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16/12/2020 | CJUE | N°T-207/18

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, PlasticsEurope contre Agence européenne des produits chimiques., 16/12/2020, T-207/18


 ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

16 décembre 2020 ( *1 )

« REACH – Établissement d’une liste de substances identifiées en vue d’une inclusion à terme dans l’annexe XIV du règlement (CE) no 1907/2006 – Complément de l’inscription relative à la substance bisphénol A sur cette liste – Articles 57 et 59 du règlement no 1907/2006 – Erreur manifeste d’appréciation – Approche de la force probante des éléments de preuve – Études exploratoires – Utilisations intermédiaires – Proportionnalité »

Dans l’aff

aire T‑207/18,

PlasticsEurope, établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes R. Cana, É. Mullier et F. Mattioli, avocats...

 ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

16 décembre 2020 ( *1 )

« REACH – Établissement d’une liste de substances identifiées en vue d’une inclusion à terme dans l’annexe XIV du règlement (CE) no 1907/2006 – Complément de l’inscription relative à la substance bisphénol A sur cette liste – Articles 57 et 59 du règlement no 1907/2006 – Erreur manifeste d’appréciation – Approche de la force probante des éléments de preuve – Études exploratoires – Utilisations intermédiaires – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑207/18,

PlasticsEurope, établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes R. Cana, É. Mullier et F. Mattioli, avocats,

partie requérante,

contre

Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée par Mme M. Heikkilä, M. W. Broere et Mme C. Buchanan, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. J. Möller, D. Klebs et Mme S. Heimerl, en qualité d’agents,

par

République française, représentée par Mme A.-L. Desjonquères, MM. J. Traband, E. Leclerc et W. Zemamta, en qualité d’agents,

et par

ClientEarth, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par Me P. Kirch, avocat,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision ED/01/2018 de l’ECHA, du 3 janvier 2018, par laquelle l’entrée existante relative au bisphénol A sur la liste des substances identifiées en vue d’une inclusion à terme dans l’annexe XIV du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à
ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1, rectificatif JO 2007, L 136, p. 3), conformément à l’article 59 de ce règlement, a été complétée en ce sens que le bisphénol A a été
identifié également en tant que substance possédant des propriétés perturbant le système endocrinien et pouvant avoir des effets graves sur l’environnement qui suscitent un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par l’utilisation d’autres substances énumérées à l’article 57, sous a) à e), dudit règlement, le tout au sens de l’article 57, sous f), du même règlement,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. J. Svenningsen, président, Mme T. Pynnä et M. J. Laitenberger (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt ( 1 )

I. Antécédents du litige

1 Le bisphénol A [2,2-bis(4-hydroxyphényl)propane ou 4,4’-isopropylidènediphénol, no CE 201-245-8, no CAS 0000080-05-7] est une substance utilisée principalement comme monomère dans la fabrication de polymères comme le polycarbonate et les résines époxyde. Il est alors utilisé en tant qu’intermédiaire. De plus, le bisphénol A peut être utilisé à des fins non intermédiaires. Tel est notamment le cas de son utilisation dans la fabrication du papier thermique.

2 Le 12 janvier 2017, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a publié sur son site Internet sa décision ED/01/2017, du 4 janvier 2017, concernant l’inclusion du bisphénol A dans la liste des substances identifiées en vue de leur inclusion à terme dans l’annexe XIV du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces
substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1, rectificatif JO 2007, L 136, p. 3), telle que visée à l’article 59, paragraphe 1, dudit règlement (ci-après la « liste des substances
candidates »), au motif que cette substance avait été identifiée comme étant toxique pour la reproduction au sens de l’article 57, sous c), du même règlement.

3 Le 21 mars 2017, la requérante, PlasticsEurope, a formé un recours en annulation contre la décision ED/01/2017 de l’ECHA, du 4 janvier 2017, concernant l’inclusion du bisphénol A dans la liste des substances candidates. La requérante est une association professionnelle internationale, établie en Belgique et régie par le droit belge, qui représente et défend les intérêts de plus de 100 entreprises membres, constituées de fabricants et d’importateurs de produits en matières plastiques. Elle jouit de
la personnalité et de la capacité juridiques. Cinq des entreprises membres de la requérante jouent un rôle actif dans la commercialisation du bisphénol A sur le marché de l’Union européenne et font partie du groupe « Polycarbonate/Bisphénol A » de la requérante. Les membres de ce groupe commercialisent du bisphénol A en vue d’utilisations intermédiaires et non intermédiaires. Le Tribunal a rejeté ce recours par arrêt du 11 juillet 2019, PlasticsEurope/ECHA (T‑185/17, non publié, EU:T:2019:492).

4 Le 6 juillet 2017, l’ECHA a adopté la décision ED/30/2017, par laquelle l’entrée existante relative à la substance bisphénol A sur la liste des substances candidates a été complétée en ce sens que cette substance a été identifiée également en tant que substance possédant des propriétés perturbant le système endocrinien et pouvant avoir des effets graves sur la santé humaine qui suscitent un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par l’utilisation d’autres substances énumérées à
l’article 57, sous a) à e), du règlement no 1907/2006, le tout au sens de l’article 57, sous f), du même règlement. Cette décision a été publiée le 7 juillet 2017. Le Tribunal a rejeté le recours formé par la requérante contre cette décision par arrêt du 20 septembre 2019, PlasticsEurope/ECHA (T‑636/17, sous pourvoi, EU:T:2019:639).

5 Le 29 août 2017, l’Umweltbundesamt (Office fédéral de l’environnement, Allemagne, ci‑après l’« autorité allemande compétente ») a présenté un dossier conforme à l’annexe XV du règlement no 1907/2006 (ci‑après le « dossier élaboré conformément à l’annexe XV »), en vertu de l’article 59, paragraphe 3, de ce règlement, en proposant que le bisphénol A fût identifié comme étant également une substance perturbant le système endocrinien pour laquelle il est scientifiquement prouvé qu’elle peut avoir des
effets graves sur l’environnement au sens de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006.

6 Le 5 septembre 2017, l’ECHA a publié le dossier élaboré conformément à l’annexe XV.

7 Le même jour, conformément à l’article 59, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006, l’ECHA a invité toutes les parties intéressées à soumettre leurs observations sur le dossier élaboré conformément à l’annexe XV.

8 Le 20 octobre 2017, la requérante a présenté, au nom de ses membres, des observations sur le dossier élaboré conformément à l’annexe XV.

9 Par la suite, l’autorité allemande compétente a préparé un document qui portait la date du 14 décembre 2017 et qui contenait ses réponses à tous les commentaires reçus par l’ECHA lors de la consultation publique.

10 Des commentaires ayant été reçus concernant l’identification du bisphénol A, l’ECHA a transmis le dossier au comité des États membres (ci-après le « CEM »), conformément à l’article 59, paragraphe 7, du règlement no 1907/2006. En accord avec ses procédures de travail relatives à l’identification des substances extrêmement préoccupantes, le CEM a reçu le dossier élaboré conformément à l’annexe XV, un projet d’accord du CEM et un document de travail (ci-après le « document d’appui ») contenant
l’évaluation des propriétés intrinsèques du bisphénol A à l’appui de son identification au titre de l’article 57, sous f), dudit règlement.

11 Lors de sa 57e réunion, qui s’est tenue du 11 au 15 décembre 2017, le CEM est parvenu à un accord unanime sur l’identification du bisphénol A en tant que substance répondant aux critères prévus à l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006. Quatre États membres se sont abstenus lors du vote. Parmi ces États, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a exprimé les raisons de son abstention dans une déclaration annexée au procès-verbal de la réunion. Les motifs de l’identification
du bisphénol A ont été exposés dans une version modifiée du document d’appui, telle qu’adoptée le 14 décembre 2017. Le document d’appui, dans sa version finale, conclut sur la base d’une analyse d’une multitude d’études que le bisphénol A répond à la définition du perturbateur endocrinien telle qu’établie au niveau de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et interprétée par le groupe consultatif des experts des perturbateurs endocriniens de la Commission européenne. Plus particulièrement, le
document d’appui conclut que les données in vitro et in vivo analysées indiquent que le bisphénol A agit en tant qu’agoniste de l’œstrogène chez certaines espèces de poissons ainsi qu’en tant qu’antagoniste thyroïdien chez certaines espèces d’amphibiens. De plus, ce document considère, à titre de support supplémentaire, que les analyses de différents taxons d’invertébrés démontrent qu’il est possible que les effets graves du bisphénol A résultent du mode d’action endocrinien. Enfin, il y est
indiqué que les effets du bisphénol A sur les poissons et les amphibiens sont considérés comme suscitant un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par les substances énumérées à l’article 57, sous a) à e), du règlement no 1907/2006, à savoir les substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (ci-après les « substances CMR ») ou encore les substances persistantes, bioaccumulables et toxiques (ci-après les « substances PBT ») et celles très persistantes et très
bioaccumulables (ci-après les « substances vPvB »). À ces fins, le document d’appui invoque notamment la sévérité et le caractère irréversible des effets sur les organismes et les populations ainsi que des difficultés rencontrées dans la détermination d’un niveau sûr d’exposition au bisphénol A.

12 Le 3 janvier 2018, à la suite de l’accord unanime au sein du CEM et conformément à l’article 59, paragraphe 8, du règlement no 1907/2006, l’ECHA a adopté la décision ED/01/2018 (ci-après la « décision attaquée »), par laquelle l’entrée existante relative à la substance bisphénol A sur la liste des substances candidates a été complétée en ce sens que cette substance a été identifiée, pour des raisons exposées dans le document d’appui, également en tant que substance possédant des propriétés
perturbant le système endocrinien et pouvant avoir des effets graves sur l’environnement qui suscitent un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par l’utilisation d’autres substances énumérées à l’article 57, sous a) à e), dudit règlement, le tout au sens de l’article 57, sous f), du même règlement.

13 Le 15 janvier 2018, la liste des substances candidates publiée sur le site Internet de l’ECHA a été mise à jour conformément à la décision attaquée.

II. Procédure et conclusions

14 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 mars 2018, la requérante a introduit le présent recours.

15 Le 18 juin 2018, la requérante a demandé au Tribunal de joindre les affaires T‑185/17, T‑636/17 et T‑207/18 aux fins de la phase orale de la procédure et, le cas échéant, de la décision mettant fin à l’instance, en application de l’article 68 du règlement de procédure du Tribunal.

16 Le mémoire en défense a été déposé au greffe du Tribunal le 19 juin 2018.

17 Par actes séparés, déposés au greffe du Tribunal le 9 juillet 2018, la requérante a demandé, compte tenu du fait que la République française et ClientEarth étaient des parties intervenantes dans les affaires T‑185/17 et T‑636/17 et au cas où le présent recours serait joint à ces deux affaires, que certaines informations communiquées dans la requête et dans le mémoire en défense déposés dans le cadre du présent recours bénéficient d’un traitement confidentiel à l’égard de la République française
et de ClientEarth.

18 Par actes déposés le 18 juillet, le 19 juillet et le 24 juillet 2018, la République fédérale d’Allemagne, ClientEarth et la République française ont, respectivement, demandé à intervenir au soutien des conclusions de l’ECHA.

19 Le 26 juillet 2018, le président de la cinquième chambre du Tribunal a décidé de ne pas joindre la présente affaire aux affaires T‑185/17 et T‑636/17.

20 Par actes séparés, déposés au greffe du Tribunal le 27 août 2018, la requérante a introduit trois demandes de traitement confidentiel de certaines informations communiquées dans la requête à l’égard, respectivement, de la République fédérale d’Allemagne, de la République française et de ClientEarth.

21 La réplique a été déposée le 10 septembre 2018.

22 Par ordonnance du 2 octobre 2018, le président de la cinquième chambre du Tribunal a fait droit à la demande d’intervention de ClientEarth. Par deux ordonnances du 9 octobre 2018, le président de la cinquième chambre du Tribunal a fait droit aux demandes d’intervention de la République fédérale d’Allemagne et de la République française.

23 La République fédérale d’Allemagne et la République française ne s’étant pas opposées, dans le délai imparti, au traitement confidentiel de certaines informations communiquées dans la requête, tel que demandé par la requérante le 27 août 2018, il a été fait droit aux demandes de la requérante en ce qui concerne ces parties intervenantes.

24 Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 25 octobre 2018, ClientEarth s’est opposée à la demande de traitement confidentiel de la requérante du 27 août 2018.

25 Le 30 octobre 2018, la duplique a été déposée au greffe du Tribunal.

26 Le 23 novembre et le 26 novembre 2018, la République française et la République fédérale d’Allemagne ont, respectivement, déposé au greffe du Tribunal leurs mémoires en intervention rédigés sur la base d’une version non confidentielle de la requête.

27 Après avoir entendu la requérante à l’égard des objections présentées par ClientEarth au sujet de la demande de traitement confidentiel de la requérante, le président de la cinquième chambre du Tribunal a, par ordonnance du 13 décembre 2018, rejeté cette demande en ce qui concerne ClientEarth.

28 Le 28 janvier 2019, ClientEarth a déposé son mémoire en intervention.

29 Par actes déposés au greffe du Tribunal le 14 mars et le 15 mars 2019, l’ECHA et la requérante ont, respectivement, présenté leurs observations sur les mémoires en intervention.

30 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 2 mai 2019, la requérante a demandé la tenue d’une audience de plaidoiries, en vertu de l’article 106, paragraphe 1, du règlement de procédure.

31 La composition des chambres ayant été modifiée, l’affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur siégeant dans la huitième chambre.

32 Le 10 mars 2020, le Tribunal a, à titre de mesure d’organisation de la procédure, posé des questions aux parties principales pour réponses écrites, auxquelles elles ont répondu dans le délai imparti.

33 Le 7 avril 2020, le Tribunal a, à titre de mesure d’organisation de la procédure, interrogé les parties principales sur la question de savoir si, au regard du contexte sanitaire lié à la COVID-19, elles entendaient malgré tout être entendues dans le cadre d’une audience.

34 Par mesure d’organisation de la procédure du 12 mai 2020, le Tribunal a invité chacune des parties à présenter ses observations sur les réponses des parties principales aux questions écrites du Tribunal du 10 mars 2020. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

35 Par actes déposés au greffe du Tribunal respectivement le 28 mai et le 1er juin 2020, la requérante et l’ECHA ont demandé pour des raisons liées à la crise sanitaire due à la COVID-19 le report à une date ultérieure de l’audience, à l’époque préfixée au 22 juin 2020. Le 5 juin 2020, le président de la huitième chambre a décidé de ne pas accueillir ces demandes. Le même jour, l’ECHA a été invitée par le Tribunal à lui indiquer si elle était en mesure de participer à l’audience par vidéoconférence.
Par acte déposé au greffe du Tribunal le 10 juin 2020, l’ECHA a confirmé sa participation à l’audience par vidéoconférence.

36 Par acte déposé le 9 juin 2020, la requérante a indiqué que, à l’instar de l’ECHA, elle souhaitait participer à l’audience plutôt par vidéoconférence. En revanche, dans le cas où sa participation à une audience tenue par vidéoconférence ne serait pas techniquement possible simultanément avec celle de l’ECHA, la requérante indiquait retirer sa demande de tenue d’une audience.

37 Le 12 juin 2020, au regard de l’impossibilité technique pour le Tribunal d’entendre simultanément les deux parties principales dans le cadre d’une audience par vidéoconférence et du retrait, dans cette hypothèse, de la demande de tenue d’audience par la requérante, le président de la huitième chambre a finalement décidé d’annuler l’audience. Tenant dûment compte des réponses des parties à ses questions et de leurs observations respectives sur ces réponses, le Tribunal, s’estimant suffisamment
éclairé par les pièces du dossier, a alors décidé de clore la phase orale de la procédure.

38 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– déclarer le recours recevable et fondé ;

– annuler la décision attaquée ;

– condamner l’ECHA aux dépens ;

– ordonner toute autre mesure requise dans l’intérêt de la justice.

39 L’ECHA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours dans son intégralité ;

– condamner la requérante aux dépens des deux parties.

40 La République fédérale d’Allemagne et la République française concluent à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

41 ClientEarth conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours dans son intégralité ;

– condamner la requérante à supporter les dépens de la procédure.

III. En droit

42 À l’appui de son recours, la requérante invoque quatre moyens. Le premier moyen est tiré de l’existence de plusieurs erreurs manifestes d’appréciation dans l’identification du bisphénol A en tant que substance extrêmement préoccupante au titre de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006, à savoir en tant que substance possédant des propriétés perturbant le système endocrinien pour laquelle il est scientifiquement prouvé qu’elle peut avoir des effets graves sur l’environnement qui
suscitent un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par l’utilisation d’autres substances énumérées à l’article 57, sous a) à e), dudit règlement. Par le deuxième moyen, la requérante invoque une violation de l’article 59 du règlement no 1907/2006, lu conjointement avec l’article 57, sous f), de ce règlement. Le troisième moyen vise une violation de l’article 2, paragraphe 8, sous b), dudit règlement. Par le quatrième moyen, la requérante invoque une violation du principe de
proportionnalité.

A. Sur le premier moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation dans l’application de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006

43 Par son premier moyen, la requérante soutient que, en adoptant la décision attaquée, l’ECHA a commis plusieurs erreurs manifestes d’appréciation au regard de l’exigence énoncée à l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006, selon laquelle l’identification d’une substance en tant que perturbateur endocrinien extrêmement préoccupant doit être fondée sur le fait qu’« il est scientifiquement prouvé qu’elle [peut] avoir des effets graves sur […] l’environnement » qui suscitent « un niveau de
préoccupation équivalent » à celui suscité par les effets couverts par l’article 57, sous a) à e), du même règlement.

