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25/06/2020 | CJUE | N°T-511/18

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, XH contre Commission européenne., 25/06/2020, T-511/18


 ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

25 juin 2020 ( *1 )

« Fonction publique – Fonctionnaires – Promotion – Exercice de promotion 2017 – Décision de non-promotion – Clarté et précision d’un moyen de la requête – Règle de concordance – Remise en cause d’actes définitifs – Recevabilité – Article 45 du statut – Rapport intermédiaire de stage – Rapport de fin de stage – Rapport d’évaluation – Éléments pris en compte pour l’examen comparatif des mérites – Régularité de la procédure – Responsabilité â€

“ Préjudice moral »

Dans l’affaire T‑511/18,

XH, représentée par Me E. Auleytner, avocate,

partie requérante,

contre

Co...

 ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

25 juin 2020 ( *1 )

« Fonction publique – Fonctionnaires – Promotion – Exercice de promotion 2017 – Décision de non-promotion – Clarté et précision d’un moyen de la requête – Règle de concordance – Remise en cause d’actes définitifs – Recevabilité – Article 45 du statut – Rapport intermédiaire de stage – Rapport de fin de stage – Rapport d’évaluation – Éléments pris en compte pour l’examen comparatif des mérites – Régularité de la procédure – Responsabilité – Préjudice moral »

Dans l’affaire T‑511/18,

XH, représentée par Me E. Auleytner, avocate,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme L. Radu Bouyon et M. L. Vernier, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision publiée aux Informations administratives no 25-2017, du 13 novembre 2017, de ne pas inscrire le nom de la requérante sur la liste des fonctionnaires promus dans le cadre de l’exercice de promotion 2017 et à l’annulation de la décision R/96/18, du 7 juin 2018, rejetant la réclamation de la requérante du 10 février 2018 et, d’autre part, à la réparation des préjudices prétendument subis du
fait de ces décisions,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de MM. R. da Silva Passos (rapporteur), président, L. Truchot et M. Sampol Pucurull, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 19 décembre 2019,

rend le présent

Arrêt ( 1 )

I. Antécédents du litige

1 La requérante, XH, est une fonctionnaire de l’Office européen de lutte anti-fraude (OLAF). Elle a été nommée à la suite de sa réussite au concours EPSO/2009/169 (droit) et recrutée au grade AD 5 au sein d’une première unité de l’OLAF, à compter du 1er juillet 2014. Son recrutement a été assorti d’une période probatoire qui a pris fin le 31 mars 2015 (ci-après la « période de stage »).

2 Le 22 octobre 2014, la requérante a été reçue par le docteur A, médecin psychiatre du service médical de la Commission européenne (ci-après le « service médical »), dans le cadre d’une visite médicale. Cette visite a été organisée à la suite de difficultés internes rencontrées par la requérante avec d’autres membres de la première unité de l’OLAF dans laquelle elle avait été affectée.

3 À compter du 1er novembre 2014, la requérante a été transférée dans une seconde unité de l’OLAF.

4 Le 5 décembre 2014, un rapport intermédiaire de stage a été remis à la requérante (ci-après le « rapport intermédiaire de stage »). Par courrier électronique du 15 décembre 2014, la requérante a indiqué qu’elle désapprouvait les commentaires contenus dans ce rapport.

5 En janvier 2015, la requérante a demandé au service médical d’accéder à son dossier médical. Le 3 février 2015, la requérante a été informée par le service médical que seule une consultation de son dossier médical par un praticien externe était possible. Le 1er mars 2015 et le 4 avril 2016, la requérante a nommé successivement les docteurs B et C à cette fin.

6 Le 20 mars 2015, la requérante a été titularisée, avec effet au 1er avril 2015.

7 Le 26 mars 2015, le rapport de fin de stage de la requérante a été remis à cette dernière. Ce rapport comportait la signature, en qualité d’évaluateur, du chef de la seconde unité dans laquelle elle avait été affectée et la contresignature, en qualité de validateur, du directeur ad interim de la direction B de l’OLAF.

8 Dans le cadre de la procédure de demande d’accès à son dossier médical, la requérante a été informée de l’existence d’une note médicale de compte rendu du docteur A datée du 31 mars 2015 (ci-après « la note du docteur A »). Cette note a été établie à la suite de la visite médicale du 22 octobre 2014 mentionnée au point 2 ci-dessus. Le 2 octobre 2015, le docteur B a communiqué des extraits de la note du docteur A à la requérante. En avril 2016, la Commission a invité le docteur C dans les locaux du
service médical, afin de lui permettre de consulter l’intégralité de la note du docteur A. Cette consultation a eu lieu le 11 mai 2016.

9 Le 11 avril 2015, la requérante a formé une première demande d’assistance, devant l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») compétente, contre le chef de la première unité dans laquelle elle avait été affectée. Le 6 juillet 2015, la requérante a formé, devant l’AIPN compétente, une seconde demande d’assistance contre son tuteur au sein de cette même unité. Dans ces demandes, la requérante a affirmé, en substance, que le contenu diffamatoire du rapport intermédiaire de
stage mentionné au point 4 ci-dessus était un élément de preuve d’un harcèlement moral exercé sur elle par ses supérieurs hiérarchiques. Par la décision D/306/15, du 24 juillet 2015, et par la décision D/512/15, du 19 octobre 2015, l’AIPN compétente a rejeté ces deux demandes d’assistance. La requérante a formé une réclamation le 23 octobre 2015 et une réclamation le 19 janvier 2016 contre les décisions D/306/15 et D/512/15. Dans le cadre de la première de ces deux réclamations, elle a notamment
demandé le retrait du rapport intermédiaire de stage la concernant de son dossier individuel. Par la décision R/730/15, du 9 février 2016, et par la décision R/43/16, du 27 avril 2016, l’AIPN compétente a rejeté ces deux réclamations.

10 Le 21 juillet 2016, la requérante a demandé à être indemnisée pour les dommages et les frais, incluant les frais d’avocats, qui avaient été occasionnés par la procédure de demande d’accès à son dossier médical. Le 30 août 2016, le service médical a rejeté cette demande.

11 Le 30 septembre 2016, la requérante a demandé à ce que l’avis médical du professeur D, à savoir un psychologue externe qu’elle avait consulté en août 2016, soit inclus dans son dossier médical.

