La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/11/2019 | CJUE | N°T-380/18

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, Intas Pharmaceuticals Ltd contre Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle., 07/11/2019, T-380/18


ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

7 novembre 2019 ( *1 )

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque verbale de l’Union européenne INTAS – Marques antérieures figuratives de l’Union européenne et nationale comportant l’élément verbal « indas » – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Similitude des signes et des produits – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Preuve de l’usage sérieux des marques antérieures – Article 47 du règlement 2017/100

1 »

Dans l’affaire T‑380/18,

Intas Pharmaceuticals Ltd, établie à Ahmedabad (Inde), représentée par, Me F. Traub, a...

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

7 novembre 2019 ( *1 )

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque verbale de l’Union européenne INTAS – Marques antérieures figuratives de l’Union européenne et nationale comportant l’élément verbal « indas » – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Similitude des signes et des produits – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Preuve de l’usage sérieux des marques antérieures – Article 47 du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑380/18,

Intas Pharmaceuticals Ltd, établie à Ahmedabad (Inde), représentée par, Me F. Traub, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. J. Crespo Carrillo et H. O’Neill, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Laboratorios Indas, SA, établie à Pozuelo de Alarcón (Espagne), représentée par Me A. Gómez López, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 16 avril 2018 (affaire R 815/2017‑4), relative à une procédure d’opposition entre Laboratorios Indas et Intas Pharmaceuticals,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise (rapporteur) et R. da Silva Passos, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 25 juin 2018,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 1er octobre 2018,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 5 octobre 2018,

à la suite de l’audience du 8 mai 2019,

rend le présent

Arrêt ( 1 )

[omissis]

En droit

[omissis]

Sur la recevabilité

[omissis]

Sur les fins de non-recevoir soulevées par l’intervenante

34 L’intervenante soutient que les griefs de la requérante visant à contester la preuve de l’usage sérieux des marques antérieures et la comparaison conceptuelle des signes en conflit sont irrecevables. Selon l’intervenante, les questions juridiques et factuelles soulevées par ces griefs ont déjà été tranchées définitivement dans une décision adoptée le 16 mars 2017 par la division d’opposition dans une autre procédure d’opposition entre les mêmes parties, concernant des signes identiques à ceux en
cause dans la présente affaire et des produits visés par la marque demandée différents de ceux en cause en l’espèce (affaires R 816/2017-4 et R 1031/2017-4) (ci-après la « décision du 16 mars 2017 »). La décision du 16 mars 2017 aurait été attaquée par la requérante et par l’intervenante devant la même chambre de recours que celle qui a adopté la décision attaquée dans la présente affaire. Ladite chambre de recours, appelée à se prononcer sur les questions de la preuve de l’usage sérieux des
marques antérieures en question et de la similitude conceptuelle des signes en conflit, aurait confirmé les appréciations effectuées par la division d’opposition dans la décision du 16 mars 2017. Ainsi, la décision de la chambre de recours en ce qui concerne lesdites questions n’ayant pas été attaquée devant le Tribunal, les appréciations contenues dans la décision du 16 mars 2017 seraient devenues définitives. Plus précisément, l’intervenante soutient que la décision attaquée dans la présente
affaire est purement confirmative de la décision du 16 mars 2017, en ce qu’elle ne prend pas en compte des éléments nouveaux, ni ne contient un réexamen de la situation des parties, la chambre de recours ayant expressément renvoyé à l’analyse de ces questions effectuée dans le cadre de la procédure antérieure d’opposition entre les mêmes parties. Ainsi, en demandant l’annulation de la décision attaquée dans la présente affaire, la requérante demanderait de facto l’annulation de la décision du
16 mars 2017. Enfin, l’intervenante avance que, si le Tribunal ne devait pas juger irrecevables les griefs en question, il irait à l’encontre des principes res iudicata et ne bis in idem et créerait une situation d’incertitude sur ses droits exclusifs, contraire à ses attentes légitimes et au principe de sécurité juridique.

