ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
16 octobre 2019 ( *1 )
« Fonction publique – Agents temporaires – Pensions – Modalités du régime de pension – Allocation de départ – Article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut – Principes d’égalité de traitement et de non-discrimination – Confiance légitime – Principe de bonne administration – Devoir de sollicitude »
Dans l’affaire T‑432/18,
Peeter Palo, ancien agent temporaire de l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol), demeurant à Tallinn (Estonie), représenté par Mes L. Levi et A. Blot, avocats,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par M. B. Mongin et Mme D. Milanowska, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de la Commission du 5 octobre 2017 de ne pas verser au requérant l’allocation de départ prévue par l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version issue du règlement (UE, Euratom) no 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, modifiant le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et le régime
applicable aux autres agents de l’Union européenne (JO 2013, L 287, p. 15), et à l’annulation de la décision de la Commission du 10 avril 2018 portant rejet de la réclamation introduite par le requérant à l’encontre de ladite décision et, d’autre part, à la réparation du préjudice matériel et moral que le requérant aurait prétendument subi à la suite de ces décisions,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre),
composé de MM. F. Schalin, faisant fonction de président, B. Berke et Mme M. J. Costeira (rapporteur), juges,
greffier : M. P. Cullen, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 6 mai 2019,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Le requérant, M. Peeter Palo, a été agent temporaire de l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol) du 1er décembre 2010 au 31 août 2017.
2 Le 19 juin 2017, le requérant a sollicité l’octroi d’une allocation de départ, en vertu de l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version issue du règlement (UE, Euratom) no 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, modifiant le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (JO 2013, L 287, p. 15, ci-après le « statut »). À cette fin, il a
déposé un formulaire, intitulé « Déclaration personnelle – Dérogation au titre de l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII [du statut] », dans lequel, d’une part, il déclarait avoir effectué, depuis son entrée en fonctions à Europol, des versements pour la constitution ou le maintien de ses droits à pension à un régime d’assurance privé et, d’autre part, il demandait que l’équivalent actuariel des droits à pension acquis auprès du régime de pension des institutions de l’Union européenne
(ci-après le « RPIUE ») lui fût versé directement sur son compte bancaire. Le requérant a joint audit formulaire une attestation délivrée par la société d’assurance privée concernée certifiant qu’il lui avait versé un montant de 14200 euros pour la période allant du 1er novembre 2010 au 31 août 2017. Le 19 septembre 2017, le requérant a indiqué à l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) de la Commission européenne qu’il avait conclu, le 1er décembre 2014, un autre contrat
d’assurance avec ladite société dont le montant des cotisations devait s’élever à 87460 euros.
3 Par décision du 5 octobre 2017, le PMO a rejeté la demande formulée par le requérant (ci-après la « décision attaquée »). Dans cette décision, le PMO a, notamment, indiqué que le but du système établi à l’article 12 de l’annexe VIII du statut était de privilégier la constitution d’une pension, en tant que revenu futur régulier, et d’éviter les situations dans lesquelles des personnes se retrouveraient sans revenu suffisant à l’âge de la retraite et devraient faire appel à l’assistance sociale des
États membres. Le PMO a, en outre, précisé que, dans cette optique, les versements à un régime de pension national ou à une assurance privée effectués, conformément à l’article 12, paragraphe 2, de cette annexe, « pour la constitution ou le maintien des droits à pension », devaient correspondre au montant des cotisations à payer auxquelles il y avait lieu de s’attendre dans le cadre d’un régime de pension national ou qui avaient effectivement été acquittées au RPIUE au cours de la même période, de
sorte que les revenus futurs garantis par ces versements devaient être en adéquation avec ceux garantis par le transfert des droits à pension acquis dans le RPIUE. À cet égard, le PMO a souligné que la somme des versements effectués à un régime d’assurance privé (14200 euros) n’était manifestement pas en adéquation avec le montant des cotisations acquittées au RPIUE (65334,95 euros), de sorte qu’elle ne pouvait en aucun cas procurer au requérant un revenu équivalant à celui qu’il aurait pu
percevoir sur le fondement de l’équivalent actuariel de ses droits à pension acquis dans le RPIUE. Le PMO a, enfin, rappelé que le requérant remplissait néanmoins les conditions pour un transfert vers un autre régime, au titre de l’article 12, paragraphe 1, sous b), de ladite annexe, ce qui impliquait que les droits à pension qu’il avait acquis auprès de l’Union durant sa période d’activité au sein d’Europol soient transférés à un régime de pension national ou à une assurance privée ou à un fonds
de pension de son choix, conformément aux conditions de cette dernière disposition.
4 Le 11 décembre 2017, le requérant a introduit une réclamation contre cette décision, conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut.
5 Par décision du 10 avril 2018, l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC ») de la Commission a rejeté cette réclamation. Dans cette décision, l’AHCC a, en substance, confirmé la décision attaquée, en reprenant essentiellement la même motivation que celle fournie par le PMO. L’AHCC a, en outre, considéré que le second contrat d’assurance conclu, le 1er décembre 2014, par le requérant ne pouvait pas être pris en compte aux fins de l’application de l’article 12,
paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, puisqu’il n’avait pas été souscrit « depuis son entrée en fonctions » à Europol. L’AHCC a, enfin, rejeté les allégations du requérant fondées sur le principe d’égalité de traitement, le principe de bonne administration et le principe de protection de la confiance légitime.
