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09/06/2021 | CJUE | N°T-580/19

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, Sayed Shamsuddin Borborudi contre Conseil de l'Union européenne., 09/06/2021, T-580/19


 ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

9 juin 2021 ( *1 )

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel des fonds – Liste des personnes, entités et organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Maintien du nom du requérant sur la liste – Erreur d’appréciation – Article 266 TFUE »

Dans l’affaire T‑580/19,

Sayed Shamsuddin Borborudi, demeurant à Téhéran (Iran)

, représenté par Me L. Vidal, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. V. ...

 ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

9 juin 2021 ( *1 )

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel des fonds – Liste des personnes, entités et organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Maintien du nom du requérant sur la liste – Erreur d’appréciation – Article 266 TFUE »

Dans l’affaire T‑580/19,

Sayed Shamsuddin Borborudi, demeurant à Téhéran (Iran), représenté par Me L. Vidal, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. V. Piessevaux et D. Mykolaitis, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2019/855 du Conseil, du 27 mai 2019, mettant en œuvre le règlement (UE) no 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2019, L 140, p. 1), dans la mesure où il maintient le nom du requérant sur la liste figurant à l’annexe IX du règlement (UE) no 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de
l’Iran et abrogeant le règlement (UE) no 961/2010 (JO 2012, L 88, p. 1),

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise et J. Martín y Pérez de Nanclares (rapporteur), juges,

greffier : Mme. E. Artemiou, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 3 décembre 2020,

rend le présent

Arrêt ( 1 )

I. Antécédents du litige

[omissis]

B.   Sur l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause

5 Par la décision 2011/783/PESC, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413 (JO 2011, L 319, p. 71), le Conseil a modifié cette dernière décision en vue d’appliquer ces mesures restrictives à d’autres personnes et entités dont les noms ont été ajoutés sur la liste figurant à l’annexe II de cette dernière décision. Le nom du requérant, Sayed Shamsuddin Borborudi, ainsi que la date de l’inscription de son nom sur cette liste, en l’occurrence le 1er décembre 2011, ont été ajoutés à
l’annexe II de la décision 2010/413, en mentionnant les motifs suivants :

« Chef adjoint de l’[O]rganisation iranienne de l’énergie atomique, désignée par [les Nations unies]. Il est le subordonné de Feridun Abbasi Davani, désigné par [les Nations unies]. Il participe au programme nucléaire iranien depuis 2002 au moins, y compris en qualité d’ancien chef des achats et de la logistique [du projet] AMAD, où il était responsable de l’utilisation de sociétés écrans telles que Kimia Madan pour l’achat d’équipement et de matériel pour le programme d’armement nucléaire de
l’Iran. »

[omissis]

C.   Sur le maintien du nom du requérant sur les listes en cause

[omissis]

11 Par lettre du 15 avril 2014, le requérant a présenté au Conseil une nouvelle demande de retrait des listes en cause (ci-après la « lettre du 15 avril 2014 »). Le contenu de cette nouvelle demande était, en substance, le même que celui de la lettre du 31 janvier 2013 mentionnée au point 9 ci-dessus. À cet égard, outre le contenu figurant dans cette dernière, la lettre du 15 avril 2014 incluait une mention du plan d’action conjoint conclu à Genève (Suisse) le 24 novembre 2013. Le requérant
soutenait que, au vu de ce plan, l’OIEA attendait du Conseil qu’il reconsidère sa décision d’instituer des mesures restrictives à l’égard des personnes et des entités participant au programme nucléaire iranien. Le requérant faisait également valoir qu’il ne coopérait nullement, que ce soit comme consultant ou comme administrateur, avec les sociétés ou organisations faisant l’objet de sanctions ou avec les entités liées à l’industrie nucléaire iranienne.

