms des membres du comité des directeurs nouvellement élus sont cités, dont celui de son président. Le nom du requérant n’y figure pas.

110 Tout d’abord, il convient de constater que, bien que les éléments de preuve fournis par le requérant ne démontrent pas, contrairement à ce qu’il soutient, qu’il a démissionné du poste de président de la chambre de la navigation maritime syrienne, ils confirment qu’il n’a pas été réélu à ce poste.

111 Ensuite, certes, comme le Conseil l’a relevé, les informations figurant à la résolution no 198 et celles figurant au compte rendu ne sont pas identiques.

112 Toutefois, interrogé lors de l’audience, le requérant a indiqué, sans être utilement contredit par le Conseil, que la résolution no 198 et le compte rendu correspondaient à des phases différentes de la procédure de nomination des membres du comité des directeurs de la chambre de la navigation maritime syrienne. Dans ce contexte, le compte rendu se réfère à la dernière phase de ladite procédure, ce qui explique que le nombre de personnes y figurant soit supérieur à celui de la résolution no 198.

113 Enfin, il convient de relever qu’une des sources d’informations figurant au document WK 1755/2020 INIT, à savoir le site Internet « Enab Baladi », se réfère au requérant comme étant le « premier » président de la chambre de la navigation maritime syrienne, ce qui suggère qu’il ne l’était plus lors de l’adoption des actes attaqués.

114 Il résulte de ce qui précède que le requérant n’occupait plus le poste de président de la chambre de la navigation maritime syrienne à la date d’adoption des actes attaqués.

115 En deuxième lieu, s’agissant de la chambre de commerce syro-turque, le requérant soutient qu’il n’en est pas le directeur et que cet organe a, d’ailleurs, été dissout en 2013. À l’appui de son allégation, le requérant produit la décision no 247 du ministère de l’Économie et du Commerce extérieur syrien, du 23 mai 2013, qui prévoyait la dissolution des « chambres d’hommes d’affaires syriens ». Cette décision prévoyait, en outre, que ces chambres seraient reformées dans le futur.

116 Certes, il convient de relever, à l’instar du Conseil, que la décision no 247 du ministère de l’Économie et du Commerce extérieur syrien susvisée ne mentionne pas, d’une manière spécifique, la chambre de commerce syro-turque. Toutefois, cette décision, qui est un acte de portée générale, vise, en son article 1er, les chambres d’hommes d’affaires syriens, de sorte que la chambre de commerce syro-turque doit être considérée comme entrant dans son champ d’application.

117 En outre, l’article du site Internet « al Arabiya News » indique que le requérant a été directeur de cette chambre en 2012, suggérant ainsi qu’il ne l’a plus été par la suite.

118 Compte tenu de ces deux éléments et du fait que les autres éléments de preuve fournis par le Conseil pour démontrer que le requérant avait le statut de directeur de la chambre de commerce syro-turque ne contiennent pas d’informations permettant de considérer avec suffisamment de certitude que la chambre de commerce syro-turque a été reconstituée, conformément à l’article 2 de la décision no 247, et que le requérant en a été, à nouveau, désigné comme directeur, il existe des doutes quant à savoir
si le requérant était bien, à la date d’adoption des actes attaqués, le directeur de la chambre de commerce syro-turque, de sorte qu’il convient de conclure que le Conseil n’a pas démontré à suffisance de droit que le requérant occupait un tel poste.

119 En troisième lieu, en ce qui concerne la chambre de commerce syro-russe, le requérant affirme ne plus être membre, ni vice-président, de cet organe. Selon le requérant, cette chambre a été dissoute en 2013. Par ailleurs, un nouveau comité aurait été mis en place après 2013, comprenant uniquement des membres originaires d’États favorables au régime syrien.

120 Concernant la prétendue dissolution de la chambre de commerce syro-russe, le requérant renvoie, en substance, à la décision no 247 du ministère de l’Économie et du Commerce extérieur syrien, du 23 mai 2013, mentionnée au point 115 ci-dessus.

121 Toutefois, dans la réplique, le requérant mentionne la mise en place d’un nouveau comité en 2013, ce qui laisse suggérer que la chambre de commerce syro-russe a été reconstituée, conformément à l’article 2 de la décision no 247, peu de temps après sa dissolution.

122 Or, pour étayer son affirmation selon laquelle il ne fait plus partie de cet organe, le requérant produit une capture d’écran du site Internet de la chambre de commerce syro-russe détaillant la composition de cette chambre. Néanmoins, force est de constater que ce document ne contient aucune date et que, interrogé à ce sujet durant l’audience, le requérant n’a pas été en mesure d’en donner une, de sorte qu’il n’est pas possible d’affirmer que ce document reflète bien la composition de la chambre
telle qu’elle existait au moment de l’adoption des actes attaqués. Ainsi, le requérant n’a pas suffisamment étayé son affirmation selon laquelle il ne faisait plus partie de la chambre de commerce syro-russe à la date d’adoption des actes attaqués.

123 Par conséquent, le requérant n’a pas valablement remis en cause la constatation selon laquelle il était vice-président de la chambre de commerce syro-russe à la date d’adoption des actes attaqués.

124 En quatrième lieu, le requérant nie sa qualité d’ambassadeur honoraire de la Turquie en Syrie et fait valoir qu’il aurait été le consul honoraire de la Turquie à Tartous du 1er mars 2009 jusqu’en 2020. Selon le requérant, ce poste était purement honorifique et ne poursuivait pas de fins économiques et commerciales. À cet égard, le requérant décrit, en substance, le rôle d’un consul honoraire, dont les fonctions seraient, notamment, de fournir des services consulaires et de l’assistance aux
citoyens du pays l’ayant nommé ainsi que de participer à la promotion commerciale dudit pays.

125 Il convient de constater que le seul élément de preuve fourni par le Conseil afin de démontrer que le requérant est l’ambassadeur honoraire de la Turquie en Syrie est l’article publié le 8 juin 2018 par le site Internet « al Arabiya News ». Or, cet article ne permet pas d’affirmer avec suffisamment de certitude que le requérant l’était toujours à la date d’adoption des actes attaqués. En effet, il indique seulement que le requérant « était » (was) un tel ambassadeur. En comparaison, cet article
mentionne que le requérant a fait partie de la chambre de commerce syro-russe depuis sa création.

126 Par conséquent, il y a lieu de considérer que le Conseil n’a pas démontré à suffisance de droit que le requérant était toujours ambassadeur honoraire de la Turquie en Syrie au moment de l’adoption des actes attaqués.

127 Il résulte de ce qui précède que le requérant était, à la date d’adoption des actes attaqués, vice-président de la chambre de commerce syro-russe. En revanche, il est parvenu à démontrer qu’il n’était plus président de la chambre de la navigation maritime syrienne lors de l’adoption des actes attaqués. Par ailleurs, le statut de directeur de la chambre de commerce syro-turque et le rôle d’ambassadeur honoraire de la Turquie en Syrie du requérant n’ont pas été suffisamment étayés par le Conseil.

e) Conclusion sur le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie du requérant

128 Au vu de tout ce qui précède, il convient de conclure que le Conseil a apporté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir que le requérant est un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie en raison de ses intérêts économiques, en particulier dans le secteur maritime et dans celui du tourisme, ainsi qu’en raison de son poste de premier plan dans la chambre de commerce syro-russe.

f) Sur le lien avec le régime syrien

129 Le requérant fait valoir, en substance, que le Conseil ne peut inscrire les noms des femmes et des hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie que si ces derniers sont effectivement liés au régime syrien, peuvent exercer une influence sur ce dernier ou présenter un risque de contournement. À cet égard, le requérant soutient que, même dans l’hypothèse où il serait considéré comme étant une personne prospère ou influente exerçant ses activités en Syrie, il n’est pas lié au régime
syrien, ni ne fait partie du cercle restreint de femmes et d’hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie défini au considérant 6 de la décision 2015/1836.