Procédure et conclusions des parties
6 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 juillet 2018, le requérant a introduit le présent recours.
7 Le mémoire en défense de la Commission a été déposé au greffe du Tribunal le 2 octobre 2018.
8 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– annuler la décision de rejet de la réclamation ;
– condamner la Commission à l’indemnisation du préjudice matériel subi ;
– condamner la Commission à l’indemnisation du préjudice moral subi ;
– condamner la Commission aux dépens.
9 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner le requérant aux dépens.
En droit
Sur les conclusions en annulation de la décision attaquée
10 À titre liminaire, il y a lieu de relever que le requérant conclut à l’annulation de la décision attaquée et de la décision de rejet de la réclamation. À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont, dans le cas où cette décision serait dépourvue de contenu autonome, pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée (arrêt du
17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8). La décision de rejet de la réclamation étant en l’espèce dépourvue de contenu autonome, le recours doit être regardé comme étant dirigé contre la décision attaquée.
11 Au soutien de ses conclusions en annulation dirigées contre la décision attaquée, le requérant soulève quatre moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut. Le deuxième moyen porte sur la violation du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination. Le troisième moyen concerne la violation du principe de protection de la confiance légitime. Le quatrième moyen est tiré d’une violation du principe de bonne administration et du
devoir de sollicitude.
Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut
12 Le requérant soutient qu’il était fondé à se prévaloir de l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, puisqu’il remplissait toutes les conditions d’application qui y sont énoncées. Il s’ensuivrait que, en lui refusant l’allocation de départ sollicitée, la décision attaquée violerait cette disposition.
13 En particulier, le requérant conteste le « critère de l’adéquation » invoqué par la Commission, selon lequel la couverture prévue par le régime de pension préexistant doit être au moins comparable à celle offerte par le RPIUE. Ce critère n’apparaîtrait nullement à l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, ce qui aurait été confirmé par le directeur exécutif d’Europol dans une lettre du 26 février 2018 adressée, notamment, au directeur général de la direction générale (DG)
« Ressources humaines et sécurité » de la Commission. En outre, ledit critère n’aurait aucunement été précisé ou quantifié par la Commission, ce qui empêcherait de le respecter.
14 Par ailleurs, le requérant fait valoir que, même si l’on admet que le « critère de l’adéquation » peut se déduire de l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut et qu’une interprétation téléologique de cette disposition exigerait que les cotisations versées à un régime de pension privé soient « en adéquation » avec celles versées au RPIUE « pour la constitution ou le maintien de ses droits à pension », ce qui ne serait pas le cas, la décision attaquée n’indique pas ce que devrait être
ce niveau d’adéquation, en violation des exigences de sécurité juridique. À cet égard, être « en adéquation » ne signifierait pas être « équivalent ». En conséquence, il y aurait lieu de considérer que les cotisations versées par le requérant à un régime d’assurance privé seraient en adéquation.
15 Selon le requérant, cette conclusion s’impose d’autant plus qu’il a conclu, en 2014, un autre contrat d’assurance avec la même société d’assurance privée dont le montant des cotisations s’élèverait à 87460 euros. À cet égard, le requérant reproche à la Commission de ne pas avoir pris en considération ce second contrat aux fins de l’application de l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, au motif que celui-ci n’avait pas été conclu « depuis son entrée en fonctions ». Or, le
requérant conteste cette interprétation et soutient que l’expression « depuis son entrée en fonctions » ne signifie pas nécessairement que le versement doit avoir lieu « dès la date d’entrée en fonctions », mais que ce dernier peut intervenir après cette entrée en fonctions. Le requérant considère que son double versement de cotisations effectué au même régime d’assurance privé de ladite société, pour un montant total des cotisations acquittées de 101660 euros, aurait dû être pris en compte dans
sa globalité par la Commission, de sorte que ces cotisations auraient dû être considérées comme « au moins comparables » à celles du RPIUE.
16 La Commission, quant à elle, réfute les arguments du requérant et conclut au rejet du premier moyen.
17 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe VIII du statut dispose ce qui suit :
« Le fonctionnaire qui cesse ses fonctions pour :
– entrer au service d’une administration, d’une organisation nationale ou internationale ayant conclu un accord avec l’Union,
– exercer une activité salariée ou non salariée au titre de laquelle il acquiert des droits à pension dans un régime dont les organismes gestionnaires ont conclu un accord avec l’Union,
a le droit de faire transférer l’équivalent actuariel, actualisé à la date de transfert effectif, de ses droits à pension d’ancienneté, qu’il a acquis à l’Union, à la caisse de pension de cette administration, de cette organisation, ou à la caisse auprès de laquelle le fonctionnaire acquiert des droits à pension d’ancienneté au titre de son activité salariée ou non salariée. »
18 L’article 12 de l’annexe VIII du statut est ainsi libellé :
« 1. Le fonctionnaire n’ayant pas l’âge de la retraite qui cesse définitivement ses fonctions pour une raison autre que le décès ou l’invalidité et qui ne peut bénéficier d’une pension d’ancienneté immédiate ou différée a droit, lors de son départ :
a) s’il a accompli moins d’un an de service, et pour autant qu’il n’ait pas bénéficié de l’application de l’article 11, paragraphe 2, [de l’annexe VIII du statut,] au versement d’une allocation de départ égale au triple des sommes retenues sur son traitement de base au titre de sa contribution à sa pension d’ancienneté, et déduction faite des montants éventuellement versés en application des articles 42 et 112 du régime applicable aux autres agents ;
b) dans les autres cas, à l’application des dispositions de l’article 11, paragraphe 1, [de l’annexe VIII du statut] ou au versement de l’équivalent actuariel à une assurance privée ou à un fonds de pension de son choix qui garantisse :
i) que l’intéressé ne pourra bénéficier d’un remboursement du capital ;
ii) que l’intéressé percevra une rente mensuelle au plus tôt à partir de l’âge de 60 ans et au plus tard à partir de l’âge de 66 ans ;
iii) que ses ayants droit bénéficieront des prestations de réversion ou de survie ;
iv) que le transfert vers une autre assurance ou un autre fonds ne sera autorisé qu’aux mêmes conditions que celles décrites aux points i), ii) et iii).