12 Le 10 octobre 2016, la requérante a formé une réclamation devant le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD). Cette réclamation concernait, d’une part, la durée de la procédure de traitement de sa demande d’accès à son dossier médical et, d’autre part, l’absence d’inclusion de la note du professeur D dans son dossier médical.

13 Le 27 novembre 2016, la requérante a formé une réclamation contre la décision du service médical, mentionnée au point 10 ci-dessus, de rejet de sa demande d’indemnisation des dommages et des frais occasionnés par la procédure de demande d’accès à son dossier médical. Par la décision R/579/16, du 9 mars 2017, l’AIPN compétente a rejeté cette réclamation.

14 Au cours de la même période, en janvier 2016 et en avril 2017, les rapports d’évaluation annuelle (ci-après les « rapports d’évaluation ») de la requérante ont été établis au titre des exercices 2015 et 2016.

15 Le 3 avril 2017, la Commission a communiqué, par le biais d’une publication aux Informations administratives no 13-2017, l’ouverture de la procédure de promotion pour l’année 2017 (ci-après la « procédure de promotion 2017 »). Cette communication a été suivie, le 19 juin 2017, par la publication de la liste des fonctionnaires proposés à la promotion par le directeur général de l’OLAF. Cette liste ne mentionnait pas le nom de la requérante.

16 Le 11 avril 2017, la requérante a renouvelé sa demande du 30 septembre 2016 qui visait à ce que la note du professeur D fût incluse dans son dossier médical (voir point 11 ci-dessus).

17 En juin 2017, la requérante a saisi le Médiateur européen d’une plainte afférente à la présence du rapport intermédiaire de stage dans son dossier individuel.

18 Le 26 juin 2017, la requérante a formé, devant le comité paritaire de promotion (ci-après le « CPP »), une réclamation contre la décision du directeur général de l’OLAF de ne pas l’inclure sur la liste des fonctionnaires proposés à la promotion.

19 Le 25 août 2017, la requérante a demandé au service médical de retirer la note du docteur A de son dossier médical. Le 28 août 2017, le service médical l’a informée de l’absence de cette note dans son dossier médical.

20 Le 27 août 2017, un membre du CPP a consulté le rapport intermédiaire de stage de la requérante.

21 Le 21 septembre 2017, un groupe paritaire intermédiaire (ci-après le « GPI ») a émis un projet d’avis suggérant de ne pas recommander la requérante à la promotion. Ce projet d’avis a été suivi par un avis du CPP, du 27 octobre 2017, dans lequel ce dernier n’a pas recommandé, à 26 voix pour et 4 abstentions, la requérante à la promotion auprès de l’AIPN compétente.

22 Le 13 novembre 2017, la Commission a publié une communication aux Informations administratives no 25-2017. Cette communication contenait la liste des fonctionnaires promus au titre de l’exercice de promotion 2017. Le nom de la requérante ne figurait pas sur cette liste (ci-après la « décision de non-promotion »).

23 Le 14 décembre 2017, le CEPD a rendu sa décision sur la réclamation de la requérante du 10 octobre 2016 mentionnée au point 12 ci-dessus. Dans cette décision, le CEPD a rejeté le premier grief formulé par la requérante, tiré de la durée de la procédure de traitement de la demande de cette dernière d’accéder à son dossier médical. En revanche, en ce qui concerne le second grief, tiré de l’absence d’inclusion de la note du professeur D dans le dossier médical de la requérante, le CEPD a décidé que
le fait, pour la Commission, de ne pas avoir fait droit, sans délai, à la demande de la requérante, tenant à la rectification de son dossier médical, constituait une infraction aux règles de protection des données à caractère personnel. Par ailleurs, le CEPD a indiqué que les informations qui lui avaient été transmises dans le cadre de cette procédure de réclamation suggéraient que la note du docteur A avait été retirée du dossier médical de la requérante.

24 Le 18 décembre 2017, la requérante a demandé au directeur général de l’OLAF de retirer le rapport intermédiaire de stage de son dossier individuel. Au soutien de cette demande, la requérante a invoqué la décision du CEPD mentionnée au point 23 ci-dessus.

25 Par courrier électronique du 18 janvier 2018, la direction générale (DG) des ressources humaines et de la sécurité de la Commission a informé la requérante que le rapport intermédiaire de stage, ainsi que ses commentaires sur ce dernier, avaient été retirés de son dossier individuel.

26 Le 10 février 2018, la requérante a formé une réclamation contre la décision de non-promotion publiée le 13 novembre 2017. Par la décision R/96/18, du 7 juin 2018, l’AIPN compétente a rejeté cette réclamation (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »). Le 17 juin 2018, la requérante a accusé réception de cette décision de rejet de sa réclamation.

27 Le 13 novembre 2018, la requérante a été, au titre de l’exercice de promotion 2018, promue au grade AD 6, avec effet au 1er janvier 2018.

II. Procédure et conclusions des parties

[omissis]

34 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– ordonner à la Commission de présenter les rapports d’évaluation de tous les fonctionnaires promouvables et promus du grade AD 5 au grade AD 6 au titre de l’exercice de promotion 2017 ainsi que les listes des fonctionnaires proposés à une promotion ;

– ordonner à la Commission de présenter des preuves et des résultats de l’examen comparatif des mérites et des copies des dossiers du GPI et du CPP ainsi que les statistiques les plus récentes concernant le rythme moyen de promotion et l’augmentation de salaire correspondante des fonctionnaires ;

– entendre en tant que témoins les participants pertinents aux procédures d’approbation et de promotion et les personnes ayant pris connaissance du rapport intermédiaire de stage, après la présentation de la documentation pertinente visée dans le deuxième chef de conclusions ;

– annuler la décision de non-promotion ;

– annuler la décision de rejet de la réclamation ;

– condamner la Commission à l’indemniser au titre des préjudices et de la perte subis ;

– condamner la Commission aux dépens.

35 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

36 Par ses quatrième et cinquième chefs de conclusions, la requérante demande l’annulation de la décision de non-promotion et de la décision de rejet de la réclamation.

