ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)
24 novembre 2021 ( *1 )
« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la Syrie – Gel des fonds – Erreurs d’appréciation »
Dans l’affaire T‑257/19,
Khaldoun Al Zoubi, demeurant à Damas (Syrie), représenté par Me L. Cloquet, avocat,
partie requérante,
contre
Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme S. Kyriakopoulou et M. V. Piessevaux, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision d’exécution (PESC) 2019/87 du Conseil, du 21 janvier 2019, mettant en œuvre la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2019, L 18 I, p. 13), du règlement d’exécution (UE) 2019/85 du Conseil, du 21 janvier 2019, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2019, L 18 I, p. 4), de
la décision (PESC) 2019/806 du Conseil, du 17 mai 2019, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2019, L 132, p. 36), du règlement d’exécution (UE) 2019/798 du Conseil, du 17 mai 2019, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2019, L 132, p. 1), de la décision (PESC) 2020/719 du Conseil, du 28 mai 2020, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures
restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2020, L 168, p. 66), et du règlement d’exécution (UE) 2020/716 du Conseil, du 28 mai 2020, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2020, L 168, p. 1), en tant que ces actes visent le requérant,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre),
composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise et J. Martín y Pérez de Nanclares (rapporteur), juges,
greffier : M. B. Lefebvre, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 21 octobre 2020,
rend le présent
Arrêt ( 1 )
Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours
[omissis]
12 Par la décision d’exécution (PESC) 2019/87 du Conseil, du 21 janvier 2019, mettant en œuvre la décision 2013/255 (JO 2019, L 18 I, p. 13), et par le règlement d’exécution (UE) 2019/85 du Conseil, du 21 janvier 2019, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2019, L 18 I, p. 4) (ci-après, dénommés ensemble, les « actes initiaux »), le nom du requérant a été inséré à la ligne 268 du tableau A des listes des noms des personnes, entités et organismes visés par les mesures restrictives qui figurent
à l’annexe I de la décision 2013/255 et à l’annexe II du règlement no 36/2012 (ci-après, prises ensemble, les « listes en cause »), avec mention des motifs suivants :
« Homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, ayant des intérêts et des activités dans de multiples secteurs de l’économie syrienne, y compris son poste de vice-président d’Aman Holding et son titre d’actionnaire majoritaire de la compagnie aérienne Fly Aman. Il a, à ce titre, des liens avec Samer Foz. Aman Holding est représentée au conseil d’administration de Aman [Dimashq] (dans lequel [elle] détient une participation majoritaire), coentreprise active dans la construction de
Marota City, un projet immobilier et commercial haut de gamme appuyé par le régime. [Al Zoubi] profite du régime et/ou soutient ce dernier, du fait de sa fonction de vice-président d’Aman Holding. »
[omissis]
16 Le 17 mai 2019, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2019/806, modifiant la décision 2013/255 (JO 2019, L 132, p. 36), qui a prorogé l’application de cette dernière décision jusqu’au 1er juin 2020 ; le même jour, le Conseil a également adopté le règlement d’exécution (UE) 2019/798, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2019, L 132, p. 1) (ci-après, dénommés ensemble, les « actes de maintien de 2019 »). Le nom du requérant a été maintenu à une ligne différente, la ligne 286 du tableau A
des listes en cause sur la base de motifs identiques à ceux figurant dans les actes initiaux.
[omissis]
21 Le 28 mai 2020, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2020/719, modifiant la décision 2013/255 (JO 2020, L 168, p. 66), qui a prorogé l’application de cette dernière décision jusqu’au 1er juin 2021, et le règlement d’exécution (UE) 2020/716, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2020, L 168, p. 1) (ci-après, dénommés ensemble, les « actes de maintien de 2020 »). Le nom du requérant a été maintenu à la ligne 286 du tableau A des listes en cause, sous des motifs partiellement différents de
ceux mentionnés dans les actes de maintien de 2019. Le Conseil a justifié l’adoption des mesures restrictives à son égard par la mention des motifs suivants :
« Homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, ayant des intérêts et des activités dans de multiples secteurs de l’économie syrienne, y compris son poste de vice-président de Aman Holding et son titre d’actionnaire majoritaire de la compagnie aérienne Fly Aman (jusqu’en février 2019). Il a, à ce titre, des liens avec Samer Foz. Aman Holding est représentée au conseil d’administration de Aman [Dimashq] (dans lequel [elle] détient une participation majoritaire), coentreprise active
dans la construction de Marota City, un projet immobilier et commercial haut de gamme appuyé par le régime syrien. [Al Zoubi] profite du régime et/ou soutient ce dernier. Membre fondateur de “Asas Iron Company”. »
[omissis]
Procédure et conclusions des parties
23 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 avril 2019, le requérant a introduit le présent recours tendant à l’annulation des actes initiaux, en tant que ces actes le concernent.
24 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 30 juillet 2019, le requérant a, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal, adapté la requête, de sorte que celle-ci tend également à l’annulation des actes de maintien de 2019, en tant que ces actes le concernent. Le requérant a également réitéré les chefs de conclusions qui figuraient dans la requête.
25 Le 8 août 2019, le Conseil a déposé au greffe du Tribunal le mémoire en défense et les observations sur le premier mémoire en adaptation.
26 La réplique a été déposée le 1er octobre 2019.
27 Par décision du 17 octobre 2019, le président du Tribunal a, en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure, réattribué l’affaire à un nouveau juge rapporteur, affecté à la quatrième chambre.