44 L’ECHA, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, la République française et ClientEarth, conclut au rejet de ce moyen.

45 Les arguments invoqués au soutien du premier moyen peuvent être regroupés en deux branches. D’une part, la requérante fait valoir que l’ECHA a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des éléments de preuve qu’elle a estimés pertinents aux fins de l’identification du bisphénol A, car elle aurait omis de prendre en compte certaines données et se serait appuyée sur des études à caractère exploratoire. D’autre part, la requérante invoque une erreur manifeste d’appréciation dans
l’identification du bisphénol A au titre de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006, en faisant valoir, en substance, que les données évaluées par l’ECHA ne sauraient étayer les conclusions qu’elle en a tirées.

1.   Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une erreur manifeste dans l’appréciation des éléments de preuve pertinents dans le cadre de l’examen visé à l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006

46 Par la première branche du premier moyen, qui s’articule autour de deux griefs, la requérante soutient en substance que l’ECHA a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des éléments de preuve pertinents pour l’identification du bisphénol A en tant que perturbateur endocrinien pouvant avoir des effets graves sur l’environnement au titre de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006.

a)   Sur le premier grief de la première branche du premier moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation due au fait que l’ECHA aurait omis de prendre en compte certaines études

47 Dans le cadre du premier grief de la première branche du premier moyen, la requérante soutient que l’ECHA a commis une erreur manifeste d’appréciation en omettant d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce. À cet égard, la requérante invoque notamment le devoir de sollicitude qui obligerait l’ECHA à prendre en compte tous les éléments pertinents. L’ECHA aurait omis de prendre en compte, d’une part, le programme de recherche appelé « Clarity-BPA »
(consortium liant les connaissances académiques et réglementaires sur la toxicité du bisphénol A, ci-après le « programme Clarity-BPA »), lequel était encore en cours pendant la période d’évaluation du bisphénol A en vue de l’adoption de la décision attaquée, et, d’autre part, les résultats d’un certain nombre d’études que la requérante estime pertinents. Cela aurait eu un impact sur la validité de l’application de l’approche de la force probante des éléments de preuve dans le cas d’espèce et,
partant, remettrait en cause l’identification du bisphénol A comme substance extrêmement préoccupante.

1) Sur la prétendue omission de prendre en compte le programme Clarity-BPA

48 La requérante fait tout d’abord valoir que l’ECHA n’a pas pris en compte les résultats du programme Clarity-BPA. Le projet de rapport du programme Clarity-BPA aurait été publié le 23 février 2018, à savoir quelques semaines seulement après l’identification du bisphénol A par l’ECHA.

49 Le programme Clarity-BPA a été entamé en 2012 sous les auspices du National Toxicology Program (NTP, Programme national américain de toxicologie, États-Unis), du National Center for Toxicological Research (NCTR, Centre national de recherche toxicologique, États-Unis), de la Food and Drug Administration (FDA, Administration de l’alimentation et des médicaments, États-Unis) et du National Institute of Environmental Health Sciences (NIEHS, Institut national des sciences de la santé environnementale,
États-Unis). Ce programme a été lancé afin de vérifier les conclusions divergentes auxquelles étaient parvenues jusqu’alors une série d’études toxicologiques concernant le bisphénol A. Il a été conçu pour examiner, notamment, les effets potentiels sur la santé humaine des expositions à de faibles niveaux d’agents endocriniens actifs et prend en compte un large éventail de doses et de nouveaux paramètres pertinents qui n’avaient jamais été utilisés auparavant.

50 La requérante estime que les conclusions du programme Clarity-BPA, quelles qu’elles soient, ont eu un impact sur les éléments de preuve dont l’ECHA disposait et, par conséquent, auraient dû être intégrées dans l’application de l’approche de la force probante des éléments de preuve sur laquelle repose l’identification du bisphénol A en tant que substance perturbant le système endocrinien et affectant l’environnement. Selon la requérante, l’ECHA aurait donc dû attendre la publication de ces
résultats. En outre, le fait que le programme Clarity-BPA se fût concentré sur les effets du bisphénol A sur la santé humaine plutôt que sur l’environnement ne serait pas d’une importance majeure. Selon la requérante, le programme Clarity-BPA est également pertinent à des fins environnementales. Puisque tout effet allégué sur la santé humaine serait évalué sur la base de données recueillies chez les animaux, les données relatives à la santé humaine et les données relatives à l’environnement ne
sauraient, d’après la requérante, être séparées complètement et radicalement les unes des autres.

51 L’ECHA, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, la République française et ClientEarth, conteste ces arguments.

52 Il y a lieu de relever que, ainsi que le Tribunal l’a déjà jugé (arrêt du 20 septembre 2019, PlasticsEurope/ECHA, T‑636/17, sous pourvoi, EU:T:2019:639, point 170), compte tenu de la nature dynamique et exploratoire de la recherche scientifique en général, il existera probablement toujours, au moment de la prise d’une décision par l’ECHA, une étude sur une substance examinée en vertu de l’article 57 du règlement no 1907/2006, selon la procédure visée à l’article 59 de ce règlement, en cours ou
sur le point d’être démarrée. De ce fait, une obligation pour l’ECHA d’attendre l’achèvement de toutes les études effectuées au sujet d’une certaine substance rendrait impossible l’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante, ce qui serait contraire à l’objectif d’un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement tel qu’inscrit à l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006.

53 En outre, bien que le règlement no 1907/2006 ne prévoie pas de dispositions expresses concernant la possibilité de réexaminer l’inclusion d’une substance dans la liste des substances candidates au titre de l’article 59 du règlement no 1907/2006, il convient de rappeler que toute décision adoptée au titre de cette disposition peut, en règle générale, être réexaminée au regard de nouvelles informations disponibles sans qu’une disposition expresse soit nécessaire (voir, en ce sens, arrêt du
20 septembre 2019, PlasticsEurope/ECHA, T‑636/17, sous pourvoi, EU:T:2019:639, point 165).

54 À cet égard, il convient de relever que l’article 58, paragraphe 8, du règlement no 1907/2006 prévoit que les substances incluses dans l’annexe XIV de ce règlement en sont retirées dès lors que, du fait de nouvelles informations, elles ne remplissent plus les critères visés à l’article 57 dudit règlement. Cette disposition présuppose ainsi que l’ECHA peut et, le cas échéant, doit procéder à un réexamen sur la base de nouvelles informations pertinentes. Étant donné que l’identification d’une
substance au titre des articles 57 et 59 du règlement no 1907/2006 est effectuée en vue de son inclusion à terme dans l’annexe XIV dudit règlement, le droit et, le cas échéant, l’obligation de procéder à un réexamen sur la base de nouvelles informations s’applique a fortiori notamment aussi dans la période entre, d’une part, l’identification d’une substance au titre de l’article 57 du règlement no 1907/2006 et son inclusion dans la liste des substances candidates et, d’autre part, l’inclusion
ultérieure dans l’annexe XIV de ce règlement. Partant, toute nouvelle information résultant d’une étude qui était encore en cours de réalisation au moment de l’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante est donc susceptible d’être prise en compte, le cas échéant, même après l’identification prévue aux articles 57 et 58 du règlement no 1907/2006, et avant l’inclusion ultérieure de celle-ci dans l’annexe XIV dudit règlement.

55 À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de conclure que l’ECHA n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en omettant de prendre en considération le programme Clarity-BPA. Elle n’était ainsi pas tenue de prendre en compte ce programme, puisque celui-ci n’était pas encore achevé au moment de l’adoption de la décision attaquée.

2) Sur les études prétendument écartées par l’ECHA

56 La requérante fait également valoir que l’ECHA a écarté à tort des études de haute qualité obtenues, pour partie, conformément à des protocoles internationalement reconnus et cotées comme fiables selon l’échelle de cotation de Klimisch (telle que décrite dans un article de Klimisch, H. J., Andreae, M., et Tillmann, U., « A Systematic Approach for Evaluating the Quality of Experimental Toxicological and Ecotoxicological Data », Regulatory Toxicology and Pharmacology, Elsevier, 1997, vol. 25, p. 1
à 5) (ci-après l’« échelle de cotation de Klimisch »). En écartant ces études en l’espèce, l’ECHA aurait commis une erreur manifeste dans son appréciation des informations pertinentes. Selon la requérante, cette appréciation était donc arbitraire et incohérente, ce qui justifierait l’annulation de la décision attaquée.

57 Premièrement, selon la requérante, l’ECHA a ignoré l’étude Bjerregaard et al. (2008) concernant la truite fario, alors même que cette étude était suffisamment solide et étayée et qu’elle aurait dû se voir attribuer une note de fiabilité de 2 sur l’échelle de cotation de Klimisch. Or, cette étude n’aurait pas démontré d’effets néfastes du bisphénol A sur le ratio des sexes ou bien sur le développement des gonades.

58 Deuxièmement, la requérante fait valoir que le document d’appui ne fait pas mention de l’étude Picard (2010c) sur le lumbriculus variegatus, qui aurait suivi la méthode d’essai validée par la ligne directrice no 225 de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Or, de l’avis de la requérante, cette étude, qui indiquerait un niveau de concentration sans effet quatre fois plus élevé que dans une étude utilisée par l’ECHA, à savoir l’étude Ladewig et al. (2006), aurait dû
être cotée comme étant de niveau 1 selon l’échelle de cotation de Klimisch. En outre, la requérante reproche à l’ECHA d’avoir écarté à tort l’étude Picard (2010a) sur le leptocheirus plumulosus et l’étude Picard (2010b) sur le chironomus riparius. Or, l’ECHA n’aurait pas précisé dans quelle mesure ces deux études n’étaient pas pertinentes aux fins de l’identification du bisphénol A.

59 Troisièmement, la requérante reproche à l’ECHA d’avoir ignoré l’étude Lee (2010) sur l’americamysis bahia. Or, cette étude, qui serait conforme aux bonnes pratiques de laboratoire, n’évoquerait pas l’existence d’effets à médiation endocrinienne du bisphénol A.

60 Quatrièmement et enfin, selon la requérante, l’ECHA aurait omis de prendre en compte l’étude Rhodes et al. (2008) sur le pimephales promelas, telle que publiée dans Mihaich et al. (2012). Or, cette étude aurait été précisément conçue et réalisée dans le but de combler certaines déficiences dans l’état de la connaissance scientifique, mises en évidence dans le rapport de l’Union sur l’évaluation des risques liés au bisphénol A élaboré en février 2010 en conformité avec le règlement (CEE) no 793/93
du Conseil, du 23 mars 1993, concernant l’évaluation et le contrôle des risques présentés par les substances existantes (JO 1993, L 84, p. 1) (ci‑après le « rapport EU RAR »), telles qu’elles peuvent apparaître dans l’évaluation de la spermatogénèse incluse dans l’étude Sumpter et al. (2001) réalisée sur la même espèce. L’ECHA aurait donc dû tenir compte des résultats de l’étude Rhodes et al. (2008), telle que publiée dans Mihaich et al. (2008), selon lesquels les effets observés du bisphénol A
sont la conséquence d’une toxicité systémique plutôt que d’un mode d’action endocrinien.

61 L’ECHA, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, la République française et ClientEarth, conteste ces arguments.

62 À titre liminaire, il y a lieu de constater que l’ECHA dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans l’identification des substances extrêmement préoccupantes au titre de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006. À cet égard, il convient de relever que ce large pouvoir d’appréciation des autorités de l’Union, impliquant un contrôle juridictionnel limité de son exercice, ne s’applique pas exclusivement à la nature et à la portée des mesures à prendre, mais également, dans une certaine
mesure, à la constatation des données de base. Toutefois, le contrôle juridictionnel, même s’il a une portée limitée, requiert que les autorités de l’Union, auteurs de l’acte en cause, soient en mesure d’établir devant le juge de l’Union que l’acte a été adopté moyennant un exercice effectif de leur pouvoir d’appréciation, lequel suppose la prise en considération de tous les éléments et circonstances pertinents de la situation que cet acte a entendu régir (voir arrêt du 30 avril 2015, Polynt et
Sitre/ECHA, T‑134/13, non publié, EU:T:2015:254, point 53 et jurisprudence citée).

63 En l’occurrence, l’identification de la substance en cause comme extrêmement préoccupante a été effectuée en ayant recours à l’approche de la force probante des éléments de preuve. Selon le point 1.2 de l’annexe XI du règlement no 1907/2006, cette approche est caractérisée par le fait que l’hypothèse qu’une substance possède ou non une propriété dangereuse particulière peut être confirmée valablement par des éléments de preuve provenant de plusieurs sources d’informations indépendantes, alors que
les informations provenant de chacune de ces sources, considérées isolément, peuvent être insuffisantes pour permettre de formuler cette hypothèse ou cette conclusion. Cette approche présuppose que l’autorité compétente examine toutes les informations pertinentes avant d’arriver à l’identification d’une substance comme étant extrêmement préoccupante. Ainsi, l’annexe XV du règlement no 1907/2006 dispose que le dossier qui déclenche la procédure d’autorisation comporte un examen des informations
pertinentes provenant des dossiers d’enregistrement et, le cas échéant, peut s’appuyer sur toutes les autres informations disponibles. Il ressort ainsi du règlement no 1907/2006 que l’identification d’une substance en ayant recours à l’approche de la force probante des éléments de preuve doit être faite sur la base de données complètes permettant à l’autorité compétente d’exercer le pouvoir d’appréciation dont elle dispose au titre des articles 57 et 59 du règlement no 1907/2006 tout en prenant
en compte tous les éléments de preuve pertinents et disponibles à la date à laquelle l’autorité adopte sa décision.

64 L’approche suivie par l’ECHA, à savoir celle de la force probante des éléments de preuve, ainsi que la marge d’appréciation dont elle dispose, également en vue de la constatation des données de base (voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2017, Deza/ECHA, T‑115/15, EU:T:2017:329, point 164), impliquent, néanmoins, qu’il lui est loisible d’écarter des études qu’elle ne considère pas comme pertinentes pour des raisons plausibles liées à la cohérence interne de l’évaluation effectuée. À cet égard, il y a
lieu de constater, comme il a été relevé d’ailleurs par ClientEarth, que le bisphénol A est l’une des substances les plus étudiées au monde. Partant, l’obligation incombant aux institutions de l’Union de prendre en considération tous les éléments de preuve pertinents ne peut pas signifier que toutes les études qui ont été réalisées, indépendamment de leur fiabilité ou de leur pertinence, doivent nécessairement être incluses sans exception dans l’évaluation de l’ECHA. En effet, une erreur
manifeste d’appréciation ne saurait être constatée que si l’ECHA avait ignoré complètement et erronément une étude fiable dont l’inclusion aurait modifié l’évaluation globale des éléments de preuve d’une manière telle que la décision finale aurait été privée de plausibilité.

65 C’est à la lumière de ces observations préliminaires qu’il convient d’examiner si l’ECHA a commis une erreur manifeste d’appréciation au motif qu’elle n’a pas pris en compte les études invoquées par la requérante.

66 S’agissant, tout d’abord, de l’étude Bjerregaard et al. (2008), il y a lieu de noter que l’ECHA ne l’a pas considérée comme particulièrement pertinente, au motif que les auteurs de cette étude n’avaient pas, selon elle, observé de « changements majeurs dans le développement des gonades de poissons » après exposition des œufs et des alevins de la truite brune à l’E2 ou au bisphénol A et qu’ils avaient indiqué la possibilité que la « période d’exposition de l’étude en cause [eût] dû couvrir une
partie plus importante de la période de différenciation sexuelle de la truite brune si la différenciation de la gonade avait été affectée ». Il ressort ainsi de cette étude elle-même que le fait qu’aucun changement majeur dans le développement des gonades n’a pu être observé peut s’expliquer par la possibilité que la période d’exposition de l’étude ait couvert une partie trop courte de la période de différenciation sexuelle de la truite brune. Cette possibilité constatée par les auteurs de ladite
étude eux-mêmes a pu amener l’ECHA à en remettre en cause la pertinence des résultats. Partant, l’ECHA n’a pas commis d’erreur manifeste en n’ayant pas considéré que l’étude Bjerregaard et al. (2008) constituait un élément de preuve pertinent.

67 S’agissant ensuite des études Picard (2010a, 2010b, 2010c), sur, respectivement, le leptocheirus plumosus, le chironomus riparius et le lumbriculus variegatus, il convient de noter que, comme il ressort d’ailleurs de la contribution de la requérante à la consultation publique, les résultats de celles-ci ont été publiés dans la publication Staples et al. (2016), qui, quant à elle, se trouve parmi les éléments de preuve analysés dans le document d’appui au soutien de l’identification du bisphénol
A. Le document d’appui cite l’étude Staples et al. (2016), portant sur les chironomes, dans la mesure où ce groupe d’insectes constituerait un taxon pertinent pour l’évaluation des invertébrés. Dans cette étude, l’impact sur l’émergence aurait été considéré comme pertinent pour la population et possiblement à médiation endocrinienne. En revanche, comme l’ECHA l’a expliqué, les effets observés sur les espèces leptocheirus et lumbriculus n’ont pas, dans ladite étude, été au cœur de l’évaluation du
perturbateur endocrinien. Partant, il ne peut pas être reproché à l’ECHA d’avoir omis d’intégrer, dans son évaluation, les études Picard, d’autant moins que, en tout état de cause, elle les a prises en compte par le biais de l’étude Staples et al. (2016), sur laquelle elle s’est formellement appuyée en vue de l’adoption de la décision attaquée.