37 Il est de jurisprudence constante que des conclusions dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le juge de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée et sont en tant que telles dépourvues de contenu autonome (arrêts du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8, et du 20 novembre 2007, Ianniello/Commission, T‑205/04, EU:T:2007:346, point 27). Il convient donc de considérer que les conclusions en annulation, dirigées contre la décision de
rejet de la réclamation formée contre la décision de non-promotion, ont pour unique objet une demande d’annulation de la décision de non-promotion (voir, en ce sens, arrêt du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, EU:T:2006:110, point 43).

38 Même si la décision de rejet de la réclamation est confirmative de la décision de non-promotion et qu’il n’y a donc pas lieu de statuer spécifiquement sur les conclusions en annulation de la décision de rejet de la réclamation, la motivation figurant dans cette dernière décision révèle les motifs de la décision de non-promotion. Par conséquent, compte tenu du caractère évolutif de la procédure précontentieuse, cette motivation devra également être prise en considération pour l’examen de la
légalité de la décision de non-promotion, cette motivation étant censée coïncider avec ce dernier acte (voir, en ce sens, arrêt du 21 mai 2014, Mocová/Commission, T‑347/12 P, EU:T:2014:268, points 31 et 33 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, point 59).

39 Par son sixième chef de conclusions, la requérante demande l’indemnisation par la Commission des préjudices prétendument subis.

40 Il convient d’examiner, d’une part, la demande en annulation et, d’autre part, la demande en indemnité.

A. Sur la demande en annulation

41 Au soutien de sa demande, la requérante invoque deux moyens. Le premier moyen est tiré de l’irrégularité de la procédure de promotion 2017. Le second moyen est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation commise par l’AIPN compétente lors de l’examen comparatif des mérites.

42 La Commission soulève plusieurs fins de non-recevoir.

1.   Sur la recevabilité

[omissis]

c)   Sur la fin de non-recevoir tirée de ce que la requérante remettrait en cause des actes devenus définitifs

[omissis]

84 Il résulte de ce qui précède que la fin de non-recevoir tirée du manque de clarté et de précision du premier moyen et la fin de non-recevoir tirée d’une méconnaissance de la règle de concordance doivent être rejetées. En revanche, l’argumentation de la requérante dirigée, d’une part, contre la présence du rapport intermédiaire de stage dans son dossier individuel au sens de l’article 26 du statut et, d’autre part, contre les rapports d’évaluation établis au titres des exercices 2015 et 2016 est
irrecevable.

2.   Sur le fond

85 Par son premier moyen, la requérante affirme, en substance, que la procédure de promotion 2017 est irrégulière au motif qu’elle méconnaît l’article 45 du statut ainsi que la décision C(2013) 8968 final de la Commission, du 16 décembre 2013, portant dispositions générales d’exécution de l’article 45 du statut, publiée aux Informations administratives no 55-2013, du 19 décembre 2013 (ci-après les « DGE »). À cet égard, la requérante fait notamment valoir que l’irrégularité de la procédure de
promotion 2017 est liée, premièrement, à l’influence exercée par la note du docteur A et, deuxièmement, à l’influence du rapport intermédiaire de stage et du rapport de fin de stage. La requérante ajoute que les irrégularités procédurales qu’elle dénonce sont susceptibles d’avoir influencé l’issue de la procédure de promotion 2017, à savoir le refus de promotion.

[omissis]

b)   Sur la prétendue influence du rapport intermédiaire de stage et du rapport de fin de stage sur la procédure de promotion 2017

108 La requérante fait notamment valoir que son dossier individuel, qui a été examiné au cours de la procédure de promotion 2017, contenait des éléments qui ne devaient pas y figurer et qui ne devaient pas être pris en compte afin d’apprécier ses mérites lors de l’examen comparatif des mérites. En particulier, la requérante estime que la présence du rapport intermédiaire de stage dans son dossier individuel était irrégulière.

109 La requérante critique également la présence du rapport intermédiaire de stage dans son « dossier de promotion », c’est-à-dire, en substance, l’influence et la prise en compte du rapport intermédiaire de stage pendant l’exercice de promotion 2017. À cet égard, dans la requête, et lors de l’audience, la requérante a souligné que le rapport de fin de stage contenait une référence directe au rapport intermédiaire de stage et faisait état des difficultés qu’elle avait rencontrées au début de sa
période de stage, à savoir des difficultés de nature interpersonnelle et concernant le travail en équipe.

110 La requérante considère que les indications figurant dans le rapport intermédiaire de stage ont manifestement influencé le contenu du rapport de fin de stage et de ses rapports d’évaluation établis au titre des exercices 2015 et 2016, à savoir les documents qui ont été pris en compte lors de l’examen comparatif des mérites réalisé dans le cadre de l’exercice de promotion 2017. En outre, elle relève qu’un membre du CPP a directement consulté le rapport intermédiaire de stage lors de la procédure
de promotion 2017. Par ailleurs, lors de l’audience, la requérante a affirmé que la prise en compte, par l’AIPN compétente, de ce rapport n’était pas nécessaire dans le cadre de la procédure de promotion 2017.

111 Enfin, dans la partie de la requête consacrée à l’examen comparatif des mérites, la requérante soutient que les indications figurant dans le rapport de fin de stage et le rapport intermédiaire de stage ont manifestement influencé son évaluation et l’absence de proposition de promotion.

112 Ainsi, en substance, la requérante invoque, d’une part, une irrégularité liée à la présence du rapport intermédiaire de stage dans son dossier individuel au sens de l’article 26 du statut. D’autre part, elle dénonce une violation de l’article 45 du statut au motif que le rapport intermédiaire de stage et le rapport de fin de stage ont été pris en considération lors de la procédure de promotion 2017.

113 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

114 En premier lieu, la Commission soutient que le retrait du rapport intermédiaire de stage du dossier individuel de la requérante n’est pas la conséquence directe des obligations qui lui incombaient au titre de la décision du CEPD (voir points 23 à 25 ci‑dessus). En effet, dans sa décision, le CEPD n’aurait pas considéré que la présence du rapport intermédiaire de stage dans le dossier individuel était irrégulière.