28 La duplique a été déposée le 8 janvier 2020.
29 La phase écrite de la procédure a été close le 8 janvier 2020.
30 Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, sous a), du règlement de procédure, le Tribunal a, le 23 juillet 2020, demandé au Conseil de répondre à une série de questions. Le Conseil a répondu aux questions dans le délai imparti.
31 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 13 août 2020, le requérant a, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure, adapté une seconde fois la requête, de sorte que celle-ci tend également à l’annulation des actes de maintien de 2020, en tant que ces actes le concernent. Le requérant a également réitéré les chefs de conclusions qui figuraient dans la requête ainsi que dans le premier mémoire en adaptation et a présenté de nouveaux arguments.
32 Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, sous d), du règlement de procédure, le Tribunal a, le 30 septembre 2020, demandé au Conseil de produire un document. Le Conseil a déféré à cette demande dans le délai imparti. Au cours de l’audience qui s’est tenue le 21 octobre 2020, le requérant n’a pas soumis d’observations sur les réponses du Conseil aux différentes mesures d’organisation décidées par le Tribunal.
33 Le 2 octobre 2020, le Conseil a présenté ses observations sur le second mémoire en adaptation.
34 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal au cours de l’audience qui s’est déroulée le 21 octobre 2020.
35 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler les actes initiaux, les actes de maintien de 2019 et les actes de maintien de 2020 (ci-après, dénommés ensemble, les « actes attaqués ») en tant qu’ils le concernent ;
– condamner le Conseil aux dépens.
36 Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner le requérant aux dépens ;
– à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le Tribunal annulerait les actes attaqués en tant qu’ils concernent le requérant, ordonner le maintien des effets de la décision d’exécution 2019/87 ainsi que des décisions 2019/806 et 2020/719 en tant que celles-ci concernent le requérant, jusqu’à la prise d’effet de l’annulation des règlements d’exécution 2019/85, 2019/798 et 2020/716 en tant qu’ils concernent le requérant.
En droit
[omissis]
Sur le premier moyen, tiré d’erreurs d’appréciation
39 En premier lieu, le requérant conteste être un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie. À cet égard, il conteste les éléments retenus par le Conseil pour inscrire son nom sur les listes en cause. En particulier, le requérant fait valoir qu’il existe une distinction claire entre la fonction de responsable des directeurs exécutifs d’Aman Holding JSC qu’il a occupée et la fonction de vice-président. En outre, le requérant fait valoir qu’il a démissionné avec effet immédiat de cette
fonction. Ensuite, il reconnaît être le fondateur et l’actionnaire majoritaire de Fly Aman LLC, mais il soutient qu’il a transféré l’intégralité de sa participation. De plus, la qualification du requérant retenue par le Conseil de « chef d’entreprise actif dans divers secteurs en Syrie et à l’étranger » ne serait pas étayée, puisque le document WK 47/2019 INIT ne ferait référence qu’à deux sociétés ayant leur siège social en Syrie et au regard desquelles le Conseil serait en mesure de prouver
qu’il y a travaillé et son prétendu statut. Le requérant ne serait pas, directement ou indirectement, impliqué dans le projet Marota City, de sorte qu’il n’aurait pas pu exploiter des terres expropriées appartenant à des personnes déplacées par le conflit en Syrie, ce qui les aurait empêchées de regagner leur foyer. En outre, les missions confiées au requérant en tant que salarié d’Aman Holding, actionnaire d’Aman Damascus JSC (ci-après « Aman Dimashq »), chargée des droits de construction d’une
partie des terrains de Marota City, n’auraient jamais inclus la supervision des activités de cette dernière qui était réservée à un autre salarié, M. Bashar Assi. Enfin, selon le requérant, le projet Marota City ne concerne en aucun cas l’exploitation de terrains expropriés, de sorte que ni le projet Marota City dans son ensemble ni Aman Dimashq ne pourraient être qualifiés d’entreprises bénéficiant du soutien de l’État.
40 En deuxième lieu, concernant les actes de maintien de 2020, le requérant conteste le nouveau motif d’inscription de son nom, relatif à sa qualité de membre fondateur d’Asas Iron Company et fait valoir, à cet égard, qu’il n’a jamais été le fondateur ou le propriétaire d’Asas Iron Company et n’a jamais été autrement impliqué dans cette société, ni même lié à celle‑ci.
41 En troisième lieu, le requérant soutient que le Conseil n’a pas fourni suffisamment d’informations prouvant qu’il a un lien avec le régime syrien. En outre, les preuves liées à l’obtention de la citoyenneté libanaise par le requérant établiraient qu’il ne fait pas partie du cercle restreint des femmes et hommes d’affaires proches du régime syrien et qu’il n’est absolument pas associé audit régime.
42 En quatrième lieu, de nombreuses pièces concerneraient M. Samer Foz ou d’autres sociétés liées à celui‑ci, mais auxquelles le requérant ne serait pas associé, comme par exemple Aman Dimashq. En outre, aucune des pièces du document WK 47/2019 INIT ne ferait expressément référence au lien supposé du requérant avec le régime syrien. En revanche, le requérant reconnaît que, en tant que simple salarié d’Aman Holding, il a précédemment entretenu des liens professionnels avec M. Foz.