12 Aucun échange entre le Conseil et le requérant n’a eu lieu après l’envoi de la lettre du 15 avril 2014 jusqu’au 27 mai 2019, date à laquelle le Conseil a adopté la décision (PESC) 2019/870, modifiant la décision 2010/413 (JO 2019, L 140, p. 90), à la suite du réexamen annuel de la liste de personnes et entités figurant à l’annexe II de la décision 2010/413, tel que prévu à l’article 26, paragraphe 3 de cette dernière décision. Par l’article 1er de la décision 2019/870, l’annexe II de la décision
2010/413 a été modifiée conformément à l’annexe de la décision 2019/870. La mention concernant le requérant, figurant à cette annexe, a été modifiée pour ajouter, dans la colonne relative aux informations d’identification, la date de naissance du requérant, à savoir le 21 septembre 1969.

13 Le 27 mai 2019, le Conseil a également adopté le règlement d’exécution (UE) 2019/855 mettant en œuvre le règlement no 267/2012 (JO 2019, L 140, p. 1, ci-après l’« acte attaqué »). En vertu de l’article 1er de l’acte attaqué, l’annexe IX du règlement no 267/2012 a été modifiée pour tenir compte des modifications apportées à l’annexe II de la décision 2010/413 par la décision 2019/870. En particulier, le nom du requérant figure à la ligne 25 du tableau A de l’annexe IX du règlement no 267/2012 au
titre des personnes et des entités concourant au programme nucléaire ou de missiles balistiques et des personnes et des entités appuyant le gouvernement iranien.

II. Procédure et conclusions des parties

14 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 août 2019, le requérant a introduit le présent recours.

15 Par décision adoptée le 17 octobre 2019, en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, le président du Tribunal a réattribué l’affaire à un nouveau juge rapporteur affecté à la quatrième chambre.

16 Le 22 novembre 2019, le Conseil a déposé au greffe du Tribunal le mémoire en défense.

17 La réplique et la duplique ont été déposées, respectivement, par le requérant, le 14 février 2020, et, par le Conseil, le 23 avril 2020.

18 La phase écrite de la procédure a été clôturée le 23 avril 2020.

19 Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, sous a), du règlement de procédure, le Tribunal a, le 6 octobre 2020, demandé aux parties de répondre à une série de questions auxquelles elles ont répondu dans le délai imparti.

20 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 3 décembre 2020.

21 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler l’acte attaqué, en ce qu’il le concerne ;

– ordonner au Conseil la radiation de son nom de l’annexe IX du règlement no 267/2012 ;

– condamner le Conseil à la totalité des dépens.

22 Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours comme étant non fondé ;

– condamner le requérant aux dépens.

III. En droit

A.   Sur le premier chef de conclusions

23 Il convient d’observer que le requérant n’a pas demandé l’annulation de la décision 2019/870, adoptée concomitamment au règlement d’exécution 2019/855.

24 Selon l’article 29 TUE, sur le fondement duquel a été prise la décision 2010/413, « [l]e Conseil adopte des décisions qui définissent la position de l’Union sur une question particulière de nature géographique ou thématique. Les États membres veillent à la conformité de leurs politiques nationales avec les positions de l’Union ».

25 L’article 215, paragraphe 1, TFUE, dispose que « [l]orsqu’une décision, adoptée conformément au chapitre 2 du titre V du traité sur l’Union européenne [chapitre dans lequel figure l’article 29 TUE], prévoit l’interruption ou la réduction, en tout ou en partie, des relations économiques et financières avec un ou plusieurs pays tiers, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, sur proposition conjointe du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et de
la Commission, adopte les mesures nécessaires. Il en informe le Parlement européen ». Le paragraphe 2 de cette disposition prévoit que « [l]orsqu’une décision, adoptée conformément au chapitre 2 du titre V du traité sur l’Union européenne, le prévoit, le Conseil peut adopter, selon la procédure visée au paragraphe 1, des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales, de groupes ou d’entités non étatiques ».

