ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)
29 septembre 2021 ( *1 )
« Concurrence – Ententes – Marché des condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE – Coordination des prix dans l’ensemble de l’EEE – Imputation à la société mère de l’infraction commise par sa filiale – Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 – Gravité de l’infraction – Majoration du montant de l’amende pour récidive – Proportionnalité – Compétence de pleine
juridiction »
Dans l’affaire T‑341/18,
Nec Corp., établie à Tokyo (Japon), représentée par Mes O. Brouwer, A. Pliego Selie, avocats, et M. R. Bachour, solicitor,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par Mmes A. Cleenewerck de Crayencour, L. Wildpanner et F. van Schaik, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision C(2018) 1768 final de la Commission, du 21 mars 2018, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.40136 – Condensateurs), en ce que cette décision retient que la requérante a personnellement participé à l’infraction et, à titre subsidiaire, à l’annulation ou à la réduction du montant des amendes qui lui ont été
infligées,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie),
composé de Mme M. J. Costeira (rapporteure), présidente, M. D. Gratsias, Mme M. Kancheva, M. B. Berke et Mme T. Perišin, juges,
greffier : Mme E. Artemiou, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 12 octobre 2020,
rend le présent
Arrêt ( 1 )
Antécédents du litige
Requérante et secteur concerné
1 La requérante, Nec Corp., est une société établie au Japon, qui fabrique et vend des condensateurs électrolytiques au tantale.
2 Du 1er août 2009 au 31 janvier 2013, la requérante détenait 100 % du capital de Nec Tokin Corporation, devenue Tokin Corp.
3 L’infraction en cause concerne les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale. Les condensateurs sont des composants électriques qui stockent de l’énergie de manière électrostatique dans un champ électrique. Les condensateurs électrolytiques sont utilisés dans presque tous les produits électroniques, tels que des ordinateurs personnels, des tablettes, des téléphones, des climatiseurs, des réfrigérateurs, des lave-linges, des produits automobiles et des appareils industriels. La
clientèle est donc très diversifiée. Les condensateurs électrolytiques, et plus précisément les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale, sont des produits dont le prix constitue un paramètre concurrentiel important.
Procédure administrative
4 Le 4 octobre 2013, Panasonic et ses filiales ont saisi la Commission européenne d’une demande d’octroi d’un marqueur au titre des paragraphes 14 et 15 de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la « communication sur la coopération de 2006 »), en fournissant des informations sur l’existence d’une infraction présumée dans le secteur des condensateurs électrolytiques.
5 Le 28 mars 2014, la Commission a, au titre de l’article 18 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), demandé des renseignements à plusieurs entreprises opérant dans le secteur des condensateurs électrolytiques, notamment à la requérante.
6 Le 21 mai 2014, la requérante, conjointement avec Tokin, a présenté auprès de la Commission une demande de réduction du montant de l’amende au titre de la communication sur la coopération de 2006.
7 Le 4 novembre 2015, la Commission a adopté une communication des griefs qu’elle a adressée notamment à la requérante.
8 Les destinataires de la communication des griefs, dont la requérante, ont été entendus par la Commission lors de l’audition ayant eu lieu du 12 au 14 septembre 2016.
Décision attaquée
9 Le 21 mars 2018, la Commission a adopté la décision C(2018) 1768 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.40136 – Condensateurs) (ci-après la « décision attaquée »).
Infraction
10 Par la décision attaquée, la Commission a constaté l’existence d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) dans le secteur des condensateurs électrolytiques, à laquelle neuf entreprises ou groupes d’entreprises, à savoir Elna, Hitachi AIC, Holy Stone, Matsuo, Nichicon, Nippon Chemi-Con, Rubycon, Sanyo (désignant Sanyo et Panasonic ensemble), Tokin et la requérante, conjointement dénommées « NEC Tokin », ont
participé (ci-après, pris ensemble, les « participants à l’entente ») (considérant 1 et article 1er de la décision attaquée).
11 La Commission a relevé, en substance, que l’infraction en cause s’était déroulée entre le 26 juin 1998 et le 23 avril 2012, sur l’ensemble du territoire de l’EEE, et avait consisté en des accords et/ou pratiques concertées qui avaient pour objet la coordination des politiques de prix en ce qui concerne la fourniture de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale (considérant 1 de la décision attaquée).
12 L’entente était essentiellement organisée au moyen de réunions multilatérales, qui se tenaient généralement au Japon, tous les mois ou un mois sur deux, au niveau des cadres supérieurs de vente, et tous les six mois, au niveau des dirigeants, y compris des présidents (considérants 63, 68 et 738 de la décision attaquée).
13 Les réunions multilatérales ont été, tout d’abord, organisées, entre 1998 et 2003, sous le nom de « cercle du/des condensateurs électrolytiques », de « conférence des condensateurs électrolytiques » ou de « réunions ECC ». Elles ont été, ensuite, organisées, entre 2003 et 2005, sous le nom de « conférence aluminium-tantale », de « groupe des condensateurs à l’aluminium ou au tantale » ou de « réunions ATC ». Elles ont été, enfin, organisées, entre 2005 et 2012, sous le nom de « groupe d’étude de
marché », de « groupe de marketing » ou de « réunions MK ». Parallèlement aux réunions MK, et en complément de celles-ci, des réunions « augmentation des coûts » ou « augmentation des condensateurs » (ci-après les « réunions CUP »), ont été organisées, entre 2006 et 2008 (considérant 69 de la décision attaquée).