43 Le Conseil conteste les arguments du requérant.
Considérations liminaires
[omissis]
51 Il convient de rappeler que les critères généraux d’inscription énoncés à l’article 27, paragraphe 1, et à l’article 28, paragraphe 1, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, repris, en ce qui concerne le gel des fonds, à l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, prévoient que les personnes et les entités bénéficiant des politiques menées par le régime syrien ou soutenant celui-ci font l’objet de
mesures restrictives. De même, l’article 27, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 3, et l’article 28, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, repris, en ce qui concerne le gel des fonds, à l’article 15, paragraphe 1 bis, sous a), et paragraphe 1 ter, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, disposent que la catégorie des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie »
fait l’objet de mesures restrictives, sauf s’il existe des informations suffisantes indiquant qu’ils ne sont pas, ou ne sont plus, liés au régime ou qu’ils n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’ils ne sont pas associés à un risque réel de contournement.
52 Il y a lieu de déduire des motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, mentionnés aux points 12 et 21 ci-dessus, que ce dernier a vu son nom être inscrit et maintenu sur les listes en cause en raison, premièrement, de son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et, deuxièmement, de son lien avec le régime syrien. Autrement dit, l’inscription du nom du requérant est fondée, d’une part, sur le critère défini au paragraphe 2, sous a), de l’article 27
et de l’article 28 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et au paragraphe 1 bis, sous a), de l’article 15 du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828 (critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie) et, d’autre part, sur le critère défini au paragraphe 1 de l’article 27 et de l’article 28 de ladite décision et au paragraphe 1, sous a), de l’article 15 dudit règlement (critère de l’association avec le régime).
53 À cet égard, il convient d’observer que, si le Conseil a affirmé, dans le cadre de ses écritures, que le requérant avait été inscrit sur les listes en cause sur la base du seul critère d’inscription énoncé à l’article 27, paragraphe 2, sous a), et à l’article 28, paragraphe 2, sous a), de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, il a, en revanche, déclaré, lors de l’audience, que le requérant avait été inscrit sur la base de trois critères d’inscription. En effet, outre
les deux critères mentionnés au point 52 ci-dessus, le Conseil a indiqué que le requérant avait été inscrit en raison de ses liens avec M. Foz. Par conséquent, son inscription serait aussi fondée sur le critère défini à l’article 27, paragraphe 2, dernière phrase, et à l’article 28, paragraphe 2, dernière phrase, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et à l’article 15, paragraphe 1 bis, dernière phrase, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement
2015/1828 (personnes et entités qui sont liées aux personnes et entités relevant de l’un des critères d’inscription sur les listes de l’Union). Toutefois, dans le contexte des motifs d’inscription présentés par le Conseil dans les actes attaqués, la seconde phrase desdits motifs, selon laquelle le requérant « a, à ce titre, des liens avec Samer Foz », ne peut être comprise qu’en référence à la première phrase qui, quant à elle, renvoie au critère de l’homme d’affaires influent. Par conséquent, le
nom du requérant a bien été inscrit et maintenu sur les listes en cause sur le fondement des deux critères mentionnés au point 52 ci-dessus.
[omissis]
Sur le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie
81 Il convient de vérifier si l’ensemble des éléments de preuve soumis par le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe en vertu de la jurisprudence rappelée au point 46 ci-dessus et constitue ainsi un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants pour étayer le premier motif d’inscription.
82 À cet égard, le Conseil a considéré que le requérant est un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie en raison des intérêts et des activités qu’il a dans de multiples secteurs de l’économie syrienne. Concernant les actes initiaux et les actes de maintien de 2019, les éléments de preuve issus du document WK 47/2019 INIT se rapportent à deux activités principales, à savoir, d’une part, le statut d’actionnaire majoritaire de la compagnie aérienne Fly Aman du requérant et, d’autre
part, son statut de vice-président d’Aman Holding, société représentée au conseil d’administration d’Aman Dimashq, qui est une coentreprise active dans le projet Marota City. Il est également fait mention des liens que le requérant entretient avec M. Foz. Concernant les actes de maintien de 2020, en plus des éléments susmentionnés, les éléments de preuve complémentaires, issus du document WK 3600/2020 REV 1, mentionnent le fait que le requérant est un associé fondateur d’Asas Iron Company.
83 Il convient, dès lors, d’examiner chacun de ces éléments.
– Sur le statut d’actionnaire majoritaire de Fly Aman
[omissis]
85 Il ressort des articles publiés sur les sites Internet « meirss.org », « Aliqtisadi » et « 7al.net », reproduits dans le document WK 47/2019 INIT, que le requérant est l’actionnaire majoritaire de Fly Aman et détient à ce titre 90 % des parts de cette société. De plus, l’article publié sur le site Internet syrien « 7al.net » indique qu’il a fondé, en coopération avec l’homme d’affaires M. Assi, une nouvelle compagnie aérienne, Fly Aman. Selon ce site Internet, le ministère du Commerce intérieur
et de la Protection des consommateurs syrien a ratifié les statuts de cette dernière. Enfin, il découle également de l’article du site Internet « Aliqtisadi », présenté dans le document WK 3600/2020 REV 1, que le requérant est le président et co-fondateur de Fly Aman.