68 En ce qui concerne l’étude Lee (2010), sur l’americamysis bahia, une espèce d’invertébrés, il convient de relever qu’il ressort du document d’appui ainsi que des observations de l’ECHA sur la réponse donnée à cet égard par la requérante à une question du Tribunal que, délibérément, l’ECHA n’a pas effectué une analyse exhaustive des effets du bisphénol A sur les espèces d’invertébrés et n’a pas appuyé, de façon décisive, l’identification du bisphénol A sur des éléments de preuve relatifs aux
invertébrés. En effet, l’ECHA a pris en compte le fait que la perturbation endocrinienne chez des invertébrés n’était pas encore suffisamment comprise au niveau scientifique. D’ailleurs, la requérante n’explique pas et ne démontre pas dans quelle mesure les résultats de cette étude, qui n’a pas fait état d’effets à médiation endocrinienne, contrediraient l’identification du bisphénol A comme substance extrêmement préoccupante fondée sur des éléments de preuve autres que ceux relatifs aux
invertébrés, de sorte que ces résultats invalideraient la force probante des éléments de preuve de l’évaluation effectuée. Partant, la décision de ne pas s’appuyer sur cette étude apparaît, in fine, comme justifiée et se situe dans les limites du pouvoir d’appréciation de l’ECHA dans la constatation des éléments de preuve pertinents. Par conséquent, cette décision n’est pas entachée d’une erreur manifeste à cet égard.

69 S’agissant enfin de l’étude Rhodes et al. (2008), telle que publiée dans Mihaich et al. (2012), il y a lieu de constater que, contrairement à ce qu’allègue la requérante, cette étude a effectivement été prise en compte par l’ECHA, comme il ressort de la page 44 du document d’appui. Dans ce document, aucune contradiction n’a été évoquée entre cette étude et celle de Sumpter et al. (2001). Au contraire, le document d’appui conclut que l’étude Rhodes et al. (2008), telle que publiée dans Mihaich et
al. (2012), correspond bien aux résultats de l’étude Sumpter et. al. (2001), laquelle non seulement traite des effets sur la spermatogénèse, mais constate également une induction de la vittélogénine à la suite de l’exposition au bisphénol A. En ce qui concerne les faiblesses invoquées par la requérante quant aux données sur la spermatogénèse dans l’étude Sumpter et al. (2001), il y a lieu de constater, comme l’a également relevé l’ECHA, que, s’il est vrai que certaines faiblesses ont été retenues
dans le rapport EU RAR, les auteurs de ce rapport ont toutefois considéré ces données comme inappropriées seulement dans le contexte spécifique de la détermination d’une concentration prévisible sans effets. Ainsi, cet aspect ne remet pas en cause per se la pertinence de ces données aux fins de l’identification du bisphénol A en raison de ses propriétés intrinsèques, à savoir son mode d’action endocrinien. Le reproche de la requérante selon lequel l’ECHA n’aurait pas pris en compte l’étude Rhodes
et al. (2008), telle que publiée dans Mihaich et al. (2012), n’est donc pas fondé.

70 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, l’argument de la requérante selon lequel l’ECHA aurait commis une erreur manifeste d’appréciation au motif qu’elle n’a pas pris en considération les études invoquées par la requérante doit être rejeté et, partant, le premier grief de la première branche du premier moyen.

b)   Sur le second grief de la première branche du premier moyen, tiré de la prise en compte d’études exploratoires prétendument non fiables

71 Par le second grief de la première branche du premier moyen, la requérante fait valoir que l’ECHA s’est appuyée sur de nombreuses études non standard ou exploratoires, à savoir des études qui n’auraient pas été effectuées en conformité avec les méthodes validées à l’échelle nationale ou internationale, alors que le règlement no 1907/2006 ne permettrait pas, en règle générale, le recours à des études qui suivraient des méthodes non validées, dans la mesure où ces études ne pourraient pas être
considérées comme fiables.

72 La requérante reconnaît que de telles études non standard ou exploratoires, qui portent souvent sur une nouvelle espèce ou encore sur de nouveaux points d’évaluation, présentent un certain intérêt scientifique en ce qu’elles permettent d’élargir l’état de la connaissance. Elles seraient néanmoins souvent entachées de faiblesses, à savoir notamment une faible reproductibilité. Ainsi, cela remettrait en cause leur fiabilité scientifique, excluant qu’elles soient exploitables à des fins
réglementaires.

73 À l’appui de son argument, la requérante invoque le règlement délégué (UE) 2017/2100 de la Commission, du 4 septembre 2017, définissant des critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien, conformément au règlement (UE) no 528/2012 du Parlement européen et du Conseil (JO 2017, L 301, p. 1), qui prévoirait que l’identification d’une substance comme perturbateur endocrinien doit s’appuyer soit sur des « données scientifiques obtenues conformément à des
protocoles d’étude internationalement reconnus », soit sur d’« autres données scientifiques retenues en appliquant une méthode d’examen systématique ».

74 En outre, la requérante invoque la version 3.1 du guide de l’ECHA sur le partage de données de janvier 2017, qui recommanderait aux participants du marché fournissant des informations relatives à une substance en vue d’une évaluation de ses risques de recourir préférablement à des études scientifiques ayant une note de fiabilité de 1 ou de 2 en vertu de l’échelle de cotation de Klimisch. En appliquant ainsi une norme concernant la fiabilité scientifique plus élevée pour les informations fournies
par des participants au marché que pour les informations sur lesquelles elle s’appuierait en vue de l’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante, l’ECHA appliquerait une « double norme », qui, selon la requérante, serait inacceptable.

75 L’ECHA, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, la République française et ClientEarth, conteste ces arguments.

76 Il convient de rappeler que, en l’occurrence, l’ECHA est parvenue à l’identification du bisphénol A comme substance extrêmement préoccupante au titre de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 en suivant l’approche de la force probante des éléments de preuve, telle que décrite au point 63 ci-dessus. Cette approche exige que l’autorité compétente prenne en compte tous les éléments de preuve pertinents en vue de l’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante.

77 Ainsi, il ressort notamment du point 1.2 de l’annexe XI du règlement no 1907/2006 que, dans le cadre d’une approche de la force probante des éléments de preuve, des méthodes d’essai nouvellement mises au point et ne correspondant donc pas à celles définies dans un règlement de la Commission ou à des méthodes internationales reconnues par la Commission ou l’ECHA peuvent servir d’éléments de preuve à ces fins.

78 En outre, il résulte de l’annexe XV, point I, troisième alinéa, du règlement no 1907/2006, qui est applicable en l’espèce en vertu de l’article 59, paragraphe 3, dudit règlement, lu conjointement avec l’annexe XV, point I, premier alinéa, deuxième tiret, que, pour tous les dossiers visés à l’article 59 du même règlement, les informations pertinentes provenant des dossiers d’enregistrement sont examinées et qu’il est possible de faire appel à « toutes autres informations disponibles ».

79 Certes, il résulte de l’article 13, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1907/2006 que, aux fins de l’enregistrement des substances, de manière générale, quand des essais sur des substances sont nécessaires pour obtenir des informations sur les propriétés intrinsèques desdites substances, ces essais doivent être réalisés conformément aux méthodes d’essai définies dans un règlement de la Commission, ou conformément à d’autres méthodes d’essai internationales reconnues par la Commission ou
par l’ECHA comme étant appropriées.

80 Cependant, il résulte d’une lecture combinée de l’article 13, paragraphe 3, second alinéa, du règlement no 1907/2006 et de l’annexe XI, point 1.1.2, du même règlement que les dispositions mentionnées au point 79 ci-dessus ne constituent pas une règle absolue qui interdirait d’emblée à l’ECHA de prendre en considération, aux fins de l’identification de substances extrêmement préoccupantes, des études qui n’ont pas été réalisées conformément à des méthodes validées.

81 Bien que l’article 13, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1907/2006 exige que des essais sur des substances soient réalisés conformément à des méthodes validées sur le plan international, l’article 13, paragraphe 3, second alinéa, de ce règlement permet la production des informations sur les propriétés intrinsèques des substances « selon d’autres méthodes d’essai, pour autant que les conditions énoncées à l’annexe XI soient respectées. » À cet égard, l’annexe XI, point 1.1.2, du
règlement no 1907/2006 prévoit notamment que les données concernant les propriétés relatives à l’environnement, provenant d’expériences qui n’ont pas été effectuées conformément aux bonnes pratiques de laboratoire ou aux méthodes d’essai visées à l’article 13, paragraphe 3, de ce règlement, sont considérées comme étant équivalentes à de telles données, si certaines conditions mentionnées dans ce même point, concernant par exemple la durée de l’exposition ou les paramètres clés, sont remplies.

82 En outre, l’annexe XI, point 1.2, du règlement no 1907/2006 précise que le recours à des méthodes d’essai nouvellement mises au point, mais ne figurant pas encore parmi les méthodes validées sur le plan international visées à l’article 13, paragraphe 3, du même règlement, « peut fournir des éléments de preuve suffisants pour conclure qu’une substance possède ou non une propriété dangereuse particulière ». Ainsi, le règlement no 1907/2006 reconnaît que des données non standard ou non validées
peuvent venir à l’appui des conclusions sur les propriétés intrinsèques d’une certaine substance dès que l’ECHA suit l’approche de la force probante des éléments de preuve dans l’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante. Il est inhérent à cette approche que leur caractère non standard et, le cas échéant, leur faible fiabilité doivent être pris en considération lors de la pondération des éléments de preuve en vue de conclure sur les propriétés intrinsèques d’une substance,
sans que la faible fiabilité d’une certaine étude s’oppose de manière absolue et générale à sa prise en compte lors de l’identification d’une substance au titre de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006.

83 Au vu de ces considérations, il convient de conclure qu’il n’existe pas d’interdiction de principe pour l’ECHA de prendre en considération des études « non standard » ou « exploratoires » pour étayer, dans le cadre de l’approche de la force probante des éléments de preuve, des conclusions tirées d’études standard suivant une méthode d’essai validée aux fins de l’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante au titre de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006.

84 Cette conclusion n’est aucunement remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel l’ECHA applique une double norme dans la mesure où la version 3.1 de son guide sur le partage des données de janvier 2017 recommande aux déclarants des substances de présenter des études ayant une note de fiabilité de 1 ou 2 sur l’échelle de cotation de Klimisch, s’ils estiment être en droit de demander une compensation financière de la part d’un autre déclarant.

85 En effet, il y a lieu de constater à cet égard que la version 3.1 du guide de l’ECHA sur le partage des données de janvier 2017 contient uniquement une simple recommandation dépourvue de valeur juridique contraignante et ayant uniquement pour but d’identifier les études censées faire l’objet d’une compensation financière en raison de leur haute qualité dans le cadre du régime de partage de données prévu aux articles 27 et 30 du règlement no 1907/2006. En tant que telle, cette recommandation ne
saurait constituer une norme guidant l’ECHA dans la sélection des études étayant l’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante au titre de l’article 57, sous f), dudit règlement. Au contraire, l’ECHA doit satisfaire à l’approche des éléments de preuve qu’elle a choisie de suivre, ce qui implique qu’elle doit prendre en considération tous les éléments de preuve pertinents tout en les pondérant en fonction, parmi d’autres critères, de leur fiabilité scientifique.

86 En outre, il convient d’écarter l’argument de la requérante selon lequel des études « non standard » ou « exploratoires » seraient régulièrement entachées de faiblesses qui s’opposent à leur utilisation à des fins réglementaires.

87 Tout d’abord, force est de constater que, dans le cadre de l’échelle de cotation de Klimisch, sur laquelle s’est appuyée l’ECHA en l’espèce, des études qui ne sont pas entièrement conformes aux méthodes validées peuvent néanmoins être considérées comme fiables avec des restrictions.

88 D’ailleurs, comme la République fédérale d’Allemagne ainsi que ClientEarth l’ont à juste titre fait observer, il n’existe pas de méthodes validées pour toutes les questions liées aux propriétés endocriniennes des substances chimiques. Les études qui sont conformes aux méthodes validées ne sont pas nécessairement les études les plus pertinentes, dans la mesure où elles n’explorent pas forcément les paramètres les plus sensibles en vue de l’identification des propriétés endocriniennes. En revanche,
comme l’a relevé également la République française à cet égard, des études exploratoires sont régulièrement menées dans le but spécifique de vérifier une hypothèse scientifique précise, de sorte qu’elles permettent, en complémentarité avec des études standard, l’identification de telles propriétés. Dès lors, une approche qui exclurait en règle générale le recours à des études non standard ou exploratoires rendrait impossible l’identification de substances présentant un risque pour
l’environnement. Or, le principe de précaution, sur lequel reposent les dispositions du règlement no 1907/2006 en vertu de son article 1er, paragraphe 3, implique que, lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à la portée de risques pour la santé des personnes, des mesures de protection peuvent être prises, sans attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a., C‑616/17, EU:C:2019:800,
point 43).

89 Étant donné qu’il n’existe donc pas d’interdiction de principe pour l’ECHA de prendre en considération des études non standard ou exploratoires pour étayer, dans le cadre de l’approche de la force probante des éléments de preuve, des conclusions déjà tirées d’études standard et que, en tout état de cause, l’ECHA ne s’est pas exclusivement fondée en l’espèce sur des études non standard ou exploratoires pour motiver la décision attaquée, comme il ressort du document d’appui, il convient de conclure
que le grief de la requérante selon lequel l’ECHA aurait commis une erreur manifeste en n’excluant pas de manière générale les études non standard ou exploratoires des éléments de preuve étayant l’identification du bisphénol A comme extrêmement préoccupante au titre de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 est non fondé et, en tout état de cause, inopérant.

90 Compte tenu de ce qui précède et sans préjudice de l’examen individuel des arguments soulevés par la requérante relatifs à la fiabilité de certaines études présentées dans le cadre de la seconde branche du premier moyen, le second grief de la première branche du premier moyen, tout comme cette branche, doit être rejeté.

2.   Sur la seconde branche du premier moyen, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’identification du bisphénol A en tant que substance possédant des propriétés perturbant le système endocrinien pour laquelle il est scientifiquement prouvé qu’elle peut avoir des effets graves sur l’environnement qui suscitent un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par les substances énumérées à l’article 57, sous a) à e), du règlement no 1907/2006

91 Par la seconde branche du premier moyen, la requérante fait valoir que l’ECHA a commis plusieurs erreurs manifestes d’appréciation dans l’identification du bisphénol A en tant que perturbateur endocrinien pouvant avoir des effets graves sur l’environnement suscitant un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par l’utilisation d’autres substances énumérées à l’article 57, sous a) à e), du règlement no 1907/2006.

92 La seconde branche du premier moyen s’articule en substance autour de trois griefs. Premièrement, la requérante invoque une erreur manifeste d’appréciation commise par l’ECHA dans l’évaluation des éléments de preuve en vue de l’identification du bisphénol A. Deuxièmement, elle conteste le fait que l’ECHA aurait établi qu’il était scientifiquement prouvé que le bisphénol A aurait eu des effets graves en raison de son mode d’action endocrinien. Troisièmement, l’ECHA aurait commis une erreur
manifeste d’appréciation lors de la détermination du niveau de préoccupation tel que visé à l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006.

a)   Sur le premier grief de la seconde branche du premier moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation des éléments de preuve en vue de l’identification du bisphénol A en tant que perturbateur endocrinien ayant des effets graves pour l’environnement

93 Par le premier grief de la seconde branche du premier moyen, la requérante fait valoir que l’ECHA a commis une erreur manifeste dans l’évaluation des éléments de preuve sur lesquels elle s’est appuyée en vue de l’identification du bisphénol A au titre de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006, dans la mesure où elle aurait suivi une approche arbitraire et incohérente dans l’évaluation des éléments de preuve et où elle se serait appuyée sur des études présentant des défauts nombreux et
graves dont elle n’aurait pas tenu compte pour évaluer leur fiabilité. Or, en vertu de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006, seules les substances « telles que celles possédant des propriétés perturbant le système endocrinien […] pour lesquelles il est scientifiquement prouvé qu’elles peuvent avoir des effets graves sur […] l’environnement » peuvent être incluses dans la liste des substances candidates.

94 À titre liminaire, il y a lieu de constater que l’ECHA disposait d’une marge d’appréciation dans l’identification des propriétés intrinsèques du bisphénol A. Dans ces conditions, selon une jurisprudence constante, afin d’établir que cette agence a commis une erreur manifeste dans l’appréciation de faits complexes de nature à justifier l’annulation de l’un de ses actes, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations
des faits retenus dans cet acte. Sous réserve de cet examen, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation de faits complexes à celle de l’auteur de cet acte (voir arrêt du 9 septembre 2011, France/Commission, T‑257/07, EU:T:2011:444, point 86 et jurisprudence citée). En outre, la limitation du contrôle du juge de l’Union n’affecte pas son devoir de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence ainsi que de contrôler si ces
éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt du 9 septembre 2011, France/Commission, T‑257/07, EU:T:2011:444, point 87 et jurisprudence citée).

95 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient tout d’abord d’examiner, en l’espèce, si l’appréciation de l’ECHA relative aux propriétés intrinsèques du bisphénol A en tant que perturbateur endocrinien au titre de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 est entachée d’une erreur manifeste.