130 Il convient de relever que, en l’espèce, l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause a eu lieu dans le contexte législatif de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836. À ce titre, la décision 2015/1836 a notamment introduit comme critère d’inscription objectif, autonome et suffisant celui de « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie », de sorte que le Conseil n’est plus tenu de démontrer l’existence d’un lien entre cette
catégorie de personnes et le régime syrien, au sens où l’entendait la décision 2013/255 avant sa modification, ni non plus entre cette catégorie de personnes et le soutien apporté à ce régime ou le bénéfice tiré de ce dernier, étant donné qu’être une femme ou un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie suffit pour l’application des mesures restrictives en cause à une personne. Ainsi, il ne découle aucunement de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836,
qu’il incomberait au Conseil de rapporter la preuve que tant la condition relative à la situation de femme ou d’homme d’affaires influent que celle de liens suffisants avec le régime sont cumulativement remplies [voir, en ce sens, arrêts du 9 juillet 2020, Haswani/Conseil, C‑241/19 P, EU:C:2020:545, points 71 à 74 ; du 4 avril 2019, Sharif/Conseil, T‑5/17, EU:T:2019:216, points 55 et 56 (non publiés), et ordonnance du 11 septembre 2019, Haswani/Conseil, T‑231/15 RENV, non publiée, EU:T:2019:589,
point 56].

131 En ce sens, le Tribunal a considéré qu’il pouvait être déduit du critère relatif à la qualité de « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie » une présomption réfragable de lien avec le régime syrien (voir, en ce sens, arrêt du 4 avril 2019, Sharif/Conseil, T‑5/17, EU:T:2019:216, point 106, et ordonnance du 11 septembre 2019, Haswani/Conseil, T‑231/15 RENV, non publiée, EU:T:2019:589, point 60). Cette présomption trouve à s’appliquer dès lors que le Conseil a été en
mesure de démontrer non seulement que la personne est une femme ou un homme d’affaires exerçant ses activités en Syrie, mais aussi qu’elle peut être qualifiée d’influente. En effet, ainsi qu’il ressort des termes du considérant 6 de la décision 2015/1836, c’est l’influence que cette catégorie de personnes est susceptible d’exercer sur le régime syrien que le Conseil vise à exploiter en les poussant, par le biais des mesures restrictives qu’il adopte à leur égard, à faire pression sur le régime
syrien pour qu’il modifie sa politique de répression. Ainsi, dès lors que le Conseil est parvenu à démontrer l’influence qu’une femme ou un homme d’affaires peut exercer sur ledit régime, le lien entre ladite personne et le régime syrien est présumé.

132 Néanmoins, il y a lieu de rappeler que le respect des règles relatives à la charge et à l’administration de la preuve en matière de mesures restrictives par le Tribunal implique que ce dernier respecte le principe énoncé par la jurisprudence constante mentionnée au point 38 ci-dessus et rappelé par la Cour dans l’arrêt du 11 septembre 2019, HX/Conseil (C‑540/18 P, non publié, EU:C:2019:707, points 48 à 50), selon lequel, en substance, la charge de la preuve incombe à l’institution en cas de
contestation du bien-fondé des motifs d’inscription.

133 Par conséquent, il ne saurait être imposé à la partie requérante un niveau de preuve excessif aux fins de renverser la présomption de lien avec le régime syrien. Ainsi, celle-ci doit être considérée comme ayant réussi à renverser la présomption de lien avec le régime syrien si elle fait valoir des arguments ou des éléments susceptibles de remettre sérieusement en cause la fiabilité des éléments de preuve soumis par le Conseil ou leur appréciation, notamment au regard des conditions posées par
l’article 27, paragraphe 3, et l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, ou si elle produit devant le juge de l’Union un faisceau d’indices de l’inexistence ou de la disparition du lien avec le régime syrien, ou de l’absence d’influence sur ledit régime, ou de l’absence d’association avec un risque réel de contournement des mesures restrictives, conformément à l’article 27, paragraphe 3, et à l’article 28, paragraphe 3, de cette décision
(arrêt du 8 juillet 2020, Zubedi/Conseil, T‑186/19, EU:T:2020:317, point 71).

134 À titre liminaire, il convient de vérifier si, pour établir le lien entre le requérant et le régime syrien, en raison des activités économiques du requérant, le Conseil ne se prévaut que de la présomption de lien, au sens de la jurisprudence mentionnée aux points 130 et 131 ci-dessus. En ce sens, il y a lieu d’examiner si les éléments de preuve fournis par le Conseil et contenus dans le document WK 1755/2020 INIT permettent d’établir, de manière explicite, les liens entre les activités
économiques du requérant et le régime syrien ou si le Conseil s’est seulement fondé sur la présomption de lien qui vient d’être rappelée.

135 À cet égard, premièrement, s’agissant d’AKSSA, aucun des éléments de preuve figurant dans le document WK 1755/2020 INIT ne permet d’établir un lien particulier entre cette agence maritime, qui, en outre, n’est pas la seule agence de Syrie, et le régime syrien.

136 Deuxièmement, en ce qui concerne Phoenicia Tourism Company, il ressort du site Internet « The Syria Report », et il a été confirmé par le requérant, qu’elle a signé un contrat avec le ministère du Tourisme syrien.

137 Troisièmement, il découle du document WK 1755/2020 INIT, en particulier des articles provenant de l’agence de presse Reuters et du site Internet « Al Janoubia », que Cham Holding, qui appartient à Rami Makhlouf, soutien du régime syrien et cousin de Bashar Al-Assad, entretient des liens avec le régime syrien.

138 Enfin, quatrièmement, en ce qui concerne le poste occupé par le requérant au sein de la chambre de commerce syro-russe, il y a lieu de remarquer que les éléments de preuve fournis par le Conseil ne permettent pas de déterminer le statut de ladite chambre de commerce à l’égard du régime syrien. En outre, les éléments de preuve ne donnent aucune précision quant aux liens entre la chambre de commerce syro-russe et le régime syrien. Dès lors, le document WK 1755/2020 INIT ne permet pas de définir le
lien qui existerait entre le poste occupé par le requérant et le régime syrien.

139 Par conséquent, les seuls éléments, en plus du recours à la présomption de lien avec le régime syrien, avancés par le Conseil pour démontrer le lien entre le requérant et le régime syrien sont relatifs, d’une part, à Phoenicia Tourism Company et, d’autre part, à Cham Holding.

140 Or, en ce qui concerne Phoenicia Tourism Company, bien que cette entreprise ait signé un contrat avec le ministère du Tourisme syrien, force est de constater que, ainsi qu’il est établi au point 179 ci-dessous, les circonstances entourant la conclusion de ce contrat, de même que la réalisation concrète du projet touristique de l’île de Rouad, ne sont pas claires, de sorte que le Conseil, sur qui pèse la charge de la preuve, ne saurait se prévaloir de ce seul contrat pour démontrer le lien entre
le requérant et le régime syrien, au sens défini par le considérant 6 de la décision 2015/1836 (voir point 9 ci-dessus).