14 Outre ces réunions multilatérales, les participants à l’entente avaient également, selon les besoins, des contacts bilatéraux et trilatéraux ad hoc (considérants 63, 75 et 739 de la décision attaquée).
15 Dans le cadre des échanges anticoncurrentiels, les participants à l’entente, en substance, échangeaient des informations sur les prix et les futurs prix pratiqués, sur les futures réductions de prix et les fourchettes de ces réductions, sur l’offre et la demande, y compris sur l’offre et la demande futures, et, dans certains cas, concluaient, appliquaient et suivaient des accords sur les prix (considérants 62, 715, 732 et 741 de la décision attaquée).
16 La Commission a considéré que le comportement des participants à l’entente constituait une forme d’accord et/ou de pratique concertée, qui visait un objectif commun, à savoir éviter la concurrence par les prix et coordonner leur futur comportement concernant la vente de condensateurs électrolytiques, en réduisant ainsi l’incertitude sur le marché (considérants 726 et 731 de la décision attaquée).
17 La Commission a conclu que ce comportement avait un objet anticoncurrentiel unique (considérant 743 de la décision attaquée).
Responsabilité de Tokin et de la requérante
18 La Commission a retenu la responsabilité de Tokin en raison de sa participation directe à l’entente du 29 janvier 2003 au 23 avril 2012, sauf en ce qui concerne les réunions CUP [considérants 944 et 1022 et article 1er, sous e), de la décision attaquée].
19 En outre, la Commission a retenu la responsabilité de la requérante en sa qualité de société mère, détenant la totalité du capital de Tokin, pour la période allant du 1er août 2009 au 23 avril 2012, sauf en ce qui concerne les réunions CUP [considérants 945 et 1022 et article 1er, sous e), de la décision attaquée].
Amendes infligées à la requérante
20 L’article 2, sous f) et h), de la décision attaquée inflige, d’une part, une amende d’un montant de 5036000 euros à Tokin « conjointement et solidairement » avec la requérante et, d’autre part, une amende d’un montant de 2595000 euros à la requérante.
Calcul du montant des amendes
21 Aux fins du calcul du montant des amendes, la Commission a suivi la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées, en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 ») (considérant 980 de la décision attaquée).
22 En premier lieu, pour déterminer le montant de base des amendes infligées à la requérante, la Commission a pris en compte la valeur des ventes durant la dernière année complète de participation à l’infraction, conformément au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 (considérant 989 de la décision attaquée).
23 La Commission a calculé la valeur des ventes sur la base des ventes de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale facturées à des clients établis dans l’EEE (considérant 990 de la décision attaquée).
24 En outre, la Commission a calculé la valeur pertinente des ventes séparément pour les deux catégories de produits, à savoir les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et les condensateurs électrolytiques au tantale, et leur a appliqué des coefficients multiplicateurs différents en fonction de la durée (considérant 991 de la décision attaquée).
25 En ce qui concerne la requérante, la Commission a retenu un coefficient multiplicateur pour la durée de 2,72, correspondant à la période comprise entre le 1er août 2009 et le 23 avril 2012 (considérant 1007, tableau 1, de la décision attaquée).
26 La Commission a fixé la proportion de la valeur des ventes à retenir au titre de la gravité de l’infraction à 16 %. À cet égard, elle a estimé que des « arrangements » horizontaux de coordination des prix comptaient, de par leur nature même, parmi les infractions les plus graves à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE et que l’entente s’étendait à l’ensemble du territoire de l’EEE (considérants 1001 à 1003 de la décision attaquée).
27 La Commission a appliqué un montant additionnel de 16 %, au titre du paragraphe 25 des lignes directrices de 2006, afin de s’assurer du caractère suffisamment dissuasif de l’amende infligée (considérant 1009 de la décision attaquée).
28 La Commission a, dès lors, fixé à 6108000 euros le montant de base de l’amende à infliger à Tokin conjointement et solidairement avec la requérante (considérant 1010, tableau 2, de la décision attaquée).
29 En deuxième lieu, s’agissant des ajustements du montant de base des amendes, d’une part, la Commission a accordé à Tokin et à la requérante, au titre des circonstances atténuantes, une réduction de 3 % du montant de base de l’amende, au motif que leur participation aux réunions CUP n’était pas établie et que rien ne prouvait qu’elles en avaient eu connaissance (considérant 1022 de la décision attaquée).