26 Il ressort de la jurisprudence que les décisions adoptées sur le fondement de l’article 29 TUE et les règlements adoptés sur le fondement de l’article 215 TFUE sont deux types d’actes, le premier arrêtant la position de l’Union en ce qui concerne les mesures restrictives à adopter et le second constituant l’instrument pour donner effet auxdites mesures à l’échelle de l’Union (arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 90).

27 En outre, la Cour a jugé que la validité d’un règlement adopté sur le fondement de l’article 215 TFUE nécessite l’adoption préalable d’une décision valide conformément aux dispositions relatives à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) (voir, en ce sens, arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 55). Autrement dit, l’adoption d’un règlement sur le fondement de l’article 215 TFUE est subordonnée à l’adoption d’une décision en vertu de l’article 29 TUE.

28 Malgré l’étroite connexion entre ces deux types d’actes, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit de deux actes distincts et indépendants, de sorte que rien n’empêche une partie requérante d’attaquer uniquement un règlement d’exécution.

29 Ainsi, en l’espèce, la circonstance que l’objet du recours soit limité à une demande d’annulation de l’acte attaqué en ce qu’il concerne le requérant et ne vise pas également la décision 2019/870 ne fait pas obstacle à son examen, sans préjudice des conséquences qu’une éventuelle annulation de l’acte attaqué pourrait avoir sur cette décision (voir points 91 et suivants ci-dessous).

[omissis]

C.   Sur le fond

[omissis]

3. Sur la qualité du requérant de chef adjoint de l’OIEA

52 En premier lieu, il y a lieu de rappeler que le requérant affirme qu’il a cessé de travailler pour l’OIEA au mois d’août 2013 et qu’il n’a plus aucune relation avec cette organisation. Afin d’étayer cette affirmation, le requérant produit, premièrement, une attestation signée par le directeur général de l’OIEA, du 5 mai 2019, selon laquelle le requérant a travaillé comme « vice-président de l’[OIEA] pour les affaires exécutives et adjoint administratif et financier de cette organisation » du
23 avril 2011 au 31 août 2013. En réponse aux critiques du Conseil exprimées dans le mémoire en défense, relatives au fait que l’attestation susmentionnée présente une faible qualité technique et qu’elle n’est pas certifiée, le requérant fournit, lors du dépôt de la réplique, une nouvelle attestation provenant du directorat général du développement des ressources humaines et des allocations de l’OIEA, du 22 janvier 2020. Dans cette dernière, dont le contenu est le même que celui de l’attestation
du 5 mai 2019, il est indiqué que, après le 31 août 2013, le requérant n’a pas occupé de poste, d’emploi ou eu de relation de travail avec l’OIEA. Deuxièmement, le requérant fait valoir que sa prétendue qualité de chef adjoint de l’OIEA est contredite par un communiqué de presse du ministère des Affaires étrangères du Royaume-Uni, du 23 juin 2019, selon lequel le ministre chargé du Moyen-Orient s’était entretenu avec, notamment, le chef adjoint de l’OIEA, A. Troisièmement, dans le cadre de la
réplique, le requérant relève qu’aucun rapport de l’AIEA ne contient son nom. Or, selon le requérant, les différents rapports de cette organisation mentionnent régulièrement les noms des représentants légaux de l’OIEA, notamment celui de son président. Enfin, quatrièmement, le requérant remarque que depuis la signature du plan d’action global commun, le programme nucléaire iranien est sous étroite surveillance de l’AIEA et de l’Union. En conséquence, selon le requérant, si ce dernier était encore
effectivement lié à l’OIEA, le Conseil aurait disposé d’éléments pour le prouver.

53 Malgré les critiques du Conseil à l’encontre de l’attestation signée par le directeur général de l’OIEA, du 5 mai 2019, produite par le requérant, et malgré la contestation de certains des arguments soulevés par ce dernier, il y a lieu de remarquer que, dans le cadre de la présente procédure, le Conseil ne conteste pas, au demeurant, le fait que le requérant a cessé de travailler pour l’OIEA en août 2013.