35 Premièrement, il importe de rappeler que le principe de l’autorité de la chose jugée, qui exige que le caractère définitif d’une décision de justice ne soit pas remis en cause, n’est pas applicable dans la relation entre une décision d’une division d’opposition et une opposition formée ultérieurement dans une procédure différente, étant donné, notamment, que les procédures devant l’EUIPO sont de nature administrative et non de nature juridictionnelle [voir arrêt du 8 décembre 2015,
Giand/OHMI – Flamagas (FLAMINAIRE), T‑583/14, non publié, EU:T:2015:943, point 21 et jurisprudence citée]. A fortiori, les motifs d’une décision rendue par une division d’opposition dans le cadre d’une procédure d’opposition différente ne sont pas revêtus de l’autorité de la chose jugée. Ces motifs ne sont pas susceptibles de créer des droits acquis ou une confiance légitime à l’égard des parties concernées.

36 Ainsi, l’intervenante ne saurait soutenir que le rejet de ses fins de non-recevoir créerait une situation d’incertitude sur ses droits exclusifs, contraire à ses attentes légitimes et au principe de sécurité juridique.

37 Deuxièmement, le principe ne bis in idem, qui interdit d’infliger une sanction à une même personne plus d’une fois pour un même comportement illicite afin de protéger un même intérêt juridique, constitue un principe général du droit de l’Union européenne dont le juge assure le respect. Or, ce principe est uniquement applicable à des sanctions, ce qui n’est pas le cas des décisions rendues par l’EUIPO dans le cadre d’une procédure d’opposition (voir arrêt du 8 décembre 2015, FLAMINAIRE, T‑583/14,
non publié, EU:T:2015:943, point 19 et jurisprudence citée). Par conséquent, l’invocation dudit principe est, en l’espèce, inopérante.

38 Troisièmement, il importe de rappeler qu’une décision purement confirmative d’une décision antérieure non attaquée dans les délais n’est pas un acte susceptible de recours. Dans le but de ne pas faire renaître le délai de recours contre la décision antérieure, un recours dirigé contre une telle décision confirmative doit être déclaré irrecevable. Ainsi, lorsque l’acte attaqué est purement confirmatif d’un acte antérieur, le recours n’est recevable qu’à la condition que l’acte confirmé ait été
attaqué dans les délais [voir ordonnance du 13 juillet 2017, myToys.de/EUIPO – Laboratorios Indas (myBaby), T‑519/15, non publiée, EU:T:2017:502, point 38 et jurisprudence citée].

39 Une décision est considérée comme purement confirmative d’une décision antérieure si elle ne contient aucun élément nouveau par rapport à cette dernière et si elle n’a pas été précédée d’un réexamen de la situation du destinataire de cette décision antérieure (voir ordonnance du 13 juillet 2017, myBaby, T‑519/15, non publiée, EU:T:2017:502, point 39 et jurisprudence citée).

40 À cet égard, une décision d’une chambre de recours, même si elle contient des conclusions identiques à celles d’une décision antérieure adoptée par une division d’opposition dans une procédure d’opposition différente, est le résultat du réexamen de questions juridiques et factuelles qui lui ont été soumises. Certes, ce réexamen peut aboutir à un résultat identique à celui obtenu précédemment devant la division d’opposition dans le cadre d’une procédure différente opposant les mêmes parties et
concernant des signes identiques à ceux en cause dans une procédure postérieure devant l’EUIPO. Toutefois, cette identité de solution adoptée par deux instances différentes de l’EUIPO dans le cadre de procédures d’opposition différentes n’implique pas pour autant que la décision rendue par une chambre de recours présente un caractère confirmatif de celle rendue précédemment par une division d’opposition dans une procédure différente.

41 Il en va d’autant plus ainsi lorsque l’on considère que la preuve de l’usage sérieux des marques antérieures est susceptible de varier dans le temps et ne peut jamais être considérée comme définitivement apportée dans le cadre d’une procédure d’opposition différente de celle dans le cadre de laquelle elle est demandée. De même, la comparaison de signes en conflit étant susceptible de varier selon le public pertinent ainsi que dans le temps, une telle comparaison ne saurait être considérée comme
tranchée de manière définitive par une décision antérieure de l’EUIPO non attaquée devant le Tribunal.

42 Il s’ensuit que la décision attaquée, en ce qu’elle porte sur les questions de la preuve de l’usage sérieux des marques antérieures et de la similitude conceptuelle des signes en conflit, ne saurait être considérée comme « confirmative » d’une décision adoptée par une division d’opposition dans le cadre d’une procédure d’opposition différente concernant les mêmes parties et ayant pour objet les mêmes marques.

43 Au regard de ce qui précède, les fins de non-recevoir soulevées par l’intervenante ne sauraient prospérer et doivent être rejetées.