141 Quant à Cham Holding, le requérant a démontré avoir quitté le conseil d’administration de cette société et n’être plus qu’un actionnaire en son sein. Or, aucun élément de preuve fourni par le Conseil n’explique comment, malgré l’éloignement affiché par le requérant, il maintiendrait des liens particuliers avec Cham Holding ou Rami Makhlouf et, plus largement, avec le régime syrien.

142 Ainsi, le Conseil ne peut se prévaloir que de la présomption de lien avec le régime syrien pour établir le lien entre le requérant et ledit régime. Dès lors, il convient d’apprécier si les éléments avancés par le requérant permettent de renverser la présomption de lien avec le régime syrien.

143 Dans ce contexte, il y a lieu d’examiner les arguments du requérant visant à démontrer qu’il ne serait pas lié au régime syrien, qu’il n’aurait pas d’influence sur celui-ci et qu’il ne présenterait aucun risque de contournement.

144 En premier lieu, le requérant soutient, en substance, qu’il a quitté la Syrie pour s’installer au Liban en 2012 en raison des agissements du régime syrien, auquel il est opposé. Après 2012, il ne se serait rendu que deux fois en Syrie.

145 Il convient de constater qu’il est constant entre les parties que le requérant vit au Liban depuis 2012. Néanmoins, cette circonstance n’implique pas nécessairement que le requérant ne continue pas à avoir des intérêts économiques en Syrie ou à détenir des postes dans des organes et des institutions liés à la vie économique de ce pays. Or, ainsi qu’il résulte du point 128 ci-dessus, le Conseil a apporté un faisceau d’indices démontrant, en substance, que le requérant continue à avoir des
intérêts économiques en Syrie. Par ailleurs, même à supposer que le requérant se fût rendu en Syrie à l’occasion du décès de sa mère, cela n’implique pas qu’il ne l’aurait pas fait à d’autres occasions. Au demeurant, le nombre de fois où il s’est rendu en Syrie après son installation au Liban ne saurait être pertinent, dans la mesure où le requérant continue à avoir des intérêts en Syrie.

146 En deuxième lieu, selon le requérant, son opposition au régime syrien a eu des conséquences négatives pour lui. En particulier, les services secrets syriens auraient émis un mandat d’arrêt à son égard après son départ de Syrie. À l’appui de son allégation, le requérant a produit une circulaire du département d’Intelligence publique syrien du 21 octobre 2014, dans laquelle il est indiqué, concernant une circulaire du 18 octobre 2014 ayant pour objet l’ouverture d’une enquête à l’égard de
certaines personnes, que le requérant doit être exclu de cette dernière circulaire en raison de la « cessation des justifications ».

147 Le fait que le requérant a fait l’objet d’une enquête en 2014 ne saurait constituer, dans les circonstances de l’espèce, un indice de ce qu’il n’a pas de liens avec le régime syrien. En effet, il convient de relever qu’il a été exclu de cette enquête uniquement trois jours après y avoir été inclus et qu’il ne ressort pas du dossier qu’une action quelconque de la part des autorités syriennes ait été entreprise à son égard durant ce court laps de temps. En outre, il y a lieu de constater, à
l’instar du Conseil, que les raisons justifiant l’inclusion du nom du requérant dans cette enquête ainsi que les motifs pour lesquels il a été considéré que ces raisons avaient cessé d’exister ne sont pas précisés dans le document produit par le requérant. À cet égard, le requérant indique que les services secrets syriens ne fournissent pas de motivation pour leurs « mandats d’arrêt » et que ces documents sont soumis à la loi martiale. Bien que ces précisions paraissent raisonnablement
crédibles, le requérant ne les a pas étayées et n’a pas fourni d’explications quant aux raisons qui, selon lui, expliqueraient l’ouverture de cette enquête, à part la volonté présumée du régime syrien de lui nuire. Enfin, au demeurant, force est de constater que, à la date d’adoption des actes attaqués, soit six ans après l’émission de ce mandat, le requérant ne faisait pas l’objet d’une enquête de la part du département d’Intelligence publique syrien.

148 En troisième lieu, le requérant affirme soutenir des organisations humanitaires et civiles opposées au régime syrien qui prêtent aide et assistance aux réfugiés syriens. En outre, le requérant fait valoir, en substance, qu’il aurait rencontré des représentants des pays européens pour discuter de l’oppression exercée par le régime syrien.

149 À l’appui de ses allégations, premièrement, le requérant a produit une déclaration du 20 avril 2020 d’un ancien ambassadeur de la République française en Syrie et de l’Ordre souverain de Malte au Liban. Dans cette déclaration, l’ancien ambassadeur indique avoir fait la connaissance du requérant lors de son séjour en Syrie et avoir noué des relations amicales avec lui. Il explique, en substance, qu’il a retrouvé le requérant au Liban, après 2011, et que ce dernier a montré un vif intérêt pour les
activités humanitaires menées par l’Ordre souverain de Malte au Liban en faveur des réfugiés syriens, pour lesquelles il a fourni une aide financière. Enfin, il remarque que, à l’occasion de ses rencontres avec le requérant, ce dernier a évoqué « la situation dramatique » de la Syrie. Il affirme avoir toujours noté dans les propos du requérant une forte réserve concernant le régime en place, à l’égard duquel il formulait souvent de vives critiques, lui faisant volontiers porter la responsabilité
de la détérioration de la situation du pays.

150 Deuxièmement, le requérant a produit une lettre du 27 avril 2020 émanant d’une personne travaillant pour une organisation humanitaire. [confidentiel] ( 1 ). Concernant ces activités, outre la description contenue dans cette lettre, le requérant apporte de plus amples informations dans la réplique. [confidentiel].

151 Troisièmement, le requérant a produit une lettre du 27 avril 2020 provenant d’une autre personne, impliquée dans une autre organisation humanitaire. [confidentiel].

152 Quatrièmement, le requérant a produit une lettre du 27 avril 2020 émanant d’une troisième personne. [confidentiel].

153 Cinquièmement, le requérant fait valoir l’implication de sa famille dans le Phoenicia Maritime Training Centre. En substance, il s’agirait d’un établissement de formation dans le domaine maritime en Syrie fondé par ses fils afin d’opérer comme prestataire de formation pour les jeunes habitants de l’île de Rouad à un tarif symbolique. À cet égard, les activités de ce centre ne poursuivraient pas de but lucratif. Selon le requérant, ce centre offre une alternative aux jeunes habitants de l’île de
Rouad, qui craignent d’être enrôlés pour le service militaire ou d’être arrêtés. Plus généralement, le requérant soutient que les habitants de l’île de Rouad sont vus comme des opposants au régime, car ils appartiennent à la branche sunnite de l’islam.

154 Tout d’abord, il convient de constater que l’argument du requérant selon lequel, en substance, son implication dans Phoenicia Maritime Training Centre doit être comprise comme témoignant de son opposition au régime syrien n’est étayé ni par le contenu du certificat du 23 décembre 2019 attestant de l’accréditation de formation de l’établissement, ni par celui de la liste de tarifs dudit établissement du 1er juillet 2020. Or, le requérant ne fournit aucun autre élément de preuve à l’appui de son
allégation.