1) Sur l’évaluation des éléments de preuve

96 La requérante fait valoir que l’ECHA n’a ni appliqué une méthode d’examen systématique existante ni rédigé un document pour exposer les principes relatifs à la sélection des études qu’elle a prises en considération aux fins de l’évaluation du bisphénol A en vue de l’adoption de la décision attaquée. Ainsi, elle aurait adopté une approche arbitraire et incohérente non seulement pour sélectionner, mais également pour évaluer, les éléments de preuve. L’ECHA se serait notamment appuyée sur des études
qui présentaient des défauts nombreux et graves dont elle n’aurait pas tenu compte pour évaluer leur fiabilité.

97 Or, l’article 13 ainsi que l’annexe XI du règlement no 1907/2006 définiraient les critères relatifs à l’identification d’informations et le guide de l’ECHA sur le partage des données exigerait d’établir notamment la fiabilité d’une étude en vertu de l’échelle de cotation de Klimisch. Toutefois, l’ECHA aurait mal appliqué cette échelle de cotation. En effet, elle aurait notamment coté comme très fiable ou fiable avec restrictions (1 ou 2 sur l’échelle de cotation de Klimisch) des études qui
auraient dû, selon la requérante, être cotées comme non suffisamment documentées ou non valables (3 ou 4 sur l’échelle de cotation de Klimisch). Néanmoins, ces études auraient été invoquées par la suite par l’ECHA pour étayer sa conclusion finale.

98 De plus, l’évaluation de la fiabilité de plusieurs études in vivo, telle qu’exposée dans le document d’appui, contredirait manifestement les évaluations de la fiabilité réalisées dans le rapport EU RAR. Ces erreurs dans l’évaluation de la fiabilité des études auraient amené l’ECHA à commettre une erreur manifeste en ce qui concerne l’application correcte de l’approche des éléments de preuve à l’ensemble des informations recueillies. Elle n’aurait notamment fourni aucune justification quant à la
manière différente dont elle a mis en balance les éléments de preuve invoqués.

99 Il ressortirait également du protocole relatif à l’évaluation des dangers présentés par le bisphénol A, tel que développé par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), que, en vue de la sélection des études pertinentes pour l’évaluation de ses effets de perturbation du système endocrinien dans l’environnement, des critères scientifiques doivent être définis de manière précise et transparente. De plus, la requérante fait référence à l’annexe I du règlement (CE) no 1272/2008 du
Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement no 1907/2006 (JO 2008, L 353, p. 1), qui exigerait que la qualité et la cohérence des données soient assurées de manière appropriée dans le cadre d’une approche de la force probante des éléments de preuve.

100 À l’appui de ses arguments, la requérante invoque, en faisant référence à l’arrêt du 11 septembre 2002, Pfizer Animal Health/Conseil (T‑13/99, EU:T:2002:209), « les principes d’excellence, de transparence et d’indépendance ».

101 L’ECHA, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, la République française et ClientEarth, conteste ces arguments.

102 Il y a lieu de constater que, contrairement à ce qu’allègue la requérante, l’ECHA a appliqué une méthode d’examen systématique, ce qui ressort de la section 5.2 du document d’appui. Celle-ci indique que le point de départ de l’évaluation du bisphénol A est la définition d’un perturbateur endocrinien pour l’environnement donnée par l’OMS, telle qu’interprétée par le groupe consultatif des experts des perturbateurs endocriniens de la Commission. D’ailleurs, le document d’appui indique que
l’évaluation suit les lignes directrices pour l’évaluation de substances chimiques en raison de leurs propriétés de perturbateur endocrinien établies par l’OCDE dans son document d’orientation no 150.

103 Ensuite, le document d’appui explique que tant les données in vitro que les données in vivo ont été prises en considération afin de démontrer le mode d’action endocrinien, les effets graves, le lien biologique plausible entre ces derniers et le mode d’action endocrinien ainsi que la pertinence environnementale. À ces fins, le document d’appui explique que deux types d’effets différents ont été évalués séparément, à savoir, d’une part, les indicateurs d’un mode endocrinien et, d’autre part, les
conséquences sur des points d’évaluation apicaux. Étant donné que, ainsi que cela est précisé dans le document d’appui, les indicateurs d’un mode d’action endocrinien ainsi que les effets apicaux différaient selon les taxons, l’évaluation s’est fondée sur les études sur les poissons, les amphibiens et les invertébrés, tout en précisant que les données sur les invertébrés ne sauraient venir qu’à l’appui des conclusions tirées de manière principale des données sur certaines espèces de poissons et
d’amphibiens. En d’autres termes, les données sur les invertébrés n’ont pas eu, aux fins de l’adoption de la décision attaquée, une importance décisive autonome dans les conclusions tirées par l’ECHA.

104 Il ressort également du document d’appui que les données in vitro et in vivo ont été prises en compte selon l’approche de la force probante des éléments de preuve, ainsi que la prévoit l’annexe XI du règlement no 1907/2006 et telle que décrite au point 63 ci-dessus. À ces fins, les études utilisées par l’ECHA ont toutes été évaluées quant à leur fiabilité scientifique. Le document d’appui attribue également à chaque étude une note de fiabilité en recourant à l’échelle de cotation de Klimisch.
Ainsi, le document d’appui expose les critères qu’il applique pour déterminer si une étude peut être considérée comme fiable sans restrictions (1 sur l’échelle de cotation de Klimisch), fiable avec restrictions (2 sur l’échelle de cotation de Klimisch), non fiable (3 sur l’échelle de cotation de Klimisch) ou si aucune cotation ne peut être assignée (4 sur l’échelle de cotation de Klimisch).

105 À cet égard, il convient de relever que le document d’appui, à la page 22, contient une description synthétique du système de cotation appliqué qui n’est pas entièrement identique à l’échelle de cotation de Klimisch, telle que décrite dans l’article cité au point 56 ci-dessus. Ainsi, à titre d’exemple, selon cette publication, la cotation « 1 = fiable sans restrictions » est attribuée aux études ou aux données réalisées ou obtenues conformément à des lignes directrices validées ou
internationalement reconnues, de préférence conformément aux bonnes pratiques de laboratoire, mais également à des études où tous les paramètres sont fortement comparables à une ligne directrice. Or, selon le document d’appui, la cotation 1 est attribuée aux études dont la conception, l’exécution et la documentation sont de bonne qualité, mais qui ne sont pas forcément en conformité complète avec des lignes directrices adoptées à l’échelle internationale comme, par exemple, celles adoptées par
l’OCDE. Interrogée dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure sur ces différences dans la définition des critères de cotation, l’ECHA a néanmoins confirmé qu’elle avait eu exclusivement recours à l’échelle de cotation de Klimisch aux fins de l’identification du bisphénol A. Dès lors, les différences dans la description synthétique figurant dans le document d’appui se présentent comme purement terminologiques et ne modifient pas le système de cotation appliqué en l’espèce, qui est
celui de Klimisch.

106 Tenant compte de la fiabilité attribuée à une étude, le document d’appui distingue entre les études clés identifiées en fonction de leur fiabilité et la pertinence de cette étude. Ainsi, il ressort des réponses de l’ECHA à une question du Tribunal que des études fiables (cotées 1 ou 2 sur l’échelle de cotation de Klimisch) offrant le plus d’informations sur le mode d’action endocrinien et ses effets sont qualifiées d’études clés, alors que les études d’une fiabilité moins élevée et présentant
moins d’informations sur le mode d’action endocrinien viennent uniquement à l’appui des conclusions tirées principalement des études clés et contribuent ainsi à la force probante des éléments de preuve.

107 Dès lors, il y a lieu de constater que l’ECHA a appliqué une méthode d’examen qui, de manière systématique, garantit que l’identification des données in vivo et in vitro sur différents taxons comme éléments de preuve pertinents soit effectuée dans le plein respect du principe d’excellence scientifique. L’attribution d’une cotation selon l’échelle de cotation de Klimisch à chaque étude a notamment permis à l’ECHA une pondération des données en fonction de leur fiabilité scientifique. Or, une
telle pondération est précisément inhérente à l’approche appliquée par l’ECHA pour l’identification du bisphénol A comme substance extrêmement préoccupante au titre de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006, qui est l’approche de la force probante des éléments de preuve.

108 S’agissant du protocole relatif à l’évaluation des dangers présentés par le bisphénol A développé par l’EFSA, il convient de relever que ce protocole invoqué par la requérante ne saurait définir des critères pour l’évaluation des propriétés intrinsèques du bisphénol A devant être respectés par l’ECHA. Ce protocole est uniquement pertinent pour la mission attribuée à l’EFSA, qui est différente de celle attribuée à l’ECHA. Ainsi, le protocole de l’EFSA se concentre sur l’évaluation du risque lié à
une utilisation particulière du bisphénol A, à savoir le risque induit par l’exposition du consommateur à une substance, notamment par voie alimentaire par le biais des matériaux au contact des aliments, en vue de déterminer la dose journalière tolérable d’exposition au bisphénol A.

109 D’ailleurs, il convient de relever que le fait que la fiabilité de certaines études a été évaluée de manière différente dans le rapport EU RAR et dans le document d’appui ne saurait remettre en cause, de manière générale, l’évaluation des propriétés intrinsèques du bisphénol A effectuée par l’ECHA. Tout d’abord, ce rapport n’évalue pas de manière systématique la fiabilité des études utilisées. Il n’applique notamment pas l’échelle de cotation de Klimisch. En outre, comme le document d’appui
l’indique clairement, l’évaluation en question poursuit comme but l’évaluation des propriétés endocriniennes du bisphénol A, ce qui distingue cette évaluation d’autres évaluations du bisphénol A, à savoir notamment l’évaluation qui ressort du rapport EU RAR et qui a pour but de définir une concentration prévisible sans effets pour le bisphénol A, et non pas une évaluation de ses propriétés intrinsèques comme perturbateur endocrinien.

110 À cet égard, il y a également lieu de constater que l’échelle de cotation de Klimisch constitue certes un instrument méthodologique de référence dans le cas d’espèce. Cependant, ce n’est que si l’ECHA avait appliqué ce système de cotation de fiabilité de manière généralement incohérente, affectant ainsi la pondération des éléments de preuve, que cette approche pourrait être qualifiée comme étant entachée d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’identification du bisphénol A comme substance
extrêmement préoccupante. Or, la cohérence de l’application de l’échelle de cotation de Klimisch doit être évaluée dans le contexte spécifique de l’identification du bisphénol A telle qu’effectuée par l’ECHA. Le fait que d’autres institutions aient coté la fiabilité de la même étude de manière différente peut notamment s’expliquer par le contexte spécifique et l’objectif de cette évaluation et ne remet pas nécessairement en cause, en soi, la justesse de la cotation attribuée globalement à une
étude par l’ECHA.

111 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante concernant une prétendue absence de méthode d’examen systématique.

2) Sur les études in vitro

112 En premier lieu, s’agissant de certaines données in vitro invoquées à l’appui de la conclusion relative aux données in vivo, la requérante estime que l’ECHA a reconnu certaines faiblesses, comme notamment un défaut de contrôle avec l’antagoniste E2 dans les essais MCF‑7 et des connaissances scientifiques limitées quant à la manière d’interpréter des résultats à partir de données in vitro sur les invertébrés. Néanmoins, l’ECHA aurait omis de discuter le fait que ces données soient peu concluantes
notamment en vue de soutenir les conclusions tirées des données in vivo.

113 L’ECHA aurait également omis de prendre en compte, ainsi qu’elle l’aurait d’ailleurs reconnu, le fait que l’essai relatif à la protéine de transport des stéroïdes ne pouvait pas fournir des données concernant l’affinité de la protéine de réception des composés soumis à l’essai.

114 De plus, les études in vitro qui avaient servi de base pour constater la voie d’activité des récepteurs des œstrogènes et des récepteurs des androgènes dans le document d’appui ne reposeraient ni sur une ligne directrice d’essai validée par l’OCDE, ni sur un protocole validé par l’Environmental Protection Agency (EPA, agence de protection de l’environnement, États‑Unis). Le document d’appui présenterait d’ailleurs seulement un nombre restreint d’études sur l’activité androgénique et sur une
activité semblable à celle de l’hormone thyroïdienne. En outre, les études citées dans le document d’appui concernant l’activation transcriptionnelle ou les gènes rapporteurs sous le contrôle des récepteurs des œstrogènes, des récepteurs des androgènes et des récepteurs thyroïdiens tireraient, selon la requérante, des conclusions concernant le bisphénol A, alors qu’elles ne contiendraient aucune donnée relative au bisphénol A. L’ECHA aurait reconnu dans le document préparé par l’autorité
allemande compétente (voir point 9 ci-dessus) que ces études auraient été citées de manière erronée. Toutefois, elle n’aurait pas modifié les conclusions étayées par ces études.

115 L’ECHA, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, la République française et ClientEarth, rejette ces arguments.

116 Il convient de constater que le document d’appui est prudent dans l’appréciation des données tirées des études in vitro, dont la force probante individuelle limitée est reconnue par l’ECHA. À titre d’exemple, il est constaté à la page 29 du document d’appui qu’il n’est pas exclu que les effets observés dans le cadre des essais MCF‑7 n’aient pas été causés par un mode d’action endocrinien du bisphénol A. Le document d’appui conclut, à la page 32, que l’ensemble des données in vitro suggère que le
bisphénol A « peut » avoir un mode d’action endocrinien. Les données in vitro, considérées isolément, ne permettent donc effectivement pas de tirer des conclusions définitives sur le mode d’action du bisphénol A. Il est néanmoins cohérent que l’ECHA utilise ces données dans le cadre de l’approche de la force probante des éléments de preuve, dans la mesure où ces données viennent à l’appui des effets observés dans les études in vivo sur les poissons et sur les amphibiens.

117 À cet égard, force est de constater que la requérante ne suggère pas que les données in vitro contrediraient les effets observés in vivo. Elle se limite à remettre en cause la pertinence de certaines données in vitro, sans en tirer des conséquences sur la force probante de l’ensemble des éléments de preuve pondérés. Or, cette approche ne s’oppose pas à ce que, en dépit de leur caractère éventuellement moins fiable et peu concluant en soi, les données in vitro puissent venir à l’appui des
conclusions tirées des données ayant été jugées plus fiables et plus concluantes.

118 Comme l’a également relevé l’ECHA, le tableau général des données in vitro disponibles correspond aux conclusions tirées des effets in vivo observés. Ainsi, les faibles effets anti-androgènes observés in vitro peuvent, dans une certaine mesure, expliquer l’apparition in vivo d’effets œstrogéniques apicaux comme un ratio des sexes inégal en faveur des femelles. En ce qui concerne plus particulièrement le test de la protéine de liaison des stéroïdes sexuels, il ressort du document d’appui que ce
test montre la capacité du bisphénol A à inhiber la liaison de l’E2 à la protéine plasmatique de liaison des stéroïdes sexuels.

119 Partant, les arguments de la requérante ne sont pas de nature à démontrer une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation des études in vitro qui aurait entaché l’identification du bisphénol A comme perturbateur endocrinien pouvant avoir des effets graves sur l’environnement au titre de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006.

3) Sur les études in vivo effectuées sur des invertébrés

120 En deuxième lieu, en ce qui concerne les études in vivo effectuées pour observer les effets endocriniens chez les invertébrés, la requérante fait valoir que des études sur les escargots pour le compartiment d’eau douce et des études sur les oligochètes pour le compartiment sédimentaire contiennent des évaluations erronées. Ces études auraient néanmoins eu une incidence causale sur l’adoption de la décision attaquée.

i) Sur l’étude Oehlmann et al. (2006) sur l’escargot marisa cornuarietis

121 Premièrement, d’après la requérante, les études sur l’escargot marisa cornuarietis effectuées par Oehlmann, à savoir notamment Oehlmann et al. (2006), seraient entachées d’importantes faiblesses dans leur conception et dans les détails fournis qui auraient également été évoquées par le rapport EU RAR et publiées dans l’étude Dietrich et al. (2006). En effet, aucun laboratoire indépendant n’aurait jamais confirmé les effets graves dont Oehlmann a rendu compte. En particulier, les effets de
« super-féminisation » observés par Oehlmann n’auraient pas pu être reproduits par l’étude Forbes et al. (2008), qui, quant à elle, aurait utilisé un dispositif d’essai plus solide et plus valable d’un point de vue statistique et se serait appuyée sur une souche du marisa cornuarietis se prêtant mieux aux essais d’écotoxicité. La concentration sans effet la plus faible observée par Forbes et al. (2008) aurait été 3 à 4 fois plus élevée que dans les études d’Oehlmann. En outre, lors du processus
de validation par l’OCDE de ce qui est devenu la ligne directrice d’essai no 242 concernant les essais de reproduction du potamopyrgus antipodarum, il serait apparu que le système d’essai ne pouvait pas être validé pour les effets de « super-féminisation ». À cet égard, la requérante relève que le marisa cornuarietis et le potamopyrgus antipodarum sont des espèces clés appartenant au même groupe taxonomique, à savoir des mollusques prosobranches. Par conséquent, il serait « très probable »
qu’ils présentent des caractéristiques reproductives et des systèmes endocriniens identiques.

122 L’ECHA, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, la République française et ClientEarth, rejette ces arguments.

123 À l’égard des études in vivo effectuées sur les invertébrés, il convient de relever, à titre liminaire, qu’il ressort du document d’appui lui-même que, à défaut d’un accord scientifique sur la définition d’un lien biologique plausible entre les effets et le mode d’action endocrinien chez ces espèces d’invertébrés ainsi qu’en raison de leur caractère fragmentaire, les données tirées de ces études ont uniquement servi d’éléments de preuve de caractère additionnel venant à l’appui des conclusions
tirées en premier lieu des études sur les poissons et les amphibiens.