Sur le fond

Sur la preuve de l’usage sérieux des marques antérieures

[omissis]

– Sur le caractère sérieux de l’usage de la marque antérieure de l’Union européenne

73 La requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur en considérant que l’usage en Espagne de la marque antérieure de l’Union européenne était suffisant pour démontrer le caractère sérieux de l’usage de cette marque au sein de l’Union. Selon la requérante, il ressort de l’arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken (C‑149/11, EU:C:2012:816), qu’une marque antérieure de l’Union européenne doit être utilisée sur un territoire plus vaste que celui d’un seul État membre pour que son usage
puisse être qualifié de sérieux et que c’est uniquement dans certaines circonstances particulières que l’usage dans un seul État membre s’avère suffisant pour démontrer le caractère sérieux de l’usage de cette marque au sein de l’Union.

74 À cet égard, il importe de relever que, dans l’arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken (C‑149/11, EU:C:2012:816), mentionné par la requérante, la Cour a jugé, d’une part, au regard de l’article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001, qu’il ressortait de la jurisprudence que l’expression « usage dans [l’Union] » devait être interprétée en ce sens que l’étendue territoriale de l’usage constituait non pas un critère distinct de l’usage sérieux, mais l’une des composantes de cet usage, qui
devait être intégrée dans l’analyse globale et être étudiée parallèlement aux autres composantes de celui-ci, et que les termes « dans [l’Union ] » visaient à préciser le marché géographique de référence pour toute analyse de l’existence d’un « usage sérieux » d’une marque de l’Union européenne. D’autre part, la Cour a jugé que l’expression « usage sérieux dans [l’Union ] », au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, signifiait que l’usage de la marque de l’Union européenne
dans des États tiers ne pouvait pas être pris en compte (arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, points 36 à 38 et point 1 du dispositif).

75 Par ailleurs, la Cour a précisé que le règlement 2017/1001 poursuivait l’objectif de lever l’obstacle de la territorialité des droits que les législations des États membres confèrent aux titulaires des marques, en permettant aux entreprises d’adapter leurs activités économiques aux dimensions de l’Union et de les exercer sans entraves. Selon la Cour, la marque de l’Union européenne permet à son titulaire d’identifier ses produits ou ses services de manière identique dans l’ensemble de l’Union,
sans considération des frontières. En revanche, les entreprises qui ne désirent pas une protection de leurs marques à l’échelle de l’Union peuvent choisir d’utiliser des marques nationales, sans être obligées de déposer leurs marques en tant que marques de l’Union européenne. La Cour a souligné que le caractère unitaire de la marque de l’Union européenne impliquait la jouissance d’une protection uniforme sur l’ensemble du territoire de l’Union, en ce sens qu’une marque de l’Union européenne ne
pouvait, en principe, être enregistrée ou transférée et faire l’objet d’une renonciation, d’une décision de déchéance des droits de son titulaire ou de nullité et que son usage ne pouvait être interdit que pour l’ensemble de l’Union. Ainsi, selon la Cour, conférer, dans le cadre du régime des marques de l’Union européenne, une signification particulière aux territoires des États membres ferait échec à la réalisation de l’objectif susmentionné et porterait préjudice au caractère unitaire de la
marque de l’Union européenne. La Cour en a déduit que, pour apprécier l’existence d’un « usage sérieux dans [l’Union] », il convenait de faire abstraction des frontières du territoire des États membres (arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, points 39 à 42 et 44).

76 En revanche, la Cour a rejeté expressément, d’une part, la thèse soutenue devant elle qui consistait à considérer que l’étendue territoriale de l’usage d’une marque de l’Union européenne ne pouvait en aucun cas être limitée au territoire d’un seul État membre (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 49) et, d’autre part, la thèse selon laquelle, même s’il était fait abstraction des frontières des États membres au sein du marché intérieur, la
condition de l’usage sérieux d’une marque de l’Union européenne exigerait que celle-ci fût utilisée sur une partie substantielle du territoire de l’Union, ce qui pouvait correspondre au territoire d’un État membre (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, points 52 et 53).

77 À cet égard, elle a précisé que, s’il était certes raisonnable de s’attendre à ce qu’une marque de l’Union européenne fît l’objet d’un usage sur un territoire plus vaste que celui d’un seul État membre pour que celui-ci pût être qualifié d’usage sérieux, il n’était pas nécessaire que cet usage fût géographiquement étendu pour être qualifié de sérieux, car une telle qualification dépendait des caractéristiques du produit ou du service concerné sur le marché correspondant (arrêt du 19 décembre
2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 54).