115 En deuxième lieu, la Commission fait valoir dans ses écritures que, en vertu de l’article 45 du statut et de l’article 4, paragraphe 1, sous a), des DGE, la prise en compte du rapport intermédiaire de stage dans le cadre de l’exercice de promotion 2017 ne constitue pas une irrégularité, mais qu’il s’agit, au contraire, d’une obligation pour l’AIPN compétente. En outre, la Commission souligne que l’accès, en l’espèce, par les membres du CPP au dossier individuel des fonctionnaires, par le biais
du système informatique de gestion du personnel (ci-après « Sysper 2 »), est une exigence procédurale découlant de la nécessité de procéder à l’examen des rapports prévu par l’article 45 du statut. Dès lors, selon la Commission, cet accès ne constitue pas une irrégularité.

116 Interrogée sur ce point lors de l’audience, la Commission a souligné que, contrairement à ce qu’elle avait indiqué dans le mémoire en défense, l’AIPN n’avait aucune obligation de prendre en compte le rapport intermédiaire de stage. Par ailleurs, elle a précisé que l’objectif d’un rapport de stage n’était pas d’apprécier les mérites d’un fonctionnaire aux fins de la promotion et qu’un tel rapport était élaboré uniquement aux fins de la titularisation. Elle en a déduit que, lors de l’examen
comparatif des mérites effectué dans le cadre d’une procédure de promotion, seuls les rapports d’évaluation étaient, en principe, pris en considération. Cependant, la Commission a estimé que les évaluateurs avaient toujours, de facto, la possibilité de prendre en considération les documents disponibles dans Sysper 2.

117 En troisième lieu, dans le mémoire en défense et lors de l’audience, la Commission a contesté l’incidence du rapport intermédiaire de stage sur la procédure de promotion 2017 et, en particulier, l’influence de ce document sur les rapports pris en compte lors de cet exercice de promotion.

118 Tout d’abord, la Commission relève que le contenu du rapport intermédiaire de stage n’a pas empêché la titularisation de la requérante à la fin de la période de stage. Lors de l’audience, elle a souligné que les supérieurs hiérarchiques étaient autorisés à rédiger des appréciations négatives dans un rapport intermédiaire de stage et dans un rapport de fin de stage. Elle a ajouté que, certes, le rapport de fin de stage en cause mentionnait les difficultés rencontrées par la requérante au début de
la période de stage. Toutefois, elle a fait valoir que le rapport de fin de stage de la requérante contenait des appréciations qui minimisaient délibérément les appréciations négatives qui figuraient dans le rapport intermédiaire de stage.

119 Ensuite, la Commission invoque le défaut d’intérêt de la requérante à contester les conclusions « satisfaisantes » des rapports d’évaluation la concernant établis au titre des exercices 2015 et 2016. Lors de l’audience, elle a fait valoir que la prétendue incidence négative des appréciations contenues dans le rapport intermédiaire de stage avait été contrebalancée par les appréciations positives contenues dans le rapport de fin de stage et dans les rapports d’évaluation établis au titre des
exercices 2015 et 2016.

120 Enfin, toujours lors de l’audience, la Commission a constaté que la décision de rejet de la réclamation ne contenait aucune référence au rapport intermédiaire de stage. À cet égard, elle a précisé que, au cours de la procédure de promotion, l’AIPN compétente avait uniquement ou essentiellement eu recours aux rapports d’évaluation établis au titre des exercices 2015 et 2016.

121 Par conséquent, selon la Commission, la requérante surestime l’incidence du rapport intermédiaire de stage sur la procédure de promotion 2017 et néglige l’importance de la prise en compte des autres rapports la concernant qui figuraient dans son dossier individuel.

122 En l’espèce, il convient de rappeler que la requérante n’est pas recevable à contester la présence du rapport intermédiaire de stage dans son dossier individuel au sens de l’article 26 du statut (voir point 84 ci‑dessus).

123 Il y a lieu donc d’examiner uniquement les arguments de la requérante tirés de la prise en compte, en violation de l’article 45 du statut, du rapport intermédiaire de stage et du rapport de fin de stage lors de la procédure de promotion 2017.

1) Observations liminaires

124 L’article 45, paragraphe 1, du statut dispose que, aux fins de l’examen comparatif des mérites, l’AIPN prend en considération, en particulier, les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet. En outre, l’article 4, paragraphe 1, sous a), des DGE dispose notamment que, aux fins de l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables, l’AIPN prend en considération, en particulier : « les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet depuis leur dernière promotion ou, à défaut,
depuis leur recrutement et, en particulier, les rapports d’évaluation établis conformément aux dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut ».

125 En premier lieu, il importe de souligner que les rapports visés à l’article 45 du statut sont ceux mentionnés à l’article 43 de ce statut, à savoir les rapports d’évaluation (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2000, Rappe/Commission, T‑202/99, EU:T:2000:227, point 37 et jurisprudence citée).

126 Les rapports d’évaluation constituent un élément indispensable d’appréciation chaque fois que la carrière d’un fonctionnaire est prise en considération en vue de l’adoption d’une décision concernant sa promotion (voir arrêts du 8 mars 2006, Lantzoni/Cour de justice, T‑289/04, EU:T:2006:70, point 61 et jurisprudence citée ; et du 16 mars 2009, R/Commission, T‑156/08 P, EU:T:2009:69, point 53 et jurisprudence citée). Ainsi, une décision de non-promotion est entachée d’irrégularité lorsque l’AIPN
n’a pas procédé à un examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables parce qu’un ou plusieurs rapports d’évaluation n’étaient pas disponibles en raison d’une faute de l’administration (arrêt du 28 juin 2016, Kotula/Commission, F‑118/15, EU:F:2016:138, point 38 ; voir également, en ce sens, arrêts du 3 mars 1993, Vela Palacios/CES, T‑25/92, EU:T:1993:17, point 43, et du 11 juillet 2007, Konidaris/Commission, T‑93/03, EU:T:2007:209, point 88).

127 En deuxième lieu, certes, l’AIPN a la possibilité de prendre en compte d’autres informations concernant la condition administrative et personnelle des candidats à la promotion. Toutefois, la possibilité de se référer à ces éléments suppose l’existence de circonstances exceptionnelles (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2000, Rappe/Commission, T‑202/99, EU:T:2000:227, points 40 et 54). Tel est notamment le cas en l’absence de rapport d’évaluation (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 1995,
Rasmussen/Commission, T‑557/93, EU:T:1995:138, point 32).