2. Par dérogation au paragraphe 1, [sous] b), le fonctionnaire n’ayant pas l’âge de la retraite qui, depuis son entrée en fonctions, a effectué des versements pour la constitution ou le maintien de ses droits à pension à un régime de pension national ou à une assurance privée ou à un fonds de pension de son choix qui remplit les conditions mentionnées au paragraphe 1, qui cesse définitivement ses fonctions pour une raison autre que le décès ou l’invalidité et qui ne peut bénéficier d’une
pension d’ancienneté immédiate ou différée a droit, lors de son départ, au versement d’une allocation de départ égale à l’équivalent actuariel de ses droits à pension acquis pendant son service dans les institutions. Dans ce cas, les montants versés pour la constitution ou le maintien de ses droits à pension dans le régime de pension national en application des articles 42 ou 112 du régime applicable aux autres agents sont déduits de l’allocation de départ.
[…] »
19 Il convient de relever que ces dispositions des articles 11 et 12 de l’annexe VIII du statut ont profondément été modifiées lors de la réforme du statut de 2004. En effet, par l’adoption du règlement (CE, Euratom) no 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (JO 2004, L 124, p. 1), le législateur de l’Union a particulièrement voulu, ainsi que cela ressort du considérant 32 de ce règlement, « modifier les règles
relatives à l’indemnité de départ pour tenir compte de la réglementation [de l’Union] en matière de portabilité des droits à pension [et, à] cet effet, […] corriger certaines incohérences et […] introduire plus de flexibilité ».
20 Les articles 11 et 12 de l’annexe VIII du statut sont devenus l’expression de cette volonté du législateur de l’Union. Ce dernier a ainsi limité les cas dans lesquels les agents n’ayant pas droit à une pension d’ancienneté du RPIUE, c’est-à-dire ceux n’ayant pas accompli au moins dix années de service, pouvaient recevoir une allocation de départ et a étendu la possibilité de transférer des droits à pension vers un autre régime de pension. Il ressort, en effet, de ces dispositions que la
portabilité des droits à pension aurait été établie comme étant la règle et l’allocation de départ serait devenue un mécanisme dérogatoire et exceptionnel auquel s’appliquent des conditions strictes.
21 Le but de ce système promouvant la portabilité des droits à pension, établi aux articles 11 et 12 de l’annexe VIII du statut, est de privilégier la constitution d’une pension d’ancienneté, c’est-à-dire un revenu régulier ou une rente mensuelle à percevoir ultérieurement lors de la retraite. Cela éviterait ainsi les situations dans lesquelles des anciens agents se trouveraient sans revenus suffisants à l’âge de la retraite et seraient contraints de recourir à l’aide sociale des États membres, et
ce malgré le fait qu’ils ont acquis des droits à pension durant leur affiliation au régime de pension concerné.
22 En outre, le système de transfert des droits à pension, tel que prévu par les dispositions susmentionnées, en permettant une coordination entre le RPIUE et les régimes nationaux ou privés, vise à faciliter le passage entre l’administration de l’Union et des emplois nationaux, publics ou privés (voir, en ce sens, arrêt du 13 octobre 2015, Commission/Verile et Gjergji, T‑104/14 P, EU:T:2015:776, point 77 et jurisprudence citée). De même, afin de maintenir l’attractivité des institutions de l’Union
comme futur employeur, l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut offre à un agent, par dérogation à l’article 12, paragraphe 1, sous b), de cette annexe, et sous certaines conditions strictes, la possibilité d’acquérir ou de continuer d’acquérir des droits auprès d’un autre régime de pension national ou privé existant ou préexistant, c’est-à-dire en s’y affiliant ou en y restant affilié et en y versant ou en continuant d’y verser des contributions, tout en lui permettant, lors de la
cessation de ses fonctions, de recevoir le versement, en espèces, d’une allocation de départ égale à l’équivalent actuariel de ses droits à pension acquis dans le RPIUE.
23 À cet égard, il convient de rappeler que l’allocation de départ, visée à l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, ne constitue pas une indemnité de fin d’engagement à laquelle l’agent concerné aurait droit, d’office, au moment de la résiliation ou de l’expiration de son contrat, mais une mesure pécuniaire s’inscrivant dans le cadre de dispositions statutaires en matière de sécurité sociale (arrêt du 2 mars 2016, FX/Commission, F‑59/15, EU:F:2016:27, point 32). Relevant des
dispositions du droit de l’Union qui donnent droit à des prestations financières, cette disposition doit être interprétée strictement (voir arrêt du 22 mai 2012, AU/Commission, F‑109/10, EU:F:2012:66, point 24 et jurisprudence citée). De plus, ainsi qu’il ressort des termes mêmes de ladite disposition, selon laquelle cette dernière s’applique « par dérogation » à l’article 12, paragraphe 1, sous b), de cette annexe, celle-ci doit faire l’objet d’une interprétation stricte.