124 S’agissant des études d’Oehlmann, il n’est notamment pas contesté par l’ECHA qu’elles présentent certains défauts quant à leur conception expérimentale qui sont d’ailleurs explicitement décrits dans le document d’appui et qui ont été pris en compte pour la cotation de leur fiabilité. Ce document lui-même en tire la conséquence qu’il convient de traiter ces études avec prudence, sans néanmoins ignorer les effets reportés dans ces études, que le document d’appui considère comme un indicateur
possible du fait que le marisa cornuarietis réagit de manière sensible à une exposition au bisphénol A.

125 Cependant, comme il est relevé au point 64 ci-dessus, l’approche de la force probante des éléments de preuve ne s’oppose pas à ce que l’identification d’une substance s’appuie également sur des données ayant une faible fiabilité scientifique per se, dès lors que celle-ci est prise en considération lors de la pondération des données. En l’occurrence, les études d’Oehlmann, comme toutes les données tirées des études sur les invertébrés, ne constituent pas des données clés dans l’évaluation du mode
d’action endocrinien du bisphénol A, mais ne sont venues qu’à l’appui de cette évaluation. Il en résulte également que le fait que les effets reportés par Oehlmann n’ont pas pu être reproduits par l’étude Forbes et al. (2008) ne saurait remettre en cause, notamment, les conclusions tirées des études clés sur le mode d’action endocrinien effectuées sur des poissons et des amphibiens.

126 De plus, le document d’appui examine les raisons qui pourraient expliquer le fait que les effets constatés dans les études d’Oehlmann n’ont pas pu être reproduits. Parmi elles figurent la différence de souche utilisée et les effets de masque d’un taux de reproduction élevé ainsi que le fait que la saisonnalité n’aurait pas été prise en considération dans l’étude Forbes et al. (2008). Selon le document d’appui, les effets observés dans les études d’Oehlmann pourraient en outre être attribués aux
métabolites qui seraient bien visibles dans les concentrations pertinentes dans des conditions semi-statistiques, et non dans les conditions dynamiques comme celles utilisées par Forbes. D’ailleurs, comme le relèvent la République fédérale d’Allemagne et ClientEarth, les études de Forbes n’étaient pas destinées à reproduire les études d’Oehlmann.

127 Partant, la manière dont l’ECHA a traité les études d’Oehlmann n’est pas entachée d’erreurs à la lumière des exigences posées par l’approche de la force probante des éléments de preuve.

ii) Sur les études Duft et al. (2003) et Jobling et al. (2004) sur l’escargot potamopyrgus antipodarum

128 Deuxièmement, la requérante présente des observations semblables en ce qui concerne les études sur l’escargot potamopyrgus antipodarum réalisées par Duft et al. (2003) et par Jobling et al. (2004). À cet égard, la requérante fait valoir que les résultats relatifs aux effets du bisphénol A dont font état ces études n’ont pas pu être confirmés par d’autres études définitives, notamment Forbes et al. (2007), Forbes et al. (2008), Warbritton et al. (2007a) et Warbritton et al. (2007b).

129 L’ECHA, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, la République française et ClientEarth, rejette ces arguments.

130 Il y a lieu de relever que, selon le document d’appui, l’ECHA a pris en compte des effets observés par Duft et al. (2003) et par Jobling et al. (2004) sur l’escargot potamopyrgus antipodarum dans le cadre de l’approche de la force probante des éléments de preuve comme étant des données venant uniquement à l’appui des conclusions sur le mode d’action endocrinien du bisphénol A chez les poissons et les amphibiens. Ces études ont constaté une stimulation de la production embryonnaire à des
concentrations réduites que l’ECHA a traitée comme indicative d’un mode d’action comparable à celui d’un mode d’action œstrogénique. Ainsi, l’ECHA a donné une valeur relative inférieure à cette étude, comme d’ailleurs à toutes les études sur les invertébrés, lors de la pondération globale des données disponibles. Cela étant, le caractère purement indicatif des effets reportés par Jobling et al. (2004) et Duft et al. (2003) ne saurait être remis en cause par le fait qu’ils n’ont pas été confirmés
par les études invoquées par la requérante.

131 Enfin, la requérante n’a en tout état de cause pas fourni d’éléments qui invalideraient les effets reportés par Jobling et al. (2004) et Duft et al. (2003) et qui seraient de nature à démontrer que les résultats de ces auteurs ne pouvaient pas servir d’éléments de preuve venant à l’appui des conclusions sur le mode d’action endocrinien du bisphénol A.

iii) Sur l’étude Ladewig et al. (2006) sur le lumbriculus variegatus

132 Troisièmement, la requérante soutient que l’ECHA s’est appuyée à tort sur une étude sur le ver annélide lumbriculus variegatus effectuée par Ladewig et al. (2006). Cette étude n’aurait pas eu pour objectif de produire des données solides pour l’évaluation des risques, mais plutôt de présenter une nouvelle approche technique. Il conviendrait d’ailleurs de remarquer que l’étude de haute qualité Picard (2010c) indiquerait un niveau de concentration sans effets qui serait quatre fois plus élevé que
celui de l’étude exploratoire Ladewig et al. (2006).

133 L’ECHA, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, la République française et ClientEarth, rejette ces arguments.

134 À cet égard, force est de constater que le document d’appui conclut explicitement que le mode d’action sous-jacent potentiel du bisphénol A ne ressort pas clairement de l’étude Ladewig et al. (2006). Ainsi, l’ECHA a bien pris en considération la valeur probante limitée de cette étude lors de l’identification des propriétés de perturbateur endocrinien du bisphénol A dans le cadre de l’approche des éléments de preuve. Étant donné, d’ailleurs, que les études sur les invertébrés ne sont venues qu’à
l’appui de cette identification dans le cadre de l’approche de la force probante des éléments de preuve, les prétendus défauts dans l’évaluation de l’étude Ladewig et al. (2006), à les supposer établis, ne sauraient, en tout état de cause, constituer une erreur manifeste d’appréciation entachant l’identification du bisphénol A au titre de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006.

135 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter les arguments soulevés concernant les études effectuées sur les invertébrés.

4) Sur les études in vivo sur les amphibiens

136 En troisième lieu, la requérante fait valoir que l’ECHA s’est fondée sur certaines études sur des espèces d’amphibiens comme constituant des éléments de preuve solides alors que le CEM aurait reconnu la disponibilité réduite des données et leur piètre qualité. Plus précisément, les données in vitro existantes ne correspondraient pas aux constatations in vivo à cet égard. Les données in vitro, qui seraient d’ailleurs faibles et limitées, prouveraient des interactions avec le récepteur des
hormones thyroïdiennes et indiqueraient que le bisphénol A est un antagoniste de ce récepteur, alors que les données in vivo constatant un développement accéléré chez les amphibiens plaideraient en faveur du fait que le bisphénol A est un agoniste du récepteur des hormones thyroïdiennes. Partant, le mécanisme donnant lieu à un développement accéléré chez les amphibiens resterait obscur.

137 D’ailleurs, les données in vivo sur les amphibiens présenteraient de graves manquements. Ainsi, dans l’étude Heimeier et al. (2009) sur le xenopus laevis, que le document d’appui considère comme une étude clé et qui est cotée comme étant fiable avec restrictions (2 sur l’échelle de cotation de Klimisch), les animaux témoins se seraient trouvés au stade de développement 54 sur l’échelle pertinente de Nieuwkoop et Faber au début de l’étude et n’auraient atteint le stade 56 qu’après 21 jours, alors
que la méthode d’essai pertinente, à savoir la ligne directrice no 231 de l’OCDE sur les essais de métamorphose des amphibiens, exigerait que les animaux témoins présentent un stade de développement 51 au début de l’étude et qu’il atteignent au moins le stade de développement 57 après 21 jours. Par conséquent, la requérante remet en cause la fiabilité de l’ensemble de l’étude, qui aurait, selon elle, dû recevoir une note de fiabilité de 3 sur l’échelle de cotation de Klimisch et, pour cette
raison, ne pouvait pas constituer un élément de preuve solide en l’espèce. L’ECHA n’aurait d’ailleurs pas pris en compte ces observations communiquées lors de la consultation publique du dossier élaboré conformément à l’annexe XV.

138 Dans ses observations sur la réponse à une question écrite du Tribunal adressée à cet égard à l’ECHA, la requérante a par ailleurs souligné que les observations figurant dans l’étude Heimeier e.a. (2009) peuvent également s’expliquer en raison d’une conception d’étude erronée, à savoir le mépris du régime alimentaire quotidien. De plus, les mêmes observations auraient été faites chez les témoins négatifs n’ayant subi aucune exposition au bisphénol A. Enfin, selon la requérante, l’étude Iwamuro
et al. (2003) sur la même espèce ne pouvait pas conforter les conclusions quant à l’existence d’un mode d’action thyroïdien, étant donné que les effets n’auraient été observés qu’à une concentration équivalente à une toxicité aiguë, ce qui ne serait pas conforme à l’essai de métamorphose des amphibiens selon la ligne directrice no 231 de l’OCDE.

139 L’ECHA, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, la République française et ClientEarth, rejette ces arguments.

140 Il convient tout d’abord de relever que le document d’appui conclut que le bisphénol A agit en tant qu’antagoniste thyroïdien auprès des amphibiens. À cet égard, il s’appuie notamment sur les indicateurs d’un mode d’action thyroïdien, tels que prévus par la ligne directrice no 231 de l’OCDE, à la lumière desquels les études in vivo effectuées sur le xenopus laevis ont été évaluées. Parmi ces indicateurs figure notamment un retard de développement comme indicateur d’un mode d’action thyroïdien
antagoniste à condition qu’aucune toxicité systématique ne puisse être observée.

141 Or, contrairement à ce qu’allègue la requérante, les études in vivo sur lesquelles s’appuie le document d’appui en tant qu’études clés, à savoir Heimeier et al. (2009) et Iwamuro et al. (2003), font toutes les deux état, comme l’a d’ailleurs confirmé l’ECHA en réponse à une question écrite du Tribunal, d’un tel retard de développement, ce qui suggère, selon la ligne directrice no 231 de l’OCDE, que le bisphénol A neutralise les effets de l’hormone thyroïdienne T 3.

142 En ce qui concerne en particulier l’étude Heimeier et al. (2009), le document d’appui précise les différences entre celle-ci et la ligne directrice no 231 de l’OCDE. Au vu de ces différences, l’attribution d’une note de fiabilité de 2 sur l’échelle de cotation de Klimisch apparaît comme cohérente. Cette étude, certes, dévie de ladite ligne directrice. Néanmoins, l’ECHA met en évidence de manière convaincante ou, à tout le moins, plausible les raisons pour lesquelles l’ECHA l’a considérée comme
très bien documentée. D’ailleurs, sa qualification d’étude clé n’apparaît pas comme entachée d’une erreur, étant donné que, selon la méthodologie suivie par l’ECHA en l’occurrence, des études ayant reçu la note de fiabilité de 2 sur l’échelle de cotation de Klimisch peuvent servir d’étude clé dans la mesure où les effets reportés présentent une pertinence particulière.

143 À cet égard, il convient d’ailleurs de constater que les différences avec la ligne directrice no 231 de l’OCDE ne sauraient en soi remettre en cause l’importance de l’observation d’une activité antagonique sur les hormones thyroïdiennes. En effet, cette observation, faite dans l’étude Heimeier et al. (2009), se voit confirmée par d’autres études in vivo figurant dans le document d’appui, y compris notamment l’étude clé Iwamuro et al. (2003) sur la même espèce. Certes, il résulte de cette étude
elle-même qu’elle a été effectuée à des concentrations relativement élevées, ce qui n’est pas nécessairement conforme aux recommandations figurant dans la ligne directrice no 231 de l’OCDE. Toutefois, ce n’est que dans ses observations sur les réponses de l’ECHA aux questions posées par le Tribunal que la requérante fait valoir que l’étude Iwamuro et al. (2003) aurait été effectuée à une concentration toxique. À cet égard, selon la ligne directrice no 231 de l’OCDE, c’est seulement en l’absence
de toxicité que le retard de développement est un indicateur fort d’activité anti-thyroïdienne. Cependant, force est de constater que la requérante n’étaye pas cette hypothèse par des éléments factuels circonstanciés. Dans ces circonstances, compte tenu du fait que l’ECHA a attribué à cette étude la note de fiabilité de 2 sur l’échelle de cotation de Klimisch, ce qui prend en compte le fait que cette étude n’est pas entièrement conforme à une méthode validée, la prise en compte de l’étude
Iwamuro et al. (2003) par l’ECHA ne constitue pas une erreur manifeste d’appréciation. D’ailleurs, les conclusions tirées des études Heimeier et al. (2009) et Iwamuro et al. (2003) sont étayées par diverses autres études sur des espèces d’amphibiens que le document d’appui considère comme études venant à l’appui. Ainsi, il ressort du document d’appui ainsi que de la réponse de l’ECHA à une réponse écrite du Tribunal que l’étude Goto et al. (2006) fait état d’une inhibition spontanée de la
métamorphose du xenopus (silruna) tropicalis et du rana rugosa causée par une exposition au bisphénol A qui bloque le récepteur d’hormones thyroïdiennes, notamment l’hormone T 3. Le fait que cette étude n’ait été effectuée qu’à une seule concentration, comme cela est relevé par la requérante, a été pris en compte par le document d’appui, dans la mesure où il attribue à cette étude la note de fiabilité de 2 sur l’échelle de cotation de Klimisch et ne la qualifie pas d’étude clé.

144 En outre, l’hypothèse d’un mode d’action thyroïdien est corroborée par les essais in vitro également pris en compte par le document d’appui, qui ont démontré que le bisphénol A perturbait l’axe hypothalamo-hypophyso-thyroïdien et font état d’une activité antagoniste sur les récepteurs des hormones thyroïdiennes responsable du retard de développement observé dans les études in vivo.

145 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que les arguments de la requérante contestant le recours en l’espèce, par l’ECHA, aux études sur les amphibiens, et plus particulièrement à l’étude Heimeier et al. (2009) sur le xenopus laevis, ne sauraient démontrer une erreur manifeste entachant les conclusions qu’elle en a tirées quant au mode d’action thyroïdien du bisphénol A. Partant, ces arguments ne sauraient invalider la force probante de l’ensemble des éléments de preuve qui a amené
l’ECHA à l’identification du bisphénol A au titre de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006.

5) Sur les études in vivo sur les poissons

146 En quatrième lieu, la requérante fait valoir que certaines études sur les effets œstrogéniques du bisphénol A chez des espèces de poissons n’étayent pas la conclusion de l’ECHA sur les propriétés intrinsèques du bisphénol A comme perturbateur endocrinien pouvant avoir des effets graves sur l’environnement.

i) Sur l’étude Chen et al. (2015) sur le poisson-zèbre (danio rerio)

147 Premièrement, la requérante fait valoir que l’étude multigénérationnelle sur le poisson zèbre (danio rerio) Chen et al. (2015), mentionnée aux pages 41, 42 et 53 du document d’appui comme étant une « étude clé », ne serait pas fiable aux fins de l’évaluation des propriétés endocriniennes du bisphénol A, au motif qu’elle serait entachée d’inconvénients importants et, notamment, d’une faible réplication, d’un manque de contrôle, d’incohérences analytiques et d’une documentation insuffisante, de
sorte que l’ECHA ne pouvait pas s’appuyer sur cette étude en l’espèce. À cet égard, la requérante renvoie à la déclaration faite par le Royaume-Uni lors de la 57e réunion du CEM selon laquelle il n’existait pas suffisamment d’informations pour valider les résultats de cette étude. En effet, cette dernière n’aurait pas été effectuée conformément aux méthodes d’essai validées qui exigeraient qu’il fût procédé à des essais avec de multiples niveaux d’exposition.

148 En outre, la requérante fait valoir que l’étude Chen et al. (2015) est la seule étude invoquée par l’ECHA qui fait état d’effets à faible concentration, alors que la plupart des études sur le mode d’action endocrinien du bisphénol A feraient état d’effets à des concentrations toxiques aiguës, ce qui empêcherait de déterminer de manière fiable les effets d’un mode d’action spécifique, car tout effet observé pourrait également être la conséquence d’une concentration toxique aiguë plutôt que d’un
mode d’action réel du bisphénol A.

149 De plus, selon la requérante, il existe une incertitude quant à l’effet rapporté par l’étude Chen et al. (2015) concernant le ratio des sexes chez le poisson que l’ECHA aurait reconnu comme étant un critère clé dans l’établissement des propriétés de perturbation endocrinienne d’une substance. Cet effet aurait été établi au moyen d’une inspection visuelle, ce qui, d’une part, ne serait pas fiable pour le poisson-zèbre du fait qu’il présenterait peu de caractéristiques sexuelles secondaires
distinctes et, d’autre part, n’aurait pas été confirmé au moyen d’une inspection histologique, à savoir par une détermination précise du sexe par l’étude de cellules et de tissus. À cet égard, pour constituer une appréciation statistiquement solide, comme le suggérerait notamment la méthode d’essai no 240 de l’OCDE, un échantillon large et représentatif aurait dû faire l’objet d’une telle inspection histologique. Or, l’étude Chen et al. (2015) ne comporterait pas de détails quant au nombre exact
de poissons inspectés.

150 Enfin, la requérante note que les données relatives au bisphénol A pour l’oryzias latipes, à savoir l’espèce de poisson qui aurait fait l’objet du plus grand nombre d’études de recherche quant au changement potentiel du ratio des sexes, indiquent qu’aucune modification du ratio des sexes n’aurait été observée d’une manière générale. Seulement deux études, à savoir les études Yokota et al. (2000) et Na et al. (2002), auraient fait état de modifications du ratio des sexes, bien que leurs résultats
soient contradictoires. En revanche, six autres études, à savoir les études Metcalfe et al. (2001), Kashiwada et al. (2002), Sun et al. (2014), Bhandari et al. (2015), Kang et al. (2002) et Tabata et al. (2001), n’auraient constaté aucune modification du ratio des sexes.