155 Ensuite, s’agissant des déclarations produites par le requérant, il convient de relever que, en l’absence d’une réglementation de l’Union sur la notion de preuve, le juge de l’Union a consacré un principe de libre administration ou de liberté des moyens de preuve, lequel doit être compris comme étant la faculté de se prévaloir, pour prouver un fait donné, de moyens de preuve de toute nature, tels que, notamment, des témoignages, des preuves documentaires et des aveux. Corrélativement, le juge de
l’Union a consacré un principe de libre appréciation de la preuve, selon lequel la détermination de crédibilité ou, en d’autres termes, de la valeur probante d’un élément de preuve est laissée à l’intime conviction du juge (voir arrêt du 13 décembre 2018, Iran Insurance/Conseil, T‑558/15, EU:T:2018:945, point 153 et jurisprudence citée).

156 En outre, pour établir la valeur probante d’un document, il faut tenir compte de plusieurs éléments, tels que l’origine du document, les circonstances de son élaboration, son destinataire, son contenu, et se demander si, d’après ces éléments, l’information qu’il contient paraît sensée et fiable (voir arrêt du 13 décembre 2018, Iran Insurance/Conseil, T‑558/15, EU:T:2018:945, point 154 et jurisprudence citée).

157 Concernant plus précisément les témoignages, leur fiabilité et crédibilité doivent être, en tout état de cause, attestées par leur cohérence globale et ils ont d’autant plus de poids qu’ils sont corroborés, sur leurs points essentiels, par les autres éléments objectifs du dossier (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2015, Dalli/Commission, T‑562/12, EU:T:2015:270, point 78).

158 En l’espèce, premièrement, il y a lieu de relever que les déclarations fournies par le requérant proviennent d’un ancien ambassadeur de la République française et de l’Ordre souverain de Malte ainsi que de personnes haut placées dans la hiérarchie d’organisations humanitaires. Cet élément n’est pas contesté par le Conseil.

159 Deuxièmement, aucun élément du dossier ne laisse supposer que les auteurs de ces déclarations ont un intérêt personnel dans le présent litige, ni qu’ils entretiendraient des liens entre eux, de sorte qu’il ne saurait être présumé qu’ils se soient concertés pour fournir au requérant des déclarations concordantes. Au demeurant, cela n’a pas été allégué par le Conseil.

160 Troisièmement, le destinataire de ces déclarations est le Tribunal. Ainsi, les auteurs de ces déclarations, et, plus particulièrement, l’ancien ambassadeur de la République française et de l’Ordre souverain de Malte, ont établi ces documents en toute connaissance non seulement du système des mesures restrictives mis en place par l’Union à l’égard de la Syrie et de l’objectif qu’il poursuit, tel que rappelé aux points 2, 5 et 9 ci-dessus, mais également de l’enjeu que représente l’introduction du
présent recours pour le requérant.

161 Quatrièmement, les quatre déclarations concordent quant à leur contenu. Elles décrivent toutes le requérant comme étant ouvertement critique à l’égard de la politique menée par le régime syrien et comme ayant fourni une aide financière aux programmes mis en place pour venir en aide aux réfugiés syriens.

162 Cinquièmement, s’agissant d’éléments objectifs présents dans le dossier venant corroborer le contenu des déclarations présentées par le requérant, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 157 ci-dessus, il y a lieu de remarquer que le requérant a produit des échanges de courriers électroniques démontrant qu’il était en contact avec le secrétariat de l’ambassadeur de la République française de l’époque, qui alors n’était pas celui ayant fourni la déclaration, pour organiser une
rencontre en 2016 et qu’il a organisé un dîner en 2013 auquel étaient invités l’ambassadeur du Royaume d’Espagne de l’époque, un autre diplomate espagnol et l’ambassadrice de l’Union au Liban de l’époque, cette dernière ayant confirmé sa présence audit dîner.

163 Enfin, sixièmement, force est de constater que le Conseil n’a avancé aucun argument visant à remettre en cause la fiabilité des déclarations produites par le requérant.

164 Dès lors, il y a lieu de reconnaître aux déclarations fournies par le requérant un caractère sensé et fiable, conformément à la jurisprudence rappelée au point 156 ci-dessus.

165 Quant au contenu de ces déclarations, elles font toutes état des vives critiques exprimées par le requérant à l’égard de la politique menée par le régime syrien, mais également de l’aide financière qu’il a apportée à des organisations humanitaires venant au soutien des réfugiés syriens. De plus, elles attestent des relations que le requérant entretient avec des représentants diplomatiques d’États membres de l’Union et de l’Union elle-même.

166 Certes, ainsi que l’indique le Conseil, le requérant n’a pas fourni d’informations supplémentaires sur les activités des organisations humanitaires qu’il prétend soutenir, ni sur leur opposition au régime syrien, hormis celles qui résultent des déclarations susmentionnées et de ses écritures. Néanmoins, il convient de remarquer que le Conseil ne prétend pas que les organisations humanitaires n’existent pas. Ainsi, dès lors que le Conseil avait à sa disposition le nom de telles organisations, il
lui était loisible d’apporter des indices visant à démontrer que les activités poursuivies par celles-ci n’étaient pas celles décrites par leurs auteurs dans leurs déclarations ou par le requérant dans ses écritures.

167 En outre, le Conseil considère qu’il est probable que le requérant ait tenté de dissimuler ses liens avec le régime syrien afin de ne pas mettre en danger ses activités internationales et ses contacts avec ses partenaires européens et mondiaux. Ainsi, le requérant aurait pris soin de mener des activités caritatives et d’émettre des réserves à l’égard du régime dans les relations qu’il entretient avec ses contacts internationaux.

168 Lors de l’audience, le Conseil a indiqué au Tribunal que l’article du site Internet « Eqstad » constituait un élément de preuve que le comportement du requérant visait à dissimuler ses liens avec le régime syrien.

169 Néanmoins, un tel indice ne saurait être jugé suffisant pour étayer l’allégation du Conseil. En effet, cet article, d’une part, ne traite pas des liens du requérant avec des organisations humanitaires ou avec des représentants de pays membres de l’Union, mais de son départ pour le Liban, et, d’autre part, n’est corroboré par aucun autre élément de preuve.

170 Enfin, le Conseil n’a avancé aucun élément visant à discréditer le contenu des déclarations produites par le requérant. Interrogé lors de l’audience, le Conseil s’est contenté de soutenir qu’elles devaient être mises en balance avec les preuves qu’il a produites, sans avancer d’éléments spécifiques pour les remettre en cause.

171 Au vu de l’ensemble de ce qui précède, il convient de constater que les déclarations produites par le requérant démontrent que ce dernier s’est distancié du régime syrien et qu’il finance des missions humanitaires venant en aide aux réfugiés syriens.

172 En quatrième lieu, selon le requérant, le régime syrien serait particulièrement irrité qu’il ait remporté, par l’intermédiaire de Phoenicia Tourism Company, l’appel d’offres relatif au développement touristique de l’île de Rouad, puis ait refusé d’y investir par la suite et d’entreprendre les travaux de construction d’un hôtel. Selon le requérant, le fait d’avoir remporté cet appel d’offres lui a permis, en substance, de récupérer le contrôle sur des terres qui avaient été expropriées au
détriment de sa famille en 1983. Néanmoins, il n’aurait effectué aucun investissement dans ce projet, ce qui aurait conduit le régime à le menacer d’entreprendre des actions légales.