30 D’autre part, la Commission a estimé que, au moment où l’infraction en cause avait été commise, la requérante avait déjà été tenue pour responsable d’un comportement anticoncurrentiel portant sur la coordination des prix à l’égard des « grands équipementiers (OEM) spécialisés dans les PC/serveurs » au cours de la période allant du 1er juillet 1998 au 15 juin 2002. Cette première infraction avait été constatée par la décision C(2011) 180/09 final de la Commission du 19 mai 2010 relative à une
procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/38.511 – DRAM) (ci-après la « décision DRAM »). Par conséquent, la Commission a estimé que, pour la requérante, le montant de base de l’amende devait être augmenté de 50 % au titre de la circonstance aggravante de la récidive (considérants 1011 à 1013 de la décision attaquée).
31 En troisième lieu, la Commission a accordé à Tokin et à la requérante, pour leur coopération au titre de la communication sur la coopération de 2006, une réduction de 15 % du montant de toute amende qui, à défaut, leur aurait été infligée pour l’infraction (considérants 1104 et 1105 de la décision attaquée).
32 La Commission a, dès lors, fixé à 16445000 le montant total des amendes infligées à Tokin et à la requérante (considérant 1139, tableau 3, de la décision attaquée).
[omissis]
Procédure et conclusions des parties
34 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 mai 2018, la requérante a introduit le présent recours.
35 Le 26 septembre 2018, le mémoire en défense de la Commission a été déposé au greffe du Tribunal.
36 La réplique et la duplique ont été déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 22 novembre 2018 et le 29 janvier 2019.
37 Sur proposition de la deuxième chambre du Tribunal, celui-ci a décidé, en application de l’article 28 de son règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.
38 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, la juge rapporteure a été affectée à la neuvième chambre élargie, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.
39 Sur proposition de la juge rapporteure, le Tribunal (neuvième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a posé aux parties des questions écrites. Les parties ont répondu à ces questions dans les délais impartis et ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 12 octobre 2020.
40 À la suite du décès de M. le juge Berke survenu le 1er août 2021, les trois juges dont le présent arrêt porte la signature ont poursuivi les délibérations, conformément à l’article 22 et à l’article 24, paragraphe 1, du règlement de procédure.
41 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– à titre principal, annuler l’article 1er, sous e), de la décision attaquée, en ce qu’il retient qu’elle a personnellement participé à l’infraction visée par la décision attaquée ;
– à titre subsidiaire, annuler l’article 2, sous h), de la décision attaquée, en ce qu’il lui inflige, à elle uniquement, une amende correspondant à la majoration pour récidive ;
– à titre encore plus subsidiaire, réduire le montant des amendes qui lui ont été infligées par l’article 2, sous f) et h), de la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
42 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
43 La requérante invoque trois moyens à l’appui tant de ses conclusions présentées à titre principal, qui visent l’annulation partielle de la décision attaquée, que de ses conclusions présentées à titre subsidiaire, qui tendent à l’annulation ou à la réduction du montant des amendes qui lui ont été infligées. Ces moyens sont tirés de diverses erreurs et violations commises par la Commission et relatives, respectivement, en ce qui concerne le premier moyen, à la majoration du montant de l’amende pour
récidive, en ce qui concerne le deuxième moyen, à la qualification de la responsabilité de la requérante dans l’infraction, et, en ce qui concerne le troisième moyen, au calcul du montant des amendes infligées à la requérante.
Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée
[omissis]
Sur le premier moyen, relatif à la majoration du montant de l’amende pour récidive
70 Dans le cadre du premier moyen, la requérante soutient que l’article 2, sous h), de la décision attaquée, en ce qu’il lui inflige une majoration du montant de l’amende pour récidive, est entaché d’erreurs de droit et d’appréciation, d’un défaut de motivation et viole le principe de proportionnalité. Ce moyen comporte, en substance, trois branches.
[omissis]
74 La Commission conteste ces arguments.
75 À titre liminaire, il convient d’observer que la notion de récidive, telle qu’elle est comprise dans un certain nombre d’ordres juridiques nationaux, implique qu’une personne a commis de nouvelles infractions après avoir été sanctionnée pour des infractions similaires (voir arrêt du 12 décembre 2014, Eni/Commission, T‑558/08, EU:T:2014:1080, point 275 et jurisprudence citée).
76 Dans le cadre des infractions au droit de la concurrence de l’Union, le montant de base de l’amende peut être augmenté lorsque la Commission constate l’existence de circonstances aggravantes. L’une des circonstances aggravantes est la récidive, définie par le paragraphe 28, premier tiret, des lignes directrices de 2006 comme la poursuite ou la répétition d’une infraction identique ou similaire après que la Commission ou une autorité nationale de concurrence a constaté que l’entreprise en cause a
enfreint les dispositions de l’article 101 TFUE ou de l’article 102 TFUE. Dans un tel cas, le montant de base de l’amende peut être augmenté jusqu’à atteindre 100 % par infraction constatée.
77 La prise en compte de la récidive vise à inciter les entreprises qui ont manifesté une propension à s’affranchir des règles de la concurrence à modifier leur comportement. La Commission peut, dès lors, dans chaque cas, prendre en considération les indices tendant à confirmer une telle propension, y compris, par exemple, le temps qui s’est écoulé entre les infractions en cause (voir arrêt du 7 juin 2011, Arkema France e.a./Commission, T‑217/06, EU:T:2011:251, point 294 et jurisprudence citée).