151 L’ECHA, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, la République française et ClientEarth, conteste ces arguments.

152 En réponse aux arguments relatifs à l’étude Chen et al. (2015), il y a lieu de relever que les défauts invoqués par la requérante ainsi que par le Royaume-Uni dans sa déclaration annexée au procès-verbal de la 57e réunion du CEM relativement à cette étude sur le poisson-zèbre (danio rerio), résultant notamment du fait qu’elle a été effectuée avec une seule concentration, sont explicitement reconnus aux pages 42 et 43 du document d’appui. Ce document indique clairement que l’étude Chen et al.
(2015) n’est pas conforme aux bonnes pratiques de laboratoire. En outre, selon la page 53 du document d’appui, l’attribution à cette étude d’une note de fiabilité de 2 sur l’échelle de cotation de Klimisch tient compte du fait que l’étude n’a été effectuée qu’à une seule concentration. Cette cotation correspond donc à la méthodologie de l’ECHA appliquant les critères de Klimisch décrite au point 104 ci-dessus. À cet égard, il convient de rappeler que certaines faiblesses des études, même
importantes, ne sont en soi pas suffisantes pour les exclure d’emblée. Enfin, ces faiblesses doivent être appréciées eu égard à la capacité desdites études à néanmoins étayer la conclusion qu’elles sont appelées à corroborer. Dans le cadre du large pouvoir d’appréciation conféré à l’ECHA, tel que décrit au point 62 ci-dessus, et plus particulièrement dans l’approche de la force probante des éléments de preuve, des divergences d’opinions concernant ces questions ne sont pas suffisantes pour
écarter une étude ou la conclusion qu’elle est appelée à fonder. Une telle conséquence ne s’impose que si l’ECHA a ignoré complètement et erronément des éléments dont l’inclusion aurait modifié l’évaluation globale des éléments de preuve d’une manière telle que la décision finale aurait été privée de plausibilité.

153 Or, à la lumière de ce qui précède, il ne peut pas être établi que le traitement par l’ECHA de l’étude Chen et al. (2015) est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. Les faiblesses de cette étude ont certes été mises en évidence, mais, explications à l’appui, n’ont pas été considérées comme étant d’une gravité de nature à justifier que l’étude fût considérée comme privée de fiabilité et de pertinence eu égard aux constatations auxquelles elle procède. Pouvant être ainsi considérée comme
une étude fiable et en tenant compte du fait que cette étude fait état de multiples effets du bisphénol A, l’ECHA n’a pas non plus commis d’erreur manifeste en la qualifiant d’étude clé conformément à sa propre méthodologie.

154 À cet égard, il y a lieu de relever plus particulièrement, comme l’a également fait ClientEarth dans son mémoire en intervention, que le fait que l’étude a été effectuée à une seule concentration ne s’oppose pas per se à ce qu’elle soit prise en compte lors de l’identification du bisphénol A, car l’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante repose sur ses propriétés intrinsèques.

155 S’agissant des effets sur le ratio des sexes observés dans l’étude Chen et al. (2015), il convient tout d’abord de constater qu’il n’est pas contesté par la requérante que le document d’appui considère le ratio des sexes comme un point d’évaluation pouvant servir d’indicateur d’un mode d’action endocrinien. Comme cela est indiqué dans le document d’appui, une telle approche est conforme à la ligne directrice no 150 de l’OCDE, selon laquelle il n’existe aucun cas de changement du ratio des sexes
qui ne serait pas causé par un perturbateur endocrinien.

156 Il ressort du document d’appui et des écritures des parties que les observations visuelles de la répartition par sexe ont effectivement fait l’objet d’une vérification par des examens histologiques à double insu. Néanmoins, l’ECHA n’a pas pu indiquer le nombre exact de poissons qui ont fait objet d’une telle inspection histologique. Partant, il ne saurait être établi si un échantillon suffisamment large et représentatif a fait l’objet d’une telle vérification histologique, comme il est
recommandé par la méthode d’essai no 240 de l’OCDE. Néanmoins, il y a lieu de relever que le document d’appui ne suggère pas que l’ECHA a traité cette étude comme une étude en parfaite conformité avec des méthodes validées. En revanche, l’ECHA lui a attribué la note de fiabilité de 2 sur l’échelle de cotation de Klimisch afin de refléter les déficiences méthodologiques entachant cette étude, sans remettre en cause sa fiabilité générale. De même, il ressort de la page 42 du document d’appui, en
ce qui concerne cette étude, qu’il n’y avait pas de différences importantes entre les résultats de l’inspection visuelle, d’une part, et ceux de l’inspection histologique, d’autre part. Dès lors, il apparaît que, dans la mesure où une inspection histologique a été effectuée, ses résultats n’étaient pas en contradiction avec ceux de l’inspection visuelle. Il s’ensuit que le fait que l’étendue de l’inspection histologique dans l’étude Chen et al. (2015) n’est pas plus amplement documentée n’est
pas suffisant pour remettre en cause les résultats rapportés par cette étude.

157 S’agissant de la question de la reproductibilité des effets sur le ratio des sexes, tels que rapportés par Chen et al. (2015), il y a lieu de faire les observations suivantes.

158 En premier lieu, il ressort du document d’appui que, certes, ni l’étude clé Segner et al. (2003a) ni l’étude Keiter et al. (2012), effectuées également sur le danio rerio à des concentrations plus élevées que celles appliquées dans l’étude Chen et al. (2015), n’ont observé d’effets sur le ratio des sexes. Il convient également de noter que l’ECHA n’était pas en mesure de fournir, en réponse à une question écrite du Tribunal, les raisons sous-jacentes qui pourraient expliquer cette absence
d’effets sur le ratio des sexes. Néanmoins, ces études font état d’autres indicateurs confirmant l’existence ou, à tout le moins, la vraisemblance d’un mode d’action endocrinien du bisphénol A, à savoir notamment une induction de la vittélogénine. Par conséquent, l’absence d’observations d’effets sur le ratio des sexes ne saurait être révélatrice, à elle seule, d’une contradiction permettant suffisamment de remettre en cause, sur le plan scientifique, les constatations de l’étude Chen et al.
(2015).

159 En second lieu, des effets sur le ratio des sexes ont également été observés chez une autre espèce de poisson. Il s’agit de l’oryzias latipes, dans l’étude clé Yokota et al. (2000). Il est vrai que non seulement cette étude concerne une autre espèce de poisson, mais elle a aussi été effectuée à une concentration plus élevée que dans l’étude Chen et al. (2015). Partant, elle ne saurait directement corroborer les conclusions tirées de l’étude Chen et al. (2015) sur ce point. Néanmoins, ces deux
études, prises ensemble, contribuent à la force probante des éléments de preuve en ce qui concerne les effets du bisphénol A sur le ratio des sexes dans les populations de poissons. En effet, dans le cas d’espèce, les différents éléments avancés par l’ECHA constituent un ensemble d’indices qui étayent son hypothèse. En revanche, les éléments avancés par la requérante ne sont pas de nature à retirer toute plausibilité à la force probante de cet ensemble d’indices.

160 Enfin, s’agissant des six études sur l’oryzias latipes citées par la requérante (voir point 150 ci-dessus) et qui n’ont pas constaté d’effets sur le ratio des sexes, il convient de constater que cela peut s’expliquer, comme l’a avancé l’ECHA à propos des études Kang et al. (2002) et Tabata et al. (2001), par le fait que, dans ces études, les poissons observés n’avaient pas été exposés au cours de la phase sensible de leur développement. Partant, l’absence d’effets sur le ratio des sexes dans ces
études ne contredit pas nécessairement les effets rapportés dans les études Yokota et al. (2000) ou bien Chen et al. (2015). En ce qui concerne ensuite les études Metcalfe et al. (2001), Kashiwada et al. (2002), Sun et al. (2014) et Bhandari et al. (2015), il y a lieu de relever que, bien qu’elles ne fassent pas état d’effets sur le ratio des sexes, elles peuvent néanmoins venir à l’appui des conclusions tirées de l’étude Chen et al. (2015) sur le mode d’action endocrinien du bisphénol A. Ainsi,
l’étude Metcalfe et al. (2001) fait état de testis-ova, de changements morphologiques dans les testicules chez les mâles et d’une ovogenèse accélérée chez les femelles. Pour sa part, l’étude Kashiwada et al. (2012) fait état d’une induction de la vittélogénine, tandis que l’étude Sun et al. (2014) fait état d’une éclosion réduite et d’un niveau élevé de la vittélogénine. S’agissant de l’étude Bhandari et al. (2015), il ressort du document d’appui qu’elle fait état d’anormalités reproductives
transgénérationnelles, au regard du taux de fertilisation et de la survie embryonnaire, causées par une exposition au bisphénol A.

161 Au vu de ce qui précède, force est de constater que, dans le cadre de l’approche de la force probante des éléments de preuve, les doutes exprimés eu égard à l’étude Chen et al. (2015) et, notamment, à la vérification et à la reproductibilité des effets sur le ratio des sexes, même à les supposer justifiés, ne sont pas de nature à démontrer que la conclusion de l’ECHA selon laquelle le bisphénol A possède un mode d’action œstrogénique chez les poissons serait entachée d’une erreur manifeste
d’appréciation.

162 En tout état de cause, l’étude Chen et al. (2015) ne se limite pas à constater des effets sur le ratio des sexes, ce qui est au cœur des reproches de la requérante. En effet, cette étude fait également état d’autres indicateurs d’un mode d’action œstrogénique, à savoir des effets sur le nombre et la qualité des spermatozoïdes ainsi qu’une malformation et une mortalité des larves. Le fait que cette étude ait été effectuée à une faible concentration ne saurait per se remettre en cause les
conclusions sur le mode d’action œstrogénique. Comme il a été relevé au point 63 ci-dessus, une donnée prise en compte lors de l’approche des éléments de preuve peut d’ailleurs s’avérer déficitaire pour un point d’évaluation spécifique, sans que cela s’oppose à ce que la conclusion soit tirée d’une vue d’ensemble des données disponibles démontrant des effets similaires. En l’occurrence, c’est notamment l’étude Segner et al. (2003a), dont la qualification d’étude clé n’est d’ailleurs pas remise
en cause par la requérante, qui, d’après le document d’appui, fait état d’autres indicateurs d’un mode d’action œstrogénique chez le danio rerio, à savoir une induction de la vitellogénine, les testis-ova et une réduction de la fertilisation. En outre, l’étude Chen et al. (2015) n’est pas la seule à démontrer les effets sur le ratio des sexes. De tels effets sont également rapportés notamment par l’étude clé Yokota et al. (2000), dont l’évaluation par l’ECHA n’est pas contestée par la
requérante. Enfin, d’autres études sur le danio rerio et l’oryzias latipes font état d’autres indicateurs d’un mode d’action endocrinien et viennent à l’appui des conclusions tirées des études clés, comme notamment l’étude Yokota et al. (2000), sur l’oryzias latipes, mais aussi l’étude Segner et al. (2003a).

163 Partant, force est de constater à titre surabondant que, même si l’étude Chen et al. (2015) n’avait pas pu être prise en compte, l’ECHA n’aurait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en se fondant sur la force probante de multiples autres études, non remises en cause par la requérante, portant sur le mode d’action endocrinien du bisphénol A.

ii) Sur l’étude Shioda et Wakabayashi (2000) sur l’oryzias latipes

164 Deuxièmement, l’étude Shioda et Wakabayashi (2000) sur l’oryzias latipes, qui, d’après le document d’appui, fait état d’effets à long terme à la suite d’une exposition à court terme au bisphénol A, notamment sur l’éclosion des œufs, ne saurait, selon la requérante, soutenir l’hypothèse d’un mode d’action œstrogénique compte tenu de son faible degré de fiabilité, qui aurait d’ailleurs été reconnu dans le document d’appui.

165 L’ECHA, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, la République française et ClientEarth, conteste ces arguments.

166 À titre liminaire, force est de constater que le document d’appui attribue à l’étude Shioda et Wakabayashi (2000) la cotation de 2 sur l’échelle de cotation de Klimisch, ce qui suggère que l’ECHA a considéré cette étude fiable avec restrictions. En même temps, le document d’appui, à la page 40, indique qu’elle est de « faible fiabilité ».

167 Interrogée quant à cette contradiction apparente concernant l’étude Shioda et Wakabayashi (2000), qui se voit cotée à 2 sur l’échelle de cotation de Klimisch d’une part, et qualifiée d’étude de « faible fiabilité » d’autre part, l’ECHA l’explique par une erreur typographique et affirme que le document d’appui devrait être lu et compris dans le sens d’une fiabilité relativement « plus faible », ce qui refléterait le fait que seul un nombre limité d’organismes auraient été testés. Néanmoins,
l’étude serait pertinente et valide.

168 Or, s’il est vrai que la même formulation se trouve déjà dans le dossier élaboré conformément à l’annexe XV proposant initialement l’identification du bisphénol A, à supposer même que l’étude Shioda et Wakabayashi (2000) sur l’oryzias latipes dût être effectivement considérée de faible fiabilité, le fait que l’ECHA s’est également appuyée sur cette étude ne saurait constituer une erreur manifeste d’appréciation au point d’entacher l’identification du bisphénol A comme substance extrêmement
préoccupante, telle que retenue dans la décision attaquée.

169 En effet, il y a lieu de constater que l’ECHA a traité les effets rapportés par l’étude Shioda et Wakabayashi (2000) comme étant seulement de simples indications supplémentaires d’un mode d’action venant à l’appui des conclusions tirées des études ayant reçu une valeur probante plus élevée et constituant des études clés. Cela est également illustré par le fait que l’examen bref de l’étude Shioda et Wakabayashi (2000) dans le document d’appui est introduit par les mots « en outre » et se situe à
la fin de la section dédiée à l’analyse des effets sur l’oryzias latipes (voir p. 40 du document d’appui). L’ECHA ne l’a notamment pas considéré comme une étude clé dans la pondération des données. Or, l’approche de la force probante des éléments de preuve ne s’oppose pas à ce que l’ECHA s’appuie également sur des informations qui ont une faible fiabilité, à condition que la pondération des informations prenne en considération ce faible degré de fiabilité de l’information.

170 Ensuite, il convient d’observer que la requérante n’a surtout pas expliqué dans quelle mesure les effets rapportés dans l’étude Shioda et Wakabayashi (2000) contrediraient les conclusions que l’ECHA a tirées sur l’identification du bisphénol A d’autres études démontrant des effets à long terme à la suite de l’exposition au bisphénol A, comme, notamment, l’étude Bhandari et al. (2015), réalisée sur la même espèce.

171 Dès lors, l’argument avancé eu égard à l’étude Shioda et Wakabayashi (2000) ne saurait permettre de considérer l’identification du bisphénol A comme entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

iii) Sur l’étude Lahnsteiner et al. (2005) sur la truite fario (salmo trutta fario)

172 Troisièmement, selon la requérante, l’étude Lahnsteiner et al. (2005), relative à la truite fario (salmo trutta fario), mentionnée notamment à la page 57 du document d’appui, présente également de graves défauts, tels que la piètre qualité des poissons testés, une faible réplication, un défaut de confirmation analytique ou de nouveaux effets sans validation. En conséquence de ce qui précède, il aurait été conclu dans le rapport EU RAR que cette étude ne convenait pas à des fins réglementaires.
En dépit de cette conclusion, cette étude serait invoquée dans le document d’appui, assortie d’une note de fiabilité de 2 selon l’échelle de cotation de Klimisch. Or, de l’avis de la requérante, cette étude aurait dû être cotée à 3 selon l’échelle de cotation de Klimisch, c’est-à-dire « non fiable ».

173 L’ECHA, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, la République française et ClientEarth, rejette cet argument.

174 À cet égard, l’ECHA ne conteste certes pas le fait que l’étude Lahnsteiner et al. (2005) contient des données caractérisées par un faible degré de fiabilité. Néanmoins, comme il a déjà été relevé au point 64 ci-dessus, il est inhérent à l’approche de la force probante des éléments de preuve que la base des données utilisée peut contenir des données déficitaires sur un certain point d’évaluation. Ainsi, la faible fiabilité de certaines données contenues dans une étude utilisée par l’ECHA ne
s’oppose pas, per se, à ce que l’ECHA utilise une telle étude dans l’évaluation d’une substance. Dans un tel cas de figure, il incombe toutefois à l’ECHA de prendre en considération la faible fiabilité de ces données lors de la pondération des diverses données disponibles.

175 En l’espèce, il ressort du document d’appui que l’ECHA s’est limitée à s’appuyer sur les points d’évaluation fiables de l’étude Lahnsteiner et al. (2005), tels que, notamment, les effets observés sur la production d’ovules et la fertilité de la semence. En revanche, le point d’évaluation lié à un retard d’ovulation, pour lequel seulement six poissons ont été examinés, n’a notamment pas été pris en compte. Partant, l’attribution de la note de 2 sur l’échelle de cotation de Klimisch (fiable avec
restrictions) n’apparaît pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, dans la mesure où l’ECHA s’est uniquement appuyé sur certaines données qu’elle a jugées fiables.