86 Le requérant conteste cet élément et fait valoir qu’il ne détiendrait aucune part de Fly Aman, puisqu’il aurait transféré l’intégralité de sa participation. À ce titre, il produit le certificat d’enregistrement de Fly Aman, du 28 mai 2018, et les statuts de Fly Aman, ratifiés le 22 février 2018, desquels il ressort, en substance, qu’il était initialement l’actionnaire majoritaire de Fly Aman avec la société B. Il produit également la résolution 2274/169/12/3, du 14 février 2019, du ministère du
Commerce intérieur et de la Protection des consommateurs syrien faisant référence à un courrier recommandé envoyé par Fly Aman. La résolution 2274/169/12/3 indique que la participation au sein de Fly Aman du requérant a été transmise, pour partie, à la société B (dont la part des actions détenues s’élève désormais à 20 %) et, pour partie, aux actionnaires C et D qui détiennent tous deux une part représentant, au total, 80 % des parts du capital de Fly Aman.
87 Il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté (voir arrêts du 3 septembre 2015, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:535, point 22 et jurisprudence citée, et du 4 septembre 2015, NIOC e.a./Conseil, T‑577/12, non publié, EU:T:2015:596, point 112 et jurisprudence citée).
88 En l’espèce, s’agissant des actes initiaux, il convient de relever que le transfert des parts de Fly Aman détenues par le requérant, tel que confirmé par la résolution 2274/169/12/3, est postérieur à leur date d’adoption. Partant, la résolution 2274/169/12/3 ne saurait remettre en cause la légalité des actes initiaux, conformément à la jurisprudence rappelée au point 87 ci-dessus. En outre, les statuts de Fly Aman, du 22 février 2018, confirment que le requérant était, à la date d’adoption des
actes initiaux, actionnaire majoritaire de Fly Aman. En tout état de cause, comme le soulève justement le Conseil, l’allégation du requérant selon laquelle il ne détiendrait plus d’actions confirme qu’il en a détenu. Partant, cette partie des motifs des actes initiaux est fondée.
89 Concernant les actes de maintien de 2019, il importe de rappeler que, dans le cadre de son contrôle de la légalité de l’inscription du nom d’une personne ou d’une entité sur des listes établies par le Conseil, il incombe au juge de l’Union de vérifier l’exactitude matérielle des faits allégués au regard des informations ou éléments fournis par l’autorité compétente de l’Union et d’apprécier la force probante de ces derniers à la lumière des éventuelles observations présentées, notamment, par la
personne ou l’entité concernée à leur sujet, ainsi que rappelé au point 48 ci-dessus. Ainsi, le juge de l’Union peut se fonder sur l’ensemble des éléments qui lui ont été communiqués tant à charge qu’à décharge par les parties au cours de la procédure judiciaire. À cet égard, il ressort du considérant 15 de la décision 2015/1836 que « [t]outes les décisions d’inscription sur la liste devraient être prises sur une base individuelle et au cas par cas en tenant compte de la proportionnalité de la
mesure ».
90 Or, il ressort des éléments du dossier que le requérant a démontré avoir transféré les parts de Fly Aman qu’il détenait. Le requérant a produit à cet égard la résolution 2274/169/12/3, qui est antérieure à la date d’adoption des actes de maintien de 2019. Force est encore de relever que le Conseil a admis, dans les actes de maintien de 2020, le fait que le requérant n’était plus, à compter du mois de février 2019, actionnaire majoritaire de Fly Aman. En effet, l’énoncé des motifs des actes de
maintien de 2020 reflète le contenu de la résolution 2274/169/12/3, puisque ce dernier mentionne la date effective du transfert de cette participation, à savoir « février 2019 ».
91 Par ailleurs, la circonstance que le Conseil ne pouvait pas, lors de l’adoption des actes de maintien de 2019, avoir connaissance de la résolution 2274/169/12/3, compte tenu de la diffusion limitée de cette décision à quelques organes administratifs, ne saurait limiter l’examen de la légalité de l’inscription du nom du requérant opéré par le juge de l’Union. De même, l’appréciation de la légalité de l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause ne peut pas être restreinte au fait que
le requérant n’a pas évoqué la résolution 2274/169/12/3 dans le cadre de ses échanges avec le Conseil au cours de la procédure de réexamen ayant eu lieu préalablement à l’adoption des actes de maintien de 2019 (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2012, Oil Turbo Compressor/Conseil, T‑63/12, EU:T:2012:579, points 21 à 24). Par conséquent, il y a lieu de conclure que le requérant a démontré, dans le cadre de la présente procédure, qu’il n’était plus actionnaire majoritaire de Fly Aman à la date
d’adoption des actes de maintien de 2019.
92 Partant, cet élément des motifs des actes de maintien de 2019 n’est pas fondé.
93 Concernant les actes de maintien de 2020, il convient de remarquer que le Conseil a maintenu le nom du requérant sur les listes en cause en raison de son statut d’actionnaire majoritaire en citant, toutefois, la date de transfert des parts possédées par le requérant en février 2019.
94 Or, en l’espèce, il ne ressort pas du document WK 3600/2020 REV 1 que le Conseil a présenté des indices sérieux et concordants permettant raisonnablement de considérer que le requérant maintenait des liens avec Fly Aman alors qu’il ne possédait plus de parts dans cette compagnie à la date d’adoption des actes de maintien de 2020. Les trois articles des sites Internet « Eqtsad News », « Aliqtisadi » et « newturkpost.com » ont en effet été soit consultés soit publiés postérieurement à la résolution
2274/169/12/3, mais ne font pas référence au transfert de participations, ni à l’existence d’autres liens entre Fly Aman et le requérant. Ainsi, le document WK 3600/2020 REV 1 ne comporte aucun élément de preuve de nature à justifier que, malgré la cession des parts en février 2019, il convenait de maintenir cette mention dans les motifs d’inscription. Force est encore de relever que, lors de l’audience, si le Conseil a soutenu que, malgré le fait que le requérant avait renoncé à cette
participation, cette circonstance constituait un indice de ce qu’il était toujours un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, il n’a pas étayé son propos.