54 En revanche, le Conseil fait valoir que, en considération de certaines circonstances, il n’était pas déraisonnable pour lui de penser, à la date d’adoption de l’acte attaqué, que le requérant continuait d’être un chef adjoint de l’OIEA. Cela résultait, en substance, premièrement, du fait que le requérant n’avait pas produit d’éléments au soutien des allégations contenues dans sa lettre du 15 avril 2014, deuxièmement, du contenu ambigu de cette lettre suggérant que le requérant l’avait écrite en
qualité de chef adjoint de l’OIEA, troisièmement, du fait que le requérant n’avait pas communiqué au Conseil son adresse ou des coordonnées différentes de celles de l’OIEA, quatrièmement, du fait que le requérant n’avait pas pris contact avec le Conseil depuis ladite lettre et, cinquièmement, du fait que ni le site Internet de l’OIEA ni d’autres sources publiques ne fournissaient d’information permettant de savoir qui occupait des postes de direction au sein de l’OIEA, de sorte que les seules
informations sur lesquelles il pouvait se fonder à cet égard étaient des éléments de preuve écrits émanant du requérant.

55 À cet égard, il convient de relever que le Conseil ne saurait reprocher au requérant, sans renverser la charge de la preuve, de ne pas avoir établi qu’il avait cessé toute activité au sein de l’OIEA en exigeant qu’il l’informe d’une telle circonstance et, encore moins, qu’il soumette au Conseil des éléments de preuve (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2014, Alchaar/Conseil, T‑203/12, non publié, EU:T:2014:602, point 152 et jurisprudence citée). Au contraire, il appartient au Conseil, dans le
cadre du réexamen annuel des mesures restrictives prévu à l’article 26, paragraphe 3, de la décision 2010/413 et à l’article 46, paragraphe 7, du règlement no 267/2012, d’examiner avec soin les éléments étayant l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause. Cela n’empêche pas que le requérant puisse présenter, à tout moment, des observations ou de nouveaux éléments de preuve, conformément à l’article 24, paragraphe 4, de la décision 2010/413 et à l’article 46, paragraphe 5, du
règlement no 267/2012. Cependant, il s’agit d’une faculté appartenant au requérant qui ne peut pas exempter le Conseil de la charge de la preuve lui incombant.

[omissis]

62 D’autre part, il y a lieu de relever que, en tout état de cause, l’extrait non confidentiel de la proposition d’inscription ne comporte qu’un seul paragraphe dont le texte coïncide avec celui figurant dans les motifs d’inscription sur les listes en cause. Or, il n’est accompagné par aucun élément étayant le motif selon lequel le requérant serait un chef adjoint de l’OIEA.

[omissis]

5. Sur le caractère passé des activités du requérant figurant dans les motifs d’inscription

[omissis]

80 En prétendant que le maintien de l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause serait justifié par les activités passées de ce dernier, le Conseil procède à une substitution des motifs sur lesquels l’acte attaqué est fondé à laquelle le Tribunal ne saurait souscrire (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2012, Oil Turbo Compressor/Conseil, T‑63/12, EU:T:2012:579, point 29 et jurisprudence citée).

81 En tout état de cause, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le critère d’inscription sur les listes en cause relatif à la fourniture d’un appui aux activités nucléaires iraniennes posant un risque de prolifération implique que soit établie l’existence d’un lien, direct ou indirect, entre les activités de la personne ou de l’entité concernée et la prolifération nucléaire (arrêt du 25 mars 2015, Central Bank of Iran/Conseil, T‑563/12, EU:T:2015:187, point 66).

82 En outre, il a été jugé que les différentes dispositions de la décision 2010/413 et du règlement no 267/2012 prévoyant le gel des fonds sont rédigées de manière générale (« participent, sont directement associés ou apportent un appui »), sans référence à des comportements préalables à une décision de gel des fonds (arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 85).