78 En l’espèce, ainsi qu’il ressort de l’article 2, sous h), de la décision attaquée, la Commission a infligé à la requérante une majoration du montant de l’amende pour récidive. À cet égard, il ressort des considérants 1011 à 1013 de la décision attaquée que la Commission a constaté que, au moment où l’infraction en cause avait été commise, la requérante avait déjà été tenue pour responsable d’un comportement anticoncurrentiel dans la décision DRAM. Par conséquent, la Commission a estimé que, pour
la requérante, le montant de base de l’amende devrait être augmenté de 50 % au titre de la récidive (voir point 30 ci-dessus).
79 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante.
– Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une erreur de droit, en ce que la majoration du montant de l’amende pour récidive serait contraire au caractère dérivé de la responsabilité de la requérante
80 La requérante fait valoir que la majoration du montant de l’amende pour récidive est contraire au caractère dérivé de sa responsabilité en tant que société mère de Tokin.
81 À cet égard, il convient de rappeler que la responsabilité de la société mère est purement dérivée lorsqu’elle est encourue du seul fait de la participation directe de sa filiale à l’infraction. Dans ce cas, cette responsabilité trouve son origine dans le comportement infractionnel de ladite filiale, que la société mère se voit attribuer compte tenu de l’unité économique que ces sociétés constituent. Par voie de conséquence, la responsabilité de la société mère est nécessairement fonction des
faits constitutifs de l’infraction commise par sa filiale auxquels sa responsabilité est inextricablement liée (arrêt du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 61).
82 C’est pour cette raison que la Cour a précisé que, dans la situation où la responsabilité de la société mère était purement dérivée de celle de sa filiale et dans laquelle aucun autre facteur ne caractérisait individuellement le comportement reproché à la société mère, la responsabilité de cette société mère ne saurait excéder celle de sa filiale (voir arrêt du 19 janvier 2017, Commission/Total et Elf Aquitaine, C‑351/15 P, EU:C:2017:27, point 44 et jurisprudence citée).
83 Pour des raisons identiques, la Cour a précisé que, dans une situation où aucun facteur ne caractérisait individuellement le comportement reproché à la société mère, la réduction du montant de l’amende imposée à la filiale solidairement avec sa société mère devait, en principe, lorsque les conditions procédurales requises étaient réunies, être étendue à la société mère (voir arrêt du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 62 et jurisprudence citée).
84 Toutefois, il résulte également de cette jurisprudence que des facteurs propres à la société mère peuvent justifier d’apprécier sa responsabilité et celle de la filiale d’une manière différenciée, quand bien même la responsabilité de la première serait exclusivement fondée sur le comportement infractionnel de la seconde (voir, en ce sens, arrêt du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 74).
85 À cet égard, dans une affaire mettant en cause la responsabilité de la société faîtière d’un groupe de sociétés dont certaines avaient participé directement aux ententes, la Cour a déjà jugé que la circonstance que certaines sociétés ne pouvaient plus se voir infliger des sanctions pour cause de prescription ne s’opposait pas à ce qu’une autre société, considérée comme responsable à titre personnel et solidaire avec elles pour les mêmes agissements anticoncurrentiels, et à l’égard de laquelle la
prescription n’était pas acquise, soit poursuivie (arrêt du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑516/15 P, EU:C:2017:314, points 71, 75 et 76).
86 S’agissant plus précisément de la majoration du montant de l’amende pour récidive, le Tribunal a déjà jugé que, si l’unité du comportement d’une entreprise sur le marché justifiait que, en cas d’infraction aux règles de la concurrence, les différentes sociétés ayant fait partie de l’entreprise pendant la durée de l’infraction soient, en principe, toutes tenues pour solidairement responsables du paiement du même montant de l’amende, une exception devait être admise dans l’hypothèse de
circonstances aggravantes ou atténuantes et, plus généralement, de circonstances justifiant une modulation du montant de base de l’amende qui ne seraient présentes qu’à l’égard de certaines d’entre elles et non des autres. Le Tribunal en a ainsi déduit qu’une entité à l’égard de laquelle la circonstance aggravante de la récidive n’a pas été retenue ne peut pas être tenue pour solidairement responsable, avec une autre entité à l’égard de laquelle cette circonstance a été retenue, de la partie de
l’amende correspondant à la majoration pour récidive (voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2014, Evonik Degussa et AlzChem/Commission, T‑391/09, non publié, EU:T:2014:22, point 271).
87 Le Tribunal a également jugé que des circonstances propres à la situation de la société mère ou de la filiale pourraient mener à des montants différenciés, comme dans le cas de la prise en compte de la circonstance aggravante de récidive retenue à l’encontre d’une société mère et non de sa filiale (voir, en ce sens, arrêt du 29 février 2016, UTi Worldwide e.a./Commission, T‑264/12, non publié, EU:T:2016:112, point 332).