173 À l’appui de ses allégations, le requérant produit, d’une part, le décret no 3053 du président syrien, reçu par le ministère du Tourisme syrien le 1er janvier 1983, dont l’article 1er prévoit l’expropriation de terres sur l’île de Rouad afin d’exécuter un projet touristique, et, d’autre part, trois documents concernant des terres possédées par certaines personnes dont le nom de famille est Sabra. Les deux premiers documents, datés, respectivement, du 21 janvier 1962 et du 1er mars 1977, ne
mentionnent pas le nom du requérant. Le troisième document, établi par le directorat des biens immobiliers de Tartous le 25 mai 2006, mentionne le nom du requérant. Enfin, le requérant présente un document, non daté, selon lequel le terrain détenu par son grand-père a fait l’objet d’une expropriation dans le cadre du projet touristique de l’île de Rouad.

174 Tout d’abord, il convient de relever que le requérant a précisé, dans la réplique, que tous les terrains possédés par sa famille sur l’île de Rouad n’avaient pas fait l’objet d’une expropriation, car certains d’entre eux ne se situaient pas sur la partie de l’île sur laquelle le régime entendait développer son projet touristique. À cet égard, il y a lieu de constater que le requérant a seulement apporté la preuve de l’expropriation d’un terrain ayant appartenu à l’un des membres de sa famille.

175 Ensuite, le requérant ne nie pas avoir versé, en août 2012, une somme d’argent correspondant aux frais liés à la participation à la procédure d’appel d’offres, d’un montant équivalant à 1 % des coûts totaux estimés liés au projet, à savoir, selon le requérant, 7 millions de SYP, ce qui correspondait à une valeur d’environ 88501 euros. Ces frais ont été payés à titre non remboursable. En outre, le requérant a produit la preuve qu’il avait versé, en mai 2013, une caution de bonne exécution
s’élevant à 14316600 SYP (environ 113732 euros).

176 Il y a lieu de reconnaître que le versement de ces sommes d’argent constitue une forme d’investissement dans le projet touristique de l’île de Rouad, même si le requérant soutient, en substance, qu’il ne s’agissait pas de l’investissement que le régime syrien attendait de lui.

177 En revanche, il convient de constater que le Conseil n’a pas établi que le requérant ait fait un autre versement ou effectué un autre investissement dans le cadre du projet touristique de l’île de Rouad.

178 Enfin, ainsi qu’il a été indiqué, en substance, au point 90 ci-dessus, le requérant a démontré que Phoenicia Tourism Company était inactive jusqu’en 2019. Certes, tel que cela a été, par ailleurs, relevé au point 95 ci-dessus, la possibilité que cette entreprise ait été active à la date d’adoption des actes attaqués ne saurait être écartée. Néanmoins, comme il ressort des points 92 et 93 ci-dessus, la preuve de l’activité de cette société est liée à la lettre du 25 février 2020, qui menaçait le
requérant d’actions légales en cas d’inexécution persistante du contrat.

179 Il résulte de ce qui précède que, si le requérant est effectivement impliqué dans le projet touristique de l’île de Rouad et qu’il se trouve obligé, depuis la lettre du 25 février 2020, de l’exécuter, les circonstances dans lesquelles il a conclu ledit projet et la réalisation concrète de celui-ci ne sont pas claires. Le Tribunal constate qu’il n’est pas possible d’affirmer avec certitude que le requérant entendait uniquement récupérer les terres expropriées qui avaient appartenu à sa famille,
ce qui aurait pu constituer un élément aux fins du renversement de la présomption de lien avec le régime syrien, mais qu’il n’est pas non plus possible d’affirmer qu’il a tout fait pour assurer le développement du projet touristique de l’île de Rouad, tel que voulu par le régime syrien. À cet égard, en effet, l’allégation du Conseil selon laquelle le requérant n’aurait pas entamé les travaux dans ce projet pour des raisons indépendantes de sa volonté n’est aucunement étayée. Dès lors, dans le
cadre de l’examen des arguments avancés par le requérant pour renverser la présomption de lien, il convient de conclure que le requérant ne peut pas se fonder sur les raisons l’ayant conduit à conclure le contrat relatif au projet touristique de l’île de Rouad pour renverser ladite présomption.

180 Enfin, en cinquième lieu, le requérant nie, en substance, sa prétendue condition de proche associé d’affaires de Rami Makhlouf, soutien du régime syrien et cousin de Bashar Al-Assad, personne avec laquelle il n’aurait aucun contact depuis douze ans. Plus précisément, le requérant soutient que les informations figurant dans le document WK 1755/2020 INIT selon lesquelles il serait associé à Rami Makhlouf dans le secteur alimentaire sont incorrectes. À cet égard, il n’aurait jamais exercé
d’activités dans ce secteur, à l’exception de celles d’OVO. En outre, le requérant soutient qu’il n’a pas fourni de services aux navires chargés du transport de denrées alimentaires. Par ailleurs, selon le requérant, le seul point qu’il partage en commun avec Rami Makhlouf est le fait que tous les deux ont détenu des parts dans Cham Holding.

181 Il résulte du point 106 ci-dessus que le requérant a démontré qu’OVO avait été dissoute à la date d’adoption des actes attaqués. En revanche, le requérant possédait toujours, à la date d’adoption desdits actes, des parts dans Cham Holding, qui, ainsi qu’il ressort des informations publiées par le site Internet de l’agence de presse Reuters et les sites Internet « Eqstad », « al Arabiya News », « Enab Baladi » et « Al Janoubia », était détenue par Rami Makhlouf. Cependant, il y a lieu de
constater que le requérant a démissionné de son poste au sein du conseil d’administration de Cham Holding (voir point 102 ci-dessus), marquant ainsi sa volonté de se distancer des activités de cette société. Au demeurant, la volonté du requérant de s’éloigner de Cham Holding, objet de mesures restrictives de la part de l’Union et des États-Unis d’Amérique, est étayée par les articles provenant des sites Internet « Eqstad », « al Arabiya News » et « Enab Baladi ».

182 Par conséquent, en démontrant qu’il n’exerce pas d’activités dans le secteur des denrées alimentaires et qu’il s’est éloigné de Cham Holding, le requérant est parvenu à remettre en cause les éléments sur lesquels le Conseil s’est fondé pour le considérer comme un proche associé d’affaires de Rami Makhlouf.

183 Au vu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de constater que, en vue de renverser la présomption de lien avec le régime syrien, le requérant peut se prévaloir d’avoir démontré qu’il critiquait ouvertement le régime syrien et venait financièrement en aide à des organisations humanitaires agissant au profit des réfugiés syriens. En outre, il a mis en doute l’affirmation selon laquelle il est un proche associé d’affaires de Rami Makhlouf, soutien du régime syrien et cousin de Bashar
Al-Assad.

184 Ainsi qu’il ressort du point 133 ci-dessus, l’une des possibilités pour une partie requérante de renverser la présomption de lien avec le régime syrien est d’apporter un faisceau d’indices de l’absence d’influence sur le régime syrien.

185 En l’espèce, compte tenu des sensibilités politiques du requérant, de l’aide qu’il apporte aux organisations humanitaires venant au soutien des réfugiés syriens et de son éloignement de Rami Makhlouf, il apparaît peu probable qu’il entretienne des liens avec le régime syrien. Par conséquent, il n’est pas certain que le requérant soit amené, en raison des mesures restrictives adoptées à son égard, à exercer sur le régime syrien l’influence nécessaire pour accroître la pression sur ce dernier afin
qu’il modifie sa politique de répression.