83 Par ailleurs, il convient de rappeler que les mesures restrictives contre l’Iran visent à prévenir le développement de la prolifération nucléaire en faisant pression sur cet État pour qu’il mette fin à ses activités présentant un risque de prolifération nucléaire. Il ressort tant de l’économie que de la finalité générale de la décision 2010/413, du règlement no 961/2010 ainsi que du règlement no 267/2012 que leur objectif est d’empêcher un « risque de prolifération » nucléaire dans cet État et
que les mesures de gel de fonds imposées sur le fondement de ces textes ont une vocation préventive (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, Afrasiabi e.a., C‑72/11, EU:C:2011:874, point 44).

84 Il en résulte que l’adoption de mesures restrictives à l’égard d’une personne ne présuppose pas que celle-ci ait préalablement adopté un comportement répréhensible effectif, le risque que cette personne adopte un tel comportement dans le futur pouvant être suffisant (voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 84).

85 Ainsi, si une participation effective au programme nucléaire iranien, préalable à l’adoption des mesures restrictives, ne saurait être requise, l’existence d’un lien, direct ou indirect, entre les activités d’une personne et la prolifération nucléaire est une condition pour l’inscription du nom de cette personne sur les listes en cause (voir, en ce sens, arrêt du 7 mars 2017, Neka Novin/Conseil, T‑436/14, non publié, EU:T:2017:142, point 30).

86 En l’espèce, prises isolément, les anciennes fonctions du requérant au sein de l’OIEA et, à la supposer avérée, son ancienne participation au programme nucléaire iranien, ne sauraient justifier l’inscription du nom de ce dernier sur les listes en cause. En effet, si le Conseil entendait se fonder sur les anciennes fonctions du requérant et sur son ancienne participation au programme nucléaire iranien, ainsi que sur le risque que, eu égard à ses connaissances et à ses compétences, le requérant
fournisse un appui aux activités nucléaires iraniennes posant un risque de prolifération nucléaire, il aurait incombé au Conseil d’avancer des indices sérieux et concordants permettant raisonnablement de considérer que le requérant maintenait des liens avec l’OIEA et avec le programme nucléaire iranien, ou, plus généralement, avec des activités posant un risque de prolifération nucléaire, à la date d’adoption de l’acte attaqué, justifiant l’inscription de son nom sur les listes en cause, après la
cessation de ses activités au sein de cette organisation et après la fin de sa participation au programme nucléaire iranien (arrêt du 18 février 2016, Jannatian/Conseil, T‑328/14, non publié, EU:T:2016:86, point 40).

[omissis]

D.   Conséquences du présent arrêt sur la décision 2019/870

91 En réponse à une question posée par le Tribunal, le requérant soutient, en substance, que dans l’hypothèse où le Tribunal annulerait l’acte attaqué, le Conseil devrait retirer la décision 2019/870.

92 En réponse à cette même question, le Conseil fait observer que le requérant n’a demandé l’annulation de l’acte attaqué que dans la mesure où il le concerne. En outre, il a signalé que, dans l’hypothèse où le Tribunal annulerait cet acte, l’annulation ne s’appliquerait qu’à ce dernier. Il a également fait valoir que le Tribunal est lié par les conclusions formulées par le requérant et qu’il ne saurait statuer au-delà. Enfin, le Conseil a souligné que la décision 2019/870 a été remplacée par la
décision (PESC) 2020/849 modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2020, L 196 p. 8).

93 Il convient de relever que le présent arrêt conclut uniquement à l’annulation de l’acte attaqué, à savoir le règlement d’exécution 2019/855. Il ne saurait donc entraîner, d’une manière automatique, l’annulation de la décision 2019/870.

94 Or, la circonstance que la décision 2019/870 demeure applicable quand bien même l’acte attaqué serait annulé est susceptible d’entraîner une atteinte sérieuse à la sécurité juridique, ces deux actes infligeant au requérant des mesures identiques (arrêt du 17 avril 2013, TCMFG/Conseil, T‑404/11, non publié, EU:T:2013:194, point 43).