88 En l’espèce, il convient de relever que, d’une part, la Commission a retenu la responsabilité de la requérante uniquement en tant que société mère, pour l’infraction au droit de la concurrence commise par sa filiale, avec laquelle elle formait une seule entreprise au sens de l’article 101 TFUE (voir point 63 ci-dessus). D’autre part, à l’article 2, sous h), de la décision attaquée, la Commission a retenu une majoration pour récidive à l’égard uniquement de la requérante, au motif que, par la
décision DRAM, elle avait déjà été tenue pour responsable d’un comportement anticoncurrentiel similaire (voir points 30 et 78 ci-dessus).
89 Il en résulte que la circonstance aggravante retenue par la Commission, au titre de la récidive, correspond à une circonstance qui est propre à la situation de la requérante et qui ne s’applique pas à sa filiale. Il était donc justifié que la Commission apprécie la responsabilité de la requérante et celle de la filiale d’une manière différenciée, cette appréciation pouvant mener à un montant d’amende différencié de celui de la filiale.
90 En effet, il ressort de la jurisprudence rappelée aux points 83 à 87 ci-dessus que la récidive peut constituer un facteur caractérisant individuellement le comportement d’une société mère, justifiant que l’étendue de sa responsabilité excède celle de sa filiale dont elle est entièrement dérivée (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission, T‑827/14, EU:T:2018:930, point 506).
91 Partant, il y a lieu de conclure que la majoration du montant de l’amende pour récidive n’est pas contraire au caractère dérivé de la responsabilité de la requérante.
[omissis]
96 Il s’ensuit que la première branche du premier moyen doit être écartée.
– Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée d’une erreur de droit en ce que la majoration du montant de l’amende pour récidive, qui couvre une période antérieure à la décision DRAM, est contraire à la visée dissuasive de la notion de récidive
97 Quelques précisions liminaires s’imposent en ce qui concerne l’allégation selon laquelle la majoration du montant de l’amende pour récidive « couvre » une période antérieure à la décision DRAM.
98 Ainsi, il convient de constater que, tout d’abord, la Commission a retenu la responsabilité de la requérante en sa qualité de société mère de Tokin, pour la période allant du 1er août 2009 au 23 avril 2012, sauf en ce qui concerne les réunions CUP (voir point 19 ci-dessus). Par conséquent, afin de calculer le montant de base de l’amende à infliger à Tokin conjointement et solidairement avec la requérante, la Commission a fixé le coefficient multiplicateur en fonction de la durée de l’infraction
à 2,72, correspondant à ladite période d’infraction (voir point 25 ci-dessus).
99 Ensuite, la Commission a retenu la circonstance aggravante de la récidive contre la requérante en raison de sa condamnation par la décision DRAM, datée du 19 mai 2010, qui concernait une infraction commise entre le 1er juillet 1998 et le 15 juin 2002 et a, par la suite, décidé que le montant de base de l’amende à infliger à la requérante devait être augmenté de 50 % au titre de la récidive (voir point 30 ci-dessus).
100 Enfin, pour calculer la majoration pour récidive, la Commission a appliqué ledit pourcentage de 50 % au montant de base de l’amende, conformément au paragraphe 28 des lignes directrices de 2006. À cet égard, la Commission a estimé que la récidive figurait parmi les éléments à prendre en considération lors de l’analyse de la gravité de l’infraction en cause et que, en tant que telle, la récidive n’était pas associée à la durée de l’infraction. Par conséquent, la Commission a estimé que la
majoration du montant de l’amende pour récidive ne devrait pas être calculée uniquement sur la base de la période pendant laquelle cette circonstance aggravante persistait, mais que le pourcentage d’augmentation résultant de la récidive devait être appliqué à l’intégralité de la période de la responsabilité de la requérante pour l’infraction (voir considérants 1013 et 1021 de la décision attaquée).
101 Il résulte de ce qui précède, que la première infraction de la requérante, commise antérieurement à l’infraction de la présente affaire, a été sanctionnée lorsque cette dernière avait cours. En outre, dans la mesure où le pourcentage de majoration du montant de l’amende pour récidive a été appliqué au montant de base de l’amende, ladite majoration tient compte de la période infractionnelle utilisée pour calculer ce montant de base. Il en résulte que la récidive, en tant que majoration du montant
de base de l’amende, couvre la période d’infraction imputée à la requérante dans son ensemble, laquelle comporte une période de près de neuf mois avant l’adoption de la décision DRAM, qui a eu lieu le 19 mai 2010.
102 Cependant, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la majoration du montant de l’amende pour récidive n’est pas, dans les circonstances de l’espèce, contraire à la logique sous-tendant la notion de récidive.
103 À cet égard, il convient de rappeler que la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation en ce qui concerne le choix des éléments à prendre en considération aux fins de la détermination du montant des amendes, tels que, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, le contexte de celle-ci et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’il soit nécessaire de se rapporter à une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (voir arrêt du
8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C‑3/06 P, EU:C:2007:88, point 37 et jurisprudence citée).
104 Or, le constat et l’appréciation des caractéristiques spécifiques d’une récidive font partie dudit pouvoir de la Commission (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C‑3/06 P, EU:C:2007:88, point 38). En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 77 ci-dessus, la prise en compte de la récidive vise à inciter les entreprises qui ont manifesté une propension à s’affranchir des règles de la concurrence à modifier leur comportement. La Commission peut, dès
lors, dans chaque cas, prendre en considération les indices tendant à confirmer une telle propension, y compris, par exemple, le temps qui s’est écoulé entre les infractions en cause.