186 Partant, s’il est vrai qu’il ressort des éléments de preuve fournis par le Conseil que le requérant a des intérêts économiques dans les secteurs maritime et du tourisme, notamment, et qu’il occupe un poste de premier plan dans la chambre de commerce syro-russe, il n’en demeure pas moins qu’il a réussi à renverser la présomption de lien existant entre lui et le régime syrien.

187 Au vu de l’ensemble de ce qui précède, il convient de conclure que, si le statut d’homme d’affaires exerçant ses activités en Syrie du requérant est étayé, il ne saurait en être de même de celui de son caractère influent.

188 Il y a lieu, dès lors, de considérer que le premier motif d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, lié au statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, n’est pas établi à suffisance de droit.

5. Sur l’association avec le régime syrien

189 Il convient de vérifier si la situation du requérant constitue une preuve suffisante qu’il apporte un soutien au régime syrien ou qu’il bénéficie des politiques menées par ce dernier. Une telle appréciation doit être effectuée en examinant les éléments de preuve non pas de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent. En effet, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets,
précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre la personne sujette à une mesure de gel de ses fonds et le régime concerné (voir arrêt du 9 septembre 2016, Tri-Ocean Trading/Conseil, T‑709/14, non publié, EU:T:2016:459, point 42 et jurisprudence citée).

190 Selon les motifs d’inscription rappelés aux points 14 et 44 ci-dessus, le requérant apporte un soutien financier et économique au régime syrien, notamment par le biais de sociétés à l’étranger et de ses activités commerciales, mais aussi en raison de ses activités de blanchiment de capitaux, et il en bénéficie dans le cadre de ses activités dans le secteur de l’immobilier.

191 Ainsi, il convient de constater que les motifs pour lesquels le requérant est considéré, par le Conseil, comme soutenant le régime syrien et comme en tirant avantage chevauchent ceux l’ayant conduit à le considérer comme un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

192 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il ne saurait être exclu que, pour une personne déterminée, les motifs d’inscription de son nom se recoupent dans une certaine mesure, en ce sens qu’une personne peut être qualifiée de femme ou d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et être considérée comme bénéficiant, dans le cadre de ses activités, du régime syrien ou comme soutenant celui-ci par le biais de ces mêmes activités. Cela ressort précisément de ce que, ainsi qu’il est
établi au considérant 6 de la décision 2015/1836, les liens étroits avec le régime syrien et le soutien apporté à celui-ci par cette catégorie de personnes sont l’une des raisons pour lesquelles le Conseil a décidé de créer cette catégorie. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit, même dans cette hypothèse, de critères différents (arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 77).

a) Sur le soutien économique et financier apporté au régime syrien

193 Il ressort des motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause que ce dernier apporte un soutien financier et économique au régime syrien grâce, d’une part, à ses activités commerciales et, d’autre part, au blanchiment de capitaux.

194 En premier lieu, s’agissant des activités commerciales du requérant, premièrement, les motifs d’inscription mentionnent son statut de « magnat des transports maritimes ». À cet égard, il a été établi au point 81 ci-dessus que le requérant ne possède qu’AKSSA. Or, quand bien même elle ne serait pas dépourvue de toute importance dans le secteur d’activité des agences maritimes (voir point 69 ci-dessus), la seule détention de cette société ne saurait être suffisante pour considérer que le requérant
est un « magnat des transports maritimes ». En effet, il ressort d’une lecture d’ensemble des motifs d’inscription que c’est bien la multitude des intérêts économiques du requérant dans le secteur maritime qui a conduit le Conseil à le qualifier ainsi. Néanmoins, même à considérer que le requérant soit un « magnat des transports maritimes » en raison du seul intérêt économique que représente AKSSA, il convient de remarquer que le Conseil n’explique pas de quelle manière il soutiendrait le régime
syrien par le biais d’AKSSA. En tout état de cause, cela ne ressort pas non plus des éléments de preuve contenus dans le document WK 1755/2020 INIT.

195 Deuxièmement, les motifs font état du soutien que le requérant apporte au régime syrien en tant que proche associé d’affaires de Rami Makhlouf. À cet égard, d’une part, il ressort, en substance, de l’article publié par Le Monde et des informations provenant des sites Internet « World Crunch », « Eqstad », « al Arabiya News » et du MEIRSS que le requérant, impliqué dans le commerce de denrées alimentaires avec Rami Makhlouf, a permis au régime syrien de contourner les mesures restrictives, dans
la mesure où l’embargo européen ne concernait pas les denrées alimentaires.

196 Or, tout d’abord, ainsi qu’il ressort du point 98 ci-dessus, l’entité du requérant poursuivant des activités dans le secteur des denrées alimentaires, à savoir OVO, n’existe plus.

197 Ensuite, s’agissant de Cham Holding, dont Rami Makhlouf est le propriétaire et dans laquelle le requérant est actionnaire, il n’apparaît pas, à la lecture des éléments de preuve produits par le Conseil, que cette entreprise opère dans le secteur des denrées alimentaires.

198 Enfin, le document WK 1755/2020 INIT ne fournit pas d’autres précisions sur la forme que prendrait l’association du requérant et de Rami Makhlouf dans le secteur des denrées alimentaires.

199 D’autre part, en ce qui concerne le soutien apporté au régime syrien par le biais de Cham Holding, dont Rami Makhlouf est le propriétaire et dans laquelle le requérant est actionnaire, il ressort de l’article publié par l’agence de presse Reuters et des sites Internet « al Arabiya News », « Enab Baladi » et « Al Janoubia » que Cham Holding présente un lien avec le régime syrien. Néanmoins, ces articles n’expliquent pas comment cette entreprise apporterait un soutien financier ou économique au
régime syrien.

200 Enfin, ainsi qu’il a été établi au point 182 ci-dessus, le requérant a valablement remis en cause son statut de proche associé d’affaires de Rami Makhlouf.

201 Par conséquent, il convient de considérer que le Conseil n’a pas démontré, à suffisance de droit, que le requérant apporte un soutien au régime syrien en raison de son statut de proche associé d’affaires de Rami Makhlouf.

202 Troisièmement, les motifs d’inscription indiquent que le requérant apporte son soutien économique et financier au régime syrien notamment par le biais de ses sociétés basées à l’étranger. À cet égard, il résulte des points 81, 96 et 106 ci-dessus que le requérant possède des intérêts économiques en Syrie en raison d’AKSSA, de Phoenicia Tourism Company et de Cham Holding. La seule entité située à l’étranger, plus spécifiquement au Liban, dans laquelle le requérant avait, selon le Conseil, des
intérêts est Yass Marine. Or, ainsi qu’il a été indiqué au point 78 ci-dessus, le requérant a démontré que cette entreprise n’existait pas. De surcroît, il ressort, certes, de l’article du site Internet « al Arabiya News » qu’AKSSA possède deux succursales, l’une en Grèce et l’autre en Italie, mais cela n’est pas confirmé par d’autres éléments de preuve et, en tout état de cause, le Conseil fait uniquement référence aux activités menées par le requérant depuis le Liban pour soutenir qu’il
apporte un soutien au régime syrien par le biais de ses activités menées à l’étranger. Il en résulte que la partie des motifs d’inscription selon laquelle le requérant soutient le régime syrien notamment par le biais de sociétés basées à l’étranger n’est pas étayée à suffisance de droit.