128 Par ailleurs, des éléments d’information ne peuvent remédier à l’absence d’un rapport d’évaluation que s’ils répondent à certaines conditions dont il incombe à l’institution défenderesse de prouver la réunion. Il faut, premièrement, qu’ils soient suffisamment objectifs pour permettre un contrôle juridictionnel, deuxièmement, qu’ils contiennent une appréciation des mérites du fonctionnaire effectuée par les personnes responsables de l’établissement de son rapport d’évaluation, troisièmement,
qu’ils aient été communiqués au fonctionnaire de manière à assurer le respect des droits de la défense et, quatrièmement, qu’ils soient connus par le comité de promotion au moment de son examen comparatif des mérites de tous les candidats. Il s’ensuit que les éléments d’information susceptibles de suppléer à l’absence de rapport d’évaluation doivent être largement analogues à celui-ci, en ce qui concerne leur origine, leur procédure d’établissement et leur objet (arrêt du 5 octobre 2000,
Rappe/Commission, T‑202/99, EU:T:2000:227, points 56 et 57).

129 En troisième lieu, d’abord, il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, un rapport d’évaluation a pour fonction première d’assurer à l’administration une information périodique aussi complète que possible sur les conditions d’accomplissement de leur service par ses fonctionnaires (arrêts du 15 mai 1996, Dimitriadis/Cour des comptes, T‑326/94, EU:T:1996:62, point 84 ; du 10 septembre 2003, McAuley/Conseil, T‑165/01, EU:T:2003:225, point 51, et du 16 avril 2008, Doktor/Conseil,
F‑73/07, EU:F:2008:42, point 86). En revanche, un rapport de fin de stage est principalement destiné à évaluer l’aptitude du fonctionnaire stagiaire à s’acquitter des attributions que comportent ses fonctions et à être titularisé (voir, en ce sens, arrêt du 24 février 2000, Jacobs/Commission, T‑82/98, EU:T:2000:53, point 45 et jurisprudence citée).

130 De même, il ne saurait être opéré une comparaison automatique et absolue entre un rapport d’évaluation et un rapport de fin de stage d’un fonctionnaire, dès lors que les deux types de rapports comportent des rubriques d’appréciation et un système de notes différents (voir, en ce sens, arrêt du 15 mai 1996, Dimitriadis/Cour des comptes, T‑326/94, EU:T:1996:62, points 83 et 85).

131 Ensuite, il importe de souligner l’importance, dans la perspective de l’évolution de la carrière d’un fonctionnaire, de la fixation en début d’exercice annuel d’objectifs préalables établis par le supérieur hiérarchique. L’évaluation annuelle porte en particulier sur la manière dont le fonctionnaire a atteint ces objectifs. C’est à la lumière de ces objectifs que sont appréciés le rendement, l’efficacité et la conduite du fonctionnaire dans le service. Or, ces objectifs ne sont pas les mêmes que
ceux attendus d’un fonctionnaire stagiaire au cours de la période de stage, en vue d’une titularisation. Compte tenu de leur nature particulière, ciblée sur la performance, les appréciations contenues dans un rapport d’évaluation se distinguent des appréciations contenues dans un rapport de fin de stage.

132 À cet égard, il a été jugé que l’évaluation d’une partie requérante pendant les six premiers mois de son contrat, contenue dans un rapport de stage, ne saurait être assimilée et, ainsi, se substituer ou compenser l’évaluation effectuée dans le cadre de son rapport d’évaluation annuelle visant à apprécier si, au regard des objectifs fixés en accord avec la partie requérante, cette dernière a répondu aux attentes et à établir, ainsi, le degré de ses performances (voir, en ce sens, arrêt du
13 décembre 2018, Wahlström/Frontex, T‑591/16, non publié, EU:T:2018:938, point 65).

133 Enfin, les rapports d’évaluation, dès lors qu’ils constituent des éléments susceptibles d’exercer une influence tout au long de la carrière d’un fonctionnaire, constituent des actes faisant grief. La jurisprudence selon laquelle les rapports d’évaluation constituent des actes pouvant faire l’objet d’un recours en annulation répond à l’intérêt d’une bonne gestion administrative, dès lors que, si tel n’était pas le cas, l’intéressé n’aurait la possibilité de relever les éventuels vices d’un tel
rapport que dans le cadre de recours formés contre un acte pour l’adoption duquel le rapport concerné a joué un rôle. Or, une telle situation serait susceptible de retarder l’adoption des décisions importantes à l’égard des fonctionnaires (arrêt du 16 mars 2009, R/Commission, T‑156/08 P, EU:T:2009:69, points 53 et 54).

134 Une telle solution adoptée par la jurisprudence à l’égard des rapports d’évaluation ne saurait être étendue aux documents ayant pour seul objet de préparer une décision ponctuelle de l’administration, à laquelle ils se rattachent ainsi étroitement. Tel est précisément le cas des rapports de stage, dont l’objet consiste à préparer la décision de l’administration concernant la titularisation de l’intéressé à la fin de sa période de stage ou son licenciement (arrêt du 16 mars 2009, R/Commission,
T‑156/08 P, EU:T:2009:69, point 55).

135 Tel est également le cas des mesures relatives au déroulement du stage d’un fonctionnaire, adoptées sur la base de l’article 34 du statut, dont, la décision de réaffectation à un autre service en vue de la poursuite d’un stage ainsi que la décision de prolonger la période de stage de six mois. Ces mesures ont, à l’évidence, pour objectif de permettre une meilleure appréciation, par l’administration, des qualités du fonctionnaire stagiaire ainsi que de préparer la décision de titularisation ou de
licenciement de l’intéressé devant être adoptée à la fin de la période de stage et ne peuvent donc être attaquées, de manière autonome, par un recours en annulation (arrêt du 16 mars 2009, R/Commission, T‑156/08 P, EU:T:2009:69, point 56).

136 Par ailleurs, un rapport de stage dans le dossier individuel d’un fonctionnaire ne peut, en principe, encore produire des effets quelconques après la décision de titularisation prise à la fin du stage, en vue de laquelle il a été établi et qu’il n’avait d’autre objet que de préparer (voir, en ce sens, ordonnance du 19 février 2008, R/Commission, F‑49/07, EU:F:2008:18, point 56).