95 Partant, cet élément des motifs des actes de maintien de 2020 n’est pas fondé.
96 Il s’ensuit que, s’agissant de l’élément des motifs relatif à la participation majoritaire du requérant au sein de Fly Aman, seul celui concernant les motifs des actes initiaux est fondé.
– Sur le statut de vice-président d’Aman Holding
97 Il ressort de l’extrait du blog « Salon Syria », du 7 juin 2018, et de l’article du site Internet « meirss.org », issus du document WK 47/2019 INIT, que le requérant est le vice-président d’Aman Holding, ce qui est confirmé par les articles provenant des sites Internet « Eqtsad News », « Alqtisadi » et « newturkpost.com », contenus dans le document WK 3600/2020 REV 1. Par ailleurs, l’article du site Internet « 7al.net », contenu dans le document WK 47/2019 INIT, décrit le requérant comme étant un
employé d’une société détenue par M. Foz.
98 Toutefois, sans être contesté sur ce point par le Conseil, le requérant nie avoir occupé le poste de vice-président d’Aman Holding et fait valoir qu’il occupait la fonction de responsable des directeurs exécutifs au sein d’Aman Holding. Afin de le démontrer, il produit son contrat de travail, daté du 18 janvier 2017. À l’appui de son allégation, il produit également les statuts d’Aman Holding ainsi que l’« ancien » certificat d’enregistrement de cette société, qui démontrent clairement
l’existence d’une distinction entre, d’une part, le conseil d’administration au sein duquel il ne siégeait pas et, d’autre part, les directeurs exécutifs, au nombre desquels il figurait. Ainsi, le requérant y est désigné comme occupant la fonction de responsable des directeurs exécutifs de la société. Par conséquent, le requérant a valablement démontré, à l’aide de son contrat de travail du 18 janvier 2017, des statuts d’Aman Holding et du certificat d’enregistrement de cette société, provenant
de l’administration syrienne et dont la fiabilité n’a pas été, au demeurant, contestée par le Conseil, qu’il n’occupait pas le poste de vice-président d’Aman Holding.
99 Il s’ensuit que l’élément des motifs des actes attaqués relatif à la fonction de vice-président d’Aman Holding occupée par le requérant n’est pas fondé.
– Sur la participation d’Aman Holding, qui est représentée au conseil d’administration d’Aman Dimashq, coentreprise active dans la construction de Marota City, à un projet immobilier et commercial haut de gamme appuyé par le régime syrien
100 Au préalable, il convient de comprendre, ainsi que le Conseil l’a confirmé lors de l’audience, que les motifs des actes attaqués en français précisant qu’« Aman Holding est représentée au conseil d’administration d’Aman [Dimashq] (dans lequel il détient une participation majoritaire) » contient une erreur de traduction. En effet, contrairement à ce qui pourrait être compris, c’est bien Aman Holding qui détient une participation majoritaire au sein d’Aman Dimashq et non le requérant. Partant, il
n’est pas contesté entre les parties que le requérant ne possède aucune participation au sein d’Aman Dimashq.
101 Tout d’abord, le requérant soutient que le seul lien qui pourrait exister entre lui et le projet Marota City réside dans le fait qu’Aman Holding est actionnaire de la coentreprise Aman Dimashq. À cet égard, il convient de préciser qu’il ressort des écritures du requérant qu’Aman Holding possède 40 % des parts d’Aman Dimashq et que les autres actionnaires de cette coentreprise, Foz for Trading et Damascus Cham Holding, possèdent, respectivement, 11 % et 49 % des parts de celle-ci. À ce titre, il
peut être déduit de cette répartition des parts qu’Aman Holding dispose d’un certain pouvoir décisionnel au sein du conseil d’administration d’Aman Dimashq.
102 Ensuite, sans qu’il soit nécessaire d’analyser en détail le projet Marota City, il convient de rappeler que, au point 99 ci-dessus, il a été établi que le Conseil avait erronément retenu le statut de vice-président d’Aman Holding du requérant pour démontrer son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie. Il en découle que, a fortiori, le Conseil ne saurait alléguer la participation du requérant, en tant que vice-président d’Aman Holding, au projet Marota City pour établir
ledit statut.