203 Enfin, quatrièmement, dès lors que les motifs d’inscription visent les autres activités commerciales du requérant comme pouvant apporter un soutien financier et économique au régime syrien, il convient d’examiner le cas de Phoenicia Tourism Company. À cet égard, s’il a été établi, sans que cela soit contesté, que le requérant a signé un contrat avec le ministère du Tourisme syrien pour la gestion d’un hôtel sur l’île de Rouad, le Conseil n’explique toutefois pas dans quelle mesure la conclusion
d’un tel contrat apporterait un soutien au régime syrien. En particulier, le versement de sommes d’argent au titre de frais liés à la participation à la procédure d’appel d’offres et d’une caution de bonne exécution ayant eu lieu en 2012 et 2013 ne saurait être regardé comme étant suffisant pour conclure que, à la date d’adoption des actes attaqués, soit plus de sept ans après ledit versement, le Conseil a démontré le soutien financier apporté par le requérant. Par ailleurs, les éléments de
preuve contenus dans le document WK 1755/2020 INIT ne permettent pas de savoir de quelle autre manière Phoenicia Tourism Company soutiendrait le régime syrien.

204 Pour autant qu’il convînt de considérer le poste occupé par le requérant au sein de la chambre de commerce syro-russe comme une activité commerciale, il y a lieu de relever que le document WK 1755/2020 INIT ne contient aucune information quant au soutien financier et économique qu’il serait susceptible d’apporter au régime syrien par le biais de ce poste.

205 En second lieu, s’agissant du soutien que le requérant apporterait au régime syrien par le biais de ses activités de blanchiment de capitaux, il convient de relever qu’il ressort, en substance, des informations provenant des sites Internet « Eqstad », « al Arabiya News » et « Enab Baladi » que des hommes et des femmes d’affaires syriens, tels que le requérant, ont obtenu la nationalité libanaise en vue d’ouvrir des comptes bancaires au Liban et de pouvoir aider le régime syrien à transférer des
fonds.

206 À cet égard, le requérant fait, tout d’abord, valoir que ces allégations sont fausses, dès lors que, en substance, la plupart des hommes et des femmes d’affaires syriens ayant obtenu la nationalité libanaise n’en avaient pas besoin, car ils détenaient déjà la nationalité d’autres pays. Autrement dit, il n’aurait pas obtenu la nationalité libanaise afin d’aider le régime syrien à contourner les mesures restrictives. Néanmoins, il convient de constater que l’argument du requérant constitue une
déclaration générale, non étayée, qui ne saurait, dès lors, prospérer.

207 Par ailleurs, le requérant se prévaut des allégations de contrebande montées de toute pièce par le régime syrien afin de démontrer que son départ de la Syrie pour le Liban n’a pas été apprécié par ledit régime. Il convient de comprendre cet argument comme visant à démontrer que le requérant ne saurait avoir agi pour le régime syrien en prenant la nationalité libanaise. Néanmoins, il y a lieu de constater, à l’instar du Conseil, que le requérant n’a pas réussi à apporter des indices du caractère
fallacieux de ces accusations. En effet, il ne ressort pas clairement des éléments de preuve apportés par le requérant que la décision de saisie provisoire no 932 du ministère des Finances syrien, du 6 janvier 2013, concernait l’importation de voitures d’occasion ayant eu lieu plusieurs années auparavant. À cet égard, aucun lien ne peut être établi entre cette décision et la déclaration d’arrivée d’un navire transportant des voitures d’occasion du 18 février 2004. Les autres éléments de preuve
apportés par le requérant, à savoir la confirmation de remise du bon de chargement no 259 aux autorités portuaires du 25 février 2004 et la déclaration du 6 mars 2004 d’Almahaba Transit & Clearance Company, ne contiennent pas davantage d’informations à ce sujet.

208 Cela étant, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il a été établi au point 171 ci-dessus, le requérant a démontré qu’il s’était distancié du régime syrien. En pareilles circonstances, le Tribunal considère que le requérant a soulevé un doute sérieux quant aux raisons l’ayant motivé à obtenir la nationalité libanaise. Or, les allégations relatives au blanchiment de capitaux, telles que rappelées au point 205 ci-dessus, n’étant pas étayées par d’autres éléments concrets, il y a lieu de conclure que
le Conseil n’a pas démontré, à suffisance de droit, que le requérant soutenait le régime syrien par le biais de telles activités.

209 Au vu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de constater que le Conseil n’a pas démontré, à suffisance de droit, que le requérant apportait un soutien au régime syrien.

b) Sur le bénéfice tiré du régime syrien

210 Il ressort des motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause qu’il a tiré avantage de ses liens avec le régime syrien, ce qui lui a permis d’étendre ses activités dans le secteur de l’immobilier.

211 Il est constant entre les parties que cette partie des motifs d’inscription a principalement trait au fait que le requérant a obtenu, par l’intermédiaire de Phoenicia Tourism Company, un contrat avec le ministère du Tourisme syrien pour l’exploitation de terrains en vue du développement et de la gestion d’un hôtel sur l’île de Rouad.

212 De plus, ainsi qu’il ressort du point 83 ci-dessus, le Conseil a étayé à suffisance de droit le fait que le requérant a, par le biais de Phoenicia Tourism Company, conclu un contrat avec le ministère du Tourisme syrien lui permettant le développement et l’exploitation d’un hôtel sur l’île de Rouad. Au demeurant, le requérant ne le conteste pas.

213 Néanmoins, le requérant nie tirer un avantage du contrat conclu avec le ministère du Tourisme syrien et fait valoir, en substance, qu’il a souhaité, par le biais de ce contrat, reprendre le contrôle sur des terrains expropriés ayant appartenu à sa famille et qu’il n’a finalement pas investi dans le projet de construction de l’hôtel de l’île de Rouad.

214 À cet égard, il convient de relever que, compte tenu de la formulation des motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, tels que rappelés aux points 14 et 44 ci-dessus, il est nécessaire que le Conseil ait démontré à suffisance de droit que c’est bien en raison de liens avec le régime syrien qu’il a obtenu le contrat avec le ministère du Tourisme syrien.

215 Or, s’il est admis entre les parties que le requérant a obtenu le contrat à l’issue d’un appel d’offres, il ne ressort pas de l’article intitulé « Ministry of Tourism Awards New Contract to Manage Arwad Hotel » (Le ministère du Tourisme attribue un nouveau contrat pour la gestion de l’hôtel de Rouad), publié le 26 novembre 2012 sur le site Internet « The Syria Report », ni d’aucun autre élément de preuve du document WK 1755/2020 INIT, que le requérant a obtenu le marché en raison de liens
particuliers avec le régime syrien. Autrement dit, si le Conseil démontre que le contrat a bien été conclu, il n’étaye pas le fait que le requérant aurait, dans le cadre de cette procédure d’appel d’offres, fait usage de ses liens avec le régime syrien pour remporter ledit appel d’offres. À cet égard, il ne saurait être admis que le simple fait de remporter un appel d’offres, quand bien même il a abouti à la conclusion d’un contrat avec un ministère du régime syrien, soit suffisant pour conclure
à l’existence de liens permettant à la personne intéressée de tirer avantage du régime syrien, au sens de l’article 27, paragraphe 1, et de l’article 28, paragraphe 1, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836.