24 Il ressort du libellé de l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut que les versements au régime de pension national ou privé choisi par l’agent doivent être effectués « pour la constitution ou le maintien de ses droits à pension ». Cette disposition exige donc, afin d’éviter les situations dans lesquelles un agent se trouverait sans revenus suffisants à l’âge de la retraite et serait contraint de recourir à l’aide sociale des États membres, nonobstant l’acquisition de droits au sein
du RPIUE pouvant être transférés vers un autre régime, que ces versements garantissent à l’agent une pension d’ancienneté, c’est-à-dire une rente mensuelle qu’il percevra à l’âge de la retraite.
25 Il s’ensuit qu’une interprétation stricte de l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut exige que les versements effectués au régime de pension national ou privé choisi par l’agent doivent être en mesure de lui assurer, en tant que tels, des droits à pension suffisants à l’âge de la retraite. En effet, si ces versements n’étaient pas de nature à garantir des revenus suffisants à l’agent concerné à l’âge de sa retraite et que ce dernier avait dilapidé à cet âge l’allocation de départ
perçue préalablement en vertu de cette disposition, il serait probablement contraint de recourir à l’aide sociale des États membres, ce qui contreviendrait à ladite disposition, laquelle requiert que lesdits versements doivent être effectués « pour la constitution ou le maintien de ses droits à pension ».
26 Or, si l’agent concerné opte pour le transfert de ses droits à pension acquis dans le RPIUE vers un autre régime national ou privé de son choix, en application de l’article 12, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VIII du statut, il bénéficiera de droits à pension suffisants à l’âge de la retraite. En effet, ce transfert lui garantira à cet âge une rente mensuelle de nature à éviter de recourir à l’aide sociale des États membres.
27 Dès lors, l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut présuppose nécessairement que les versements effectués, au titre de cette disposition, au régime de pension national ou privé concerné offrent, en tant que tels, à l’agent une couverture suffisante à l’âge de la retraite, lui assurant une pension d’ancienneté qui exclut tout recours à l’aide sociale des États membres.
28 Afin de déterminer si ces versements, au titre de l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, sont de nature à garantir une pension d’ancienneté qui exclut tout recours à l’aide sociale des États membres, il convient de procéder à une appréciation au cas par cas. Cette appréciation implique que soient pris en considération les éléments factuels pertinents propres au cas d’espèce tels que, notamment, la nature de l’assurance pension en cause, le montant des versements effectués à ce
titre par l’agent concerné depuis son entrée en fonctions ou les revenus raisonnablement prévisibles susceptibles d’être générés par ces versements et d’être perçus à l’âge de la retraite.
29 En l’espèce, il ressort du dossier (annexe A.2 de la requête) que les versements effectués par le requérant à la société d’assurance privée concernée, depuis son entrée en fonctions à Europol, s’élevaient à un montant total de 14200 euros à la date du 31 août 2017, c’est-à-dire à la date de la cessation de ses fonctions. En outre, il convient de relever que, ainsi que cela a été indiqué par le requérant lors de l’audience, sans pour autant avoir étayé cette indication par un quelconque élément de
preuve, ce montant représenterait, à la date de cette audience, un capital de 22000 euros, auquel devraient progressivement s’ajouter les intérêts produits par ce capital, à tout le moins, jusqu’à l’âge à partir duquel le requérant percevrait une rente mensuelle au sens de l’article 12, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VIII du statut, c’est-à-dire, au plus tôt, pendant encore dix ans.
30 Or, eu égard aux éléments du dossier et, tout particulièrement, à ceux mentionnés au point 28 ci-dessus, force est de constater que les versements effectués par le requérant à la société d’assurance privée concernée depuis son entrée en fonctions ne sont manifestement pas propres à lui assurer une pension d’ancienneté satisfaisante qui exclut tout recours à l’aide sociale des États membres. En effet, le montant total de 14200 euros versé par le requérant dans le cadre du premier contrat conclu
avec ladite société ne saurait certainement pas lui assurer une telle pension d’ancienneté. En tout état de cause, le requérant n’a pas démontré que lesdits versements lui garantiraient ladite pension d’ancienneté.
31 Par ailleurs, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel la Commission aurait dû prendre en considération le second contrat conclu, en 2014, avec la société d’assurance aux fins de l’application de l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, il importe de relever que cette disposition exige expressément que les versements concernés doivent être effectués par l’agent « depuis son entrée en fonctions ». Or, en l’espèce, force est de constater que le requérant est entré en
fonctions auprès d’Europol le 1er décembre 2010 et que les versements relatifs à ce second contrat ont été effectués à partir de décembre 2014, soit près de quatre ans après cette entrée en fonctions sur une période d’activité totale au sein d’Europol de six ans et neuf mois. En conséquence, ces versements ne sauraient aucunement être considérés comme ayant été effectués « depuis son entrée en fonctions ».