103 En tout état de cause, ainsi que le Tribunal l’a reconnu au point 98 ci-dessus, le requérant a valablement démontré qu’il exerçait les fonctions de responsable des directeurs exécutifs au sein d’Aman Holding et non celles de vice-président. À cet égard, il importe de relever que le requérant est bien placé dans l’organigramme de la société, qu’il dispose d’un certain nombre de délégations de pouvoirs et qu’il est chargé d’encadrer les directeurs exécutifs et ainsi d’exécuter des décisions
stratégiques d’Aman Holding, mais il reste un employé d’Aman Holding, ce qui n’est pas contesté par le Conseil. En outre, le requérant allègue, à bon droit, que les missions qui lui sont confiées en tant que salarié d’Aman Holding n’auraient jamais inclus la supervision des activités d’Aman Dimashq. Cette tâche est réservée à un autre salarié, à savoir M. Assi, qui a, à ce titre, été nommé président du conseil d’administration d’Aman Dimashq, en vue de tenir informé le conseil d’administration
d’Aman Holding du développement d’Aman Dimashq, ce qui est, en substance, confirmé par la page issue du site Internet « Damacham.sy » de Damascus Cham Holding. Ainsi, il est constant entre les parties que le requérant ne siège pas au sein du conseil d’administration d’Aman Dimashq. Par ailleurs, il ressort, certes, du contrat de travail de M. Assi, daté du 4 octobre 2017 et produit par le requérant, que le poste occupé par celui-ci en tant que gestionnaire de projets s’exerce sous la
responsabilité, notamment, du responsable des directeurs exécutifs d’Aman Holding. Néanmoins, ni les documents WK 47/2019 INIT et WK 3600/2020 REV 1 ni les écritures du Conseil n’établissent qu’il existait un lien de supervision entre le requérant et M. Assi dans le cadre de la conduite du projet Marota City à la date d’adoption des actes attaqués. Dès lors, le Conseil n’a pas démontré que les fonctions que le requérant occupe au sein d’Aman Holding comprennent l’exercice de responsabilités
décisionnelles dans le cadre de la participation majoritaire d’Aman Holding au sein du conseil d’administration d’Aman Dimashq.
104 Il s’ensuit que l’élément des motifs des actes attaqués relatif à la participation du requérant, en tant que vice-président d’Aman Holding, au projet Marota City n’est pas fondé.
– Sur les liens du requérant avec M. Foz
105 À titre liminaire, il convient de rappeler, ainsi qu’il a été indiqué au point 53 ci-dessus, que la seconde phrase des motifs d’inscription et de maintien du nom du requérant sur les listes en cause, selon laquelle il « a, à ce titre, des liens avec Samer Foz », ne peut être comprise qu’en référence à la première phrase qui, quant à elle, renvoie aux activités exercées par le requérant, en particulier à son statut d’actionnaire majoritaire de Fly Aman et à son statut de vice-président d’Aman
Holding. Il convient d’en déduire que les liens qu’entretient le requérant avec M. Foz, dans le cadre de ses activités professionnelles, ont été considérés, par le Conseil, comme un élément permettant d’établir son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie. Par ailleurs, il y a lieu de constater que le nom de M. Foz a été inséré, puis maintenu, à la ligne 278 du tableau A des listes en cause, en raison, d’une part, de son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses
activités en Syrie et, d’autre part, de son association avec le régime syrien, conformément aux critères rappelés au point 52 ci-dessus.
106 Ensuite, en premier lieu, il convient de relever que la proximité étroite du requérant avec M. Foz est évoquée dans les articles des sites Internet « aawsat.com », qui le décrit comme son directeur de cabinet, et « meirss.org », issus du document WK47/2019 INIT. En outre, il ressort de l’article du site Internet « Eqtsad News », produit dans le cadre du document WK 3600/2020 REV 1, que le requérant est un partenaire d’affaires de M. Foz.
107 En deuxième lieu, il y a lieu de rappeler qu’il a été établi, au point 99 ci-dessus, que le requérant n’est pas vice-président d’Aman Holding. Par ailleurs, il a produit un certificat d’enregistrement d’Aman Holding, daté de septembre 2019, et un échange de correspondances ayant eu lieu entre lui et ladite société, démontrant qu’à partir du 22 janvier 2019 il n’occupait plus la fonction de responsable des directeurs exécutifs d’Aman Holding.
108 Il en résulte que, concernant les actes initiaux, les liens existant entre le requérant et M. Foz se résument au fait que le requérant était associé majoritaire dans Fly Aman. Lors de l’audience, le requérant a fait valoir que Fly Aman a été créée sur ordre de M. Foz et que la création de cette compagnie est intervenue dans le cadre de sa relation professionnelle, puisque M. Foz était alors son employeur. Or, le Conseil n’a pas apporté, au sens de la jurisprudence rappelée au point 46 ci-dessus,
dans le cadre du document WK 47/2019 INIT, d’indices suffisamment concrets, précis et concordants susceptibles d’étayer de manière suffisante que le lien existant entre le requérant et M. Foz dépassait la seule relation professionnelle pouvant exister entre un employeur et son employé, de sorte qu’il puisse justifier de considérer que le requérant, associé à M. Foz, est un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.
109 Concernant les actes de maintien de 2019 et ceux de 2020, il convient de relever que, dès lors que le requérant n’a plus été actionnaire majoritaire de Fly Aman à compter du mois de février 2019 et a démissionné de son poste de responsable des directeurs exécutifs d’Aman Holding, les liens privilégiés qu’il entretenait éventuellement avec M. Foz en raison de tels statuts ne sont plus, en tout état de cause, démontrés. Partant, le Conseil échoue à établir que le requérant, du fait de ses
activités professionnelles, entretient des liens avec M. Foz.
110 Par conséquent, dans les actes attaqués, le Conseil ne pouvait se fonder sur les liens entre le requérant et M. Foz pour démontrer le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie du requérant.