216 Dès lors, le Conseil n’a pas démontré à suffisance de droit que le requérant a tiré avantage de ses liens avec le régime syrien pour obtenir le contrat lié au développement du projet touristique de l’île de Rouad et étendre ainsi ses activités dans le secteur du tourisme.

217 Au surplus, force est de constater que les éléments de preuve produits par le Conseil ne permettent pas de vérifier si le requérant a tiré un avantage du contrat ainsi conclu, en dehors de la conclusion même dudit contrat.

218 De tels éléments de preuve auraient pourtant été nécessaires, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort de la lettre du 25 février 2020, le contrat n’était pas encore pleinement exécuté et ne devait pas l’être avant plusieurs mois, ce qui empêche de conclure que le requérant bénéficie de la politique menée par le régime syrien sur l’île de Rouad en matière de tourisme.

219 De surcroît, ainsi qu’il a été établi au point 179 ci-dessus, s’il n’est pas possible d’affirmer avec certitude que le requérant entendait uniquement récupérer les terres expropriées qui avaient appartenu à sa famille, il n’est pas non plus possible d’affirmer qu’il avait la ferme intention de développer le projet touristique de l’île de Rouad, et ce malgré la lettre du 25 février 2020.

220 En effet, le fait que la lettre oblige le requérant à fournir un agenda des travaux qu’il doit accomplir pour l’exécution du contrat, sauf à s’exposer à des actions légales, ne saurait être suffisant, à lui seul, pour attester que le requérant entendait effectivement mettre en œuvre le projet touristique de l’île de Rouad.

221 Dès lors, le Conseil, sur qui pèse la charge de la preuve, n’est pas en mesure de démontrer que le requérant a cherché à tirer un avantage, et a effectivement tiré un avantage, du régime syrien par le biais du contrat conclu avec Phoenicia Tourism Company.

222 Par ailleurs, il convient de relever que le Conseil fait également référence aux avantages octroyés par le régime syrien au requérant, ainsi qu’il résulte de l’article du site Internet « Eqstad ». Cependant, il convient de remarquer que cet article opère une distinction entre la situation du requérant avant et après 2011. Ainsi, s’il est certes vrai que l’article indique que le requérant a obtenu des avantages avant 2011, il n’en dit pas de même pour la période postérieure à 2011. Au contraire,
même si l’article demeure prudent quant à la nature des liens existant entre le requérant et le régime syrien, il fait état de ce que le requérant s’est retiré de Cham Holding et est parti au Liban. Par conséquent, l’article du site Internet « Eqstad » ne saurait être considéré comme étayant le fait que le requérant tirait avantage du régime syrien à la date d’adoption des actes attaqués.

223 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que le Conseil n’a pas étayé à suffisance de droit le fait que le requérant tire avantage du régime syrien.

6. Conclusion

224 Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que le Conseil n’a pas établi à suffisance de droit le bien-fondé du motif d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause tiré de son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, ni celui du motif d’inscription de son nom sur lesdites listes tiré de l’association avec le régime syrien.

225 Il convient, dès lors, d’accueillir le moyen unique du requérant.

C.   Conclusion sur le recours et les effets dans le temps de l’annulation des actes attaqués

226 Dès lors que le moyen unique est accueilli, il y a lieu d’annuler les actes attaqués en tant qu’ils concernent le requérant.

227 À cet égard, le Conseil a demandé, dans le cadre de son troisième chef de conclusions, que, dans l’hypothèse où le Tribunal annulerait les actes attaqués en ce qu’ils concernent le requérant, le Tribunal ordonne le maintien des effets de la décision 2020/719 en qui concerne le requérant jusqu’à ce que l’annulation partielle du règlement d’exécution 2020/716 prenne effet.

228 Tout d’abord, s’agissant du règlement d’exécution 2020/716, il doit être rappelé que, en vertu de l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, par dérogation à l’article 280 TFUE, les décisions du Tribunal annulant un règlement ne prennent effet qu’à compter de l’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa, dudit statut ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui-ci.

229 Dans ces circonstances, en l’absence de pourvoi, le Conseil dispose d’un délai de deux mois, augmenté du délai de distance de dix jours, à compter de la notification du présent arrêt pour remédier aux violations constatées en adoptant, le cas échéant, de nouvelles mesures restrictives à l’égard du requérant.

230 Ensuite, s’agissant de la décision 2020/719, il convient de constater que la décision (PESC) 2021/855 du Conseil, du 27 mai 2021, modifiant la décision 2013/255 (JO 2021, L 188, p. 90), a remplacé la liste figurant à l’annexe I de la décision 2013/255 à partir du 29 mai 2021 et a prorogé l’application des mesures restrictives, en ce qui concerne le requérant, jusqu’au 1er juin 2022.

231 Partant, à ce jour, le requérant fait l’objet d’une nouvelle mesure restrictive. Il s’ensuit que l’annulation de la décision 2020/719, en ce qu’elle le vise, n’entraîne pas la disparition de l’inscription de son nom sur la liste figurant à l’annexe I de la décision 2013/255.

232 Par conséquent, il n’est pas nécessaire de maintenir les effets de la décision 2020/719.

Sur les dépens

233 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

234 En l’espèce, le Conseil ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

  1) La décision d’exécution (PESC) 2020/212 du Conseil, du 17 février 2020, mettant en œuvre la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie, le règlement d’exécution (UE) 2020/211 du Conseil, du 17 février 2020, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie, la décision (PESC) 2020/719 du Conseil, du 28 mai 2020, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à
l’encontre de la Syrie, et le règlement d’exécution (UE) 2020/716 du Conseil, du 28 mai 2020, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie, sont annulés en tant qu’ils concernent M. Abdelkader Sabra.

  2) Le Conseil de l’Union européenne est condamné aux dépens.

Gervasoni

Frendo

  Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 mars 2022.

Signatures

Table des matières

  I. Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours
  II. Procédure et conclusions des parties
  III. En droit
  A. Sur la recevabilité des annexes à la demande de temps de plaidoirie supplémentaire déposée par le requérant
  B. Sur le fond
  1. Considérations liminaires
  2. Sur les motifs d’inscription et la détermination des critères d’inscription
  3. Sur les éléments de preuve
  4. Sur le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie
  a) Sur les intérêts économiques du requérant dans le secteur maritime
  b) Sur les intérêts économiques du requérant dans le secteur du tourisme
  c) Sur les autres intérêts commerciaux du requérant
  d) Sur les postes du requérant dans plusieurs organes et institutions
  e) Conclusion sur le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie du requérant
  f) Sur le lien avec le régime syrien
  5. Sur l’association avec le régime syrien
  a) Sur le soutien économique et financier apporté au régime syrien
  b) Sur le bénéfice tiré du régime syrien
  6. Conclusion
  C. Conclusion sur le recours et les effets dans le temps de l’annulation des actes attaqués
  Sur les dépens

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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.

( 1 ) Données confidentielles occultées.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : T-249/20
Date de la décision : 16/03/2022
Type de recours : Recours en annulation - fondé

Analyses

Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la Syrie – Gel des fonds – Erreurs d’appréciation – Critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie – Présomption de lien avec le régime syrien – Renversement de la présomption.

Politique étrangère et de sécurité commune

Relations extérieures


Parties
Demandeurs : Abdelkader Sabra
Défendeurs : Conseil de l'Union européenne.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Martín y Pérez de Nanclares

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2022:140

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