105 S’agissant du laps de temps maximal pour le constat d’une récidive à l’égard d’une entreprise, il a déjà été jugé qu’un laps de temps de moins de dix ans séparant les constats de deux infractions témoignait de la propension d’une entreprise à ne pas tirer les conséquences appropriées d’un constat à son égard d’une infraction aux règles de concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C‑3/06 P, EU:C:2007:88, point 40).
106 S’agissant, en outre, du laps de temps minimal pour le constat d’une récidive, le Tribunal a considéré que la jurisprudence rappelée au point 105 ci-dessus valait à plus forte raison dans un cas où la décision constatant la première infraction et la seconde infraction étaient concomitantes. Ainsi, dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 8 juillet 2008, BPB/Commission (T‑53/03, EU:T:2008:254), et du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission (T‑54/03, non publié, EU:T:2008:255), le Tribunal a
considéré que l’historique des infractions constatées à l’encontre des parties requérantes témoignait de leur propension à ne pas tirer les conséquences appropriées d’un constat à leur égard d’une infraction aux règles de concurrence étant donné que, ayant déjà fait l’objet de mesures antérieures de la Commission par des décisions constatant la première infraction, les parties requérantes avaient continué pendant plus de quatre ans à participer activement à l’entente en cause après que ces
décisions leur ont été notifiées (arrêts du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T‑53/03, EU:T:2008:254, point 385, et du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T‑54/03, non publié, EU:T:2008:255, point 727).
107 En l’espèce, il y a lieu de constater que, certes, la première infraction de la requérante a été sanctionnée après le début de l’infraction en cause dans la présente affaire. Toutefois, il y a également lieu de constater que la requérante a continué, pendant la période allant du 19 mai 2010 au 23 avril 2012, à participer à l’entente après que la décision qui constate la première infraction lui a été notifiée.
108 Dans ces circonstances, il y a lieu de relever que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la Commission a conclu que la poursuite, par la requérante, d’un comportement infractionnel après qu’une première sanction lui a été infligée témoignait de sa propension à ne pas tirer les conséquences appropriées d’un constat à son égard d’une infraction aux règles de concurrence. En effet, ayant déjà fait l’objet de mesures antérieures de la Commission par la décision DRAM, la requérante a
continué pendant près de deux ans à participer à l’entente en cause après que cette décision lui a été notifiée. Cette conclusion n’est pas contredite par la seule circonstance que la requérante, conjointement avec Tokin, a présenté auprès de la Commission une demande de réduction du montant de l’amende au titre de la communication sur la coopération de 2006, dans la mesure où cette circonstance n’écarte pas le fait que la requérante, après qu’une première sanction lui a été infligée, s’est
impliquée dans une seconde infraction.
109 En outre, cette conclusion ne saurait être infirmée par le fait que la décision attaquée a retenu la responsabilité de la requérante uniquement en tant que société mère, au titre de la participation de sa filiale à l’entente, ainsi qu’il résulte du point 91 ci-dessus. En effet, l’objectif de réprimer les comportements contraires aux règles de la concurrence et d’en prévenir le renouvellement au moyen de sanctions dissuasives serait compromis si une entreprise visée par une première infraction,
était en mesure, en modifiant sa structure juridique par l’acquisition d’une filiale qui ne peut être poursuivie en raison de cette première infraction, mais est impliquée dans la commission de la nouvelle infraction, de rendre impossible ou particulièrement difficile et, partant, d’éviter la sanction de la récidive (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2015, Commission e.a./Versalis e.a., C‑93/13 P et C‑123/13 P, EU:C:2015:150, point 92).
110 En outre, l’arrêt du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission (T‑141/94, EU:T:1999:48), invoqué par la requérante, n’apporte aucun soutien à sa position. Dans cet arrêt, le Tribunal a considéré que la décision de la Commission était entachée d’une erreur de droit dans la mesure où la majeure partie de la période d’infraction retenue à l’encontre de la requérante était antérieure à la décision qui l’avait sanctionnée pour des infractions similaires (arrêt du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission,
T‑141/94, EU:T:1999:48, points 617 et 618).
111 Or, contrairement à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission (T‑141/94, EU:T:1999:48), en l’espèce, dans la mesure où la requérante a participé à l’infraction en cause entre le 1er août 2009 et le 23 avril 2012 et que la décision DRAM est intervenue le 19 mai 2010, force est de constater que la majeure partie de l’infraction en cause a eu lieu après l’adoption de cette décision, la requérante ayant continué à participer à l’infraction pendant près de deux
ans après que cette décision lui a été notifiée (voir points 107 et 108 ci-dessus).
112 Partant, c’est sans commettre d’erreur de droit que la Commission a estimé que le fait que la requérante avait déjà fait l’objet d’une constatation d’infraction et que, malgré cette constatation et la sanction imposée, elle avait continué à participer pendant presque deux ans à une autre infraction similaire à la même disposition du traité FUE était constitutif d’une récidive.