137 Dès lors, les rapports d’évaluation et les rapports établis au cours de la période de stage ont un objet et des fonctions distincts. Par ailleurs, ces rapports obéissent à des régimes juridiques différents. Ainsi un rapport de fin de stage, même s’il comporte un certain nombre d’observations sur les capacités de travail du fonctionnaire ou de l’agent, ne peut pas, en principe, être pris en compte par un comité de promotion.

138 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante concernant la prise en compte des rapports afférents à sa période de stage au cours de l’exercice de promotion 2017.

2) Sur la prise en compte des rapports afférents à la période de stage de la requérante

139 En premier lieu, dans la décision de rejet de la réclamation, l’AIPN compétente a considéré que la régularité de l’examen comparatif des mérites, au sens de l’article 45 du statut, exigeait la prise en compte à la fois du rapport de fin de stage et des rapports d’évaluation de la requérante établis au titre des exercices 2015 et 2016. L’AIPN compétente a précisé qu’aucun élément du dossier ne suggérait que, au cours de l’exercice de promotion 2017, une irrégularité avait eu lieu à cet égard.
Elle a ajouté que le simple fait que le rapport intermédiaire de stage avait été consulté par un membre du CPP ne permettait pas de conclure que l’examen comparatif des mérites n’avait pas été effectué sur la base des rapports pertinents, à savoir le rapport de fin de stage et les rapports d’évaluation établis au titre des exercices 2015 et 2016.

140 À cet égard, d’une part, il importe de souligner que, comme la Commission l’a confirmé lors de l’audience, le rapport intermédiaire de stage de la requérante figurait, dans Sysper 2, en annexe du rapport de fin de stage la concernant.

141 Par ailleurs, il y a lieu de relever que l’existence et la substance du rapport intermédiaire de stage sont mentionnées dans la partie finale du rapport de fin de stage. En effet, dans le rapport de fin de stage, le validateur a expliqué qu’il était « quelque peu préoccupant que [la] période initiale au sein [de la première unité dans laquelle la requérante avait été affectée] ne se fût pas si bien déroulée, comme le montr[ait] le rapport intermédiaire de stage [...], faisant état de difficultés
de nature interpersonnelle et de questions concernant le travail en équipe ». Le validateur a ajouté que de telles appréciations étaient liées à une combinaison de circonstances particulières au sein de la première unité. Ces mentions favorisaient donc la consultation combinée du rapport de fin de stage et du rapport intermédiaire de stage. D’ailleurs, les pièces produites par la requérante devant le Tribunal établissent que, avant l’adoption de la décision de non-promotion, un membre du CPP
avait consulté directement, dans Sysper 2, le rapport intermédiaire de stage qui figurait en annexe du rapport de fin de stage la concernant.

142 Ainsi, il y a lieu de constater que, lors de l’examen comparatif des mérites, le rapport de fin de stage de la requérante a été pris en compte. Par ailleurs, le rapport intermédiaire de stage de la requérante a également été pris en compte, directement ou indirectement, au cours de l’examen comparatif.

143 D’autre part, il ressort de la jurisprudence mentionnée aux points 125 à 137 ci‑dessus que, en principe, un rapport de fin de stage ne peut pas être pris en compte dans le cadre d’une procédure de promotion et que c’est uniquement dans certaines circonstances exceptionnelles que l’AIPN peut prendre en compte d’autres éléments d’information, s’ils répondent à certaines conditions dont il incombe à l’institution concernée de prouver qu’elles sont réunies.

144 Or, il importe de souligner que, en l’espèce, la requérante a fait l’objet de deux rapports d’évaluation établis au titre des exercices 2015 et 2016 et que les appréciations contenues dans ces rapports d’évaluation constituaient une base suffisante pour l’examen comparatif des mérites prévu par l’article 45, paragraphe 1, du statut.

145 Dès lors, aucune circonstance exceptionnelle ne justifiait que le rapport de fin de stage, ainsi que le rapport intermédiaire de stage qui figurait en annexe de ce rapport de fin de stage, fussent pris en compte lors de l’examen comparatif des mérites.

146 En second lieu, et en tout état de cause, d’une part, il convient de souligner que, à la différence des rapports d’évaluation, le rapport intermédiaire de stage de la requérante n’a été rédigé ni en vue de permettre une évaluation objective de celle-ci ni dans la perspective de servir à l’appréciation de son évolution de carrière. En effet, le rapport intermédiaire de stage a été élaboré au cours de la période de stage de la requérante, dans un contexte conflictuel entre cette dernière et
d’autres membres de la première unité dans laquelle elle avait été affectée (voir point 2 ci‑dessus). La rédaction de ce rapport intermédiaire est ainsi intervenue pour des raisons ponctuelles, au commencement de la carrière de la requérante, afin de faire état des difficultés qu’elle rencontrait dans cette première unité et de justifier une mesure administrative de réaffectation dans une autre unité en vue de la poursuite de son stage. Par ailleurs, la requérante n’a pas pu contester ledit
rapport au moyen d’un recours dirigé contre la décision de la titulariser, étant donné que cette décision ne lui faisait pas grief.

147 D’autre part, il est vrai que, lorsqu’il évalue les qualités d’un fonctionnaire, un supérieur hiérarchique dispose d’un large pouvoir d’appréciation et doit, pour s’acquitter de ses responsabilités, exprimer des commentaires et, le cas échéant, des réserves sur la qualité du travail de ce dernier. Toutefois, il importe de relever que, en l’espèce, le rapport intermédiaire de stage contient de fortes critiques ayant trait à l’efficacité, à l’aptitude, aux prestations et à la conduite de la
requérante dans la première unité dans laquelle cette dernière avait été affectée. Ces critiques sont formulées dans un langage ciblé en particulier sur la personnalité de la requérante et non sur ses compétences professionnelles. De telles critiques dépassent celles objectivement nécessaires aux fins d’apprécier l’existence de difficultés dans le service et de justifier une décision administrative de transfert dans une autre unité.

148 Ainsi, au regard de la teneur inhabituelle des critiques formulées dans le rapport intermédiaire de stage, les appréciations contenues dans ce rapport ne sauraient être assimilées ou, à tout le moins, comparées à celles contenues dans les rapports d’évaluation positifs et ultérieurs établis au titre des exercices 2015 et 2016.