78 En effet, selon la Cour, il n’est pas exclu que, « dans certaines circonstances », le marché des produits ou des services pour lesquels une marque de l’Union européenne a été enregistrée soit, de fait, cantonné au territoire d’un seul État membre. La Cour précise ainsi que, dans un tel cas, un usage de la marque de l’Union européenne sur ce territoire pourrait répondre tout à la fois à la condition de l’usage sérieux d’une marque de l’Union européenne et à celle de l’usage sérieux d’une marque
nationale (arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 50).

79 Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, lorsque la Cour, au point 50 de l’arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken (C‑149/11, EU:C:2012:816), a utilisé l’expression « dans certaines circonstances », elle ne visait pas à établir que la reconnaissance du caractère sérieux de l’usage d’une marque de l’Union européenne utilisée dans un seul État membre constituât une exception à un principe général. La Cour a davantage fait référence aux conditions fixées par la jurisprudence constante
afin d’apprécier le caractère sérieux de l’usage d’une marque, à savoir l’ensemble des faits et des circonstances propres à démontrer que l’exploitation commerciale de cette marque permettait de créer ou de conserver les parts de marché pour les produits ou les services pour lesquels elle avait été enregistrée. En effet, la Cour a souligné qu’il était impossible de déterminer a priori, de façon abstraite, quelle étendue territoriale aurait dû être retenue pour déterminer si l’usage d’une marque
de l’Union européenne avait ou non un caractère sérieux et qu’une règle de minimis ne pouvait donc être fixée (voir arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 55 et jurisprudence citée). Selon la Cour, une marque de l’Union européenne fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle et en vue de maintenir ou de créer des parts de marché dans l’Union pour les produits ou les services désignés par ladite marque. Ainsi, lors
de l’appréciation de l’usage sérieux, il convient de prendre en compte les caractéristiques du marché en cause, la nature des produits ou des services protégés par la marque, l’étendue territoriale et quantitative de l’usage ainsi que la fréquence et la régularité de ce dernier (arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 56).

80 Il ressort de ce qui précède, premièrement, que l’étendue territoriale n’est qu’un facteur parmi d’autres devant être pris en compte pour apprécier le caractère sérieux de l’usage d’une marque de l’Union européenne et, deuxièmement, qu’une règle de minimis pour établir si ce facteur est rempli ne peut pas être établie. En effet, il n’est pas nécessaire que l’usage d’une marque de l’Union européenne soit géographiquement étendu pour être qualifié de sérieux, dans la mesure où une telle
qualification dépend des caractéristiques des produits ou des services concernés sur le marché correspondant et, plus généralement, de l’ensemble des faits et des circonstances propres à démontrer que l’exploitation commerciale de cette marque permet de créer ou de conserver les parts de marché pour les produits ou les services pour lesquels elle a été enregistrée (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 55). D’ailleurs, afin de qualifier de
sérieux l’usage d’une marque de l’Union européenne, il n’est pas exigé que cette dernière soit utilisée sur une partie substantielle du territoire de l’Union. En outre, la possibilité que la marque en question ait été utilisée sur le territoire d’un seul État membre ne doit pas être exclue, dans la mesure où il convient de faire abstraction des frontières des États membres et de tenir compte des caractéristiques des produits ou services concernés.

81 En cohérence avec les principes fixés par l’arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken (C‑149/11, EU:C:2012:816), le Tribunal a jugé à maintes reprises que l’usage d’une marque de l’Union européenne dans un seul État membre (par exemple, en Allemagne, en Espagne, au Royaume-Uni), voire dans une seule ville d’un État membre de l’Union, comme le Royaume-Uni (par exemple, à Londres), suffisait pour remplir le critère de l’étendue territoriale [voir, en ce sens, arrêts du 30 janvier 2015, Now
Wireless/OHMI – Starbucks (HK) (now), T‑278/13, non publié, EU:T:2015:57, points 52 et 53 ; du 15 juillet 2015, TVR Automotive/OHMI – TVR Italia (TVR ITALIA), T‑398/13, EU:T:2015:503, point 57 ; du 9 novembre 2016, Gallardo Blanco/EUIPO – Expasa Agricultura y Ganadería (Représentation d’un mors de cheval en forme de  h ), T‑716/15, non publié, EU:T:2016:649, points 41 à 44 ; du 30 novembre 2016, K&K Group/EUIPO – Pret A Manger (Europe) (Pret A Diner), T‑2/16, non publié, EU:T:2016:690, point 50 ;
du 28 juin 2017, Tayto Group/EUIPO – MIP Metro (real), T‑287/15, non publié, EU:T:2017:443, point 59 ; du 15 novembre 2018, DRH Licensing & Managing/EUIPO – Merck (Flexagil), T‑831/17, non publié, EU:T:2018:791, point 67, et du 6 mars 2019, Serenity Pharmaceuticals/EUIPO – Gebro Holding (NOCUVANT), T‑321/18, non publié, EU:T:2019:139, points 43 à 45].