32 Dès lors, il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, en lui refusant l’allocation de départ sollicitée, la décision attaquée n’a pas violé l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut. Partant, le premier moyen doit être rejeté.
Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination
33 Le requérant soutient que la décision attaquée a violé le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination. Il invoque la jurisprudence constante de l’Union à cet égard ainsi que l’article 1er quinquies du statut, qui contiendrait, d’une part, une règle de fond, laquelle serait l’expression d’un principe général du droit inscrit dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et, d’autre part, une garantie procédurale prévoyant que l’obligation de rapporter la preuve ne
pèserait pas sur la personne ayant présenté un commencement de preuve.
34 En particulier, s’appuyant sur une série de documents (annexe A.8 de la requête), le requérant fait valoir que plusieurs anciens agents d’Europol ont obtenu une allocation de départ, au titre de l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, après la fin de leur contrat avec Europol, alors qu’ils n’avaient versé qu’une cotisation limitée à un régime de pension privé. Le requérant indique ainsi avoir connaissance de cas concrets dans lesquels ces anciens agents se sont vu octroyer ladite
allocation, alors qu’ils étaient dans une situation comparable à la sienne, à savoir des cas où les cotisations à un tel régime ont pu, selon l’interprétation retenue par la Commission dans la décision attaquée, être considérées comme n’étant pas « en adéquation » avec les droits accumulés dans le RPIUE.
35 La Commission, quant à elle, réfute les arguments du requérant et conclut au rejet du deuxième moyen.
36 À cet égard, il convient de relever, en premier lieu, que l’article 1er quinquies du statut ne saurait trouver application en l’espèce. En effet, cette disposition interdit toute discrimination, telle qu’une discrimination fondée sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un
handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle. Or, cela n’est manifestement pas le cas en l’espèce, dès lors que le requérant n’invoque pas de telles discriminations, mais le cas de plusieurs anciens agents d’Europol ayant obtenu une allocation de départ, alors qu’ils seraient dans une situation comparable à la sienne.
37 Il importe, en second lieu, de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêts du 9 octobre 2008, Chetcuti/Commission, C‑16/07 P, EU:C:2008:549, point 40, et du 9 février 1994, Lacruz Bassols/Cour de justice,
T‑109/92, EU:T:1994:16, point 87).
38 Toutefois, il résulte d’une jurisprudence constante que le principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le respect de la légalité, selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui (voir arrêt du 4 juillet 1985, Williams/Cour des comptes, 134/84, EU:C:1985:297, point 14 et jurisprudence citée). En effet, une éventuelle illégalité commise à l’égard d’un autre agent, qui n’est pas partie à la présente procédure, ne peut amener le juge de l’Union à
constater une discrimination et, partant, une illégalité à l’égard du requérant. Une telle approche équivaudrait à consacrer le principe de « l’égalité de traitement dans l’illégalité » (voir, en ce sens, arrêt du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T‑120/04, EU:T:2006:350, point 77).
39 Il en résulte que le requérant ne saurait revendiquer que l’octroi à son profit d’une allocation de départ doive être soumis au même traitement que celui déjà accordé à d’autres agents dans une situation comparable à la sienne, lorsque ce traitement n’est pas conforme aux dispositions statutaires pertinentes, à savoir, en l’espèce, celles de l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, ainsi que cela ressort de l’examen développé dans le cadre du premier moyen.
40 Dès lors, le deuxième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination par rapport à d’autres agents, doit être écarté.
Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime
41 Le requérant soutient que la décision attaquée a violé le principe de protection de la confiance légitime. Il considère avoir été légitimement porté à croire, à partir de sources autorisées et de façon récurrente, qu’il pourrait recourir à l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut lorsqu’il quitterait Europol.
42 En particulier, le requérant fait valoir que, conformément à la jurisprudence, il a reçu des assurances précises sous la forme de renseignements précis, inconditionnels et concordants, émanant de sources autorisées et fiables, que, en constituant une pension privée par le versement d’une cotisation minimale de 50 euros par mois, il recevrait une allocation de départ au moment où il cesserait ses fonctions. À cet égard, le requérant cite une communication interne d’Europol datée du 16 juillet 2014
(annexe A.7 de la requête), selon laquelle cette dernière aurait informé ses agents que le fait de cotiser au fonds d’assurance de la société d’assurance privée concernée à hauteur de 50 euros par mois était suffisant pour percevoir l’allocation de départ. Ces mêmes informations auraient été communiquées lors d’une présentation « Powerpoint » (annexe A.9 de la requête), effectuée par cette société le 30 août 2010, devant le personnel d’Europol dans les locaux de cette dernière. D’autres échanges
intervenus en 2010 entre Europol et ladite société montreraient également que les agents d’Europol auraient constitué leur compte privé de pension dans la perspective de recevoir l’allocation de départ à la fin de leur contrat (annexe A.10 de la requête) et que le versement d’un montant de 600 euros par an ou d’un montant de 50 euros par mois aurait été suffisant pour obtenir cette allocation (annexe A.11 de la requête).
43 Par ailleurs, le requérant évoque une lettre du 26 février 2018 émanant du directeur exécutif d’Europol (annexe A.6 de la requête). Dans cette lettre, ce dernier aurait considéré que la mise en œuvre de l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut aurait changé depuis septembre 2017, estimant que la confiance légitime du personnel devrait, dans la mesure du possible, être respectée et que les conditions de cette mise en œuvre ne devraient pas être modifiées de façon rétroactive.