113 Il s’ensuit que la deuxième branche du premier moyen doit être écartée.
– Sur la troisième branche du premier moyen, tirée d’une violation du principe de proportionnalité, au motif que la majoration du montant de l’amende pour récidive couvrait une période antérieure à la décision DRAM
114 S’agissant du calcul de la majoration au titre de la récidive, il convient de relever que l’application, par la Commission, de la majoration pour récidive au montant de base de l’amende infligée à la requérante est conforme aux lignes directrices de 2006. En effet, ainsi qu’il ressort sans équivoque des paragraphes 28 et 29 de ces lignes directrices, tant les circonstances aggravantes, telles que la récidive, que les circonstances atténuantes sont des circonstances justifiant une modulation du
montant de base de l’amende, à savoir une majoration ou une réduction dudit montant. La récidive constitue donc une circonstance aggravante justifiant l’augmentation du montant de base de l’amende qui se traduit par un pourcentage de majoration de ce montant de base.
115 S’agissant de la proportionnalité de cette majoration, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans la détermination du montant de chaque amende, la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation et n’est pas tenue d’appliquer, à cet effet, une formule mathématique précise (voir arrêt du 13 septembre 2010, Trioplast Wittenheim/Commission, T‑26/06, non publié, EU:T:2010:387, point 142 et jurisprudence citée).
116 De plus, la récidive est une circonstance qui justifie une augmentation considérable du montant de base de l’amende. Elle constitue en effet la preuve que la sanction antérieurement imposée n’a pas été suffisamment dissuasive (voir arrêt du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T‑53/03, EU:T:2008:254, point 398 et jurisprudence citée).
117 En outre, il doit être relevé que le principe de proportionnalité exige que le temps écoulé entre l’infraction en cause et un précédent manquement aux règles de concurrence soit pris en compte pour apprécier la propension de l’entreprise à s’affranchir de ces règles. Dans le cadre du contrôle juridictionnel exercé sur les actes de la Commission en matière de droit de la concurrence, le Tribunal et, le cas échéant, la Cour peuvent donc être appelés à vérifier si la Commission a respecté ledit
principe lorsqu’elle a majoré, au titre de la récidive, l’amende infligée, et, en particulier, si une telle majoration s’imposait notamment au regard du temps écoulé entre l’infraction en cause et le précédent manquement aux règles de concurrence (arrêt du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C‑413/08 P, EU:C:2010:346, point 70).
118 En l’espèce, l’argumentation de la requérante visant à démontrer que la majoration du montant de l’amende pour récidive n’était pas proportionnée s’appuie, en premier lieu, sur le fait qu’elle aurait déjà été punie pour l’infraction en cause.
119 Il convient d’écarter d’emblée cet argument. Ainsi qu’il a été rappelé aux points 75 et 77 ci-dessus, la majoration du montant de l’amende au titre de la récidive, d’une part, implique qu’une personne a commis de nouvelles infractions après avoir été sanctionnée pour des infractions similaires et, d’autre part, vise précisément à assurer l’effet dissuasif de l’action de la Commission. Par conséquent, la majoration du montant de l’amende pour la récidive est ajoutée au montant de l’amende
infligée pour l’infraction.
120 L’argumentation de la requérante s’appuie, en second lieu, sur le court laps de temps écoulé entre le moment où la requérante est devenue la société mère de Tokin et l’adoption de la décision DRAM, à savoir neuf mois, de sorte que la requérante n’aurait pas été en mesure d’éviter la participation de sa filiale à l’entente. De même, la requérante ne serait responsable de l’entente que du fait de l’acquisition de sa filiale et n’aurait participé à cette infraction que pour une courte période,
alors que sa filiale y participait depuis plusieurs années.
121 À cet égard, il convient de rappeler que, la requérante ayant détenu la totalité des actions de Tokin du 1er août 2009 au 31 janvier 2013, elle était présumée exercer une influence déterminante sur cette filiale pendant ladite période, de sorte que la requérante et sa filiale formaient une seule entreprise au sens de l’article 101 TFUE (voir point 62 ci-dessus). En l’occurrence, la requérante ne conteste pas, d’ailleurs, la présomption d’exercice effectif d’influence déterminante sur sa filiale
au cours de la période infractionnelle en cause (voir point 58 ci-dessus). Ainsi, la requérante était en mesure d’éviter la continuation de la participation de Tokin à l’entente après la décision DRAM.
122 En outre, ainsi qu’il a été relevé au point 108 ci-dessus, la poursuite, par la requérante, du comportement infractionnel en cause témoigne de sa propension à ne pas tirer les conséquences appropriées d’un constat d’infraction aux règles de concurrence opéré à son égard, étant donné qu’elle avait déjà fait l’objet de mesures antérieures de la Commission par la décision DRAM et qu’elle a néanmoins continué pendant près de deux ans à participer à l’entente en cause après que cette décision lui a
été notifiée.