176 S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’ECHA ne pouvait pas s’appuyer sur l’étude Lahnsteiner et al. (2005), au motif qu’elle n’aurait pas été utilisée dans le cadre du rapport EU RAR, il y a lieu de souligner que ce dernier visait à déterminer une concentration prévisible sans effets. En revanche, l’évaluation de l’étude Lahnsteiner et al. (2005), telle qu’effectuée par l’ECHA, s’inscrit dans un autre contexte réglementaire poursuivant une autre finalité, à savoir celle
d’identifier les substances extrêmement préoccupantes au titre de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006.

177 En tout état de cause, force est de constater que, selon le document d’appui, les données sur la truite fario sont venues uniquement à l’appui des conclusions sur le mode d’action endocrinien tirées des études in vivo effectuées sur d’autres espèces de poissons, à savoir l’oryzias latipes, le danio rerio et le pimephales promelas. Il s’ensuit que, à supposer même que les reproches avancés par la requérante à l’encontre de l’étude Lahnsteiner et al. (2005) soient fondés, ils ne sauraient de toute
façon invalider l’identification du bisphénol A en tant que perturbateur endocrinien sur la base de ces données principalement prises en compte.

178 Au vu de ce qui précède, les arguments de la requérante relatifs à l’étude Lahnsteiner et al. (2005) sur la truite fario ne sauraient étayer la conclusion d’une erreur manifeste d’appréciation entachant l’identification du bisphénol A comme perturbateur endocrinien au titre de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006.

iv) Sur les études de Bowmer et Gimeno (2001) et de Mandich et al. (2007) sur le cyprinus carpio

179 Quatrièmement, la requérante invoque la faible fiabilité de deux études sur le cyprinus carpio.

180 D’une part, d’après la requérante, l’étude Mandich et al. (2007) sur le cyprinus carpio, mentionnée aux pages 36 et 48 du document d’appui, a été cotée à 1 selon l’échelle de cotation de Klimisch, alors qu’il s’agirait d’une étude qui doit être considérée comme exploratoire, étant donné qu’elle n’est pas en conformité entière avec la ligne directrice no 204 de l’OCDE en ce qui concerne certains points d’évaluation sur lesquels l’ECHA se serait néanmoins appuyée. D’ailleurs, cette étude
présenterait certains défauts, comme, notamment, une documentation insuffisante, une absence de détails sur l’histopathologie, une absence de données sur les poissons témoins, une faible reproductibilité et de faibles statistiques de corroboration. Compte tenu de ces éléments, une évaluation convenable pour cette étude aurait, selon elle, dû donner lieu à une note de fiabilité de 3 selon l’échelle de cotation de Klimisch (c’est-à-dire « non fiable »).

181 D’autre part, l’étude effectuée par Bowmer et Gimeno (2001), telle que mentionnée aux pages 36 et 48 du document d’appui, ne serait étayée que par un résumé détaillé. En dépit du fait qu’il n’existerait pas de publication intégrale de cette étude, cet élément de preuve aurait été évalué à 2 selon l’échelle de cotation de Klimisch, c’est-à-dire « fiable avec restrictions », alors qu’une évaluation scientifique convenable suggérerait une fiabilité de niveau 4, c’est-à-dire « documentation
insuffisante ».

182 L’ECHA, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, la République française et ClientEarth, conteste ces arguments.

183 À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, que l’approche de la force probante des éléments de preuve ne s’oppose pas à ce que l’ECHA s’appuie sur des études présentant certains défauts affectant leur fiabilité, dès lors que l’ECHA les prend en considération lors de la pondération des données sur lesquelles elle s’appuie. Par ailleurs, force est de constater que les données sur le cyprinus carpio ne sont venues qu’à l’appui des conclusions tirées des études effectuées sur d’autres
espèces de poissons, à savoir notamment le danio rerio et l’oryzias latipes. Partant, aucune des études effectuées sur le cyprinus carpio n’a servi d’étude clé dans la pondération des données en vue de l’identification du bisphénol A comme perturbateur endocrinien.

184 S’agissant tout d’abord de l’étude Mandich et al. (2007), il y a lieu de constater que le document d’appui considère que cette étude est seulement partiellement conforme à la ligne directrice no 204 de l’OCDE. Elle ne laisse notamment apparaître aucune indication selon laquelle les points d’évaluation relatifs à l’induction de la vittélogénine ou à l’histopathologie des gonades auraient été analysés conformément à cette ligne directrice validée. Or, le document d’appui la considère comme fiable
sans restrictions en lui attribuant la note de 1 sur l’échelle de cotation de Klimisch sans différencier entre les différents points d’évaluation. Étant donné que cette note est en principe réservée aux études effectuées en pleine conformité avec des méthodes validées sur le plan international, la cotation attribuée à cette étude apparaît erronée. Néanmoins, comme il est relevé au point 182 ci-dessus, l’ECHA n’a pas considéré que cette étude constituait une étude clé en vue de l’identification
du bisphénol A. Elle servait uniquement comme étude venant à l’appui dans le cadre de l’approche de la force probante des éléments de preuve. Cette étude n’a donc pas été déterminante pour l’identification du bisphénol A comme substance extrêmement préoccupante, mais l’a seulement corroborée. Il s’ensuit que, à supposer même que l’ECHA ait mal évalué la fiabilité de cette étude, une telle erreur ne remettrait pas en cause les conclusions tirées notamment des études clés telles qu’évaluées par
l’ECHA dans le document d’appui.

185 S’agissant ensuite de l’étude Bowmer et Gimeno (2001), il convient de constater qu’il ressort du document d’appui, d’une part, que seul un des deux essais utilisés dans cette étude a été effectué en conformité avec les bonnes pratiques de laboratoire, telles que définies par l’OCDE, et, d’autre part, que seulement un résumé étendu est disponible. À la lumière de ces considérations, l’attribution de la note de 2 sur l’échelle de cotation de Klimisch (fiable avec restrictions) ne semble pas
entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. Cela dit, force est de relever que, à l’instar de l’étude Mandich et al. (2007), l’étude Bowmer et Gimeno (2001) n’est venue qu’à l’appui de l’identification du bisphénol A. Partant, même si la cotation de cette étude devait s’avérer erronée, une telle erreur ne remettrait pas en cause les conclusions tirées notamment des études clés.

186 Au vu de ce qui précède, les arguments avancés eu égard aux études effectuées sur le cyprinus carpio ne peuvent être que rejetés comme non fondés et, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de constater que les arguments soulevés à l’égard de certaines études in vivo effectuées sur certaines espèces de poissons n’ont pas démontré l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation entachant l’évaluation de ces études qui impliquerait qu’elles ne permettaient pas d’étayer la
conclusion d’un mode d’action œstrogénique du bisphénol A chez les poissons par le biais de l’approche de la force probante des éléments de preuve.

6) Conclusion sur le premier grief de la seconde branche du premier moyen

187 Au vu de ce qui précède, force est de constater que, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation en vue de l’identification en l’espèce du bisphénol A comme perturbateur endocrinien pouvant avoir des effets graves sur l’environnement, l’ECHA a suivi une méthodologie transparente et systématique dans le respect du principe d’excellence aux fins de l’évaluation des divers éléments de preuve sur lesquels elle s’est appuyée. Dans le cadre de l’approche de la force probante des éléments de preuve,
l’ECHA a procédé à une pondération des données in vivo et des données in vitro tirées d’une multitude d’études scientifiques tout en tenant compte de la fiabilité scientifique de chaque étude. Cette pondération l’a amenée à identifier un mode d’action endocrinien en premier lieu sur la base de certaines études in vivo sur certaines espèces de poissons et d’amphibiens, alors que d’autres données in vivo, à savoir notamment celles sur certaines espèces d’invertébrés, et des données in vitro sont
venues à l’appui de ces conclusions.

188 C’est la force probante tirée de l’ensemble des données susmentionnées qui a permis à l’ECHA de formuler ses conclusions eu égard aux propriétés intrinsèques du bisphénol A en tant que perturbateur endocrinien. Ces conclusions n’ont notamment pas été tirées d’une seule étude individuelle, et encore moins d’une seule étude servant d’étude d’appui. Or, force est de constater que les critiques de la requérante à l’encontre de certaines études utilisées par l’ECHA se limitent à en remettre en cause
la pertinence individuelle ou le caractère peu concluant, sans néanmoins démontrer une contradiction matérielle dans les effets reportés ou une incohérence évidente dans la pondération qui invaliderait la force probante des éléments de preuve.

189 Dès lors, le premier grief de la seconde branche du premier moyen doit être écarté.

b)   Sur le deuxième grief de la seconde branche du premier moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que l’ECHA n’aurait pas établi qu’il était scientifiquement prouvé que le bisphénol A pouvait avoir des effets graves sur l’environnement en raison de ses propriétés perturbant le système endocrinien

190 Par le deuxième grief de la seconde branche du premier moyen, la requérante fait valoir que l’ECHA a commis une erreur manifeste d’appréciation, car elle n’aurait pas établi qu’il était scientifiquement prouvé que le bisphénol A pouvait avoir des effets graves sur l’environnement en raison de ses propriétés perturbant le système endocrinien. Or, la requérante précise que, en vertu de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006, seules les substances possédant des propriétés perturbant le
système endocrinien « pour les lesquelles il est scientifiquement prouvé qu’elles peuvent avoir des effets graves sur […] l’environnement » peuvent être identifiées comme étant extrêmement préoccupantes.

191 La requérante estime que les éléments de preuve invoqués dans le document d’appui ne présentent pas une hypothèse claire pour démontrer un mode d’action perturbant le système endocrinien dans l’environnement pour le bisphénol A, mais s’appuient uniquement sur la description d’observations individuelles dans le contexte de la perturbation endocrinienne, tandis que les arguments scientifiques seraient vagues et non étayés. Les données qui soutiennent l’existence d’une faible activité œstrogénique
pour les poissons et les amphibiens ne seraient pas suffisantes pour identifier une substance extrêmement préoccupante au titre de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006. Les éléments de preuve seraient au contraire soit extrêmement faibles, soit très spéculatifs. Cette dernière critique vaudrait notamment pour le mode d’action suggéré chez les poissons et les amphibiens. Il n’existerait pas non plus d’éléments de preuve suffisants obtenus par exemple par le biais des études in vitro
permettant d’identifier le bisphénol A comme ayant un mode d’action perturbant le système endocrinien.

192 À l’appui de son argument, la requérante renvoie aux observations présentées par le Royaume de Danemark et le Royaume-Uni lors de la consultation publique. Plus particulièrement, le Royaume-Uni aurait exprimé ses hésitations quant à la conclusion selon laquelle le bisphénol A aurait causé indéniablement ses effets par perturbation endocrinienne.

193 En outre, la requérante relève que l’affirmation de l’ECHA selon laquelle un effet est associé à un mode d’action perturbant le système endocrinien ne serait pas assortie de suffisamment d’éléments de preuve pour pouvoir satisfaire aux critères énoncés à l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006. La requérante souligne, à titre général, que la seule association entre deux aspects ne prouve pas, selon elle, les éléments de preuve scientifiques exigés.

194 De plus, le fait que certains effets graves soient connus comme étant potentiellement « à médiation OATS » [œstrogène-androgène-thyroïdien-stéroïdien] ne constituerait pas une preuve scientifique suffisante d’un mode d’action endocrinien du bisphénol A in vivo entraînant des effets graves. Selon la requérante, il y avait lieu d’examiner et d’exclure l’existence d’autres mécanismes éventuels. Étant donné que la plupart des essais in vitro sur des mécanismes endocriniens n’évalueraient que
l’événement moléculaire initiateur, d’autres données relatives aux effets indésirables soupçonnés auraient été nécessaires avant de pouvoir présupposer que certains effets étaient « à médiation OATS ». D’ailleurs, la simple affirmation selon laquelle certains effets sont connus comme étant « à médiation OATS » serait trop générale et n’expliquerait pas de quels effets il s’agit, ni comment et par qui ces effets seraient connus comme étant « à médiation OATS », ni en quoi elle aurait permis à
l’ECHA de conclure à l’existence d’un lien biologiquement plausible. Partant, l’ECHA aurait dû recourir à une analyse détaillée du mode d’action.

195 Le document d’appui n’établirait notamment ni les événements biochimiques, cellulaires et moléculaires clés dans le mode d’action proposé, ni la concordance temporelle, ni la concordance dose-réponse, mais se limiterait à postuler leur existence dans un scénario hypothétique. Ce faisant, l’ECHA n’aurait pas satisfait aux critères identifiés par elle-même dans le document d’appui.

196 L’ECHA, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, la République française et ClientEarth, conteste ces arguments.

197 À cet égard, il convient d’examiner si l’ECHA a méconnu le niveau de preuve requis pour établir que le bisphénol A cause des effets graves sur l’environnement en raison de son mode d’action endocrinien.

198 À titre liminaire, force est de relever que le Tribunal a jugé au point 173 de l’arrêt du 11 mai 2017, Deza/ECHA (T‑115/15, EU:T:2017:329), que la probabilité qu’un perturbateur endocrinien pût avoir des effets graves sur l’environnement suffisait pour établir un lien de causalité au sens de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006. Une telle approche serait notamment conforme au principe de précaution, sur lequel reposent les dispositions du règlement no 1907/2006 en vertu de son
article 1er, paragraphe 3.

199 En outre, le Tribunal a précisé au point 94 de l’arrêt du 20 septembre 2019, PlasticsEurope/ECHA (T‑636/17, sous pourvoi, EU:T:2019:639), que les « éléments de faits et de preuve retenus lors de l’examen d’une substance d[evai]ent permettre d’établir qu’il [était] “plausible” que le mode d’action de cette substance p[ût] conduire à certains effets graves [et que, en] revanche, l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 n’exige[ait] pas une preuve absolue de la causalité ».

200 À la lumière de ces considérations, il y a lieu de faire les observations suivantes. L’ECHA expose clairement dans le document d’appui la méthodologie suivie pour déterminer s’il existe un lien biologique plausible entre le mode d’action endocrinien du bisphénol A et les effets graves. Selon cette méthodologie, l’ECHA a évalué, d’une part, des indicateurs d’un mode d’action endocrinien et, d’autre part, des effets sur des points d’évaluation apicaux comme éléments de preuve étayant la conclusion
selon laquelle le bisphénol A cause des effets graves en raison de son mode d’action endocrinien. À cet égard, le document considère notamment les études in vivo comme étant pertinentes pour déterminer si les effets graves sont causés par le mode d’action endocrinien ou s’ils sont seulement la conséquence d’une toxicité systémique générale.

201 À titre d’exemple, les pages 33 à 35 du document d’appui expliquent plus particulièrement, relativement aux études sur les poissons, d’une part, les indicateurs d’un mode d’action endocrinien pertinents, à savoir notamment une induction de la vittélogénine ou les modifications histologiques, et, d’autre part, les points d’évaluation apicaux qui, selon les lignes directrices no 150 sur l’évaluation des perturbateurs endocriniens de l’OCDE, peuvent être considérés comme des indicateurs d’un
antagoniste du récepteur des hormones œstrogéniques, à savoir notamment une diminution des caractéristiques sexuelles secondaires ainsi qu’un changement du ratio des sexes vers les femelles lors du développement sexuel. À cet égard, le document d’appui explique que, en combinaison avec les indicateurs d’une activité endocrinienne, les points d’évaluation permettent de constater l’existence d’un mode d’action œstrogénique.

202 C’est à la lumière de ces considérations que le document d’appui conclut, pour l’oryzias latipes et le danio rerio, qu’il existe un lien direct entre le mode d’action œstrogénique et les effets graves observés. Ces conclusions sont tirées des études scientifiques analysées dans le document d’appui, qui ont toutes observé une induction de la vittélogénine chez l’oryzias latipes et le danio rerio. Des changements dans le ratio des sexes ont également été observés pour l’oryzias latipes notamment
dans l’étude clé Yokota et al. (2000) ainsi que pour le danio rerio dans l’étude Chen et al. (2015).

203 De même, pour les amphibiens, les études analysées dans le document d’appui, notamment les études clés Iwamuro et al. (2003) et Heimeier et al. (2009), font preuve d’un mode d’action thyroïdien qui s’est manifesté par une perturbation de l’axe hypothalamo-hypophyso-thyroïdien ainsi que par un retard de développement, ce qui a amené l’ECHA à conclure à l’existence d’un lien biologique plausible entre le mode d’action et les effets graves.

204 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que, contrairement à ce qu’allègue la requérante, les éléments de preuve invoqués par l’ECHA n’étaient ni trop vagues ni trop spéculatifs. En effet, ils étaient fondés sur l’observation d’événements de type biochimique cellulaire et moléculaire. Ces données ont pu amener l’ECHA à considérer qu’il était biologiquement plausible que le bisphénol A causât ses effets en raison d’un mode d’action endocrinien. Contrairement à ce que semble prétendre la
requérante, l’ECHA ne s’est pas bornée à « associer un certain effet à un certain mode d’action ».

205 Par ailleurs, en l’espèce, l’ECHA s’est fondée principalement sur certaines études clés concernant certaines espèces de poissons ainsi que certaines espèces d’amphibiens pour démontrer l’existence d’un lien biologique plausible. Une multitude d’études in vivo et in vitro viennent à l’appui de cette conclusion. La plausibilité de l’existence d’un lien de causalité constatée par l’ECHA dans le document d’appui ne saurait donc être remise en cause par le seul fait qu’il subsiste des incertitudes à
l’égard d’un nombre limité de données considérées isolément, par exemple certains éléments tirés de l’étude Chen et al. (2015), tels que décrits ci-dessus. En effet, même si les études dont les prétendues déficiences sont invoquées par la requérante avaient été ignorées par l’ECHA, la force probante de l’ensemble des éléments de preuve restants serait toutefois restée suffisante pour étayer la conclusion avancée par l’ECHA quant à la plausibilité d’un lien de causalité entre le mode d’action
endocrinien et les effets graves observés.