– Sur la constitution d’Asas Iron Company
111 Concernant le nouvel élément des motifs contenu dans les actes de maintien de 2020, il ressort des articles des sites Internet « Eqtsad News » et « Aliqtisadi », provenant du document WK 3600/2020 REV 1, que le requérant est, respectivement, un membre fondateur et un membre du conseil d’administration de la société Assas lil-Hadid. À cet égard, il y a lieu de relever que, comme le soutient le requérant, les résumés des articles de ces sites Internet, réalisés par le Conseil, indiquent la
dénomination « Asas Iron Company » au lieu d’« Assas lil-Hadid ». Toutefois, il s’agit bien de la même société. En effet, la première dénomination est la traduction anglaise de la seconde dénomination, qui correspond au nom arabe de l’entité. Les statuts d’Asas Iron Company ratifiés par le représentant de ses fondateurs et le ministère du Commerce intérieur et de la Protection des consommateurs syrien ainsi que le certificat d’enregistrement d’Asas Iron Company du 6 novembre 2019, produits par
le requérant, confirment la correspondance de ces deux noms.
112 Ensuite, le requérant conteste être un membre fondateur d’Asas Iron Company. Il soutient qu’il n’aurait jamais été le fondateur ni le propriétaire de cette société et qu’il n’aurait jamais été autrement impliqué dans celle-ci ni même lié à celle-ci, puisqu’il ne fait pas partie de ses organes de gestion et de direction.
113 À cet égard, le requérant produit le certificat d’enregistrement et les statuts d’Asas Iron Company dans lesquels son nom n’apparaît pas. De plus, selon l’article 5 desdits statuts, les propriétaires d’Asas Iron Company sont MM. E et F. Ils détiennent chacun 500 parts, représentant 50 % des parts totales de l’entreprise, d’une valeur de 1,5 milliard de SYP (environ 3,03 millions d’euros). En outre, selon les statuts d’Asas Iron Company, le capital s’élève à 3 milliards de SYP (environ
6,06 millions d’euros), ce qui correspond également au montant inscrit sur le certificat d’enregistrement de ladite société. Dès lors, le requérant a valablement démontré qu’il n’était pas le fondateur d’Asas Iron Company.
114 Cette conclusion ne saurait être infirmée par l’argument du Conseil visant à contester la pertinence des statuts d’Asas Iron Company et du certificat d’enregistrement produits par le requérant, en faisant valoir, en substance, que ces preuves témoignent de ce que, à compter du 6 novembre 2019, le requérant n’était plus l’un des propriétaires de la société. Il soutient que, par la résolution no 832, du 19 mars 2019, du ministère du Commerce intérieur et de la Protection des consommateurs syrien,
produite par le requérant, la forme juridique de la société a été modifiée. Asas Iron Company, qui était une société uninominale à responsabilité limitée, est ainsi devenue la société à responsabilité limitée Asas Iron Company, après que le détenteur du capital a légué 50 % de ses parts. Or, les statuts d’Asas Iron Company et le certificat d’enregistrement ne permettraient pas de confirmer l’identité des actionnaires fondateurs d’Asas Iron Company entre la date de création de cette société, le
30 mars 2017, et la date de la résolution no 832, c’est-à-dire avant le changement de forme juridique de la société. En d’autres termes, le Conseil allègue que le requérant aurait pu être inscrit en tant qu’unique associé fondateur de la société uninominale à responsabilité limitée avant de céder ses parts, afin de ne plus figurer dans les documents officiels relatifs à Asas Iron Company, sans apporter de preuve étayant son propos.
115 À cet égard, force est de constater que, même à supposer que le requérant ait réellement été le fondateur d’Asas Iron Company, il ressort des pièces qu’il a produites qu’il n’était plus, à la date d’adoption des actes de maintien de 2020, lié à ladite société.
116 Il résulte de ce qui précède que le requérant a valablement démontré que, à la date d’adoption des actes de maintien de 2020, d’une part, il ne détenait aucune part dans Asas Iron Company et, d’autre part, il n’était pas désigné en qualité de membre fondateur de cette société.
117 Partant, le Conseil ne pouvait se fonder sur la qualité de membre fondateur d’Asas Iron Company du requérant pour considérer ce dernier comme étant un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.
– Conclusion sur le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie du requérant
118 En premier lieu, concernant les actes initiaux, il convient de conclure de l’ensemble de ce qui précède que le Conseil a apporté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir que le requérant était un actionnaire majoritaire de Fly Aman. En revanche, le Conseil a commis des erreurs matérielles en inscrivant le nom du requérant sur les listes en cause en raison de son statut de vice-président d’Aman Holding, puisque, ainsi qu’il ressort du point 98
ci-dessus, le requérant a démontré qu’il était responsable des directeurs exécutifs de cette société. Par conséquent, n’étant pas vice-président d’Aman Holding, le requérant ne participe pas, au titre de telles fonctions, au projet Marota City et n’a pas de liens avec M. Foz. Par ailleurs, le Conseil n’a pas démontré, par des indices suffisamment concrets, précis et concordants, le lien entre le statut d’actionnaire majoritaire dans Fly Aman du requérant et M. Foz.
119 En deuxième lieu, concernant les actes de maintien de 2019, outre les considérations mentionnées au point 118 ci-dessus, le Conseil a commis une erreur matérielle puisque le requérant a démontré qu’il ne possédait plus, à partir du 14 février 2019, de parts au capital de Fly Aman. Par conséquent, le requérant n’avait pas de liens avec M. Foz à ce titre.