149 Dès lors, les circonstances mentionnées aux points 146 à 148 ci-dessus constituent une raison supplémentaire, par rapport à celles exposées aux points 143 et 144 ci-dessus, d’exclure que les rapports afférents à la période de stage de la requérante puissent être pris en compte lors de l’examen comparatif des mérites.

150 Il y a donc lieu de constater que la prise en compte, par l’AIPN compétente, des rapports afférents à la période de stage de la requérante, à savoir le rapport de fin de stage et le rapport intermédiaire de stage, constitue une irrégularité susceptible de vicier la procédure de promotion 2017 en ce qui la concerne.

c)   Sur l’incidence de l’irrégularité procédurale constatée

151 La requérante fait valoir que la procédure de promotion 2017 aurait nécessairement été différente en l’absence des irrégularités mentionnées aux points 108 à 112 ci-dessus.

152 La Commission rétorque que, à supposer qu’une irrégularité procédurale ait été commise, la requérante n’a pas établi l’incidence de cette prétendue irrégularité procédurale sur le contenu de la décision de non-promotion. D’une part, elle relève que la requérante affirme seulement, en des termes généraux, que la présence du rapport intermédiaire de stage dans son dossier individuel « a inévitablement influencé l’évaluation » de son dossier. D’autre part, elle souligne que la requérante
n’identifie aucune partie des rapports d’évaluation établis au titre des exercices 2015 et 2016 ou de la décision de rejet de la réclamation qui aurait été influencée par le contenu du rapport intermédiaire de stage.

153 S’agissant de la méconnaissance de l’article 45 du statut et de l’irrégularité d’une procédure de promotion, il est de jurisprudence constante qu’il ne suffit pas, pour annuler une décision de non‑promotion, que le dossier individuel d’un candidat soit irrégulier et incomplet, encore faut-il qu’il soit établi que cette circonstance ait pu avoir une incidence décisive sur la procédure de promotion (voir, en ce sens, arrêts du 30 janvier 2008, Strack/Commission, T‑394/04, EU:T:2008:20, point 39,
et du 14 novembre 2017, Vincenti/EUIPO, T‑586/16, EU:T:2017:803, point 36).

154 De manière plus générale, il est de jurisprudence constante que, pour qu’une irrégularité procédurale puisse justifier l’annulation d’un acte, il faut que, en l’absence de cette irrégularité, la procédure ait pu aboutir à un résultat différent (arrêt du 18 septembre 2015, Wahlström/Frontex, T‑653/13 P, EU:T:2015:652, point 21 ; voir également, en ce sens, ordonnance du 1er décembre 2015, Georgias e.a./Conseil et Commission, C‑545/14 P, non publiée, EU:C:2015:791, point 51).

155 En l’espèce, premièrement, ainsi que le fait valoir la Commission, la lecture de la décision de rejet de la réclamation ne fait pas ressortir que la requérante avait des mérites supérieurs à ceux de ses collègues promus. Deuxièmement, aucune mention du contenu du rapport intermédiaire de stage n’est faite au stade de l’examen comparatif des mérites qui a été détaillé par l’AIPN dans la décision de rejet de la réclamation. Troisièmement, les rapports d’évaluation pris en compte contiennent des
appréciations positives, « satisfaisantes », tandis que le rapport de fin de stage, positif également, a permis la titularisation de la requérante.

156 Cependant, d’abord, il importe de souligner que, dans la décision de rejet de la réclamation, l’AIPN compétente se réfère explicitement au contenu du rapport de fin de stage dans la section « Efficacité, compétence, et conduite dans le service ». À cet égard, l’AIPN compétente relève que le rapport de fin de stage mentionne une « marge de progression » et que la requérante devait « consulter la direction lorsque nécessaire », « tenir informée sa hiérarchie » ou encore « coordonner son travail
avec celui de ses collègues », « afin de lui permettre d’accomplir le travail attendu d’elle ». En outre, il convient de rappeler que le rapport de fin de stage contenait en annexe le rapport intermédiaire de stage et mentionnait ce dernier. Ainsi, le rapport de fin de stage, auquel était annexé le rapport intermédiaire de stage, a pu avoir une incidence négative sur l’appréciation de l’« efficacité, la compétence, et la conduite dans le service » de la requérante lors de l’analyse de ses
mérites.

157 Ensuite, compte tenu, premièrement, des circonstances particulières qui ont entouré l’élaboration du rapport intermédiaire de stage annexé au rapport de fin de stage dans le dossier individuel de la requérante, deuxièmement, des appréciations extrêmement critiques et subjectives que ce rapport intermédiaire contenait et, troisièmement, de la consultation dudit rapport par un membre du CPP avant l’établissement de la liste définitive des fonctionnaires promus, le rapport intermédiaire de stage de
la requérante a pu avoir une incidence négative sur l’examen comparatif des mérites effectué lors de la procédure de promotion 2017.

158 Enfin, il convient de relever que, certes, tous les fonctionnaires stagiaires font l’objet d’un rapport de fin de stage. Toutefois, tous les fonctionnaires stagiaires ne font pas l’objet d’un rapport intermédiaire de stage. Dans la mesure où il est élaboré dans des cas particuliers, un rapport intermédiaire de stage se distingue d’un rapport de fin de stage et, a fortiori, des rapports d’évaluation visés par l’article 4 des DGE. Ainsi, la prise en compte, directe ou indirecte, du rapport
intermédiaire de stage a pu affecter l’appréciation objective et égalitaire des mérites de la requérante dans le cadre de la procédure de promotion 2017.

159 Il s’ensuit que l’irrégularité procédurale constatée au point 150 ci‑dessus a pu avoir, en ce qui concerne la requérante, une incidence décisive sur le déroulement de cette procédure et sur la décision de ne pas la promouvoir. En d’autres termes, il est établi qu’en l’absence de ladite irrégularité procédurale, la décision de non-promotion aurait pu avoir un contenu différent (voir points 153 et 154 ci-dessus).

160 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu d’accueillir le premier moyen et d’annuler la décision de non-promotion, sans qu’il soit besoin d’examiner, d’une part, les autres griefs soulevés par la requérante dans le cadre du premier moyen et, d’autre part, le second moyen. Par ailleurs, dans la mesure où la décision de non-promotion est annulée, il n’y a pas lieu d’examiner les demandes de mesures d’organisation de la procédure et de mesures d’instruction que la requérante formule dans ses trois
premiers chefs de conclusions.