44 La Commission, quant à elle, réfute les arguments du requérant et conclut au rejet du troisième moyen.
45 À cet égard, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que le principe de protection de la confiance légitime, lequel s’inscrit parmi les principes fondamentaux du droit de l’Union européenne (voir arrêt du 5 mai 1981, Dürbeck, 112/80, EU:C:1981:94, point 48 et jurisprudence citée), implique que tout fonctionnaire ou agent a le droit de se prévaloir de ce principe lorsqu’il se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union, en lui fournissant
des assurances précises, a fait naître à son égard des espérances fondées (voir arrêt du 16 décembre 2010, Kahla Thüringen Porzellan/Commission, C‑537/08 P, EU:C:2010:769, point 63 et jurisprudence citée).
46 Selon une jurisprudence constante, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration de l’Union. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données
doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 27 janvier 2016, Montagut Viladot/Commission, T‑696/14 P, EU:T:2016:30, point 43 et jurisprudence citée).
47 En l’espèce, premièrement, s’agissant de la communication interne d’Europol datée du 16 juillet 2014, figurant à l’annexe A.7 de la requête, il convient de relever qu’il n’est pas contesté que cette communication, signée par un agent d’Europol, relevant du service « G 14 Public Relations & Events » (« G 14 relations avec le public et évènements »), a été diffusée, par courrier électronique, au nom d’Europol, à l’ensemble des agents temporaires et contractuels en fonctions à Europol, dont faisait
partie le requérant à ladite date.
48 Toutefois, il importe de constater que la communication interne d’Europol datée du 16 juillet 2014 ne saurait avoir fait naître à l’égard du requérant des espérances fondées susceptibles de lui permettre de revendiquer la protection de la confiance légitime. En effet, cette communication semble difficilement apporter des assurances précises, inconditionnelles et, encore moins, concordantes. Ladite communication ne paraît pas non plus émaner d’une source entièrement fiable. Elle semble plutôt
avoir été diffusée sur proposition de la société d’assurance privée concernée, comme cela ressort de plusieurs passages de celle-ci, tels que celui, en caractère gras, indiquant l’expression « nous avons été informés par [la société d’assurance privée concernée] que », celui plus bas mentionnant l’expression « nous aimerions également attirer l’attention sur le fait [que la société d’assurance privée concernée] m’a fait savoir, afin de divulguer ce message à tous les clients existants ou
potentiels, que », et enfin celui, en toute fin de communication, proposant de contacter directement la société d’assurance privée concernée, dont l’adresse électronique était renseignée, pour toute question liée à cette communication. De plus, le requérant ne pouvait ignorer qu’un versement mensuel de 50 euros au minimum ne saurait créer les conditions pour l’obtention de droits à pension appropriés, en attesterait d’ailleurs le fait qu’il a estimé nécessaire de compléter les versements initiaux
par un second contrat, conclu en 2014. Ses espérances de pouvoir obtenir l’allocation de départ ne pouvaient donc pas lui paraître « fondées ».
49 Par ailleurs, il convient également de relever que les éventuelles assurances fournies dans la communication interne d’Europol datée du 16 juillet 2014 ne sont pas conformes aux normes applicables à l’agent concerné. En effet, il ressort des considérations exposées dans le cadre du premier moyen que les éventuelles assurances reçues par le requérant quant au versement d’une allocation de départ n’étaient, en tout état de cause, conformes ni à la lettre ni à l’esprit de l’article 12, paragraphe 2,
de l’annexe VIII du statut. À cet égard, il convient de souligner que le requérant ne saurait utilement prétendre obtenir un résultat différent de celui qui découle de l’application de cette disposition (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2018, Winkler/Commission, T‑369/17, non publié, EU:T:2018:334, point 71).
50 Deuxièmement, s’agissant de la présentation « Powerpoint » effectuée par la société d’assurance privée concernée le 30 août 2010, il convient de constater que, bien qu’ayant eu lieu devant le personnel d’Europol dans les locaux de cette dernière, cette présentation n’émane pas d’une source autorisée et fiable. En effet, pour pouvoir invoquer la protection de la confiance légitime, les prétendues assurances doivent avoir été fournies à l’intéressé, à tout le moins, par l’administration de l’Union.
Or, tel n’est pas le cas de ladite présentation, de sorte qu’elle ne saurait avoir fait naître à l’égard du requérant des espérances fondées, au sens de la jurisprudence précitée.
51 Troisièmement, s’agissant des autres échanges intervenus d’avril à juillet 2010 entre Europol et la société d’assurance privée concernée, figurant aux annexes A.10 et A.11 de la requête, il convient de constater que ces échanges ne s’adressaient pas au requérant, de sorte que ceux-ci n’ont pu faire naître une attente légitime dans son esprit. En effet, le requérant n’était pas le destinataire desdits échanges, lesquels consistaient en des messages envoyés, par courriels, entre le personnel
d’Europol chargé des droits à pension et des responsables de la société d’assurance privée concernée. En tout état de cause, il y a lieu de constater que le requérant n’apporte pas la preuve qu’il a eu connaissance des échanges en cause antérieurement, à tout le moins, à la décision attaquée.