82 En d’autres termes, comme l’a souligné Mme l’avocat général Sharpston dans ses conclusions rendues dans l’affaire Leno Merken (C‑149/11, EU:C:2012:422), il importe peu qu’une marque de l’Union européenne ait été utilisée dans un ou plusieurs États membres. Ce qui importe, c’est l’incidence de l’usage sur le marché intérieur ; plus exactement, la question de savoir si cet usage suffit pour maintenir ou créer des parts de marché sur ce marché, pour les produits ou services désignés par la marque et
s’il contribue à une présence commerciale significative des produits ou des services sur ce marché. Il importe peu que cet usage conduise à une réussite commerciale effective (conclusions de l’avocat général Sharpston dans l’affaire Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:422, point 50).

83 En l’espèce, eu égard, premièrement, au nombre considérable d’éléments de preuve produits par l’intervenante, deuxièmement, à la durée et à la fréquence de l’usage dont attestent ces documents, troisièmement, aux caractéristiques des produits pour lesquels cet usage a été démontré et aux canaux de distribution habituels, à savoir qu’il s’agit de produits relevant du domaine de la santé fournis notamment par des pharmacies et des hôpitaux et, quatrièmement, à l’importance de cet usage à la fois en
termes de volume de ventes et de chiffre d’affaires, il y a lieu de constater, à la lumière des principes posés dans l’arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken (C‑149/11, EU:C:2012:816), et synthétisés au point 80 ci-dessus, que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation lorsqu’elle a estimé, au point 22 de la décision attaquée, que l’intervenante avait démontré l’usage de la marque INDAS en Espagne et que, dans la mesure où il convenait de faire abstraction des frontières des
États membres, cet usage suffisait pour prouver l’usage dans l’Union.

84 En effet, il convient de considérer que l’usage d’une marque antérieure de l’Union européenne dans un État membre est susceptible de produire des effets sur le marché intérieur, en assurant, par exemple, la réputation des produits – de façon sensible sur le plan commercial – auprès d’acteurs d’un marché plus étendu que celui qui correspond au territoire où la marque est utilisée (conclusions de l’avocat général Sharpston dans l’affaire Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:422, point 54).

85 L’ensemble des éléments de preuve produits par l’intervenante atteste d’un usage suffisant pour maintenir ou créer des parts de marché sur le marché concerné et contribuer à une présence commerciale significative des produits, mentionnés au point 15 ci‑dessus, relevant de la classe 10 et visés par la marque antérieure de l’Union européenne. Par voie de conséquence, c’est également sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a conclu, au point 34 de la décision attaquée, que
l’usage sérieux de ladite marque avait été démontré pour ces produits.

86 Il y a donc lieu de rejeter le deuxième grief de la requérante, mentionné au point 44 ci-dessus.

[omissis]

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

  1) Le recours est rejeté.

  2) Intas Pharmaceuticals Ltd est condamnée aux dépens.

Gervasoni

Madise

  da Silva Passos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 novembre 2019.

Signatures

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.

( 1 ) Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.


Synthèse
Formation : Neuvième chambre
Numéro d'arrêt : T-380/18
Date de la décision : 07/11/2019
Type de recours : Recours en annulation - non fondé

Analyses

Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque verbale de l’Union européenne INTAS – Marques antérieures figuratives de l’Union européenne et nationale comportant l’élément verbal « indas » – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Similitude des signes et des produits – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Preuve de l’usage sérieux des marques antérieures – Article 47 du règlement 2017/1001.

Propriété intellectuelle, industrielle et commerciale

Marques


Parties
Demandeurs : Intas Pharmaceuticals Ltd
Défendeurs : Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Madise

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2019:782

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award