B. Sur la demande en indemnité

161 Selon une jurisprudence constante relative au contentieux indemnitaire dans le domaine de la fonction publique, l’engagement de la responsabilité de l’Union est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir arrêt du 15 septembre 2005, Casini/Commission, T‑132/03, EU:T:2005:324, point 94 et jurisprudence
citée ; arrêts du 4 juillet 2006, Tzirani/Commission, T‑88/04, EU:T:2006:186, point 100, et du 26 octobre 2017, Paraskevaidis/Cedefop, T‑601/16, EU:T:2017:757, point 78). Ces trois conditions sont cumulatives, ce qui implique que, dès lors que l’une d’elles n’est pas remplie, la responsabilité de l’Union ne peut être retenue (voir arrêt du 29 novembre 2018, WL/ERCEA, T‑493/17, non publié, EU:T:2018:852, point 207 et jurisprudence citée).

162 En l’espèce, la requérante demande, premièrement, la réparation d’un prétendu préjudice matériel qu’elle évalue à 45000 euros et, deuxièmement, la réparation d’un prétendu préjudice moral qu’elle évalue à 20000 euros.

[omissis]

2.   Sur la demande en réparation d’un prétendu préjudice moral

[omissis]

179 En second lieu, la requérante soutient qu’elle a subi un préjudice moral lié aux allégations diffamatoires relatives à son état psychologique qui figurent dans le rapport intermédiaire de stage. À ce sujet, elle fait valoir que la possible consultation du rapport intermédiaire de stage par l’ensemble de ses supérieurs hiérarchiques et par les autres DG de la Commission a gravement compromis sa réputation et sa renommée professionnelle au sein de l’OLAF et de la Commission. Cette atteinte portée
à sa réputation aurait eu pour conséquence de nourrir ses inquiétudes quant à l’incertitude d’une évolution de carrière et, en substance, quant à une promotion dans le cadre de la procédure de promotion 2017. Elle ajoute que cette situation a eu pour effet d’aboutir à une perception erronée, par elle-même, de sa propre situation, lui causant une détresse et une souffrance ayant eu des conséquences négatives sur sa vie privée et sur sa santé, physique et mentale. Ainsi, en substance, la
requérante demande la réparation du préjudice moral qui trouverait son origine dans l’influence exercée par le rapport intermédiaire de stage sur la procédure de promotion 2017.

180 À cet égard, d’abord, il ressort de l’examen des conclusions en annulation et, plus précisément, des points 124 à 160 ci-dessus, que l’argument invoqué par la requérante visant à démontrer l’irrégularité de la prise en compte, au titre de l’exercice de promotion 2017, du rapport intermédiaire de stage annexé au rapport de fin de stage a été accueilli et que l’AIPN compétente a méconnu l’article 45 du statut lorsqu’elle a adopté la décision de non-promotion. Il s’ensuit que la condition relative
à l’illégalité du comportement reproché à la Commission est satisfaite.

181 Ensuite, il y a lieu de considérer que la requérante a été placée dans un état d’inquiétude et d’incertitude quant à sa réputation et à son avenir professionnel et que cet état découle directement de l’illégalité constatée au point 180 ci-dessus.

182 En outre, le non-respect par l’AIPN compétente de ses obligations au titre de l’article 45 du statut, dans le cadre de l’exercice de promotion 2017, a causé à la requérante un préjudice moral particulier, qui ne saurait être adéquatement réparé par la seule annulation de la décision de non-promotion.

183 D’ailleurs, lors de l’audience, la Commission a reconnu cet état d’inquiétude et d’incertitude ressenti par la requérante. À cet égard, la Commission a précisé que les préoccupations de la requérante à l’égard du rapport intermédiaire de stage ont été un des éléments pris en compte pour décider, en opportunité, du retrait de ce rapport du dossier individuel de la requérante.

184 Enfin, il importe de relever que le préjudice moral subi par la requérante est limité par le fait qu’elle a été promue au grade AD 6 dès le premier exercice de promotion qui a suivi l’exercice de promotion 2017, c’est-à-dire celui de 2018 (voir, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2015, Diamantopoulos/SEAE, F‑30/15, EU:F:2015:138, point 48).

185 Dans ces circonstances il y a lieu de décider ex æquo et bono qu’une indemnité d’un montant de 2000 euros constitue une indemnisation adéquate du préjudice moral résultant de l’illégalité constatée au point 180 ci-dessus.

186 Dans ces circonstances, il y a lieu d’accueillir partiellement la demande en indemnité formulée par la requérante.

187 Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu, d’une part, d’annuler la décision de non-promotion et, d’autre part, de condamner la Commission à verser à la requérante une somme de 2000 euros à titre de réparation du préjudice moral qu’elle a subi.

IV. Sur les dépens

188 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

189 La Commission ayant succombé pour l’essentiel, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

  1) La décision de ne pas promouvoir XH au grade AD 6 au titre de l’exercice de promotion 2017, qui résulte de la publication aux Informations administratives no 25-2017, du 13 novembre 2017, de la liste des fonctionnaires promus à ce grade, est annulée.

  2) La Commission européenne est condamnée à verser à XH une somme de 2000 euros à titre de réparation du préjudice moral qu’elle a subi.

  3) Le recours est rejeté pour le surplus.

  4) La Commission est condamnée aux dépens.

da Silva Passos

Truchot

  Sampol Pucurull

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 juin 2020.

Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.

( 1 ) Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.


Synthèse
Formation : Septième chambre
Numéro d'arrêt : T-511/18
Date de la décision : 25/06/2020
Type de recours : Recours de fonctionnaires - fondé, Recours en responsabilité

Analyses

Fonction publique – Fonctionnaires – Promotion – Exercice de promotion 2017 – Décision de non-promotion – Clarté et précision d’un moyen de la requête – Règle de concordance – Remise en cause d’actes définitifs – Recevabilité – Article 45 du statut – Rapport intermédiaire de stage – Rapport de fin de stage – Rapport d’évaluation – Éléments pris en compte pour l’examen comparatif des mérites – Régularité de la procédure – Responsabilité – Préjudice moral.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : XH
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: da Silva Passos

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2020:291

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