52 Quatrièmement, s’agissant de la lettre du 26 février 2018 émanant du directeur exécutif d’Europol, figurant à l’annexe A.6 de la requête, cette lettre n’a nullement pu faire naître à l’égard du requérant des espérances fondées de pouvoir obtenir l’allocation de départ sollicitée. En effet, ladite lettre est intervenue postérieurement à la décision attaquée et n’émane pas d’une source autorisée et fiable en l’espèce, mais du supérieur hiérarchique du requérant, qui s’adresse précisément aux
personnes compétentes au sein de la Commission chargées de l’application de l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, à savoir principalement le directeur du PMO et le directeur général de la DG « Ressources humaines et sécurité ».
53 Il s’ensuit que le troisième moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime, devrait être rejeté.
Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude
54 Le requérant soutient que la décision attaquée a violé le principe de bonne administration et le devoir de sollicitude.
55 Premièrement, le requérant considère que, s’il avait été correctement entendu, la décision attaquée aurait été différente. En effet, il aurait notamment pu expliquer avoir reçu des assurances qu’une cotisation mensuelle de 50 euros à un régime de pension privé suffirait pour obtenir une allocation de départ.
56 Deuxièmement, le requérant reproche au PMO de ne pas avoir également transmis aux anciens agents d’Europol, dont il relève, le texte d’une communication, relative à l’application de l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, adressée aux agents d’Europol en novembre 2017. En outre, le refus de lui fournir la raison pour laquelle cela n’aurait pas été fait constituerait une preuve supplémentaire de la violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude.
57 Troisièmement, le manquement au devoir de sollicitude serait démontré par le fait que le PMO se serait totalement abstenu, dans la décision attaquée, de déterminer les droits à pension garantis du requérant ou tout autre revenu dont celui-ci bénéficierait à l’âge de la retraite. Ce manquement ressortirait, par ailleurs, de la décision de refus d’accorder une allocation de départ, adoptée par la Commission, le 30 avril 2018, concernant un autre ancien agent d’Europol, laquelle comporterait presque
le même texte que celui concernant le requérant, mais dans laquelle la Commission aurait admis clairement que cet agent percevrait une retraite nationale.
58 Quatrièmement, le requérant reproche au PMO de ne l’avoir informé du refus d’octroi de l’allocation de départ, sur le fondement des conditions qu’il avait pourtant remplies de bonne foi, qu’à la date du 5 octobre 2017, c’est-à-dire lorsque son contrat avait déjà pris fin. Or, à cette date, même en décidant de respecter les nouvelles exigences du PMO, il lui aurait été impossible de remédier à sa situation personnelle de manière rétroactive.
59 La Commission, quant à elle, réfute les arguments du requérant et conclut au rejet du quatrième moyen.
60 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le devoir de sollicitude reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public. Cet équilibre implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de
l’intérêt du service, mais aussi, notamment, de celui du fonctionnaire concerné. Cette dernière obligation est imposée à l’administration également par le principe de bonne administration consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux (voir arrêt du 13 décembre 2018, UP/Commission, T‑706/17, non publié, EU:T:2018:924, point 59 et jurisprudence citée).
61 Toutefois, la protection des droits et des intérêts des fonctionnaires doit toujours trouver sa limite dans le respect des normes en vigueur (voir arrêt du 5 décembre 2006, Angelidis/Parlement, T‑416/03, EU:T:2006:375, point 117 et jurisprudence citée).
62 Il s’ensuit que le principe de bonne administration et le devoir de sollicitude ne sauraient utilement être invoqués par le requérant pour contrevenir au respect des dispositions de l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut. Or, il résulte de l’examen du premier moyen que c’est à bon droit que la Commission a fondé la décision attaquée sur lesdites dispositions.
63 Par ailleurs, en ce qui concerne les arguments avancés par le requérant dans le cadre du quatrième moyen, il convient de répondre ce qui suit.
64 Premièrement, il convient de constater que la procédure administrative pertinente au sein de la Commission a été entièrement et régulièrement respectée. En effet, le requérant a, d’abord, introduit sa demande d’allocation de départ au titre de l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut. À cet égard, le requérant a eu la possibilité de fournir tous les renseignements qu’il estimait être utiles. Ensuite, conformément à l’article 90, paragraphe 1, du statut, le PMO a rendu sa décision
sur le fondement de l’ensemble des éléments communiqués par le requérant. Puis, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, le requérant a déposé une réclamation auprès de l’AHCC, dans laquelle il a pu expliquer les raisons pour lesquelles il estimait pouvoir obtenir ladite allocation et apporter également tous les éléments qu’il lui paraissait utiles. Enfin, la Commission a adopté sa décision en prenant en considération l’ensemble des éléments susceptibles de déterminer celle-ci,
notamment ceux apportés par le requérant dans le cadre de cette procédure. En conséquence, le requérant ne saurait reprocher à la Commission de ne pas avoir correctement été entendu.
65 Deuxièmement, il convient de constater que la communication de novembre 2017, relative à l’application de l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, a été envoyée par le PMO à Europol afin que cette dernière la transmette aux personnes concernées. Europol a, ensuite, adressé cette communication à ses agents en fonctions. Il y a lieu de relever que la Commission n’était pas tenue de transmettre ladite communication aux anciens agents ayant cessé définitivement leurs fonctions, dès
lors que celle-ci n’aurait rien changé à leur situation. De plus, pour les mêmes motifs, la Commission n’était pas, non plus, tenue de fournir au requérant la raison pour laquelle la communication susmentionnée n’avait pas été adressée aux anciens agents d’Europol. En tout état de cause, il importe de souligner que ce comportement administratif n’est pas de nature à entacher la légalité de la décision attaquée, laquelle a été adoptée avant ladite communication et en conformité avec les
dispositions de l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, ainsi que cela ressort de l’examen du premier moyen. Dès lors, le requérant ne saurait se prévaloir à cet égard d’une éventuelle violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude.