95 En outre, pour se conformer au présent arrêt et lui donner pleine exécution, le Conseil est tenu de respecter non seulement le dispositif de cet arrêt, mais également les motifs qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif. Ce sont en effet ces motifs qui, d’une part, identifient les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause considérés comme illégaux dans la mesure où
ils sont entachés d’erreurs d’appréciation et, d’autre part, font apparaître les raisons exactes de l’illégalité constatée dans le dispositif, et que le Conseil doit prendre en considération (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, point 60 et jurisprudence citée).

96 Toutefois, si la constatation de l’illégalité ressortant des motifs de l’arrêt d’annulation oblige, en premier lieu, l’institution auteur de l’acte annulé à éliminer cette illégalité dans l’acte destiné à se substituer à l’acte annulé, elle peut également, en tant qu’elle vise une disposition d’un contenu déterminé dans une matière donnée, entraîner d’autres conséquences pour cette institution (voir arrêt du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07,
EU:T:2008:461, point 61 et jurisprudence citée).

97 S’agissant, comme en l’espèce, de l’annulation d’un règlement d’exécution modifiant la liste figurant à l’annexe IX du règlement no 267/2012, liste qui doit faire l’objet d’un réexamen à intervalles réguliers en vertu de l’article 46, paragraphe 7, du règlement no 267/2012, l’institution qui en est l’auteur a d’abord l’obligation de veiller à ce que les éventuelles décisions subséquentes de gel des fonds devant intervenir après l’arrêt d’annulation, pour régir des périodes postérieures à cet
arrêt, ne soient pas entachées des mêmes illégalités (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, point 62 et jurisprudence citée).

98 Il convient encore d’admettre que, en vertu de l’effet rétroactif qui s’attache aux arrêts d’annulation, la constatation d’illégalité remonte à la date de prise d’effet de l’acte annulé (voir arrêt du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, point 64 et jurisprudence citée). Il faut donc en déduire que, en l’espèce, le Conseil pourrait avoir aussi l’obligation, en vertu de l’article 266 TFUE, d’éliminer des textes déjà intervenus lors de l’arrêt
d’annulation les motifs d’inscription du nom du requérant ayant le même contenu que ceux jugés illégaux, si ces motifs sont étayés par les mêmes éléments de preuve que ceux examinés par le Tribunal dans le présent arrêt (voir, par analogie, arrêt du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 99/86, 193/86 et 215/86, EU:C:1988:199, point 30). Cela vaut donc pour les textes postérieurs à l’adoption de l’acte attaqué comportant des motifs d’inscription identiques à ceux jugés illégaux dans le
présent arrêt d’annulation et qui seraient fondés sur les mêmes éléments de preuve (voir, par analogie, arrêt du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 99/86, 193/86 et 215/86, EU:C:1988:199, point 31), comme pour la décision 2019/870 dont la date de prise d’effet est la même que celle de l’acte attaqué, sous réserve qu’elle comporte des motifs identiques à ceux jugés illégaux dans le présent arrêt d’annulation et qu’elle soit fondée sur les mêmes éléments de preuve.

[omissis]

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

  1) Le règlement d’exécution (UE) 2019/855 du Conseil de l’Union européenne, du 27 mai 2019, mettant en œuvre le règlement (UE) no 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran est annulé en tant qu’il concerne M. Sayed Shamsuddin Borborudi.

  2) Le Conseil est condamné aux dépens.

Gervasoni

Madise

  Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 juin 2021.

Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.

( 1 ) Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : T-580/19
Date de la décision : 09/06/2021
Type de recours : Recours en annulation - fondé

Analyses

Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel des fonds – Liste des personnes, entités et organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Maintien du nom du requérant sur la liste – Erreur d’appréciation – Article 266 TFUE.

Relations extérieures

Politique étrangère et de sécurité commune


Parties
Demandeurs : Sayed Shamsuddin Borborudi
Défendeurs : Conseil de l'Union européenne.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Martín y Pérez de Nanclares

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2021:330

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