206 L’ensemble des arguments de la requérante ne saurait remettre en cause cette conclusion.

207 Tout d’abord, s’agissant de l’argument selon lequel l’ECHA se serait limitée, dans son évaluation, à présupposer, sans analyse détaillée, que certains effets du bisphénol A seraient causés par médiation endocrinienne, il est certes vrai que le document d’appui présuppose, dans la partie décrivant la méthodologie utilisée, que certains de ces effets sont à médiation endocrinienne. Néanmoins, le document d’appui étaye cette présupposition en se référant à des publications scientifiques. Ainsi, à
la page 34, le document d’appui explique que le changement du ratio des sexes vers les femelles est le résultat connu d’une exposition œstrogénique ou anti-androgénique lors du développement sexuel, tout en indiquant trois sources de référence, y compris des publications de l’OCDE et du programme international sur la sécurité des substances chimiques de l’OMS. Ce faisant, l’ECHA est partie d’une hypothèse qui apparaît au moins plausible d’un point de vue scientifique et, par conséquent,
satisfait au standard de preuve quant à l’existence d’un lien de causalité biologiquement plausible entre le mode d’action et les effets graves.

208 Ensuite, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les données soutenant l’existence d’une faible activité œstrogénique ne suffisaient pas pour identifier un perturbateur endocrinien, premièrement, il convient de relever que la requérante ne définit pas ce qu’elle entend par une faible activité endocrinienne et, par conséquent, quelles sont les données qu’elle considère comme insuffisantes. Deuxièmement, l’approche de la force probante des éléments de preuve permet de et oblige à
prendre en compte toutes les données pertinentes qui viennent à l’appui d’une hypothèse. Ainsi, l’ECHA pouvait à juste titre fonder ses conclusions également sur des données démontrant uniquement de faibles effets. Troisièmement, le degré des effets observés n’est pas un critère nécessaire pour l’établissement d’un lien de causalité entre un mode d’action endocrinien et ses effets. Un tel lien de causalité peut également être établi, de manière plausible, sur la base de faibles effets.

209 Enfin, quant à l’argument de la requérante selon lequel le Royaume-Uni aurait exprimé des hésitations relatives à la conclusion selon laquelle le bisphénol A causerait ses effets indéniablement par le biais d’une perturbation endocrinienne, il convient de relever que cette observation de la part du Royaume-Uni a effectivement été faite à la lumière des données contenues dans les études sur les invertébrés. Or, il résulte de la page 135 du document d’appui que l’ECHA ne s’est pas appuyée de
manière conclusive sur les données concernant les invertébrés, mais s’est limitée à constater qu’il était possible que les effets du bisphénol A soient causés par une perturbation endocrinienne. Plus précisément, l’ECHA y reconnaît que, à défaut d’un accord scientifique sur la définition d’un lien biologique plausible entre les effets et le mode d’action endocrinien chez ces espèces d’invertébrés, ces éléments de preuve ne peuvent servir que de support supplémentaire venant à l’appui des
conclusions tirées en premier lieu des études sur les poissons et les amphibiens. Dès lors, il ne peut être reproché à l’ECHA d’avoir écarté les hésitations telles qu’exprimées par le Royaume de Danemark et le Royaume-Uni lors de la consultation de la proposition d’identification.

210 Au vu de tout ce qui précède, le deuxième grief de la seconde branche du premier moyen doit être écarté.

c)   Sur le troisième grief de la seconde branche du premier moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’identification d’un niveau de préoccupation équivalent

211 Par le troisième grief de la seconde branche du premier moyen, la requérante fait valoir que l’ECHA a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’identification des critères prévus à l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 en concluant que le bisphénol A suscitait « un niveau de préoccupation équivalent » à celui suscité par l’utilisation d’autres substances énumérées à l’article 57, sous d) et e), du règlement no 1907/2006, à savoir, d’une part, les substances PBT et, d’autre
part, les substances vPvB.

212 Tout d’abord, la requérante fait valoir que la biodégradabilité facile du bisphénol A et le fait que la concentration potentielle dans l’environnement n’excède pas le seuil d’innocuité s’opposent à ce que cette substance puisse susciter un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par l’utilisation des substances PBT ou vPvB, du fait qu’il ne s’accumulerait pas dans l’environnement. À cet égard, la requérante invoque la section 1.1 de l’annexe XIII du règlement no 1907/2006 selon
laquelle une substance ne remplit pas le critère de persistance si elle est biodégradable. Le niveau de préoccupation élevé lié aux substances PBT et vPvB serait suscité essentiellement par leur accumulation dans l’environnement en raison de leurs propriétés persistantes et bioaccumulables. Bien que la réunion des propriétés PBT et vPvB ne soit pas requise pour qu’une substance soit qualifiée de perturbateur endocrinien au sens de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006, la requérante
estime qu’il y a lieu de renvoyer aux propriétés qui sont pertinentes pour l’identification des substances PBT et vPvB, à savoir la persistance et la bioaccumulation. À l’appui de son argument, la requérante invoque des observations faites par plusieurs États membres, et notamment le Royaume des Pays-Bas et le Royaume-Uni, sur le dossier élaboré conformément à l’annexe XV, en insistant sur la biodégradabilité facile et immédiate du bisphénol A. La requérante affirme que l’ECHA a répondu à ces
observations en affirmant que le bisphénol A était facilement biodégradable. Néanmoins, elle n’aurait pas remis en cause ses conclusions sur le niveau de préoccupation équivalent. En outre, l’ECHA n’aurait pas démontré l’existence d’un niveau de préoccupation équivalent par référence à d’autres critères que la persistance ou la bioaccumulation.

213 De plus, la requérante renvoie à la détermination d’une concentration prévisible sans effets du bisphénol A dans le cadre du rapport EU RAR, ce qui illustrerait la possibilité de déterminer un niveau sûr d’exposition au bisphénol A. Cependant, l’ECHA aurait conclu de manière spéculative qu’il semblait difficile de trouver un niveau sûr sans fournir une justification concernant cette conclusion, ce qui, selon la requérante, constituerait une erreur manifeste d’appréciation viciant la décision
attaquée.

214 Ensuite, dans la mesure où l’ECHA s’est d’ailleurs fondée sur la gravité des effets ainsi que sur leur caractère irréversible, la requérante soutient que de tels constats sont fondés sur des études non fiables. En outre, l’ECHA ne saurait, selon la requérante, invoquer la gravité des effets pour justifier le niveau de préoccupation, étant donné que, au titre de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006, la gravité des effets est déjà prise en compte pour déterminer si le bisphénol A
constitue une substance pour laquelle il est scientifiquement prouvé qu’elle peut avoir des effets graves sur l’environnement.

215 Enfin, de l’avis de la requérante, le simple fait que le CEM ait admis à l’unanimité qu’il existait un tel niveau de préoccupation était insuffisant et ne pouvait suppléer à une absence de preuve scientifique de cette affirmation.

216 L’ECHA, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, la République française et ClientEarth, conteste ces arguments.

217 À cet égard, il convient de rappeler d’emblée que l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 exige, pour l’identification de substances autres que celles répondant aux critères visés à l’article 57, sous a) à e), dudit règlement, qu’il soit établi, au cas par cas, sur la base d’éléments scientifiques, d’une part, qu’il est probable que les substances concernées aient des effets graves sur la santé humaine ou l’environnement et, d’autre part, que ces effets suscitent un niveau de
préoccupation équivalent à celui suscité par les substances énumérées à l’article 57, sous a) à e), du règlement no 1907/2006, à savoir les substances CMR, PBT et vPvB. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que l’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante doit être écartée dès lors que l’une de ces conditions fait défaut (arrêt du 15 mars 2017, Hitachi Chemical Europe et Polynt/ECHA, C‑324/15 P, EU:C:2017:208, point 26).

218 S’agissant de la seconde condition énoncée à l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006, il convient de démontrer que ces effets « suscitent un niveau de préoccupation équivalent » à celui suscité par les substances CMR, PBT ou vPvB. Or, comme l’a relevé la Cour au point 32 de l’arrêt du 15 mars 2017, Hitachi Chemical Europe et Polynt/ECHA (C‑324/15 P, EU:C:2017:208), l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 ne fixe aucun critère et n’apporte aucune précision en ce qui concerne la
nature des préoccupations qui sont susceptibles d’être prises en considération aux fins de l’identification d’une substance autre que CMR, PBT ou vPvB. Dans ces conditions, il importe de déterminer si l’ECHA a commis une erreur manifeste d’appréciation dans la détermination du niveau de préoccupation.

219 Tout d’abord, il y a lieu de constater que le document d’appui présente, par le biais d’une approche fondée sur la force probante des éléments de preuve, une série de considérations qui ont amené l’ECHA à conclure à des effets graves probables suscitant un niveau de préoccupation équivalent. Le document d’appui invoque notamment la gravité des effets sur la reproduction et le développement sexuel des poissons et des amphibiens ainsi que l’irréversibilité de ces effets, ayant potentiellement des
conséquences à long terme pour la population, même après une exposition d’une courte durée au bisphénol A. De plus, le document d’appui explique, d’une part, que le bisphénol A agit sur une large variété d’espèces écologiquement importantes et, d’autre part, que l’exposition à cette substance n’est pas limitée à certains environnements, mais qu’elle est plutôt ubiquitaire. Enfin, elle invoque la difficulté à déterminer et à quantifier un seuil sûr d’exposition.

220 Or, force est de constater que la requérante ne remet pas en cause ces conclusions dans leur intégralité. En effet, elle se limite, d’une part, à discuter de la possibilité d’établir un niveau sûr d’exposition au bisphénol A et, d’autre part, à faire valoir que la biodégradabilité facile et immédiate du bisphénol A, qui n’est d’ailleurs pas contestée par l’ECHA, s’opposerait au constat d’un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité notamment par les substances PBT et vPvB.

221 S’agissant tout d’abord de la possibilité de déterminer un niveau sûr d’exposition, il y a lieu de constater que, certes, une concentration prévisible sans effets a été déterminée dans le cadre du rapport EU RAR.

222 Or, comme l’ECHA l’a expliqué dans ses observations sur une réponse de la requérante à une question écrite du Tribunal, contrairement aux travaux effectués en vue de l’établissement d’une concentration prévisible sans effets, l’identification d’une substance au titre de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 n’est pas une question d’analyse des risques, mais une évaluation des dangers inhérents aux propriétés intrinsèques d’une substance. Ainsi, la possibilité de déduire un niveau sûr
dans le contexte doit être évaluée en fonction des dangers que le bisphénol A pose pour l’environnement en raison de son mode d’action endocrinien. C’est dans ce contexte que l’ECHA a pris en compte les incertitudes mises en évidence dans la dérivation d’un niveau sûr. Le document d’appui mentionne à cet égard notamment des difficultés qui résultent du fait que certains effets ne sauraient être observés que pendant certaines phases de vie, certaines périodes ou bien certaines saisons. En outre,
des difficultés ont été identifiées en raison du fait que le bisphénol A affecte une grande variété d’organismes par le biais de modes d’action endocriniens différents.

223 Au vu de ces incertitudes à tout le moins plausibles, l’ECHA a abordé avec prudence la question de la possibilité de déterminer un niveau sûr d’exposition au bisphénol A. Cette prudence est notamment justifiée à la lumière du principe de précaution sur lequel reposent les dispositions du règlement no 1907/2006 en vertu de son article 1er, paragraphe 1. Ce principe, qui constitue un principe général du droit de l’Union, implique que, lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à la
portée de risques pour l’environnement, des mesures de protection peuvent être prises sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées (voir, en ce sens, arrêts du 1er octobre 2019, Blaise e.a., C‑616/17, EU:C:2019:800, point 43, et du 19 septembre 2019, GE Healthcare/Commission, T‑783/17, EU:T:2019:624, point 45). Dès lors, il ne peut être reproché à l’ECHA d’avoir justifié le niveau de préoccupation suscité par les effets du bisphénol A en raison
de son mode d’action endocrinien, notamment, en invoquant les incertitudes qu’elle avait identifiées en vue de la détermination d’un niveau sûr d’exposition au bisphénol A.

224 S’agissant ensuite de l’argument selon lequel la biodégradabilité facile et immédiate du bisphénol A s’oppose à la détermination d’un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par les substances énumérées à l’article 57, sous a) à e), du règlement no 1907/2006, premièrement, il y a lieu de constater que cet argument se présente comme contradictoire. D’une part, la requérante reconnaît, à juste titre, qu’il n’est pas nécessaire qu’une substance ait des propriétés PBT ou vPvB pour pouvoir
être considérée comme un perturbateur endocrinien au sens de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2007. D’autre part, elle estime qu’il y a lieu de renvoyer aux propriétés pertinentes pour l’identification des substances PBT et vPvB aux fins de l’établissement d’un niveau de préoccupation équivalent. Dans ce contexte, la requérante n’explique toutefois pas quels seraient les critères qui permettraient, selon elle, l’identification d’une substance en tant que perturbateur endocrinien sans
que celle-ci soit en même temps une substance PBT et vPvB.

225 Cette interprétation avancée par la requérante de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006, par essence, ferait de cette disposition une simple duplication des dispositions de l’article 57, sous a) à e), du même règlement, ce qui rendrait dépourvues d’effets utiles les dispositions de l’article 57, sous f), dudit règlement. Une telle interprétation irait ainsi, notamment, à l’encontre de l’objectif principal du règlement no 1907/2006, énoncé à son article 1er, paragraphe 1, à savoir
celui d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, dans la mesure où cette interprétation conduirait à une situation dans laquelle les substances extrêmement préoccupantes ne présentant pas les propriétés visées à l’article 57, sous a) à e), du règlement no 1907/2006 ne pourraient pas être identifiées en tant que telles. Or, selon le libellé même de l’article 57, sous f), dudit règlement, cette disposition couvre, notamment, les substances « qui ne
remplissent pas les critères visés [à l’article 57, sous d) et e), dudit règlement] ».

226 Deuxièmement, la requérante n’explique pas dans quelle mesure la biodégradabilité facile du bisphénol A, à elle seule, invaliderait les conclusions de l’ECHA sur le niveau de préoccupation suscité par le bisphénol A. Or, il ressort du document d’appui que l’ECHA a considéré que même une courte exposition au bisphénol A peut suffire pour causer des effets graves, irréversibles et à long terme sur les organismes et les populations. Partant, la biodégradabilité facile et immédiate du bisphénol A ne
saurait affecter le niveau de préoccupation, tel qu’identifié par l’ECHA.

227 Troisièmement, il y a lieu de rappeler que l’ECHA est arrivée à la détermination d’un niveau de préoccupation sur la base de la force probante des éléments de preuve. Ainsi, l’argument selon lequel l’ECHA se serait appuyée sur des études non fiables, qui correspond au premier grief du premier moyen, doit également être écarté. La force probante des études évaluées a permis à l’ECHA, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, de conclure que les effets causés par le bisphénol A en raison
de son mode d’action endocrinien sont de caractère irréversible dans la mesure où elles se transmettent entre les générations, comme cela a été relevé par les diverses études multigénérationnelles effectuées sur des espèces de poissons analysées dans le document d’appui.

228 S’agissant enfin de la sévérité des effets causés par le bisphénol A en raison de son mode d’action endocrinien, il convient de relever que, certes, l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 requiert qu’il soit démontré que le bisphénol A cause des effets graves sur l’environnement. Cela n’empêche néanmoins pas l’ECHA de considérer la sévérité de ces effets par rapport à la sévérité des effets suscités par les substances énumérées à l’article 57, sous a) à e), dudit règlement. Une telle
approche ne constitue notamment pas un double comptage des éléments de preuve, mais simplement une analyse de ces éléments sous un autre angle.

229 Compte tenu de ces éléments, force est de constater que la requérante n’a pas démontré en quoi l’ECHA aurait commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’établissement d’un niveau de préoccupation équivalent.

230 Au vu de tout ce qui précède, ce troisième grief de la seconde branche du premier moyen doit être rejeté, tout comme cette branche et ce moyen dans leur totalité.

[omissis]

IV. Sur les dépens

272 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par l’ECHA et par ClientEarth, conformément aux conclusions de ces derniers.

273 Selon l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Dès lors, la République fédérale d’Allemagne et la République française supporteront leurs propres dépens.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

  1) Le recours est rejeté.

  2) PlasticsEurope supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) et par ClientEarth.

  3) La République fédérale d’Allemagne et la République française supporteront leurs propres dépens.

Svenningsen

Pynnä

  Laitenberger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 décembre 2020.

Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.

( 1 ) Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.


Synthèse
Formation : Huitième chambre
Numéro d'arrêt : T-207/18
Date de la décision : 16/12/2020
Type de recours : Recours en annulation - non fondé

Analyses

REACH – Établissement d’une liste de substances identifiées en vue d’une inclusion à terme dans l’annexe XIV du règlement (CE) no 1907/2006 – Complément de l’inscription relative à la substance bisphénol A sur cette liste – Articles 57 et 59 du règlement no 1907/2006 – Erreur manifeste d’appréciation – Approche de la force probante des éléments de preuve – Études exploratoires – Utilisations intermédiaires – Proportionnalité.

Environnement

Rapprochement des législations

Santé publique


Parties
Demandeurs : PlasticsEurope
Défendeurs : Agence européenne des produits chimiques.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Laitenberger

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2020:623

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