66 Troisièmement, s’agissant du prétendu manquement au devoir de sollicitude, il convient de constater que le requérant ne démontre pas que la Commission n’a pas pris en considération l’ensemble des éléments pertinents susceptibles de déterminer sa décision. De même, le requérant n’a pas établi que la Commission avait omis de tenir compte de ses intérêts lors du traitement de sa demande d’allocation de départ. En tout état de cause, il convient de constater que, tout en veillant à la protection de
l’intérêt du service et de celui du requérant, la Commission a rendu sa décision sur le fondement de l’ensemble des éléments pertinents susceptibles de déterminer celle-ci. En conséquence, le requérant ne saurait reprocher à la Commission d’avoir manqué à son devoir de sollicitude.
67 Quatrièmement, s’agissant du grief invoqué par le requérant selon lequel le refus de l’octroi de l’allocation de départ ne lui aurait été communiqué qu’après la cessation de ses fonctions au sein d’Europol, il convient de relever que la Commission n’aurait pas pu faire autrement et qu’il ne saurait lui être reproché aucune faute à cet égard. En effet, la Commission n’a eu connaissance de la situation personnelle du requérant, à savoir sa participation depuis son entrée en fonctions en 2010 à un
contrat d’assurance pension privée dont les versements étaient limités, que lorsque celui-ci a, en date du 19 juin 2017, introduit une demande d’allocation de départ, au titre de l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut. À cet égard, il convient de souligner, à l’instar de la Commission, que le requérant n’a subi aucun préjudice, dès lors que les contributions versées au RPIUE pourront être transférées vers le régime de pension du requérant, au titre de l’article 12, paragraphe 1,
sous b), de l’annexe VIII du statut. Il s’ensuit que ledit grief doit être écarté.
68 En conséquence, le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude, doit être rejeté et, partant, les conclusions en annulation dans leur intégralité.
Sur les conclusions indemnitaires
69 Le requérant demande au Tribunal de condamner la Commission à la réparation du préjudice matériel et moral qui lui a été causé par les illégalités exposées dans les conclusions en annulation du présent recours. À cet égard, le requérant réclame le paiement, d’une part, d’une somme de 42737 euros en réparation du préjudice matériel et, d’autre part, d’une somme de 10000 euros, évaluée provisoirement, ex æquo et bono, en réparation du préjudice moral.
70 En particulier, en ce qui concerne le préjudice matériel, le requérant soutient que ce dernier doit, en principe, être réparé par l’annulation de la décision attaquée et par l’application de l’article 12, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut. Dans l’hypothèse où il serait considéré que cette disposition ne serait pas applicable, ce que le requérant conteste, ledit préjudice résiderait dans son incapacité à accéder à ses fonds auprès de la société d’assurance privée concernée ou auprès du
RPIUE, à savoir la somme de 213687 euros représentant l’équivalent actuariel de ses droits à pension acquis dans ce dernier régime. Le requérant ayant l’intention de réinvestir cette somme à titre privé jusqu’à l’âge de sa retraite, son préjudice financier serait constitué d’un pourcentage de ladite somme. Les investissements privés du requérant générant, en moyenne, à son profit un revenu annuel de 15 à 25 %, sa perte annuelle pourrait, dès lors, s’établir à environ 20 % de 213687 euros, soit
42737 euros.
71 En ce qui concerne le préjudice moral, le requérant fait valoir que ce dernier découle du traitement injuste et récurrent qui lui a causé un stress important, lequel s’est traduit par de nombreuses nuits d’insomnie et du désarroi. L’incertitude ressentie par le requérant aurait été source d’un profond sentiment d’injustice, alors que les règles seraient claires, à l’instar de la position antérieure et répétée d’Europol, du PMO et de la société d’assurance privée concernée. Ayant été dans
l’incapacité de se concentrer pleinement sur la recherche d’un nouvel emploi après la fin de son contrat avec Europol, le requérant se retrouverait pour la première fois sans emploi, ce qui aggraverait son préjudice moral. Ce dernier devrait, au final, être évalué provisoirement, ex æquo et bono, à 10000 euros.
72 La Commission, quant à elle, réfute les arguments du requérant et conclut au rejet de la demande indemnitaire.
73 À cet égard, conformément à une jurisprudence constante en matière de fonction publique, si une demande en indemnité présente un lien étroit avec une demande en annulation, le rejet de cette dernière soit comme irrecevable, soit comme non fondée, entraîne également le rejet de la demande indemnitaire (voir arrêt du 30 septembre 2003, Martínez Valls/Parlement, T‑214/02, EU:T:2003:254, point 43 et jurisprudence citée).
74 En l’espèce, les conclusions en indemnité présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation.
75 Les conclusions en annulation ayant été rejetées, les conclusions en indemnité doivent l’être également.
76 Il découle de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.
Sur les dépens
77 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) M. Peeter Palo est condamné aux dépens.
Schalin
Berke
Costeira
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 octobre 2019.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.