120 En troisième lieu, s’agissant des actes de maintien de 2020, outre les considérations mentionnées aux points 118 et 119 ci-dessus, le Conseil a commis une erreur matérielle en ce que le requérant a apporté la preuve, d’une part, qu’il ne détenait aucune part d’Asas Iron Company et, d’autre part, qu’il n’était pas membre fondateur de cette société.
121 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que, contrairement aux motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes figurant dans les actes initiaux, le requérant n’a pas « des intérêts et des activités dans de multiples secteurs de l’économie syrienne ». En effet, ainsi qu’il ressort du point 118 ci-dessus, le Conseil est uniquement en mesure de démontrer que, s’agissant des actes initiaux, le requérant a des intérêts dans Fly Aman, ce qui est insuffisant pour remplir le critère de
l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie. En outre, s’agissant des actes de maintien de 2019 et des actes de maintien de 2020, le Conseil n’a pas réussi à démontrer que le requérant possédait, à la date d’adoption desdits actes, le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie. Partant, le premier motif d’inscription n’est pas suffisamment étayé.
122 Il convient, dès lors, d’examiner le second motif d’inscription.
Sur l’association avec le régime syrien
123 À titre liminaire, il convient de relever qu’il résulte des actes initiaux et des actes de maintien de 2019 que le requérant soutient le régime syrien et en bénéficie en raison de sa fonction de vice-président d’Aman Holding, tandis que, en vertu des actes de maintien de 2020, il le fait en raison de l’ensemble des activités et intérêts qu’il possède, tels qu’ils sont mentionnés dans les motifs d’inscription.
124 En outre, force est de constater que les motifs pour lesquels le requérant est considéré, par le Conseil, comme soutenant le régime syrien et comme en tirant avantage sont, en substance, les mêmes que ceux l’ayant conduit à le considérer comme un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.
125 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il ne saurait être exclu que, pour une personne déterminée, les motifs d’inscription se recoupent dans une certaine mesure, en ce sens qu’une personne peut être qualifiée de femme ou d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et être considérée comme bénéficiant, dans le cadre de ses activités, du régime syrien ou comme soutenant celui-ci au travers de ces mêmes activités. Cela ressort précisément de ce que, ainsi qu’il est établi au
considérant 6 de la décision 2015/1836, les liens étroits avec le régime syrien et le soutien de celui-ci apporté par cette catégorie de personnes sont l’une des raisons pour lesquelles le Conseil a décidé de créer cette catégorie. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit, même dans cette hypothèse, de critères différents (arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 77).
126 En l’espèce, en premier lieu, s’agissant des actes initiaux et des actes de maintien de 2019, il convient de déduire des conclusions aux points 99 et 104 ci-dessus, que, dès lors que le requérant n’était pas vice-président d’Aman Holding à la date d’adoption des actes attaqués, il ne saurait être considéré comme bénéficiant du régime syrien à ce titre, ni le soutenir en raison de sa participation au projet Marota City.
127 En deuxième lieu, concernant les actes de maintien de 2020, le Tribunal a constaté que, premièrement, au point 126 ci-dessus, le requérant ne saurait être considéré comme bénéficiant du régime syrien au titre de son statut de vice-président d’Aman Holding. Deuxièmement, il ressort de l’article du site Internet « 7al.net » que le requérant a créé une compagnie aérienne alors que, en Syrie, le secteur de l’aviation civile souffre de grandes difficultés au regard des opérations militaires qui ont
eu pour conséquence la cessation du trafic touristique et la cessation des services au sein de certains aéroports. Néanmoins, le Tribunal a établi, au point 96 ci-dessus, que le requérant n’est plus actionnaire majoritaire de Fly Aman. De plus, il ne ressort d’aucun des éléments de preuve compris dans les documents WK 47/2019 INIT et WK 3600/2020 REV 1 que le requérant bénéficie, en sa qualité d’actionnaire majoritaire puis d’ancien actionnaire majoritaire de ladite compagnie, du régime syrien
ni qu’il le soutient.
128 Ainsi, il convient de conclure que le Conseil n’a pas apporté un faisceau d’indices concrets, précis et concordants susceptible de mettre en évidence le fait que le requérant soutient le régime syrien et/ou en tire avantage. Dès lors, le second motif d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause en raison de son association avec le régime syrien n’est pas suffisamment étayé, de sorte que l’inscription du nom du requérant n’est pas fondée s’agissant des actes attaqués.
129 Dès lors, il convient d’accueillir le premier moyen du recours et, partant, d’annuler les actes attaqués en ce qu’ils concernent le requérant, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième moyens soulevés à l’appui du recours.
[omissis]
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision d’exécution (PESC) 2019/87 du Conseil, du 21 janvier 2019, mettant en œuvre la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie, le règlement d’exécution (UE) 2019/85 du Conseil, du 21 janvier 2019, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie, la décision (PESC) 2019/806 du Conseil, du 17 mai 2019, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à
l’encontre de la Syrie, le règlement d’exécution (UE) 2019/798 du Conseil, du 17 mai 2019, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie, la décision (PESC) 2020/719 du Conseil, du 28 mai 2020, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et le règlement d’exécution (UE) 2020/716 du Conseil, du 28 mai 2020, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des
mesures restrictives en raison de la situation en Syrie, sont annulés en tant qu’ils concernent M. Khaldoun Al Zoubi.
2) Le Conseil de l’Union européenne est condamné aux dépens.
Gervasoni
Madise
Martín y Pérez de Nanclares
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 novembre 2021
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.
( 1 ) Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.