123 De plus, ainsi qu’il a été rappelé au point 109 ci-dessus, l’objectif de réprimer les comportements contraires aux règles de la concurrence serait compromis si une entreprise visée par une première infraction était en mesure, en modifiant sa structure juridique par l’acquisition d’une filiale qui ne peut être poursuivie en raison de cette première infraction, mais est impliquée dans la commission de la nouvelle infraction, de rendre impossible ou particulièrement difficile et, partant, d’éviter
la sanction de la récidive.
124 Dans ces circonstances, la Commission ayant constaté, en particulier, une propension de la requérante à s’affranchir des règles de concurrence et la majoration pour récidive pouvant entraîner une augmentation jusqu’à 100 % du montant de base de l’amende, conformément au paragraphe 28, premier tiret, des lignes directrices de 2006, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas violé le principe de proportionnalité en fixant à 50 % la majoration du montant de base de l’amende à infliger à la
requérante.
125 Au vu de tout ce qui précède, la troisième branche du premier moyen doit être écartée et, partant, le premier moyen dans son ensemble.
Sur le troisième moyen, relatif au calcul du montant des amendes infligées à la requérante
[omissis]
– Sur le premier grief du troisième moyen, relatif à la non-application d’une réduction de 3 % à l’amende infligée à la requérante au titre de la récidive
130 Dans le cadre du premier grief du troisième moyen, la requérante soutient, en substance, que la Commission a commis une erreur en refusant d’appliquer une réduction de 3 % au montant de l’amende qui lui a été infligée au titre de la récidive, alors qu’une telle réduction aurait été appliquée au montant de base de l’amende infligée à Tokin conjointement et solidairement avec la requérante. La non-application de cette réduction, tout d’abord, serait contraire au caractère dérivé de la
responsabilité de la requérante en tant que société mère, ensuite, aurait donné lieu à une amende excessivement élevée, correspondant à plus de la moitié du montant de l’amende qui lui a été infligée conjointement et solidairement avec Tokin et, enfin, ne serait pas suffisamment motivée.
131 La Commission conteste ces arguments.
132 En l’espèce, il convient de constater que, d’une part, la majoration du montant de l’amende pour récidive de 50 % du montant de base de l’amende infligée à Tokin conjointement et solidairement avec la requérante, diminué de la réduction de 15 % que la Commission leur a accordé pour leur coopération au titre de la communication sur la coopération de 2006, correspond à une circonstance aggravante au sens du paragraphe 28 des lignes directrices de 2006 (voir point 31 ci-dessus).
133 D’autre part, la réduction de 3 % du montant de base de l’amende infligée à Tokin conjointement et solidairement avec la requérante, étant donné que leur participation aux réunions CUP n’était pas établie et que rien ne prouvait qu’elles en avaient connaissance, correspond à une circonstance atténuante au titre du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006 (voir point 29 ci-dessus).
134 Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 114 ci-dessus, tant les circonstances aggravantes que les circonstances atténuantes sont des circonstances justifiant une modulation du montant de base de l’amende, à savoir, respectivement, une majoration ou une réduction dudit montant. Ces modulations ne sont donc pas susceptibles de s’appliquer les unes aux autres.
135 En l’espèce, la récidive, en tant que circonstance aggravante, justifie donc l’augmentation du montant de base de l’amende. Partant, c’est à bon droit que la Commission a calculé la majoration du montant de l’amende de 50 % au titre de la récidive en l’appliquant au montant de base de l’amende infligée à Tokin conjointement et solidairement avec la requérante, sans tenir compte des éventuelles réductions de ce montant de base au titre des circonstances atténuantes, en l’occurrence la réduction
de 3 %, au motif qu’il n’était pas établi que la requérante et sa filiale avaient participé aux réunions CUP.
136 Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argument de la requérante tiré du caractère dérivé de sa responsabilité en tant que société mère. Ainsi qu’il résulte des points 86 et 87 ci-dessus, la récidive constitue un facteur caractérisant individuellement le comportement de la requérante et pouvant justifier de lui infliger une sanction plus lourde que celle résultant de l’imputation de l’infraction commise par sa filiale.
137 En outre, la requérante ne saurait être suivie lorsqu’elle fait valoir que le montant de l’amende qui lui a été infligée au titre de la récidive serait excessivement élevé dans la mesure où il correspondrait à plus de la moitié du montant de base de l’amende qui lui a été infligée conjointement et solidairement avec Tokin. En effet, la thèse de la requérante repose sur l’hypothèse erronée selon laquelle la réduction de 3 % du montant de base de l’amende serait applicable à la majoration de 50 %
du montant de base de l’amende (voir points 134 et 135 ci-dessus).
138 De surcroît, la requérante n’avance aucun argument concret au soutien de son grief tiré d’une prétendue violation de l’obligation de motivation. En tout état de cause, le calcul de l’amende infligée à la requérante seule, correspondant à la majoration pour récidive, résulte sans équivoque des considérants 1011 à 1013 de la décision attaquée, lus conjointement avec le paragraphe 28 des lignes directrices de 2006 auquel se réfèrent les considérants précités.
139 Le premier grief du troisième moyen doit donc être écarté.
[omissis]
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Nec Corp. supportera ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne.
Costeira
Gratsias
Kancheva
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 septembre 2021.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.
( 1 ) Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.